Avis juridique important
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62000C0156
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 11 juillet 2002. - Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes. - Annulation de la décision de la Commission C (2000) 485 final - Remise de droits à l'importation - Perfectionnement actif - Défaut d'équivalence entre des produits communautaires et des produits importés. - Affaire C-156/00.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-02527
Conclusions de l'avocat général
1 Par le présent recours, fondé sur les dispositions de l'article 230 CE, le royaume des Pays-Bas demande à la Cour d'annuler la décision C (2000) 485 final de la Commission, du 23 février 2000, constatant, dans un cas particulier, qu'une demande de remise de droits à l'importation est irrecevable pour un certain montant et que la remise des droits à l'importation n'est pas justifiée pour un autre montant (1).
2 Cette affaire concerne des produits qui relèvent du régime douanier relatif au perfectionnement actif.
I - Le cadre juridique
A - Les dispositions pertinentes du règlement (CEE) n_ 2913/92
3 Le règlement (CEE) n_ 2913/92 (2) rassemble en un code les dispositions du droit douanier communautaire qui étaient auparavant dispersées en une multitude de règlements et de directives communautaires. Il a, en outre, pour objet d'apporter des modifications à la réglementation douanière en vigueur afin de la rendre plus cohérente, de la simplifier et de combler certaines lacunes qui existaient jusqu'alors. Il s'agit ainsi d'adopter une réglementation communautaire complète dans ce domaine (3).
4 Selon l'article 114, paragraphe 1, sous a), du CDC, le régime douanier du perfectionnement actif permet de mettre en oeuvre sur le territoire douanier de la Communauté, pour leur faire subir une ou plusieurs opérations de perfectionnement, des marchandises non communautaires destinées à être réexportées hors du territoire douanier de la Communauté sous forme de produits compensateurs, sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l'importation.
5 Aux termes de l'article 114, paragraphe 2, sous c), deuxième tiret, du CDC, les opérations de perfectionnement comprennent la transformation de marchandises.
6 L'article 114, paragraphe 2, sous d), du CDC dispose que les produits compensateurs sont tous les produits résultant d'opérations de perfectionnement.
7 Conformément à l'article 114, paragraphe 2, sous e), du CDC, les marchandises équivalentes sont les marchandises communautaires utilisées en lieu et place des marchandises d'importation, pour la fabrication des produits compensateurs.
8 L'article 115 du CDC prévoit:
«1. Lorsque les conditions prévues au paragraphe 2 sont remplies [...], les autorités douanières permettent que:
a) les produits compensateurs soient obtenus à partir de marchandises équivalentes;
b) les produits compensateurs obtenus à partir de marchandises équivalentes soient exportés hors de la Communauté préalablement à l'importation de marchandises d'importation.
2. Les marchandises équivalentes doivent être de la même qualité et posséder les mêmes caractéristiques que les marchandises d'importation. Toutefois, il peut être admis, dans des cas particuliers, [...] que les marchandises équivalentes se trouvent à un stade de fabrication plus avancé que les marchandises d'importation.
3. En cas d'application du paragraphe 1, les marchandises d'importation se trouvent dans la situation douanière des marchandises équivalentes et ces dernières dans la situation douanière des marchandises d'importation.»
9 L'article 220 du CDC vise l'éventuelle prise en compte a posteriori d'une dette douanière. Selon l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori d'une dette douanière, hormis certains cas spécifiés par cette disposition, lorsque «le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa
part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.»
10 L'article 221 du CDC prévoit:
«1. Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte.
[...]
3. La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives que les autorités douanières n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, ladite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l'expiration dudit délai de trois ans.»
11 L'article 235, sous b), du CDC définit la notion de «remise des droits».
12 Selon cette disposition, par «remise des droits», il faut comprendre «soit une décision de non-perception en totalité ou en partie, d'un montant de dette douanière, soit une décision d'invalidation, en tout ou en partie, de la prise en compte d'un montant de droits à l'importation ou de droits à l'exportation qui n'a pas été acquitté».
13 L'article 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du CDC dispose qu'il peut être procédé à la remise des droits à l'importation dans des situations «qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé». La remise peut être subordonnée à des conditions particulières.
14 L'article 239, paragraphe 2, du CDC précise que «la remise des droits pour les motifs indiqués au paragraphe 1 est accordée sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur».
B - Les dispositions pertinentes du règlement (CEE) n_ 2454/93
15 Le règlement (CEE) n_ 2454/93 (4) est le règlement d'application qui vise à rassembler en un seul règlement les dispositions d'application du droit douanier communautaire qui étaient jusqu'alors dispersées en une multitude de règlements et de directives communautaires. Il a, en outre, pour objet de modifier ces règles pour les adapter aux dispositions contenues dans le CDC et d'en élargir la portée pour tenir compte du champ d'application général de celui-ci ainsi que de préciser certaines règles
en vue d'une plus grande sécurité juridique lors de leur application. Ces modifications concernent surtout des dispositions relatives à la dette douanière (5).
16 L'article 549 du règlement d'application définit les principales notions utilisées dans le cadre du régime du perfectionnement actif.
17 Selon l'article 549, sous g), on entend par:
«compensation à l'équivalent: le système qui permet [...] que les produits compensateurs soient obtenus à partir de marchandises équivalentes, qui doivent remplir les conditions prévues à l'article 569, paragraphe 1 [(6)]».
18 L'article 589 du règlement d'application concerne le paiement d'intérêts compensatoires. Il prévoit ce qui suit:
«1. La naissance d'une dette douanière relative aux produits compensateurs ou aux marchandises en l'état [(7)] donne lieu au paiement d'intérêts compensatoires sur le montant des droits à l'importation dus.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas:
[...]
- dans le cas où le titulaire de l'autorisation demande la mise en libre pratique [(8)] et fournit la preuve que des circonstances particulières, n'impliquant aucune négligence ou manoeuvre de sa part, rendent impossible ou économiquement impossible d'effectuer l'exportation envisagée dans les conditions qu'il avait prévues et dûment justifiées lors du dépôt de la demande d'autorisation.
3. La demande pour bénéficier de la disposition au paragraphe 2 cinquième tiret est adressée aux autorités douanières indiquées par l'État membre qui a délivré l'autorisation. Elle est recevable uniquement dans le cas où elle est assortie de toutes pièces justificatives nécessaires pour un examen complet du cas présenté.»
19 L'article 589, paragraphe 3, du règlement d'application précise, en substance, que, au-delà d'un certain montant, les autorités douanières qui entendent donner une suite favorable à la demande transmettent la demande avec un dossier complet à la Commission. Celle-ci en accuse réception dans un délai de deux mois. Si, dans un délai de deux mois à compter de la date de l'accusé de réception, la Commission ne communique pas d'objection à l'État membre, ce dernier n'applique pas d'intérêts
compensatoires.
20 Les articles 905, 907 et 908 du règlement d'application concernent les décisions prises par la Commission à la suite d'une demande de remise des droits de douane transmise par un État membre, conformément à l'article 239 du CDC.
21 L'article 905, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d'application dispose:
«[l]orsque l'autorité douanière de décision, saisie de la demande [...] de remise au titre de l'article 239 paragraphe 2 du [CDC], n'est pas en mesure [...] de décider et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé, l'État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission pour être réglé conformément à la procédure prévue aux
articles 906 à 909.»
22 Selon l'article 905, paragraphe 2, du règlement d'application, la Commission peut demander la communication d'éléments d'information complémentaires lorsqu'il s'avère que les éléments d'information communiqués par l'État membre sont insuffisants pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause sur le cas soumis.
23 Conformément à l'article 907 du règlement d'application, la Commission prend ensuite une décision établissant soit que la situation particulière examinée justifie l'octroi de la remise, soit qu'elle ne le justifie pas.
24 L'article 908, paragraphe 2, du règlement d'application prévoit que, sur la base de la décision de la Commission, l'autorité de décision statue sur la demande qui lui a été présentée.
II - Le cadre factuel et procédural
25 L'entreprise de droit néerlandais Cargill BV (9), dont les activités consistent à produire de l'amidon et du sirop de glucose, dispose d'une autorisation de perfectionnement actif. Cette autorisation lui permet d'importer du maïs de pays tiers en franchise de droits sous réserve que le maïs soit transformé en glucose, produit compensateur principal (10), ainsi qu'en certains autres produits compensateurs secondaires (11). Aux termes de cette autorisation, Cargill doit, en outre, à la suite des
opérations de transformation, exporter ces produits hors du territoire douanier de la Communauté.
26 Au cours des années 1992 à 1994, Cargill a placé 65 000 t de maïs sous le régime douanier du perfectionnement actif.
27 En vertu de l'autorisation de perfectionnement actif qui lui a été accordée, Cargill peut, aux fins de production de glucose destinée à l'exportation, utiliser une marchandise communautaire équivalente au maïs importé et procéder à l'exportation anticipée.
28 Lors de contrôles effectués en 1994 et 1995, l'Inspection générale du ministère de l'Agriculture, du Patrimoine naturel et de la Pêche néerlandais a constaté que le produit compensateur principal exporté par Cargill n'avait pas été complètement obtenu à partir de maïs importé, mais à partir de 25 % de maïs importé et de 75 % de froment d'origine communautaire. Les deux produits ne sont pas classés sous la même position tarifaire dans le code de la nomenclature combinée.
29 À la suite de ces contrôles, les autorités néerlandaises ont interrogé la Commission sur le point de savoir si elle autorisait une équivalence entre le maïs importé et le froment originaire de la Communauté. Le 23 novembre 1995, la Commission a répondu qu'elle ne pouvait pas admettre une telle équivalence en renvoyant, notamment, à des différences de protection tarifaire entre les deux produits.
30 Le 18 novembre 1996, la Commission a demandé à l'administration néerlandaise de recenser tous les placements sous le régime du perfectionnement actif opérés au cours des années 1992 à 1995 en faveur de Cargill et de l'informer à nouveau des notifications d'irrégularités ou de fraudes.
31 Les autorités néerlandaises compétentes ont, après enquête, conclu que seule une partie des produits compensateurs principaux exportée dans le cadre du perfectionnement actif devait être considérée comme ayant été fabriquée à partir du maïs importé. Elles ont, dès lors, constaté que l'intéressée n'avait pas respecté ses obligations résultant du régime du perfectionnement actif en ce qui concerne 48 400 t de marchandises placées sous ce régime au cours des années 1992 à 1994.
32 Le 3 décembre 1996, les autorités néerlandaises ont alors réclamé à Cargill une dette douanière s'élevant à 17 491 244,45 NLG, correspondant au montant des droits à l'importation majorés des intérêts compensatoires. Ce montant correspond à la dette douanière née d'une application erronée, par Cargill, des dispositions relatives au régime douanier de perfectionnement actif au cours des années 1992 à 1994.
33 Cargill a introduit une réclamation contre l'imposition de la dette douanière. Elle a demandé, en outre, aux autorités nationales compétentes de suspendre le recouvrement de cette dette en contrepartie de la constitution d'une garantie pour le montant dû. Cette demande a été acceptée.
34 Le 2 décembre 1997, Cargill a introduit auprès des autorités compétentes néerlandaises une demande de remise des droits à l'importation.
35 Le 22 avril 1999, le gouvernement néerlandais a transmis cette demande à la Commission. À la suite de cette demande, la Commission a adopté la décision attaquée.
III - La décision attaquée, le recours et les conclusions des parties
A - La décision attaquée
36 Par la décision attaquée, la Commission déclare, en premier lieu, irrecevable la demande de remise des droits à l'importation dans la mesure où celle-ci concerne les intérêts compensatoires s'élevant à 732 093,78 NLG dus au titre de l'article 589 du règlement d'application. Selon la Commission, les intérêts compensatoires ne font pas partie intégrante de la dette douanière. En conséquence, elle estime qu'il ne lui appartient pas de se prononcer à ce sujet, mais qu'il revient aux seules autorités
nationales compétentes de prendre une décision à cet égard.
37 En deuxième lieu, la Commission déclare irrecevable ladite demande de remise qui porte sur des droits relatifs à des importations effectuées avant le 3 décembre 1993. Selon la Commission, ces droits seraient prescrits, conformément à l'article 221, paragraphe 3, du CDC, et ils ne pourraient plus être réclamés à l'entreprise intéressée. Il s'agit, en l'occurrence, d'un montant de 15 679 301,49 NLG.
38 En troisième lieu, la Commission déclare non justifiée la demande de remise des droits à l'importation dans la mesure où elle concerne le montant des droits qui ne relèvent pas de la dette douanière prescrite. La Commission constate que la pratique suivie par Cargill n'était pas conforme aux dispositions réglementaires en vigueur ni aux termes mêmes de l'autorisation de perfectionnement actif dont elle était titulaire. Le froment communautaire ne pouvait pas être utilisé au titre de la
compensation à l'équivalent dans le cadre d'une autorisation de perfectionnement actif concernant la transformation du maïs en glucose.
39 La Commission reconnaît que, à l'exception des marchandises pouvant faire l'objet de la compensation à l'équivalent dans le cadre de l'autorisation accordée, les différentes règles douanières concernées ont été respectées. Elle constate, également, que les autorités douanières compétentes n'ont pas contesté, pendant plusieurs années et à l'égard de quantités importantes de marchandises, la pratique suivie par Cargill. La Commission considère donc que l'ensemble de ces circonstances est de nature
à créer une situation particulière au sens de l'article 239 du CDC. Elle relève cependant qu'une telle situation ne peut donner lieu à une remise des droits à l'importation que si l'intéressée n'a fait preuve ni de manoeuvre ni de négligence manifeste.
40 Or, la Commission relève que, si Cargill n'a effectué aucune manoeuvre, elle a, en revanche, fait preuve de négligence manifeste.
B - Le recours et les conclusions des parties
41 La requête du royaume des Pays-Bas a été enregistrée au greffe de la Cour le 27 avril 2000.
42 Le royaume des Pays-Bas conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
- annuler la décision attaquée;
- condamner la Commission aux dépens.
43 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
- rejeter le présent recours;
- condamner la partie requérante aux dépens.
IV - Les moyens soulevés par le gouvernement néerlandais
44 À l'appui de son recours, le gouvernement néerlandais soulève six moyens rassemblés en trois chefs de demande:
- en premier lieu, la décision attaquée violerait l'article 589 du règlement d'application et, à titre subsidiaire, l'obligation de motivation énoncée à l'article 253 CE dans la mesure où la décision attaquée déclare irrecevable la partie de la demande de remise des intérêts compensatoires;
- en deuxième lieu, la décision attaquée violerait l'article 221 du CDC, dans la mesure où la décision attaquée déclare irrecevable, pour cause de prescription, une partie de ladite demande;
- en troisième lieu, la décision attaquée violerait les articles 239 du CDC et 905 du règlement d'application; le principe de proportionnalité et, enfin, l'obligation de motivation énoncée à l'article 253 CE.
V - Le premier chef de demande relatif à l'irrecevabilité de la demande de remise des intérêts compensatoires
45 À l'appui de ce chef de demande, le gouvernement néerlandais avance deux moyens. À titre principal, il soutient que la Commission aurait, en déclarant irrecevable sa demande de remise des intérêts compensatoires, violé les dispositions de l'article 589 du règlement d'application. À titre subsidiaire, il fait valoir que la Commission aurait violé les obligations prévues à l'article 253 CE.
Sur la violation de l'obligation de motivation
46 Le gouvernement néerlandais reproche à la Commission de ne pas s'être soumise aux exigences formelles de motivation. Selon lui, la décision attaquée ne lui permettrait pas de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a jugé que la partie de la demande de remise des droits de douane, en ce qu'elle concerne les intérêts compensatoires, était irrecevable.
47 En ce qui concerne la motivation exigée par l'article 253 CE, la Cour a posé les principes suivants (12).
48 La motivation doit être adaptée à la nature de l'acte et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction, notamment, du contenu de l'acte et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées par l'acte peuvent avoir à recevoir des
explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.
49 Aux termes du point 14 de la décision attaquée, la Commission a exposé ce qui suit:
«La demande de remise, adressée par les autorités néerlandaises à la Commission par lettre précitée du 22 avril 1999, porte sur un montant de 17 491 244,45 NLG. Ce montant comprend les intérêts compensatoires dus au titre des articles 62 du règlement (CEE) n_ 2228/91 [(13)] et 589 du règlement [d'application] (732 093,78 NLG). Or, ces intérêts compensatoires, en tant qu'imposition financière relevant du droit national, ne font pas partie de la dette douanière et, dès lors, la Commission ne peut pas
statuer sur leur éventuelle remise. Il appartient en effet aux autorités nationales de décider à cet égard. La demande de remise est donc irrecevable en ce qui concerne ces intérêts compensatoires.»
50 Il ressort du point 14 de la décision attaquée que la Commission a exposé d'une manière concise, mais claire, les raisons de fait et de droit pour lesquelles elle a estimé que la demande de remise des intérêts compensatoires nés de la dette douanière était irrecevable.
51 S'agissant des éléments de fait, la Commission a précisé que la demande de remise portait sur les intérêts compensatoires d'un montant égal à 732 093,78 NLG, nés d'une dette douanière relevant du régime douanier du perfectionnement actif.
52 En ce qui concerne les éléments de droit, la Commission a exposé que ces intérêts compensatoires devaient être qualifiés d'imposition financière. À ce titre, ils relèvent du droit national et ne font pas partie de la dette douanière. Elle en a conclu que l'appréciation du bien-fondé de cette demande relevait des autorités nationales.
53 Il est vrai que la Commission n'a pas énoncé formellement les textes légaux sur lesquels son raisonnement repose. Cependant, il convient de souligner que cette décision est destinée aux autorités nationales douanières. En raison de la qualité des destinataires de la décision attaquée, l'absence de référence formelle aux textes légaux ayant permis à la Commission d'asseoir son raisonnement ne nous semble pas de nature à les empêcher de comprendre le raisonnement juridique de la Commission. La
décision attaquée est destinée, en effet, aux autorités douanières nationales, à savoir des professionnels parfaitement informés sur la matière, et qui sont, en outre, les autorités compétentes de droit commun.
54 Par conséquent, nous estimons que la décision attaquée satisfait aux obligations de l'article 253 CE. Le moyen tiré de la violation de cette disposition doit donc être rejeté.
Sur la violation de l'article 589 du règlement d'application
55 Le gouvernement néerlandais fait valoir qu'il résulte du libellé de l'article 589, paragraphe 1, du règlement d'application que les intérêts compensatoires doivent être qualifiés de «dette douanière», au sens du CDC. Il souligne que, en vertu de l'article 589, paragraphe 3, du règlement d'application, les autorités douanières doivent, dans certaines circonstances, transmettre la demande de remise des intérêts compensatoires à la Commission. Selon lui, il découlerait de ces dispositions que la
Commission ne pouvait pas refuser de statuer sur la demande de remise des intérêts compensatoires.
56 Rappelons que, aux termes de l'article 589, paragraphe 1, du règlement d'application, toute dette douanière donne lieu au paiement d'intérêts compensatoires. L'article 589, paragraphe 2, dudit règlement énumère les exceptions au principe de paiement de ces intérêts. L'article 589, paragraphe 3, du règlement d'application précise la procédure à suivre pour bénéficier des dispositions de l'article 589, paragraphe 2, du règlement d'application.
57 Il ressort du libellé de l'article 589, paragraphe 1, du règlement d'application que les intérêts compensatoires sont indissociables de la dette douanière. En effet, conformément à cette disposition, «[l]a naissance d'une dette douanière relative aux produits compensateurs [...] donne lieu au paiement d'intérêts compensatoires sur le montant des droits à l'importation dus» (14). Le verbe «donner lieu» signifie «procurer», «produire», ce qui implique que les intérêts compensatoires sont
étroitement liés à la dette douanière. Ils ne sont dus que si la dette douanière est due. Ainsi, si la dette douanière fait l'objet d'une décision de remise, au sens de l'article 235, sous b), du CDC, les intérêts compensatoires qui sont nés de cette dette douanière ne devront pas être payés.
58 Il découle de ce qui précède que, en l'absence d'une demande au principal portant sur la remise d'une dette douanière, la demande de remise des intérêts compensatoires qui en provient ne peut pas être examinée.
59 Ce principe admet cependant des exceptions. Conformément à l'article 589, paragraphe 3, du règlement d'application, la Commission peut, dans certaines circonstances, statuer sur une demande de remise des intérêts compensatoires.
60 L'article 589, paragraphe 2, du règlement d'application prévoit que les exceptions au principe de paiement d'intérêts compensatoires concernent essentiellement des hypothèses de mise en libre pratique de marchandises ou de produits compensateurs.
61 Selon l'article 24 CE, «[s]ont considérés comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d'importation ont été accomplies et les droits de douane et taxes d'effet équivalent exigibles ont été perçus dans cet État membre, et qui n'ont pas bénéficié d'une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes.» Aux termes de l'article 79, premier alinéa, du CDC, la mise en libre pratique confère le statut douanier de marchandise
communautaire à une marchandise non communautaire. L'article 79, second alinéa, du CDC précise que ce régime douanier «comporte l'application des mesures de politique commerciale [(15)], l'accomplissement des autres formalités prévues pour l'importation d'une marchandise ainsi que l'application des droits légalement dus».
62 L'article 589, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d'application précise que la compétence de la Commission en matière de demande de non-paiement des intérêts compensatoires est strictement limitée à l'hypothèse où, au-delà d'un certain montant spécifié audit paragraphe 3, les autorités douanières entendent donner une suite favorable à la demande présentée au titre de l'une des hypothèses énumérées à l'article 589, paragraphe 2, du règlement d'application, à savoir dans des hypothèses de
mise en libre pratique de marchandises ou de produits compensateurs.
63 Or, en l'espèce, il résulte du dossier que le maïs importé par Cargill ne relève pas de la mise en libre pratique, mais du régime douanier du perfectionnement actif.
64 Il n'est pas contesté, en effet, que le maïs importé par Cargill a été réexporté hors du territoire communautaire après transformation en glucose et qu'aucun droit de douane ni aucune taxe d'effet équivalent n'a été perçu dans l'un des États membres lors de l'introduction du maïs sur le territoire douanier communautaire. N'étant pas placés sous le régime de la libre pratique, les produits compensateurs en cause ne relèvent pas des dispositions de l'article 589 du règlement d'application.
65 Compte tenu des éléments qui précèdent, nous estimons que la Commission ne pouvait pas, sur le fondement de l'article 589, paragraphe 3, du règlement d'application, statuer sur la demande de non-paiement des intérêts compensatoires présentée par Cargill aux autorités douanières néerlandaises. C'est donc à bon droit que la Commission a déclaré irrecevable la demande de non-paiement des intérêts compensatoires fondée sur les dispositions de l'article 589, paragraphes 1 et 3, du règlement
d'application.
66 Pour être complet, il convient de souligner que les autorités nationales disposent de la compétence de droit commun en ce qui concerne les décisions individuelles relatives à la réglementation douanière. En la matière, la Commission se voit attribuer une compétence d'attribution strictement définie par le CDC et le règlement d'application.
67 L'article 4, point 3, du CDC dispose, en effet, que les autorités douanières (16) sont les autorités compétentes pour l'application de la réglementation douanière. À ce titre, elles sont investies d'une compétence générale de principe en matière de surveillance et de contrôle de la correcte application de cette réglementation par les particuliers, personnes physiques ou morales.
68 Conformément à l'article 6 du CDC, les demandes de décisions individuelles sont adressées aux autorités douanières.
69 En l'absence de fondement légal, il ne revient donc pas à la Commission de statuer sur la demande de non-paiement des intérêts compensatoires.
70 Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l'article 589 du règlement d'application doit être rejeté.
VI - Le deuxième chef de demande relatif à la violation de l'article 221 du CDC
71 Le gouvernement néerlandais considère que la Commission a apprécié la légalité de la communication de la dette douanière (17) émanant des autorités nationales. Or, selon lui, la Commission ne saurait, sans violer les dispositions de l'article 221 du CDC et les principes qui régissent la matière, substituer son appréciation à celle des autorités nationales. Ces dernières auraient d'ailleurs indiqué explicitement à la Commission que la question de la prescription faisait l'objet d'un litige
opposant les autorités compétentes à Cargill.
72 La Commission admet qu'il ne lui appartient pas d'apprécier si la dette est prescrite, mais justifie son refus d'examiner la demande de remise de la dette douanière, née avant le 3 décembre 1993, par le fait qu'il résulte des pièces transmises par les autorités néerlandaises que ces dettes sont manifestement prescrites. Elle prétend, en outre, que, dans le cadre de la procédure de remise de la dette douanière, sa saisine est subordonnée au fait que la dette douanière peut être effectivement
recouvrée. Or, la dette étant manifestement prescrite, elle ne peut plus être effectivement recouvrée. Dès lors, la demande de remise serait irrecevable.
73 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre d'un recours en annulation fondé sur l'article 230 CE, la Cour a uniquement pour mission d'examiner si les moyens invoqués à l'appui dudit recours sont fondés. Il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle qui a été opérée par l'auteur de la décision litigieuse ni adresser des injonctions aux institutions communautaires.
74 En outre, nous l'avons vu (18), les autorités nationales disposent d'une compétence de droit commun en ce qui concerne les décisions individuelles relatives à la réglementation douanière. La Commission se voit attribuer une compétence d'attribution dans ce domaine, strictement définie par le CDC et le règlement d'application.
75 Comme le gouvernement néerlandais, nous pensons que la Commission a outrepassé ses compétences en déclarant irrecevable la demande de remise en ce qu'elle était, pour partie, prescrite.
76 L'article 221, paragraphe 3, dernière phrase, du CDC prévoit expressément que, lorsque les autorités douanières n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, en raison d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives, la communication au débiteur de la dette douanière par lesdites autorités peut être effectuée après l'expiration du délai prévu audit article 221, paragraphe 1 (à savoir le délai de trois ans à compter de la date de la naissance de ladite
dette). Il découle de cette disposition que l'intervention des autorités judiciaires répressives est susceptible d'avoir une incidence sur la prescription de la dette douanière. Or, la prescription et, en particulier, la possibilité de l'interrompre ainsi que la façon dont cette interruption pourrait éventuellement se produire relèvent à titre exclusif du droit national et du pouvoir d'appréciation de la juridiction nationale. Ainsi, seul le juge national, saisi d'un recours contre la communication
de la dette douanière, est compétent pour juger si les conditions permettant de procéder à une communication après l'expiration du délai de trois ans prévu à l'article 221, paragraphe 3, dernière phrase, du CDC sont réunies.
77 Le gouvernement néerlandais conteste, en outre, la prémisse sur laquelle repose le raisonnement de la Commission. Selon lui, la Commission ne peut pas prétendre que la dette douanière en cause est prescrite dans la mesure où les autorités nationales lui ont expressément indiqué que la question de la prescription faisait l'objet d'un litige opposant les autorités douanières à Cargill.
78 Nous pensons également que la Commission ne pouvait pas considérer la dette douanière, née avant le 3 décembre 1993, comme manifestement prescrite. Dès lors, en décidant ainsi, la Commission a substitué son appréciation à celle des autorités nationales et outrepassé les compétences qui lui sont dévolues par le CDC.
79 Contrairement à la Commission, nous ne pensons pas que la saisine de la Commission, dans le cadre de la procédure de remise, soit subordonnée à la preuve que la dette douanière puisse être effectivement recouvrée. La position de la Commission revient à subordonner sa saisine, dans le cadre d'une demande de remise de droits de douane, à une condition non prévue aux articles 239 du CDC et 905 du règlement d'application (19).
80 Il résulte du libellé des articles 239 du CDC et 905 du règlement d'application que la saisine de la Commission d'une demande de remise des droits de douane par l'État membre dont relève l'autorité nationale compétente est seulement subordonnée à la réunion de deux conditions. D'une part, l'autorité nationale compétente ne doit pas être en mesure de décider elle-même du bien-fondé de la demande. D'autre part, la demande doit être assortie de justifications susceptibles de constituer une situation
particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressée.
81 L'article 905 du règlement d'application ne prévoit pas de délai dans lequel la saisine de la Commission doit avoir lieu, pas plus qu'il n'énonce le moment où cette saisine doit intervenir. Il nous faut conclure que, dans le cadre de l'article 905 du règlement d'application, l'État membre dont relève l'autorité compétente est juge de l'opportunité du moment de la saisine de la Commission. Ainsi, en présence d'un litige portant sur la prescription de la dette douanière, l'État membre concerné doit
pouvoir saisir la Commission avant que ledit litige ait été définitivement tranché.
82 Il ressort des développements qui précèdent que la Commission, en déclarant irrecevable la partie de la demande de remise de la dette douanière, née avant le 3 décembre 1993, pour cause de prescription, a violé les dispositions de l'article 221, paragraphe 3, dernière phrase, du CDC. Nous proposons donc à la Cour d'annuler la décision attaquée sur ce point.
VII - Le troisième chef de demande relatif au caractère non justifié de la demande de remise des droits de douane qui ne relèvent pas de la dette douanière prescrite
83 À l'appui de ce chef de demande, le gouvernement néerlandais avance trois moyens. À titre principal, il soutient que la Commission aurait violé les dispositions de l'article 905 du règlement d'application en déclarant non fondée la demande de remise des droits de douane qui ne relèvent pas de la dette douanière prescrite. À titre subsidiaire, il fait valoir que la Commission aurait violé le principe de proportionnalité. À titre plus subsidiaire encore, il soutient que la Commission aurait
enfreint les obligations prévues à l'article 253 CE en ne se soumettant pas aux exigences formelles de motivation.
Sur le moyen relatif à la violation de l'obligation de motivation (article 253 CE)
84 Le gouvernement néerlandais reproche à la Commission de ne pas s'être soumise aux exigences formelles de motivation. Selon lui, la décision attaquée ne lui permettrait pas de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a jugé que la partie de la demande de remise des droits de douane, en ce qu'elle concerne la dette douanière non prescrite, était infondée. Il lui reproche en particulier de ne pas avoir indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que la sanction respectait le
principe de proportionnalité.
85 En ce qui concerne la motivation exigée par l'article 253 CE, nous l'avons vu, la Cour a posé un certain nombre de principes.
86 Conformément à votre jurisprudence constante, une décision satisfait aux exigences de l'article 253 CE même si elle ne spécifie pas tous les éléments de fait et de droit sur lesquels son auteur s'est fondé pour l'adopter. L'appréciation du respect des exigences de l'article 253 CE est également fonction du contexte et des règles juridiques régissant la matière.
87 Il est vrai que la décision attaquée ne mentionne pas les raisons pour lesquelles son auteur considère que la sanction est proportionnée. Toutefois, il résulte des points 24 à 35 de ladite décision que la Commission a longuement développé les raisons pour lesquelles elle considérait que Cargill avait fait preuve de négligence manifeste. Ainsi, au point 26, elle a expliqué pourquoi Cargill présentait la compétence professionnelle en la matière. De même, au point 27, elle a indiqué en quoi la règle
douanière, à l'origine de l'erreur, n'était pas complexe. Le manque de diligence de Cargill a fait également l'objet d'une explication détaillée aux points 30 à 35. Dès lors, le gouvernement néerlandais était en mesure de connaître les raisons de fait et de droit pour lesquelles la Commission a jugé que la demande de remise des droits de douane portant sur une partie de la dette non prescrite n'était pas fondée et en a tiré les conséquences prévues par le CDC, à savoir l'imposition des droits de
douane dus sans considération pour le profit que le contrevenant a pu réellement obtenir.
88 Le moyen relatif à la violation de l'article 253 CE doit donc être rejeté.
Sur le moyen relatif à la violation de l'article 905 du règlement d'application
89 Selon le gouvernement néerlandais, la Commission aurait fait une application erronée de la notion de «négligence manifeste» prévue à l'article 905 du règlement d'application. Il estime, en effet, que Cargill disposait certes d'une large expérience professionnelle dans le domaine des produits agricoles, mais il serait abusif de conclure que, en raison de cette expérience, Cargill aurait dû se rendre compte qu'elle ne pouvait pas utiliser du froment en lieu et place du maïs pour la fabrication du
glucose exporté. Afin de justifier que la Commission ne pouvait pas décréter que Cargill a fait preuve de négligence manifeste, il avance trois arguments.
90 Premièrement, il résulterait de la décision attaquée que la Commission pose à l'égard de l'intéressée des exigences plus sévères que celles auxquelles les autorités compétentes étaient à même de répondre. En effet, ainsi que la Commission elle-même le relève, les autorités douanières compétentes n'auraient formulé aucune objection à l'encontre des transactions de l'intéressée, alors qu'elles se seraient déroulées sur plusieurs années.
91 Deuxièmement, le gouvernement néerlandais fait valoir que Cargill pouvait estimer que les produits utilisés étaient équivalents, en se fondant sur le raisonnement développé par la Commission dans une lettre du 15 décembre 1994 adressée aux autorités néerlandaises responsables de la délivrance des autorisations de perfectionnement actif. Il ressortirait de cette lettre que le maïs Waxy et le maïs de la qualité standard pouvaient être considérés comme équivalents:
«[...] même si l'on utilise du maïs de cette qualité spécifique [le maïs Waxy], ce maïs, mélangé à du maïs de la qualité standard, peut être admis pour autant que l'on ait renoncé aux avantages en termes de qualité, si ce n'est totalement, à tout le moins pour partie.»
92 Selon le gouvernement néerlandais, la Commission admet l'équivalence des différentes variétés de maïs dans la mesure où le maïs est transformé en certaines catégories de produits compensateurs. En suivant ce raisonnement, il estime qu'il était permis de considérer que le maïs et le froment étaient des matières premières interchangeables aux fins de la fabrication d'un produit compensateur identique, à savoir le glucose.
93 Troisièmement, le gouvernement néerlandais souligne que le procédé appliqué par l'intéressée est un procédé usuel en Europe. Il ne serait dès lors pas possible, au regard des circonstances, de qualifier le comportement de l'intéressée de «négligent» et encore moins de lui reprocher une négligence manifeste.
94 À titre subsidiaire, le gouvernement néerlandais considère que l'application faite de l'article 905 du règlement d'application dans la décision attaquée est, en tout cas, contraire au principe de proportionnalité. La procédure aboutit à une dette douanière totale de 17 491 244,45 NLG, alors que, pour l'ensemble de la période concernée, l'entreprise a retiré un bénéfice relativement limité estimé à 710 700 NLG. Dans ces conditions et eu égard aux circonstances de l'affaire, il serait
disproportionné de ne pas procéder à la remise de la dette douanière, dans la mesure où le montant de celle-ci est supérieur au bénéfice réalisé par l'intéressée, ainsi que Cargill en avait fait la demande auprès des autorités douanières.
95 Le gouvernement néerlandais ajoute que la Commission ne s'est pas formellement prononcée sur cette demande et que, pour ce motif également, la décision attaquée ne peut pas rester en l'état.
96 Comme l'a très justement rappelé la Commission, la notion de «négligence manifeste» au sens du CDC et du règlement d'application a fait l'objet d'une jurisprudence abondante de la part de votre Cour. De cette jurisprudence, les principes suivants peuvent être dégagés.
97 En premier lieu, cette notion doit être interprétée de sorte que le nombre de cas de remise reste limité. Dans l'arrêt du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke (20), la Cour a en effet jugé que «le remboursement ou la remise des droits à l'importation [...], qui ne peuvent être accordés que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, constituent une exception au régime normal des importations et des exportations et, par conséquent, [...] les dispositions prévoyant un tel
remboursement ou une telle remise sont d'interprétation stricte. L'absence de `négligence manifeste' étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un remboursement ou une remise des droits à l'importation [...], il s'ensuit que cette notion doit être interprétée de telle sorte que le nombre des cas de remboursement ou de remise reste limité» (21). C'est à la lumière de ces considérations que la notion de «négligence manifeste» doit être interprétée.
98 En deuxième lieu, pour apprécier s'il y a «négligence manifeste», au sens des articles 239 du CDC et 905 du règlement d'application, il doit être tenu compte de la nature précise de l'erreur, de l'expérience professionnelle et de la diligence de l'opérateur (22).
99 Ces trois conditions cumulatives ont également fait l'objet d'une jurisprudence abondante dont les contours peuvent se résumer comme suit.
100 S'agissant de la première condition relative à la nature précise de l'erreur, la Cour a jugé qu'elle revient à apprécier le degré de complexité de la réglementation dont l'inexécution a fait naître la dette douanière (23).
101 Pour ce qui est de la deuxième condition relative à l'expérience professionnelle de l'opérateur, il faut rechercher si l'opérateur économique en cause s'adonne ou non à une activité qui consiste, pour l'essentiel, en des opérations d'importation et d'exportation, et s'il a acquis une certaine expérience dans l'exercice de ces opérations (24).
102 En outre, pour ce qui est de la troisième condition relative à la diligence de l'opérateur, la Cour a jugé qu'il incombe à ce dernier, dès qu'il a des doutes quant à l'application exacte des dispositions dont l'inexécution peut faire naître une dette douanière, de s'informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour ne pas contrevenir aux dispositions visées (25).
103 L'appréciation de l'absence de négligence manifeste de l'opérateur appartient aux autorités compétentes en la matière. La demande de remise des droits de douane ayant été transmise par le gouvernement néerlandais à la Commission, il revient à la Commission d'apprécier si les conditions permettant de conclure à l'absence de négligence manifeste sont réunies.
104 Dans le cadre du recours fondé sur l'article 230 CE, la Cour doit vérifier si la Commission n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des faits, compte tenu des éléments de preuve fournis. En tout état de cause, celui qui se plaint d'une telle erreur doit en rapporter la preuve.
105 La deuxième condition ne soulève pas de difficulté. Le gouvernement néerlandais reconnaît que Cargill est une entreprise importante bénéficiant d'une grande expérience dans le domaine du perfectionnement actif. Il est constant, en effet, qu'elle participe ou a participé à de nombreux régimes, y compris douaniers, dans le cadre de la politique agricole commune. Cargill a donc été considérée, à juste titre, comme un opérateur économique dont l'activité consiste, pour l'essentiel, en des opérations
d'importation et d'exportation et qui a acquis une expérience certaine dans l'exercice de ces opérations.
106 En ce qui concerne la première condition relative à la nature de l'erreur, la Commission a, au point 27 de la décision attaquée, expliqué que la réglementation inappliquée à l'origine de la dette douanière n'était nullement complexe. Aux termes des articles 549, sous g), et 569, paragraphe 1, du règlement d'application, les produits compensateurs ne peuvent être obtenus à partir de marchandises équivalentes que si ces dernières relèvent de la même sous-position à huit chiffres du code de la
nomenclature combinée, présentent la même qualité commerciale et possèdent les mêmes caractéristiques techniques que les marchandises d'importation.
107 En l'espèce, Cargill devait vérifier si le froment pouvait être considéré comme une marchandise équivalente au maïs à transformer pour lequel l'autorisation de perfectionnement actif avait été accordée. Pour ce faire, Cargill n'avait qu'à contrôler si ces deux produits relevaient de la même sous-position à huit chiffres du code de la nomenclature combinée. Or, cette condition n'est pas remplie, puisque ces deux produits ne relèvent pas de la même sous-position tarifaire du code de la
nomenclature combinée.
108 Il en résulte que la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que la réglementation inappliquée par Cargill, à l'origine de la dette douanière, n'était pas complexe. La définition donnée par le CDC de la marchandise équivalente est, en effet, claire et simple.
109 L'argument du gouvernement néerlandais, portant sur le courrier de la Commission relatif à l'équivalence entre le maïs Waxy et le maïs de qualité standard, ne nous semble pas de nature à justifier l'erreur commise par Cargill. En effet, contrairement aux termes de ce courrier, dans l'espèce présente, il ne s'agit pas d'apprécier l'équivalence entre deux types de maïs, mais de vérifier l'équivalence entre du maïs et du froment qui sont, par nature, des produits différents. S'agissant de la notion
d'«équivalence», il convient de souligner que l'équivalence entre deux produits s'apprécie en fonction de la marchandise d'importation et non en fonction du produit fini. Les articles 115, paragraphe 1, du CDC et 549, sous g), du règlement d'application sont, sur ce point, dénués de toute ambiguïté. Selon ces dispositions, la compensation à l'équivalent n'est possible que si les produits compensateurs sont obtenus partir de marchandises équivalentes. Le fait que les produits après leur
transformation présentent les mêmes caractéristiques et sont interchangeables est donc sans pertinence aux fins de la qualification de «produits équivalents». Au demeurant, il nous semble pour le moins étonnant, compte tenu de l'expérience de Cargill et de sa connaissance du régime douanier concerné, qu'un tel opérateur, doutant de l'interprétation de la notion de «marchandises équivalentes» contenue dans les articles 115, paragraphe 1, du CDC et 549, sous g), ainsi que 569 du règlement
d'application, n'ait pas entendu lever cette ambiguïté supposée en interrogeant plus précisément les autorités compétentes. L'absence de réaction de Cargill démontre donc qu'elle n'a pas eu le comportement diligent qui est exigé par votre Cour en la matière.
110 De même, l'argument selon lequel il ne saurait être exigé de la part de l'importateur des connaissances plus étendues que celles des fonctionnaires des douanes ne nous semble pas pertinent. En effet, votre Cour a explicitement rejeté un tel raisonnement au motif que l'ériger en principe «conduirait [...] à la conséquence qu'il serait pratiquement impossible de procéder à un recouvrement a posteriori puisque l'erreur a toujours nécessairement été commise par un fonctionnaire compétent qui n'a pas
examiné sous tous ses aspects une situation de fait ou de droit donnée» (26). Elle a toutefois admis qu'il était nécessaire de procéder à une appréciation concrète de toutes les circonstances du cas d'espèce pour décider si l'erreur était ou non décelable par l'opérateur concerné (27). À cet égard, la nature de l'erreur, l'expérience professionnelle et la diligence de l'opérateur devaient être pris en compte par l'autorité compétente tenue d'apprécier les faits (28).
111 Compte tenu du peu de complexité de la réglementation à appliquer et de l'expérience de Cargill en la matière, nous estimons que la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant qu'un tel opérateur n'était pas fondé à considérer que le maïs et le froment étaient des produits équivalents.
112 S'agissant de la troisième condition, nous avons déjà indiqué que le comportement de Cargill ne nous semblait pas correspondre au comportement diligent exigé par votre jurisprudence.
113 Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que la Commission, en déclarant injustifiée la demande de remise relative aux droits qui ne relèvent pas de la dette prescrite n'a pas violé les dispositions des articles 239 du CDC et 905 du règlement d'application.
Sur le moyen relatif à la violation du principe de proportionnalité
114 Le gouvernement néerlandais soutient, à titre subsidiaire, que, en raison de la différence entre le montant des droits réclamés par les autorités douanières et l'avantage financier limité dont Cargill aurait bénéficié, la décision attaquée violerait le principe de proportionnalité.
115 Sur ce point, la Cour a invariablement jugé que l'article 859 du règlement d'application met en place un régime régissant de manière exhaustive les manquements, au sens de l'article 204, paragraphe 1, sous a), du CDC, qui «sont restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct [...] du régime douanier considéré» (29). Il résulte de cette jurisprudence que l'inexécution de l'une des obligations prescrites par le régime douanier sous lequel la marchandise est placée ne fait pas naître
de dette douanière à condition que le manquement concerné n'entraîne pas de conséquence réelle sur le fonctionnement correct du régime. Cette condition n'est remplie que si le manquement en cause figure sur la liste énoncée à l'article 859 du règlement d'application.
116 Or, en l'espèce, les manquements commis par Cargill ne figurent pas sur la liste de ceux qui sont restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du régime douanier considéré, conformément à l'article 859 du règlement d'application. La sanction appliquée par la Commission en raison de l'inobservation des prescriptions douanières par Cargill ne peut, dès lors, être considérée comme disproportionnée.
VII - Les dépens
117 L'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit que toute partie qui succombe est condamnée au dépens, s'il est conclu en ce sens.
118 Le royaume des Pays-Bas ayant succombé dans l'essentiel de ses conclusions et la Commission ayant demandé la condamnation de cet État membre aux dépens, nous estimons qu'il y a lieu de faire droit à cette demande.
VIII - Conclusions
119 Au regard des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour:
- annuler la décision C (2000) 485 final de la Commission, du 23 février 2000, constatant, dans un cas particulier, qu'une demande de remise de droits à l'importation est irrecevable pour un certain montant et que la remise des droits à l'importation n'est pas justifiée pour un autre montant, en ce qu'elle déclare irrecevable la demande de remise, dans la mesure où elle concerne les droits relatifs à des importations effectuées avant le 3 décembre 1993, correspondant à la somme de 15 679 301,49 NGL,
qui seraient prescrits, en application de l'article 221, paragraphe 3, du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, et ne pourraient plus être réclamés à l'entreprise de droit néerlandais Cargill BV;
- rejeter le recours pour le surplus, et
- condamner le royaume des Pays-Bas à supporter les dépens.
(1) - Ci-après la «décision attaquée» (décision non publiée au Journal officiel des Communautés européennes).
(2) - Règlement du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «CDC»).
(3) - Voir premier et deuxième considérants.
(4) - Règlement de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du [CDC] (JO L 253, p. 1, ci-après le «règlement d'application»).
(5) - Voir deuxième et troisième considérants.
(6) - Cette disposition prévoit que, «pour qu'il puisse être fait recours à la compensation à l'équivalent, les marchandises équivalentes doivent relever de la même sous-position à huit chiffres du code de la nomenclature combinée, présenter la même qualité commerciale et posséder les mêmes caractéristiques techniques que les marchandises d'importation».
(7) - Selon l'article 84, paragraphe 3, du CDC, les marchandises en l'état sont des «marchandises d'importation qui dans le cadre du régime de perfectionnement actif [...] n'ont subi aucune opération de perfectionnement [...]».
(8) - Conformément à l'article 79 du CDC, «la mise en libre pratique confère le statut douanier de marchandise communautaire à une marchandise non communautaire».
(9) - Ci-après «Cargill».
(10) - Aux termes de l'article 549, sous a), du règlement d'application, on doit entendre par «produits compensateurs principaux: les produits compensateurs pour l'obtention desquels le régime de perfectionnement actif a été autorisé».
(11) - Selon l'article 549, sous b), du règlement d'application, les «produits compensateurs secondaires [sont] les produits compensateurs autres que les produits compensateurs principaux et qui résultent nécessairement de l'opération de perfectionnement». Il s'agit, en l'espèce, de résidus d'amidonnerie du code 2303 10 11 de la nomenclature combinée et de fourrage de gluten de maïs du code 2303 10 19 de la nomenclature combinée.
(12) - Arrêts du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19); du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et 16); du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63), et du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a. (C-265/97 P, Rec. p. I-2061, point 93).
(13) - Règlement de la Commission, du 26 juin 1991, fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n_ 1999/85 relatif au régime du perfectionnement actif (JO L 210, p. 1). Ce texte a été abrogé et remplacé par l'article 589 du règlement d'application.
(14) - Souligné par nous.
(15) - Selon l'article 1er, point 7, du règlement d'application, on entend par «mesures de politique commerciale» les mesures non tarifaires établies, dans le cadre de la politique commerciale commune, par les dispositions communautaires applicables aux importations et aux exportations de marchandises, telles que les mesures de surveillance ou de sauvegarde, les restrictions ou limites quantitatives et les interdictions d'importation ou d'exportation.
(16) - Celles-ci sont nécessairement des autorités nationales.
(17) - La communication de la dette douanière consiste, pour les autorités douanières compétentes, à notifier au débiteur, selon des modalités définies dans le CDC, le montant des droits à acquitter (article 221 du CDC).
(18) - Points 58 à 61 des présentes conclusions.
(19) - L'article 239 du CDC prévoit, rappelons-le, que la remise des droits à l'importation peut être accordée par l'autorité douanière compétente (paragraphe 2) dans des circonstances n'impliquant aucune manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé (paragraphe 1, deuxième tiret). L'article 905 du règlement d'application précise que, lorsque l'autorité douanière de décision, saisie de la demande de remise au titre de l'article 239, paragraphe 2, du CDC, n'est pas en mesure de décider
et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé, l'État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission afin qu'il soit réglé selon une procédure particulière.
(20) - C-48/98, Rec. p. I-7877.
(21) - Ibidem (point 52).
(22) - Ibidem (point 55).
(23) - Ibidem (point 56).
(24) - Ibidem (point 57).
(25) - Ibidem (point 59).
(26) - Voir arrêt du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher (C-64/89, Rec. p. I-2535, point 17).
(27) - Ibidem (point 18).
(28) - Ibidem (points 19 et 23).
(29) - Arrêt Söhl & Söhlke, précité (point 43).