Avis juridique important
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62000C0177
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 26 septembre 2002. - République italienne contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Apurement des comptes - Exercices 1995 à 1998 - Restitutions à l'exportation - Huile d'olive - Vente d'alcool d'intervention. - Affaire C-177/00.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-00233
Conclusions de l'avocat général
1. Par le présent recours, formé au titre de l'article 230, premier alinéa, CE, la République italienne demande l'annulation partielle de la décision 2000/216/CE de la Commission, du 1er mars 2000, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie (FEOGA), section «garantie» .
2. La République italienne conteste la décision attaquée en ce qu'elle impose trois corrections financières pour les dépenses déclarées au titre des exercices 1995 à 1998. Ces dépenses concernent les restitutions à l'exportation ainsi que la vente d'alcools de stocks d'intervention. Les corrections imposées sont les suivantes:
- une correction forfaitaire de 5 % appliquée à l'ensemble des dépenses relatives aux restitutions à l'exportation pour la période allant du 1er octobre 1995 au 31 décembre 1998, en raison de l'insuffisance des contrôles physiques effectués sur les produits, soit un montant de 61 665 065 968 ITL;
- une correction financière de 2 957 721 060 ITL correspondant au montant des restitutions à l'exportation accordées pour des quantités d'huile d'olive inéligible, et
- une correction financière de 7 760 156 831 ITL correspondant au montant des garanties qui auraient dû être saisies dans le cadre de la vente d'alcools détenus par les organismes d'intervention.
3. Les motifs des corrections appliquées sont résumés dans le rapport de synthèse relatif aux résultats des contrôles dans l'apurement des comptes du FEOGA, section «garantie», en ce qui concerne les restitutions à l'exportation, les fruits et légumes, les primes animales, les mesures agri-environnementales, l'audit financier, les cultures arables, le lin et le chanvre .
4. Avant d'examiner les éléments spécifiques aux trois corrections litigieuses (points II à IV), il convient de rappeler les règles générales relatives aux contrôles des opérations financées par le FEOGA (point I).
I - Le cadre juridique général
5. Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune , dispose, en ses articles 2 et 3, que la Communauté européenne finance, par la section «garantie» du FEOGA, les restitutions à l'exportation vers les pays tiers et les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles, accordées, selon les règles communautaires, dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles.
6. En vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 729/70, la Commission met à la disposition des États membres les crédits nécessaires pour que les services et les organismes désignés par les États membres procèdent, conformément aux règles communautaires et aux législations nationales, aux paiements de ces restitutions et interventions. Aux termes de l'article 5, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, la Commission apure avant la fin de l'année suivante, sur la base des comptes annuels
accompagnés des pièces nécessaires à leur apurement, les comptes des services et des organismes des États membres.
7. L'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, pour prévenir et pour poursuivre les irrégularités ainsi que pour récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.
8. En vertu de l'article 8, paragraphe 2, de ce règlement, à défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d'irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou aux organismes des États membres. Les sommes récupérées sont versées aux services ou aux organismes payeurs et portées par ceux-ci en diminution des dépenses financées par le FEOGA.
9. Conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 729/70, les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du FEOGA et prennent toutes les mesures susceptibles de faciliter les contrôles que la Commission estimerait utile d'entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des vérifications sur place.
10. Selon le paragraphe 2 de cette disposition, les agents mandatés par la Commission pour les vérifications sur place ont accès aux livres et à tous les autres documents ayant trait aux dépenses financées par le FEOGA. À la demande de la Commission et avec l'accord de l'État membre, des vérifications ou des enquêtes relatives aux opérations visées au présent règlement sont effectuées par les instances compétentes des États membres. Des agents de la Commission peuvent y participer.
11. Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «garantie» , et abrogeant la directive 77/435/CEE , concerne le contrôle de la réalité et de la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par le FEOGA, section
«garantie», sur la base des documents commerciaux des bénéficiaires ou des redevables, désignés sous le terme «entreprises». Selon l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 4045/89, les États membres procèdent aux contrôles des documents commerciaux des entreprises en tenant compte du caractère des opérations à contrôler. Les modalités de ces contrôles sont réglées aux paragraphes 2 et suivants de cet article.
12. S'agissant des conséquences financières pour l'apurement des comptes de la section «garantie» du FEOGA en cas de carences de contrôles effectués par les États membres, un groupe interservices de la Commission a adopté des critères , qui ont été approuvés par la Commission et communiqués à tous les États membres au sein du comité de gestion du FEOGA, où ils ont reçu un accueil favorable. Ces critères prévoient trois catégories de corrections à taux forfaitaire:
A) 2 % des dépenses, si la carence se limite à certains éléments du système de contrôle de moindre importance ou à l'exécution de contrôles qui ne sont pas essentiels pour garantir la régularité de la dépense, de sorte qu'il peut raisonnablement être conclu que le risque de pertes pour le FEOGA est mineur.
B) 5 % de la dépense, si la carence concerne des éléments importants du système de contrôle ou l'exécution de contrôles qui jouent un rôle important pour la détermination de la régularité de la dépense, de sorte qu'il peut être raisonnablement conclu que le risque de pertes pour le FEOGA est significatif.
C) 10 % de la dépense, si la carence concerne l'ensemble ou les éléments fondamentaux du système de contrôle ou encore l'exécution de contrôles essentiels destinés à garantir la régularité de la dépense, de sorte que l'on peut raisonnablement conclure qu'il existe un risque élevé de pertes généralisées pour le FEOGA.
13. Le rapport Belle rappelle qu'il est possible de refuser la totalité de la dépense et que, par conséquent, un taux supérieur de correction peut être jugé approprié dans des circonstances exceptionnelles.
14. Le 1er juillet 1994, la Commission a adopté la décision 94/442/CE . Selon son article 1er, paragraphe 1, sous b) et c), l'organe de conciliation entreprend de rapprocher les positions divergentes de la Commission et de l'État membre concerné et établit, à l'issue de ses travaux, un rapport sur le résultat de la tentative de rapprochement. L'article 1er, paragraphe 2, sous a), précise que, en ce qui concerne la poursuite de la procédure de l'apurement des comptes, la position prise par l'organe
de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d'apurement des comptes et ne met pas en cause le droit de recours de l'État membre concerné contre une telle décision, au titre de l'article 230 CE.
II - Les restitutions à l'exportation (contrôles physiques inadéquats)
A - Le contexte et le cadre juridique
15. Les restitutions à l'exportation sont des aides versées aux exportateurs communautaires de certains produits agricoles pour leur permettre d'être compétitifs sur les marchés des pays tiers, où les prix pratiqués sont généralement inférieurs aux prix communautaires . Le taux des restitutions varie en fonction de plusieurs éléments et, notamment, de la classification précise des marchandises dans la nomenclature des restitutions et du pays de destination finale .
16. Le système communautaire offre la possibilité de préfinancer les restitutions à l'exportation . Dans ce cas, la restitution est versée à l'entreprise bénéficiaire, contre le dépôt d'une garantie, lorsque la marchandise est placée sous le contrôle douanier. Cette opération s'effectue généralement dans les locaux de l'entreprise, plusieurs mois avant l'exportation effective .
17. Dans ces conditions, des contrôles stricts sont requis afin de garantir que les produits exportés correspondent exactement - en ce qui concerne la classification, l'état et le poids - aux produits que l'entreprise a déclarés. Il s'agit également d'assurer que les produits déclarés sont effectivement mis à la consommation dans le pays de destination finale et que les marchandises ont bien été exportées conformément aux règles communautaires .
18. En 1985 et en 1987, la Cour des comptes a établi deux rapports relevant des insuffisances dans les contrôles effectués par certains États membres sur les produits agricoles pour lesquels des restitutions ou d'autres montants sont octroyés lors de l'exportation .
19. En vue de remédier à ces carences, le Conseil a, le 12 février 1990, adopté le règlement (CEE) n° 386/90 relatif au contrôle lors de l'exportation de produits agricoles bénéficiant d'une restitution ou d'autres montants . Ce règlement vise à améliorer et à harmoniser les mesures prises par les États membres en instaurant un régime communautaire de contrôle . Ses dispositions d'application figurent dans le règlement (CEE) n° 2030/90 de la Commission, du 17 juillet 1990 .
20. L'article 2 du règlement n° 386/90 prévoit que les États membres doivent procéder à deux types de contrôles sur les produits agricoles:
- un contrôle physique, lors de l'accomplissement des formalités douanières et avant l'octroi de l'autorisation d'exporter les marchandises, sur la base des documents présentés à l'appui de la déclaration d'exportation, et
- un contrôle documentaire du dossier de la demande de paiement des restitutions à l'exportation.
21. Selon l'article 3 dudit règlement, le contrôle physique doit être effectué par sondage et de manière fréquente et inopinée. En tout état de cause, il doit «porter au moins sur un choix représentatif de 5 % des déclarations d'exportation faisant l'objet d'une demande [de paiement lié aux opérations d'exportation]». Le taux de 5 % s'applique à chaque bureau de douane, à chaque année calendaire et à chaque secteur de produits.
22. En outre, l'article 3, paragraphe 3, prévoit que, lorsque la concordance entre la marchandise et sa désignation dans la nomenclature des restitutions n'apparaît pas au simple examen visuel du produit et que son classement ou sa qualité exige une connaissance très exacte des composants, les autorités douanières doivent s'assurer de cette désignation selon la nature du produit par le biais de tous les sens ou au moyen de mesures physiques pouvant aller jusqu'à des analyses dans les laboratoires
équipés à cet effet.
23. S'agissant du contrôle documentaire, l'article 4 du règlement n° 386/90 dispose que les organismes payeurs procèdent, sur la base des dossiers de demande de paiement et d'autres informations disponibles, à un contrôle de tous les éléments de ces dossiers qui font foi pour l'octroi du montant en question.
24. En 1992 et en 1993, la Commission a réalisé plusieurs audits dans les États membres en vue de vérifier les conditions d'application des contrôles prévus par les règlements nos 386/90 et 2030/90 . Compte tenu des insuffisances constatées, la Commission a, le 14 janvier 1994, adressé une lettre demandant aux autorités nationales de prendre les mesures correctives nécessaires avant le 1er juillet 1994 . Au titre des mesures requises, cette lettre mentionne les modalités suivantes:
«[...]
e) Présentation des marchandises
Si un agent des douanes n'est pas présent au moment du chargement des marchandises, elles seront chargées de manière à ce qu'il soit possible d'effectuer sans difficultés le contrôle, faute de quoi les marchandises devront être déchargées en totalité.
[...]
g) Les contrôles physiques effectifs
Les contrôles physiques sont d'ordre quantitatif et qualitatif.
Le poids doit être contrôlé pour que le contrôleur s'assure que la quantité totale déclarée est correcte.
Le contrôle qualitatif doit être fait en prélevant et en analysant des échantillons, à moins qu'un examen visuel suffise à établir que la qualité est conforme à la description donnée [...].
h) Rapports sommaires sur les contrôles
Les rapports sommaires sur les contrôles mentionneront les mesures prises pour contrôler la quantité totale, la nature et les caractéristiques du produit déclaré».
25. En 1995, la Commission a intégré les mesures prévues par la lettre n° VI/2705 dans le règlement (CE) n° 2221/95, du 20 septembre 1995 . Ce texte remplace le règlement n° 2030/90 à compter du 1er janvier 1996 et contient les modalités à respecter pour procéder aux contrôles physiques des produits agricoles.
26. Ainsi, l'article 5 définit le contrôle physique comme la «vérification de la concordance entre la déclaration d'exportation, y compris les documents présentés à l'appui de celle-ci, et la marchandise, en ce qui concerne la quantité, la nature et les caractéristiques de celle-ci». Le paragraphe 2 de cet article interdit de considérer comme un contrôle valable un contrôle pour lequel l'exportateur a été préalablement averti, de manière expresse ou tacite.
27. L'article 7 impose à chaque bureau de douane de prendre les dispositions nécessaires pour constater que le taux de 5 % prévu par le règlement n° 386/90 est atteint. Il prévoit également que chaque contrôle physique doit faire l'objet d'un compte rendu détaillé établi par le fonctionnaire ayant réalisé le contrôle.
28. Enfin, l'annexe du règlement n° 2221/95 énonce les méthodes concrètes pour procéder au contrôle physique des produits agricoles. Le point 2, sous a), précise:
- si l'exportateur déclare des marchandises qui sont conditionnées dans des sacs, des boîtes ou des bouteilles, le bureau de douane doit compter le nombre total de sacs, de boîtes ou de bouteilles et vérifier la nature et les caractéristiques de la marchandise par choix représentatifs;
- si l'exportateur utilise des palettes qui sont chargées avec des caisses (ou des boîtes), le bureau de douane doit choisir des palettes représentatives et vérifier si le nombre de caisses (ou de boîtes) déclarées s'y trouve. Il doit également choisir, dans ces palettes, un nombre de caisses (ou de boîtes) représentatives et vérifier si le nombre de bouteilles (ou de pièces) s'y trouve.
B - Les faits
29. Pour faire face à un risque croissant de fraudes et d'irrégularités dans le domaine des restitutions à l'exportation, la Commission a, depuis 1996, renforcé ses inspections dans les États membres en ce qui concerne les contrôles pratiqués par les autorités douanières. Selon la Commission, les inspections effectuées en Italie ont permis de relever l'existence d'erreurs systématiques dans les procédures menées par les autorités douanières.
30. Se fondant sur les résultats de contrôles documentaires et de contrôles sur place effectués lors de deux inspections (une inspection menée du 15 au 19 avril 1996 dans les postes de douane de Trévise, de Trieste, de Fernetti et de Côme ainsi qu'une inspection menée du 2 au 6 décembre 1996 dans les postes de Terni, de Pise, de Livourne et de Viareggio), la Commission a estimé que les autorités italiennes ne respectaient pas les dispositions des règlements nos 386/90 et 2221/95 relatives aux
contrôles physiques des produits agricoles.
31. En premier lieu, la Commission critique le caractère partiel des contrôles physiques. Ce grief concerne les procédures dites «d'exportation directe», c'est-à-dire les procédures dans lesquelles les produits sont directement contrôlés aux postes de douane sur les moyens de transport . La Commission estime que, dans ce cas, les contrôles physiques sont insuffisants au motif qu'ils ne sont effectués que lorsque la marchandise est chargée sur les camions. Ainsi, dans deux cas observés à Trévise et à
Pise, les agents de la Commission auraient constaté que les contrôles s'effectuaient sans tentative sérieuse de vérifier l'ensemble du chargement, que ce soit par déchargement de la marchandise ou par l'aménagement d'un couloir à l'intérieur des containers examinés. De plus, le taux de 5 % prévu par le règlement n° 386/90 ne serait pas atteint dans certains bureaux de douane (à Trévise). Enfin, le caractère général et imprécis des procès-verbaux relatifs aux contrôles physiques est également mis en
cause.
32. En second lieu, la Commission critique une absence de contrôles inopinés. Ce grief concerne les procédures dites «hors circuit» et «simplifiées».
La procédure «hors circuit» est une procédure par laquelle l'opérateur apporte la déclaration d'exportation au bureau de douane alors que les marchandises restent dans les locaux de l'entreprise . Dans ce cas, la Commission a constaté (à Pise, à Viareggio et à Terni) que les modalités des contrôles physiques ne permettaient pas de ménager l'effet de surprise. Il est apparu que, lorsque les autorités douanières décidaient d'effectuer un contrôle (dans 5 % des cas), l'agent se déplaçait avec
l'exportateur sur les lieux du contrôle, ce qui permettait à ce dernier de prévenir la société. Dans les autres cas (95 %), l'exportateur rapporterait la déclaration d'exportation à l'entreprise en sachant qu'aucun contrôle ne serait effectué, ce qui lui permettrait de modifier ou de remplacer ultérieurement la marchandise déclarée.
La procédure «simplifiée» est une procédure par laquelle l'exportateur adresse un préavis de chargement au bureau de douane et les agents contrôlent les produits et les documents pertinents dans les locaux de l'entreprise . Dans ce cas, la Commission a constaté (à Terni) que les modalités de contrôle ne permettaient pas de ménager l'effet de surprise puisque, en cas de contrôle, l'exportateur serait préalablement informé par les autorités douanières.
33. Dans ces deux procédures, le risque de manipulation et de substitution des marchandises serait aggravé par le fait que l'exportateur adresse lui-même la déclaration d'exportation à l'organisme payeur, une fois cette déclaration acceptée par les autorités douanières.
34. La Commission a informé les autorités italiennes de ses constatations par lettres des 23 janvier et 18 septembre 1997. Le 9 juillet 1999, elle a rendu ses conclusions officielles et a proposé une correction de 5 % des dépenses encourues pour tous les produits pour lesquels des restitutions à l'exportation avaient été accordées entre le 1er octobre 1995 et le 31 décembre 1998. Dans son rapport, l'organe de conciliation a considéré que, malgré certaines incertitudes, l'argumentation de la
Commission semblait justifiée. En conséquence, celle-ci a imposé la correction proposée, d'un montant de 61 665 065 968 ITL.
C - Le recours
35. La République italienne conteste la correction de 5 % qui lui a été imposée au titre des restitutions à l'exportation. À l'appui de sa contestation, elle invoque quatre séries d'arguments:
- violation du principe du contradictoire et des droits de la défense;
- non-représentativité des bureaux de douane contrôlés;
- contestation des irrégularités et des négligences imputées aux autorités italiennes, et
- contestation du montant de la correction.
36. Nous examinerons successivement chacun de ces arguments.
1. Sur la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense
37. La République italienne soutient que la correction appliquée est illégale au motif que les contrôles de la Commission auraient été effectués en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense. En effet, la Commission n'aurait informé le gouvernement italien des résultats de ses contrôles que très longtemps après ceux-ci, sans que des critiques précises fussent formulées envers les fonctionnaires des douanes et sans que ces derniers eussent l'occasion d'exprimer leur point de
vue. De même, les agents de la Commission auraient omis de rédiger des procès-verbaux contradictoires décrivant les opérations effectuées et les résultats des contrôles.
38. À cet égard, nous rappellerons que les décisions finales et définitives relatives à l'apurement des comptes FEOGA sont adoptées par la Commission au terme d'une procédure spécifique. Cette procédure est organisée par l'article 8 du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995 .
39. L'article 8, paragraphe 1, prévoit que, si, à l'issue d'une enquête, la Commission considère que des dépenses n'ont pas été effectuées selon les règles communautaires, elle est tenue de communiquer ses constatations à l'État membre concerné et d'indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir le respect des règles précitées ainsi qu'une évaluation des dépenses qu'elle envisage d'exclure du financement communautaire. L'État membre dispose d'un délai de deux mois pour répondre à la
Commission. Après ce délai, celle-ci doit convoquer une réunion bilatérale où les parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre. À l'issue de cette réunion, la Commission est tenue de communiquer formellement ses conclusions à l'État membre concerné.
40. En outre, l'article 8, paragraphe 2, interdit à la Commission d'adopter une décision d'exclusion de certaines dépenses avant d'avoir examiné le rapport établi par l'organe de conciliation en application de la décision 94/442.
41. Aux termes d'une jurisprudence constante , la Cour considère que cette procédure contradictoire offre aux États membres toutes les garanties requises pour présenter utilement leur point de vue. Cette procédure est donc de nature à garantir le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense.
42. Or, en l'espèce, la décision attaquée a été adoptée conformément à la procédure décrite ci-dessus.
43. En effet, la Commission a communiqué les résultats de ses inspections des 15 au 19 avril 1996 et 2 au 6 décembre 1996 aux autorités italiennes par lettres des 23 janvier 1997 (pour la première inspection) et 18 septembre 1997 (pour la seconde inspection) . Les autorités italiennes ont répondu à la Commission par lettres des 13 mars 1997 et 10 novembre 1997 . Faisant suite à cet échange de correspondance, la Commission a, le 23 novembre 1998 , invité les autorités italiennes à participer à une
réunion bilatérale au sens de l'article 8 du règlement n° 1663/95. Elle a ensuite communiqué formellement ses conclusions aux autorités italiennes par la lettre n° VI/36257, du 9 juillet 1999 . Le 6 août 1999 , la République italienne a saisi l'organe de conciliation, qui a rendu son rapport le 11 janvier 2000 . La décision attaquée indique expressément que la Commission a imposé la correction litigieuse après avoir examiné le rapport de l'organe de conciliation .
44. Il résulte de ces éléments que le grief tiré d'une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ne saurait être retenu. Au contraire, ces éléments démontrent que la Commission a scrupuleusement respecté la procédure prévue par le règlement n° 1663/95 et que, à chaque étape de la procédure, les autorités italiennes ont eu la possibilité d'exposer leur point de vue. De la sorte, la République italienne a pu relayer auprès de la Commission les observations que les
fonctionnaires des douanes auraient jugé utile de formuler en ce qui concerne le déroulement des contrôles. De même, elle a pu critiquer le contenu des procès-verbaux établis par les agents de la Commission.
45. En tout état de cause, les griefs spécifiques avancés par le gouvernement italien ne nous paraissent pas fondés.
46. S'agissant de la communication tardive des constatations de la Commission, il ressort du dossier qu'un délai de sept mois s'est écoulé entre les contrôles et la communication des résultats aux autorités italiennes. Or, contrairement à ce que soutient la République italienne, un tel délai ne saurait être considéré comme excessif.
47. En effet, la longueur de ce délai ne peut être appréciée in abstracto, sans tenir compte du contexte de l'affaire. Sur ce point, les éléments du dossier indiquent que les contrôles effectués par la Commission s'inscrivaient dans le cadre d'une enquête générale menée dans l'ensemble des États membres en 1996 et en 1997. Cette enquête avait pour objectif d'évaluer les mesures prises pour assurer les contrôles physiques et documentaires exigés par les règlements nos 386/90 et 2221/95 dans le
domaine des restitutions à l'exportation. Il est évident que les résultats d'une telle enquête sont plus lents et difficiles à gérer que les résultats d'audits ponctuels. Le délai litigieux est donc aisément justifié par la nature et l'ampleur des opérations de contrôle réalisées par les services de la Commission.
48. En tout état de cause, nous rappellerons que, dans d'autres affaires, la Cour a déjà considéré qu'un délai d'un an et demi séparant les contrôles effectués par la Commission et la communication des résultats des contrôles n'était pas de nature à conduire à l'annulation de la décision attaquée . Compte tenu de ces différents éléments, le grief tiré de la tardiveté de la transmission des résultats des contrôles doit être rejeté.
49. Le deuxième grief, relatif à l'absence de critiques, ne saurait davantage être retenu. L'examen du dossier démontre que, dans ses diverses communications , la Commission a formulé des critiques précises à l'égard des autorités douanières italiennes. Ces critiques sont précisément celles qui sont discutées par les parties dans le cadre du troisième moyen d'annulation .
50. Enfin, le grief relatif à l'absence de procès-verbaux contradictoires ne saurait, en tant que tel, conduire à l'annulation de la décision attaquée. Ce grief concerne la question de savoir si la Commission a correctement justifié sa décision d'exclure les dépenses litigieuses du financement communautaire. Il doit donc être examiné concrètement dans le cadre des arguments ayant trait à la matérialité des irrégularités ou des négligences imputées aux autorités italiennes. La Cour doit donc réserver
sa décision sur ce point tant que l'examen des moyens et arguments des parties n'implique pas la prise en considération des procès-verbaux litigieux.
51. Dans ces conditions, nous proposons à la Cour de rejeter le premier moyen d'annulation.
2. Sur la non-représentativité des bureaux de douane contrôlés
52. Par le deuxième moyen, la République italienne soutient que les postes de douane ayant fait l'objet des inspections de la Commission ne sont pas suffisamment représentatifs. Elle rappelle que, chaque année, quelque 80 000 demandes de restitutions à l'exportation lui sont présentées.
53. Sur ce point, le dossier contient les éléments suivants.
54. Les bureaux de douane ayant fait l'objet des contrôles en 1996 (Terni, Pise, Livourne, Viareggio, Trévise, Trieste, Fernetti et Côme) ont réalisé 27 % du total des restitutions à l'exportation enregistrées en Italie au cours de l'année 1995 .
En 1994 et en 1995, le poste de douane de Côme fut le plus important bureau en ce qui concerne le nombre de déclarations d'exportation déposées . Le poste de Trévise est le principal bureau de la région de Venise, à savoir la région qui a procédé au plus grand nombre de paiements de restitutions à l'exportation en Italie en 1994 . Trieste, pour sa part, fut parmi les cinq régions les plus importantes en termes de paiements de restitutions à l'exportation en Italie en 1994 . Son poste de douane est
également le principal bureau pour les déclarations à l'exportation vers la république de Slovénie et vers d'autres pays de l'est . Enfin, Trieste, Terni, Pise et Viareggio constituent les principaux bureaux de douane de la région de Florence.
55. En outre, la Commission souligne qu'elle a veillé à répartir ses contrôles entre les différentes procédures de dédouanement appliquées en Italie, à savoir les exportations directes, les procédures hors circuit et les procédures simplifiées .
56. Dans ces conditions, nous pensons que la Commission a fourni de sérieux éléments pour justifier le caractère représentatif des bureaux de douane italiens qu'elle a contrôlés en 1996.
57. Or, à aucun moment de la présente procédure, le gouvernement italien n'a contesté ces différents éléments. Il n'a, d'ailleurs, communiqué aucun chiffre à la Cour sur ce point.
58. Dans ces conditions, le deuxième grief, tiré de la non-représentativité des postes de douane contrôlés, doit donc être rejeté.
3. Sur la matérialité des irrégularités imputées aux autorités italiennes
59. Par son troisième moyen, la République italienne conteste la matérialité des irrégularités et des négligences imputées aux autorités douanières. Elle nie les constatations de la Commission selon lesquelles les contrôles effectués par les postes de douane de Terni, de Pise, de Viareggio et de Livourne ne présenteraient pas un caractère total et inopiné.
60. S'agissant du caractère partiel des contrôles, le gouvernement italien indique que, à la suite de l'inspection de la Commission, il a demandé à ses propres services de vérifier les faits litigieux. Or, les douaniers présents lors des contrôles effectués par la Commission auraient nié que les opérations se sont déroulées de la manière indiquée par celle-ci. En réalité, les douaniers ont affirmé avoir effectué des contrôles complets en aménageant un couloir sur toute la longueur du moyen de
transport contrôlé.
61. S'agissant du caractère inopiné des contrôles, le gouvernement italien nie que les contrôles effectués dans les procédures hors circuit et simplifiées fassent l'objet d'un préavis ou d'un avertissement. S'il est vrai que ces contrôles se déroulent sur le lieu de chargement des marchandises, la décision de procéder à ces contrôles serait prise au moment où l'exportateur se trouve dans le bureau de douane. En cas de contrôle, le douanier se rendrait immédiatement dans les locaux de l'entreprise,
de sorte que le déclarant n'aurait pas la possibilité de prévenir le personnel de la société.
62. En tout état de cause, le gouvernement italien souligne que les opérations ayant fait l'objet des inspections de la Commission ne sont pas représentatives, les derniers contrôles de la Commission datant de 1996. Or, après ces contrôles, les autorités italiennes auraient adressé des instructions précises aux bureaux de douane, de sorte que les carences relevées auraient cessé à partir de 1997. Dans ces conditions, la Commission ne pouvait imposer une correction pour les années 1995 à 1998.
63. Avant d'examiner ces arguments, il convient de rappeler les principes posés par la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne la charge de la preuve dans les litiges relatifs à l'apurement des comptes FEOGA.
64. Nous l'avons vu, le FEOGA finance uniquement les interventions entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles. En cas de contestation, il appartient à la Commission de prouver l'existence d'une violation des règles de l'organisation commune des marchés agricoles . La Commission est donc «obligée de justifier sa décision constatant l'absence ou les défaillances des contrôles mis en oeuvre par l'État membre concerné» .
65. Pour sa part, l'État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l'existence d'un système fiable et opérationnel de contrôle . Dès lors qu'il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d'un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle
.
66. En l'espèce, la Commission fournit plusieurs éléments permettant de douter de la fiabilité du système mis en oeuvre par les autorités italiennes pour le contrôle physique des produits agricoles. Il ressort du dossier que, lors des inspections d'avril et de décembre 1996, les agents de la Commission ont constaté les irrégularités suivantes :
- les contrôles physiques effectués sur les produits agricoles sont des contrôles partiels. Les douaniers ne vérifient pas l'ensemble du chargement du camion, que ce soit en exigeant le déchargement de la marchandise ou en aménageant un couloir à l'intérieur du container examiné. Les douaniers contrôlent uniquement les cartons situés à proximité de la porte arrière du camion. Ils ne peuvent donc garantir que l'ensemble des cartons contient le même produit ou que l'exportateur n'a pas placé des
produits différents à l'avant du camion. Ces éléments ont été constatés dans les postes de douane de Trévise, de Pise, de Viareggio et de Terni;
- le taux représentatif de 5 % exigé par l'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 386/90 n'est pas atteint dans le secteur des fruits et légumes. Cet élément a été constaté au poste de douane de Trévise;
- les procès-verbaux établis par les douaniers sont rédigés en termes généraux et ne contiennent aucun détail quant au déroulement des contrôles et aux résultats de ceux-ci, contrairement aux critères prescrits par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 2221/95. Cet élément fut constaté aux postes de douane de Côme et de Terni;
- les contrôles physiques ne sont pas des contrôles inopinés au sens des articles 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 386/90 et 5, paragraphe 2, du règlement n° 2221/95. En effet, les douaniers ne disposent pas de voiture de service. Cela signifie que, lorsqu'il décide d'effectuer un contrôle dans les locaux de l'entreprise (dans 5 % des cas), l'agent doit préalablement prendre contact avec le représentant de l'exportateur pour pouvoir se rendre sur les lieux du contrôle. Dans les autres cas
(95 %), l'exportateur rapporte la déclaration d'exportation en sachant qu'aucun contrôle ne sera effectué, ce qui lui permet de modifier ou de remplacer ultérieurement la marchandise déclarée. Cet élément a été constaté dans les postes de douane de Pise, de Viareggio et de Terni.
67. En outre, ces irrégularités ont perduré pendant les années 1997 et 1998. En examinant les rapports de contrôle présentés par la République italienne pour ces deux années , la Commission a relevé les mêmes irrégularités et négligences que celles qu'elle a constatées à l'occasion de ses contrôles de 1996. Ainsi, la Commission expose que les rapports contenaient des formules - telles que «controllo totale» ou «visita totale» - destinées à certifier que les contrôles pratiqués étaient des contrôles
complets. Or, en 1996, elle avait déjà constaté que de telles formules étaient apposées sur des rapports relatifs à des produits qui avaient fait l'objet de contrôles partiels.
68. La République italienne conteste la matérialité de certains de ces éléments de faits en se fondant sur un rapport établi le 19 mars 1999 par le service central d'inspection du ministère des Finances . Elle explique que, à la suite des inspections effectuées par la Commission, elle a demandé à ce service de mener sa propre enquête auprès des douaniers ayant assisté aux vérifications de la Commission. Or, les douaniers interrogés ont nié que les opérations se sont déroulées de la manière indiquée
par la Commission.
Ainsi, le douanier ayant pratiqué le contrôle physique du 5 décembre 1996 sur les produits de l'entreprise Federici SpA, à Terni, a déclaré qu'il avait déchargé une partie de la marchandise, de manière à créer un couloir sur la longueur du container et à compter le nombre total de caisses se trouvant dans le camion. Il a également certifié avoir vérifié la nature et les caractéristiques de la marchandise selon les méthodes prévues par le règlement n° 2221/95 . De même, les douaniers qui ont pratiqué
le contrôle physique sur les produits de l'entreprise Bertolli, à Pise, ont déclaré s'être introduits à l'intérieur du camion, en le parcourant jusqu'au fond, pour compter l'ensemble des cartons constituant le chargement .
69. La Commission maintient sa position et relativise la valeur probante du rapport du 19 mars 1999 . Elle souligne que les questions posées par les inspecteurs principaux (en 1999) portaient sur des faits qui remontaient à plus de trois ans (en 1995 et en 1996). En outre, au moment des entretiens, les douaniers interrogés connaissaient le motif des vérifications, à savoir les critiques émises par les services du FEOGA sur la fiabilité des contrôles physiques. La Commission estime que, dans ces
circonstances, on ne saurait exclure que la déposition des douaniers ait été influencée par le fait que leur propre responsabilité peut être mise en cause en cas d'irrégularités.
70. Comme la Commission, nous pensons que la valeur probante du rapport du 19 mars 1999 ne saurait remettre en cause les constatations effectuées par les agents du FEOGA.
71. Premièrement, il existe de nombreuses contradictions entre les différentes pièces versées par la République italienne. Ainsi, en ce qui concerne les contrôles physiques effectués par le poste de Pise, les douaniers interrogés en 1999 affirment être allés jusqu'au fond du camion et avoir compté tous les cartons composant le chargement . Or, dans sa lettre du 10 novembre 1997 , le directeur central de la direction des services douaniers avait expressément reconnu que le contrôle effectué à Pise
était un contrôle partiel en ce sens que les douaniers n'avaient pas vérifié l'ensemble du chargement. De même, en ce qui concerne les contrôles effectués par le poste de Viareggio, les douaniers interrogés en 1999 affirment s'être rendus dans les locaux de l'entreprise avec leur propre voiture de service . Or, dans sa lettre du 10 novembre 1997, le directeur central de la direction des services douaniers avait expressément reconnu que «[l]e problème des voitures du service des douanes [est]
extrêmement aigu en ce moment pour notre pays: il se pose dans le cadre du programme de réduction drastique des frais et des dépenses d'entretien des voitures de service de toute l'administration publique. [...] [L]a question ne pourra pas trouver une solution adéquate [de sorte que] la Commission ne peut en tenir compte objectivement» .
72. Contrairement à ce que soutient la République italienne , ces différentes contradictions ne sauraient être justifiées par le fait que la Commission a transmis tardivement les résultats de ses contrôles aux autorités nationales. En effet, nous avons déjà constaté que la Commission avait communiqué le résultat de ses vérifications dans un délai raisonnable et que ces communications contenaient une description précise des irrégularités reprochées aux autorités italiennes . En septembre 1997, les
autorités italiennes possédaient donc l'ensemble des éléments nécessaires pour contester la matérialité des faits constatés par les services de la Commission.
73. Deuxièmement, nous pensons que la valeur probante du rapport du 19 mars 1999 doit être relativisée en raison du contexte dans lequel il a été établi. Ce contexte est décrit par la République italienne dans son mémoire en réplique .
74. La requérante expose que, à l'origine, elle était convaincue que les contrôles physiques pratiqués sur le territoire national étaient conformes aux critères posés par les règlements nos 386/90 et 2221/95. D'après ses explications, «ce n'est [qu'au] début 1999 que le gouvernement italien a eu conscience de l'intention de la Commission d'appliquer une correction financière d'un montant élevé [et que] le gouvernement italien a jugé indispensable, afin d'obtenir plus d'informations ainsi qu'une
meilleure connaissance des faits, de procéder à une inspection» .
75. Il en résulte que le rapport du 19 mars 1999 a été établi à un moment où les autorités italiennes savaient que la Commission envisageait d'imposer une correction forfaitaire pour les dépenses relatives aux restitutions à l'exportation. De plus, il faut garder à l'esprit que les douaniers interrogés en 1999 se trouvaient dans une situation particulière puisque leur comportement lors des contrôles physiques était directement mis en cause par les services de la Commission. Dans un tel contexte,
nous pensons que personne ne serait en mesure d'exclure la possibilité que des erreurs aient pu se glisser dans les déclarations faites par les principaux intéressés.
76. Troisièmement, nous pensons qu'il serait juridiquement erroné d'attribuer aux déclarations des douaniers interrogés en 1999 une force probante équivalente à celle des procès-verbaux rédigés par les agents de la Commission. En effet, les déclarations litigieuses ne peuvent, à proprement parler, être qualifiées de «procès-verbal». Un procès-verbal est un acte officiel par lequel l'autorité compétente constate, notamment, la matérialité d'un fait entraînant des conséquences juridiques . Or, en
l'espèce, les douaniers interrogés n'ont pas constaté la matérialité des opérations de contrôle litigieuses. Selon leurs propres termes, ils ont simplement «reconstitué, à la demande des [inspecteurs du ministère des Finances], les opérations auxquelles a assisté [...] la Commission» . Il existe donc des raisons objectives et juridiques de considérer que de telles attestations ne peuvent constituer la preuve contraire des faits constatés par un agent de la Commission dans l'exercice de ses
fonctions.
77. En tout état de cause, nous pensons que les éléments contenus dans le rapport du 19 mars 1999 ne sont pas suffisants pour éliminer les doutes quant à la mise en place d'un ensemble adéquat et efficace de mesures de contrôle. À supposer même que l'on en accepte la valeur probante, ce rapport permettrait uniquement d'établir que certains contrôles pratiqués par certains postes de douane remplissaient les critères prévus par les règlements nos 386/90 et 2221/95. Or, la Commission fait état d'autres
irrégularités qui ne sont pas contestées ou infirmées par la République italienne.
78. Le gouvernement italien n'a soumis aucun élément de nature à infirmer les constatations de la Commission relatives à l'insuffisance des contrôles pratiqués dans les autres postes de douane. De même, il n'a pas établi que le taux de 5 % exigé par l'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 386/90 était atteint dans le poste de Trévise. Il n'a pas, non plus, démontré que les procès-verbaux rédigés par les douaniers étaient suffisamment détaillés au sens de l'article 7, paragraphe 2, du
règlement n° 2221/95. Enfin, la République italienne n'a fourni aucun élément de preuve permettant de conclure que les irrégularités relevées par la Commission ont effectivement cessé à compter du début de l'année 1997.
79. Dans ces conditions, nous estimons que la République italienne n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'un système fiable et opérationnel de contrôle. Nous proposons donc à la Cour de rejeter le troisième moyen d'annulation.
4. Sur le montant de la correction
80. Par le quatrième moyen, la République italienne conteste le montant de la correction imposée par la Commission. Elle considère que ce montant est excessif pour deux séries de raisons.
81. D'une part, la correction litigieuse serait excessive au motif qu'elle couvrirait les restitutions à l'exportation accordées pendant quatre années consécutives, à savoir les exercices 1995 à 1998. Or, les inspections effectuées par la Commission ont uniquement porté sur des comportements qui se sont déroulés pendant moins d'un an (avril 1996 et décembre 1996). D'autre part, la correction litigieuse serait excessive parce qu'elle couvrirait l'ensemble des restitutions à l'exportation. Dans la
mesure où le règlement n° 386/90 exige que les contrôles physiques doivent uniquement porter sur 5 % des transactions, la correction ne pouvait s'appliquer qu'à 5 % des restitutions à l'exportation accordées pendant les exercices litigieux.
82. S'agissant du premier argument, nous avons déjà constaté que les contrôles effectués par la Commission ont révélé de sérieuses lacunes dans le système italien de contrôle pour les exercices 1995 et 1996 . En outre, la Commission a fourni des éléments indiquant que ces carences avaient perduré pendant les exercices 1997 et 1998 . Le gouvernement italien n'ayant pas démontré que les constatations de la Commission étaient erronées, il était justifié que la correction litigieuse couvre la période
allant de 1995 à 1998. Le premier argument doit donc être rejeté.
83. Le second argument ne saurait davantage être retenu.
84. D'une part, cet argument méconnaît totalement les lignes directrices établies par le rapport Belle. Nous l'avons vu, le rapport Belle énonce des catégories de corrections forfaitaires qui sont classées en fonction de plusieurs éléments. Ces éléments concernent la gravité des carences constatées, leur caractère ponctuel ou général, la sensibilité des mesures à la fraude, le fait que les autorités nationales ont rapidement remédié (ou non) aux irrégularités constatées ou que les carences étaient
liées (ou non) à des difficultés d'interprétation des textes communautaires.
85. Or, l'argumentation du gouvernement italien revient à supprimer l'ensemble de ces critères. En soutenant que la correction litigieuse devait être limitée à 5 % des restitutions à l'exportation au motif que les contrôles physiques ne doivent porter que sur 5 % des transactions, l'argumentation du gouvernement italien revient à appliquer une correction forfaitaire de 5 % en toutes circonstances. Une telle correction se substituerait donc uniformément aux critères posés par le rapport Belle.
86. D'autre part, l'argumentation du gouvernement italien méconnaît également l'économie du système de contrôle des opérations financées par le FEOGA.
87. Il faut rappeler que les règles relatives au financement de la politique agricole commune exigent que toutes les interventions financières soient réalisées conformément aux règles communautaires. Pour les restitutions à l'exportation, cela signifie que l'ensemble des restitutions doit respecter les critères posés par les règlements en vigueur . Il est toutefois évident que les autorités nationales ne peuvent exercer des contrôles physiques sur l'ensemble des produits agricoles. C'est la raison
pour laquelle le règlement n° 386/90 prévoit que ces contrôles doivent être effectués par sondage et porter sur un échantillon de 5 % des transactions. Le système de contrôle repose donc sur la règle de la «représentativité», en ce sens que le résultat des contrôles effectivement pratiqués (5 % des cas) est réputé refléter la situation pour l'ensemble des demandes de restitutions à l'exportation.
88. Or, l'argumentation de la République italienne méconnaît ce principe. En soutenant que la correction litigieuse devait être limitée à 5 % des restitutions à l'exportation, la République italienne oublie que les carences constatées lors des contrôles effectivement pratiqués sont réputées exister dans tous les autres cas de demande de restitutions à l'exportation. En réalité, l'argument présenté par la République italienne revient à soutenir que seulement 5 % des demandes de restitutions à
l'exportation doivent respecter les critères posés par les règles communautaires. Un tel argument ne saurait évidemment être retenu.
89. En conséquence, nous proposons à la Cour de rejeter le quatrième moyen d'annulation.
III - Les restitutions à l'exportation (huile d'olive)
A - Le cadre juridique
90. L'article 9, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 23, paragraphe 2, CE) prévoit:
«Les dispositions du chapitre 1, section 1 [élimination des droits de douane entre les États membres], et du chapitre 2 [élimination des restrictions quantitatives entre les États membres] du présent titre s'appliquent aux produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu'aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.»
91. Les restitutions à l'exportation de l'huile d'olive communautaire sont prévues par le règlement n° 136/66/CEE , selon les modalités d'application arrêtées par le règlement n° 3665/87. L'article 8 du règlement n° 3665/87 prévoit:
«1. Une restitution n'est accordée que pour les produits qui répondent aux conditions de l'article 9 paragraphe 2 du traité, même si les emballages ne répondent pas à ces conditions.
[...]
2. Lors de l'exportation des produits composites, bénéficiant d'une restitution fixée au titre d'un ou plusieurs de leurs composants, la restitution afférente à ce ou ces derniers est octroyée, pour autant que le ou les composants au titre desquels celle-ci est demandée répondent aux conditions de l'article 9 paragraphe 2 du traité.
La restitution est également octroyée lorsque le ou les composants, au titre desquels la restitution est demandée, se trouvaient dans l'une des situations visées à l'article 9 paragraphe 2 du traité et ne se trouvent plus dans l'une de ces situations exclusivement du fait de leur incorporation à d'autres produits.
3. Pour l'application du paragraphe 2, sont considérées comme restitutions, fixées, au titre d'un composant, les restitutions applicables pour:
- les produits relevant du secteur des céréales, des oeufs, du riz, du sucre, du lait et des produits laitiers, exportés sous forme de marchandises visées à l'article 1er du règlement (CEE) n° 3035/80 [du Conseil, du 11 novembre 1980, établissant, pour certains produits agricoles exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l'annexe II du traité, les règles générales relatives à l'octroi des restitutions à l'exportation et les critères de fixation de leur montant (JO L 323, p. 27)],
- les sucres blancs et sucres bruts relevant de la position 1701 de la nomenclature combinée, le glucose et le sirop de glucose relevant des sous-positions 1702 30 51, 1702 30 59, 1702 30 91, 1701 30 99, 1702 40 90, 1702 90 50 de la nomenclature combinée, l'isoglucose relevant des sous-positions 1702 30 10, 1702 40 10, 1702 60 10 et 1702 90 30 de la nomenclature combinée et les sirops de betterave et de canne relevant des sous-positions 1702 60 90 et 1702 90 90 de la nomenclature combinée, mis en
oeuvre dans les produits énumérés à l'article 1er paragraphe 1 point b) du règlement (CEE) n° 426/86 [du Conseil, du 24 février 1986, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 49, p. 1)],
- les produits relevant du secteur du lait et des produits laitiers, du sucre, exportés sous forme de produits relevant des sous-positions 0402 10 91 à 99, 0402 29, 0402 99, 0403 10 31 à 39, 0403 90 31 à 39, 0403 90 61 à 69, 0404 10 19 et 99, 0404 90 51 à 99 de la nomenclature combinée,
- les produits relevant du secteur des céréales, exportés sous forme de produits relevant des sous-positions 2309 10 11 à 70, 2309 90 31 à 70 de la nomenclature combinée et mentionnés à l'annexe A du règlement (CEE) n° 2727/75 [du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO L 281, p. 1)],
- les produits relevant du secteur du lait et des produits laitiers exportés sous forme de produits relevant des sous-positions 2309 10 11 à 70, 2309 90 31 à 70 de la nomenclature combinée et mentionnés à l'article 1er du règlement (CEE) n° 804/68 [du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13)].»
B - Les faits
92. Lors d'une inspection menée du 2 au 6 décembre 1996, les services de la Commission ont constaté que certains bureaux de douane (dont Pise et Viareggio) accordaient des restitutions à l'exportation pour de l'huile d'olive communautaire incorporée à de l'huile d'olive en provenance de pays tiers (en particulier de Tunisie), raffinée sous le régime du perfectionnement actif.
93. La Commission a considéré que ce cas ne pouvait donner lieu à l'octroi de restitutions à l'exportation au motif que l'huile d'olive ne figurait pas parmi les produits énumérés à l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 3665/87. Le 14 janvier 1997, elle a enjoint aux autorités italiennes de procéder au recouvrement des paiements accordés. En 1998, elle a officiellement informé la République italienne qu'elle procéderait à une correction financière sur ce point. La correction imposée s'élève à 2
957 721 060 ITL. Elle exclut du financement communautaire la totalité des paiements effectués au titre des restitutions à l'exportation pour les quantités d'huile d'olive litigieuses.
C - Les arguments de la République italienne
94. La République italienne conteste la correction imposée.
95. Elle soutient que l'huile d'olive communautaire, même mélangée à de l'huile d'olive originaire d'un pays tiers, relève de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 3665/87 et peut, à ce titre, bénéficier d'une restitution à l'exportation. En effet, l'huile d'olive constituerait un produit de base qui pourrait se présenter à la fois comme un produit fini ou comme un composant, le mélange ne modifiant ni la composition chimique ni les caractéristiques nutritionnelles du produit. L'article 8,
paragraphes 2 et 3, ne serait pas applicable en l'espèce puisque l'on ne serait pas en présence d'un produit composite au sens de ces dispositions. Le fait que l'huile d'olive a été mélangée à d'autres huiles serait sans incidence.
D - L'appréciation
96. Tout comme la Commission, nous éprouvons quelques difficultés à suivre l'argumentation de la République italienne. Celle-ci semble soutenir que, dans la mesure où l'huile d'olive peut se présenter à la fois comme un produit fini et comme un composant, elle doit invariablement relever de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 3665/87 et, à ce titre, bénéficier de restitutions à l'exportation.
97. Il faut rappeler que l'article 8 du règlement n° 3665/87 opère une distinction suivant la nature du produit concerné.
98. Le paragraphe 1 vise le cas où les produits sont exportés, en l'état, à destination d'un pays tiers. Dans ce cas, le paragraphe 1, qui complète le régime des restitutions à l'exportation prévu par les règlements sectoriels , précise que la restitution n'est accordée que si le produit répond aux conditions posées par l'article 9, paragraphe 2, du traité. Il faut donc que le produit soit originaire d'un État membre ou, à défaut, qu'il soit mis en libre pratique au sens de l'article 10, paragraphe
1, du traité CE (devenu, après modification, article 24 CE) .
99. En revanche, les paragraphes 2 et 3 visent le cas où le produit est un produit composite, c'est-à-dire un produit composé de plusieurs éléments. Dans ce cas, la restitution à l'exportation est fixée non pas au titre du produit lui-même, mais par référence aux différents produits de base entrant dans sa composition . Le paragraphe 2 prévoit que, pour accorder la restitution ainsi individualisée, le composant doit répondre aux conditions posées par l'article 9, paragraphe 2, du traité. En outre,
le paragraphe 3 contient une liste limitative des produits pour lesquels les restitutions sont considérées comme fixées au titre d'un composant . Pour bénéficier d'une restitution, il faut donc que le composant figure sur la liste des produits éligibles et qu'il soit originaire d'un État membre ou, à défaut, mis en libre pratique dans la Communauté.
100. Contrairement à la République italienne, nous pensons que l'huile d'olive ne saurait être invariablement considérée comme un produit fini au sens de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 3665/87. Comme la requérante l'a elle-même indiqué, l'huile d'olive peut se présenter soit comme un produit fini, soit comme un élément de base entrant dans la composition d'un autre produit. Dans le premier cas, l'huile relèvera du domaine de l'article 8, paragraphe 1, alors que, dans le second cas, elle
relèvera du champ d'application de l'article 8, paragraphes 2 et 3.
101. En l'espèce, il est constant que l'huile d'olive litigieuse a été mélangée à de l'huile originaire d'un pays tiers (la Tunisie) placée sous le régime communautaire du perfectionnement actif. L'huile litigieuse se présente donc comme un produit de base entrant dans la composition d'un autre produit. Pour pouvoir faire l'objet d'une restitution à l'exportation, elle doit donc remplir les conditions prévues à l'article 8, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 3665/87.
102. Or, comme l'a souligné la Commission, l'huile litigieuse ne remplit pas le critère posé par le paragraphe 3. Elle ne figure pas sur la liste limitative des produits pour lesquels les restitutions sont considérées comme étant fixées au titre d'un composant. Cette liste, reproduite au point 91 des présentes conclusions, ne reprend pas l'huile d'olive visée par le règlement n° 136/66. En conséquence, nous pensons que c'est à bon droit que la Commission a exclu les paiements effectués au titre des
restitutions à l'exportation pour les quantités d'huile d'olive litigieuses.
103. Dans la mesure où la République italienne n'avance aucun autre argument pour contester la correction imposée, nous proposons à la Cour de rejeter le moyen d'annulation.
IV - La vente d'alcools détenus par les organismes d'intervention
A - Le contexte et le cadre juridique
104. Le règlement (CEE) n° 822/87 du Conseil, du 16 mars 1987 , vise à réaliser les objectifs de la politique agricole commune dans le secteur vitivinicole et, notamment, la stabilisation des marchés. Son article 37 prévoit que l'écoulement des alcools détenus par les organismes d'intervention ne doit pas perturber les marchés de l'alcool et des boissons spiritueuses produits dans la Communauté. Dès lors, chaque fois qu'un tel écoulement est susceptible de perturber les marchés, il doit avoir lieu
dans d'autres secteurs et, notamment, dans le secteur des carburants. En outre, l'écoulement des alcools doit intervenir dans le cadre de procédures d'adjudication , selon les modalités prévues par le règlement (CEE) n° 1780/89 de la Commission, du 21 juin 1989 .
105. Ce règlement prévoit plusieurs systèmes d'adjudication selon l'utilisation et la destination de l'alcool concerné . S'agissant de l'adjudication particulière, appliquée en l'espèce, l'article 20 prévoit que la Commission ouvre la procédure en publiant, au Journal officiel des Communautés européennes, un avis d'adjudication qui contient les modalités de présentation de l'offre ainsi que le cahier des charges. En principe, l'adjudication est attribuée au soumissionnaire qui présente l'offre la
plus élevée. Aux termes de l'article 24, paragraphe 2, le soumissionnaire retenu doit, dans un délai de vingt jours, constituer une «garantie de bonne exécution» destinée à assurer que l'alcool sera utilisé aux fins décrites dans l'avis d'adjudication. L'article 33 précise que l'utilisation effective de l'alcool aux fins prescrites constitue une exigence principale au sens de l'article 20 du règlement (CEE) n° 2220/85 de la Commission, du 22 juillet 1985, fixant les modalités communes d'application
du régime des garanties pour les produits agricoles .
106. Le règlement n° 2220/85 contient les dispositions régissant le régime des garanties exigées par plusieurs règlements dans le cadre de la politique agricole commune . Selon son article 20, une obligation peut comprendre des exigences principales ou des exigences secondaires: une exigence principale est une exigence, fondamentale pour les objectifs du règlement qui l'impose, d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte. En revanche, une exigence secondaire est une exigence de respect d'un délai
imparti pour exécuter une exigence principale.
107. L'article 21 prévoit que la garantie est libérée dès que la preuve est fournie que toutes les exigences principales et secondaires ont été respectées. L'article 23, qui vise le cas où seules les exigences principales ont été respectées, est libellé comme suit:
«1. Si, dans le délai prévu à cet effet, la preuve correspondante est apportée que la ou les exigence(s) principale(s) ont été respectées alors qu'une exigence secondaire n'a pas été respectée, il est procédé à une libération partielle de la garantie et le restant de la garantie est acquis. La procédure prévue à l'article 29 pour recouvrer le montant acquis est immédiatement engagée.
2. Le pourcentage dans lequel la garantie est libérée correspond à la garantie couvrant la partie concernée du montant garanti, déduction faite de
a) 15 %;
b) - 10 % du montant restant après déduction des 15 % par jour:
- de dépassement d'un délai maximal égal ou inférieur à quarante jours,
- de non-respect d'un délai minimal égal ou inférieur à quarante jours,
- 5 % du montant restant après déduction des 15 % par jour:
- de dépassement d'un délai maximal entre quarante et un et quatre-vingts jours,
- de non-respect d'un délai minimal entre quarante et un et quatre-vingts jours,
- 2 % du montant restant après déduction des 15 % par jour:
- de dépassement d'un délai maximal égal ou supérieur à quatre-vingt-un jours,
- de non-respect d'un délai minimal égal ou supérieur à quatre-vingt-un jours.»
108. Selon l'article 29, lorsque l'autorité compétente a connaissance des éléments entraînant l'acquisition de la garantie en totalité ou en partie, elle demande sans tarder à l'intéressé le paiement du montant de la garantie acquise. Ce paiement doit être effectué dans un délai maximal de trente jours à compter du jour de la demande. À défaut, l'autorité compétente doit prendre, sans tarder, les mesures nécessaires pour saisir la garantie.
B - Les faits
109. Par le règlement (CEE) n° 3390/90, du 26 novembre 1990 , la Commission a ouvert la procédure d'adjudication particulière n° 8/90 CE pour la vente de 1 600 000 hl d'alcools destinés à être utilisés dans le secteur des carburants. L'avis d'adjudication prévoyait que la garantie de bonne exécution, fixée à 90 écus par hectolitre, serait libérée lorsque l'adjudicataire aurait apporté la preuve de l'utilisation effective de l'alcool aux fins prescrites dans un délai d'un an à compter de l'enlèvement
de chaque lot. Le marché a été attribué à la société F. Palma SpA (ci-après «Palma»), qui a constitué la garantie auprès d'un établissement bancaire de Turin (Italie).
110. À la suite de différents problèmes, la Commission a, par règlement (CEE) n° 2710/93, du 30 septembre 1993 , réduit la quantité d'alcool devant être utilisé dans le secteur des carburants et annulé les adjudications relatives aux lots d'alcool qui n'avaient pas encore été enlevés (à savoir trois lots sur cinq) . S'agissant des deux lots ayant déjà été retirés, la Commission a prorogé le délai pour l'utilisation effective des produits jusqu'au 1er octobre 1995 . Elle a maintenu que la garantie
relative à ces deux lots ne pourrait être libérée par l'organisme d'intervention que lorsque la preuve de l'utilisation effective de l'alcool aux fins prescrites serait rapportée .
111. Le 7 mars 1996, la Commission a constaté que le dépassement du délai fixé était susceptible d'entraîner la saisie de la garantie sans que la totalité des alcools soit utilisée aux fins prescrites. Par le règlement (CE) n° 416/96 , elle a donc décidé de proroger ce délai et d'assouplir les règles de saisie de la garantie dans les termes suivants:
- saisie de la garantie à concurrence de 15 % pour la quantité d'alcool qui n'a pas été utilisée dans le secteur des carburants à la date du 1er octobre 1995;
- saisie de la garantie à concurrence de 50 % du solde pour la quantité d'alcool qui n'a pas été utilisée dans le secteur des carburants à la date du 30 juin 1996, et
- saisie de la totalité du solde pour la quantité d'alcool qui n'a pas été utilisée dans le secteur des carburants à la date du 31 décembre 1996.
112. À partir du 12 octobre 1995, les services de la Commission ont demandé à l'Azienda di Stato per gli Interventi nel Mercato Agricolo (organisme d'État pour les interventions dans le marché agricole, ci-après l'«AIMA») de procéder à la saisie des différentes tranches de la garantie conformément aux échéances prévues par le règlement n° 416/96. Il ressort du dossier que Palma a systématiquement contesté les demandes de paiement adressées par l'AIMA et a introduit un recours en référé devant les
juridictions italiennes. Le 30 août 1997, le Tribunale di Roma (Italie) aurait ordonné la suspension provisoire de la saisie de la garantie litigieuse. L'affaire serait actuellement pendante devant la juridiction du fond.
113. Le 14 juillet 1997, après avoir accordé un dernier délai aux autorités italiennes, la Commission a formellement communiqué son intention de procéder à une correction financière de 7 760 156 831 ITL, correspondant au montant de la garantie qui aurait dû être saisie. Le 26 octobre 1999, l'organe de conciliation a rejeté la demande de conciliation formée par la République italienne au motif que celle-ci n'avait pas assisté à la réunion bilatérale prévue par la décision 94/442. La Commission a
confirmé la correction proposée dans la décision attaquée.
C - Les arguments de la République italienne
114. La République italienne conteste la correction imposée par la Commission. Elle soutient que le retard intervenu dans la saisie de la garantie litigieuse résulte du comportement de Palma qui a systématiquement contesté les demandes de paiement de l'AIMA et a introduit plusieurs recours en justice. La requérante rappelle aussi que, par lettres des 3 juin et 20 novembre 1996, Palma s'est adressée directement à la Commission pour demander l'autorisation de détruire les quantités d'alcool n'ayant
pas été utilisées dans le secteur des carburants.
115. En tout état de cause, le retard éventuellement imputable à l'AIMA n'aurait aucune incidence sur la récupération des sommes litigieuses puisque, le 30 août 1997, le Tribunale di Roma a ordonné la suspension de la saisie de la garantie. Cette circonstance ne saurait évidemment être imputée aux autorités italiennes.
D - L'appréciation
116. Les principaux éléments de fait ne sont pas contestés par les parties. Il est acquis que Palma n'a pas apporté la preuve de l'utilisation effective des produits concernés dans le secteur des carburants et que les autorités italiennes devaient procéder au recouvrement des montants garantis. La seule question qui se pose est de savoir si les autorités italiennes ont accusé un retard critiquable dans la mise en oeuvre de la saisie de la garantie litigieuse.
117. Nous l'avons vu , l'article 29 du règlement n° 2220/85 n'impose aucun délai précis pour procéder à la récupération des montants garantis. Cette absence ne signifie pas pour autant que le déclenchement de la procédure de recouvrement soit laissé à l'entière discrétion des autorités nationales. En effet, l'article 29 dispose que, lorsque l'autorité compétente a connaissance des éléments entraînant l'acquisition de la garantie, elle doit en demander «sans tarder» le paiement à l'intéressé. De
même, si ce paiement n'intervient pas dans les trente jours suivant la demande, l'autorité compétente doit prendre «sans tarder» les mesures nécessaires pour saisir la garantie.
118. Selon le sens usuel des mots, l'expression «sans tarder» est utilisée comme synonyme de l'adverbe «rapidement» . Cela signifie que les autorités nationales doivent procéder à bref délai au recouvrement du montant garanti, dès qu'elles ont connaissance des éléments qui entraînent l'acquisition de la garantie. Les autres dispositions du règlement n° 2220/85 confirment cette interprétation. En effet, nous rappellerons que, dans les cas où seules les exigences principales d'une obligation sont
respectées, l'article 23 prévoit une libération partielle de la garantie et, corrélativement, une acquisition partielle de son montant. Pour la partie acquise aux autorités nationales, l'article 23 précise que la procédure de recouvrement prévue à l'article 29 doit être engagée «immédiatement». Il en résulte que, lorsque les autorités nationales apprennent que la garantie leur est acquise (totalement ou partiellement), elles doivent faire preuve d'une diligence particulière en ouvrant rapidement,
voire immédiatement, la procédure de recouvrement.
119. C'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'examiner si les autorités italiennes ont accusé un retard critiquable dans la mise en oeuvre de la procédure d'exécution de la garantie litigieuse.
120. En ce qui concerne la première tranche de la garantie (15 %), le délai fixé par le règlement n° 416/96 expirait le 1er octobre 1995. À compter de cette date, l'AIMA aurait donc dû inviter rapidement (voire immédiatement) la société à payer le montant correspondant dans les trente jours. Or, il ressort du dossier que l'AIMA a adressé sa première demande de paiement à Palma le 23 avril 1996, soit près de sept mois après l'expiration du délai réglementaire. Après avoir réitéré sa demande, l'AIMA a
enjoint à l'institution garante de verser le montant garanti en date du 16 janvier 1997, soit plus de quinze mois après l'expiration du délai.
121. En ce qui concerne la deuxième tranche de la garantie (50 %), le délai fixé par le règlement n° 416/96 expirait le 30 juin 1996. L'AIMA aurait donc dû inviter rapidement (par exemple, dans les quinze jours) la société à payer le montant dans les trente jours (par exemple, le 15 août 1996). Or, il ressort du dossier que l'AIMA a adressé sa première demande de paiement le 3 décembre 1996, soit plus de cinq mois après l'expiration du délai réglementaire. De même, l'AIMA a enjoint à l'institution
garante de verser le montant garanti en date du 16 janvier 1997, soit plus de six mois après l'expiration du délai.
122. En ce qui concerne le solde de la garantie, les délais de mise en oeuvre sont nettement plus courts. Alors que le délai fixé par le règlement n° 416/96 expirait le 31 décembre 1996, l'AIMA a adressé sa demande de paiement le 29 janvier 1997 et sa demande d'exécution le 7 mars 1997 .
123. Selon nous, il résulte de ces différents éléments que, en ce qui concerne les deux premières tranches de la garantie, l'AIMA n'a pas fait preuve de la diligence requise dans la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement. Quelle que soit l'interprétation exacte à donner à l'article 29 du règlement n° 2220/85 (mise en oeuvre «rapide» ou «immédiate» de la procédure), on ne peut considérer que l'autorité compétente a pris «sans tarder» les mesures nécessaires, dès le moment où elle a eu
connaissance des éléments entraînant l'acquisition de la garantie.
124. Contrairement à ce que soutient la République italienne, le délai accusé n'est pas exclusivement imputable au comportement de Palma. Certes, les éléments du dossier indiquent que Palma a contesté les demandes de paiement adressées par l'AIMA et a introduit un recours en justice visant à obtenir le sursis à exécution de la saisie de la garantie. Toutefois, ces différentes démarches sont intervenues après le déclenchement de la procédure de recouvrement et ne sauraient donc justifier le délai
écoulé entre le moment où la garantie fut acquise et le moment où l'AIMA a effectivement entamé la procédure de recouvrement. De même, le fait que le Tribunale di Roma a ordonné le sursis à exécution de la saisie de la garantie ne saurait justifier le retard originel accusé par les autorités italiennes dans la mise en oeuvre de la procédure. En outre, nous pensons que cette procédure nationale n'a aucune incidence sur le présent litige puisque, dans l'hypothèse où la décision du juge des référés
serait infirmée par le juge du fond, les autorités italiennes pourront récupérer le montant de la garantie et compenser la perte résultant de la décision attaquée.
125. En conséquence, nous proposons à la Cour de rejeter le moyen avancé par la République italienne.
V - Les dépens
126. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
VI - Conclusion
127. Au regard des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de:
1) rejeter le recours;
2) condamner la République italienne aux dépens.