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62000C0417
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 11 juillet 2002. - Agrargenossenschaft Pretzsch eG contre Amt für Landwirtschaft und Flurneuordnung Anhalt. - Demande de décision préjudicielle: Oberverwaltungsgericht des Landes Sachsen-Anhalt - Allemagne. - Politique agricole commune - Règlement (CEE) nº 3887/92 - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires - Modalités d'application - Aides liées au gel des terres - Déclaration de la superficie
gelée - Omission de communiquer, postérieurement à la présentation de la demande d'aides, la diminution de la superficie gelée - Sanctions. - Affaire C-417/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-11053
Conclusions de l'avocat général
1. L'Oberverwaltungsgericht des Landes Sachsen-Anhalt (Allemagne) vous invite à interpréter l'article 9, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires .
2. La juridiction de renvoi vous demande, en substance, si les sanctions prévues par cette disposition ne peuvent être prononcées que lorsque l'exploitant agricole a fait de fausses déclarations au stade du dépôt de la demande d'aides. Dans l'affaire au principal, l'Agrargenossenschaft Pretzsch eG, une coopérative allemande, a présenté une demande d'aides «surfaces» en respectant les prescriptions en vigueur, mais n'a pas informé l'Amt für Landwirtschaft und Flurneuordnung Anhalt, l'autorité
compétente allemande, des modifications survenues postérieurement à la présentation de ladite demande. Ces modifications étaient cependant de nature à priver la requérante de l'aide sollicitée.
I - Le cadre juridique communautaire
Le règlement (CEE) n° 1765/92
3. Le règlement (CEE) n° 1765/92 institue un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables au sein duquel le gel des terres occupe une place centrale. Le gel des terres revêt deux fonctions distinctes. D'une part, il ouvre droit, au même titre qu'une culture, à un paiement compensatoire et, d'autre part, son existence conditionne le droit de l'agriculteur à une aide aux cultures arables .
4. L'article 2 du règlement n° 1765/92 établit les règles générales relatives à l'octroi de paiements compensatoires.
5. Selon ledit article 2, paragraphe 1, les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire dans les conditions fixées aux articles 2 à 13 dudit règlement.
6. Ce même article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, énonce que «[l]e paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables ou au gel des terres en conformité avec l'article 7 du[dit] règlement [...]».
7. Les articles 4 à 6 du règlement n° 1765/92 fixent les méthodes de calcul des paiements compensatoires, qui diffèrent selon le type de cultures arables envisagé.
8. L'article 7 du règlement n° 1765/92 précise les dispositions applicables au gel des terres.
9. Ledit article 7, paragraphe 4, prévoit que les terres gelées peuvent être utilisées pour la production de matières destinées à la fabrication, sur le territoire de la Communauté, de produits qui ne sont pas directement destinés à la consommation humaine ou animale, sous réserve que des systèmes de contrôle efficaces soient appliqués.
10. Le règlement n° 1765/92 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 1251/1999 . Les modifications instituées par ce nouveau régime d'aides par rapport à celui mis en place en 1992 ne sont pas substantielles. Le gel des terres constitue toujours un préalable à l'octroi des aides aux cultures arables et ouvre droit, en tant que tel, à une compensation pour l'agriculteur. Tenant compte de la situation du marché, l'obligation de gel des terres a toutefois été diminuée .
Le règlement (CE) n° 762/94
11. Le règlement (CE) n° 762/94 détermine les modalités d'application du règlement n° 1765/92 en ce qui concerne le gel de terres.
12. L'article 2, premier alinéa, du règlement n° 762/94 précise:
«Sans préjudice de l'article 7, paragraphe 4, du règlement [...] n° 1765/92, on entend par gel des terres la mise hors culture d'une superficie cultivée en vue d'une récolte pendant l'année précédente.»
13. L'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 762/94 prévoit que les superficies gelées doivent faire l'objet d'un entretien assurant le maintien de bonnes conditions agronomiques. Elles ne peuvent être utilisées pour aucune production agricole autre que celles visées à l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1765/92 ni faire l'objet d'une utilisation lucrative qui serait incompatible avec une culture arable.
14. Aux termes de l'article 3, paragraphe 4, du règlement n° 762/94:
«Pour être prises en considération au titre du régime prévu au règlement [...] n° 1765/92, les superficies gelées doivent:
- avoir été exploitées par le demandeur pendant les deux années précédant la demande, sauf particularités dûment justifiées selon les critères objectifs établis par l'État membre concerné, telles que celles liées au mode de faire-valoir, à la nouvelle installation ou à l'agrandissement de l'exploitation par succession,
- rester gelées au cours d'une période commençant au plus tard le 15 janvier et se terminant au plus tôt le 31 août. Toutefois, les États membres fixent les conditions dans lesquelles les producteurs peuvent être autorisés à effectuer, dès le 15 juillet, les semis pour une récolte l'année suivante, ainsi que les conditions à respecter pour autoriser le pâturage à partir du 15 juillet dans les États membres où la transhumance est une pratique traditionnelle.
[...]»
Le règlement (CEE) n° 3508/92
15. Afin de simplifier la gestion des différents régimes d'aides , notamment celui prévu par le règlement n° 1765/92, le règlement (CEE) n° 3508/92 établit un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires.
16. Conformément à l'article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 3508/92, le système intégré de gestion et de contrôle s'applique, dans le secteur de la production végétale, au régime de soutien de certaines cultures arables établi par le règlement n° 1765/92.
17. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 3508/92, pour être admis au bénéfice d'un ou de plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions dudit règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides «surfaces» indiquant les parcelles agricoles, y compris les superficies fourragères, les parcelles agricoles faisant l'objet d'une mesure de retrait de terres arables et celles qui ont été mises en jachère.
Le règlement n° 3887/92
18. Le règlement n° 3887/92 définit les modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif aux différents régimes d'aides énumérés à l'article 1er du règlement n° 3508/92.
19. L'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 3887/92 précise les informations qui doivent figurer dans une demande d'aides «surfaces». Il s'agit, entre autres, des éléments permettant l'identification de toutes les parcelles agricoles de l'exploitation, à savoir leur superficie, leur localisation, leur utilisation ainsi que le régime d'aides concerné.
20. L'article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement indique que, par «utilisation», il faut comprendre le type de culture ou de couverture végétale ou l'absence de culture.
21. L'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92 prévoit:
a) «Après la date limite pour son introduction, la demande d'aides surfaces ne peut être modifiée que:
- en cas d'erreur manifeste reconnue par l'autorité compétente,
- en ce qui concerne les parcelles agricoles, dans des cas particuliers dûment justifiés (comme, notamment, décès, mariage, achat ou vente, conclusion d'un contrat de location).
[...]»
22. Conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3887/92, les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et des primes.
23. L'article 9 de ce même règlement contient une série de dispositions étroitement liées entre elles qui permettent de calculer la superficie éligible lorsqu'il existe un écart entre la superficie déclarée dans la demande d'aides «surfaces» et la superficie déterminée à la suite des contrôles effectués par les autorités nationales compétentes. Cet article vise à prévenir et à sanctionner de manière efficace les irrégularités et les fraudes commises en la matière .
24. L'article 9 du règlement n° 3887/92 a été modifié à plusieurs reprises, notamment par les règlements (CE) nos 229/95 et 1648/95 . Ces modifications s'appliquent aux demandes d'aides introduites au titre des années 1996 et suivantes. Toutefois, en vertu de l'article 2, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 , elles s'appliquent également de manière rétroactive aux infractions commises sous l'empire des dispositions du règlement n° 3887/92. L'article 2, paragraphe 2, du règlement n°
2988/95 dispose, en effet, que, «[e]n cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s'appliquent rétroactivement».
25. Dans l'arrêt du 17 juillet 1997, National Farmers' Union e.a. , la Cour a jugé que les modifications introduites par les règlements nos 229/95 et 1648/95 ont atténué, dans une certaine mesure, les sanctions administratives instituées par le règlement n° 3887/92. Selon la Cour, il résulte de l'article 9 du règlement n° 3887/92, tel que modifié par les règlements nos 229/95 et 1648/95, lu en combinaison avec l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95, que les sanctions moins sévères
prévues par les règlements nos 229/95 et 1648/95 doivent s'appliquer rétroactivement .
26. L'article 9 du règlement n° 3887/92, tel que modifié par les règlements nos 229/95 et 1648/95, prévoit:
«1. Lorsqu'il est constaté que la superficie effectivement déterminée est supérieure à celle déclarée dans la demande d'aides surfaces, la superficie déclarée est prise en compte pour le calcul du montant de l'aide.
2. Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides surfaces dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 3 % ou 2 hectares et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée.
Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée.
Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave:
- l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause
et
- en cas d'une fausse déclaration faite délibérément du bénéfice de tout régime d'aides visé à l'article 1er paragraphe 1 du règlement [...] n° 3508/92 au titre de l'année civile suivante pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée.
Les diminutions susvisées ne sont pas appliquées si, pour la détermination de la superficie, l'exploitant prouve qu'il s'est correctement basé sur des informations reconnues par l'autorité compétente.
Les parcelles mises en jachère pour la production de matières servant à la fabrication de produits non alimentaires, pour lesquelles l'exploitant n'a pas rempli toutes les obligations lui incombant, sont considérées comme des superficies non retrouvées lors du contrôle pour l'application du présent article.
Au sens du présent article, on entend par superficie déterminée celle pour laquelle toutes les conditions réglementaires ont été respectées.
3. Pour l'application des paragraphes 1 et 2, sont prises en compte seulement et séparément les superficies fourragères, les superficies relatives au gel des terres et celles relatives aux différentes cultures arables pour lesquelles un montant d'aides différent est applicable.
4 a) Les superficies établies en application des paragraphes 1, 2 et 3 pour le calcul de l'aide sont utilisées [...] pour le calcul de l'indemnité compensatrice.
Le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables est effectué sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures.
[...]»
27. En vertu de l'article 14, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 3887/92, en cas de paiement indu, l'exploitant concerné est obligé de rembourser ces montants, augmentés d'un intérêt calculé en fonction du délai s'étant écoulé entre leur paiement par l'autorité compétente et le remboursement du trop-perçu par le bénéficiaire.
II - Les faits et la procédure
A - Les antécédents du litige au principal
28. Le 3 mai 1996, la requérante a sollicité le versement d'un paiement compensatoire en application du règlement n° 1765/92 pour la mise en jachère d'une parcelle de 191,71 ha. Elle s'est adressée à la défenderesse, qui est l'autorité allemande compétente pour gérer le système intégré de gestion et de contrôle du régime d'aides. Dans son formulaire de demande d'aides, la requérante a déclaré qu'elle s'engageait à signaler sans délai à l'autorité compétente nationale tout élément qui s'opposerait à
l'octroi ou au maintien des aides, tout écart par rapport aux données figurant dans la demande, tout changement dans les droits d'utilisation pendant toute la durée des obligations auxquelles elle avait souscrit ainsi que tout non-respect des conditions d'octroi de l'aide, même lorsque ce non-respect résulte d'un cas de force majeure.
29. Le 11 décembre 1996, la défenderesse a informé la requérante que, conformément à l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, second tiret, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, elle était exclue du bénéfice de l'aide afférente à la période de jachère au titre de l'année de la demande et de l'année suivante au motif que, selon les constatations opérées sur place, elle a utilisé 14,90 ha de la superficie en jachère comme pâturage sans l'en informer. La défenderesse a estimé que la requérante
savait que la parcelle déclarée mise en jachère ne pouvait plus être utilisée comme pâturage après ladite déclaration et qu'elle se serait délibérément abstenue de l'informer du changement de destination.
30. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, en cours d'instance, la requérante a expliqué que, depuis les mois de mars et d'avril 1995, des constructions étaient projetées, portant sur deux étables ainsi que sur la création d'une cuve à lisier. En ce qui concerne l'étable abritant les vaches ultérieurement stationnées sur la parcelle mise en jachère, les travaux de construction avaient commencé à la fin du mois de mai 1996. Les bêtes ont alors été hébergées dans la ferme voisine. Toutefois, la
construction d'une cuve à lisier sur le périmètre de la ferme ayant été avancée de quatre semaines, il a été nécessaire de stationner temporairement les vaches sur la superficie mise en jachère, située à proximité. Selon les plans de construction, il avait certes été prévu une emprise temporaire sur les terrains occupés par la ferme, mais non le pacage des vaches sur la superficie mise en jachère.
31. Dans son recours devant le Verwaltungsgericht Dessau (Allemagne), la requérante a fait valoir que le fait de mettre en pacage des vaches sur les terres mises en jachère ne constitue pas une production agricole de nature à remettre en cause l'octroi des aides. La sanction prévue à l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, second tiret, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, ne s'attacherait qu'à de fausses déclarations faites délibérément, concernant la superficie mise en jachère, au moment
de la présentation de la demande. Cette disposition ne serait pas applicable au présent cas d'espèce, qui porte sur la réduction de la superficie mise en jachère, après le dépôt de la demande, et donc sur l'omission d'informer l'autorité compétente de cette modification ultérieure.
32. Par jugement du 14 juillet 1999, le recours de la requérante a été rejeté. Selon le Verwaltungsgericht Dessau, celle-ci avait fourni de fausses déclarations en ce qui concerne la superficie mise en jachère. Il serait parfaitement conforme au libellé de l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, second tiret, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, et d'ailleurs requis par l'esprit et la finalité de cette disposition, que des données figurant dans la demande d'aides soient considérées comme
fausses non seulement en cas de non-conformité avec la situation réelle au moment de la présentation de ladite demande, mais également lorsque ces données ne concordent plus, après coup, à savoir lorsque le demandeur de l'aide, postérieurement au changement de la situation qui se présentait à l'origine, n'aurait pas procédé à la rectification. Le fait de maintenir une demande d'aides en dépit d'une modification ultérieure des circonstances de nature à influer sur l'octroi de l'aide est constitutif
en lui-même de fausses déclarations au sens du régime instituant les sanctions. Selon le Verwaltungsgericht Dessau, il y aurait lieu de reprocher également à la requérante le caractère intentionnel, en tant qu'élément nécessaire au prononcé de la sanction. En effet, au plus tard à la fin du mois de juin 1996, elle se serait rendu compte que la superficie mise en jachère était utilisée dans des conditions qui compromettaient l'éligibilité de l'aide, de sorte qu'elle a immédiatement après fait en
sorte d'éloigner les vaches dudit périmètre. Bien qu'elle ait su être tenue d'en faire la déclaration, elle n'a à aucun moment signalé à la défenderesse la réduction de la superficie faisant l'objet du gel des terres.
33. La requérante, qui a été admise à interjeter appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, conclut au bénéfice non diminué de l'aide afférente à la mise en jachère. La défenderesse conclut à la confirmation de la décision de première instance. La juridiction de renvoi constate que, si l'on accepte les explications fournies par la requérante, elle n'a pas, au moment du dépôt de la demande d'aides, ni délibérément ni par négligence grave, fait de fausses déclarations concernant la
superficie mise en jachère. Dans ces conditions, la requérante aurait partiellement gain de cause si, conformément à sa thèse, la sanction édictée à l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, second tiret, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, présupposait qu'une exploitation des superficies mises en jachère allant à l'encontre du dispositif d'aides ait déjà été préméditée au moment du dépôt de la demande d'aides ou que le demandeur, faisant à cet égard preuve d'une négligence grave, aurait dû
savoir qu'une telle utilisation serait faite après le dépôt de ladite demande.
34. Selon la juridiction de renvoi, l'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, n'aboutit cependant pas à un résultat tellement évident qu'il ne laisserait de place à aucun doute raisonnable. En conséquence, elle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour deux questions préjudicielles.
B - Les questions préjudicielles
35. «1) L'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement [n° 3887/92] doit-il être interprété en ce sens que les fausses déclarations participent d'un acte positif fautif commis dans le cadre d'une demande visant à l'octroi d'une aide, avec pour conséquence que l'abstention consistant à ne pas signaler à l'autorité chargée de l'octroi des aides des modifications ayant une incidence au regard de son octroi et qui ne sont survenues que postérieurement à la demande d'octroi n'entraîne pas de
sanctions?
2) Les cas de divergences dits simples, visés à l'article 9, paragraphe 2, premier alinéa, seconde phrase, du règlement [n° 3887/92], impliquent-ils de fausses déclarations remontant à la présentation de la demande, ou s'agit-il simplement à cet égard de comparer les déclarations figurant dans la demande avec le résultat des contrôles effectués sur place?»
III - Appréciation
36. Par sa première question, le juge de renvoi souhaite obtenir des précisions sur la notion de «fausse déclaration», au sens de l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement n° 3887/92, tel que modifié. Il vous demande ainsi de déterminer si cette notion suppose nécessairement:
- un acte positif fautif de la part du demandeur d'aides «surfaces», de sorte qu'une abstention ou une omission coupables ne pourraient pas entraîner les sanctions prévues par ce texte. Par «abstention» ou «omission» coupables, il faut comprendre le fait de ne pas avoir signalé à l'autorité compétente une modification de la situation précédemment déclarée qui a eu une incidence sur l'octroi ou le maintien de l'aide;
- que la fausse déclaration ait été commise au moment de la présentation de la demande d'aides «surfaces», de sorte qu'un acte positif fautif ou une omission fautive commise postérieurement au dépôt de la demande ne pourrait pas entraîner de sanctions.
37. Par sa seconde question, le juge de renvoi vous demande de dire si la sanction prévue à l'article 9, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, suppose également une fausse déclaration de la part du demandeur d'aides «surfaces» faite au moment de la présentation de la demande d'aides. Dans la négative, il vous invite à préciser si la constatation d'une simple différence entre la superficie déclarée et la superficie déterminée lors du contrôle suffit
à entraîner l'application des sanctions prévues à l'article 9, paragraphe 2, premier alinéa, seconde phrase, du règlement n° 3887/92, tel que modifié.
38. Selon la requérante, l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887, tel que modifié, doit être interprété en ce sens qu'aucune sanction ne peut être infligée si aucune erreur n'a été effectuée lors de la présentation de la demande d'aides, de sorte que les changements de situation, ayant des incidences sur l'octroi ou le maintien de l'aide sollicitée, sont dénués d'effet.
39. Conformément à l'ensemble des intervenants, nous estimons que cette interprétation est non seulement incompatible avec le libellé et la finalité de l'article 9 du règlement n° 3887, tel que modifié, mais que, en outre, elle viole le principe de proportionnalité et est de nature à favoriser les fraudes ainsi qu'à rendre inefficace le système de contrôle et de gestion mis en place par les régimes d'aides.
40. L'objectif de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, consiste à prévenir et à sanctionner les erreurs et les fraudes en instaurant un système de sanctions échelonnées tenant compte de la gravité de l'irrégularité commise. Cette sanction peut aller jusqu'à l'exclusion totale du bénéfice d'un régime d'aides pour l'année concernée et l'année suivante .
41. À cet effet, le système mis en place par cette disposition prévoit:
- l'aide «surfaces» n'est accordée dans son intégralité que si:
- la superficie déclarée et la superficie déterminée sont identiques ;
- les conditions réglementaires imposées par le régime d'aides en cause ont été respectées , et
- la seule constatation d'un écart entre la superficie déclarée et la superficie déterminée implique une correction, voire une sanction, sauf cas de force majeure .
42. Lorsque la superficie déclarée dépasse la superficie déterminée, l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, prévoit quatre types de sanctions graduées en fonction de la gravité de l'irrégularité commise.
43. Conformément audit article 9, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, le comportement non fautif (tel qu'une erreur commise de bonne foi) entraînera deux types de sanctions consistant en la diminution de l'aide accordée. Cette diminution sera effectuée en fonction du quantum de l'erreur dans la détermination de la surface ouvrant droit à l'aide. Si l'erreur dans la détermination de cette surface est de faible importance, une simple correction du montant de l'aide sera effectuée . En revanche,
la diminution de l'aide accordée peut être plus importante lorsque l'excédent constaté est supérieur à 3 % ou 2 ha et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée . La sanction peut aller jusqu'à la suppression de cette aide lorsque l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée .
44. Le comportement fautif - tel qu'une fausse déclaration faite délibérément ou la négligence grave - du demandeur d'aides «surfaces» entraîne des sanctions plus lourdes. Dans ce cas, l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause . En cas de fausse déclaration faite délibérément, il est, en outre, exclu du bénéfice de tout régime d'aides au titre de l'année civile suivante pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides
a été refusée .
45. Il ressort de ces dispositions que la seule constatation d'une différence entre la superficie déclarée et la superficie effectivement déterminée à la suite des contrôles effectués par les autorités compétentes impose une correction. En outre, le moment où l'irrégularité a été commise importe peu, dès lors qu'au stade du contrôle un écart entre la superficie déclarée et la superficie déterminée est constaté.
46. Il résulte également de ces dispositions qu'un système échelonné de sanctions a été mis en place, qui tient compte d'un élément objectif, le quantum de ladite différence entre ces deux superficies, et d'un élément subjectif, la gravité de l'irrégularité commise (comportement fautif ou non de l'exploitant à l'origine de cette situation ainsi que sa négligence grave). L'élément fondamental en ce qui concerne la détermination des sanctions applicables réside donc dans le comportement de l'auteur de
cette situation condamnable. À cet égard, il est indifférent que l'acte frauduleux à l'origine de l'irrégularité soit positif ou passif (comme le sont une omission ou une négligence).
47. Enfin, l'appréciation du degré de gravité de l'irrégularité commise est, en tout état de cause, du ressort exclusif du juge national .
48. En l'espèce, la requérante a stationné temporairement des vaches sur une partie de la superficie mise en jachère sans en informer les autorités compétentes. Ce faisant, elle a utilisé les terres déclarées gelées à des fins autres que celles autorisées par les textes applicables. En effet, l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1765/92 prévoit que les terres gelées ne peuvent être utilisées que pour la production de matières destinées à la fabrication de produits qui ne sont pas directement
destinés à la consommation humaine ou animale. Ce qui exclut, par conséquent, que des bovins puissent y pacager.
49. La requérante n'a donc pas respecté les conditions réglementaires prévues en matière de gel des terres puisque, contrairement aux dispositions de l'article 3, paragraphe 4, second tiret, du règlement n° 762/94, elle n'a pas laissé geler une terre déclarée en jachère. En conséquence, conformément aux dispositions de l'article 9, paragraphe 2, sixième alinéa, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, l'aide sollicitée ne peut pas être accordée dans son intégralité.
50. Il revient au juge de renvoi d'apprécier la gravité de cette irrégularité en tenant compte du comportement de son auteur.
51. Outre qu'elle est incompatible avec la finalité et le libellé de l'article 9 du règlement n° 3887/92, tel que modifié, l'interprétation suggérée par la requérante aboutirait, de plus, à la situation paradoxale qu'un agriculteur qui s'est trompé de bonne foi dans sa déclaration des superficies mises en jachère sera sanctionné par la réduction de la superficie éligible, voire par la suppression totale de l'aide sollicitée . En revanche, la constatation d'un écart entre les superficies déclarées en
jachère et celles déterminées à la suite des contrôles ne pourrait entraîner aucune conséquence préjudiciable pour l'agriculteur qui prouve n'avoir commis aucune erreur dans la demande d'aides «surfaces» même s'il s'avère que cet agriculteur a enfreint l'obligation de laisser geler les terres déclarées en jachère.
52. Enfin, une telle interprétation est de nature à favoriser les fraudes et à rendre inefficace le système de contrôle et de gestion du régime d'aides «surfaces». Il suffirait, en effet, au demandeur d'aides d'effectuer une déclaration exacte, de se ménager des preuves de la réalité de la situation telle qu'elle existe au moment de la présentation de la demande d'aides, puis de modifier cette situation sans en informer les autorités, pour échapper aux sanctions qui auraient dû lui être infligées en
raison de la constatation d'un écart entre les superficies déclarées et les superficies contrôlées.
53. Il découle des développements précédents que l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, doit être interprété en ce sens que les sanctions y prévues s'appliquent si un écart entre les superficies figurant dans la demande d'aides et celles établies à la suite du contrôle des autorités compétentes est constaté. À cet égard, l'origine de cet écart est indifférente, comme l'est le moment où l'irrégularité, de bonne ou de mauvaise foi, par négligence grave ou de façon
délibérée, a été commise. En outre, la distinction opérée entre la notion de «faute par action» ou de «faute par omission» n'est pas pertinente aux fins de l'application des sanctions instaurées par l'article 9 dudit règlement. Enfin, en ce qui concerne la qualification de l'irrégularité par rapport à l'échelle des sanctions envisagées à l'article 9, paragraphe 2, de ce même règlement, il revient au juge national d'apprécier si ladite irrégularité a été commise de bonne foi, ou si elle résulte d'une
intention délibérée ou d'une négligence grave de la part du demandeur d'aides «surfaces», et d'infliger les sanctions prévues audit article 9.
Conclusion
54. Pour les raisons précédemment exposées, nous proposons à votre Cour d'apporter la réponse suivante aux questions posées par l'Oberverwaltungsgericht des Landes Sachsen-Anhalt:
«L'article 9, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, tel que modifié par les règlements (CE) de la Commission nos 229/95, du 3 février 1995, et 1648/95, du 6 juillet 1995, doit être interprété en ce sens que:
- les sanctions y prévues s'appliquent si un écart entre les superficies figurant dans la demande d'aides et celles établies à la suite du contrôle des autorités compétentes est constaté; l'origine de cet écart est, à cet égard, indifférente, comme l'est le moment où l'irrégularité commise de bonne ou de mauvaise foi, par négligence grave ou de façon délibérée, a eu lieu, de sorte qu'une irrégularité commise postérieurement au dépôt de la demande d'aides ne permet pas d'échapper aux sanctions ainsi
prévues;
- pour l'application dudit article, la distinction entre les notions de faute par action ou de faute par omission n'est pas pertinente;
- la qualification de l'erreur par rapport à l'échelle des irrégularités envisagées à l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 3887/92, tel que modifié, relève de la compétence exclusive du juge national, de sorte qu'il lui appartient d'apprécier si cette irrégularité a été commise de bonne foi, ou si elle résulte d'une intention délibérée ou d'une négligence grave de la part du demandeur d'aides surfaces.»