Avis juridique important
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62002J0289
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 décembre 2003. - AMOK Verlags GmbH contre A & R Gastronomie GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht München - Allemagne. - Libre prestation des services - Avocat établi dans un État membre agissant de concert avec un avocat établi dans un autre État membre - Frais d'avocat à rembourser par la partie ayant succombé dans le litige à la partie ayant obtenu gain de cause - Limitation. - Affaire C-289/02.
Recueil de jurisprudence 2003 page 00000
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire C-289/02,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par l'Oberlandesgericht München (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
AMOK Verlags GmbH
et
A & R Gastronomie GmbH,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 12 CE et 49 CE,
LA COUR (cinquième chambre)
composée de M. P. Jann (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. A. La Pergola et S. von Bahr, juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour A & R Gastronomie GmbH, par Me s R. Hauff et A. Konradsheim, Rechtsanwälte,
- pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et A. Dittrich, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes M. Patakia et C. Schmidt, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de A & R Gastronomie GmbH et de la Commission à l'audience du 19 juin 2003,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 septembre 2003,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1. Par ordonnance du 25 juillet 2002, parvenue à la Cour le 9 août 2002, l'Oberlandesgericht München a posé, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 12 CE et 49 CE.
2. Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige entre la société de droit allemand AMOK Verlags GmbH (ci-après «AMOK») et la société de droit autrichien A & R Gastronomie GmbH (ci-après «A&R») relatif au remboursement des frais d'avocat lorsqu'une partie a été représentée en justice par un avocat établi dans un autre État membre.
Le cadre juridique
Le droit communautaire
3. La directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO L 78, p. 17, ci-après la «directive»), adoptée sur la base des articles 57 du traité CE (devenu, après modification, article 47 CE) et 66 du traité CE (devenu article 55 CE), s'applique, en vertu de son article 1er , dans les limites et conditions qu'elle prévoit, aux activités d'avocat exercées en prestation de services.
4. L'article 4 de la directive prévoit:
«1. Les activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque État membre d'accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État, à l'exclusion de toute condition de résidence ou d'inscription à une organisation professionnelle dans ledit État.
2. Dans l'exercice de ces activités, l'avocat respecte les règles professionnelles de l'État membre d'accueil, sans préjudice des obligations qui lui incombent dans l'État membre de provenance.
[...]»
5. L'article 5 de la directive dispose:
«Pour l'exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice, chaque État membre peut imposer aux avocats visés à l'article 1er :
[...]
- d'agir de concert soit avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et qui serait responsable, s'il y a lieu, à l'égard de cette juridiction soit avec un avoué' ou procuratore' exerçant auprès d'elle.»
La réglementation nationale
6. En Allemagne, il résulte de l'article 91, paragraphe 1, de la Zivilprozessordnung (code de procédure civile), dans sa version du 12 septembre 1950 (BGBl. 1950 I, p. 533, ciaprès la «ZPO»), que la partie ayant obtenu gain de cause dans un litige a droit à ce que la partie ayant succombé lui rembourse ses frais d'avocat, dans la mesure où ceux-ci étaient nécessaires aux poursuites ou à une défense en justice appropriée.
7. En ce qui concerne le montant des frais d'avocat, celui-ci est calculé à l'aide d'un barème figurant dans la Bundesgebührenordnung für Rechtsanwälte (règlement fédéral relatif à la rémunération des avocats) du 26 juillet 1957 (BGBl. 1957 I, p. 907, ciaprès la «BRAGO»).
8. Le Gesetz über die Tätigkeit europäischer Rechtsanwälte in Deutschland (loi relative à l'activité des avocats européens en Allemagne) du 9 mars 2000 (BGBl. 2000 I, p. 182, ciaprès l'«EuRAG») a transposé, en droit allemand, plusieurs directives relatives à l'exercice professionnel des avocats. L'article 28 de l'EuRAG dispose:
«(1) Dans le cadre des procédures juridictionnelles et des procédures administratives consécutives à des infractions pénales, à des contraventions punies d'une sanction administrative, à des fautes de service ou à la violation d'obligations professionnelles, dans lesquelles le mandant ne peut pas prendre luimême l'initiative de l'instance ou se défendre, l'avocat européen fournissant des prestations de services ne peut agir en tant que représentant ou défendeur d'un mandant qu'en accord avec un
avocat (avocat local).
(2) L'avocat local doit être habilité pour la représentation ou la défense devant le tribunal ou l'administration en cause. Il veille à ce que l'avocat européen fournissant des prestations de services respecte, lors de la représentation ou de la défense, les principes d'une bonne administration de la justice.
(3) En l'absence de convention contraire entre les intéressés, aucune relation contractuelle n'est créée entre l'avocat local et le mandant.
[...]»
9. En ce qui concerne les frais de l'avocat local au sens de l'article 28 de l'EuRAG, l'article 24 bis, paragraphe 1, de la BRAGO, dans sa version du 14 mars 1990 (BGBl. 1990 I, p. 479), prévoit:
«(1) Si l'avocat intervient en qualité d'avocat local, conformément à l'article 28 de la loi relative à l'activité des avocats européens en Allemagne, il perçoit une rémunération équivalente aux honoraires d'introduction de la plainte (Prozessgebühr) ou de prise en charge de l'affaire (Geschäftsgebühr) qui lui reviendraient s'il était lui-même mandataire. Cette rémunération est imputée sur tout honoraire perçu en qualité de mandataire.
[...]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
10. Dans une procédure devant le Landgericht Traunstein (Allemagne) entre AMOK et A&R, cette dernière avait été représentée par un avocat établi en Autriche qui avait agi de concert avec un avocat établi en Allemagne, conformément à l'article 28 de l'EuRAG. Ayant obtenu gain de cause dans le litige, A&R a demandé à AMOK le remboursement de ses frais d'avocat.
11. À ce titre, elle a demandé d'abord, en ce qui concerne l'avocat établi en Autriche, les frais y afférents calculés à l'aide du barème autrichien, lesquels frais sont considérablement supérieurs à ceux qui résulteraient de l'application de la BRAGO. Ensuite, elle a réclamé le remboursement des frais de l'avocat établi en Allemagne, au titre de l'article 24 bis, paragraphe 1, de la BRAGO.
12. AMOK s'est opposée à la demande de A&R en faisant valoir qu'un avocat établi en Autriche n'était pas nécessaire dans la procédure en cause, ni, par conséquent, sa concertation avec l'avocat établi en Allemagne. En tout état de cause, dans un litige devant une juridiction allemande, le remboursement des frais par la partie ayant succombé devrait être calculé à l'aide du barème allemand, lui seul étant prévisible.
13. L'Oberlandesgericht München, saisi en appel de la demande de remboursement des frais d'avocat, indique qu'il applique, de manière constante, le principe selon lequel une partie établie dans un autre État membre et qui se fait représenter par un avocat établi dans cet État, ne peut réclamer à la partie adverse des frais d'avocat qu'à hauteur de ceux qui auraient été occasionnés par l'intervention d'un avocat établi en Allemagne, et, en aucun cas, les frais de ce dernier avec lequel l'avocat
établi dans l'autre État membre a agi de concert.
14. Ayant toutefois des doutes quant à la conformité de cette pratique jurisprudentielle avec le droit communautaire, l'Oberlandesgericht München a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Y-a-t-il lieu d'interpréter les articles 49 CE et 12 CE en ce sens qu'ils s'opposent à une décision juridictionnelle nationale plafonnant à hauteur des frais, TVA comprise, qu'aurait occasionnés une représentation par un avocat national, toute demande de remboursement dans un État membre des prestations d'un avocat d'un autre État membre dans un procès dans le premier État membre et de l'avocat local correspondant?»
Sur la première branche de la question préjudicielle relative à l'applicabilité du barème autrichien
15. Par la première branche de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 49 CE et 12 CE ainsi que la directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une règle jurisprudentielle d'un État membre plafonnant à hauteur des frais qu'aurait occasionnés la représentation par un avocat établi dans cet État le remboursement, par la partie ayant succombé dans un litige à la partie ayant obtenu gain de cause, des prestations de services fournies
par un avocat établi dans un autre État membre.
Observations soumises à la Cour
16. A&R fait valoir que le plafonnement des frais d'un avocat d'un autre État membre à hauteur de ceux résultant du barème national est contraire à l'article 49 CE. Cette règle aurait pour conséquence qu'une partie établie dans un autre État aurait recours, en règle générale, à un avocat établi au lieu de la juridiction saisie, ce qui aurait un effet dissuasif. Cette règle aurait pour effet de restreindre la libre prestation des services des avocats des autres États membres et d'affecter leur
position concurrentielle. Par ailleurs, le justiciable verrait son droit au libre choix d'un avocat restreint puisqu'il serait indirectement contraint de mandater un avocat établi au lieu de la juridiction saisie.
17. En l'espèce, il conviendrait donc d'appliquer le barème autrichien et ce d'autant que, en vertu des règles du droit international privé, le point de rattachement pour la demande de rémunération d'un avocat serait le lieu d'établissement de cet avocat.
18. Selon le gouvernement allemand, il y a lieu, cependant, de distinguer si le recours à un avocat établi dans un autre État membre est nécessaire, au sens de l'article 91, paragraphe 1, de la ZPO, en raison de la nature particulière du litige et de circonstances spécifiques, telles que des questions de droit de cet autre État qui devraient être appréciées, ou si le recours audit avocat repose uniquement sur le libre choix du client. Dans le premier cas, les frais remboursables devraient être fixés
selon les tarifs applicables au lieu de l'établissement de l'avocat en question. Si, en revanche, le recours à cet avocat était seulement fonction du libre choix du client, comme en l'espèce, le remboursement par la partie adverse devrait s'effectuer selon les tarifs applicables au lieu de la juridiction saisie.
19. En ce qui concerne la compatibilité de la réglementation en cause avec la libre prestation des services, le gouvernement allemand propose d'assimiler cette réglementation à une modalité de vente telle que définie par la Cour, s'agissant de la libre circulation des marchandises, dans l'arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C267/91 et C268/91, Rec. p. I6097). En effet, la réglementation en cause viserait uniquement une modalité d'exercice de la profession d'avocat, applicable de manière
identique aux frais de tout avocat fournissant des services dans l'État membre, et donc de manière non discriminatoire. Elle échapperait ainsi de prime abord au champ d'application de la libre prestation de services.
20. À supposer que la réglementation en cause comporte une restriction à la libre prestation de services, celle-ci serait justifiée par des motifs d'intérêt général. Il s'agirait d'une mesure non discriminatoire en vue d'une bonne administration de la justice (voir arrêt du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede, C3/95, Rec. p. I6511). En effet, l'organisation de la procédure relèverait des États membres qui peuvent, en conséquence, adopter des règles appropriées concernant le remboursement des frais.
Ce remboursement ne devrait pas forcément être intégral, comme le montreraient les systèmes très divers des États membres.
21. Le plafonnement des frais remboursables serait également proportionné et nécessaire pour atteindre le résultat d'une bonne administration de la justice, dans la mesure où il protège la partie succombant dans un litige des demandes de remboursement exagérées et non prévisibles.
22. Le gouvernement autrichien se rallie pour l'essentiel à cette opinion. Il relève également qu'il convient de distinguer, d'une part, le rapport contractuel entre l'avocat et son client et, d'autre part, la question du remboursement des frais par la partie ayant succombé dans le litige à la partie ayant obtenu gain de cause. S'agissant de cette dernière question, des dispositions législatives objectives seraient indispensables, dont l'adoption, puisqu'il s'agirait d'une question procédurale,
reviendrait à la loi de la juridiction saisie.
23. Il n'y aurait pas de restriction à la libre circulation des services au sens de l'article 49 CE ou de discrimination au sens de l'article 12 CE, dans la mesure où un avocat établi en Autriche pourrait en effet exercer, en ce qui concerne le remboursement de ses frais, son activité en Allemagne dans les mêmes conditions que celles que cet État prévoit pour les avocats établis sur son territoire.
24. La Commission est également d'avis que le droit communautaire ne s'oppose pas à la réglementation en cause. Selon elle, la réponse à cette branche de la question posée ressort clairement de la directive sans qu'il soit nécessaire d'invoquer les dispositions du traité. En effet, l'article 4, paragraphe 1, de la directive indiquerait expressément que les activités transfrontalières d'un avocat pour la représentation d'un client sont exercées dans chaque État membre d'accueil dans les conditions
prévues pour les avocats établis dans cet État. Cela concernerait également les règles comme celles relatives au remboursement des frais d'avocat.
Réponse de la Cour
25. À titre liminaire, en ce qui concerne l'appréciation donnée par la juridiction de renvoi sur la réglementation en cause au regard de l'article 12 CE, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, cette disposition, qui consacre le principe général de non-discrimination en raison de la nationalité, n'a vocation à s'appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règle spécifique
de non-discrimination (voir arrêt du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal, C-100/01, Rec. p. I-10981, point 25).
26. Or, en ce qui concerne la libre prestation des services, ce principe a été mis en oeuvre et concrétisé par l'article 49 CE (arrêt du 28 octobre 1999, Vestergaard, C55/98, Rec. p. I-7641, point 17). Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur l'article 12 CE.
27. L'article 49 CE interdit les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté. En effet, il n'est pas exclu que le plafonnement des frais remboursables d'un avocat établi dans un État membre à hauteur de ceux applicables aux avocats établis dans un autre État membre peut, lorsque les frais sont supérieurs à ceux résultant du barème de ce dernier État, être de nature à rendre moins attrayante la prestation transfrontalière de services d'avocats.
28. Or, l'article 50, troisième alinéa, CE prévoit que le prestataire transfrontalier peut exercer son activité dans le pays destinataire «dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants».
29. Ainsi que la Commission l'a souligné, cette disposition a été explicitée, dans le domaine en cause, par la directive. L'article 4, paragraphe 1, de cette dernière dispose que la représentation en justice d'un client dans un autre État membre doit être exercée «dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État», à l'exclusion de «toute condition de résidence ou d'inscription à une organisation professionnelle dans ledit État». Par ailleurs, le paragraphe 2 de cet article prévoit
que les règles professionnelles de l'État membre d'accueil doivent être respectées dans l'exercice de ces fonctions.
30. Il en résulte, ainsi que M. l'avocat général l'a souligné au point 42 de ses conclusions, que le législateur communautaire a estimé que, en dehors des exceptions expressément mentionnées, toutes les autres conditions et règles en vigueur dans le pays d'accueil peuvent s'appliquer aux prestations d'avocat transfrontalières. Il en résulte que le remboursement des frais d'un avocat établi dans un État membre peut également être soumis aux règles applicables aux avocats établis dans un autre État
membre. Cette solution est par ailleurs la seule qui respecte le principe de prévisibilité et donc de sécurité juridique pour une partie qui s'engage dans un litige et court ainsi le risque de supporter les frais de son adversaire si elle succombe.
31. Il convient en conséquence de répondre à la première branche de la question préjudicielle que les articles 49 CE et 50 CE ainsi que la directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une règle jurisprudentielle d'un État membre plafonnant à hauteur des frais qu'aurait occasionnés la représentation par un avocat établi dans cet État le remboursement, par la partie ayant succombé dans un litige à la partie ayant obtenu gain de cause, des prestations de services fournies
par un avocat établi dans un autre État membre.
Sur la seconde branche de la question préjudicielle relative au remboursement des frais supplémentaires de l'avocat exerçant auprès de la juridiction saisie
32. Par la seconde branche de la question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 49 CE et la directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une règle jurisprudentielle d'un État membre prévoyant que la partie ayant eu gain de cause dans un litige dans lequel elle a été représentée par un avocat établi dans un autre État membre ne peut pas se faire rembourser, par la partie ayant succombé, en dehors des frais de cet avocat, les frais d'un avocat
exerçant auprès de la juridiction saisie qui, en vertu de la législation nationale en cause, était requis pour agir de concert avec le premier avocat.
Observations soumises à la Cour
33. Le gouvernement allemand soutient que le fait que la constitution d'un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie implique des frais supplémentaires dans un litige est inhérent à l'article 5 de la directive et ne constitue pas une restriction à la libre prestation des services. La libre prestation des services n'exigerait pas que la partie à un litige puisse bénéficier «sans frais» de l'assistance de deux avocats, d'autant plus qu'il y aurait également certains types de procédure nationale
dans lesquelles aucun remboursement par la partie ayant succombé n'est prévu. Dans la mesure où l'avocat exerçant auprès de la juridiction saisie doit toujours être payé par le client, aucune discrimination de l'avocat établi dans un autre État membre ne résulterait du fait que la partie qui a succombé ne doit pas rembourser à l'autre partie les frais du premier avocat.
34. Par ailleurs, le gouvernement allemand se réfère, s'agissant de la seconde branche de la question, aux arguments déjà développés pour la première branche.
35. La Commission est d'avis contraire. Selon elle, si le droit national impose la constitution d'un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie, la partie qui est conduite à supporter les frais d'avocat de celle qui a obtenu gain de cause doit également rembourser les frais correspondant à cette constitution. Cette solution ressortirait indirectement de la directive, de sorte qu'il ne serait guère nécessaire d'invoquer les dispositions du traité.
Réponse de la Cour
36. Il convient de constater que le fait que la partie qui a obtenu gain de cause dans un litige et qui a été représentée par un avocat établi dans un autre État membre ne peut pas se faire également rembourser, par la partie ayant succombé, les frais de l'avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et auquel elle a eu recours, au motif que de tels frais ne seraient pas considérés comme nécessaires, est de nature à rendre moins attrayante la prestation transfrontalière des services d'avocat. En
effet, une telle solution peut produire un effet dissuasif qui est susceptible d'affecter la position concurrentielle des avocats d'autres États membres.
37. Il est vrai que la directive, sans pour autant apporter des précisions en ce qui concerne les frais d'avocat en résultant, prévoit à son article 5 que les États membres peuvent imposer aux avocats établis dans d'autres États membres d'agir en justice de concert avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie. La République fédérale d'Allemagne a, par l'instauration de l'article 28 de l'EuRAG, fait usage de cette faculté.
38. La constitution de l'avocat exerçant auprès de la juridiction saisie est donc un impératif résultant des mesures d'harmonisation et échappe ainsi à la volonté des parties, comme cela ressort de l'article 28, paragraphe 3, de l'EuRAG qui prévoit que, en l'absence de convention contraire entre les intéressés, aucune relation contractuelle n'est créée entre l'avocat local et le mandant.
39. Or, il ne saurait être déduit de cet impératif que le désavantage résultant de la constitution de l'avocat exerçant auprès de la juridiction saisie, à savoir les frais supplémentaires y afférents, doive être imputé automatiquement et dans tous les cas à la partie qui a eu recours à l'avocat établi dans un autre État membre, indépendamment du point de savoir si elle a ou non obtenu gain de cause dans le litige. Au contraire, l'obligation de recourir aux services d'un avocat exerçant auprès de la
juridiction saisie implique que les frais en résultant sont alors nécessaires pour une représentation appropriée en justice. L'exclusion générale de ces frais du montant à rembourser par la partie ayant succombé pénaliserait la partie ayant obtenu gain de cause, ce qui aurait pour effet, ainsi que M. l'avocat général l'a souligné au point 70 de ses conclusions, que les justiciables seraient fortement découragés d'avoir recours à des avocats établis dans d'autres États membres. La libre prestation de
services de ces avocats serait alors entravée et l'harmonisation du secteur telle qu'entamée par la directive serait affectée.
40. La réglementation en cause ne saurait être justifiée par les exigences d'une bonne administration de la justice. Le gouvernement allemand soutient, à cet égard, qu'il conviendrait de protéger la partie succombant dans un litige des demandes de remboursement exagérées et non prévisibles. Or, il y a lieu de constater que, dans l'État membre en cause, les frais de l'avocat exerçant auprès de la juridiction saisie sont parfaitement prévisibles, dans la mesure où ils figurent explicitement à
l'article 24 bis de la BRAGO. De même, vu l'activité relativement circonscrite de cet avocat, les frais y afférents sont largement inférieurs à ceux correspondant à la représentation de l'autre avocat.
41. Il en résulte qu'il convient de répondre à la seconde branche de la question préjudicielle que l'article 49 CE et la directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une règle jurisprudentielle d'un État membre prévoyant que la partie ayant eu gain de cause dans un litige, dans lequel elle a été représentée par un avocat établi dans un autre État membre, ne peut pas se faire rembourser, par la partie ayant succombé, en dehors des frais de cet avocat, les frais d'un avocat
exerçant auprès de la juridiction saisie qui, en vertu de la législation nationale en cause, était requis pour agir de concert avec le premier avocat.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
42. Les frais exposés par les gouvernements allemand et autrichien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
statuant sur la question à elle soumise par l'Oberlandesgericht München, par ordonnance du 25 juillet 2002, dit pour droit:
1) Les articles 49 CE et 50 CE ainsi que la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une règle jurisprudentielle d'un État membre plafonnant à hauteur des frais qu'aurait occasionnés la représentation par un avocat établi dans cet État le remboursement, par la partie ayant succombé dans un litige à la partie ayant obtenu gain de cause,
des prestations de services fournies par un avocat établi dans un autre État membre.
2) L'article 49 CE et la directive 77/249 doivent cependant être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une règle jurisprudentielle d'un État membre prévoyant que la partie ayant eu gain de cause dans un litige, dans lequel elle a été représentée par un avocat établi dans un autre État membre, ne peut pas se faire rembourser, par la partie ayant succombé, en dehors des frais de cet avocat, les frais d'un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie qui, en vertu de la législation nationale en
cause, était requis pour agir de concert avec le premier avocat.