Avis juridique important
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62002A0173
Arrêt du Tribunal de première instance (juge unique) du 10 décembre 2003. - Pierre Tomarchio contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Classement en grade - Rejet d'une demande de reclassement présentée en vertu de l'article 31, paragraphe 2, du statut. - Affaire T-173/02.
Recueil de jurisprudence 2003 page 00000
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire T-173/02,
Pierre Tomarchio , ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Nancy (France), représenté par Me N. Lhoëst, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes , représentée par
M. J. Currall et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission rejetant la demande de reclassement du requérant au grade supérieur de sa carrière de recrutement,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique)
juge: M. H. Legal,
greffier: M. I. Natsinas, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 juin 2003,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Cadre juridique
1. L'article 5 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose, en son paragraphe 1, troisième alinéa:
«La catégorie B comporte cinq grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions d'application et d'encadrement nécessitant des connaissances du niveau de l'enseignement secondaire ou une expérience professionnelle d'un niveau équivalent.»
2. L'article 31 du statut prévoit que l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») nomme en principe les candidats à une fonction au grade de base correspondant à l'emploi pour lequel ils ont été recrutés, tout en ouvrant une faculté de dérogation à cette règle dans la limite d'un certain nombre de postes.
3. Le 1er septembre 1983, la Commission a adopté une décision relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement des fonctionnaires (ci-après la «décision de 1983»), qui a été publiée aux Informations administratives n° 420, du 21 octobre 1983.
4. L'article 2, premier alinéa, de la décision de 1983 disposait:
«L'[AIPN] nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté.»
5. Dans son arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T-17/95, RecFP p. I-A-227 et II-683, point 24), le Tribunal a cependant jugé que, en vertu de la hiérarchie des normes, la Commission ne pouvait, par une simple décision interne, renoncer ainsi au pouvoir que lui confère le statut de nommer un fonctionnaire au grade supérieur de sa carrière de recrutement.
6. En exécution de cet arrêt, la Commission a, par décision du 7 février 1996, modifié l'article 2, premier alinéa, de la décision de 1983, en maintenant inchangé le principe de la nomination des fonctionnaires au grade de base de leur carrière de recrutement, tout en prévoyant désormais la possibilité d'engager les intéressés au grade supérieur.
7. L'article 2 de la décision de 1983, modifiée, est libellé comme suit:
«L'[AIPN] nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté.
Par exception à ce principe, l'AIPN peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles.
[...]
L'expérience professionnelle est appréciée en prenant en considération l'activité exercée antérieurement à la date de l'offre d'emploi et elle est décomptée uniquement à partir de l'âge de 18 ans.
La même période ne peut être valorisée qu'une seule fois.
[...]
L'expérience professionnelle n'est décomptée qu'à partir de l'obtention du premier diplôme donnant accès, conformément à l'article 5 du statut, à la catégorie dans laquelle l'emploi est à pourvoir [...]
Peut être assimilée à l'expérience professionnelle une formation postérieure d'un niveau au moins équivalent au diplôme qui donne accès à cette catégorie. Cette formation doit être sanctionnée par un diplôme ou un acte équivalent.
[...]»
Antécédents du litige
8. M. Tomarchio a obtenu un brevet professionnel de comptable, le 15 novembre 1972.
9. Après la réussite de M. Tomarchio à l'examen probatoire au diplôme d'études comptables supérieures (ci-après le «DECS»), lors de la session de 1976, une attestation autorisant l'intéressé à se présenter aux certificats de ce diplôme lui a été délivrée le 11 mai 1976 par l'académie de Nancy.
10. La Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes C 21, du 28 janvier 1982, l'avis de concours COM/B/340 en vue de constituer une réserve d'assistants adjoints de la carrière portant sur les grades B 5/B 4.
11. L'avis de concours précisait que, pour pouvoir être admis à concourir, les candidats devaient, à la date limite fixée pour l'envoi des candidatures, le 15 mars 1982, justifier remplir les deux conditions suivantes: «avoir accompli des études complètes du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études (le jury tiendra compte à cet égard des différentes structures d'enseignement existant dans les États membres)», d'une part, et «[avoir acquis] une expérience
professionnelle postscolaire d'une durée minimale de deux ans dans le domaine choisi», d'autre part.
12. Le requérant a présenté sa candidature au concours COM/B/340, le 8 mars 1982.
13. L'Institut national des techniques économiques et comptables de Paris a décerné le DECS à M. Tomarchio, le 5 août 1982, après que l'intéressé eut obtenu les trois certificats constituant ce diplôme: le certificat comptable, en 1977, le certificat économique, en 1981, et le certificat juridique, le 5 août 1982.
14. Après avoir été admis aux épreuves du concours COM/B/340, le requérant a été inscrit sur la liste d'aptitude établie à l'issue des opérations de sélection des candidats.
15. Par décision du 21 octobre 1983, la Commission a recruté le requérant en qualité d'assistant adjoint de grade B 5, échelon 3, avec effet au 10 octobre 1983.
16. Entre-temps, un diplôme d'études sociales avait été délivré au requérant le 6 octobre 1983 par l'université de Nancy II.
17. M. Tomarchio a ensuite obtenu, le 18 octobre 1983, le diplôme d'études supérieures spécialisées, intitulé «certificat d'aptitude à l'administration des entreprises» (ci-après le «DESS CAAE») et délivré par l'Institut d'administration des entreprises de Nancy.
18. Une attestation de ce diplôme a été établie en date du 3 novembre 1983 par ce même institut.
19. Le 18 novembre 1983, le requérant a présenté, sur le fondement de l'article 90, paragraphe 1, du statut, une demande de reclassement au grade B 4, en invoquant son expérience professionnelle antérieure à son recrutement.
20. Cette demande a été rejetée le 15 décembre 1983 par la Commission.
21. Le requérant a été transféré à la Cour des comptes, le 1er janvier 1987.
22. Le 20 février 1996, le requérant a saisi cette institution d'une deuxième demande de reclassement, en se prévalant de l'arrêt Alexopoulou/Commision, précité.
23. Cette demande a été transmise par la Cour des comptes à la Commission, qui l'a rejetée pour tardiveté, le 21 juin 1996.
24. Contre cette décision de rejet, le requérant a formé une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut auprès de la Cour des comptes, qui l'a fait parvenir à la Commission.
25. La Commission a rejeté cette réclamation par décision du 27 décembre 1996.
26. Le requérant a introduit un recours en annulation contre cette décision de rejet, le 15 avril 1997 (affaire Tomarchio/Cour des comptes, enregistrée sous le n° T113/97).
27. Le Tribunal a suspendu cette dernière procédure en attendant l'issue d'une affaire similaire opposant la Commission à l'un de ses agents. Cette dernière affaire ayant abouti à l'annulation par la Cour de la décision attaquée (arrêt de la Cour du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission, C-389/98 P, Rec. p. I-65), la Commission a réexaminé le dossier de M. Tomarchio.
28. Au cours de sa réunion du 20 juillet 2001, le comité de classement a proposé à l'AIPN de maintenir le classement initial du requérant en relevant, notamment, que le seul diplôme de M. Tomarchio ouvrant accès à la catégorie B était le DECS et que son dossier ne satisfaisait à aucun indice d'«exceptionnalité», même si l'expérience professionnelle de l'intéressé était validée à partir du 15 novembre 1972, date de la délivrance de son brevet professionnel de comptable.
29. Par décision du 27 juillet 2001 (ci-après la «décision attaquée»), la Commission a maintenu le classement du requérant au grade B 5, au motif que son dossier ne présentait aucun caractère exceptionnel de nature à justifier un reclassement au grade B 4.
30. Par note du 28 août 2001, la Commission a précisé au requérant les motifs du rejet de sa demande de reclassement dans les termes suivants:
«[...] Sans mettre en cause les appréciations faites par l'administration à l'époque de votre recrutement, il convient de constater que le seul diplôme répondant aux exigences du concours [COM/B/340] (études complètes du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études (...)' que vous possédiez et qui pourrait être assimilé à celui de l'enseignement secondaire complet est le DECS que vous avez obtenu en 1982. À titre d'information, les autres diplômes (hormis votre
certificat d'études sociales') que vous av[i]ez présentés ne seraient pas acceptés à l'heure actuelle comme donnant accès à la catégorie B', aucun d'entre eux n'ouvrant la voie aux études universitaires. Le diplôme d'études sociales de 1983 vous procure en outre un équivalent d'une année d'expérience professionnelle en catégorie B'.
[...] Il [suit] de ce qui précède [...] que votre expérience professionnelle, pour indéniablement respectable qu'elle soit, a été acquise antérieurement à l'obtention de votre diplôme d'accès à la catégorie [B] et ne devrait pas faire l'objet d'une comptabilisation au titre de la bonification d'échelon et, a fortiori, de grade. À cela s'ajoute le fait qu'il ne vous a pas été possible de produire de pièces justificatives concernant votre activité professionnelle durant les années 1973 à 1978,
problème dont vous faites vous-même état dans votre courrier du 8 juillet dernier. Néanmoins, force m'est de devoir noter qu'à l'époque de votre recrutement votre expérience professionnelle a dû pourtant être valorisée depuis la date de l'obtention de votre brevet professionnel (totalisant ainsi onze années), ce qui expliquerait l'attribution du troisième échelon du grade B 5 dont vous avez bénéficié.
[...] Dans le contexte décrit ci-dessus, le comité de classement réuni le 20 juillet dernier a estimé ne pas être en mesure de procéder de façon valable à l'examen de la longueur et de la pertinence de votre expérience par rapport à l'emploi à pourvoir. Cette expérience étant située dans la période antérieure à l'obtention de votre DECS, une telle analyse est de facto sans objet [...] Le comité a néanmoins remarqué que votre activité d'audit comptable dans la firme Sicaworms (de 1978 à 1981) aura
certainement constitué un atout en vue d'effectuer pour la Commission les tâches de gestion des frais d'interprétation qui vous ont été confiées, impression renforcée par le fait qu'un accroissement notable de vos responsabilités dans cette firme est intervenu en 1976 (confirmé par une augmentation de salaire).
En tout état de cause, il est donc établi que, sur la base de toutes les pièces justificatives produites, ni le comité de classement ni l'AIPN n'ont décelé d'éléments d'exceptionnalité' dans votre dossier. Cette appréciation est confirmée par ailleurs par la constatation du niveau de rémunération dans vos emplois successifs, indépendamment du fait que votre diplôme d'accès à la catégorie [B] n'avait été acquis que tardivement.»
31. Contre la décision attaquée, le requérant a introduit une réclamation, le 31 octobre 2001.
32. Celle-ci a fait l'objet d'une décision explicite de rejet du 12 février 2002, dont le requérant a reçu notification le 22 février suivant.
Procédure devant le Tribunal
33. C'est dans ces conditions que M. Tomarchio a introduit, le 2 juin 2002, le présent recours en annulation de la décision attaquée (affaire T173/02) et, le 28 juin suivant, un recours similaire dirigé contre la Cour des comptes (affaire T-201/02).
34. Par ordonnance du 16 janvier 2003, le Tribunal a déclaré le recours T201/02 irrecevable et rejeté la demande de jonction des affaires T173/02 et T-201/02.
35. Dans la présente affaire, le Tribunal a estimé, conformément à l'article 47 de son règlement de procédure, qu'un second échange de mémoires n'était pas nécessaire, le contenu du dossier étant suffisamment complet pour permettre aux parties de développer leurs moyens et arguments au cours de la procédure orale.
36. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a invité le requérant à lui fournir par écrit un descriptif de son parcours scolaire et universitaire. Le requérant a déféré à cette demande.
37. Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure du Tribunal, la première chambre a décidé, les parties entendues, la dévolution de l'affaire à M. H. Legal, siégeant en qualité de juge unique.
38. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 10 juin 2003.
Conclusions des parties
39. Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision attaquée;
- annuler toute décision connexe et/ou subséquente;
- pour autant que de besoin, annuler la décision du 12 février 2002 portant rejet explicite de la réclamation;
- condamner la Commission aux entiers dépens de l'instance;
40. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
41. Au soutien de sa demande en annulation, le requérant articule deux moyens, pris, respectivement, d'un défaut de motivation de la décision attaquée, d'une part, et d'une erreur de droit, d'autre part.
42. Le Tribunal estime opportun d'examiner d'emblée le second moyen.
Arguments des parties
43. Le requérant fait observer que, pour pouvoir être admis à présenter les épreuves du concours COM/B/340, il devait être en possession d'un diplôme donnant accès à la catégorie B au moment de l'envoi de sa candidature, le 8 mars 1982. Comme son DECS ne lui a été délivré que le 5 août 1982, il n'aurait pu être admis à concourir qu'en vertu de sa réussite à l'examen probatoire au DECS en 1976. Cet examen, qui constitue un équivalent du baccalauréat permettant l'accès aux études universitaires,
s'analyserait effectivement en un diplôme sanctionnant la fin d'études secondaires.
44. Ce serait donc à tort que la Commission a uniquement décompté, aux fins de l'examen de la demande de reclassement du requérant, son expérience professionnelle postérieure à l'obtention de son DECS en 1982. À la date de son engagement, le 10 octobre 1983, le requérant aurait dû être au contraire crédité d'une expérience professionnelle de cinq ans et sept mois à compter de sa réussite à l'examen probatoire au DECS en 1976.
45. En outre, le requérant aurait exécuté des travaux de comptabilité générale et analytique dans une société internationale, du mois d'avril 1973 au mois de novembre 1978, des contrôles comptables internes et l'harmonisation des procédures comptables des filiales de la société Sicaworms, de décembre 1978 à septembre 1981, et, enfin, des activités d'expert comptable stagiaire dans un cabinet d'expertise comptable de juin 1983 à septembre 1983.
46. La Commission considère que le DECS était le seul diplôme du requérant qui aurait pu, à l'époque, lui permettre d'être admis aux épreuves du concours COM/B/340. Ce diplôme n'ayant été délivré que le 5 août 1982, soit postérieurement au 15 mars 1982, date limite fixée pour l'envoi des candidatures à ce concours, ce serait par erreur que M. Tomarchio a été admis à concourir.
47. Il y aurait tout lieu de penser que le jury de concours et l'AIPN ont erronément tenu compte du brevet professionnel comptable obtenu par M. Tomarchio en 1972, ou de son examen probatoire au DECS réussi en 1976, pour l'admettre aux épreuves du concours, calculer son expérience professionnelle et le recruter au grade B 5, échelon 3.
48. Conformément à la décision de 1983, modifiée, la Commission tiendrait compte, aux fins du classement d'un fonctionnaire lors de son recrutement, de son expérience professionnelle pertinente antérieure, décomptée à partir du premier diplôme donnant accès à la catégorie dans laquelle l'emploi est à pourvoir. Ce diplôme devrait être d'un niveau correspondant à cette catégorie et serait donc, en l'occurrence, le diplôme de l'enseignement secondaire donnant accès à des études universitaires.
49. Dans ces conditions, seule l'expérience professionnelle acquise par le requérant postérieurement à son DECS, décerné le 5 août 1982, aurait pu valablement entrer en ligne de compte en vue de déterminer le caractère exceptionnel ou non du dossier de l'intéressé aux fins de son reclassement. Le requérant aurait donc eu à son actif une année d'expérience professionnelle à la date de son recrutement, en octobre 1983.
50. Le requérant fait, en second lieu, grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de son DESS CAAE dans l'appréciation de ses mérites aux fins de son reclassement. Certes, l'attestation de réussite aux épreuves de ce diplôme n'aurait été délivrée au requérant que postérieurement à son recrutement. Néanmoins, le requérant aurait présenté et réussi tous les examens pour l'obtention du DESS CAAE dès le mois de juin 1983. Ces résultats auraient d'ailleurs été évoqués lors des entretiens qu'il a
eus avec les services de la Commission en juillet 1983, préalablement à son entrée en fonctions.
51. La Commission estime qu'elle n'avait pas à tenir compte du DESS CAAE du requérant, qui ne lui a été délivré que postérieurement à son recrutement. Par ailleurs, la Commission aurait valorisé, pour la période 1982/1983, le diplôme d'études sociales décerné à l'intéressé le 6 octobre 1983. La Commission n'aurait toutefois validé qu'une seule année d'expérience professionnelle au titre de ces deux diplômes. En effet, ils auraient été obtenus la même année et, conformément à la décision de 1983,
modifiée, une même période d'expérience professionnelle ne pourrait être prise en compte qu'une seule fois.
52. La Commission ajoute que, quelle que soit l'expérience retenue en fait au profit de M. Tomarchio, son dossier ne présente pas un caractère exceptionnel selon l'interprétation restrictive retenue par la jurisprudence (arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C-155/98 P, Rec. p. I-4069, points 32 et 33).
Appréciation du Tribunal
Sur le refus de la Commission de prendre en considération l'expérience professionnelle acquise par le requérant avant l'obtention de son DECS
53. La Commission a estimé ne pas pouvoir prendre en considération, aux fins d'un éventuel reclassement de M. Tomarchio, l'expérience professionnelle qu'il a acquise avant l'obtention de son DECS, le 5 août 1982, diplôme considéré par la Commission comme le seul détenu par l'intéressé satisfaisant, à l'époque, aux conditions d'admission au concours COM/B/340 et pouvant être assimilé à un diplôme de l'enseignement secondaire complet.
54. À cet égard, la Commission a précisé que les diplômes de M. Tomarchio antérieurs à son DECS n'étaient pas actuellement considérés comme donnant accès à la catégorie B, aucun de ces autres titres n'ouvrant la voie aux études universitaires.
55. Or, il y a lieu de relever que la possession d'un diplôme ouvrant la voie aux études universitaires, ainsi exigée par la Commission aux fins du reclassement du requérant, ne constitue ni une condition d'accès à la catégorie B ni, contrairement à ce que soutient la Commission, un des critères d'admission aux épreuves du concours COM/B/340.
56. D'une part, l'article 5 du statut subordonne l'exercice des fonctions de la catégorie B par les agents de la Communauté à la seule possession de connaissances du niveau de l'enseignement secondaire ou d'une expérience professionnelle d'un niveau équivalent.
57. D'autre part, pour pouvoir être admis aux épreuves du concours COM/B/340, les candidats devaient avoir accompli des «études complètes du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études» et posséder une «expérience professionnelle postscolaire» d'une durée minimale de deux ans.
58. Ainsi, ni les termes du statut ni ceux de l'avis de concours COM/B/340 ne fixent de conditions relatives à la durée ou à la nature du cycle d'études secondaires que devaient avoir accompli les candidats pour pouvoir postuler aux emplois en cause, pour autant que ces études aient été menées à bien et dûment sanctionnées par un diplôme.
59. Certes, l'article 5, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut ne s'opposait pas à ce que l'avis de concours fixât des conditions d'admission plus sévères que celles qu'il pose pour l'exercice de fonctions de la catégorie B (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92, RecFP p. IA 69 et II-237, point 20).
60. Il était ainsi loisible à la Commission de subordonner l'admission des candidats aux épreuves du concours COM/B/340 à l'accomplissement préalable d'études complètes de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études qui ouvrît la voie aux études universitaires.
61. Toutefois, une telle exigence aurait dû être clairement exprimée dans le libellé de l'avis de concours COM/B/340, compte tenu de l'existence, dans les différents États membres de la Communauté, d'une grande variété de types d'enseignement secondaire. En effet, certaines de ces formations ne sont pas préparatoires à un enseignement de niveau universitaire et n'ouvrent pas automatiquement l'accès à un tel enseignement (arrêt de la Cour du 5 avril 1979, Orlandi/Commission, 117/78, Rec. p. 1613,
point 21).
62. Ces formations peuvent néanmoins constituer à part entière un cycle d'études secondaires complètes, eu égard aux différences que peut présenter la durée des différents cycles, courts ou longs, des études secondaires dispensées dans un État membre déterminé.
63. D'ailleurs, l'avis de concours COM/B/340 invitait expressément le jury à tenir compte des diverses structures d'enseignement existant dans les États membres dans son évaluation des diplômes des candidats au regard de la notion de «diplôme de fin d'études» sanctionnant «des études complètes du niveau de l'enseignement secondaire».
64. La Commission s'est néanmoins fondée sur la circonstance selon laquelle les diplômes que le requérant possédait à la date limite de dépôt des candidatures au concours COM/B/340, en ce compris le brevet professionnel de comptable de l'intéressé, n'ouvraient pas l'accès aux études universitaires. Cela ressort tant des termes, certes indirects, de la note du 28 août 2001 citée au point 30 ci-dessus que des déclarations faites par la Commission à l'audience, selon lesquelles la notion d'«études
secondaires complètes» devait s'entendre d'études ouvrant accès à l'enseignement supérieur.
65. C'est donc en commettant une erreur de droit que la Commission a considéré que seuls les diplômes ouvrant accès à l'enseignement supérieur pouvaient être pris en compte en vue d'admettre les candidats à participer au concours COM/B/340.
66. À titre surabondant, il peut, en l'occurrence, être fait référence à l'article 7, deuxième alinéa, de l'arrêté du 10 janvier 1964, relatif au DECS, du ministre de l'Éducation nationale et du ministre des Finances et des Affaires économiques français (Journal officiel de la République française du 24 janvier 1964, p. 876), que les parties ont eu l'occasion de commenter lors de l'audience.
67. Cette disposition cite en effet au nombre des diplômes français ouvrant l'admission aux épreuves de l'examen probatoire au DECS aussi bien le brevet professionnel de comptable, détenu par le requérant, que le baccalauréat de l'enseignement secondaire.
68. La Commission ne pouvait donc pas légalement refuser sans plus ample examen de prendre en considération le brevet professionnel de comptable de M. Tomarchio, aux fins de statuer sur sa demande de reclassement. Un tel diplôme peut en effet être reconnu comme validant une formation de niveau secondaire suivie jusqu'à son terme et constitue, dans cette mesure, au même titre que le baccalauréat, un «diplôme de fin d'études» sanctionnant des «études complètes du niveau de l'enseignement secondaire»,
en conformité avec le point B 2 de l'avis de concours COM/B/340, même s'il n'ouvre pas, à lui seul, la voie aux études universitaires, contrairement au baccalauréat.
69. Par ailleurs, la décision de 1983, modifiée, sur laquelle est fondée la décision attaquée, se limite à spécifier, en son article 2, sixième alinéa, que, aux fins d'un éventuel reclassement, «[l]'expérience professionnelle n'est décomptée qu'à partir de l'obtention du premier diplôme donnant accès, conformément à l'article 5 du statut, à la catégorie dans laquelle l'emploi est à pourvoir».
70. Pas plus que l'article 5 du statut, l'article 2, sixième alinéa, de la décision de 1983 ne requiert, aux fins du reclassement d'un fonctionnaire de la catégorie B, la détention par l'intéressé d'un diplôme ouvrant la voie aux études universitaires.
71. C'est donc à tort que la Commission invoque la décision de 1983, modifiée, pour soutenir que le premier diplôme donnant accès à la catégorie B doit être un diplôme de l'enseignement secondaire donnant accès à des études universitaires.
72. Dans ces conditions, la Commission n'a pu légalement considérer que le seul diplôme possédé par M. Tomarchio répondant aux exigences de l'avis de concours COM/B/340 était son DECS obtenu en 1982, ni refuser, pour rejeter la demande de reclassement de M. Tomarchio, de prendre en considération tant le brevet professionnel de comptable obtenu par l'intéressé en 1972 que, par conséquent, l'expérience professionnelle qu'il avait acquise depuis l'obtention de ce titre jusqu'à la délivrance du DECS, le
5 août 1982.
Sur le refus de la Commission de prendre en considération le DESS CAAE obtenu par l'intéressé le 18 octobre 1983
73. La Commission a refusé de prendre en considération le DESS CAAE du requérant aux fins de l'examen de sa demande de reclassement, au seul motif que ce diplôme avait été délivré à une date postérieure à sa prise de fonctions auprès de la Commission, le 10 octobre 1983.
74. Certes, à cette date, la Commission n'était pas en mesure de retenir ce titre, obtenu seulement le 18 octobre 1983 et dont l'attestation n'a été délivrée à l'intéressé que le 3 novembre suivant.
75. Il résulte toutefois des faits de la cause que, lorsqu'elle s'est prononcée sur la demande de reclassement du requérant, par ses décisions des 27 juillet 2001 et 12 février 2002, la Commission avait connaissance de la nature et de la durée des études complètes que l'intéressé avait, à la date de son recrutement, d'ores et déjà menées à terme dans le cadre de son DESS CAAE, même s'il ne détenait pas encore le titre sanctionnant officiellement ces études.
76. La Commission ne saurait utilement objecter qu'elle devait procéder à l'examen des qualifications du requérant aux fins de son reclassement en se plaçant à la date de l'engagement de l'intéressé, le 10 octobre 1983.
77. Certes, la Commission ne pouvait, pour adopter la décision portant nomination et classement initial du requérant au grade B 5, se fonder que sur les diplômes obtenus et sur l'expérience acquise par l'intéressé à la date de son engagement.
78. En revanche, rien n'interdisait à la Commission de prendre en considération, en vue de déterminer si la personne recrutée possédait ou non des qualifications exceptionnelles, aux fins de son reclassement au grade supérieur, des études dûment accomplies par l'intéressé à la date de son engagement et connues de l'institution, lorsqu'elle a statué sur sa demande de reclassement.
79. Or, sans qu'il soit possible de préjuger de l'incidence de ces études sur l'appréciation du dossier de M. Tomarchio par la Commission, la participation de l'intéressé à un cycle de cours complet ne pouvait a priori être tenue pour indifférente du point de vue du caractère exceptionnel ou non de ses qualifications en vue de son reclassement éventuel au grade B 4.
80. C'est donc également à tort que la Commission a refusé de prendre en considération, aux fins du reclassement éventuel de M. Tomarchio, l'enseignement qui lui avait été dispensé dans le cadre de son DESS CAAE, au seul motif que le diplôme correspondant lui avait été délivré après sa prise de fonctions auprès de la Commission.
Sur l'obligation incombant à la Commission de réexaminer le dossier du requérant
81. La Commission ne saurait valablement exciper du caractère inopérant de l'argumentation développée par le requérant au soutien du présent recours, en soutenant qu'elle aurait conclu en toute hypothèse à l'absence de caractère exceptionnel de son dossier.
82. Une telle argumentation ne saurait être admise, dès lors que la Commission a refusé de prendre en considération, en vue du reclassement éventuel de M. Tomarchio, certains diplômes et éléments d'expérience professionnelle et de qualification qu'elle ne pouvait légalement exclure de façon pure et simple de son examen.
83. À cet égard, la Commission a souligné dans sa note du 28 août 2001 que le comité de classement avait «estimé ne pas être en mesure de procéder de façon valable à l'examen de la longueur et de la pertinence de [son] expérience par rapport à l'emploi à pourvoir» et que, «[c]ette expérience étant située dans la période antérieure à l'obtention de [son] DECS, une telle analyse [était] de facto sans objet».
84. La décision de refus de reclassement ayant été adoptée au motif que certains indices de qualification ne pouvaient pas être pris en compte, il n'appartient pas au Tribunal de se substituer à l'AIPN pour déterminer ce qu'il aurait dû advenir de la demande de M. Tomarchio si ces éléments avaient effectivement été pris en considération.
85. Cette constatation n'est pas invalidée par la circonstance selon laquelle le comité de classement a estimé, lors de sa réunion du 20 juillet 2001, que le dossier du requérant ne satisfaisait à aucun critère d'exceptionnalité, même si l'expérience professionnelle de l'intéressé était validée à partir de la date de délivrance de son brevet professionnel de comptable.
86. En effet, cette appréciation du comité n'a été explicitement reprise ni dans la décision de l'AIPN du 27 juillet 2001 ni dans la note du 28 août suivant qui l'a complétée et, en tout état de cause, elle ne constitue pas le motif déterminant de l'adoption de la décision attaquée. Ce motif étant, de manière explicite, qu'il n'avait pas été procédé à l'examen de certains éléments de qualification, il ne saurait être utilement complété par un motif subsidiaire tiré du résultat hypothétique d'un
examen qui n'a, aux dires mêmes de l'AIPN, pas été conduit.
87. Il suit de l'ensemble des développements qui précèdent que la décision attaquée doit être annulée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de l'insuffisance alléguée de sa motivation.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
88. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens.
89. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions du requérant.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (juge unique)
déclare et arrête:
1) La décision de la Commission, du 27 juillet 2001, rejetant la demande de reclassement du requérant au grade supérieur de sa carrière de recrutement est annulée.
2) La Commission supportera l'ensemble des dépens.