CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN MISCHO
présentées le 26 juin 2001 ( 1 )
1. La Commission des Communautés européennes nous demande de constater que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE) dans la mesure où:
«— la réglementation française ne contient pas de disposition assurant la libre circulation des denrées alimentaires courantes et des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, légalement fabriquées et/ou commercialisées dans d'autres États membres de la Communauté européenne, contenant des substances d'addition (telles que des vitamines, des minéraux et d'autres ingrédients) non prévues par cette réglementation;
— la réglementation française ne prévoit en particulier pas de procédure simplifiée permettant d'obtenir l'inscription sur la liste nationale des substances d'addition, nécessaire à la commercialisation en France des denrées alimentaires susmentionnées;
— les autorités françaises ont entravé la commercialisation en France des denrées alimentaires susmentionnées sans établir que la commercialisation de ces produits comportait un risque pour la santé publique.»
I — Le cadre juridique
Le cadre juridique communautaire
2. L'ajout de substances nutritives aux denrées alimentaires courantes ne fait l'objet d'aucune législation communautaire.
3. Sur la base de la directive 89/398/CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ( 2 ), la Commission a adopté quatre directives spécifiques qui ne sont cependant pas en cause dans la présente affaire.
4. Aux termes de l'article 10, paragraphe 1, de la directive 89/398, «[l]es Etats membres ne peuvent interdire ou entraver le commerce des produits visés à l'article 1er et conformes à la présente directive et, le cas échéant, aux directives prises en application de la présente directive, pour des motifs liés à la composition, aux caractéristiques de fabrication, de présentation ou à l'étiquetage de ces produits». Le paragraphe 2 du même article prévoit que « [l]e paragraphe 1 n'affecte pas les
dispositions nationales applicables en l'absence de directives prises en application de la présente directive».
5. Il ressort également du dossier que les substances nutritives dont il s'agit dans le cadre du présent recours ne sont pas visées par la directive 89/107/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les additifs pouvant être employés dans les denrées destinées à l'alimentation humaine ( 3 ), qui ne concerne que les substances qui sont ajoutées intentionnellement aux denrées alimentaires dans un but technologique.
6. On peut donc conclure que la présente affaire se situe exclusivement sur le terrain des articles 30 du traité et 36 du traité CE (devenu, après modification, article 30 CE), tels qu'en vigueur à la date de l'échéance du délai fixé par l'avis motivé.
7. Rappelons que, selon l'article 30 du traité, «[l]es restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres [...]» et que l'article 36 du traité est rédigé de la façon suivante:
«Les dispositions des articles 30 à 34 inclus ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois,
ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.»
Le cadre juridique national
8. La réglementation française applicable à la commercialisation des compléments alimentaires et des denrées alimentaires courantes enrichies en vitamines, minéraux et autres nutriments tels que les acides aminés est le décret du 15 avril 1912 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les denrées alimentaires, et spécialement les viandes, produits de la charcuterie, fruits, légumes, poissons et
conserves.
9. Aux termes de l'article 1er dudit décret, dans sa rédaction issue du décret n° 73-138, du 12 février 1973:
«Il est interdit de détenir en vue de la vente, de mettre en œuvre ou de vendre toutes marchandises et denrées destinées à l'alimentation humaine lorsqu'elles ont été additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi est déclaré licite par les arrêtés pris de concert par le ministre de l'agriculture et du développement rural, le ministre de l'économie et des finances, le ministre du développement industriel et scientifique et le ministre de la santé publique, sur l'avis du Conseil
supérieur d'hygiène publique de France et de l'Académie nationale de médecine.»
10. En vertu de l'article 1er du décret n° 91-827, du 29 août 1991, relatif aux aliments destinés à une alimentation particulière (ci-après le «décret du 29 août 1991»), «[s]ont considérées comme denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière les denrées alimentaires qui, du fait de leur composition particulière ou du procédé particulier de leur fabrication, se distinguent nettement des denrées alimentaires de consommation courante, conviennent à l'objectif nutritionnel indiqué et
sont commercialisées de manière à indiquer qu'elles répondent à cet objectif».
11. L'article 3 du même décret est rédigé comme suit:
«Des arrêtés conjoints des ministres chargés de la consommation, de l'agriculture et de la santé, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, fixent:
a) la liste et les conditions d'emploi des substances à but nutritionnel telles que vitamines, sels minéraux, acides aminés et autres substances qu'il est licite d'incorporer aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ainsi que les critères de pureté qui sont applicables à ces substances [...]».
12. Sur la base des deux décrets qui ont précédé successivement le décret du 29 août 1991, à savoir les décrets nos 75-85, du24 juillet 1975, et 81-574, du 15 mai 1981, deux arrêtés d'application ont été adoptés — l'arrêté du 20 juillet 1977, modifié, pris pour l'application du décret n° 75-85, sur les produits diététiques et de régime, et l'arrêté du 4 août 1986, modifié, relatif à l'emploi des substances d'addition dans la fabrication des aliments destinés à une alimentation particulière.
13. Les parties sont d'accord pour dire que, comme le gouvernement français l'explique, «le dispositif français met en place un système de listes positives ( 4 ) et, si un opérateur économique souhaite commercialiser en France une denrée alimentaire qui contient une substance ne figurant pas sur cette liste positive, il doit obtenir la modification de la liste positive des substances nutritives dont l'utilisation est autorisée en France».
II — Les faits
14. La Commission expose que son attention a été attirée, notamment par des plaintes d'opérateurs économiques, sur la réglementation française relative à l'ajout de substances nutritives et de certains ingrédients dans les denrées alimentaires, ainsi que sur son application par les autorités nationales compétentes à des produits provenant d'autres États membres.
15. Par substances nutritives, la Commission entend les vitamines, les éléments minéraux, les acides aminés et autres composés azotés ainsi que les autres substances nutritives du type de celles figurant à l'annexe III de la directive 91/321/CEE de la Commission, du 14 mai 1991, concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite ( 5 ). En ce qui concerne les autres ingrédients, les plaignants faisaient plus particulièrement état de difficultés liées à l'ajout de caféine dans
les denrées alimentaires.
16. Un premier échange de lettres et des discussions n'ayant pas abouti, la Commission a adressé à la République française, le 23 décembre 1997, une lettre de mise en demeure l'invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.
17. La République française y a répondu par lettres des 9 mars et 15 mai 1998 en expliquant que, selon elle, la réglementation en cause était conforme au droit communautaire.
18. La Commission a notifié un avis motivé le 26 octobre 1998, auquel la République française a répondu, en le contestant, le 31 décembre 1998. Cette dernière a toutefois indiqué qu'elle envisageait d'adopter un texte réglementaire de clarification, décrivant la procédure d'autorisation d'emploi des substances nutritives.
19. Ayant constaté que les autorités françaises ne se sont pas conformées à l'avis motivé dans les délais requis, la Commission a introduit le présent recours dans lequel elle conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
«— constater que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE), dans la mesure où:
— la réglementation française ne contient pas de disposition assurant la libre circulation des denrées alimentaires courantes et des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, légalement fabriquées et/ou commercialisées dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne, contenant des substances d'addition (telles que des vitamines, des minéraux et d'autres ingrédients) non prévues par cette réglementation;
— la réglementation française ne prévoit en particulier pas de procédure simplifiée permettant d'obtenir l'inscription sur la liste nationale des substances d'addition, nécessaire à la commercialisation en France des denrées alimentaires susmentionnées;
— les autorités françaises ont entravé la commercialisation en France des denrées alimentaires susmentionnées sans établir que la commercialisation de ces produits comportait un risque pour la santé publique;
— condamner la République française aux dépens de l'instance.»
20. La République française conclut à ce qu'il plaise à la Cour rejeter le présent recours.
III — Appréciation
Sur la recevabilité du recours
21. Sans soulever une exception d'irrecevabilité proprement dite, le gouvernement français s'interroge sur la recevabilité du recours. Il estime que celui-ci pourrait constituer un détournement de procédure au motif que la Commission, au moment même où elle rend public un projet de directive sur les substances qui peuvent être ajoutées avec des objectifs nutritionnels spécifiques, a engagé une action en manquement contre l'un des rares Etats membres qui disposent d'une réglementation nationale en la
matière.
22. La Commission répond que l'existence de projets d'harmonisation communautaire ne saurait dispenser les États membres de leur obligation de respecter le traité. En outre, elle est d'avis que la proposition de directive ne couvre pas les aspects principaux du manquement allégué par la Commission dans le cadre de la présente affaire.
23. Nous sommes d'avis que l'objection du gouvernement français ne peut pas être accueillie.
24. En effet, ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 14 décembre 1971, Commission/France ( 6 ), un recours visant à faire constater qu'un État membre ne se serait pas conformé aux obligations qui lui incombent en vertu du traité «tend à assurer l'application du traité et ne saurait être constitutif d'un détournement de procédure».
25. En outre, le seul fait que la Commission exerce simultanément deux compétences dans le même domaine, à savoir la compétence de saisir la Cour sur la base de l'article 226 CE, d'une part, et la compétence de formuler des propositions législatives, d'autre part, ne prouve aucunement qu'elle aurait détourné une de ces deux compétences.
26. Le recours doit donc être déclaré recevable.
Sur le premier grief formulé par la Commission
27. La portée exacte du premier grief de la Commission n'est pas facile à saisir, voilà pourquoi nous estimons indispensable de citer en entier ce que la Commission expose à ce sujet.
28. Le premier grief est intitulé:
«La réglementation française ne contient pas de disposition assurant la libre circulation des denrées alimentaires légalement fabriquées et/ou commercialisées dans d'autres États membres et qui contiennent des substances d'addition non prévues par cette réglementation.»
29. La Commission précise ensuite sa pensée de la manière suivante:
«La réglementation française ne prend pas en compte le fait que des denrées alimentaires contenant des substances nutritives ajoutées non autorisées en France ont été légalement fabriquées et/ou commercialisées dans un autre État membre, ce qui leur permet normalement de bénéficier du principe de libre circulation des marchandises, sous réserve des exceptions prévues par le traité.
Ainsi, la réglementation française ne contient pas de clause de reconnaissance mutuelle destinée à garantir la libre circulation des produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre Etat membre et qui présentent un niveau de protection de la santé des consommateurs équivalant à celui assuré en France, même si ces produits ne satisfont pas totalement aux exigences de la réglementation française.
Il aurait été concevable que la réglementation française dispense d'inscription préalable sur la liste des substances autorisées les substances nutritives dont l'ajout est autorisé dans un autre Etat membre, et se contente d'exiger que soit notifiée aux autorités nationales, au moment de la mise sur le marché du produit alimentaire, l'utilisation dans celui-ci d'une substance non autorisée en France, mais légalement ajoutée dans ce produit au regard de la législation applicable dans l'État
membre dans lequel il est fabriqué ou commercialisé.
À défaut d'un tel système, la réglementation française ne peut instituer un régime d'autorisation préalable de l'ajout de substances nutritives qu'à la condition que ce régime soit conforme aux exigences qui ont été fixées par la Cour dans le cas des additifs alimentaires.
En tout état de cause, un tel régime ne serait acceptable, au regard de la jurisprudence précitée, que dans la mesure où il permettrait, compte tenu de la spécificité de la réglementation française, de donner un caractère général à une autorisation d'emploi portant sur une substance donnée par le biais de son ajout sur la liste des substances autorisées.»
30. Il nous semble que ce grief se compose de plusieurs phases de raisonnement distinctes les unes des autres.
31. À s'en tenir uniquement à l'intitulé du grief, on a l'impression que la Commission veut donner à la jurisprudence «Cassis de Dijon» ( 7 ) une portée absolue, et qu'elle dénie aux États membres le droit d'invoquer l'article 36 du traité pour maintenir une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative dans l'intérêt de la «protection de la santé et de la vie des personnes».
32. Toutefois, à la fin du premier alinéa de l'exposé du grief, la Commission fait référence aux «exceptions prévues par le traité». Il ne peut s'agir que de celles figurant à l'article 36 du traité ainsi que des «exigences impératives» reconnues par la Cour.
33. Pourtant, dans la conclusion de sa requête, la Commission reprend la formule sans nuances de l'intitulé du grief.
34. Dans le deuxième alinéa de l'exposé du grief, la Commission reproche à la réglementation française de ne pas contenir une clause de reconnaissance mutuelle destinée à garantir la libre circulation des produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre et qui présentent un niveau de protection de la santé des consommateurs équivalent à celui assuré en France, même si ces produits ne satisfont pas totalement aux exigences de la réglementation française.
35. Dans sa réplique, la Commission a précisé que, «en application de la jurisprudence ‘foie gras’, l'absence, dans la réglementation en cause, de dispositions en la matière suffit à démontrer l'existence d'un manquement».
36. Lors de l'audience, enfin, la Commission a confirmé qu'il s'agissait bien de transposer à la présente affaire ce que la Cour avait déclaré dans l'arrêt du 22 octobre 1998, Commission/France ( 8 ).
37. Cet arrêt a été rendu dans le cadre d'un recours en manquement introduit par la Commission contre la République française à l'encontre d'un décret réservant l'utilisation d'une série de dénominations aux préparations à base de foie gras répondant aux exigences fixées par celui-ci en matière de composition et de qualité pour, notamment, les dénominations suivantes: foie gras entier, foie gras et bloc de foie gras, parfait de foie, médaillon ou pâté de foie, galantine de foie et mousse de foie. Le
décret précise, pour chacun des produits en question, le contenu minimal de foie gras, ainsi que les ingrédients autorisés, le contenu maximal de saccharose et d'assaisonnement, le pourcentage maximal de graisses de pochage et d'homogénat et/ou d'eau, le taux maximal d'humidité, ainsi que les modalités spécifiques de présentation ou d'emballage ( 9 ).
38. Le dispositif de l'arrêt se lit comme suit:
«En adoptant le décret n° 93-999, du 9 août 1993, relatif aux préparations à base de foie gras, sans y inclure une clause de reconnaissance mutuelle pour les produits en provenance d'un État membre et répondant aux règles édictées par cet État ( 10 ), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CE.»
39. Comme l'intitulé du premier grief de la Commission dans la présente affaire le démontre, la Commission semble s'être inspirée de ce dispositif qui, si on le comprend littéralement, pourrait signifier que tout produit conforme aux règles de l'État membre de fabrication doit toujours être admis dans les autres États membres sans que ceux-ci aient la possibilité d'invoquer, le cas échéant, le niveau de protection de la santé plus élevé qu'ils visent à maintenir ou une protection plus poussée de
leurs consommateurs.
40. Cependant, les motifs du même arrêt se réfèrent à la conformité plus ou moins complète d'une marchandise à la réglementation de l'État d'importation, et non plus à celle de l'État d'exportation.
41. La Cour a, en effet, constaté au point 18 de cet arrêt qu'«une réglementation nationale interdisant la commercialisation sous une dénomination déterminée d'un produit en provenance d'un État membre, qui répond aux règles édictées par cet État, mais qui ne satisfait pas totalement ( 11 ) aux exigences prévues par cette même réglementation, doit être considérée comme susceptible d'entraver, au moins potentiellement, le commerce interétatique».
42. Au point 24, elle a ajouté que «le seul fait qu'une marchandise n'est pas totalement ( 12 ) conforme aux conditions posées par une législation nationale relative à la composition de certaines denrées alimentaires portant une dénomination déterminée n'implique pas que sa commercialisation puisse être interdite».
43. La Cour a cependant réservé la possibilité pour les services nationaux compétents de contrôler les préparations importées et de «poursuivre les responsables de la commercialisation de denrées alimentaires utilisant des dénominations identiques à celles prévues par une réglementation nationale, mais dont le contenu serait tellement différent que l'on pourrait constater l'existence d'une tromperie» ( 13 ).
44. Il est tout à fait compréhensible que la Cour ait considéré comme inadmissible qu'un État membre puisse interdire l'utilisation de la dénomination «foie gras» à des produits importés dont la composition ne divergeait que sur des points de détail de la réglementation nationale.
45. Mais cette affaire se distinguait du présent recours sur deux points importants.
46. En premier lieu, dans l'arrêt Foie gras, aucune considération relative à la protection de la santé publique n'était en cause.
47. En second lieu, le décret français en question concernait une famille de produits bien déterminés (les préparations à base de foie gras). Dans la présente affaire, par contre, la Commission reproche à la République française de ne pas avoir inséré une clause de reconnaissance mutuelle dans deux décrets, dont l'un vise «toutes marchandises et denrées destinées à l'alimentation humaine lorsqu'elles ont été additionnées de produits chimiques» et l'autre «les aliments destinés à une alimentation
particulière».
48. La thèse de la Commission revient donc à soutenir que même de telles réglementations générales devraient prévoir une clause stipulant, en substance, que «seront également admises sur le marché français des denrées alimentaires qui ne satisfont pas totalement aux exigences de la présente réglementation, pour peu qu'elles présentent un niveau de protection de la santé des consommateurs équivalent à celui assuré en France».
49. Il apparaît immédiatement qu'une telle disposition donnerait lieu à de grandes difficultés d'interprétation.
50. Tout d'abord, elle risquerait de donner lieu à des contestations sur le point de savoir à partir de quel moment la réglementation du pays d'origine du produit présente un niveau de protection de la santé équivalent à celui assuré en France, ou sur celui de savoir dans quelle mesure ces produits peuvent ne pas satisfaire «totalement» aux exigences de la réglementation française.
51. Ainsi faudrait-il admettre qu'une denrée alimentaire incorporant une substance nutritive non autorisée en France, et qui, dès lors, ne satisfait manifestement pas «totalement» aux exigences de la réglementation française, offre néanmoins un «niveau de protection» équivalent à celui assuré en France?
52. Comme le gouvernement français l'a fait valoir à juste titre, il manque «le referentiel» par rapport auquel le niveau de protection équivalent devrait être évalué.
53. L'insertion d'une clause de reconnaisance mutuelle risquerait donc de créer plus de problèmes qu'elle ne pourrait en résoudre.
54. De surcroît, on ne saurait soutenir que la nécessité de l'insertion d'une telle clause découlerait de la logique inhérente aux articles pertinents du traité ou qu'elle s'imposerait pour rendre ces articles pleinement opérationnels. Ces dispositions se satisfont à elles-mêmes. L'article 30 du traité prévoit une règle claire: l'interdiction des mesures d'effet équivalent, et l'article 36 du traité permet certaines exceptions.
55. Dès lors, il suffit, à notre avis, de s'en tenir à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle il appartient à l'État membre importateur d'établir, aux moyens d'arguments pertinents et de rapports scientifiques, en quoi consistent, à ses yeux, les risques pour la santé que comporte l'utilisation d'une certaine substance, ou d'expliquer, sur la base d'une motivation circonstanciée, pour quelle raison le consommateur risque d'être induit en erreur au sujet de la nature exacte des propriétés ou des
effets de la denrée alimentaire dont il s'agit.
56. L'importateur doit ensuite avoir la possibilité de contester la décision de l'autorité compétente. C'est tout ce qu'il faut pour garantir la libre circulation des marchandises.
57. Nous vous proposons, dès lors, de ne pas retenir que la République française aurait manqué à ses obligations en n'insérant pas une clause de reconnaissance mutuelle dans les décrets en cause.
58. Mais le premier grief de la Commission comporte encore deux phases de raisonnement supplémentaires.
59. Au troisième alinéa de ses développements, la Commission déclare qu'«[i]l aurait été concevable que la réglementation française dispense d'inscription préalable sur la liste des substances autorisées les substances nutritives dont l'ajout est autorisé dans un autre État membre, et se contente d'exiger que soit notifiée aux autorités nationales, au moment de la mise sur le marché ( 14 ) du produit alimentaire, l'utilisation dans celui-ci d'une substance non autorisée en France [...]».
60. Cela signifierait donc que, au cas où elles estimeraient que le produit alimentaire en question comporterait des risques pour la santé, les autorités françaises seraient obligées de se lancer dans une action d'envergure nationale afin d'obtenir le retrait de ce produit des magasins, alors que, dans un cas extrême, des dommages à la santé auraient déjà pu être intervenus. Nous ne voyons pas sur quelle base un tel système pourrait être imposé à un État membre.
61. La Commission poursuit que, «[à] défaut d'un tel système, la réglementation française ne peut instituer un régime d'autorisation préalable à l'ajout de substances nutritives qu'à la condition que ce régime soit conforme aux exigences qui ont été fixées par la Cour dans le cas des additifs alimentaires». Nous sommes d'accord avec cette affirmation qui nous semble, cependant, se confondre avec le deuxième grief analysé ci-après.
62. Enfin, la Commission déclare qu'«un tel régime ne serait acceptable [...] que dans la mesure où il permettrait, compte tenu de la spécificité de la réglementation française, de donner un caractère général à une autorisation d'emploi portant sur une substance donnée par le biais de son ajout sur la liste des substances autorisées».
63. Or, il nous semble aussi que tel est bien le système mis en place par la France. En effet, une fois qu'un ingrédient figure sur cette liste, la commercialisation d'une denrée alimentaire ne peut plus être refusée parce qu'elle contient cet ingrédient. L'État membre garde, bien entendu, la possibilité de s'opposer à la commercialisation d'une denrée alimentaire si celle-ci contient, par ailleurs, d'autres ingrédients ne figurant pas sur ladite liste ou si les consommateurs sont susceptibles
d'être induits en erreur par un étiquetage qui attribue à la denrée alimentaire des propriétés qu'elle n'a pas.
64. Pour toutes ces raisons, nous concluons donc au rejet du premier grief de la Commission.
Sur le deuxième grief relatif à l'absence d'une procédure simplifiée permettant aux opérateurs économiques d'obtenir l'inscription d'une substance légalement utilisée dans un autre État membre sur la liste nationale des substances dont l'ajout est autorisé dans les denrées alimentaires
65. Par son deuxième grief, la Commission reproche à la République française d'avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité dans la mesure où la réglementation française ne prévoit pas de «procédure simplifiée permettant d'obtenir l'inscription sur la liste nationale des substances d'addition, nécessaire à la commercialisation en France des denrées alimentaires» visées par la présente procédure.
66. La Commission rappelle qu'«une denrée alimentaire contenant une substance nutritive non autorisée en France ne peut y être commercialisée qu'à la condition qu'ait été modifié préalablement le texte de l'arrêté interministériel pertinent, pris pour l'application du décret du 15 avril 1912 modifié ou pour celle du décret du 29 août 1991».
67. Étant donné que cette procédure constitue une démarche particulièrement lourde, la Commission considère que «les demandes d'autorisation d'ajout des substances nutritives ou d'autres ingrédients dans les denrées alimentaires courantes ou destinées à une alimentation particulière devraient faire l'objet d'une procédure simplifiée pour les denrées alimentaires légalement commercialisées dans un autre État membre, ou à tout le moins comportant une disposition explicite permettant la prise en compte
des autorisations déjà délivrées et des résultats d'analyse déjà effectués dans un autre État membre».
68. Selon la Commission, qui se réfère à l'arrêt du 16 juillet 1992, Commission/France ( 15 ), concernant l'ajout de nitrate au fromage, la procédure d'inscription d'une nouvelle substance nutritive sur la liste nationale des substances dont l'ajout est autorisé dans les denrées alimentaires devrait être aisément accessible aux opérateurs économiques. Les autorités nationales devraient donc préciser la liste des éléments qui doivent figurer dans le dossier de demande d'autorisation et décrire la
procédure d'instruction de cette demande, dans un document publié officiellement et engageant les autorités nationales.
69. Ensuite, la procédure nationale d'autorisation devrait pouvoir être menée à terme dans un délai raisonnable. La Commission fait valoir que cette condition n'est pas remplie dans le cas d'espèce, les textes applicables ne déterminant aucun délai pour l'instruction des demandes.
70. Enfin, la Commission souligne que la réglementation française ne répond pas à l'exigence selon laquelle tout refus d'autorisation doit être effectué dans des formes garantissant effectivement l'exercice d'un recours juridictionnel par l'opérateur économique qu'il concerne.
71. Le gouvernement français estime qu'il existe une procédure simplifiée même si elle n'est pas formalisée matériellement en soulignant, d'une part, que le Conseil supérieur de l'hygiène publique de France (ci-après le «CSHPF») tient compte des données scientifiques internationales dans tous les cas où les demandeurs en font état dans leur dossier et, d'autre part, que la procédure est rapide dans la mesure où il suffit de prendre un arrêté et où les opérateurs économiques sont souvent informés par
lettre du résultat favorable avant même la publication de cet arrêté.
72. Le gouvernement français ajoute qu'il avait soumis à la Commission un projet d'avis aux opérateurs économiques dans le but de répondre aux observations de la Commission. Ce projet comportait la procédure de saisine de l'administration et de constitution et d'instruction des demandes d'emploi de substances nutritives afin de rendre la procédure parfaitement transparente. Or, nous explique le gouvernement français, en l'absence de réponse favorable de la Commission, cet avis n'a pas pu faire
l'objet d'une publication.
73. Enfin, le gouvernement français estime que la Cour «favorise en général les procédures simplifiées lorsque le produit en cause est déjà autorisé sur le marché national d'exportation et lorsqu'un opérateur souhaite faire une importation parallèle d'un produit identique ou similaire à un autre produit déjà autorisé sur le territoire national concerné. Ce ne semble pas être la situation d'espèce, puisque les cas spécifiques visés par la Commission concernent des substances nutritives additionnelles
qui n'étaient pas encore autorisées sur le territoire français». Il en conclut que la Commission ne prouve pas que la procédure n'est pas de facto simplifiée pour un produit qui est déjà légalement commercialisé dans un autre État membre.
74. Il convient de constater que la Cour a jugé dans son arrêt du 16 juillet 1992, Commission/France, précité, qu'une réglementation soumettant à autorisation l'usage d'un additif «doit être assortie d'une procédure permettant aux opérateurs économiques d'obtenir l'inscription de cet additif sur la liste nationale des additifs autorisés. Cette procédure doit être aisément accessible, doit pouvoir être menée à terme dans les délais raisonnables et, si elle débouche sur un refus, ce refus doit pouvoir
faire l'objet d'un recours juridictionnel» ( 16 ).
75. L'arrêt du 16 juillet 1992, Commission/France, précité, est d'autant plus intéressant qu'il s'agissait également du décret du 15 avril 1912 et donc du même type de procédure d'autorisation que la procédure en cause dans la présente affaire. Dans cet arrêt, la Cour avait conclu au rejet du recours en manquement parce que la Commission n'avait pas fait valoir que la procédure instaurée par les décrets en cause était contraire au droit communautaire. En revanche, dans la présente affaire, la
Commission critique bel et bien cette procédure au regard du droit communautaire.
76. Il convient donc d'examiner la procédure d'autorisation à la lumière des conditions énoncées dans l'arrêt du 16 juillet 1992, Commission/France, précité.
77. Comme nous l'avons vu, le gouvernement français considère qu'une procédure répondant à ces conditions existe même si elle n'est pas formalisée matériellement.
78. Or, il va de soi que, si la Cour exige l'existence d'une certaine procédure afin que l'article 30 du traité soit respecté, il faut qu'il s'agisse d'une procédure qui crée explicitement des droits et obligations aussi bien dans le chef de l'opérateur que des autorités. Une procédure qui n'est pas formalisée ne répond manifestement pas à ce critère. Elle n'accorde aucune sécurité juridique à l'opérateur et équivaut, de ce fait — dans l'optique de la procédure visée par la Cour —, à une procédure
inexistante.
79. Les exemples donnés par la Commission confirment l'absence d'une procédure telle que visée par la Cour. Ainsi, la Commission se réfère, sans être contredite par le gouvernement français, au cas du fabricant de la boisson Red Bull qui a attendu sept mois pour recevoir un accusé de réception de sa demande d'autorisation de commercialiser son produit, et plus de deux ans pour recevoir la décision de refus. On ne saurait considérer que l'on est ici en présence d'une procédure qui peut être menée à
terme dans des délais raisonnables.
80. Pour ce qui concerne le projet d'«avis aux opérateurs économiques sur les modalités d'incorporation de substances nutritives dans les denrées alimentaires courantes» que le gouvernement français a communiqué à la Commission, il convient de constater, pour autant que cet avis réponde aux conditions de la procédure visée par la Cour, qu'il n'est pas démontré que celui-ci ait été en vigueur à la date de l'échéance du délai fixé par l'avis motivé. Le seul fait que la Commission n'a pas approuvé ce
projet tel quel — circonstance dont le gouvernement français ne se plaint d'ailleurs qu'au stade de la duplique — n'est pas de nature à justifier la non-instauration par la République française d'une procédure telle que celle définie par la Cour.
81. Par ailleurs, le projet d'avis, ainsi que l'indique son intitulé, ne concerne que les substances nutritives dans les denrées alimentaires courantes. L'avis, s'il était adopté, ne couvrirait donc en tout état de cause pas l'ajout de substances nutritives dans les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière qui font également l'objet de la présente procédure.
82. Enfin, l'argument du gouvernement français, selon lequel il découlerait de la jurisprudence qu'une procédure ne s'imposerait que lorsque le produit en cause est déjà autorisé sur le marché national d'exportation et lorsqu'un opérateur souhaite faire une importation parallèle d'un produit identique ou analogue à un autre produit déjà autorisé sur le territoire national concerné, ne saurait être retenu.
83. En effet, ce cas de figure, décrit par le gouvernement français, n'est même pas celui de l'arrêt du 16 juillet 1992, Commission/France, précité, dans lequel la Cour a précisément formulé l'exigence d'une procédure adéquate. En revanche, le cas de figure présent dans cette dernière affaire, à savoir l'ajout de nitrate au fromage, est, de par sa nature, quasi identique au problème qui se pose dans le cadre de la présente affaire.
84. Si nous concluons donc à la nécessité pour tous les Etats membres d'instaurer une procédure correspondant aux critères définis par la Cour, nous ne reprenons cependant pas à notre compte l'expression «procédure simplifiée» utilisée par la Commission, mais qui ne figure pas dans les arrêts de la Cour.
85. Au point 31 de l'avis motivé, la Commission a expliqué que, pour elle, cette expression signifie que, dans le cas de denrées qui ont déjà été mises en vente dans un autre Etat membre en conformité avec la réglementation de cet État, «il n'est pas nécessaire que le produit fasse encore l'objet d'une procédure complète comprenant les avis successifs du CSHPF et de l'Académie nationale de médecine».
86. Certes, nous sommes d'accord que, pour les produits légalement mis dans le commerce dans un autre État membre, les autorités compétentes doivent commencer par «prendre cet élément en compte» et se demander si des doutes au sujet de l'innocuité de la substance en cause sont encore possibles. Mais il se peut que de tels doutes subsistent, ou que les effets possibles de cette substance n'aient fait l'objet d'aucune analyse dans le pays de fabrication de la denrée, voire même qu'il n'existe dans ce
pays ni réglementation ni procédure en la matière.
87. On ne saurait donc interdire, par principe, aux autorités du pays d'importation de demander les avis scientifiques qu'elles jugent nécessaires.
88. Ceci dit, il résulte de ce qui précède que, s'agissant de la commercialisation en France des denrées alimentaires courantes et des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, légalement fabriquées et/ou commercialisées dans d'autres États membres de la Communauté européenne, contenant des substances d'addition, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité en ne prévoyant pas, pour l'inscription sur la liste limitative
de ces substances prévue par la législation nationale, une procédure aisément accessible pouvant être menée à terme dans des délais raisonnables et susceptible de donner lieu à un recours juridictionnelle lorsqu'elle a débouché sur un refus.
Sur le troisième grief lié à l'application de la réglementation nationale à des demandes individuelles
89. Par son troisième grief, la Commission reproche à la République française d'avoir entravé la commercialisation en France des denrées alimentaires visées par le recours en manquement qui nous occupe, sans établir que la commercialisation de ces produits comportait un risque pour la santé publique.
90. La Commission soutient qu'il incombe aux autorités françaises, dans chaque cas de refus de commercialisation d'un produit provenant d'un autre État membre, d'exposer les risques de santé publique encourus. Or, elle estime que, dans plusieurs cas concrets, les refus de commercialisation adoptés par les autorités françaises n'étaient pas fondés sur la démonstration de l'existence de risques pour la santé publique.
91. La Commission reconnaît que la lutte contre la tromperie et la protection du consommateur constitue une exigence impérative digne de protection. Toutefois, la jurisprudence de la Cour aurait établi que, en vue d'assurer une telle protection, un étiquetage suffit.
92. Enfin, dans sa réplique, la Commission soutient que «ni le décret du 15 avril 1912 ni celui du 29 août 1991 ne font de l'innocuité d'une substance la condition qui doit être remplie pour obtenir l'inscription de ladite substance sur les listes positives». Elle en déduit que les autorités françaises sont dispensées de démontrer que les produits mis sur le marché sont dangereux pour la santé.
93. Selon le gouvernement français, ses autorités cherchent, comme l'exige la Commission, à démontrer dans chaque cas, en examinant les caractères propres de chaque denrée alimentaire enrichie en substances nutritives, que la mesure d'interdiction qu'elles prennent est nécessaire pour protéger effectivement la santé publique. Le risque pour la santé serait direct pour certaines des substances en cause telles que les acides aminés dérivés de protéine bovine. Un apport mal contrôlé de ces substances
entraînerait, en outre, un risque pour la santé qui varie en fonction de l'alimentation de base de la population. Le gouvernement français constate que, dans ses avis, le CSHPF se réfère expressément aux particularités du cas concret et que cet organe est consulté systématiquement.
94. Quant à l'argument de la Commission, selon lequel les autorités françaises n'auraient pas invoqué de véritables raisons de santé publique pour refuser la commercialisation de produits provenant d'un autre État membre, le gouvernement français observe que l'efficacité du produit ou de la substance ajoutée est également prise en compte par de nombreuses directives communautaires qui ont un objectif de santé publique. Le gouvernement français ajoute que les critères d'efficacité et de loyauté
permettent de justifier des mesures nationales au titre des exigences impératives reconnues par la jurisprudence de la Cour comme au titre de la santé publique en vertu de l'article 36 du traité. À son avis, la Commission a donc manqué à l'obligation de prouver que la réglementation litigieuse n'a pas un objectif de santé publique et/ou de protection des consommateurs.
95. Il convient d'examiner si la Commission prouve, comme cela lui appartient ( 17 ), l'existence du manquement qu'elle reproche à la République française.
96. À cet égard, la Commission se réfère à plusieurs cas concrets qui, selon elle, démontreraient l'existence du manquement. Il convient donc d'examiner ces cas. Il y en a trois qui ont été discutés de façon suffisamment précise lors de la présente procédure.
97. La Commission se réfère, tout d'abord, à un avis du CSHPF, du 12 juillet 1994, concernant l'utilisation de L-tartrate et de L-carnitine dans des compléments alimentaires et des produits diététiques.
98. Dans cet avis, on trouve notamment les informations suivantes:
«Les deux dossiers proposent l'utilisation de L-carnitine dans les différentes indications suivantes:
— ‘stimuler le métabolisme des personnes qui manquent d'énergie’;
— ‘état de fatigue’, et surtout circonstances où il peut y avoir une ‘diminution du pool de carnitine dans l'organisme, telles que alimentation déséquilibrée, baisse de la synthèse de la carnitine ou exercice physique intense’;
— ‘facilitation du métabolisme lipidique, en particulier chez le sportif’.
Aucune preuve de ces allégations extrêmement vagues n'est apportée. La notion même de réduction du pool de carnitine après un exercice physique est discutable: en effet, dans cette circonstance, la carnitine libre musculaire diminue effectivement, la carnitine estérifiée augmente mais le pool de carnitine musculaire total ne varie pas».
99. Selon la Commission, cet avis se borne à examiner la véracité des allégations relatives aux propriétés du produit, ainsi qu'à son utilité, mais sans analyser la question de savoir s'il présente un risque pour la santé publique.
100. Le gouvernement français ne le conteste pas, mais estime que «l'efficacité du produit ou de la substance est prise en compte par de nombreuses directives qui ont un objectif de santé publique» et, en se référant à l'arrêt Cassis de Dijon, précité, souligne que «la protection des consommateurs est une des exigences imperatives qui s'ajoutent à la liste des exceptions prévues à l'article 30 CE».
101. À titre liminaire, il est utile de rappeler l'arrêt Rombi et Arkopharma ( 18 ), dans lequel la Cour a jugé que, «à défaut, premièrement, d'une réglementation communautaire relative aux additifs autorisés en général dans les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, et plus particulièrement à la L-carnitine ( 19 ), et, deuxièmement, d'une réglementation relative à la composition desdites denrées, le droit communautaire ne s'oppose pas à une réglementation nationale, telle
que celle en cause au principal, relative aux additifs autorisés dans la fabrication de ce type de denrées alimentaires».
102. Ensuite, il convient, en effet, comme le gouvernement français nous le propose, de se référer à l'arrêt Cassis de Dijon, précité, dans lequel la Cour a jugé que «les obstacles à la circulation intracommunautaire résultant de disparités des législations nationales relatives à la commercialisation des produits en cause doivent être acceptés dans la mesure où ces prescriptions peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire à des exigences imperatives tenant, notamment [...] à la
défense des consommateurs» ( 20 ).
103. Or, nous sommes d'avis que la protection des consommateurs est effectivement en jeu s'il n'existe aucune preuve, comme il résulte de l'avis précité dont le contenu n'est d'ailleurs pas contesté par la Commission, qu'une substance produit les effets qu'elle devrait produire selon les indications fournies.
104. L'argument de la Commission, selon lequel l'étiquetage serait en pareil cas une mesure moins disproportionnée que l'interdiction, ne nous convainc pas, car on ne voit pas quelles sont les mentions qu'il s'agirait de faire apparaître. Un produit entouré de toute une publicité soulignant qu'il stimule le métabolisme des personnes qui manquent d'énergie serait-il encore vendable s'il portait l'étiquette: «Attention, il n'est pas prouvé que ce produit stimule votre métabolisme»?
105. Nous sommes donc d'avis que la Commission n'a pas établi l'existence d'un manquement dans ce cas.
106. La Commission se réfère ensuite à deux autres avis du CSHPF, du 10 septembre 1996, concernant l'un les confiseries et les boissons enrichies en vitamines, et l'autre les boissons dites «énergétiques».
107. Dans l'avis sur les boissons énergétiques, on peut lire ce qui suit:
«Le [CSHPF] s'inquiète de la diffusion actuelle et de la publicité des boissons dites ‘énergétiques’ présentées comme des boissons de consommation courante. En effet, s'il n'existe pas d'argument de toxicologie classique à opposer à ce genre de produit, il faut souligner les risques:
— de dépassement des seuils de sécurité pour un certain nombre de vitamines. Ce risque est d'autant plus important que d'autres produits, par exemple les confiseries, sont eux aussi enrichis,
— des risques liés à l'excès de consommation de caféine: cardiovasculaires (arythmie cardiaque, augmentation de la pression artérielle), neuropsychologiques (hyperkinésie, agressivité, insomnie, source de consommation de sédatif), phosphocalcique (perte de calcium).
À ces éléments s'ajoute une publicité mensongère, fondée sur les allégations trompeuses puisqu'il ne s'agit pas, au sens strict, de boissons énergétiques mais de produits contenant un excitant, la caféine, et une substance dite protectrice (taurine, acide glucuronique). Or, aucun travail actuel ne fournit d'éléments permettant de considérer que ce soi-disant effet protecteur existe. De plus, ces substances ne sont pas autorisées jusqu'à présent dans l'alimentation.
Le [CSHPF] considère que ce type de boissons ne doit pas être autorisé pour les raisons suivantes:
— concentration excessive de caféine (300 mg/1), supérieure à celle autorisée (150 mg/1),
— risque de consommation excessive de caféine en particulier chez les femmes enceintes,
— allégation mensongère sur le caractère ‘énergétique’ du produit,
— risque de contrôle antidopage positif chez les sportifs.
Le [CSHPF] considère que le taux maximal de caféine dans les boissons ne doit pas dépasser 150 mg/l dans les boissons et rappelle que la consommation de caféine ne devrait pas dépasser 200 mg/j.»
108. Or, il nous paraît incontestable que, en énumérant les risques concrets liés à l'excès de consommation de caféine, le CSHPF, en tant qu'instance scientifique, démontre que les boissons en question posent des problèmes de santé publique. Il en est de même lorsqu'il constate que ce type de boissons contient une «concentration excessive de caféine (300 mg/1), supérieure à celle autorisée (150 mg/1)».
109. Pour ce qui concerne cette dernière limite, on ne saurait contester que la République française ait la compétence de la fixer, compte tenu du fait que, «en l'absence de règles d'harmonisation, il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes» ( 21 ).
110. Par ailleurs, la Commission n'avance aucun élément scientifique ou autre de nature à pouvoir mettre en cause l'analyse des autorités françaises quant aux dangers que posent les boissons en question pour la santé publique. Au contraire, il résulte d'une information fournie par la République française et qui n'a pas été contestée par la Commission que cette dernière a reçu, le 21 janvier 1999, de la part du comité scientifique de l'alimentation humaine un avis défavorable à la présence de
certaines substances nutritives dans les boissons énergétiques.
111. Pour autant que l'avis se réfère, de façon complémentaire, à l'« allégation mensongère sur le caractère ‘énergétique’ du produit», il tient compte, selon nous, du critère de la protection du consommateur qui se justifie au regard de l'arrêt Cassis de Dijon, précité, comme nous l'avons expliqué ci-dessus.
112. Ensuite, s'il est vrai que «le principe de proportionnalité qui est à la base de la dernière phrase de l'article 36 du traité exige que la faculté des États membres d'interdire les importations des produits en provenance d'autres États membres soit limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de protection légitimement poursuivis» ( 22 ), nous ne sommes pas convaincu qu'il en découle que la République française n'était pas en droit d'interdire les boissons en question, mais
qu'elle pouvait, par exemple, seulement exiger l'une ou l'autre forme d'étiquetage.
113. En effet, il ne nous paraît pas disproportionné qu'un État membre interdise un produit dans lequel la concentration d'une des substances, en l'espèce la caféine, dépasse de 100 % la concentration que cet État membre a autorisée en vertu de ses compétences pour fixer le niveau de protection de la santé de sa population.
114. Nous sommes donc d'avis que la Commission n'a pas prouvé que la République française a commis un manquement en l'espèce.
115. Pour ce qui concerne l'avis sur les confiseries et les boissons enrichies en vitamines, on peut y lire notamment ce qui suit:
«3) La population française présente des risques d'apport en excès pour un certain nombre de vitamines sur une fraction également minime, mais réelle de sa distribution.
4) La diffusion de ce type de produit expose au dépassement des limites de sécurité dans les apports en certaines vitamines. Il importe, en effet, de considérer qu'un individu pourra être conduit à la consommation de nombreux produits enrichis en vitamine qui s'ajouteront aux apports habituels: la supplementation en vitamines dans un produit ne doit pas dépasser une petite fraction seulement des AQR pour 100 Kcal.»
116. Dans ce contexte, le gouvernement français attire notre attention sur l'avis du CSHPF du 12 septembre 1995«sur les limites de sécurité dans les consommations alimentaires des vitamines et de certains minéraux». Il apparaît à la lecture des visas de cet avis que le CSHPF a fixé les limites de sécurité des consommations journalières des vitamines et minéraux en se fondant sur les «revues bibliographiques et les rapports présentés devant le [CSHPF] sur les publications médicales des observations
des effets secondaires chez l'Homme liés à la consommation des vitamines et minéraux ci-après, |...| les règles de toxicologie alimentaire, [...] les recommandations des experts français en nutrition [...] [et] les études réalisées en France à ce jour».
117. Or, en tenant compte de l'arrêt Harpegnies, précité, il ne saurait être contesté que la République française ait la compétence de fixer ces limites de sécurité et de veiller à ce que ces limites ne soient pas dépassées.
118. En outre, la Commission ne démontre pas qu'il aurait été plus proportionné au but poursuivi — la protection de la santé — d'étiqueter les confiseries et les boissons enrichies en vitamines au lieu de les interdire. En effet, si le danger de dépassement des limites de sécurité adoptées par l'État membre est réel et important, comme on peut le déduire de l'avis en question, cet État membre doit pouvoir interdire les produits en cause.
119. À cet égard, il est d'ailleurs instructif de relire certains passages de l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom ( 23 ), dans lesquels la Cour a partagé les préoccupations au niveau de la santé liées à une consommation excessive de vitamines:
«36 Ainsi que la Cour a eu l'occasion de l'affirmer dans son arrêt du 14 juillet 1983 (Sandoz, 174/82, Recueil 1983, p. 2445), la consommation excessive de vitamines pendant une durée prolongée peut avoir des effets nuisibles dont le degré varie en fonction du type de celles-ci, les vitamines liposolubles présentant en règle générale un risque de nocivité plus élevé que les hydrosolubles. Il apparaît en outre que c'est surtout en concentration élevée que les vitamines présentent un risque réel
pour la santé. Toutefois, il résulte des observations présentées à la Cour que la recherche scientifique n'est pas encore suffisamment avancée pour pouvoir déterminer avec certitude les quantités et les concentrations critiques et les effets précis.
37 Or, en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour, dans la mesure où des incertitudes subsistent en l'état actuel de la recherche scientifique, il appartient aux États membres, à défaut d'harmonisation, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et la vie des personnes, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté.
38 Ces principes sont également applicables aux substances telles que les vitamines qui ne sont, en règle générale, pas nocives par elles-mêmes mais peuvent produire des effets nuisibles particuliers en cas de consommation excessive. [...]»
120. La Commission n'apporte aucun élément qui indiquerait que les préoccupations exprimées en 1983 ne seraient scientifiquement plus valables aujourd'hui.
121. Nous sommes donc d'avis que, dans le cas des confiseries et boissons enrichies en vitamines également, la Commission n'a pas prouvé à suffisance de droit que la République française a manqué à ses obligations découlant de l'article 30 du traité.
122. Enfin, dans sa réplique, la Commission reproche encore à la réglementation française de dispenser les autorités compétentes d'établir dans chaque cas et pour chaque produit que la mesure d'interdiction qu'elles prennent est nécessaire au regard de la protection de la santé publique. En effet, aucun des deux décrets en cause ne ferait de l'innocuité d'une substance la condition qui doit être remplie pour obtenir l'inscription de ladite substance sur les listes positives. La procédure prévue par
ces textes viserait à rendre l'emploi des substances en cause «licite» sans préciser de critère ni définir ce qu'est un produit licite. En aucun cas, le caractère «licite» ne se fonderait sur l'innocuité du produit en cause. Ceci aurait pour conséquence que les autorités de contrôle seraient dispensées de démontrer que les produits mis sur le marché sont dangereux pour la santé et qu'elles pouvaient se contenter d'invoquer leur caractère «falsifié» au sens du code de la consommation.
123. Nous sommes d'avis que ce grief de la Commission n'est pas fondé. En effet, comme le gouvernement français l'indique, la procédure résultant des décrets du 15 avril 1912 et du 29 août 1991 prévoit que les substances sont autorisées par arrêté après avis d'instances scientifiques. Il s'agit du CSHPF dont le rôle a été repris à partiide la loi 98-585, du 1er juillet 1998, par l'Agence française de sécurité des aliments, ainsi que de l'Académie nationale de médecine. Le rôle de ces instances est
précisément d'évaluer l'innocuité des substances nouvelles pour lesquelles des autorisations d'emploi sont sollicitées.
124. À cela la Commission objecte «que le CSHPF n'est pas systématiquement consulté. En effet, dans le cas où les opérateurs économiques [...] renoncent à la procédure des décrets de 1912 et de 1991, les poursuites dont ils sont l'objet se fondent sur la simple constatation de la ‘falsification’ et non pas sur une analyse scientifique du danger que pourraient présenter leurs produits».
125. Or, nous estimons que, lorsque les denrées contenant une substance interdite non autorisée en France sont directement mises sur le marché sans qu'une inscription de cette substance sur la liste positive ait été demandée, il n'est que normal que des poursuites soient immédiatement engagées par les autorités compétentes sans que celles-ci aient à prouver au préalable la nocivité de cette substance. Dans le cas contraire, c'est tout le système de la liste positive qui serait remis en question.
126. Rappelons, enfin, que nous avons constaté ci-dessus qu'un Etat membre peut également interdire la commercialisation d'une denrée alimentaire lorsque celle-ci ne comporte pas un danger immédiat pour la santé, mais qu'elle est présentée de manière à faire croire au consommateur qu'elle a des effets bénéfiques qui, en réalité, lui font défaut.
127. Finalement, les parties ont également discuté la question de savoir si la seule absence de valeur nutritionnelle peut également être un critère qui justifie une entrave à la libre circulation.
128. Nous sommes d'avis que cette discussion n'est plus pertinente dès lors que, selon nous, la République française a prouvé que la commercialisation des produits en cause présentait un risque pour la santé publique et/ou pour la protection des consommateurs.
129. En tout état de cause, l'absence de valeur nutritionnelle semble, au regard de la jurisprudence de la Cour, également être un critère qui peut justifier une entrave. En effet, dans l'arrêt du 16 juillet 1992, Commission/France, précité, la Cour a jugé qu'«une demande visant à obtenir l'inscription d'un additif sur la liste en question ne peut être rejetée par les autorités administratives compétentes que si cet additif ne répond à aucun besoin réel, notamment ( 24 ) d'ordre technologique, ou
s'il présente un danger pour la santé publique» ( 25 ).
130. En résumé, étant donné que la Cour admet que les États membres ont le droit de décider du niveau de la protection qu'ils veulent assurer dans les domaines dans lesquels une harmonisation n'est pas intervenue, cela signifie nécessairement qu'ils peuvent retenir l'existence d'un risque là où d'autres États membres n'en retiennent pas ou ne se préoccupent même pas d'analyser les effets d'une substance donnée.
131. Cela signifie aussi qu'un État membre n'est pas tenu de prouver, avec une certitude absolue, l'existence d'un risque grave. Il suffit qu'il fasse état d'arguments concrets et plausibles suivant lesquels la protection de la santé des personnes ou la protection des consommateurs sont effectivement mises en cause. Nous sommes d'avis que la République française s'est acquittée de cette tâche et que la Commission n'a pas apporté des éléments suffisants de nature à prouver le contraire.
132. Nous parvenons, dès lors, à la conclusion que le troisième moyen de la Commission, selon lequel les autorités françaises «ont entravé la commercialisation en France des denrées alimentaires susmentionnées sans établir que la commercialisation de ces produits comportait un risque pour la santé», doit être rejeté.
Sur les dépens
133. Il résulte de ce qui précède que, selon nous, nonobstant le fait que la République française a succombé sur un des trois chefs du recours, la Commission a succombé sur une partie essentielle de ses moyens. Dès lors, nous proposons que, sur la base de l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie soit condamnée à supporter ses propres dépens.
IV — Conclusions
134. Nous proposons:
— de déclarer que, s'agissant de la commercialisation en France des denrées alimentaires courantes et des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, légalement fabriquées et/ou commercialisées dans d'autres États membres de la Communauté européenne, contenant des substances d'addition, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE) en ne prévoyant pas, pour l'inscription
sur la liste limitative de ces substances prévue par la législation nationale, une procédure aisément accessible pouvant être menée à terme dans des délais raisonnables et susceptible de donner lieu à un recours juridictionnelle lorsqu'elle a débouché sur un refus;
— de rejeter le recours pour le surplus;
— de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) JO L 186. p. 27, souligné par l'auteur.
( 3 ) JO 1989, L 40, p. 27.
( 4 ) Souligné dans le texte original.
( 5 ) JO L 175, p. 35.
( 6 ) 7/71, Rec. p. 1003, point 13.
( 7 ) Arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral (120/78, Rec. p. 649).
( 8 ) C-184/96, Roc. p. I-6197, ci-après l'«arrêt Foie gras».
( 9 ) Voir point 7 de l'arrêt.
( 10 ) Souligné par l'auteur.
( 11 ) Souligné par l'auteur.
( 12 ) Souligné par l'auteur.
( 13 ) Point 25.
( 14 ) Souligné par l'auteur.
( 15 ) C-344/90, Rec. p. I-4719.
( 16 ) Point 9.
( 17 ) Arrêt du 23 octobre 1997. Commission/France (C-159/94, Rec. p. I-5815, point 102).
( 18 ) Arrêt du 18 mai 2000 (C-107/97, Rec. p. I-3367, point 51).
( 19 ) Souligné par ľauteur.
( 20 ) Point 8.
( 21 ) Arrêt du 17 septembre 1998, Harpegnies (C-400/96, Rec. p. I-5121, point 33).
( 22 ) Arrêt Harpegnies, précité, point 34.
( 23 ) 227/82, Rec. p. 3883, points 36 à 38.
( 24 ) Souligné par l'auteur.
( 25 ) Point 10.