ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
27 juin 2000 ( *1 )
«Fonctionnaires — Acte faisant grief — Acte confirmatif — Irrecevabilité»
Dans l'affaire T-608/97,
Onno Plug, ancien agent temporaire de la Commission, demeurant à Thônex (Suisse), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Lévi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et J. Currall, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision contenue dans la lettre de la Commission du 14 janvier 1997 et, pour autant que de besoin, de la décision du 12 septembre 1997 de rejet de la réclamation du 16 avril 1997,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,
greffier: M. H. Jung,
rend la présente
Ordonnance
Faits à l'orìgine du litige
1 Le requérant est entré au service de la Commission le 23 mai 1977.
2 Au début de l'année 1984, le requérant a présenté une demande de reconnaissance d'invalidité pour cause de maladie professionnelle sur la base de l'article 78, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).
3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 1989, M. Plug a introduit un recours, inscrit sous le numéro T-165/89, visant, d'une part, à l'annulation de la décision de la Commission, du 25 avril 1989, de clore le dossier relatif à sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle et, d'autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral subi.
4 Par arrêt du 27 février 1992, Plug/Commission (T-165/89, Rec. p. II-367), le Tribunal, ayant jugé fondé le recours du requérant, a annulé la décision de la Commission du 25 avril 1989 et a condamné cette dernière à verser au requérant une indemnité de 600000 francs belges (BEF). Le Tribunal a jugé que, en subordonnant l'instruction de la procédure visée à l'article 78, deuxième alinéa, du statut à l'épuisement préalable de la procédure prévue par l'article 73 du statut, la Commission avait méconnu
les dispositions dudit article 78.
5 Par décision du 3 août 1992, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie du requérant, a décidé de lui accorder une pension d'invalidité en fixant son montant conformément aux dispositions de l'article 33, paragraphe 1, deuxième alinéa, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes. Du fait de cette décision, sa pension a été majorée avec effet rétroactif au 1er janvier 1985 et a été fixée, à partir du
1er août 1992, à 11507,54 francs suisses (CHF). Les arriérés de pension, augmentés des intérêts de retard pour la période allant du 1er juin 1986 au 31 juillet 1992, soit un total de 418084,85 CHF, lui ont été octroyés.
6 Par lettre du 22 février 1996, le requérant a adressé à la Commission une demande, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, visant à ce que la Commission prenne «la décision prévue à l'article 19 de la réglementation relative à la couverture [des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes], sans demander encore une nouvelle expertise médicale» et, par conséquent, achève «la procédure visée à l'article 73 du statut sur la base du
dossier médical constitué [...] par les expertises médicales concordantes [précédentes]». Cette demande a fait l'objet d'un rejet implicite.
7 Le 9 septembre 1996, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, à l'encontre de la décision implicite de rejet de la demande du 22 février 1996. Cette réclamation tendait à ce que la Commission annule cette décision implicite et prenne les décisions prévues à l'article 19 de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation de
couverture»), sans solliciter de nouveaux rapports d'expertise médicale.
8 Par lettre du 27 novembre 1996, le directeur général du personnel et de l'administration a répondu à la réclamation du 9 septembre 1996. En annexe à la lettre, ce dernier a fait parvenir au requérant le projet de décision du 27 novembre 1996, conformément à l'article 21 de la réglementation de couverture, et les conclusions déposées par le médecin désigné par l'institution.
9 Par lettre du 6 décembre 1996, le requérant a précisé au directeur général du personnel et l'administration que, compte tenu des nombreuses irrégularités évoquées dans sa réclamation du 9 septembre 1996, il ne voyait pas d'autre issue que de saisir une nouvelle fois le Tribunal.
10 Par lettre du 14 janvier 1997, le directeur général a informé le requérant qu'il prenait note de la position exprimée par celui-ci dans la lettre du 6 décembre 1996; il lui a rappelé à nouveau la possibilité, toujours valable, de saisir la commission médicale en application de l'article 21 de la réglementation de couverture et lui a demandé de lui faire savoir s'il envisageait de le faire.
11 Par lettre du 22 janvier 1997, le requérant a écrit à l'AIPN en vue de réaffirmer, au regard de l'irrégularité du projet de décision notifiée par cette dernière, sa position constante quant à la tenue d'une nouvelle expertise.
12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 1997, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro T-47/97, à l'encontre de la décision du 27 novembre 1996.
13 Par lettre du 16 avril 1997, le requérant a déposé une réclamation au titre de article 90, paragraphe 2 du statut, ayant pour objet l'annulation de la décision de l'AIPN contenue dans la lettre du 14 janvier 1997 et «l'établissement de la décision visée par l'article 19 de la réglementation de couverture sur la seule base des rapports médicaux figurant dans [son] dossier médical en l'état à l'époque du prononcé de l'arrêt T-165/89».
14 Par lettre du 12 septembre 1997, la Commission a notifié au requérant sa décision de rejet de la réclamation du 16 avril 1997.
Procédure et conclusions des parties
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 1997, M. Plug a introduit le présent recours à l'encontre de la décision du 14 janvier 1997.
16 Le 3 juin 1998, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a posé à la Commission deux questions auxquelles celle-ci a répondu par lettre déposée au greffe du Tribunal le 18 juin 1998.
17 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision contenue dans la lettre de l'AIPN du 14 janvier 1997 et, pour autant que de besoin, la décision du 12 septembre 1997 portant rejet de la réclamation;
— condamner la Commission à l'ensemble des dépens.
18 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— rejeter le recours comme irrecevable pour partie et, en tout état de cause, non fondé en tous points;
— statuer sur les dépens comme de droit.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
19 La Commission considère que l'acte attaqué, à savoir la lettre du 14 janvier 1997, n'est pas un acte faisant grief au requérant en ce qu'il se limite à confirmer les termes de sa lettre du 27 novembre 1996, qui fait l'objet du litige dans l'affaire T-47/97. Elle considère que cela résulte des termes mêmes de la lettre du 14 janvier 1997 et affirme que le requérant ne peut pas soutenir qu'un acte qui ne fait pas grief peut néanmoins le faire selon l'attitude subjective du destinataire. Une telle
approche serait incompatible avec le principe selon lequel la qualification des actes attaqués au regard de la recevabilité du recours relève exclusivement du Tribunal et n'est pas à la disposition des parties.
20 Le requérant fait valoir que l'acte attaqué constitue bien un acte faisant grief, dans la mesure où, par cet acte, la Commission se prononce définitivement sur les questions en présence, lui offrant comme seule alternative soit d'accepter le projet de décision du 27 novembre 1996, soit de le contester par la saisine de la commission médicale. Or, le requérant précise qu'il n'a pu souscrire à aucune des branches de cette alternative parce qu'il conteste les conditions dans lesquelles ce projet de
décision a été établi et, en particulier, le fait qu'il repose sur l'avis de nouveaux experts médicaux. Il ajoute que l'objet des deux recours n'est pas identique car ces recours reposent sur des actes différents et font suite à des procédures pré-contentieuses différentes, même s'ils reposent sur des griefs similaires.
Appréciation du Tribunal
21 Aux termes de l'article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l'article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment examiner d'office les fins de non-recevoir d'ordre public. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces produites et par les explications fournies par les parties pendant la procédure écrite pour statuer sur le présent recours sans ouvrir la procédure orale.
22 Il ressort de la jurisprudence qu'une réclamation administrative et le recours judiciaire qui en découle doivent tous deux être dirigés contre un «acte faisant grief» au requérant au sens des articles 90, paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, du statut, l'acte faisant grief étant celui qui affecte directement et immédiatement la situation juridique de l'intéressé (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 6; ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991,
Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 35, et arrêt du Tribunal du 9 juin 1998, Biedermann e.a./Cour des comptes, T-173/95, RecFP p. I-A-273 et II-831, point 39).
23 En vertu d'une jurisprudence constante, la qualité d'acte faisant grief ne saurait être reconnue à l'égard d'un acte purement confirmatif comme c'est le cas pour un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur faisant grief et qui ne s'est donc pas substitué à celui-ci (voir, dans ce sens, l'arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec. p. 3709, point 18, et les arrêts du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92,
RecFP p. I-A-69 et II-237, point 14, et du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T-130/96, RecFP p. I-A-351 et II-1017, point 34).
24 En l'espèce, par la lettre du 27 novembre 1996, la Commission a informé le requérant que, puisqu'il ressortait des termes de sa réclamation qu'il ne pouvait accepter la proposition de se soumettre à une expertise et/ou de communiquer les coordonnées de son médecin-traitant, et afin que le médecin désigné par la Commission puisse émettre ses conclusions en connaissance d'un dossier complet et à jour, elle avait dû demander au médecin désigné de se prononcer sur la base des seuls documents médicaux
en sa possession. Elle lui a également communiqué, en annexe à ladite lettre, comme sollicité par lui dans sa réclamation, le projet de décision visé à l'article 21 de la réglementation de couverture ainsi que les conclusions déposées par le médecin de l'institution et l'a informé que, au titre de ladite disposition, il pouvait solliciter, dans un délai de 60 jours, un avis de la commission médicale prévue à l'article 23 de la même réglementation.
25 Ensuite, par lettre du 6 décembre 1996, le requérant a rappelé brièvement au directeur général certaines des étapes de cette procédure, en évoquant, notamment, la détérioration significative de son état de santé et en refusant les termes du projet de décision de la Commission. Il en a conclu que, compte tenu des nombreuses irrégularités évoquées dans sa réclamation du 11 septembre 1996, il ne voyait pas d'autre issue que de saisir une nouvelle fois le Tribunal.
26 L'acte attaqué dans la présente affaire est la lettre du 14 janvier 1997 que le directeur général du personnel et de l'administration de la Commission a adressée au requérant en réponse à sa lettre du 6 décembre 1996. Dans cette lettre du 14 janvier 1997, le directeur général a signalé au requérant qu'il prenait note de son refus de marquer son accord sur les termes du projet de décision du 27 novembre 1996. Ensuite, le directeur général a rappelé que, comme cela avait déjà été signalé dans la
lettre du 27 novembre 1996, si le requérant n'était pas d'accord avec les termes du projet de décision, il pouvait encore demander l'avis de la commission médicale, en application de l'article 21 de la réglementation de couverture. Enfin, le directeur général a demandé au requérant de lui faire savoir, par courrier, s'il souhaitait que la commission médicale soit saisie pour émettre un avis sur son taux d'invalidité permanent et, dans l'affirmative, de lui communiquer le nom et les coordonnées du
médecin représentant ses intérêts au sein de ladite commission.
27 Il ressort d'une comparaison des lettres du 27 novembre 1996 et du 14 janvier 1997 que, par sa lettre du 14 janvier 1997, la Commission s'est limitée à rappeler et à confirmer au requérant le contenu de sa lettre du 27 novembre 1996 — que le requérant a considérée comme acte attaquable et qui a fait l'objet d'un recours dans l'affaire T-47/97 — par rapport à laquelle la lettre constituant l'acte attaqué dans la présente affaire ne contenait aucun élément nouveau. En outre, il convient de
constater que la situation juridique du requérant est restée inchangée après ladite lettre du 14 janvier 1997, par rapport à celle existant auparavant, aucun réexamen de la situation du requérant n'ayant eu lieu par rapport à celle constatée dans la lettre du 27 novembre 1996.
28 Il s'ensuit que, la lettre attaquée en l'espèce étant purement confirmative de celle attaquée dans l'affaire T-47/97, elle n'est pas un acte faisant grief au requérant. Dès lors, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
29 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l'article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses conclusions, chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
ordonne:
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 27 juin 2000.
Le greffier
H.Jung
Le président
R. García-Valdecasas
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure: le français.