Avis juridique important
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62001J0277
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 3 avril 2003. - Parlement européen contre Ignacio Samper. - Pourvoi - Fonctionnaires - Reconstitution de carrière - Examen comparatif des mérites. - Affaire C-277/01 P.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-03019
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1. Pourvoi - Intérêt à agir - Condition - Bénéfice pour le requérant
(Statut CE de la Cour de justice, art. 49)
2. Fonctionnaires - Promotion - Pouvoir d'appréciation de l'administration - Contrôle juridictionnel - Limites
(Statut des fonctionnaires, art. 45)
Sommaire
1. L'existence d'un intérêt à agir dans le chef de l'auteur d'un pourvoi suppose que ce dernier soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice.
Un pourvoi est susceptible de procurer un bénéfice à une institution dès lors que, accueilli, il lui permettrait de récupérer les arriérés de rémunération versés à un fonctionnaire en exécution de l'arrêt attaqué. En outre, l'annulation de ce dernier lui apporterait en tout état de cause un bénéfice certain tenant à la mise à l'abri définitive de toute demande d'indemnité formulée par le fonctionnaire en raison du préjudice qu'il prétendrait avoir subi du fait de la décision litigieuse annulée par
le Tribunal.
( voir points 28, 30-31 )
2. Pour évaluer l'intérêt du service ainsi que les qualifications et les mérites des candidats à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'autorité investie du pouvoir de nomination dispose d'un large pouvoir d'appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans
des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge communautaire ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l'autorité investie du pouvoir de nomination.
( voir point 35 )
Parties
Dans l'affaire C-277/01 P,
Parlement européen, représenté par MM. H. von Hertzen et D. Moore, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre) du 3 mai 2001, Samper/Parlement (T-99/00, RecFP p. I-A-111 et II-507), et tendant à l'annulation de cet arrêt,
l'autre partie à la procédure étant:
Ignacio Samper, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Madrid (Espagne), représenté par Me E. Boigelot, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie demanderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. La Pergola, P. Jann et S. von Bahr (rapporteur), juges,
avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M. R. Grass,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 juin 2002,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 juillet 2001, le Parlement européen a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 3 mai 2001, Samper/Parlement (T-99/00, RecFP p. I-A-111 et II-507, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé sa décision du 9 juin 1999 portant reconstitution de la carrière de M. Samper, pour autant qu'elle a fixé au 1er janvier 1998 la date de prise d'effet de la
promotion de ce dernier au grade A 4 (ci-après la «décision litigieuse»).
Les faits à lorigine du litige
2 Les faits à l'origine du litige, tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué et du dossier soumis au Tribunal, peuvent être résumés de la manière suivante.
3 M. Samper est entré au service du Parlement en 1986. Il a été recruté au grade A 7 et affecté B la direction générale des affaires économiques et financières (DG II). Il a été promu au grade A 6 en 1989, puis au grade A 5 en 1994.
4 Par décision du 21 février 1995, M. Samper, qui figurait en première position, suivi de M. Carbajo Ferrero, sur la liste d'aptitude établie B l'issue du concours interne A/88 visant B pourvoir le poste de chef de division de grade A 3 au bureau d'information de Madrid (Espagne), auprès de la direction générale de l'information et des relations publiques (DG III) du Parlement, a été nommé B ce poste, avec effet au 1er avril 1995. Ce concours avait été organisé B la suite de la procédure de
promotion ou de mutation ouverte par l'avis de vacance nE 7424, laquelle n'avait pas abouti B une nomination.
5 Par arrêt du 12 juin 1997, Carbajo Ferrero/Parlement (T-237/95, RecFP p. I-A-141 et II-429), le Tribunal a rejeté la demande de M. Carbajo Ferrero tendant B obtenir l'annulation de la décision du 21 février 1995 ainsi que de la décision de ne pas le nommer B cet emploi.
6 Par arrêt sur pourvoi du 18 mars 1999, Carbajo Ferrero/Parlement (C-304/97 P, Rec. p. I-1749), la Cour a annulé ledit arrêt du Tribunal ainsi que la décision du 21 février 1995 portant nomination de M. Samper, au motif que la nécessaire correspondance entre les conditions énoncées dans l'avis de vacance n° 7424 et celles énoncées dans l'avis de concours A/88 n'avait pas été respectée.
7 Par décision du 14 avril 1999, le Parlement a, en exécution de l'arrêt de la Cour Carbajo Ferrero/Parlement, précité, constaté l'annulation de la nomination de M. Samper en qualité de chef de division et rétabli sa carrière, B compter du 1er avril 1995, au grade A 5, échelon 2, avec ancienneté d'échelon au 1er février 1994. Il l'a affecté au bureau d'information de Madrid et a indiqué que, en application de l'article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le
«statut»), l'intéressé conserverait les rémunérations au grade A 3 perçues jusqu'à la notification dudit arrêt.
8 Par la décision litigieuse, M. Samper a été promu par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») au grade A 4, échelon 1, avec effet rétroactif au 1er janvier 1998, conformément B l'avis émis B l'unanimité par le comité consultatif de promotion (ci-après le «comité de promotion») lors de sa réunion extraordinaire du 19 mai 1999, ainsi qu'il ressort du compte rendu de cette réunion.
9 Le 8 septembre 1999, M. Samper a introduit une réclamation contre la décision litigieuse. Par lettre de la présidente du Parlement du 20 janvier 2000, cette réclamation a été rejetée.
L'arrêt attaqué
10 Dans ces circonstances, M. Samper a introduit devant le Tribunal, le 20 avril 2000, un recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse, en tant seulement qu'elle retient la date du 1er janvier 1998 et non celle du 1er janvier 1997 comme date de prise d'effet de sa promotion au grade A 4.
11 M. Samper faisait grief au Parlement, en premier lieu, d'avoir omis de prendre suffisamment en considération, lors de l'examen comparatif de ses mérites, les fonctions de chef du bureau d'information de Madrid qu'il avait exercées à partir du 1er avril 1995. Il lui reprochait, en deuxième lieu, de s'être abstenu de tenir compte des modalités d'attribution des points de promotion, en troisième lieu, d'avoir commis une erreur de fait en ce qui concerne son expérience professionnelle et, en
quatrième lieu, de ne pas avoir pris en considération les critères relatifs à l'ancienneté et à l'âge. Le Tribunal a considéré quil suffisait d'examiner le premier des quatre griefs ainsi invoqués par M. Samper.
12 Il a relevé, au point 39 de l'arrêt attaqué, qu'il incombait à l'AIPN, aux fins de la reconstitution de la carrière de M. Samper, de procéder à un examen de ses mérites au titre de l'exercice de promotion 1997, au regard de l'ensemble des fonctionnaires promouvables au grade A 4 lors de cet exercice et, en particulier, au regard des fonctionnaires promus à ce grade à l'issue dudit exercice.
13 Au point 40 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, dans le cadre de cet examen, il appartenait à l'AIPN d'appliquer les critères retenus lors de l'exercice de promotion 1997 et, à cet effet, en particulier, de prendre en considération la circonstance que M. Samper exerçait les fonctions de chef du bureau d'information de Madrid depuis deux ans environ, au moment dudit exercice. Le Tribunal a constaté qu'il ressort expressément d'une décision du 27 novembre 1997 relative aux promotions au
titre de cet exercice que l'AIPN, tout en tenant compte des rapports de notation et des recommandations des directeurs généraux, avait estimé que le critère «déterminant» résidait dans «le niveau de responsabilités exercées [...] ainsi que l'investissement personnel et la constance de l'effort vis-à-vis de ces responsabilités».
14 Le Tribunal a considéré, au point 41 de l'arrêt attaqué, que, lors de l'appréciation des mérites de M. Samper par rapport à ceux des fonctionnaires de grade A 5 promus au grade A 4 au titre de l'exercice 1997, le principe d'égalité de traitement imposait à l'AIPN non seulement de tenir compte du niveau des responsabilités assumées par l'intéressé, mais également d'ajuster, au regard des fonctions correspondant normalement à un emploi de grade A 5, les notes attribuées et les observations émises
dans son rapport de notation établi pour la période comprise entre le 1er janvier 1995 et le 1er janvier 1997, lorsqu'il occupait le poste de chef du bureau d'information de Madrid.
15 Au point 45 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, en premier lieu, que, contrairement aux allégations du Parlement, la comparaison du rapport de notation de M. Samper avec ceux des quatorze autres chefs de bureau d'information du Parlement, pour la période comprise entre le 1er janvier 1995 et le 1er janvier 1997, établis par le directeur général de la DG III, révélait que le requérant avait fait l'objet d'appréciations très honorables par rapport à ses collègues. Le Tribunal a ajouté que
la comparaison des appréciations générales faisait apparaître que M. Samper n'avait pas rencontré de problèmes d'adaptation. Selon le Tribunal, l'appréciation élogieuse émise à son égard était au contraire comparable à celles formulées à l'égard de certains chefs de bureau d'information, plus anciens, ayant obtenu un nombre de points sensiblement supérieur (59 points dans un cas et 58 points dans deux autres cas), lesquelles mentionnaient également un «défi» à relever ou des objectifs à atteindre.
16 Au point 46 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, selon le compte rendu de sa réunion, le comité de promotion avait estimé en substance, après lecture de l'ensemble des rapports de notation de M. Samper, que, si ce dernier était un «fonctionnaire de haut niveau à la DG II», tel n'était pourtant pas le cas à la DG III. Le Tribunal a indiqué que le comité de promotion se fondait à cet égard essentiellement sur le fait que, dans le rapport de notation pour la période comprise entre le 1er
janvier 1995 et le 1er janvier 1997, le notateur indiquait que M. Samper devait encore relever plusieurs «défis». En outre, le Tribunal a relevé que le président dudit comité avait préalablement fait remarquer que ce rapport de notation laissait supposer un problème d'adaptation de lintéressé à ses fonctions de chef de bureau, mais que le comité de promotion avait cependant lui-même admis que la DG III reconnaissait quil était un très bon fonctionnaire.
17 Le Tribunal a constaté, au point 47 de l'arrêt attaqué, que l'appréciation portée par le comité de promotion sur les mérites de M. Samper, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de chef de bureau d'information, était non seulement entachée d'une certaine incohérence, mais également manifestement erronée pour autant qu'elle se fondait sur l'idée qu'il aurait rencontré des problèmes d'adaptation, une telle appréciation étant clairement infirmée par la comparaison des rapports de notation de
l'ensemble des chefs de bureau d'information. Selon le Tribunal, cette comparaison montrait d'autant plus que les mérites de M. Samper étaient pleinement reconnus à la DG III, eu égard au total des points qui lui avaient été attribués et aux appréciations élogieuses relatives à sa compétence, à son grand sens des responsabilités, à sa capacité d'initiative et à son engagement professionnel, que sa nomination en qualité de chef de bureau d'information était relativement récente.
18 En second lieu, le Tribunal a relevé, au point 48 de l'arrêt attaqué, que, dans le cadre de son examen comparatif des mérites de M. Samper au titre de l'exercice 1997, le comité de promotion s'était uniquement fondé sur les notes attribuées dans les rapports de notation.
19 Le Tribunal a ajouté, au point 50 de l'arrêt attaqué, que, à défaut de toute autre explication, aucun élément ne permettait de présumer que l'AIPN avait effectivement procédé à une comparaison des niveaux des responsabilités assumées, d'une part, par M. Samper en qualité de chef de bureau d'information et, d'autre part, par les fonctionnaires promus au grade A 4 au titre de l'exercice 1997.
20 Le Tribunal a relevé, au point 52 de l'arrêt attaqué, que l'analyse des motifs ayant conduit le comité de promotion à s'abstenir de proposer la promotion de M. Samper au titre de l'exercice 1997 et, partant, l'AIPN à ne pas le promouvoir au grade A 4 à compter du 1er janvier 1997 faisait apparaître que, dans le cadre de l'examen comparatif des mérites de l'intéressé au titre dudit exercice, l'AIPN n'avait pas suffisamment valorisé la circonstance que ce dernier exerçait alors avec succès depuis
deux ans environ les fonctions de chef du bureau d'information de Madrid.
21 Au point 53 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, en omettant de valoriser, dans le cadre de l'examen comparatif de ses mérites au titre de l'exercice 1997, les fonctions de chef de bureau d'information exercées avec succès par M. Samper, l'AIPN avait commis une erreur manifeste d'appréciation.
22 Dans ces conditions, le Tribunal a conclu, au point 54 de l'arrêt attaqué, que la décision litigieuse devait être annulée en ce qu'elle avait omis de promouvoir M. Samper au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1997, sans qu'il fût nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués par ce dernier.
Le pourvoi
23 Dans son pourvoi, le Parlement demande à la Cour d'annuler l'arrêt attaqué et, à titre principal, de statuer définitivement sur le litige en rejetant le recours en annulation de M. Samper comme non fondé et, à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue à nouveau sur le recours en annulation. Il demande en outre à la Cour de statuer sur les dépens.
24 M. Samper conclut au rejet du pourvoi, à titre principal, comme manifestement irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé. En tout état de cause, il demande à la Cour de confirmer l'arrêt attaqué et de condamner le Parlement aux entiers dépens des deux instances.
Sur la recevabilité
25 M. Samper soutient que le Parlement ne dispose d'aucun intérêt à agir et que son pourvoi doit être rejeté comme manifestement irrecevable. Selon lui, dès lors qu'il s'est vu reconnaître le grade A 4 à compter du 1er janvier 1997, par une décision de l'AIPN du 31 juillet 2001, le pourvoi est dépourvu de tout intérêt pour le Parlement. M. Samper ajoute que c'est en fonction de considérations propres que le Parlement a pris cette décision et non pas en exécution de l'arrêt attaqué, lequel nimplique
nullement qu'il soit promu à compter du 1er janvier 1997.
26 Le Parlement fait valoir que les allégations de M. Samper relatives à lirrecevabilité du pourvoi sont dépourvues de tout fondement en fait et en droit. Ainsi, l'arrLt attaqué n'aurait laissé aucune marge d'appréciation à l'AIPN en ce qui concerne les mesures à prendre pour son exécution. Le Parlement rappelle à cet égard que le dispositif de l'arrLt attaqué doit Ltre lu en tenant compte des motifs qui en constituent le soutien nécessaire et, notamment, de son point 54, selon lequel la décision
litigieuse doit Ltre annulée en ce qu'elle omettrait de promouvoir M. Samper au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1997.
27 Le Parlement ajoute que le prononcé d'un arrêt de la Cour dans le cadre du présent pourvoi lui apporterait un bénéfice certain dès lors que cet arrêt serait susceptible, au cas où ce pourvoi serait accueilli, d'une part, de le mettre définitivement à l'abri de toute demande d'indemnité formulée par M. Samper et, d'autre part, de lui permettre de récupérer les arriérés de rémunération versés à ce dernier en exécution de l'arrêt attaqué.
28 À cet égard, il y a lieu tout d'abord de rappeler que l'existence d'un intérêt à agir du Parlement suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice (arrêt du 13 juillet 2000, Parlement/Richard, C-174/99 P, Rec. p. I-6189, point 33).
29 Ensuite, il résulte du point 54 de l'arrêt attaqué que la décision litigieuse devait être annulée en ce qu'elle a omis de promouvoir M. Samper au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1997. Par ailleurs, selon les termes de la décision du 31 juillet 2001, celle-ci a été prise en exécution de l'arrêt attaqué.
30 Dans ces circonstances, force est dadmettre que la décision du 31 juillet 2001 a été prise en exécution de l'arrêt attaqué. Dès lors, dans le cas où il serait accueilli, le pourvoi serait susceptible de procurer un bénéfice au Parlement en ce qu'il lui permettrait de récupérer les arriérés de rémunération versés à M. Samper en exécution de l'arrêt attaqué.
31 Enfin, lannulation de l'arrêt attaqué apporterait en tout état de cause un bénéfice certain au Parlement, dans la mesure où elle serait en effet susceptible de le mettre définitivement à l'abri de toute demande d'indemnité formulée par M. Samper en raison du préjudice qu'il prétendrait avoir subi du fait de la décision litigieuse.
32 Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le pourvoi recevable.
Sur le fond
33 Le Parlement soutient en substance que le Tribunal a violé le droit communautaire applicable en estimant que l'AIPN a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne promouvant pas M. Samper au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1997 et que, pour parvenir à cette conclusion, il s'est fondé sur des prémisses erronées, notamment sur une dénaturation de certains documents, et a substitué sa propre appréciation à celle de l'AIPN.
34 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 45, paragraphe 1, du statut, «[l]a promotion est attribuée par décision de l'AIPN. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports
dont ils ont fait l'objet».
35 Il y a lieu de souligner que, pour évaluer l'intérêt du service ainsi que les qualifications et les mérites des candidats à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et que, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des
limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge communautaire ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l'AIPN (voir arrêt du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85, Rec. p. 529, point 6).
36 Il convient de rappeler quun seul des quatre griefs invoqués par M. Samper a été examiné par le Tribunal et quil porte sur la prétendue omission de l'AIPN de tenir dûment compte, lors de la comparaison des mérites au titre de l'exercice de promotion 1997, de ses activités de chef du bureau d'information de Madrid pendant deux ans.
37 À cet égard, il importe tout dabord de souligner que, dans le cadre de son examen, le Tribunal a, au point 40 de l'arrêt attaqué, constaté qu'il incombait à l'AIPN d'appliquer les critères retenus lors de l'exercice de promotion 1997 et, à cet effet, en particulier, de prendre en considération la circonstance que M. Samper exerçait les fonctions de chef du bureau d'information de Madrid depuis deux ans environ au moment dudit exercice. Le Tribunal a ajouté qu'il ressort expressément de la note du
27 novembre 1997 relative aux promotions au titre de cet exercice que l'AIPN, tout en tenant compte des rapports de notation et des recommandations des directeurs généraux, a estimé que le critère «déterminant» résidait dans «le niveau de responsabilités exercées [¼ ] ainsi que l'investissement personnel et la constance de l'effort vis-à-vis de ces responsabilités».
38 Il y a lieu toutefois de relever que, au début de ladite note du 27 novembre 1997, l'AIPN a déclaré que ses décisions de promotion avaient été prises sur la base d'un examen comparatif de l'ensemble des mérites des fonctionnaires.
39 En effet, ainsi que l'indique le Parlement, ce n'est qu'après avoir constaté que les rapports de notation qui avaient fait l'objet de l'examen du comité de promotion étaient très peu différenciés que l'AIPN a fait référence au niveau des responsabilités exercées pour justifier la décision litigieuse.
40 À la lumière de cette circonstance, il apparaît que la constatation, au point 40 de l'arrêt attaqué, selon laquelle l'AIPN, dans ladite note du 27 novembre 1997, a estimé que le critère déterminant de la promotion résidait dans le niveau des responsabilités exercées, a été effectuée sans tenir compte du contexte et dénature le contenu de ladite note.
41 Il y a lieu de relever ensuite quil ressort du point 44 de l'arrêt attaqué que le Tribunal a déclaré quil convenait d'examiner les appréciations portées par l'AIPN à la lumière du compte rendu de la réunion du 19 mai 1999 du comité de promotion, sur lequel ladite autorité avait fondé son refus de promouvoir M. Samper au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1997.
42 Toutefois, au point 45 de l'arrêt attaqué, le Tribunal ne procède pas à un examen du travail effectué par ledit comité, mais il se livre à une appréciation des mérites de M. Samper à la lumière des rapports de notation des quatorze autres chefs de bureau d'information du Parlement. Aux points 46 et 47 dudit arrêt, le Tribunal examine de manière critique l'appréciation du comité de promotion relative aux mérites de lintéressé dans lexercice de ses fonctions de chef de bureau dinformation.
43 Ainsi, au point 47 de l'arrêt attaqué, le Tribunal relève que la comparaison des rapports de notation de l'ensemble des chefs de bureau d'information montre que les mérites de M. Samper étaient pleinement reconnus à la DG III, eu égard au total des points qui lui ont été attribués et aux appréciations élogieuses relatives à sa compétence, à son grand sens des responsabilités, à sa capacité d'initiative et à son engagement professionnel. Une telle appréciation a permis au Tribunal de conclure, aux
points 52 et 53 de l'arrêt attaqué, que M. Samper avait exercé avec succès les fonctions de chef d'un bureau d'information.
44 Il convient de constater que, en procédant de cette manière, à savoir en substituant son appréciation des qualifications et des mérites de M. Samper à celle de l'AIPN, le Tribunal a excédé les limites, telles que rappelées au point 35 du présent arrêt, du contrôle juridictionnel quil est fondé à exercer en matière de nomination et de promotion des fonctionnaires des Communautés.
45 Enfin, après avoir ainsi établi les qualités professionnelles de M. Samper, le Tribunal a relevé, au point 48 de l'arrêt attaqué, que, dans le cadre de son examen comparatif des mérites de lintéressé au titre de l'exercice de promotion 1997, le comité de promotion s'est uniquement fondé sur les notes attribuées dans les rapports de notation.
46 À cet égard, il convient de souligner qu'il ressort explicitement du compte rendu de la réunion du comité de promotion que celui-ci a tenu compte du niveau des tâches exécutées par M. Samper et a adapté les notes attribuées dans les rapports de notation en fonction desdites tâches.
47 Il ressort en outre du même compte rendu que le comité de promotion a comparé les mérites de M. Samper et le niveau des responsabilités assumées par ce dernier avec ceux des fonctionnaires promus au grade A 4 au cours de l'exercice de promotion 1997 ainsi qu'avec les rapports de notation de certains autres fonctionnaires non promus.
48 Dès lors, le comité de promotion a effectivement pris en compte le niveau des responsabilités assumées par M. Samper dans lexercice de ses fonctions de chef d'un bureau d'information et ne s'est pas uniquement fondé sur les notes attribuées dans les rapports de notation.
49 Dans ces conditions, l'appréciation portée par le Tribunal, au point 48 de l'arrêt attaqué, dénature le contenu du compte rendu de la réunion du comité de promotion du 19 mai 1999.
50 Il résulte de lensemble des considérations qui précèdent que, en jugeant, aux points 52 et 53 de larrêt attaqué, que lAIPN a commis une erreur manifeste dappréciation en omettant de valoriser, dans le cadre de lexamen comparatif des mérites de M. Samper au titre de lexercice de promotion 1997, la circonstance que ce dernier avait exercé avec succès les fonctions de chef du bureau dinformation de Madrid, le Tribunal sest fondé sur une dénaturation des éléments de preuve qui lui ont été soumis et a
substitué sa propre appréciation des mérites de lintéressé à celle de lAIPN.
51 Dans ces conditions, il convient d'annuler l'arrêt attaqué.
Décisions sur les dépenses
Sur le renvoi de l'affaire devant le Tribunal
52 Conformément à l'article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, celle-ci, en cas d'annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.
53 Étant donné que le Tribunal a uniquement examiné le premier des quatre griefs invoqués par M. Samper, la Cour considère quelle nest pas en mesure de juger l'affaire et quil y a lieu de renvoyer celle-ci devant le Tribunal pour quil statue sur les conclusions de M. Samper tendant à lannulation de la décision litigieuse.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 3 mai 2001, Samper/Parlement (T-99/00), est annulé.
2) L'affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance pour qu'il statue sur les conclusions de M. Samper tendant à lannulation de la décision du Parlement européen du 9 juin 1999 portant reconstitution de sa carrière, pour autant quelle a fixé au 1er janvier 1998 la date de prise deffet de sa promotion au grade A 4.
3) Les dépens sont réservés.