Avis juridique important
|
62000J0366
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 19 février 2002. - Commission des Communautés européennes contre Grand-duché de Luxembourg. - Manquement d'Etat - Transposition incomplète de la directive 97/11/CE. - Affaire C-366/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-01749
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1. Recours en manquement - Examen du bien-fondé par la Cour - Situation à prendre en considération - Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé
(Art. 226 CE)
2. États membres - Obligations - Exécution des directives - Manquement - Justification - Inadmissibilité
(Art. 226 CE)
Parties
Dans l'affaire C-366/00,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. R. Tricot et P. Panayotopoulos, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Grand-duché de Luxembourg, représenté par M. J. Faltz, en qualité d'agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en ne prenant pas et, subsidiairement, en ne communiquant pas à la Commission, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer pleinement à la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, modifiant la directive 85/337/CEE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (JO L 73, p. 5), le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations
qui lui incombent en vertu du traité CE,
LA COUR
(troisième chambre),
composée de Mme F. Macken, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet (rapporteur) et J. N. Cunha Rodrigues, juges,
avocat général: M. S. Alber,
greffier: M. R. Grass,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 25 octobre 2001,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 3 octobre 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas et, subsidiairement, en ne lui communiquant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer pleinement à la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, modifiant la directive 85/337/CEE concernant l'évaluation des
incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (JO L 73, p. 5), le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.
2 La directive 97/11 modifie et complète la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (JO L 175, p. 40), afin de garantir que cette dernière directive soit appliquée d'une manière de plus en plus harmonisée et efficace. La directive 97/11 prévoit à son article 3, paragraphe 1, premier alinéa, que les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives
nécessaires pour s'y conformer au plus tard le 14 mars 1999 et qu'ils en informent immédiatement la Commission.
3 La Commission n'ayant pas été informée par le grand-duché de Luxembourg des dispositions prises par lui pour se conformer à la directive 97/11 et ne disposant pas d'autres éléments d'information lui permettant de conclure qu'il avait pris les dispositions nécessaires à cet égard, elle a décidé d'engager à l'encontre de cet État membre la procédure prévue à l'article 226, premier alinéa, CE. À cet effet, elle lui a adressé, le 5 août 1999, une lettre de mise en demeure lui donnant deux mois pour
présenter ses observations.
4 Le 23 novembre 1999, le gouvernement luxembourgeois a transmis à la Commission un projet de règlement, approuvé le 30 avril 1999, concernant l'évaluation des incidences sur l'environnement de certains projets publics et privés. Il était précisé dans la lettre d'accompagnement que ce projet avait été soumis pour avis au Conseil d'État. Il y était par ailleurs indiqué que le fondement juridique du règlement serait la loi, du 10 juin 1999, relative aux établissements classés (Mémorial A 1999, p.
1904).
5 Considérant que ladite loi ne transposait pas la directive 97/11 mais permettait seulement de prendre les dispositions nécessaires à cette transposition, la Commission a, par une lettre du 26 janvier 2000, adressé au grand-duché de Luxembourg un avis motivé dans lequel elle réitérait son grief et invitait cet État membre à se conformer à l'avis dans un délai de deux mois.
6 Par une lettre du 17 avril 2000, le gouvernement luxembourgeois a répondu que le projet de règlement était toujours en cours d'examen au Conseil d'État.
7 Dans ces conditions, la Commission a introduit le présent recours.
8 Le 14 novembre 2000, le Conseil d'État a rendu un avis qui a conduit le gouvernement luxembourgeois à modifier son projet de règlement. Dans sa défense, ce gouvernement a indiqué qu'un projet de règlement modifié devait être soumis au Conseil de gouvernement au début de l'année 2001 et que le règlement pourrait être adopté dans le courant du premier semestre de cette année.
9 Le gouvernement luxembourgeois ne conteste pas dans sa défense que la transposition de la directive 97/11 n'a pas encore été réalisée, mais il fait valoir que toutes les mesures ont été prises pour qu'elle soit effectuée dans les meilleurs délais et que, dès lors, la Commission devrait être amenée rapidement à se désister de son recours. La bonne volonté de ce gouvernement serait démontrée par les circonstances que la procédure d'urgence doit être suivie pour l'adoption du règlement évoqué au
point précédent, qu'un projet de loi transposant en matière de construction routière la même directive est sur le point d'être finalisé et que, même non transposée, cette directive est respectée par le ministère des Travaux publics.
10 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, d'une part, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation telle qu'elle se présentait au terme du délai imparti dans l'avis motivé (voir, notamment, arrêt du 15 mars 2001, Commission/France, C-147/00, Rec. p. I-2387, point 26) et, d'autre part, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'inobservation des obligations et délais
prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 7 décembre 2000, Commission/France, C-374/98, Rec. p. I-10799, point 13).
11 Ainsi, dès lors que le grand-duché de Luxembourg ne conteste pas ne pas avoir adopté dans le délai imparti par l'avis motivé les mesures de transposition nécessaires pour se conformer à la directive 97/11, le recours en manquement doit être considéré comme fondé.
12 Par ailleurs, la seule constatation du manquement s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande des autorités luxembourgeoises, tendant à ce que la procédure soit suspendue dans l'attente d'un hypothétique désistement de la Commission (arrêt du 16 décembre 1999, Commission/Luxembourg, C-47/99, Rec. p. I-8999, point 12).
13 Il résulte de ce qui précède que, en ne mettant pas en vigueur, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 97/11, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive et en vertu du traité.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
14 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du grand-duché de Luxembourg et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(troisième chambre)
déclare et arrête:
1) En ne mettant pas en vigueur, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, modifiant la directive 85/337/CEE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive et en vertu du traité
CE.
2) Le grand-duché de Luxembourg est condamné aux dépens.