Avis juridique important
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62002A0133
Arrêt du Tribunal de première instance (juge unique) du 17 décembre 2003. - Pravir Kumar Chawdhry contre Commission des Communautés européennes. - Agent temporaire - Emploi rémunéré sur les crédits affectés au budget de recherche - Classement en grade. - Affaire T-133/02.
Recueil de jurisprudence 2003 page 00000
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire T-133/02,
Pravir Kumar Chawdhry, agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Sangiano (Italie), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission portant classement du requérant au grade A 6, échelon 3, ainsi que, d'autre part, une demande de réparation d'un préjudice,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique)
juge: M. J. Pirrung,
greffier: M. J. Plingers, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 septembre 2003,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Cadre juridique
1. L'article 10 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le «RAA») dispose:
«Les dispositions de l'article 1er bis, de l'article 5, paragraphes 1, 2 et 4, et de l'article 7 du statut concernant respectivement la classification des emplois en catégories, cadres et grades et l'affectation des fonctionnaires sont applicables par analogie.
[...]
Les dispositions des articles 93 à 101 du statut et de l'annexe I B du statut sont applicables par analogie aux agents temporaires de la Commission qui occupent dans le domaine nucléaire un emploi nécessitant des compétences scientifiques ou techniques et qui sont rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherches et d'investissement.
[...]»
2. L'article 15, paragraphe 1, du RAA prévoit:
«1. Le classement initial de l'agent temporaire est déterminé conformément aux dispositions de l'article 32 du statut.
En cas d'affectation de l'agent à un emploi correspondant à un grade supérieur, conformément aux dispositions de l'article 10, troisième alinéa, son classement est déterminé conformément aux dispositions de l'article 46 du statut.»
3. L'article 31 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:
«1. Les candidats ainsi choisis sont nommés:
- fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique: au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,
[...]
2. Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes:
a) [...]
b) pour les autres grades, à raison:
- d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,
- de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés.
[...]»
4. L'article 32, premier et deuxième alinéas, du statut prévoit:
«Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.
Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique de l'intéressé, lui accorder une bonification d'ancienneté d'échelon dans ce grade; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades.»
5. L'article 95 du statut dispose:
«Jusqu'au 31 décembre 1968 et par dérogation aux dispositions des articles 31 et 32, les fonctionnaires visés à l'article 92 peuvent être nommés à un grade autre que le grade de base, correspondant à l'emploi pour lequel ils sont recrutés, et être classés, dans la limite de la moitié des postes à pourvoir, à un échelon autre que ceux mentionnés à l'article 32.
Pour la période suivant cette date et sur proposition de la Commission, le Conseil statuera sur les dispositions définitives à retenir en matière de recrutement de ce personnel.»
6. De telles dispositions spécifiques n'ont cependant pas été adoptées par le Conseil. Depuis le 1er janvier 1969, l'article 31 du statut s'applique donc au personnel scientifique ou technique.
7. L'annexe I B du statut, intitulée «Correspondance entre les emplois types et les carrières des fonctionnaires des cadres scientifique ou technique des Communautés prévue à l'article 92 du statut», applicable aux agents temporaires en vertu de l'article 10, quatrième alinéa, du RAA, établit, pour les fonctionnaires des grades A 8 à A 4, une correspondance entre l'emploi type de fonctionnaire scientifique ou technique et une carrière allant du grade A 8 au grade A 5 et une correspondance entre
l'emploi type de fonctionnaire scientifique ou technique principal et le grade A 4, tandis que l'annexe I A du statut prévoit, pour les autres fonctionnaires de la catégorie A, des emplois types qui correspondent à un grade ou à une carrière comprenant deux grades (grade A 8: administrateur adjoint; grades A 7 et A 6: carrière d'administrateur; grades A 5 et A 4: carrière d'administrateur principal).
8. La Commission a adopté, le 11 octobre 1984, une décision relative aux critères applicables à la fixation du grade et de l'échelon lors du recrutement du personnel des cadres scientifique et technique occupant des emplois rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherche, publiée le 5 décembre 1984 (ci-après la «décision du 11 octobre 1984»).
9. L'article 2 de la décision du 11 octobre 1984 dispose:
«L'autorité investie du pouvoir de nomination nomme le candidat à un des grades de la carrière pour laquelle il est recruté, dans les limites précisées ci-après.
La durée minimum d'expérience professionnelle pour le classement au premier échelon dans les grades de chaque carrière est de:
Catégorie A
- 15 ans pour le grade A 4
- 8 ans pour le grade A 6
[...]
Lorsque la carrière porte sur plusieurs grades, aucune nomination ne peut être effectuée au grade supérieur de la carrière sous réserve de ce qui est prévu à l'article 3.
[...]»
10. L'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 prévoit:
«Par dérogation à l'article 2, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut nommer le candidat au grade A 5, s'il s'agit d'un emploi relevant d'une toute nouvelle action de programme. Cette dérogation est applicable pendant la période initiale et pour une durée maximum de deux ans à compter de l'inscription des emplois au budget; elle doit être autorisée, dans la limite des disponibilités budgétaires, par décision du membre de la Commission responsable pour la recherche en accord avec le membre
responsable des affaires du personnel et de l'administration.
Dans ce cas, le candidat doit justifier d'une expérience professionnelle d'une durée minimum de 12 ans.»
11. L'article 4 de la décision du 11 octobre 1984 prévoit:
«Pour tenir compte de l'expérience professionnelle dépassant celle indiquée à l'article 2, l'autorité investie du pouvoir de nomination accorde, sous réserve des maxima prévus à l'article 32 du statut, une bonification d'ancienneté d'échelon selon le tableau figurant en annexe II.»
12. Le tableau figurant à l'annexe II de la décision du 11 octobre 1984 indique qu'un fonctionnaire de grade A 6 ayant une expérience professionnelle égale ou supérieure à 12 ans bénéficie d'une bonification d'ancienneté d'échelon de 48 mois, ce qui correspond au maximum de bonification prévu par l'article 32 du statut.
13. L'article 5 de la décision du 11 octobre 1984 prévoit la création d'un comité paritaire de classement, chargé de formuler des avis sur le classement à l'attention de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»). Cette dernière arrête ses décisions de classement après avis dudit comité.
14. Conformément à son article 6, la décision du 11 octobre 1984 s'applique également à l'engagement des agents temporaires du cadre scientifique ou technique.
Antécédents du litige
15. Le requérant est un informaticien, titulaire d'un diplôme de «Bachelor of Engineering», délivré en 1978 par l'université de Allahabad (Inde), d'un diplôme de «Master of Technology», délivré en juillet 1980 par l'Indian Institute of Technology, et d'un doctorat («Ph.D. System Identification & Control»), délivré en 1985 par l'université de Belfast (Royaume-Uni). Il a acquis une expérience professionnelle étendue tant dans le monde académique que dans le secteur privé.
16. Le requérant a participé avec succès à une procédure de sélection organisée en 1999 par la Commission (COM/R/A/05/1999), visant à constituer une liste de réserve pour des spécialistes en matière de sûreté de fonctionnement des technologies d'information, en vue de remplir des postes de la carrière A 8/A 5 au sein de l'Institut des systèmes, de l'informatique et de la sûreté qui fait partie du Centre commun de recherche de la Commission.
17. Le 20 janvier 2001, la Commission et le requérant ont conclu un contrat d'agent temporaire sur la base de l'article 2, sous d), du RAA. Le poste pour lequel le requérant a été recruté était visé par l'avis de vacance COM/R/5655/00, concernant un poste de la carrière A 8/A 5, qui décrivait les fonctions afférentes à ce poste dans les termes suivants: «spécialiste en modélisation de l'information pour travailler et collaborer à l'exécution des projets de recherche et développement collaboratifs
européens; analyser des modèles d'information d'entreprise et définir les exigences de confiance pour les entreprises virtuelles sur Internet; aider à la mise en place de tests et de démonstrateurs de technologies améliorant la confiance». Les qualifications et expériences requises étaient définies comme suit: «informatique; expérience dans les domaines suivants: modélisation de l'information, conception de logiciels, calcul sur Internet, sécurité; expérience dans des projets internationaux de
recherche dans ces domaines».
18. Le contrat précisait que le requérant était classé au grade A 8, échelon 1, dans l'attente de l'avis du comité de classement, prévu à l'article 5 de la décision du 11 octobre 1984.
19. Le requérant est entré en fonction le 1er avril 2001.
20. Le requérant est en outre lauréat de trois autres procédures de sélection, dont deux sont relatives à des emplois relevant de la carrière A 5/A 4 au titre de l'annexe I A du statut, alors que le troisième concerne un poste de la carrière A 4 au titre de l'annexe I B du statut.
21. Par lettre du chef de l'unité «Ressources humaines» du Centre commun de recherche du 2 mai 2001, le requérant a été informé que le comité de classement s'était prononcé sur son classement et un avenant à son contrat d'engagement lui a été transmis. Cet avenant prévoyait le classement au grade A 6, échelon 3. Il a été signé et renvoyé par le requérant le 16 mai 2001.
22. Le 14 août 2001, le requérant a formé une réclamation contre la décision de classement au grade A 6, échelon 3 (ci-après la «décision attaquée»). Par décision de l'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement (ci-après l'«AHCC») du 14 décembre 2001, notifiée au requérant le 8 janvier 2002, la réclamation a été rejetée.
23. Dans la décision rejetant la réclamation, l'AHCC expose qu'elle a vérifié le bien-fondé de la décision attaquée au regard de considérations tenant compte notamment des cinq indices suivants:
«I. Expérience professionnelle exceptionnelle
- le profil académique, c'est-à-dire le nombre de diplômes et leurs qualités, le nombre et le niveau d'éventuelles publications;
- la qualité de l'expérience professionnelle;
- la durée de l'expérience professionnelle.
II. Nécessité du service d'engager un agent particulièrement qualifié
- exigence exceptionnelle pour le poste à pourvoir;
- la particularité du profil professionnel sur le marché.»
24. Pour ce qui est du premier critère, l'AHCC indique que les qualifications académiques du requérant sont très bonnes tout en faisant observer que le niveau des qualifications des fonctionnaires et agents temporaires du niveau A 6 est très élevé. En ce qui concerne la durée de l'expérience professionnelle du requérant, l'AHCC expose que cette expérience professionnelle, tout en étant de très bon niveau, n'a rien d'exceptionnel par rapport à celles des lauréats de concours et de sélections d'agents
temporaires classés au grade A 6 lors de leur entrée en service. Pour ce qui est de la qualité de l'expérience professionnelle, l'AHCC reconnaît que les activités professionnelles du requérant sont pertinentes au regard de sa carrière à la Commission et qu'il s'agit d'une expérience riche et de haut niveau. Cependant, elle estime que cette expérience se situe dans la bonne moyenne par rapport aux expériences des lauréats de concours et de sélections d'agents temporaires et ne peut être qualifiée
d'exceptionnelle.
25. En ce qui concerne la nécessité du service d'engager une personne particulièrement qualifiée, l'AHCC indique que les exigences requises par le poste à pourvoir n'étaient pas exceptionnelles. S'agissant, enfin, de la particularité du profil professionnel sur le marché, l'AHCC expose qu'elle ne rencontre pas de difficultés particulières à recruter des collaborateurs scientifiques et techniques.
26. Pour ces raisons, l'AHCC considère que, même si le rapport existant entre l'expérience antérieure du requérant et les fonctions qu'il exerce comme agent temporaire peut être considéré comme exceptionnel, le profil académique, la nature et la durée de l'expérience professionnelle ainsi que la particularité du profil du requérant sur le marché du travail ne justifient pas la décision exceptionnelle de procéder à un classement au grade A 5. Elle estime donc que la décision attaquée n'est pas
entachée d'une erreur d'appréciation.
Procédure et conclusions des parties
27. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2002, le requérant a formé le présent recours.
28. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions de l'article 14, paragraphe 2, et de l'article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, d'attribuer l'affaire à M. J. Pirrung, statuant en qualité de juge unique. En outre, il a décidé d'ouvrir la procédure orale, de poser certaines questions aux parties en les invitant à y répondre lors de l'audience et de demander au requérant la régularisation d'une annexe de sa requête. Le
requérant a déféré à cette demande.
29. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 12 septembre 2003. À la suite de l'audience, les parties ont eu l'occasion de répondre, par écrit, à une question. À la suite des réponses des parties, la procédure orale a été close le 13 octobre 2003.
30. Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler la décision attaquée, et, pour autant que de besoin, annuler la décision du 14 décembre 2001, notifié le 8 janvier 2002, rejetant sa réclamation;
- condamner la défenderesse au paiement du solde de la rémunération consistant dans la différence entre la rémunération correspondant à un classement au grade A 6, échelon 3, et la rémunération correspondant à un classement au grade supérieur, ce solde devant être augmenté d'un intérêt de retard de 5,75 % l'an à compter du 1er avril 2001;
- condamner la défenderesse au paiement de dommages et intérêts évalués, ex aequo et bono, à titre provisionnel, à 1 euro;
- condamner la défenderesse aux dépens.
31. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
A - Sur la demande en annulation
32. À l'appui de sa demande en annulation, le requérant soulève six moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 31, paragraphe 2, du statut, d'une violation de la décision du 11 octobre 1984 et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par le deuxième moyen, le requérant fait valoir une violation de l'article 32 du statut. Le troisième moyen est tiré d'une violation du principe de non-discrimination, alors que le quatrième moyen est tiré d'une violation du devoir de sollicitude. Par
le cinquième moyen, le requérant invoque une violation des règles relatives à la libre circulation des travailleurs. Enfin, par son sixième moyen, le requérant reproche à la Commission une violation de l'obligation de motivation.
1. Sur le premier moyen , tiré d'une violation de l'article 31, paragraphe 2, du statut, d'une violation de la décision du 11 octobre 1984 et d'une erreur manifeste d'appréciation
33. Le premier moyen du requérant peut être subdivisé en quatre branches, dont la première est tirée d'une violation de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 et la deuxième du non-respect des critères établis par la jurisprudence pour l'application de l'article 31, paragraphe 2, du statut. Dans le cadre de la troisième branche, le requérant fait valoir qu'il possède des qualifications exceptionnelles et, dans le cadre de la quatrième branche, que le recrutement d'un agent particulièrement
qualifié était nécessaire pour le poste qu'il occupe.
a) Généralités
34. Avant d'examiner les quatre branches du premier moyen, il y a lieu de rappeler les principes juridiques régissant la décision de classement en grade et son contrôle par le juge communautaire.
35. Tout d'abord, il convient de relever que l'article 31, deuxième alinéa, du statut n'est pas expressément déclaré applicable aux agents temporaires par les dispositions du RAA. Toutefois, les règles contenues dans cette disposition peuvent raisonnablement être appliquées aux agents temporaires, en vertu du principe de bonne administration (arrêts du Tribunal du 17 novembre 1998, Fabert-Goossens/Commission, T217/96, RecFP p. I-A-607 et II1841, points 41 et 42, et du 6 juillet 1999,
Forvass/Commission, T203/97, RecFP p. I-A-129 et II-705, point 42).
36. L'article 31, paragraphe 2, du statut confère, à l'AIPN ou à l'AHCC, la faculté de nommer un candidat au grade supérieur de sa carrière. Il est de jurisprudence constante que cette faculté doit être comprise comme une exception aux règles générales de classement (arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C155/98 P, Rec. p. I4069, point 32).
37. L'article 31 du statut n'énonce aucune condition spécifique subordonnant le pouvoir discrétionnaire de l'AIPN de déroger à la règle du classement au grade de base de la carrière (conclusions de l'avocat général M. Léger sous l'arrêt Alexopoulou/Commission, cité au point 36 ci-dessus, Rec. p. I-4071, point 3). Le pouvoir discrétionnaire conféré à l'AIPN et, dans le cas des agents temporaires, à l'AHCC par l'article 31, paragraphe 2, du statut peut néanmoins être réglementé par des directives
internes des institutions. Cependant, les directives internes prises par les institutions communautaires ne peuvent pas déroger aux dispositions du statut (arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T17/95, RecFP p. I-A-227 et II-683, ci-après l'«arrêt Alexopoulou I», points 23 et 24).
38. La décision du 11 octobre 1984, par laquelle la Commission a adopté de telles directives internes concernant la fixation du grade et de l'échelon du personnel des cadres scientifique et technique occupant des emplois rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherche, tient compte de la structure différente des carrières prévues pour le personnel administratif et pour le personnel scientifique ou technique, respectivement par les annexes I A et I B du statut. Elle prévoit notamment que le
principe inscrit à l'article 31 du statut, selon lequel les fonctionnaires de la catégorie A sont nommés au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre, n'est pas appliqué aux fonctionnaires scientifiques et techniques aussi strictement que dans le cas des fonctionnaires «administratifs».
39. Ainsi, pour les fonctionnaires relevant de la carrière du requérant, à savoir celle de «fonctionnaire scientifique ou technique» (A 8/A 5), il résulte de l'article 2 de la décision du 11 octobre 1984 que, pour les fonctionnaires et agents dont les emplois relèvent de l'annexe I B du statut, le classement aux grades «intermédiaires» de cette carrière (A 7 et A 6) n'est pas exceptionnel mais normal lorsque ces fonctionnaires disposent de l'expérience professionnelle exigée par cette disposition.
40. En revanche, selon l'article 2, troisième alinéa, de la décision du 11 octobre 1984, le classement au grade A 5, qui est le grade «supérieur» de la carrière A 8/A 5, a un caractère exceptionnel et ne peut avoir lieu que conformément à l'article 3 de cette décision.
41. À cet égard, il y lieu de rappeler que la Commission ne saurait entièrement renoncer au pouvoir qui lui est conféré par l'article 31, paragraphe 2, du statut, en s'interdisant de manière absolue de nommer un fonctionnaire nouvellement recruté à un grade autre que le grade de base de la carrière (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 6 juin 1985, De Santis/Cour des comptes, 146/84, Rec. p. 1723, 1724, 1728). Dès lors, une directive interne
qui régit l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 31, paragraphe 2, du statut doit laisser ouverte la possibilité de nommer, à titre exceptionnel, une personne au grade supérieur de la carrière (arrêt Alexopoulou I, point 24).
42. Or, la Commission affirme qu'elle ne se considère pas comme étant liée par l'article 2, troisième alinéa, de la décision du 11 octobre 1984, mais qu'elle applique l'article 31, paragraphe 2, du statut à côté de cette directive interne. Cela n'est pas contesté par le requérant.
43. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le régime appliqué par la Commission au classement en grade du personnel scientifique est compatible avec l'article 31 du statut, tel qu'il a été interprété par l'arrêt Alexopoulou I, point 24.
44. S'agissant de l'article 31, paragraphe 2, du statut, il résulte de la jurisprudence que cette disposition oblige l'AIPN ou l'AHCC à examiner la possibilité de son application, notamment lorsque les circonstances spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles (arrêt Alexopoulou I, point 21). Ces autorités ne sont néanmoins pas tenues d'appliquer l'article 31, paragraphe 2, du statut,
même en présence d'un candidat possédant des qualifications exceptionnelles. En effet, dès lors qu'elles ont effectivement procédé à l'appréciation concrète des qualifications et de l'expérience professionnelle d'une personne au regard des critères de l'article 31 du statut, et sous réserve des conditions de classement qu'elles se sont éventuellement imposées lors de l'avis de vacance, elles peuvent décider librement, en tenant compte de l'intérêt du service, s'il y a lieu d'octroyer un classement
au grade supérieur (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T195/96, RecFP p. I-A-51 et II-117, ci-après l'«ordonnance Alexopoulou II», points 36 et 38, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T381/00, RecFP p. I-A-125 et II-677, point 56). Il s'ensuit que les fonctionnaires et agents nouvellement recrutés, même s'ils réunissent les conditions pour pouvoir être classés au grade supérieur de la carrière, n'ont pas pour autant un droit subjectif à un
tel classement (ordonnance Alexopoulou II, point 43).
45. Dans ces conditions, le contrôle juridictionnel d'une décision portant classement en grade ne saurait se substituer à l'appréciation de l'AIPN ou de l'AHCC (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C298/93 P, Rec. p. I-3009, point 31, et arrêt du Tribunal du 5 novembre 1997, Barnett/Commission, T12/97, RecFP p. I-A-313 et II863, point 53). Le juge communautaire doit se limiter à vérifier s'il n'y a pas eu violation des formes substantielles, si l'AIPN ou l'AHCC n'a pas fondé sa
décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir, d'une erreur de droit ou d'une insuffisance de motivation (ordonnance Alexopoulou II, point 39). En outre, il convient de vérifier si l'AIPN, ou l'AHCC, n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêt Klinke/Cour de justice, précité, point 31; arrêt Barnett/Commission, précité, point 53, et arrêt Forvass/Commission, cité au point 35 ci-dessus, point 45).
b) Sur la première branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984
- Arguments des parties
46. Dans le cadre de la première branche de son moyen, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir examiné si un classement au grade A 5 était indiqué en vertu de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984, alors que les conditions fixées par cette disposition étaient, selon lui, remplies.
47. La Commission estime que cette branche du moyen est irrecevable, le requérant n'ayant pas invoqué la violation de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 dans sa réclamation. En outre, une décision spéciale de deux membres de la Commission autorisant un classement au grade A 5, exigée par cette disposition, ferait défaut. En réponse à une question du Tribunal, la Commission a précisé, à l'audience, qu'une telle décision n'était pas une décision relative à l'emploi concerné, prise
indépendamment de la personne qui sera éventuellement recrutée, mais qu'il s'agissait d'une décision prise en fonction des spécificités de l'intéressé. Dans la pratique, l'AHCC n'aurait cependant pas recours à cette possibilité, étant donné que l'application de l'article 31 du statut, conformément à l'arrêt Alexopoulou I, n'est pas subordonnée aux conditions strictes figurant à l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 et est, de ce fait, plus favorable pour les intéressés.
- Appréciation du Tribunal
48. En excipant, dans sa duplique, de l'irrecevabilité du grief tiré d'une violation de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984, la Commission soulève un moyen nouveau, dont la production est, en principe, interdite à ce stade de la procédure par l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Toutefois, la concordance entre la réclamation et le recours d'un fonctionnaire compte parmi les fins de non-recevoir d'ordre public que le juge communautaire est tenu d'examiner d'office.
49. Dans sa réclamation, le requérant avait invoqué la «décision relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement», adoptée par la Commission en octobre 1983 et modifiée après l'arrêt Alexopoulou I, établissant des directives internes relatives au classement en grade et en échelon des fonctionnaires «administratifs». Dans sa réponse à la réclamation, l'AHCC s'est référée à l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984. Ainsi, le requérant a
pu se rendre compte de son erreur initiale quant à la directive interne pertinente et la corriger lors de la rédaction de la requête. La substance de son moyen n'est pas affectée par cette adaptation. Par conséquent, la première branche de son moyen est recevable.
50. S'agissant du bien-fondé de cette branche, il y a lieu de relever que l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 confère, à l'AIPN ou à l'AHCC, la faculté de classer un fonctionnaire ou agent au grade A 5 lorsque les conditions qu'il fixe sont remplies. Il ne crée cependant pas d'obligation en ce sens.
51. La Commission ne conteste pas que l'emploi du requérant relève d'une nouvelle action de programme et que la période initiale de deux ans, pendant laquelle l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 permet une nomination au grade A 5, n'avait pas encore expiré au moment de l'adoption de la décision attaquée. Selon la décision rejetant la réclamation du requérant, l'AHCC n'a cependant pas estimé que le poste pour lequel le requérant a été recruté justifiait l'application de l'article 3 de la
décision du 11 octobre 1984. Il s'ensuit que l'AHCC n'a pas proposé, aux deux membres de la Commission respectivement en charge de la recherche et du budget, d'autoriser une nomination au grade A 5. Dans ces conditions, l'absence d'une telle autorisation ne suffit pas, à elle seule, pour justifier que l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 n'a pas été appliqué au requérant.
52. Toutefois, ainsi que les deux parties l'ont exposé à l'audience, il y a lieu d'interpréter l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 en ce sens qu'il permet une nomination au grade A 5 en raison de la situation individuelle du fonctionnaire recruté, notamment en fonction de son profil et de son expérience. Les critères de fond susceptibles de justifier une telle décision sont donc les mêmes que ceux applicables dans le cadre de l'article 31, paragraphe 2, du statut. Or, l'AHCC a estimé, en
l'espèce, que les conditions justifiant une nomination au grade A 5 conformément à l'article 31, paragraphe 2, du statut n'étaient pas remplies. Sous réserve du contrôle de cette appréciation, l'AHCC n'a pas commis une violation de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984 en s'abstenant de proposer aux deux membres de la Commission compétents d'autoriser la nomination du requérant au grade A 5.
53. Par conséquent, la première branche du moyen doit être écartée.
c) Sur la deuxième branche du moyen, tirée du non-respect des critères établis par la jurisprudence pour l'application de l'article 31, paragraphe 2, du statut
- Arguments des parties
54. Le requérant rappelle que l'AHCC doit procéder à une appréciation concrète de l'application de l'article 31, paragraphe 2, du statut, notamment lorsque les circonstances spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. Il soutient que l'approche suivie en l'espèce par la Commission méconnaît le caractère alternatif, et non cumulatif, de ces deux critères. En outre, il estime que la
Commission, en retenant les cinq paramètres mentionnés dans la décision rejetant sa réclamation, pour «autoréglementer» son pouvoir d'appréciation, a outrepassé les deux critères résultant de la jurisprudence. En tout état de cause, le requérant est d'avis que les deux critères sont remplis en l'espèce.
55. La Commission indique avoir d'abord examiné les indices mentionnés dans la décision de rejet de la réclamation. Ensuite, elle aurait procédé à une évaluation globale afin de déterminer si l'une puis l'autre des conditions alternatives posées par l'arrêt Alexopoulou I était satisfaite. Le résultat de cet examen aurait été que le profil du requérant ne pouvait être qualifié d'exceptionnel qu'au regard d'un des indices (le rapport entre son expérience antérieure et l'emploi pour lequel il a été
recruté) et que cela était insuffisant pour considérer que les besoins spécifiques du service exigeaient le recrutement d'un agent particulièrement qualifié. Le requérant n'aurait pas non plus été considéré comme remplissant la condition des qualifications exceptionnelles.
- Appréciation du Tribunal
56. Il convient d'abord de rappeler que l'AIPN et l'AHCC sont obligées, lorsque l'un des deux critères établis par la jurisprudence, à savoir les qualifications exceptionnelles du candidat ou la nécessité de recruter un titulaire particulièrement qualifié, est rempli, de procéder à une appréciation concrète de l'application de l'article 31, paragraphe 2, du statut. En revanche, il n'existe aucune obligation de nommer un candidat au grade supérieur de la carrière, même lorsque les deux critères sont
remplis.
57. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'AHCC a effectivement procédé à une appréciation de l'application éventuelle, à l'égard du requérant, de l'article 31, paragraphe 2, du statut. L'AHCC a cependant estimé, ainsi que cela résulte de la décision rejetant la réclamation du requérant, que ni l'un ni l'autre des deux critères susmentionnés n'étaient remplis. Dans ces conditions, le reproche selon lequel elle aurait méconnu le caractère alternatif des deux critères n'est pas fondé.
58. Il convient de vérifier ensuite si les cinq indices au regard desquels l'AHCC a vérifié le bien-fondé de la décision attaquée sont compatibles avec les critères dégagés par la jurisprudence.
59. Force est de constater que les termes utilisés dans la décision rejetant la réclamation (reproduits au point 23 ci-dessus) ne correspondent pas tout à fait aux critères établis par la jurisprudence. En effet, le premier groupe d'indices est intitulé «expérience professionnelle exceptionnelle», alors que la jurisprudence utilise le terme de «qualifications exceptionnelles». Néanmoins, les trois indices figurant sous ce titre sont pertinents pour vérifier si un candidat dispose de qualifications
exceptionnelles. En effet, à côté de la qualité et de la durée de l'expérience professionnelle, le profil académique figure parmi les paramètres retenus. Dans ces conditions, la formulation imprécise de l'intitulé du premier groupe d'indices n'affecte pas la légalité de ces derniers.
60. Pour ce qui est du deuxième groupe d'indices, visant à déterminer la «nécessité du service d'engager un agent particulièrement qualifié», les deux paramètres indiqués, à savoir l'exigence exceptionnelle pour le poste à pourvoir et la particularité du profil professionnel sur le marché, sont adaptés pour effectuer une telle appréciation et donc conformes à la jurisprudence.
61. Les critères appliqués par l'AHCC pour déterminer si un classement du requérant au grade A 5 était justifié sont donc compatibles avec l'article 31, paragraphe 2, du statut tel qu'il a été interprété par la jurisprudence. Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.
d) Sur la troisième branche du moyen, tirée de ce que l'AHCC a méconnu le caractère exceptionnel des qualifications du requérant
- Arguments des parties
62. Le requérant rappelle son cursus universitaire et académique et le nombre de ses publications dans des domaines en relation avec son emploi. Il invoque son expérience professionnelle pertinente, de haut niveau et d'une durée de plus de 20 années, son expérience en relation directe avec la nature de son emploi étant supérieure à 12 ans.
63. Pour contester l'affirmation, contenue dans la décision rejetant sa réclamation, selon laquelle cette expérience, tout en étant de très bon niveau, n'avait rien d'exceptionnel par rapport à celles des lauréats de concours et de sélections d'agents temporaires classés au grade A 6 lors de leur entrée en service, le requérant invoque cinq raisons.
64. En premier lieu, il reproche à l'AHCC de s'être référée en termes généraux aux lauréats de concours et de sélections, sans apporter d'éléments précis, par exemple en termes statistiques, et notamment sans se référer de façon spécifique aux lauréats de la procédure de sélection à laquelle il a participé. En comparant son profil avec celui d'autres lauréats de procédures de sélection, la Commission en aurait examiné les différentes caractéristiques isolément pour conclure qu'il existe, pour chacun
de ces paramètres, un meilleur profil que celui du requérant, sans tenir compte du fait que son profil n'est pas seulement exceptionnel par rapport à chacune de ces caractéristiques, mais qu'il est également et surtout exceptionnel en raison du cumul de ces caractéristiques.
65. En deuxième lieu, le requérant reproche à l'AHCC de ne pas avoir pris en considération le fait qu'il est lauréat de trois procédures de sélection pour des emplois de la carrière A 5/A 4, ce qui démontre, selon lui, que son profil est exceptionnel. Il estime que cela est confirmé par les appréciations excellentes figurant dans son rapport de stage.
66. En troisième lieu, il fait valoir que le comité de classement s'est trompé sur la durée de son expérience professionnelle, qui n'est pas de 18 ans et 5,5 mois, mais de plus de 20 ans, depuis l'obtention de son diplôme de bachelor au mois de juin 1978. Le requérant rappelle que la durée de son expérience professionnelle est supérieure à celle requise par la décision du 11 octobre 1984 pour un classement au grade A 5 (12 ans) ou A 4 (15 ans).
67. En quatrième lieu, le requérant reproche au comité de classement d'avoir établi sa proposition en tenant compte uniquement de la durée de son expérience et non pas des autres éléments de son dossier, telle la nature de cette expérience ou de l'emploi à pourvoir.
68. En cinquième lieu, le requérant rappelle que la Commission reconnaît que le rapport entre son expérience antérieure et les fonctions qu'il exerce peut être qualifié d'exceptionnel. Il considère que cette affirmation est un indice de ce que la Commission a commis une erreur manifeste dappréciation et a méconnu tant l'article 31, paragraphe 2, du statut que la décision du 11 octobre 1984. Selon cette décision, non seulement l'expérience pertinente pour la fonction, mais également toute
l'expérience acquise au niveau de la catégorie A devrait être considérée comme pertinente. La Commission aurait donc ajouté un nouveau critère à sa directive interne et méconnu celle-ci en s'en écartant sans motif. Selon le requérant, cela implique également la méconnaissance du principe de non-discrimination et une erreur manifeste d'appréciation.
69. La Commission affirme, pour ce qui est du profil académique du requérant, qu'elle a dûment pris en compte le fait que le requérant était titulaire d'un doctorat, qu'il avait obtenu cinq bourses et qu'il était l'auteur de 54 publications. Elle reconnaît que ce profil est d'un très bon niveau, mais elle considère qu'il n'est pas exceptionnel par rapport à celui des autres lauréats des procédures de sélection dans le domaine «recherche».
70. La durée de l'expérience professionnelle du requérant est, selon la Commission, largement inférieure à 20 ans. Elle reconnaît, dans la duplique, que la date à prendre en compte pour le début de l'expérience professionnelle est celle du 11 juillet 1978, et non celle du 2 avril 1979, comme elle l'avait soutenu auparavant. Elle estime cependant que cela n'entraîne aucune augmentation de la durée de l'expérience professionnelle du requérant, étant donné que les périodes pendant lesquelles le
requérant a préparé son «Master of Technology» et son doctorat ont été prises en considération de manière forfaitaire pour une durée respective d'une et de trois années. La Commission reconnaît également qu'elle aurait dû tenir compte des activités que le requérant a exercées jusqu'au jour précédant celui de son entrée effective en fonction à la Commission, à savoir le 1er avril 2001, alors que le comité de classement n'a pris en compte que les attestations d'emploi fournies par le requérant qui
couvraient la période jusqu'à fin novembre 2000. La durée de l'expérience professionnelle du requérant est donc, selon la Commission, de 18 ans et 8,5 mois, et non de 18 ans et 4,5 mois.
71. Pour ce qui est de la qualité de l'expérience professionnelle du requérant, la Commission fait valoir qu'elle se trouve dans la «bonne moyenne» par rapport à celle d'autres lauréats des procédures de sélection pour des emplois de la carrière A 8/A 5 relevant du budget de recherche pendant la même période.
72. La Commission estime que ni la manière dont le requérant a accompli son stage ni sa réussite dans d'autres procédures de sélection ne sont pertinentes pour apprécier le classement qu'il devait recevoir lors de son recrutement.
73. Elle est d'avis que le rapport entre l'expérience professionnelle du requérant et ses fonctions est exceptionnel, mais que cela ne lui donne pas droit au classement au grade supérieur de sa carrière.
74. Dans sa duplique, la Commission explique que les comparaisons du requérant avec des lauréats d'autres procédures de sélection classés au grade supérieur de la carrière, indice par indice, ne constituent que des exemples de cas dans lesquels elle a jugé que les personnes concernées étaient effectivement exceptionnelles, visant à permettre au requérant de mieux se situer par rapport à de telles personnes. En revanche, lors de l'examen de la demande du requérant tendant à être classé au grade A 5,
sa situation n'aurait pas été comparée à celle des autres lauréats de la même procédure de sélection. Cet examen aurait eu lieu par rapport aux exigences du poste auquel le requérant a été affecté et le requérant aurait été comparé avec l'ensemble des lauréats de procédures de sélection similaires.
- Appréciation du Tribunal
75. Il y a lieu d'examiner, dans le cadre de la présente branche du moyen, si l'AHCC a commis des erreurs de fait ou de droit, ou une erreur manifeste d'appréciation, lors de l'examen des qualifications du requérant.
76. S'agissant, tout d'abord, des griefs dirigés par le requérant contre la comparaison effectuée par l'AHCC avec les qualifications d'autres lauréats de procédures de sélection, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, les qualifications exceptionnelles visées par l'article 32, paragraphe 2, du statut doivent être appréciées non pas au regard de la population dans son ensemble, mais par rapport au profil moyen des lauréats de concours, qui constituent déjà une population très sévèrement
sélectionnée conformément aux exigences de l'article 27 du statut (arrêt Barnett/Commission, cité au point 45 ci-dessus, points 50 et 51; arrêt Wasmeier/Commission, cité au point 44 ci-dessus, point 73, et arrêt du Tribunal du 3 octobre 2002, Platte/Commission, T-6/02, RecFP p. I-A-189 et II-973, point 38). Cette comparaison ne doit cependant pas s'effectuer par rapport aux lauréats de tous les concours ou procédures de sélection, mais par rapport aux lauréats de concours ou procédures de sélection
comparables à celle par laquelle le requérant a été recruté en l'espèce. En revanche, la comparaison ne doit pas se limiter aux seuls lauréats de la même procédure de sélection. Il s'ensuit que la Commission a considéré à juste titre qu'elle ne devait pas comparer le requérant aux autres lauréats de la seule procédure de sélection à laquelle il avait participé, mais avec l'ensemble des lauréats des procédures de sélection comparables, recrutés pendant la même période que lui. Il y a lieu d'ajouter
que l'AIPN et l'AHCC disposent d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il s'agit de déterminer les procédures de sélection et la période à prendre en considération à cet effet.
77. En ce qui concerne le profil académique du requérant, celui-ci n'a allégué aucune erreur de fait. Il n'avance pas non plus d'indices concrets pour démontrer que l'appréciation selon laquelle ce profil est d'un très bon niveau, mais qu'il n'est pas exceptionnel par rapport à celui des autres lauréats de procédures de sélection comparables serait manifestement erronée. En effet, pour un fonctionnaire ou agent scientifique, il n'est pas exceptionnel d'être titulaire d'un doctorat. Le nombre de
publications du requérant est, certes, remarquable. Le requérant ne fournit cependant aucun indice dont on pourrait déduire que cela est exceptionnel par comparaison avec d'autres fonctionnaires ou agents scientifiques classés au même grade que lui.
78. Il y a lieu de relever ensuite que ni le rapport de stage du requérant ni le fait qu'il soit lauréat de procédures de sélection pour des emplois de la carrière «administrative» A 5/A 4 ou de la carrière «fonctionnaire ou agent scientifique principal» des cadres scientifique et technique ne démontrent qu'une erreur manifeste a été commise quant au caractère exceptionnel de ses qualifications. En effet, les procédures de sélection A 5/A 4 visaient des emplois dont les attributions et les exigences
ne sont pas les mêmes que celles du poste occupé par le requérant. Le fait que le requérant ait été considéré comme idoine pour occuper de tels emplois est sans incidence sur le point de savoir si ses qualifications sont exceptionnelles par rapport au poste pour lequel il a été recruté. De même, le rapport de stage du requérant peut démontrer que la Commission avait raison de le recruter pour occuper ce poste, mais ne suffit pas pour démontrer que ses qualifications étaient non seulement très
bonnes, mais exceptionnelles par comparaison avec celles des autres fonctionnaires ou agents scientifiques classés au même grade que lui.
79. Pour ce qui est de la durée de l'expérience professionnelle du requérant, il résulte du dossier que le comité de classement a commis deux erreurs. D'une part, s'agissant de la date de départ pour le calcul de cette durée, le comité a estimé que le requérant avait obtenu son diplôme universitaire, donnant accès à la catégorie A, en avril 1979 (date de la remise du diplôme) et non en juillet 1978 (date de la réussite effective aux examens). En outre, il a pris en considération cette expérience
jusqu'à fin novembre 2000, période couverte par des attestations d'emploi fournies par le requérant, et non jusqu'à l'entrée en fonction effective du requérant, le 1er avril 2001. Dans la décision rejetant la réclamation, l'AHCC, quant à elle, a pris en considération l'expérience du requérant jusqu'en décembre 2000. Or, il a été jugé par la Cour (arrêt de la Cour du 15 janvier 2002, Libéros/Commission, C171/00 P, Rec. p. I451, points 46 à 54), pour les fonctionnaires et agents temporaires
«administratifs», que le dernier jour qui doit être retenu pour le calcul de la durée de l'expérience professionnelle est le jour précédant celui de l'entrée en fonction.
80. La première de ces erreurs n'a cependant pas affecté le résultat du calcul, étant donné que la durée de la formation complémentaire du requérant (master et doctorat), qui a suivi l'obtention du diplôme, jusqu'en 1985, a été prise en considération de manière forfaitaire, à concurrence d'une année d'expérience pour le master et de trois années pour le doctorat. Cette manière de calculer l'expérience professionnelle est appropriée, parce qu'elle traite sur le même pied les candidats disposant de
qualifications équivalentes, indépendamment du temps employé pour les obtenir. Or, l'erreur du comité porte sur la période pendant laquelle le requérant a préparé son «Master of Technology», cette période ayant été de deux ans et demi et non d'un an et huit mois, comme l'avait pensé le comité. Elle n'a donc pas affecté la période forfaitaire d'un an prise en considération pour l'obtention de ce diplôme.
81. La deuxième erreur a amené l'AHCC à considérer que le requérant disposait d'une expérience professionnelle de 18 ans et 5,5 mois, alors qu'elle aurait dû prendre en considération une durée de 18 ans et 8,5 mois. Compte tenu de la durée globale de l'expérience du requérant, l'incidence d'une différence de quelques mois sur l'appréciation du caractère exceptionnel de cette durée doit être qualifiée de minime. Il en va d'autant plus ainsi que la durée de l'expérience du requérant est, en tout état
de cause, supérieure à la durée minimale exigée, par la décision du 11 octobre 1984, pour un classement au grade A 5 (12 ans) ou A 4 (15 ans). À la différence de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Libéros/Commission, cité au point 79 ci-dessus, dans laquelle la prise en considération d'une expérience professionnelle de huit mois acquise entre l'offre d'emploi et l'entrée en fonction avait permis au fonctionnaire nouvellement recruté d'atteindre le seuil exigé pour un classement au grade supérieur,
cette erreur n'est donc pas susceptible d'avoir eu une influence décisive sur le classement du requérant.
82. S'agissant du point de savoir si l'AHCC a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'expérience du requérant n'était pas exceptionnelle, le seul fait que cette expérience est supérieure à la durée minimale exigée par la décision du 11 octobre 1984 pour un classement aux grades A 5 ou A 4 ne suffit pas pour établir une telle erreur. En effet, ce fait ne permet pas de conclure que cette durée est exceptionnelle par rapport à la durée de l'expérience professionnelle des autres
lauréats de procédures de sélection comparables.
83. Il ne résulte pas non plus du dossier que le comité de classement a pris en considération uniquement la durée de l'expérience du requérant et non les autres éléments de son dossier. Il ne saurait être déduit de la fiche, préparée par l'administration, sur la base de laquelle ce comité a évalué le classement du requérant, que les autres éléments mentionnés dans la décision rejetant la réclamation du requérant n'ont pas été examinés par le comité. En tout état de cause, ces éléments ont été
évalués par l'AHCC, au plus tard lors de l'examen de la réclamation du requérant.
84. Enfin, le caractère exceptionnel du rapport entre l'expérience professionnelle du requérant et les fonctions qu'il exerce ne suffit pas pour constater que l'AHCC a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, globalement, que les qualifications du requérant n'étaient pas exceptionnelles. En effet, la correspondance entre son expérience et l'emploi à pourvoir est précisément ce qui lui a permis de se distinguer des autres candidats à ce poste et d'y être recruté (voir, en ce sens,
arrêt Forvass/Commission, cité au point 35 ci-dessus, point 49).
85. Il s'ensuit que la troisième branche du moyen n'est pas fondée.
e) Sur la quatrième branche du moyen, tirée de ce que le poste pour lequel le requérant a été recruté exigeait des qualifications exceptionnelles
- Arguments des parties
86. Le requérant invoque trois raisons pour contester l'affirmation, figurant dans la décision rejetant sa réclamation, selon laquelle le poste pour lequel il a été recruté n'exigeait pas des qualifications professionnelles exceptionnelles.
87. Premièrement, il fait valoir que cette affirmation n'est pas expliquée. Il déduit du fait que l'avis de vacance faisait référence à un «spécialiste», à la différence d'autres avis de vacance publiés à la même date et visant également des emplois de carrière A 8/A 5, que le candidat pour le poste concerné devait être particulièrement qualifié.
88. Deuxièmement, le requérant relève que le recrutement de personnes figurant sur des listes de réserve établies à la suite de procédures de sélection d'agents temporaires ne peut avoir lieu que lorsque toutes les procédures internes au sein de la Commission ont été épuisées. Il estime que le fait que la Commission a dû avoir recours à cette liste démontre que le poste en question nécessitait des qualifications professionnelles exceptionnelles.
89. Troisièmement, le requérant indique que plus de 200 candidats se sont présentés lors de la procédure de sélection dont il est lauréat, alors que onze d'entre eux seulement ont été inscrits sur la liste de réserve. Il estime que cela démontre que la Commission éprouve des difficultés à trouver, sur le marché du travail, des candidats qualifiés et intéressés pour pourvoir des emplois de ce type. Il relève également que, à la suite de l'avis de vacance concernant le poste qu'il occupe, trois
candidats ont été invités à participer à un entretien par le comité de recrutement, mais l'un d'eux a refusé de participer à l'entretien et l'autre ne s'y est pas présenté. Il rappelle qu'il a été retenu comme étant le meilleur candidat pour ce poste, afin de satisfaire les besoins spécifiques du service.
90. Le requérant en conclut que l'AHCC était tenue de procéder à une appréciation concrète de l'application de l'article 31, paragraphe 2, du statut et que cette appréciation devait conduire à son classement au grade A 5.
91. La Commission fait valoir que plusieurs candidats répondant au profil recherché dans l'avis de vacance ont été proposés au comité de sélection, ce qui démontre, selon elle, que le marché ne présentait pas de difficultés particulières de recrutement pour le type de tâche afférente à l'emploi pour lequel le requérant a été recruté.
- Appréciation du Tribunal
92. Les arguments avancés par le requérant ne suffisent pas pour démontrer la nécessité de recruter un candidat particulièrement qualifié pour le poste qu'il occupe. En effet, la référence à un «spécialiste» dans l'avis de vacance implique que la personne recherchée devait disposer de qualifications spécifiques, mais n'implique pas que ces qualifications devaient être exceptionnelles par rapport à la qualification moyenne des lauréats de procédures de sélection ni qu'elles étaient particulières en
ce sens qu'elles étaient difficiles à trouver sur le marché du travail.
93. De même, le fait que les procédures internes au sein de la Commission n'aient pas permis de pourvoir le poste occupé par le requérant ne permet pas de conclure que les exigences de ce poste étaient exceptionnelles. En effet, il ne saurait être affirmé que tout recrutement d'un candidat externe implique nécessairement que le poste à pourvoir exige des qualifications exceptionnelles.
94. Enfin, le fait que de nombreux candidats ont participé à la procédure de sélection au terme de laquelle le requérant a été sélectionné et que onze lauréats ont été inscrits sur la liste de réserve démontre, certes, que le niveau moyen des lauréats de telles procédures est très élevé. Il ne suffit cependant pas pour démontrer l'existence de difficultés particulières à trouver des candidats qualifiés et intéressés sur le marché du travail. De même, le fait que deux des trois candidats invités à
des entretiens ne se soient pas présentés ne suffit pas pour démontrer l'existence de difficultés particulières de recrutement.
95. La quatrième branche du premier moyen n'étant pas fondée, il y a lieu de rejeter le moyen dans son ensemble.
2. Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 32 du statut
96. Le requérant rappelle le contenu de l'article 32 du statut qui permet à l'AHCC, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifiques d'un candidat, d'accorder à celui-ci une bonification d'ancienneté d'échelon, qui ne peut excéder 48 mois dans les grades autres que A 1 à A 4. Il estime que, eu égard à son expérience et à ses qualifications, l'AHCC aurait dû lui accorder une bonification d'échelon supérieure à celle qu'il a obtenue.
97. La Commission relève que le classement en échelon attribué au requérant est le plus élevé possible selon l'article 32 du statut.
98. Étant donné que la bonification d'échelon maximale admissible au titre de l'article 32 du statut a été accordée au requérant, le moyen tiré d'une violation de cette disposition n'est pas fondé.
3. Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe de non-discrimination
a) Arguments des parties
99. Le requérant est d'avis que la Commission, en refusant de le classer au grade et à l'échelon correspondant à ses expériences et à ses qualifications spécifiques et exceptionnelles, qui répondaient aux besoins spécifiques du service, a directement fait preuve de discrimination à son égard par rapport à d'autres agents recrutés au grade A 5, échelon 3, mais ne présentant pas le même profil exceptionnel que lui. Il estime qu'il se trouve en outre victime d'une discrimination par rapport à des
agents au profit desquels l'article 31, paragraphe 2, du statut a été appliqué, alors que ceux-ci avaient un profil moins exceptionnel que le sien. Selon le requérant, le fait qu'il n'a pas de droit subjectif à un classement au grade supérieur n'exclut pas qu'il puisse invoquer une violation du principe d'égalité, notamment si des agents présentant un profil analogue ou inférieur au sien ont été classés au grade supérieur de la carrière.
100. Le requérant fait en outre valoir que la Commission semble réserver un traitement différent aux publications émanant d'un candidat issu du monde académique, tel que lui, et aux publications d'autres chercheurs, issus du secteur privé. Il estime que le principe d'égalité serait enfreint si la Commission accordait davantage de poids aux publications de la seconde catégorie dans son appréciation du caractère exceptionnel des qualifications des candidats.
101. La Commission soutient qu'elle n'a pas classé au grade A 5 des agents ayant un profil moins digne d'intérêt que celui du requérant. Elle rappelle que la seule finalité de l'article 31, paragraphe 2, du statut est de renforcer la compétitivité de l'employeur sur le marché du travail, ce qui signifie qu'il est parfaitement légitime qu'il traite des situations apparemment similaires de manière différente selon l'évolution des besoins du service et du marché du travail.
b) Appréciation du Tribunal
102. L'évaluation du caractère exceptionnel des qualifications d'un fonctionnaire nouvellement recruté ne peut pas être effectuée dans l'abstrait, mais doit se faire au regard du poste pour lequel le recrutement a eu lieu. La nature casuistique de cette évaluation (arrêt Wasmeier/Commission, cité au point 44 ci-dessus, point 76) s'oppose à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation du principe d'égalité de traitement.
103. En ce qui concerne les publications, le seul fait que la décision rejetant la réclamation indique qu'il est normal, pour un candidat ayant une expérience professionnelle universitaire, d'avoir publié le résultat de ses recherches ne suffit pas pour établir que la Commission réserve un traitement différent aux publications de tels candidats par rapport aux publications des candidats ayant une expérience professionnelle dans le secteur privé.
104. Par conséquent, le troisième moyen n'est pas fondé.
4. Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation du devoir de sollicitude
a) Arguments des parties
105. Le requérant soutient que le classement qui lui a été attribué est trop peu élevé par rapport à ses qualifications et à son expérience. Il estime que cela nuit au développement normal de sa carrière, par rapport à des agents plus jeunes, ayant une moindre expérience professionnelle mais une ancienneté plus grande. Il estime que l'AHCC a méconnu son devoir de sollicitude à l'égard du requérant en refusant de prendre en considération l'ensemble de ces éléments.
106. La Commission rappelle que le devoir de sollicitude ne permet pas à la Commission de s'affranchir du respect des règles en vigueur et de la jurisprudence applicable en matière de classement en grade. Elle estime avoir démontré que le classement du requérant au grade A 6 a été effectué conformément aux règles en vigueur.
b) Appréciation du Tribunal
107. Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l'administration à l'égard de ses agents reflète l'équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l'autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique notamment que, lorsqu'elle statue à propos de la situation d'un fonctionnaire ou agent, l'autorité prenne en considération l'ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant,
elle tienne compte non seulement de l'intérêt du service, mais aussi de l'intérêt du fonctionnaire concerné. Il est également de jurisprudence bien établie que la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt Forvass/Commission, cité au point 35 ci-dessus, points 53 et 54, et la jurisprudence citée).
108. En l'espèce, le requérant n'a pas démontré qu'il disposait de qualifications exceptionnelles ou qu'il existait des besoins spécifiques du service justifiant l'application de l'article 31, paragraphe 2, du statut ou de l'article 3 de la décision du 11 octobre 1984. Par conséquent, le fait de ne pas avoir appliqué ces dispositions au requérant ne saurait constituer une violation du devoir de sollicitude.
109. L'erreur de l'AHCC quant à la durée de l'expérience professionnelle du requérant n'est pas non plus constitutive d'une telle violation. En effet, cette erreur ne concerne qu'une période qui, par rapport à la durée globale de l'expérience professionnelle du requérant, n'est pas très importante et n'est pas susceptible d'avoir influencé l'appréciation portée sur le caractère exceptionnel de la durée de cette expérience. Elle ne permet donc pas de conclure que l'AHCC a omis de prendre en
considération les intérêts du requérant lors de l'adoption de la décision attaquée.
110. Par conséquent, le quatrième moyen n'est pas fondé.
5. Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation des règles relatives à la libre circulation des travailleurs
a) Arguments des parties
111. Le requérant invoque la jurisprudence de la Cour relative à la libre circulation des travailleurs pour soutenir qu'il est contraire aux dispositions du traité relatives à cette liberté de ne pas prendre en compte l'expérience professionnelle antérieure ou d'écarter systématiquement cette expérience dans le cas où elle ne remplit pas certaines conditions. Il fait valoir que l'AHCC a écarté, en l'espèce, une expérience professionnelle avérée et satisfaisant aux conditions fixées par les
dispositions en vigueur.
112. La Commission est d'avis que l'on ne saurait invoquer utilement la violation des dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs pour apprécier la légalité d'une décision de classement en grade d'un agent temporaire lors de son recrutement.
b) Appréciation du Tribunal
113. Ainsi que la Commission le relève à juste titre, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs ne sont pas pertinentes, en l'espèce, pour apprécier la légalité de la décision attaquée. En effet, une violation de ces dispositions supposerait que l'AHCC ait apprécié les qualifications, et notamment l'expérience professionnelle du requérant, en prenant en considération la circonstance qu'il les a acquises dans un État membre plutôt que dans un autre. Cela n'est pas
le cas en l'espèce, dès lors qu'aucune des considérations de la Commission, relatives aux qualifications du requérant, ne permet de constater que l'État dans lequel le requérant a acquis ses qualifications et son expérience professionnelle a joué le moindre rôle pour l'appréciation de leur caractère exceptionnel. Par conséquent, le cinquième moyen n'est pas fondé.
6. Sur le sixième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation
a) Arguments des parties
114. Le requérant fait valoir que la décision attaquée ne contient aucune motivation formelle, alors que la motivation de la décision rejetant sa réclamation n'est, à son avis, ni suffisante ni utile. Il critique la Commission pour s'être limitée à une référence générique aux «lauréats de concours et sélections d'agents temporaires classés en A 6» pour conclure, sans autres éléments d'explication, que son expérience professionnelle n'était pas exceptionnelle et était dans la bonne moyenne. Il ajoute
que rien dans l'avis du comité de classement ne permet de connaître la façon dont celui-ci et, ensuite, l'AHCC ont qualifié le niveau de son expérience.
115. Le requérant estime que l'AHCC ne saurait se contenter de répondre par de simples affirmations, mais qu'il lui revient de se justifier précisément afin de permettre au juge de procéder au contrôle de la légalité de la décision attaquée et au requérant de la comprendre. Il ajoute que des explications utiles s'imposaient à plus forte raison en l'espèce, étant donné que la défenderesse avait qualifié d'exceptionnelle son expérience en relation avec les exigences de l'emploi qu'il occupe.
116. Il reproche en outre à la Commission qu'aucune information n'ait été donnée quant à la moyenne de la durée et du niveau de l'expérience professionnelle des lauréats de concours et de sélections d'agents temporaires classés au grade A 6. Selon le requérant, les précisions fournies dans le mémoire en défense concernant d'autres candidats recrutés par la Commission ne permettent pas une véritable comparaison entre son profil et les profils de ces autres candidats. Il affirme qu'il revient à la
Commission de démontrer que le comité de classement a effectivement examiné son cas en tenant compte de tous les facteurs pertinents et de produire à cet égard, par exemple, sa grille ou ses critères d'évaluation établis pour comparer les candidats, le cas échéant, expurgés des données personnelles.
117. La Commission estime qu'il n'y a pas de contradiction entre le fait que l'expérience professionnelle du requérant n'a pas été qualifiée d'exceptionnelle pour ce qui est de sa durée et de sa qualité et le fait qu'elle l'a été quant à sa pertinence par rapport à la fonction pour laquelle il a été recruté. La Commission explique que la durée et la qualité de l'expérience professionnelle sont prises en considération pour déterminer si la personne recrutée possède des qualités exceptionnelles, alors
que la pertinence de cette expérience par rapport à la fonction pour laquelle l'intéressé est recruté est un des indices permettant de déterminer si les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié.
b) Appréciation du Tribunal
118. La décision rejetant la réclamation du requérant expose avec suffisamment de clarté les raisons pour lesquelles l'AHCC a retenu qu'un classement au grade A 6 était approprié en l'espèce.
119. En effet, la Commission n'est pas tenue, dans le cadre de l'obligation de motivation, de fournir au requérant des données statistiques détaillées concernant le classement en grade et en échelon des agents du cadre scientifique lors de leur recrutement.
120. Premièrement, de telles données détaillées ne sont pas pertinentes pour vérifier la régularité de l'évaluation des qualifications du requérant, compte tenu de la nature casuistique de celle-ci. Par conséquent, la Commission n'était pas tenue de les exposer pour remplir son devoir de motivation de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêt Wasmeier/Commission, cité au point 44 ci-dessus, point 142).
121. Deuxièmement, une décision de classement présente certaines analogies avec une décision de promotion (arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, cité au point 36 ci-dessus, point 27). Ces analogies justifient de transposer, aux décisions portant classement en grade, les principes régissant l'obligation de motivation des décisions en matière de promotion. À cet égard, il est de jurisprudence constante, d'une part, que l'obligation peut être utilement remplie au stade de la
décision statuant sur la réclamation et, d'autre part, qu'il suffit que la motivation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure de promotion, la révélation de l'appréciation comparative que l'AIPN a effectuée, en particulier, n'étant pas exigée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 14 juin 2001, McAuley/Conseil, T-230/99, RecFP p. I-A-127 et II-583, point 52, et la jurisprudence citée). Selon cette jurisprudence, il suffit que l'AIPN
indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à son égard.
122. Il s'ensuit que la motivation de la décision attaquée peut se limiter à l'indication de ce que l'examen de la situation du requérant au regard de l'article 31, paragraphe 2, du statut a effectivement été effectué et à l'exposé de l'appréciation portée dans ce contexte sur les qualifications et le poste pour lequel il a été recruté. En revanche, il n'est pas nécessaire de fournir des données concernant le classement d'autres agents ou des statistiques y relatives.
123. Par conséquent, le cinquième moyen n'est pas fondé.
124. Il s'ensuit que la demande tendant à l'annulation de la décision attaquée doit être rejetée.
B - Sur la demande en réparation
1. Arguments des parties
125. Le requérant fait valoir que la décision attaquée lui a causé un préjudice en portant atteinte à sa carrière. Il demande donc la condamnation de la Commission à la réparation de son préjudice tant matériel que moral, qu'il évalue, à titre provisionnel, à 1 euro.
126. Il demande également la condamnation de la défenderesse au paiement de la différence entre la rémunération correspondant à son classement au grade A 6, échelon 3, et la rémunération correspondant à un classement au grade supérieur, ce solde devant être augmenté d'un intérêt de retard de 5,75 % par an à compter du 1er avril 2001.
2. Appréciation du Tribunal
127. Dans la mesure où les moyens soulevés par le requérant à l'appui de sa demande en annulation ne sont pas fondés, il n'existe aucune irrégularité susceptible de constituer une faute de service commise par l'AHCC en l'espèce. Partant, la demande en réparation doit être rejetée.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
128. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.
129. En outre, selon l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens pour des motifs exceptionnels. À cet égard, il convient de tenir compte de l'erreur de la Commission - même si celle-ci n'était pas décisive - en ce qui concerne la durée de l'expérience professionnelle du requérant. En effet, cette erreur, qui n'a été rectifiée que dans la duplique, a pu contribuer à la naissance du litige. Il convient donc de condamner la Commission à supporter, outre
ses propres dépens, un quart des dépens du requérant.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (juge unique)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission supportera ses propres dépens ainsi qu'un quart des dépens du requérant.
3) Le requérant supportera les trois quarts de ses propres dépens.