Avis juridique important
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62001A0022
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 9 juillet 2003. - Petros Efthymiou contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Remboursement de frais de mission - Déplacements en avion en classe affaires. - Affaire T-22/01.
Recueil de jurisprudence - fonction publique 2003 page IA-00177
page II-00891
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire T-22/01,
Petros Efthymiou, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes J.-N. Louis et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par
Mmes C. Berardis-Kayser et H. Tserepa-Lacombe, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission du 24 mars 2000 portant établissement de trois «compléments-rectificatifs» de décomptes de frais de mission et imputant au requérant des trop-perçus et, d'autre part, une demande de condamnation de la Commission à rembourser au requérant les montants qui ont été retenus sur sa rémunération à titre de trop-perçus,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(quatrième chambre),
composé de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi et M. Vilaras, juges,
greffier: Mme D. Christensen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 février 2003,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Cadre juridique
1 L'article 71 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:
«Dans les conditions fixées à l'annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu'il a exposés à l'occasion de son entrée en fonctions, de sa mutation ou de la cessation de ses fonctions, ainsi que des frais qu'il a exposés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.»
2 L'article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de l'annexe VII du statut dispose:
«Le fonctionnaire voyageant nanti d'un ordre de mission a droit au remboursement des frais de transport et aux indemnités journalières dans les conditions prévues ci-après.»
3 L'article 12 de l'annexe VII du statut dispose notamment:
«1. Les frais de transport pour les fonctionnaires en mission comportent le prix du transport effectué par l'itinéraire le plus court, en première classe de chemin de fer pour les fonctionnaires des catégories A et B et du cadre linguistique, en seconde classe pour les autres fonctionnaires.
[$]
2. Les fonctionnaires peuvent être autorisés à voyager par avion. Dans ce cas, le remboursement est effectué, sur présentation des billets, en classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou la première classe.
Par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination, les fonctionnaires qui accompagnent un membre de l'institution dans une mission déterminée peuvent se voir accorder pour cette mission et sur présentation des billets le remboursement du coût du trajet dans la classe utilisée par le membre.
Dans les conditions fixées dans une réglementation établie de commun accord par les institutions des Communautés, après avis du comité du statut, les fonctionnaires qui accomplissent des déplacements dans des conditions particulièrement fatigantes peuvent se voir accorder par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur présentation des billets, le remboursement du coût du trajet dans la classe utilisée.
[$]»
4 La «réglementation fixant les modalités relatives au remboursement des frais de transport pour missions effectuées dans des conditions particulièrement fatigantes», visée à l'article 12, paragraphe 2, troisième alinéa, de l'annexe VII du statut (ci-après la «réglementation commune»), a été établie par les institutions d'un commun accord constaté par le président de la Cour le 16 juillet 1974. Elle fixe les conditions dans lesquelles les fonctionnaires effectuant des déplacements dans des
conditions particulièrement fatigantes peuvent se voir autoriser, par l'autorité investie du pouvoir de nomination, à voyager en avion en classe de luxe ou en première classe.
5 L'article 2 de la réglementation commune prévoit notamment:
«Sont considérés comme déplacements effectués dans des conditions particulièrement fatigantes, les voyages en avion d'une durée totale d'au moins 9 heures, les escales incluses, comportant une durée de vol effectif d'au moins 7 heures.
[$]
Peuvent également être assimilés à des déplacements dans des conditions particulièrement fatigantes les déplacements [$] tels que:
a) les déplacements d'un fonctionnaire atteint d'un handicap physique entraînant des difficultés particulières pour les voyages en avion, constaté par le médecin-conseil de l'institution;
b) les déplacements vers un lieu de destination situé hors d'Europe, effectués dans le cadre soit d'une mission comportant plusieurs lieux de destination soit de missions successives à caractère répétitif, le cumul du temps de vol étant au minimum de 12 heures dans une période consécutive de 72 heures;
c) les déplacements vers un lieu de destination situé hors d'Europe d'un fonctionnaire chargé par son institution, pour cette mission, de fonctions de représentation;
d) à titre exceptionnel et sur la base d'une décision explicite de l'autorité investie du pouvoir de nomination, les déplacements vers un lieu de destination situé à l'intérieur de l'Europe comportant des fonctions de représentation ou effectués dans des conditions de travail particulièrement dures.»
6 L'article 3 de la réglementation commune est libellé comme suit:
«La demande d'autorisation de pouvoir voyager en classe de luxe ou en première classe doit être introduite par le fonctionnaire, sauf circonstances exceptionnelles, avant l'établissement des titres de transport.
L'autorité investie du pouvoir de nomination prend la décision de rembourser le coût du trajet en classe de luxe ou en première classe sur présentation des titres de transport.
Le remboursement du coût du trajet en classe de luxe ou de première classe peut, à titre exceptionnel, également être décidé s'il a été impossible, indépendamment de la volonté du fonctionnaire, d'obtenir pour un vol un billet en classe inférieure à la classe de luxe ou la première classe.»
7 Par décision du 11 octobre 1995, la Commission a arrêté, en application de l'article 71 du statut et des articles 11 à 13 de l'annexe VII du statut, le «guide des missions des fonctionnaires et agents de la Commission européenne» (ci-après le «guide des missions»).
8 Le point III.3 du guide des missions, consacré aux voyages par avion, prévoit notamment:
«Règle générale
a) L'usage de l'avion est autorisé pour les déplacements supérieurs à 800 km aller/retour, et dans les cas suivants:
- lorsque le lieu de mission est séparé par une mer;
- pour des raisons d'urgence particulière ou de force majeure.
b) Les voyages en avion sont organisés sur base de la classe économique avec application des tarifs les plus économiques réalisables, compte tenu des contraintes de la mission. Lorsque les conditions de voyage le permettent, les tarifs réduits (APEX, PEX, EXCURSION...) seront appliqués.
c) [$]
d) La classe de vol autorisée est la Classe Affaires (Business) lorsque le voyage est jugé fatigant, au sens de la réglementation en vigueur, [c'est-à-dire]:
- voyage en avion d'une durée totale d'au moins 9 heures (escales comprises) comportant minimum 7 heures de vol effectif;
- déplacements hors d'Europe avec une durée de vol cumulée de 12 [heures] minimum dans une période consécutive de 72 heures;
- handicap physique reconnu par le Médecin-Conseil de l'Institution;
- mandat particulier de représentation confié par l'Institution.
[$]
Voyages en première classe
L'autorisation de voyager en première classe ou `classe de luxe' peut être accordée à titre exceptionnel par l'ordonnateur de la mission et dans les cas suivants:
- lorsque le chargé de mission accompagne un Membre de la Commission voyageant dans cette classe;
- lorsque le voyage est jugé fatigant au sens de la réglementation en vigueur et lorsque la `classe affaires' n'est pas disponible.
Les dérogations aux règles reprises ci-dessus (formulaires ad hoc dûment complétés et signés) doivent être approuvées au préalable par l'ordonnateur de la mission et jointes à l'[ordre de mission], avec envoi d'une copie avant le départ à l'agence de voyages choisie.
[$]»
Faits à l'origine du litige
9 Le requérant a été affecté en qualité d'assistant adjoint à la direction E «Contrôle de sécurité de l'Euratom» de la direction générale «Énergie» de la Commission. Ses fonctions comportent des missions d'inspection dans les installations nucléaires situées à l'intérieur de la Communauté.
10 Le 5 août 1999, le requérant a transmis au service gestionnaire compétent de la direction générale «Personnel et administration» de la Commission (ci-après l'«administration») des ordres de mission concernant, notamment, des inspections à effectuer à l'usine nucléaire de La Hague (France) du 5 au 11 septembre et du 12 au 18 septembre 1999.
11 Le 26 août 1999, le requérant a introduit des demandes de dérogation visant à ce qu'il lui soit permis d'utiliser, pour le trajet Luxembourg-Paris-Luxembourg, des billets d'avion en première classe pour les missions du 5 au 11 septembre et du 12 au 18 septembre 1999. Le requérant a motivé ces demandes par la nécessité de disposer, compte tenu de ce que les missions étaient sujettes à des «prolongations et retardements imprévus», de billets d'avion «flexibles à 100 %». La demande relative à la
mission du 5 au 11 septembre 1999 s'appuyait également sur la nécessité de transporter deux mallettes contenant des «papiers classifiés» et des «scellés communs», que seul le type de billets d'avion sollicités permettait d'emmener en cabine. Les demandes ont été accompagnées de l'accord d'un chef d'unité agissant pour le directeur de la direction «Contrôle de sécurité de l'Euratom», en tant qu'ordonnateur des missions.
12 L'agence de voyages agréée par la Commission ne proposant pour ledit trajet, dans le cadre de ses accords avec l'institution, que des billets en classe économique, le requérant, par courrier électronique du 26 août 1999, a informé tant l'ordonnateur des missions que l'administration de son intention de se procurer les billets d'avion souhaités par ses propres moyens.
13 Par courrier électronique du même jour, l'administration lui a répondu que, cela faisant, il s'exposait à n'obtenir que le remboursement du prix du billet de train pour le même trajet, qui, étant inférieur au seuil kilométrique fixé par le guide des missions, devrait être effectué en train. L'administration précisait également que les voyages en avion entre Luxembourg et Paris en classe économique étaient toutefois tolérés.
14 Par note du 27 août 1999, l'administration a informé le requérant que ses demandes de dérogation ne pouvaient pas être acceptées. Il lui était suggéré l'utilisation du train ou d'une voiture de location entre Luxembourg et Paris, pouvant répondre à ses exigences de flexibilité et de transport de bagages, et précisé que l'usage de l'avion en classe économique était toléré.
15 Le requérant a finalement acheté personnellement, pour lesdites missions, des billets d'avion en classe affaires pour le trajet Luxembourg-Paris-Luxembourg.
16 Le 6 octobre 1999, le requérant a introduit une demande de remboursement des frais relatifs aux missions effectuées du 5 au 11 septembre et du 12 au 18 septembre 1999, et plus particulièrement du prix des billets d'avion utilisés pour le transport.
17 Le 26 octobre 1999, le requérant a adressé à l'administration un nouvel ordre de mission, concernant une inspection à effectuer du 8 au 11 novembre 1999 à Dungeness (Royaume-Uni), aux fins d'obtenir un billet d'avion «flexible», sans frais en cas de changement, pour le trajet Luxembourg-Londres-Luxembourg. L'agence de voyages agréée a cette fois accepté d'émettre les billets d'avion en classe affaires.
18 Le 28 février 2000, l'administration a établi les décomptes de frais des trois missions susvisées, tous faisant apparaître un solde positif à verser au requérant.
19 Le 24 mars 2000, l'administration a établi des «compléments-rectificatifs» aux décomptes susmentionnés (ci-après la «décision attaquée»), imputant au requérant des trop-perçus relativement aux billets d'avion émis pour les trois missions en cause, d'un montant respectif de 239,08 euros, de 254,7 euros et de 94,05 euros. Ces montants ont été retenus sur sa rémunération du mois de mai 2000.
20 Par note du 28 mars 2000, l'administration, en réponse à une note du requérant du 23 mars 2000, a précisé à ce dernier que ses frais de transport étaient remboursés sur la base du tarif le plus économique disponible auprès de l'agence de voyages agréée, conformément au guide des missions, notamment son point III.3, sous b), et à une «information au personnel» datée du 26 mars 1999.
21 Le 26 juin 2000, le requérant a introduit une réclamation, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 27 juin 2000, à l'encontre de la décision attaquée.
22 Par décision du 21 décembre 2000, notifiée au requérant le 23 janvier 2001, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a rejeté la réclamation du requérant.
23 Dans cette décision, après avoir rappelé notamment le contenu des courriers de l'administration des 26 et 27 août 1999 et du 28 mars 2000 (voir points 13, 14 et 20 ci-dessus) ainsi que des articles 11, paragraphe 1, et 12, paragraphe 2, de l'annexe VII du statut et du point III.3, sous b) et d), du guide des missions, l'AIPN a constaté que le fonctionnaire voyageant nanti d'un ordre de mission doit se soumettre aux modalités de voyage prescrites et que des dérogations, adoptées en accord avec
l'administration, ne sauraient être admises qu'aux conditions prescrites par le guide des missions, conditions qui ne seraient pas réunies en l'espèce. Elle a ajouté que, «pour ce qui est des conditions concrètes de voyage aérien en Europe, où seules deux classes existent (business et économique), le remboursement des frais doit donc s'effectuer, au sens des règles statutaires, en classe économique».
Procédure et conclusions des parties
24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 janvier 2001, le requérant a introduit le présent recours.
25 La procédure écrite s'est terminée le 9 avril 2001, le requérant n'ayant pas demandé à être autorisé à compléter le dossier à la suite de la communication de la décision du Tribunal, prise conformément à l'article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, de ne pas faire procéder à un deuxième échange de mémoires.
26 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure, a demandé à la défenderesse de produire certains documents. La défenderesse a déféré à cette demande dans le délai imparti.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 12 février 2003.
28 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision attaquée;
- condamner la défenderesse à lui rembourser les montants de 239,08 euros, de 254,7 euros et de 94,05 euros, majorés des intérêts moratoires calculés au taux de 6 % l'an depuis le 26 juin 2000;
- condamner la défenderesse aux dépens.
29 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
30 Au soutien de son recours, le requérant a initialement invoqué deux moyens. Le premier est tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation. Le second est tiré, à titre principal, d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 11, paragraphe 1, et 12, paragraphe 2, de l'annexe VII du statut et, à titre subsidiaire, de l'illégalité du guide des missions.
31 Lors de l'audience, le requérant a renoncé à son premier moyen, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l'audience. Le Tribunal constate, donc, que le requérant invoque désormais à l'appui de son recours un moyen unique, tiré, principalement, d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 11, paragraphe 1, et 12, paragraphe 2, de l'annexe VII du statut et, subsidiairement, d'une prétendue illégalité du guide des missions.
Sur les griefs tirés d'une erreur manifeste d'appréciation
Arguments des parties
32 Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où une somme de 1 921 francs belges (BEF) lui a été réclamée à titre de trop-perçu pour la mission du 12 au 18 septembre 1999, alors que, pour la mission du 5 au 11 septembre 1999, la somme exigée s'élève à 1 291 BEF seulement.
33 En deuxième lieu, le requérant met en exergue que, la défenderesse n'ignorant pas que, pour des raisons d'ordre médical dûment attestées, il ne peut porter de lourdes charges, elle ne pouvait légitimement lui suggérer de passer outre aux ordres de mission en voyageant en train.
34 En troisième lieu, le requérant estime que, dans la mesure où il n'est pas contesté que les billets en classe économique imposent des conditions d'utilisation trop contraignantes pour le type de missions en cause, il n'était pas tenu de demander, et donc d'obtenir, une dérogation à la règle imposant l'utilisation de billets en classe économique.
35 En quatrième lieu, le requérant soutient que, en refusant son visa à ses demandes de dérogation dûment signées par l'ordonnateur des missions, la défenderesse a commis un abus de droit et a méconnu les articles 11 et 12 de l'annexe VII du statut. À cet égard, il fait observer qu'il n'est pas contesté que ses missions justifient l'utilisation de billets dits «flexibles» pour éviter des frais de changement d'horaires et il souligne que seuls ces billets l'autorisent à emmener en cabine deux
mallettes, devant contenir le matériel indispensable à sa mission ainsi que les documents classifiés sous sa responsabilité.
36 Le requérant, au cours de l'audience, a soutenu que seul l'ordonnateur est compétent pour définir les conditions dans lesquelles une mission doit être exécutée. Il n'en saurait être autrement, puisque seul l'ordonnateur, contrairement à l'administration, est en mesure d'apprécier le but et les contraintes de la mission. Dans le cas d'espèce, l'administration, ne connaissant pas les contraintes des missions, ignorant en définitive tant leurs buts que le matériel qui devait être transporté par le
fonctionnaire, n'aurait pas pu légitimement censurer et modifier les conditions de ces missions, telles que définies par l'ordonnateur.
37 Cette interprétation serait corroborée par le libellé du point III.3 du guide des missions. Le requérant fait remarquer que ce point pose certaines règles générales en ce qui concerne les conditions dans lesquelles le fonctionnaire nanti d'un ordre de mission voyage en avion, en classe économique ou en classe affaires, et qu'il établit que toutes dérogations à ces règles doivent simplement être approuvées au préalable par l'ordonnateur, sans que l'administration ait à marquer son accord. Il
affirme que les dérogations dont il est question au point III.3 du guide des missions sont donc distinctes de l'autorisation prévue dans les hypothèses énumérées au point III.3, sous d), en présence desquelles le fonctionnaire aurait automatiquement droit de voyager en classe affaires.
38 Enfin, le requérant met en exergue notamment que les caractéristiques très particulières du matériel et des documents devant être transportés par un inspecteur nucléaire en mission montrent bien qu'il est tout à fait normal de réserver à l'ordonnateur le pouvoir d'apprécier la nécessité d'une dérogation aux règles générales posées par le point III.3 du guide des missions.
39 La défenderesse n'a pas répondu dans son mémoire en défense au grief du requérant concernant le calcul du trop-perçu pour la mission du 12 au 18 septembre 1999. Au cours de l'audience, elle a toutefois reconnu qu'il y a eu une inversion des chiffres 2 et 9, et donc une erreur matérielle, dans le «complément-rectificatif» relatif à cette mission, et elle a déclaré qu'elle remboursera au requérant la différence due à cette erreur.
40 S'agissant du grief tiré des raisons médicales empêchant prétendument le requérant de porter de lourdes charges, la défenderesse fait observer que celui-ci n'a pas apporté la preuve que l'administration ne pouvait pas ignorer cet état médical au moment de la présentation des trois ordres de mission concernés, la production au dossier de la présente affaire d'un certificat du médecin-conseil daté du 5 octobre 1999 n'étant pas suffisant à cet égard. Elle ajoute que les dérogations accordées par
l'ordonnateur pour les deux missions à La Hague de septembre 1999 n'étaient pas motivées par des raisons médicales. Il s'ensuivrait que le handicap physique invoqué, tout en étant abstraitement susceptible d'être apprécié au titre des conditions d'autorisation d'une dérogation prévues au point III.3, sous d), du guide des missions, ne pouvait pas être utilement pris en compte par l'administration.
41 En ce qui concerne la prétendue incompatibilité des conditions d'utilisation des billets en classe économique avec le type de missions en cause, la défenderesse fait valoir que, en tant que fonctionnaires de l'institution, les inspecteurs nucléaires, tel le requérant, relèvent des dispositions générales qui s'appliquent à tout le personnel de celle-ci, dont le guide des missions. Elle ajoute que les exigences de flexibilité d'horaires et de transport de bagages invoquées par le requérant peuvent
être satisfaites par d'autres moyens que le voyage en avion en classe supérieure à la classe économique, par exemple un voyage en train entre Paris et Luxembourg. Elle fait remarquer que ces exigences, à supposer qu'elles soient établies, ne sont pas susceptibles de conférer à la mission d'inspection nucléaire un caractère différent des missions dont sont chargés les fonctionnaires de la Commission dans d'autres domaines d'activité. Dès lors, selon elle, il ne saurait être considéré que le
requérant, de par le type de missions accomplies, était exonéré de l'obligation de se munir au préalable d'une autorisation de l'administration pour voyager en avion en classe supérieure à la classe économique.
42 La défenderesse conteste, en outre, avoir commis un abus de droit et méconnu les articles 11 et 12 de l'annexe VII du statut en refusant son visa aux demandes de dérogation introduites par le requérant. Elle reconnaît que, en ce qui concerne les missions à La Hague du 5 au 11 septembre et du 12 au 18 septembre 1999, l'ordonnateur a accordé des dérogations en vue du remboursement de billets d'avion Luxembourg-Paris-Luxembourg dans une classe supérieure à la classe économique. Elle souligne
néanmoins que, ce faisant, l'ordonnateur a méconnu les dispositions réglementaires applicables.
43 Elle fait observer que le fonctionnaire, voyageant nanti d'un ordre de mission, doit se soumettre aux modalités de voyage prescrites et que des dérogations ne sauraient être admises qu'aux conditions prévues par le guide des missions, décision administrative interne ayant été communiquée à l'ensemble du personnel de l'institution et comportant les dispositions d'exécution de l'article 12, paragraphe 2, de l'annexe VII du statut.
44 Or, la défenderesse fait remarquer que, conformément au point III.3, sous b), du guide des missions, «les voyages en avion sont organisés sur base de la classe économique, avec application des tarifs les plus économiques réalisables, compte tenu des contraintes de la mission», et que la possibilité d'utiliser, pour des voyages en avion, la classe affaires moyennant dérogation est prévue aux conditions établies au point III.3, sous d), du même guide et soumise à l'accord de l'ordonnateur de la
mission d'entente avec l'administration. Cependant, les demandes de dérogation accompagnant les ordres de mission à La Hague, non acceptées par l'administration, n'auraient été justifiées par rapport à aucune des conditions énoncées au point III.3, sous d), du guide des missions.
Appréciation du Tribunal
45 À titre liminaire, le Tribunal considère que, eu égard à la position exprimée par la défenderesse au cours de l'audience (voir point 39 ci-dessus), il y a lieu d'annuler la décision attaquée pour autant qu'elle impute au requérant, pour la mission du 12 au 18 septembre 1999, un trop-perçu pour frais d'avion de 1 921 BEF au lieu de 1 291 BEF et de condamner la défenderesse à restituer au requérant la différence entre ces montants, équivalant à 15,62 euros, majorée d'intérêts de retard à compter,
conformément aux conclusions du requérant, du 26 juin 2000. Le taux annuel des intérêts de retard à appliquer doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points (voir arrêt du Tribunal du 12 novembre 2002, López Cejudo/Commission, T-271/01, non encore publié au Recueil, point 59).
46 Il convient de rappeler, ensuite, que l'article 71 du statut pose comme principe de base que le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu'il a exposés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, les modalités d'application de ce principe étant fixées à l'annexe VII du statut (arrêt du Tribunal du 13 mars 1990, Dautremont e.a./Parlement, T-71/89, Rec. p. II-111, point 8).
47 L'article 11, paragraphe 1, de cette annexe précise que le fonctionnaire voyageant nanti d'un ordre de mission a droit, notamment, au remboursement des frais de transport. Ce droit est ouvert dans les conditions prévues à l'article 12 de la même annexe, dont le paragraphe 1 pose la règle selon laquelle les frais de transport, en ce qui concerne les fonctionnaires des catégories A et B et du cadre linguistique en mission, comportent le prix du transport effectué par l'itinéraire le plus court en
première classe de chemin de fer.
48 Toutefois, conformément à l'article 12, paragraphe 2, premier alinéa, de l'annexe VII du statut, les fonctionnaires «peuvent être autorisés» à voyager par avion. Dans ce cas, le remboursement est effectué sur présentation des billets, en classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou à la première classe. Les deuxième et troisième alinéas de cette disposition prévoient, en particulier, la possibilité pour l'AIPN d'autoriser le remboursement de billets d'avion dans une autre classe que
celle visée au premier alinéa pour les fonctionnaires accompagnant un membre de l'institution ou, selon les conditions fixées par une réglementation établie d'un commun accord par les institutions communautaires, pour ceux qui accomplissent des déplacements dans des conditions particulièrement fatigantes.
49 Il s'ensuit que le statut lui-même ne confère aux fonctionnaires nantis d'un ordre de mission aucun droit d'effectuer en avion, à la charge de leur institution d'appartenance, les déplacements nécessaires à leur mission. En revanche, le statut confère à l'institution concernée le pouvoir d'autoriser ces fonctionnaires à utiliser l'avion.
50 Il ressort également de la réglementation statutaire que, lorsqu'un voyage en avion est autorisé, le fonctionnaire, sous réserve d'une décision différente de l'AIPN, aura droit au remboursement des frais de transport sur la base du tarif pratiqué pour la «classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou la première classe». Cette disposition doit être interprétée, ainsi que la défenderesse l'a relevé à bon escient, en ce sens qu'elle prescrit la prise en considération de la classe
immédiatement inférieure à la meilleure classe réellement offerte sur le marché pour le trajet considéré.
51 En outre, le pouvoir de l'AIPN d'autoriser un remboursement sur une base plus élevée que celle décrite au point précédent est expressément limité par la réglementation statutaire à deux catégories de situations: l'accompagnement d'un membre de l'institution et les déplacements dans des conditions particulièrement fatigantes.
52 La notion de déplacements dans des conditions particulièrement fatigantes a été précisée, conformément à l'article 12, paragraphe 2, troisième alinéa, de l'annexe VII du statut, par l'article 2 de la réglementation commune. En particulier, il est fait référence à certains types de déplacements vers un lieu situé hors d'Europe [troisième alinéa, sous b) et c)], à l'existence d'un handicap physique entraînant des difficultés particulières pour les voyages en avion, constaté par le médecin-conseil
de l'institution [troisième alinéa, sous a)], et aux déplacements à l'intérieur de l'Europe qui comportent des fonctions de représentation ou qui sont effectués dans des conditions de travail particulièrement dures, la réglementation commune précisant toutefois que, dans ces derniers cas, l'autorisation de l'AIPN est accordée «à titre exceptionnel et sur la base d'une décision explicite» [troisième alinéa, sous d)].
53 S'agissant de l'exercice du pouvoir d'appréciation ainsi conféré à l'AIPN en ce qui concerne l'autorisation tant de l'usage de l'avion que des remboursements sur une base supérieure à celle décrite au point 50 ci-dessus, il est régi, s'agissant de la Commission, par les dispositions contenues dans le guide des missions que celle-ci a adopté, en application de l'article 71 du statut et des articles 11 à 13 de l'annexe VII du statut, par décision administrative interne du 11 octobre 1995
communiquée à l'ensemble du personnel.
54 Cette décision constitue, à tout le moins, une directive interne et, en tant que telle, doit être considérée comme une règle de conduite indicative que l'administration s'impose à elle-même et dont elle ne peut s'écarter, le cas échéant, qu'en précisant les raisons qui l'y ont amenée, sous peine d'enfreindre le principe d'égalité de traitement (voir arrêts du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T-2/90, Rec. p. II-103, point 61, et la jurisprudence citée, et du 21 octobre
1998, Vicente-Nuñez/Commission, T-100/96, RecFP p. I-A-591 et II-1779, point 67). En effet, rien n'interdit, en principe, à l'AIPN d'établir, par la voie d'une décision interne de caractère général, des règles pour l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le statut (arrêt Ferreira de Freitas/Commission, précité, point 61; ordonnance du Tribunal du 10 décembre 1997, Smets/Commission, T-134/96, Rec. p. II-2333, point 66).
55 Or, le point III.3 du guide des missions édicte, sous le titre «Règle générale», une série de dispositions prévoyant notamment, d'une part, que «[l]es voyages en avion sont organisés sur base de la classe économique avec application des tarifs les plus économiques réalisables, compte tenu des contraintes de la mission» [point III.3, sous b)], et, d'autre part, que «[l]a classe de vol autorisée est la Classe Affaires (Business) lorsque le voyage est jugé fatigant, au sens de la réglementation en
vigueur» [point III.3, sous d)]. À cet égard, ledit point reprend tous les cas de figure prévus par l'article 2 de la réglementation commune, à l'exception toutefois des «déplacements effectués dans des conditions de travail particulièrement dures», visés au troisième alinéa de cet article, sous d), qui n'y sont pas mentionnés.
56 Après avoir dicté également des règles relatives aux voyages en première classe, le point III.3 précise:
«Les dérogations aux règles reprises ci-dessus (formulaires ad hoc dûment complétés et signés) doivent être approuvées au préalable par l'ordonnateur de la mission et jointes à l'[ordre de mission], avec envoi d'une copie avant le départ à l'agence de voyages choisie.»
57 Il y a lieu de reconnaître que ces dispositions du guide des missions soulèvent des difficultés d'interprétation en ce qui concerne tant la notion de dérogation que l'attribution du pouvoir décisionnel en matière de dérogation. Il convient dès lors de déterminer la portée de ces dispositions à la lumière des autres dispositions de ce même texte, de la réglementation commune, des dispositions statutaires pertinentes et des principes applicables en la matière, tels que précisés par la
jurisprudence.
58 S'agissant de la notion de dérogation, la difficulté découle de l'emploi, au point III.3 du guide des missions, des termes «dérogations aux règles reprises ci-dessus» et du fait que ledit point dicte, sous le même titre «Règle générale», la règle de base du remboursement des frais d'avion sur la base du tarif de la classe économique [sous b)] et des règles spécifiques concernant les voyages en classe affaires [sous d)], pour enfin ajouter, sous le titre «Voyages en première classe», des règles
spécifiques pour les voyages en première classe.
59 Par conséquent, il n'apparaît pas clairement du seul point III.3 du guide des missions si, s'agissant du choix des modalités de voyage en avion, les termes «dérogations aux règles reprises ci-dessus» visent, comme la défenderesse le maintient, l'application des règles spécifiques, dérogeant à la règle de base (les «dérogations [$] reprises ci-dessus»), posées par ledit point III.3, ou, comme le requérant le soutient, l'autorisation d'une modalité de voyage (par exemple, la classe affaires) dans
des situations autres que celles pour lesquelles cette modalité est autorisée par les règles posées par ce même point (les «[$] règles reprises ci-dessus»).
60 Il convient, néanmoins, de rappeler que les dispositions combinées de l'article 12, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, de l'annexe VII du statut et de l'article 2 de la réglementation commune précisent de façon limitative les hypothèses dans lesquelles une dérogation à la règle du remboursement sur la base de la «classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou la première classe» peut être accordée (voir points 51 et 52 ci-dessus). En dehors de ces hypothèses, ayant trait à
l'accompagnement d'un membre de l'institution et aux déplacements dans des conditions particulièrement fatigantes, une telle dérogation n'est donc pas permise.
61 Il s'ensuit que les dérogations dont il est question au point III.3 du guide des missions ne sauraient, pour ce qui est du voyage en avion à l'intérieur de l'Europe en une classe supérieure à la classe économique, concerner d'autres hypothèses que celles précitées, lesquelles sont en substance reprises par ledit point, sous d), et sous le titre «Voyages en première classe».
62 À cet égard, si l'énumération des voyages à considérer comme «fatigants», qui est faite au point III.3, sous d), du guide des missions, omet le cas de figure des déplacements effectués à l'intérieur de l'Europe «dans des conditions de travail particulièrement dures», pourtant visé à l'article 2, troisième alinéa, sous d), de la réglementation commune, il y a lieu de considérer que cette énumération a une valeur illustrative qui ne limite pas la portée du renvoi que le point III.3, sous d), du
guide des missions fait à la «réglementation en vigueur» définissant la notion de voyage «fatigant», laquelle couvre un tel cas de figure.
63 Le Tribunal estime donc que, sous réserve de cette précision, il y a lieu de retenir l'interprétation des termes «dérogations aux règles reprises ci-dessus» préconisée par la défenderesse et de conclure que, s'agissant du choix des modalités de voyage en avion, ces termes visent l'autorisation de la classe affaires ou de la première classe dans les hypothèses (rappelées au point 60 ci-dessus) limitativement prévues par le point III.3 du guide des missions sur la base de la réglementation
statutaire et commune en vigueur.
64 S'agissant de l'entité habilitée à accorder ces dérogations, s'il est vrai que le guide des missions ne prévoit pas explicitement que la dérogation demandée doit être approuvée également par l'administration, il y a lieu d'observer que, au niveau procédural, il précise que toutes les demandes de dérogation sont à faire signer au préalable par l'ordonnateur et à joindre à l'ordre de mission (point I.4) et que le chargé de mission doit faire parvenir son ordre de mission, dûment signé par
l'ordonnateur habilité, à l'administration au plus tard quatre jours ouvrables avant la date du départ (point I.1). Or, s'il est prévu que la demande de dérogation doit être transmise à l'administration en même temps que l'ordre de mission et avant le départ, c'est précisément pour permettre à celle-ci de se prononcer à son tour, avant l'exécution de la mission, sur la dérogation sollicitée.
65 Cette réglementation est d'ailleurs conforme aux dispositions de l'article 3 de la réglementation commune, lequel impose notamment, en son premier alinéa, que la demande d'autorisation de pouvoir voyager en classe de luxe ou en première classe soit introduite par le fonctionnaire «avant l'établissement des titres de transport», sous réserve de «circonstances exceptionnelles».
66 En outre, il convient de remarquer qu'aussi bien l'article 12, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, de l'annexe VII du statut que la réglementation commune (voir articles 1er, 2, troisième alinéa, sous d), et 3, premier et deuxième alinéas) prévoient, sans ambiguïté, que les décisions accordant aux fonctionnaires un remboursement sur une base autre que celle prévue au paragraphe 2, premier alinéa, dudit article 12 sont du ressort de l'AIPN.
67 Il est d'ailleurs logique que les décisions en matière de liquidation des droits des fonctionnaires soient prises au niveau centralisé de l'administration et non pas au niveau de la structure organisationnelle de laquelle relève l'intéressé. Il convient, à cet égard, de rappeler que, sous l'empire d'une ancienne réglementation applicable aux fonctionnaires de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la Cour a eu l'occasion de relever que «les ordres de mission sont, en pratique,
délivrés fréquemment par le supérieur hiérarchique immédiat du fonctionnaire chargé d'une mission, alors qu'en dernière instance la décision sur la base de remboursement des frais de mission relève des services généraux de l'administration, pratique nécessaire pour éviter des discriminations en faveur ou au détriment de certains fonctionnaires ou de certains groupes de fonctionnaires» (arrêt de la Cour du 19 mars 1964, Lepape/Haute Autorité, 11/63, Rec. p. 121, 139).
68 Il y a lieu, dès lors, de considérer que, nonobstant le silence gardé par le guide des missions sur ce point, l'approbation de l'ordonnateur constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour l'application, lors du remboursement des frais, des dérogations sollicitées. Cette approbation a seulement pour but de confirmer, dans les circonstances de chaque cas d'espèce, que la dérogation est conforme à l'intérêt du service, étant entendu que ce dernier doit toutefois être concilié avec les
nécessités d'une gestion équilibrée des ressources mises à la disposition de l'institution ainsi qu'avec l'exigence que soit respectée l'égalité de traitement entre fonctionnaires relevant d'une même institution, conditions qu'il appartient à l'administration de cette dernière de vérifier et d'assurer.
69 S'agissant du grief tiré de l'absence de prise en considération de l'état de santé du requérant, ce dernier demande en substance au Tribunal de constater que l'administration se devait de prendre en compte les raisons d'ordre médical, dont elle aurait eu connaissance et qui auraient justifié dans son cas l'utilisation de l'avion au lieu du train, et que, à défaut de l'avoir fait, elle a commis une erreur manifeste d'appréciation.
70 La défenderesse ne conteste pas que les raisons d'ordre médical invoquées par le requérant, à savoir l'impossibilité de «porter des choses lourdes» à cause d'une maladie, puissent en principe faire l'objet d'une appréciation au titre du point III.3, sous d), du guide des missions. Elle souligne toutefois la tardiveté de l'invocation par le requérant de ces raisons médicales.
71 À cet égard, il suffit de rappeler qu'il ressort de la réglementation commune et du guide des missions que, pour les voyages en avion à l'intérieur de l'Europe - où, au vu des caractéristiques de l'offre des transporteurs aériens, la classe économique est la classe immédiatement inférieure à la classe de luxe ou à la première classe au sens de l'article 12, paragraphe 2, de l'annexe VII du statut -, il incombe au fonctionnaire d'introduire avant l'établissement du titre de transport sa demande
aux fins de voyager en classe affaires et de faire état dans celle-ci des motifs justifiant le recours à cette classe.
72 Or, en l'espèce, le requérant n'établit pas avoir invoqué ou, en tout état de cause, avoir dûment justifié ces raisons médicales lors de la présentation de ses ordres de mission, pas plus d'ailleurs que lors de l'introduction de ses demandes de remboursement des frais de mission. En outre, s'il a invoqué les raisons médicales dans sa réclamation, il ne ressort cependant pas du dossier que les attestations y relatives, figurant à l'annexe 7 de la requête, avaient été transmises à l'AIPN en temps
utile, le fait qu'elles aient été délivrées par le médecin-conseil de l'institution ne faisant pas présumer que l'institution en tant que telle en avait connaissance.
73 Il s'ensuit qu'il ne saurait être reproché à la défenderesse de ne pas avoir pris en considération les raisons médicales alléguées dans la décision attaquée.
74 Cette conclusion s'impose d'autant plus, premièrement, que le requérant n'a pas invoqué l'existence en l'espèce de circonstances exceptionnelles au sens de l'article 3, premier alinéa, de la réglementation commune, deuxièmement, que la défenderesse n'a pas contesté le fait de prendre l'avion, mais le recours à la classe affaires et que le requérant n'a pas indiqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la classe économique serait incompatible avec l'exigence de ne pas porter de lourdes
charges et, troisièmement, qu'il est manifestement contradictoire de sa part d'invoquer en même temps cette exigence et celle d'emmener en cabine deux mallettes au lieu d'une seule.
75 S'agissant des griefs tirés de l'absence d'une obligation de demander et d'obtenir une dérogation pour voyager en classe affaires et de la méconnaissance de l'approbation de l'ordonnateur, le requérant vise en substance à faire constater:
- d'une part, que, dans la mesure où la nature de la mission justifie, comme ce serait le cas en l'espèce, le voyage en classe affaires, le recours à cette classe ne suppose pas que le fonctionnaire demande et obtienne au préalable une approbation quelconque;
- d'autre part, que la défenderesse ne pouvait légitimement refuser le remboursement des billets d'avion en classe affaires une fois que l'ordonnateur avait approuvé les demandes de dérogation introduites par le requérant et qu'il avait, ainsi, reconnu la réalité des exigences de flexibilité et de transport de bagages sur lesquelles ces demandes s'appuyaient.
76 Il y a lieu de rejeter ces griefs comme étant non fondés.
77 En effet, premièrement, outre le fait qu'il n'apparaît pas que la décision attaquée soit fondée sur le simple fait de l'absence d'approbation préalable de la dérogation, il ressort de la réglementation en vigueur, telle que rappelée et interprétée aux points 46 à 68 ci-dessus, qu'un fonctionnaire de la Commission souhaitant voyager à l'intérieur de l'Europe en avion en classe affaires doit demander au préalable une autorisation de l'AIPN, cette demande devant être accompagnée de l'approbation
préalable de l'ordonnateur [voir également le point I.4 du guide des missions, qui indique que «[t]outes les demandes de dérogation (transport, logement, etc.) sont à faire signer au préalable par l'ordonnateur et à joindre à l'[ordre de mission]»].
78 Or, il s'avère que, en ce qui concerne la mission de novembre 1999, le requérant n'a ni introduit au préalable une demande de dérogation auprès de l'administration ni sollicité l'accord préalable de l'ordonnateur, ce qui fait en tout état de cause obstacle, en l'absence d'allégation de circonstances exceptionnelles au sens de l'article 3, premier alinéa, de la réglementation commune, au remboursement qu'il exige relativement à cette mission.
79 Deuxièmement, concernant les missions de septembre 1999, pour lesquelles le voyage entre Luxembourg et Paris en avion et en classe affaires avait effectivement fait l'objet de demandes préalables de dérogation approuvées par l'ordonnateur, il y a lieu de relever que, le dernier mot en la matière ne revenant pas à celui-ci mais à l'AIPN (voir points 64 à 68 ci-dessus), la défenderesse n'a ni commis d'abus de droit ni violé les articles 11, paragraphe 1, et 12, paragraphe 2, de l'annexe VII du
statut en estimant qu'un remboursement sur la base du tarif de la classe affaires ne pouvait pas être accordé au requérant, nonobstant l'approbation de l'ordonnateur.
80 Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument, avancé par le requérant lors de l'audience, selon lequel il n'appartient pas au fonctionnaire ayant reçu de sa hiérarchie un ordre de mission précisant les modalités d'exécution de la mission d'apprécier si cet ordre est compatible ou non avec la réglementation en vigueur et, le cas échéant, de s'abstenir de l'exécuter. En effet, il importe de constater à cet égard que, bien avant de partir effectuer les missions concernées, le requérant
avait été clairement informé du refus de l'administration d'accorder les dérogations en cause par la note du 27 août 1999 produite par la défenderesse (voir point 14 ci-dessus), qu'il n'a pas contesté avoir reçue. Or, cette circonstance aurait dû amener le requérant à avertir l'ordonnateur des difficultés découlant éventuellement de ce refus pour l'exécution des missions et à laisser le soin à celui-ci de régler le problème avec l'administration, au lieu de prendre l'initiative depasser outre la
position clairement exprimée par cette dernière.
81 Troisièmement, pour autant que, par ces griefs, le requérant conteste l'appréciation de la défenderesse selon laquelle les exigences de flexibilité et de transport de bagages ne justifiaient pas le recours à la classe affaires, il suffit de relever que le requérant n'a pas démontré que l'institution a commis une quelconque erreur manifeste d'appréciation en estimant, sur la base des éléments qu'il lui avait soumis, que les conditions prévues au point III.3, sous d), du guide des missions
n'étaient pas réunies. Le Tribunal souligne, en particulier, que le requérant n'a pas invoqué, dans ses demandes de dérogation, le fait que ses missions s'effectueraient dans des conditions particulièrement dures, au sens de l'article 2, troisième alinéa, sous d), de la réglementation commune.
Sur la prétendue illégalité du guide des missions
Arguments des parties
82 Le requérant fait valoir, à titre subsidiaire, que le guide des missions, dont la décision attaquée fait application, est manifestement contraire aux dispositions énoncées aux articles 11 et 12 de l'annexe VII du statut, dans la mesure où il impose l'utilisation de billets en classe économique.
83 La défenderesse estime que ce grief doit être écarté. Elle fait observer que le requérant se réfère erronément à un document interne intitulé «Missions 1999 - guide pratique pour l'agence de voyages agréée», émis à l'intention du personnel de l'agence de voyages agréée ayant pris ses fonctions le 1er avril 1999, et non pas au guide des missions arrêté le 11 octobre 1995, qui seul serait pertinent en l'espèce. En tout état de cause, en relevant que le document cité par le requérant n'est pas
contraire au guide des missions, elle exclut toute incompatibilité entre les dispositions de ce guide qu'elle a appliquées au requérant et les règles statutaires.
Appréciation du Tribunal
84 Il y a lieu de constater que le grief que le requérant tire, à titre subsidiaire, de l'illégalité du guide des missions est en réalité formulé à l'encontre d'un guide pratique établi à l'intention de l'agence de voyages agréée par la Commission, qui n'est pas pertinent en l'espèce, la décision attaquée étant fondée sur les dispositions statutaires et sur le guide des missions approuvé par la Commission le 11 octobre 1995.
85 En outre, cette exception est formulée aux points 46 et 47 de la requête de manière laconique, dans les termes suivants:
«[$] l'exigence des billets `FULL ECONOMY' est manifestement contraire aux dispositions énoncées aux articles 11 et 12 de l'annexe VII au statut. Dès lors, il y a lieu de constater que la réglementation relative au remboursement des frais de mission 1999 méconnaît la portée des dispositions statutaires précitées».
86 Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 21 du statut de la Cour de justice et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l'objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués, la violation de ces dispositions comptant parmi les fins de non-recevoir que le Tribunal peut soulever d'office, à tout moment, en vertu de l'article 113 dudit règlement de procédure (ordonnance du Tribunal du 13 décembre 1996,
Lebedef/Commission, T-128/96, RecFP p. I-A-629 et II-1679, point 25).
87 Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais
d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance Lebedef/Commission, précitée, point 24, et arrêt du Tribunal du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T-129/98, RecFP p. I-A-223 et II-1139, point 92). Des exigences analogues sont requises lorsqu'un grief est invoqué au soutien d'un moyen (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352/94, Rec. p. II-1989, points 333 et 334, et du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T-131/99, Rec. p.
II-2023, point 71).
88 Il convient de remarquer que la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure, telles que rappelées aux points 86 et 87 ci-dessus, et que les termes «exposé sommaire des moyens», employés dans ces textes, signifient que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir arrêt du Tribunal du 30 novembre 2000, Industrie des poudres sphériques/Commission, T-5/97, Rec. p.
II-3755, point 193, et la jurisprudence citée).
89 Dans le cas d'espèce, le requérant s'est limité, dans sa requête, à faire une énonciation abstraite du présent grief, sans expliciter en quoi consiste ce grief et sans faire ressortir les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde. En particulier, il n'a précisé ni la disposition qui serait illégale ni les raisons pour lesquelles il y aurait une incompatibilité avec les dispositions statutaires invoquées.
90 Il s'ensuit que le présent grief doit être rejeté comme étant irrecevable, malgré l'absence de conclusions de la défenderesse en ce sens (voir point 86 ci-dessus).
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
91 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
92 En outre, en vertu de l'article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.
93 Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider, au vu de ces dispositions, que la Commission supportera un sixième des dépens du requérant, outre ses propres dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL
(quatrième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision de la Commission du 24 mars 2000 portant établissement de trois «compléments-rectificatifs» de décomptes de frais de mission et imputant au requérant des trop-perçus est annulée pour autant qu'elle impute au requérant, pour la mission à La Hague du 12 au 18 septembre 1999, un trop-perçu pour frais d'avion de 1 921 BEF au lieu de 1 291 BEF.
2) La défenderesse est condamnée à restituer au requérant la somme de 15,62 euros, avec intérêts de retard à compter du 26 juin 2000, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La défenderesse supportera ses propres dépens ainsi qu'un sixième de ceux du requérant.