CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 16 octobre 2003(1)
Affaire C-476/01
Staatsanwaltschaft Frankenthal (Pfalz)
contre
Felix Kapper
[demande de décision préjudicielle formée par l'Amtsgericht Frankenthal (Pfalz) (Allemagne)]
«Directive 91/439/CEE – Refus de reconnaissance par un État membre d'un permis de conduire délivré par un autre État membre – Motifs de refus – Absence de résidence normale du titulaire du permis dans l'État membre de délivrance – Mesure de retrait d'un permis délivré antérieurement dans l'État membre d'accueil»
1. Un État membre est‑il en droit de s’opposer à la reconnaissance d’un permis de conduire délivré par un autre État membre? Si oui, pour quels motifs? Telles sont, en substance, les questions posées par l’Amtsgericht Frankenthal (Pfalz) (Allemagne), dans le cadre de poursuites pénales engagées contre un particulier, et qui touchent de près à certains aspects significatifs de la vie quotidienne du citoyen européen.
I – Le cadre juridique
A – La réglementation communautaire
2. La délivrance et l’usage des permis de conduire ont fait l’objet d’une première harmonisation par l’adoption de la première directive 80/1263/CEE (2) . Celle‑ci était destinée, d’une part, à contribuer à l’amélioration de la sécurité routière et, d’autre part, à faciliter la circulation des personnes s’établissant dans un autre État membre que celui dans lequel elles ont passé leur examen de conduite, ou se déplaçant à l’intérieur de la Communauté économique européenne.
3. À cette fin, la directive 80/1263 a rapproché certaines règles nationales tenant notamment à la délivrance des permis et aux conditions auxquelles est subordonnée leur validité. Elle a défini un modèle communautaire de permis, a institué un principe de reconnaissance mutuelle desdits permis et a prévu l’échange de ces derniers lorsque les titulaires transfèrent leur résidence ou leur lieu de travail d’un État membre à un autre.
4. La directive 80/1263 a été abrogée par la directive 91/439/CEE (3) . Cette dernière marque une nouvelle étape dans l’harmonisation des dispositions nationales, en particulier en ce qui concerne les conditions de délivrance des permis et la portée du principe de reconnaissance mutuelle y afférent.
5. S’agissant de la délivrance des permis, elle est subordonnée à des conditions d’âge minimal (4) , à la réussite de certaines épreuves (5) , à la conformité avec certaines normes médicales (6) ainsi qu’à l’existence d’une résidence normale ou à la preuve de la qualité d’étudiant pendant une période d’au moins six mois sur le territoire de l’État membre délivrant le permis (7) . L’article 7, paragraphe 5, de la directive prévoit que toute personne ne peut être titulaire que d’un seul
permis de conduire délivré par un État membre. Ainsi, dès lors qu’une personne est titulaire d’un permis de conduire (en cours de validité) délivré par un État membre, et voué à être reconnu dans les autres États membres, il est exclu que cette personne obtienne un autre permis du même ou d’un autre État membre.
6. S’agissant du principe de reconnaissance mutuelle des permis, il est posé à l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive, dans les termes généraux suivants: «Les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus».
7. Toutefois, dans le cas où le titulaire d’un permis en cours de validité délivré par un État membre a établi sa résidence normale dans un autre État membre, l’article 8, paragraphe 2, de la directive prévoit que, «[s]ous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l’État membre de résidence normale peut appliquer au titulaire […] [en question] ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de
conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de ce permis».
8. Par ailleurs, selon l’article 8, paragraphe 4, de la directive, «[u]n État membre peut refuser de reconnaître, à une personne faisant l’objet sur son territoire d’une des mesures visées au paragraphe 2, la validité de tout permis de conduire établi par un autre État membre». La mise en œuvre de ces dispositions par les États membres, à la faveur d’aménagements de leur législation nationale, est subordonnée à l’accord de la Commission (8) .
B – La réglementation nationale
9. Depuis le 1^er janvier 1999, la conduite de véhicules automobiles sur le territoire allemand par des titulaires de permis délivrés par un autre État membre et ayant établi leur résidence en Allemagne est régie par la Verordnung über die Zulassung von Personen zum Straßenverkehr, du 18 août 1998, également dénommée la Fahrerlaubnisverordnung (9) (règlement relatif à l’accès des personnes à la circulation routière, ci‑après la «FeV»).
10. Aux termes de l’article 28, paragraphes 1 et 4, de la FeV, le titulaire d’un permis de conduire délivré par un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (ci‑après l’«EEE») n’est pas autorisé à conduire sur le territoire allemand lorsque, au moment de la délivrance dudit permis, il avait déjà établi sa résidence normale en Allemagne (à moins qu’il n’ait obtenu son permis au cours d’un séjour scolaire ou universitaire dans l’État membre de délivrance) (10) .
11. Il en va de même lorsqu’un permis délivré par un État membre de l’Union européenne ou de l’EEE a fait l’objet en Allemagne d’une mesure judiciaire de retrait (provisoire ou définitif) ou d’une mesure administrative équivalente (immédiatement exécutoire ou définitive), lorsque la délivrance d’un tel permis a été refusée, lorsque son usage a fait l’objet d’une renonciation (11) , ou lorsque le titulaire dudit permis est soumis à une interdiction de conduire sur le territoire allemand ou à
une mesure de confiscation, de saisie ou de mise sous séquestre de leur permis (12) .
12. Il résulte de ces dispositions que le titulaire d’un permis allemand n’est plus en droit de conduire en Allemagne dès lors qu’une mesure de retrait dudit permis (13) ou qu’une mesure d’interdiction de conduire a été prise à son encontre par les autorités allemandes, même s’il a obtenu ultérieurement un permis de la part d’un autre État membre (14) .
13. En outre, selon l’interprétation qui est donnée à ces dispositions par la jurisprudence (15) , les effets dans le temps d’une telle déchéance du droit de conduire sur le territoire allemand ne se limitent pas au délai dont serait assortie une mesure d’interdiction de conduire ou à la durée de la période de blocage qui serait attachée à une mesure de retrait de permis. Contrairement à ce qui était le cas auparavant en vertu du règlement portant transposition de la directive (16) , une
telle déchéance du droit de conduire en Allemagne aurait vocation à jouer indéfiniment, même après l’expiration des délais en question (17) .
II – Les faits et la procédure au principal
14. Le 26 février 1998, l’Amstgericht Frankenthal (Pfalz) a ordonné le retrait (assimilable à une annulation) du permis de conduire de M. Felix Kapper, ressortissant allemand et titulaire d’un permis allemand, et donné instruction aux autorités nationales compétentes de ne pas lui délivrer de nouveau permis avant l’expiration d’un délai de neuf mois, c’est‑à‑dire pas avant le 25 novembre 1998.
15. Depuis lors, aucun nouveau permis ne lui a été délivré en Allemagne. En revanche, le 11 août 1999, il a obtenu un permis de conduire néerlandais.
16. Le 17 mars 2000, la même juridiction a condamné M. Kapper à une amende pour avoir en Allemagne, les 20 novembre et 11 décembre 1999, conduit un véhicule automobile sans permis valable, ou plus exactement en possession d’un permis néerlandais dont la validité n’est pas reconnue par les autorités allemandes. Se prévalant de son permis néerlandais, ce dernier a formé opposition contre cette décision (toujours devant la même juridiction).
III – La question préjudicielle
17. Eu égard aux thèses avancées par les parties, l’Amtsgericht Frankenthal (Pfalz) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 1^er, paragraphe 2, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, interdit‑il à un État membre de refuser la reconnaissance d’un permis s’il ressort de ses investigations que ce permis a été délivré par un autre État membre bien que le titulaire n’y eût pas sa résidence normale, et la disposition citée reçoit‑elle à cet égard, le cas échéant, un effet concret?»
IV – Analyse
A – Sur la recevabilité de la question préjudicielle
18. Le gouvernement néerlandais s’interroge sur la recevabilité de la question préjudicielle, en l’absence, selon lui, d’éléments suffisants dans l’ordonnance de renvoi quant aux faits, aux dispositions pertinentes du droit national et à l’intérêt de la question posée pour résoudre le litige au principal, en particulier dans l’hypothèse où l’intéressé demeurerait sous le coup d’une mesure de privation du droit de conduire en Allemagne.
19. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales (18) . Dans le cadre de cette coopération, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour.
En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (19) .
20. Néanmoins, la Cour a estimé qu’il lui appartenait, en vue de vérifier sa propre compétence, d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national (20) .
21. C’est en considération de cette mission que la Cour a estimé ne pas pouvoir répondre à une question préjudicielle, lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle communautaire, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre
de façon utile aux questions qui lui sont posées (21) .
22. S’agissant de ce dernier cas de figure, il y a lieu de préciser que l’exigence d’une description suffisante du cadre juridique et factuel de l’affaire poursuit essentiellement deux objectifs.
23. Premièrement, les informations communiquées par l’ordonnance de renvoi préjudiciel doivent permettre à la Cour de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national (22) .
24. En l’espèce, il est vrai que l’ordonnance de renvoi contient peu d’éléments sur le contexte factuel et juridique de l’affaire au principal. Ainsi, sa lecture ne permet pas de savoir si, lors de l’interpellation de M. Kapper pour des faits de conduite sans permis valable, ce dernier demeurait ou non sous le coup d’une mesure de privation ou de restriction du droit de conduire en Allemagne, à la suite du retrait de son permis allemand.
25. Toutefois, les éléments figurant dans l’ordonnance de renvoi ont été complétés à la fois par la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissement qui lui a été adressée par la Cour et par les réponses de M. Kapper et du gouvernement allemand aux questions qui leur ont été posées sur ce point. Il en résulte que, lors de son interpellation pour les faits litigieux, l’intéressé n’était plus soumis à la mesure d’interdiction d’obtention d’un nouveau permis (dont il avait été
frappé pour une durée de neuf mois), mais demeurait, semble‑t‑il, privé du droit de conduire en Allemagne, en vertu de l’article 28, paragraphe 4, point 4, de la FeV (23) . Nous estimons donc que, malgré les lacunes de l’ordonnance de renvoi, la Cour est en mesure de donner une réponse utile à la question posée par l’Amtsgericht Frankenthal (Pfalz).
26. Deuxièmement, les informations communiquées par une ordonnance de renvoi préjudiciel doivent donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 20 du statut de la Cour de justice (24) .
27. En l’espèce, il résulte des observations présentées par les gouvernements des États membres ainsi que par la Commission que les informations contenues dans l’ordonnance de renvoi leur ont permis de prendre utilement position sur la question préjudicielle. En outre, comme nous venons de l’indiquer, ces éléments ont été complétés par la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissement qui lui a été adressée par la Cour. Ces éléments d’informations complémentaires, repris
dans le rapport d’audience, ont été portés à la connaissance des gouvernements des États membres et des autres parties intéressées, soit en vue d’une réponse écrite à certaines questions, soit en vue de l’audience, de sorte que ces derniers ont eu l’occasion de compléter, le cas échéant, leurs observations.
28. En conséquence, nous estimons que la question préjudicielle posée par l’Amtsgericht Frankenthal (Pfalz) est recevable.
29. Toutefois, comme l’ont proposé M. Kapper, les gouvernements allemand et italien, ainsi que la Commission, il convient d’étendre la portée de la question préjudicielle à l’interprétation de l’article 8, paragraphes 2 et 4, de la directive, afin de donner une réponse utile et complète à la juridiction de renvoi.
30. En conséquence, nous considérons qu’il convient de comprendre la question préjudicielle comme cherchant à savoir, en substance, si les dispositions combinées des articles 1^er, paragraphe 2, 7, paragraphe 1, sous b), 8, paragraphes 2 et 4, et 9 de la directive doivent être interprétées en ce sens qu’un État membre est en droit de refuser la reconnaissance d’un permis de conduire délivré par un autre État membre, au motif, d’une part, qu’il ressortirait de ses investigations que le titulaire
du permis en question n’avait pas établi sa résidence normale dans l’État membre de délivrance, préalablement à une telle délivrance, ou/et, d’autre part, que ce titulaire de permis demeure privé du droit de conduire sur le territoire de ce premier État membre, après avoir fait l’objet d’une mesure de retrait ou d’annulation d’un permis antérieur, délivré dans cet État membre, assortie d’une mesure d’interdiction provisoire d’y obtenir un nouveau permis, alors que ces deux mesures ont été
entièrement exécutées et ont donc épuisé leurs effets.
B – Sur le fond
31. À titre liminaire, il importe de rappeler que l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive pose le principe selon lequel «[l]es permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus».
32. Comme nous l’avons déjà souligné récemment, ces dispositions empruntent une formule générale en faveur de la reconnaissance mutuelle des permis, sans la subordonner à l’exigence d’une condition ou d’une formalité particulière (25) .
33. La Cour en a jugé ainsi dans l’arrêt du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (26) à propos de la formalité d’échange de permis. La Cour l’a réaffirmé dans l’arrêt du 29 octobre 1998, Awoyemi (27) , tout en ajoutant que l’obligation de reconnaissance des permis de conduire est une obligation claire et inconditionnelle et que les États membres ne disposent d’aucune marge d’appréciation quant aux modalités à adopter pour s’y conformer, de sorte que les dispositions précitées de la
directive sont d’effet direct.
34. C’est ce que la Cour a rappelé tout récemment dans l’arrêt Commission/ Pays‑Bas, précité, à propos d’une certaine formalité d’enregistrement des permis (28) .
35. C’est à la lumière de ce principe de reconnaissance mutuelle des permis, fondé sur la confiance réciproque des États membres, qu’il convient d’examiner si un État membre est en droit de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre pour des motifs tenant à la résidence du titulaire du permis en question ou au prononcé à l’encontre de ce dernier d’une mesure de retrait ou d’annulation de permis.
1. Sur la condition de résidence du titulaire de permis lors de la délivrance dudit permis
36. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, la délivrance d’un permis de conduire est subordonnée à l’établissement de la résidence normale du demandeur sur le territoire de l’État membre délivrant ledit permis.
37. Comme M. Kapper ainsi que les gouvernements néerlandais et italien, nous considérons qu’il appartient au seul État membre de délivrance de vérifier que cette condition préalable est remplie, conformément aux critères d’appréciation énoncés à l’article 9 de la directive. Il s’ensuit que, dès lors qu’un permis a été délivré par un État membre, les autres États membres ne sauraient refuser sa reconnaissance au motif que, selon eux, cette condition n’aurait pas été remplie.
38. Admettre le contraire, comme le propose le gouvernement allemand, reviendrait à remettre en cause le système mis en place par la directive ainsi que le principe de reconnaissance mutuelle qui en constitue la clé de voûte.
39. En effet, comme nous l’avons déjà souligné à propos de la procédure d’enregistrement des permis existant aux Pays‑Bas, la philosophie même du système mis en place par la directive consiste à définir des règles communes de délivrance de permis et à conférer à l’État membre de délivrance une compétence exclusive pour s’assurer du respect de ces règles (29) . C’est sur ce système que repose le principe de reconnaissance mutuelle des permis qui, rappelons‑le, a vocation à jouer de manière
automatique, c’est‑à‑dire sans conditions, formalités ou vérifications particulières, et implique donc une confiance réciproque de la part des États membres.
40. Par conséquent, admettre qu’un État membre vérifie que le titulaire d’un permis délivré par un autre État membre a bien rempli la condition d’obtention tenant à la résidence dudit titulaire et que, à défaut, selon lui, de satisfaire à cette condition, il refuse de reconnaître le permis en question reviendrait à vider de sa substance le principe de reconnaissance mutuelle des permis et à ruiner la confiance réciproque qui doit inspirer les États membres en la matière.
41. Des considérations similaires ont conduit la Cour à juger que «la détention d’un permis de conduire délivré par un État membre doit être considérée comme constituant la preuve que le titulaire dudit permis a rempli les conditions de délivrance prévues par la directive 91/439 et l’État membre d’accueil ne saurait, sans violer le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire, exiger dudit titulaire de rapporter une nouvelle fois la preuve qu’il a effectivement satisfait aux
conditions prévues aux articles 7, paragraphe 1, sous b), et 9 de la directive 91/439» (30) .
42. Cette analyse de la Cour est fondée sur le fait que «cette exigence [de preuve] […] constitue [...] la négation même de la reconnaissance des permis de conduire délivrés par les autres États membres en ce qu’elle revient à contrôler une seconde fois si le titulaire dudit permis a rempli les conditions d’obtention prévues aux articles 7, paragraphe 1, sous b), et 9 de la directive 91/439» (31) .
43. À ce propos, la Cour a pris soin de souligner que cette exigence impose au titulaire du permis à enregistrer d’établir un fait dont la preuve peut s’avérer extrêmement difficile à rapporter, eu égard, d’une part, à la durée qui peut s’écouler entre l’obtention du permis et l’établissement de son titulaire dans l’État membre en cause et, d’autre part, à la distance qu’il peut y avoir entre la localité où le titulaire a eu sa résidence (au moment où il a obtenu son permis de conduire) et la
commune où il a décidé de s’établir (dans l’État membre en cause) (32) .
44. Selon nous, ce qui vaut pour la preuve systématique de ladite condition de résidence par le titulaire du permis lui‑même, dans le cadre d’une procédure d’enregistrement auprès d’un autre État membre que celui de délivrance, vaut également pour les vérifications ou investigations auxquelles se livrerait sur ce point cet État membre en vue d’accepter ou de refuser la reconnaissance dudit permis.
45. En effet, de tels procédés reviennent à contrôler une seconde fois si le titulaire d’un permis délivré par un autre État membre a rempli la condition de résidence exigée par la directive pour l’obtention dudit permis. Or, ainsi que la Cour l’a jugé, la détention d’un tel permis doit être considérée comme constituant la preuve que le titulaire du permis en question a rempli cette condition. L’existence d’une telle preuve exclut donc nécessairement qu’un État membre se dégage de l’obligation
de reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre au seul motif qu’il existerait, selon lui, des éléments tendant à démontrer l’absence de réalisation de ladite condition et à remettre ainsi en cause la fiabilité de ladite preuve. Cela est d’autant plus vrai que, si de tels éléments étaient pris en compte par cet État membre pour refuser la reconnaissance du permis en question, son titulaire se trouverait finalement dans l’obligation de rapporter une nouvelle fois la preuve qu’il a
effectivement satisfait à cette condition, ce qui, comme la Cour l’a jugé, serait également contraire au principe de reconnaissance mutuelle des permis.
46. Nous en concluons qu’un État membre n’est en droit ni de vérifier que le titulaire d’un permis délivré par un autre État membre a bien rempli la condition de résidence prévue par la directive ni de refuser la reconnaissance du permis en question au motif que, selon lui, son titulaire n’aurait pas rempli ladite condition.
47. Contrairement à ce que suggère la Commission, nous estimons que cette conclusion s’impose y compris dans l’hypothèse où, comme ce serait le cas en Allemagne, de telles vérifications ou investigations ne seraient pas systématiques, mais seraient limitées aux cas dans lesquels l’État membre concerné nourrirait de sérieux doutes quant à la satisfaction de ladite condition de résidence.
48. En effet, lorsqu’un État membre éprouve de tels doutes, il peut éventuellement en faire part à l’État membre de délivrance, dans le cadre d’un échange d’informations, conformément à l’article 12, paragraphe 3, de la directive (33) . Toutefois, il convient de préciser que si, à l’issue d’un tel échange, l’État membre de délivrance confirme que la condition de résidence en question était bien remplie, l’État membre concerné demeure tenu de reconnaître le permis litigieux, même s’il n’est pas
convaincu par la réponse qui lui a été donnée. Il n’est donc pas en droit de se prévaloir de ses propres vérifications ou investigations en la matière, même circonscrites, pour s’opposer à la reconnaissance dudit permis.
49. Cela étant, dans l’hypothèse où, selon lui, l’État membre de délivrance contrôlerait de manière insuffisante l’existence de la condition de résidence en question, l’État membre d’accueil aurait toujours la possibilité d’engager à l’encontre de cet État membre une procédure en manquement, en application de l’article 227 CE.
50. À ce propos, nous n’ignorons pas qu’il soit possible (bien que fort peu probable) qu’à la faveur d’un éventuel échange d’informations l’État membre de délivrance se rende compte que, contrairement à ce qu’il avait constaté lors de la délivrance du permis, la condition de résidence exigée par la directive n’était effectivement pas remplie. Toutefois, même dans cette hypothèse, nous estimons que le refus de reconnaissance du permis en question n’est pas admissible (34) .
51. En effet, contrairement à la Commission, nous avons du mal à mettre sur le même plan le défaut de résidence du titulaire d’un permis dans l’État membre de délivrance et la situation examinée par la Cour dans l’arrêt du 27 septembre 1989, Van de Bijl (35) .
52. Dans cet arrêt, la Cour a examiné la situation d’un ressortissant néerlandais souhaitant exercer aux Pays‑Bas une activité de peintre à titre indépendant, sans justifier de l’aptitude professionnelle requise pour l’exercer dans cet État membre, et qui s’est prévalu auprès des autorités néerlandaises d’une attestation délivrée par les autorités britanniques selon laquelle il aurait exercé au Royaume-Uni ladite activité pendant une certaine période, afin de bénéficier, en vertu de la
directive 64/427/CEE (36) , d’une autorisation d’exercer l’activité considérée aux Pays‑Bas. Cette directive prévoyait que, lorsque dans un État membre l’accès à ou l’exercice d’une certaine activité était subordonné à la possession de certaines connaissances et aptitudes, cet État membre devait reconnaître comme preuve suffisante de ces connaissances et aptitudes l’exercice effectif dans un autre État membre de l’activité considérée pendant une période déterminée, sur la foi d’une attestation
délivrée par les autorités de ce dernier État membre.
53. Cette condition préalable d’exercice effectif d’une certaine activité professionnelle s’inscrivait dans le cadre d’un système transitoire d’autorisation pour l’exercice desdites activités, dans l’attente de la coordination des règles nationales concernant, d’une part, l’accès à ces activités et leur exercice et, d’autre part, la reconnaissance mutuelle des titres (37) . Cette condition répondait au souci légitime de l’État membre d’accueil de s’assurer que l’intéressé présentait certaines
connaissances et aptitudes générales pour exercer l’activité professionnelle envisagée afin de préserver les intérêts des destinataires de ladite activité.
54. Eu égard à ce contexte, on comprend que la Cour ait jugé que «l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, saisie d’une demande d’autorisation d’exercer une profession sur la foi d’une attestation établie par l’autorité compétente de l’État membre de provenance en vertu […] de la directive, n’est pas tenue d’accorder automatiquement l’autorisation demandée lorsque l’attestation produite contient une inexactitude manifeste en ce qu’elle assure que la personne visée […] a accompli une
période d’activité professionnelle dans l’État membre de provenance, s’il est constant qu’au cours de cette même période cette personne a exercé des activités professionnelles sur le territoire de l’État membre d’accueil» (38) .
55. Selon nous, cette jurisprudence n’est pas transposable à la situation du litige au principal.
56. Tout d’abord, il importe de relever que la condition de résidence prévue par la directive s’inscrit dans le cadre d’un système de reconnaissance des permis de conduire, et non d’autorisation, ce qui exclut, en principe, toute marge d’appréciation de la part des autres États membres que celui de délivrance quant à la satisfaction des conditions d’obtention desdits permis.
57. En outre, cette condition de résidence ne répond pas à des exigences comparables à celles attachées à la possession de connaissances et d’aptitudes générales, qui sont destinées à protéger les intérêts des destinataires d’une activité professionnelle exercée à titre indépendant. Aussi importante soit‑elle pour l’économie du système mis en place par la directive, cette condition ne saurait être assimilée à une condition substantielle telle que la réussite de certaines épreuves de contrôle
des aptitudes, des comportements ou des connaissances, inspirée par des raisons impératives d’intérêt général tenant à la sécurité routière, comme cela est prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive (39) .
58. Il résulte de ces développements que le parallèle, invoqué par la Commission, entre l’absence avérée de satisfaction de la condition de résidence posée par la directive et la situation examinée par la Cour dans l’arrêt Van de Bijl, précité, ne nous semble pas pertinent. Cet arrêt n’est donc pas de nature à remettre en cause notre analyse.
59. Selon nous, une telle irrégularité ne suffit pas, en soi, à justifier le refus de reconnaissance du permis de conduire en question, ni d’ailleurs à justifier le retrait ou l’annulation dudit permis par un autre État membre que celui de délivrance (avec effets sur son propre territoire) (40) . Cela étant, en cas de méconnaissance systématique par l’État membre de délivrance de l’obligation qui lui incombe de vérifier l’existence de ladite condition de résidence, l’État membre d’accueil
ainsi que la Commission peuvent engager à l’encontre de l’État membre en cause une procédure en manquement, en application des articles 226 CE et 227 CE.
60. En outre, il n’est pas exclu que l’État membre de délivrance décide, en raison d’une telle irrégularité avérée, de retirer ou d’annuler ledit permis, selon un parallélisme des formes, de sorte qu’à l’évidence les autres États membres ne seraient plus tenus de le reconnaître.
61. En conséquence, nous considérons que les dispositions combinées des articles 1^er, paragraphe 2, 7, paragraphe 1, sous b), et 9 de la directive doivent être interprétées en ce sens qu’un État membre n’est pas en droit de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre au motif que, selon lui, le titulaire du permis en question n’avait pas établi sa résidence normale dans ce dernier État membre lors de la délivrance dudit permis.
2. Sur les effets d’une mesure de retrait ou d’annulation d’un permis délivré par un État membre vis‑à‑vis d’un permis délivré postérieurement par un autre État membre
62. Il importe à présent de déterminer si un État membre est en droit de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre pour un autre motif que celui examiné précédemment, tiré du prononcé à l’encontre du titulaire du permis en question d’une mesure de retrait ou d’annulation d’un permis délivré antérieurement par ce premier État membre.
63. Selon M. Kapper, il serait envisageable que, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, de la directive, les autorités allemandes refusent de reconnaître la validité sur le territoire national d’un permis délivré par un autre État membre tant qu’une mesure nationale telle qu’une suspension ou une annulation du droit de conduire pendant une période déterminée y produirait ses effets. Toutefois, cette possibilité ne leur serait certainement pas ouverte pour la période postérieure.
64. Dans le même sens, le gouvernement italien soutient que ces dispositions sont uniquement destinées à garantir l’application d’une sanction pénale, telle qu’une suspension ou un retrait de permis, afin d’éviter que son titulaire y échappe en se prévalant indûment de l’obtention d’un permis dans un autre État membre. Une fois que la sanction pénale en question a été exécutée, l’État membre sur le territoire duquel elle a été prononcée n’aurait plus la possibilité de s’opposer à la
reconnaissance dudit permis.
65. Selon la Commission, la directive n’interdit pas à un État membre de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre lorsque son titulaire a fait l’objet d’une mesure de retrait de son permis national et que celui-ci ne lui a pas encore été restitué. À l’audience, elle a ajouté qu’un tel refus de reconnaissance, sur le fondement des dispositions de l’article 8, paragraphe 4, de la directive, ne saurait jouer indéfiniment, surtout dans l’hypothèse où, à un moment
donné, l’intéressé pourrait à nouveau obtenir un permis dans son pays d’origine.
66. Les observations des parties étant rappelées, nous estimons que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, un tel refus de reconnaissance de permis n’est susceptible d’être fondé ni sur les dispositions de l’article 8, paragraphe 2, de la directive ni sur celles de son article 8, paragraphe 4.
67. S’agissant de l’article 8, paragraphe 2, de la directive, nous rappelons qu’il prévoit que, dans le cas où le titulaire d’un permis en cours de validité délivré par un État membre a établi sa résidence normale dans un autre État membre, l’État membre d’accueil peut, à condition de respecter le principe de territorialité des lois pénales et de police, appliquer au titulaire dudit permis ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit
de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de permis.
68. Selon nous, ces dispositions de la directive, qui ne s’appliquent pas seulement en cas d’échange de permis (41) , recouvrent l’hypothèse où il serait reproché à un titulaire de permis d’avoir commis une infraction à la circulation routière sur le territoire de l’État membre d’accueil et où les autorités compétentes de cet État membre envisageraient de prononcer à son encontre, à titre de sanction, une mesure de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire
dont les effets seraient limités au territoire dudit État membre (42) .
69. Or, M. Kapper ne se trouve pas dans cette situation dans le cadre du litige au principal.
70. En effet, si ce dernier a été condamné en Allemagne à un retrait de permis, assimilable à son annulation, cette sanction concernait uniquement le permis allemand dont il était autrefois titulaire, avant d’obtenir le permis néerlandais en cause. Dans le litige au principal, la question ne se pose pas de savoir si, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive, les autorités allemandes seraient en droit de prononcer à nouveau à l’encontre de M. Kapper une mesure de retrait ou
d’annulation de permis, cette fois-ci en ce qui concerne son permis néerlandais. Il s’agit uniquement de savoir si les autorités allemandes sont en droit de refuser de reconnaître la validité du permis néerlandais en question. Or, comme nous l’avons vu à propos de la condition de résidence, une réponse négative s’impose. Il s’ensuit que le permis néerlandais de M. Kapper doit être tenu pour valide, de sorte que l’infraction qui lui est reprochée (de conduite sans permis valable) ne saurait être
retenue. À défaut de constitution d’une telle infraction, il est exclu que l’intéressé relève de la situation visée par l’article 8, paragraphe 2, de la directive.
71. Selon nous, contrairement à ce que soutient le gouvernement allemand, l’article 8, paragraphe 2, de la directive ne saurait être interprété en ce sens qu’un État membre d’accueil serait en droit de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre, dès lors que, en vertu de ses règles nationales (de l’État membre d’accueil en question) en matière de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire, le titulaire dudit permis serait déchu du
droit de conduire sur le territoire de cet État membre du fait de sa condamnation antérieure (par les autorités dudit État membre) à une mesure privative du droit de conduire, y compris dans l’hypothèse où cette mesure aurait été entièrement exécutée et aurait donc cessé ses effets. En effet, comme nous allons le voir, une interprétation extensive de ces dispositions de la directive serait de nature à priver d’effet utile les dispositions figurant à l’article 8, paragraphe 4, de la directive.
72. S’agissant de ces dernières dispositions de la directive, nous estimons qu’il convient de les interpréter de manière restrictive, en ce sens qu’un État membre n’est en droit de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre lorsque les autorités de ce premier État membre ont prononcé à l’encontre du titulaire du permis en question une mesure de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire, que pour autant seulement qu’une telle mesure
n’a pas été entièrement exécutée et n’a donc pas déjà épuisé ses effets. Plusieurs éléments plaident en faveur d’une telle interprétation.
73. Tout d’abord, comme le gouvernement italien l’a souligné, il ressort du libellé de ces dispositions (43) que la faculté consentie à un État membre (de refuser de reconnaître la validité d’un permis délivré par un autre État membre) concerne uniquement le cas d’une personne «faisant [toujours] l’objet» sur son territoire d’une des mesures précitées, ce qui est à distinguer du cas d’une personne «ayant [déjà] fait l’objet» d’une telle mesure. L’emploi du présent, et non du passé, traduit
clairement la volonté du législateur communautaire de limiter l’usage d’une telle faculté à l’existence de mesures privatives ou restrictives du droit de conduire ayant un caractère actuel, c’est‑à‑dire qui demeurent en cours d’exécution.
74. En outre, il importe de souligner que la faculté qui est reconnue aux États membres par l’article 8, paragraphe 4, de la directive constitue une exception au principe de reconnaissance des permis, posé à son article 1^er, paragraphe 2. Il s’ensuit que, conformément à une jurisprudence constante, ces dispositions de l’article 8, paragraphe 4, de la directive doivent être interprétées strictement.
75. Enfin, il convient de rappeler que l’objectif de la directive est de définir un modèle communautaire de permis et d’instituer un système de reconnaissance mutuelle desdits permis sans obligation d’échange, afin notamment de faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un autre État membre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite (44) . Le principe de reconnaissance mutuelle des permis, prévu à l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive, constitue donc
la clé de voûte du système mis en place par la directive. Ce serait la négation même de ce principe que de considérer qu’un État membre serait en droit de se fonder sur ses dispositions nationales pour s’opposer indéfiniment ou éternellement à la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre (45) .
76. D’ailleurs, nous rappelons qu’il résulte de l’article 10, second alinéa, de la directive que, lorsqu’un État membre souhaite adopter des dispositions de droit interne destinées à mettre en œuvre les dispositions de l’article 8, paragraphe 4, de la directive, il lui appartient d’obtenir l’accord préalable de la Commission. Cette exigence est de nature à garantir que les dispositions nationales envisagées s’inscrivent bien dans le cadre circonscrit par l’article 8, paragraphe 4, de la
directive. À cet effet, il importe qu’un tel accord revête une forme juridiquement obligatoire, c’est-à-dire qu’il ne se limite pas à une prise de position implicite ou informelle, comme cela a été le cas à propos de la réglementation allemande en cause dans le litige au principal (46) .
77. En conséquence, nous considérons qu’il convient d’interpréter les dispositions des articles 1^er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 4, de la directive en ce sens qu’un État membre n’est en droit de refuser la reconnaissance d’un permis de conduire délivré par un autre État membre lorsque les autorités de ce premier État membre ont prononcé à l’encontre du titulaire du permis en question une mesure de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire, que pour autant
seulement qu’une telle mesure n’a pas été entièrement exécutée et n’a donc pas déjà épuisé ses effets.
V – Conclusion
78. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, nous proposons à la Cour de répondre à la question posée par l’Amtsgericht Frankenthal (Pfalz) de la manière suivante:
«1)
Les dispositions combinées des articles 1^er, paragraphe 2, 7, paragraphe 1, sous b), et 9 de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, doivent être interprétées en ce sens qu’un État membre n’est pas en droit de refuser la reconnaissance d’un permis délivré par un autre État membre au motif que, selon lui, le titulaire du permis en question n’avait pas établi sa résidence normale dans ce dernier État membre lors de la délivrance dudit permis.
2)
En revanche, conformément à l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive, un État membre peut refuser de procéder à une telle reconnaissance lorsque les autorités de cet État membre ont prononcé à l’encontre du titulaire du permis en question une mesure de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire, pour autant seulement qu’une telle mesure n’a pas été entièrement exécutée et n’a donc pas déjà épuisé ses effets.»
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1 –
Langue originale: le français.
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2 –
Directive du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire (JO L 375, p. 1).
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3 –
Directive du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO L 237, p. 1, ci‑après la «directive»).
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4 –
Article 6 de la directive.
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5 –
Article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive.
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6 –
Idem.
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7 –
Article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive. La notion de «résidence normale» est définie à l’article 9 de la directive comme étant le lieu où la personne demeure habituellement, c’est‑à‑dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d’attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d’une personne sans attaches professionnelles, en raison d’attaches personnelles, révélant des liens étroits entre elle‑même et l’endroit où elle habite. Il est précisé que la
résidence normale d’une personne dont les attaches professionnelles sont situées dans un lieu différent de celui de ses attaches personnelles et qui, de ce fait, est amenée à séjourner alternativement dans des lieux différents situés dans deux ou plusieurs États membres est censée se situer au lieu de ses attaches personnelles, à condition qu’elle y retourne régulièrement (toutefois, cette condition n’est pas requise lorsque la personne concernée effectue un séjour dans un État membre pour
l’exécution d’une mission d’une durée déterminée).
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8 –
Article 10, second alinéa, de la directive.
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9 –
.Bundesgesetzblatt 1999 I, p. 2214. Les dispositions pertinentes de ce règlement pour le litige au principal ont été très légèrement modifiées par un règlement du 7 août 2002, entré en vigueur le 1^er septembre 2002.
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10 –
Article 28, paragraphe 4, point 2, de la FeV. Des dispositions équivalentes étaient déjà prévues à l’article 1^er, paragraphe 4, premier alinéa, de la Verordnung zur Umsetzung der Richtlinie 91/439/EWG des Rates vom 29 Juli 1991 über den Führerschein und zur Änderung straßenverkehrsrechtlicher Vorschriften (Bundesgesetzblatt 1991 I, p. 885, ci‑après le «règlement portant transposition de la directive»). Adopté le 19 juin 1996, ce règlement était en vigueur du 1^er juillet 1996 au 31 décembre
1998 (jusqu’à l’entrée en vigueur de la FeV qui l’a remplacé).
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11 –
Article 28, paragraphe 4, point 3, de la FeV.
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12 –
Article 28, paragraphe 4, point 4, de la FeV.
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13 –
En droit allemand, une mesure de retrait de permis (appelée «entziehung») entraîne automatiquement la perte ou l'annulation du droit de conduire, et non sa simple suspension. Une telle mesure est nécessairement assortie d'une interdiction d'obtenir un nouveau permis pendant une certaine durée fixée par le juge (dite «période de blocage»). À l'expiration de cette période de blocage, l'intéressé ne peut recouvrer son droit de conduire qu'après y avoir été autorisé par les autorités
compétentes, à la suite de la réussite de certaines épreuves d'aptitude.
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14 –
Pour une illustration de ce cas de figure, voir notamment l’ordonnance du Bundesgerichtshof du 20 juin 2002 (4 StR 371/01, NJW 2002, p. 2330).
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15 –
Voir, en ce sens, notamment l’ordonnance du Bundesgerichtshof, précitée (III, point 2).
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16 –
Il résultait de l’article 1^er, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement portant transposition de la directive que le titulaire d’un permis délivré par un autre État membre, qui auparavant s’était vu provisoirement retirer son permis allemand ou qui ne pouvait obtenir un tel permis en vertu d’une décision judiciaire définitive, n’était pas en droit de conduire un véhicule en Allemagne aussi longtemps que cette mesure lui était applicable. À l’expiration de la période en question,
l’intéressé pouvait automatiquement se prévaloir en Allemagne de son permis délivré par un autre État membre.
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17 –
Toutefois, le règlement du 7 août 2002, entré en vigueur le 1^er septembre suivant, a admis la possibilité de mettre un terme à une telle situation de déchéance. En effet, selon l’article 28, paragraphe 5, de la FeV, telle que modifiée, l’autorisation de conduire en Allemagne en vertu d’un permis délivré par un autre État membre peut être accordée par les autorités allemandes lorsque l’intéressé le demande, à condition que les raisons ayant abouti au retrait du permis n’existent plus. Ces
dispositions visent précisément le cas où le titulaire d’un permis allemand s’est vu retirer son permis par les autorités allemandes et a obtenu ultérieurement un nouveau permis auprès d’un autre État membre.
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18 –
Cet aspect a été souligné pour la première fois dans l’arrêt du 1^er décembre 1965, Schwarze (16/65, Rec. p. 1081, 1094).
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19 –
Voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 59); du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 38); du 10 décembre 2002, Der Weduwe (C‑153/00, Rec. p. I‑11319, point 31), et du 21 janvier 2003, Bacardi‑Martini et Cellier des Dauphins (C‑318/00, Rec. p. I‑905, point 41).
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20 –
Voir, notamment, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, point 21), et arrêts précités PreussenElektra (point 39); Der Weduwe (point 39) et Bacardi‑Martini et Cellier des Dauphins (point 42).
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21 –
Voir, notamment, arrêt Bosman précité (point 61), et arrêts du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co (C‑437/97, Rec. p. I‑1157, point 52); du 13 juillet 2000, Idéal tourisme (C‑36/99, Rec. p. I‑6049, point 20), et du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C‑390/99, Rec. p. I‑607, point 19).
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22 –
Voir arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C‑320/90 à C‑322/90, Rec. p. I‑393, point 6), et notamment les conclusions de l'avocat général Gulmann dans cette affaire (points 5 à 21). Voir, également, ordonnances du 19 mars 1993, Banchero (C‑157/92, Rec. p. I‑1085, point 6), et du 9 août 1994, La Pyramide (C‑378/93, Rec. p. I‑3999, point 14).
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23 –
Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur une question concernant l'application dans le temps du droit national. Néanmoins, à la lecture de l'ordonnance du Bundesgerichtshof du 20 juin 2002, précitée, nous supposons que la FeV est applicable à la situation de M. Kapper, à l'exclusion du règlement portant transposition de la directive.
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24 –
Voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, Albany (C‑67/96, Rec. p. I‑5751, point 40), et du 19 février 2002, Arduino (C‑35/99, Rec. p. I‑1529, points 28 et 29), ainsi que nos conclusions dans cette affaire (point 30).
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25 –
Voir nos conclusions dans l’affaire Commission/Pays‑Bas (arrêt du 10 juillet 2003, C‑246/00, non encore publié au Recueil, point 38).
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26 –
C‑193/94, Rec. p. I‑929, point 26.
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27 –
C‑230/97, Rec. p. I‑6781 (point 41).
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28 –
Points 60 et 61.
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29 –
Voir nos conclusions dans l’affaire Commission/Pays‑Bas, précitée (point 42).
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30 –
Arrêt Commission/Pays‑Bas, précité (point 75). Dans cette affaire, il était reproché au royaume des Pays‑Bas d’avoir instauré un système d’enregistrement obligatoire des permis de conduire délivrés par les autres États membres, un an après que le titulaire d’un tel permis se fut installé sur le territoire néerlandais, et d’avoir prévu une procédure d’enregistrement qui, par sa lourdeur, ne se distinguait guère d’une procédure d’échange de permis. La lourdeur de la procédure en question
tenait, notamment, au fait que le titulaire du permis à enregistrer devait rapporter la preuve aux autorités néerlandaises que, pendant l’année de l’obtention dudit permis, il avait résidé au moins 185 jours dans l’État membre de délivrance ou avait été inscrit pendant au moins six mois dans une école ou une université de cet État.
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31 –
Point 74.
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32 –
Idem.
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33 –
Voir, en ce sens, la communication interprétative de la Commission sur la délivrance des permis de conduire dans la Communauté européenne (JO 2002, C 77, p. 5, partie II, sous C.2).
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34 –
Il est fort probable que le litige au principal ne recouvre pas une telle situation. En effet, rien dans le dossier ne permet de penser que les autorités allemandes ont procédé à un échange d’informations avec les autorités néerlandaises à propos du permis délivré par ces dernières à M. Kapper. En outre, si, à l’audience, l’intéressé a prétendu avoir passé huit mois aux Pays‑Bas, à l’époque de la délivrance dudit permis, et être retourné ensuite en Allemagne, où il résiderait actuellement,
cette donnée n’a pu être ni confirmée ni infirmée par le gouvernement néerlandais, absent à l’audience (ni d’ailleurs par le gouvernement allemand également absent à l’audience), de sorte que l’on ignore s’il est avéré que M. Kapper n’a pas rempli la condition de résidence en question. Cela étant, par souci d’exhaustivité, il convient d’examiner cette hypothèse.
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35 –
130/88, Rec. p. 3039.
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36 –
Directive du Conseil, du 7 juillet 1964, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23‑40 CITI (Industrie et artisanat) (JO 1964, 117, p. 1863).
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37 –
Voir arrêt Van de Bijl, précité (point 14).
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38 –
Ibidem, point 27.
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39 –
Tel n’est pas, semble‑t‑il, l’avis de la Commission aux termes de sa communication interprétative, précitée. Les conséquences qui sont attachées au non-respect de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive sont identiques à celles relatives à la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous a).
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40 –
Contrairement à ce que suggère la Commission dans sa communication interprétative, précitée (partie II, sous C.2.3), nous estimons que, même dans l'hypothèse où il serait constant que la condition de résidence prévue par la directive n'était pas remplie, un État membre n'est pas compétent pour annuler, avec effets sur son territoire, un permis délivré par un autre État membre (quitte à le renvoyer ensuite à l'État de délivrance afin que ce dernier procède à son annulation avec effets sur le
territoire de l'ensemble des États membres). En effet, les effets d'une telle mesure d'annulation seraient largement comparables à ceux d'une décision de refus de reconnaissance de permis.
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41 –
Contrairement au postulat sur lequel se fonde l’ordonnance de renvoi.
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42 –
Voir, en ce sens, communication interprétative de la Commission, précitée (partie II, sous C.2.1).
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43 –
Du moins dans leurs versions italienne et française.
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44 –
Voir premier considérant de la directive. L’enjeu de la reconnaissance des permis de conduire a été souligné par la Cour tant à l'égard de la libre circulation des travailleurs qu'à l'égard de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services. Voir arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité (point 23).
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45 –
Nous observons que telle est, semble‑t‑il, la situation à laquelle aboutit la législation allemande (la FeV), telle qu'elle est appliquée à ce jour par la jurisprudence nationale. Voir, à ce propos, points 12 et 13 des présentes conclusions.
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46 –
D’ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 10, premier alinéa, de la directive, la Commission a déjà pris soin de formaliser son accord sous la forme d’une décision (décision 2000/275/CE, du 21 mars 2000, concernant les équivalences entre certaines catégories de permis de conduire, JO L 91, p. 1). Il devrait en aller de même en ce qui concerne l’accord prévu par l’article 10, second alinéa, de la directive.