Affaire T-177/02
Malagutti-Vezinhet SA
contre
Commission des Communautés européennes
«Sécurité générale des produits – Système communautaire d'alerte rapidepour les denrées alimentaires – Recours en indemnité»
Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 10 mars 2004
Sommaire de l'arrêt
1.
Responsabilité non contractuelle – Conditions – Illégalité – Préjudice – Lien de causalité – Absence de l’une des conditions – Rejet du recours en indemnité dans son ensemble
(Art. 288, al. 2, CE)
2.
Rapprochement des législations – Sécurité générale des produits – Directive 92/59 – Système communautaire d’alerte rapide pour les denrées alimentaires – Compétences respectives des autorités nationales et de la Commission
(Directive du Conseil 92/59)
3.
Rapprochement des législations – Sécurité générale des produits – Directive 92/59 – Système communautaire d’alerte rapide pour les denrées alimentaires – Principe de précaution
(Directive du Conseil 92/59)
1.
L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.
(cf. point 32)
2.
Le système communautaire d’alerte rapide pour les denrées alimentaires instauré par la directive 92/59, relative à la sécurité générale des produits, confère aux seules autorités nationales, et non à la Commission, la responsabilité d’établir s’il existe un risque grave et immédiat pour la santé et la sécurité des consommateurs. Il incombe ainsi aux autorités nationales, après avoir décelé l’existence d’un risque grave et immédiat, dont les effets s’étendent ou pourraient s’étendre au-delà
de leur territoire, d’en informer immédiatement la Commission et de lui fournir des informations permettant d’identifier le produit et la chaîne de commercialisation. La Commission, quant à elle, se limite à vérifier si cette information est susceptible, en tant que telle, d’entrer dans le champ d’application de la directive, tandis que l’exactitude des constatations et analyses ayant amené les autorités nationales à transmettre cette information ne fait pas l’objet de cette vérification.
(cf. points 51-52)
3.
S’agissant de prévenir des risques pour la santé des consommateurs, et dans la mesure où des incertitudes peuvent subsister, selon le principe de précaution prévalant en matière de protection de la santé publique, l’autorité compétente peut être obligée de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, et ce sans attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. S’il fallait attendre l’aboutissement de
toutes les recherches nécessaires avant l’adoption de telles mesures, le principe de précaution serait privé de son effet utile. Ce raisonnement vaut aussi pour un dispositif d’informations rapides tel que celui instauré par la directive 92/59, relative à la sécurité générale des produits, et, par conséquent, une entreprise, victime de ce système d’alerte instauré en vue de protéger la santé humaine, doit en accepter les conséquences économiques négatives, la protection de la santé publique
devant se voir accorder une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques.
(cf. point 54)
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
10 mars 2004(1)
«Sécurité générale des produits – Système communautaire d'alerte rapide pour les denrées alimentaires – Recours en indemnité»
Dans l'affaire T-177/02,
Malagutti-Vezinhet SA, en liquidation judiciaire, établie à Cavaillon (France), représentée par M^es B. Favarel Veidig et N. Boron, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M^me M.-J. Jonczy et M. M. França, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande en réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de la diffusion par la Commission d'un message d'alerte rapide informant de la présence de résidus de pesticides dans des pommes en provenance de France et mentionnant le nom de la requérante en tant qu'exportateur des marchandises en cause,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre)
composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,
greffier: M^me B. Pastor, greffier adjoint,
rend le présent
Arrêt
Cadre réglementaire et faits à l’origine du litige
Système communautaire d’alerte rapide
1
La directive 92/59/CEE du Conseil, du 29 juin 1992, relative à la sécurité générale des produits (JO L 228, p. 24, ci-après la «directive»), a établi au niveau communautaire une prescription générale de sécurité pour tous les produits mis sur le marché, destinés aux consommateurs ou susceptibles d’être utilisés par ces derniers. À cet effet, la directive a, notamment, instauré un système d’échange rapide d’informations dans des situations d’urgence concernant la sécurité des produits. Il
s’agit du «système communautaire d’alerte rapide pour les denrées alimentaires» (ci-après le «SCAR») auquel participent également les États signataires de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), dont la république d’Islande.
2
L’article 2, sous b), de la directive définit comme «produit sûr» «tout produit qui, dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, y compris de durée, ne présente aucun risque ou seulement des risques réduits à un niveau bas compatibles avec l’utilisation du produit et considérés comme acceptables dans le respect d’un niveau de protection élevé pour la santé et la sécurité des personnes».
3
Les articles 5 et 6 de la directive déterminent les obligations et pouvoirs des États membres en matière de contrôle de la sécurité des produits.
4
L’article 7 de la directive dispose:
«1. Lorsqu’un État membre prend des mesures qui restreignent la mise sur le marché d’un produit ou d’un lot de produits ou imposent son retrait du marché […], il notifie ces mesures à la Commission […], en précisant les raisons pour lesquelles il les a adoptées. Cette obligation ne s’applique pas si les mesures sont relatives à un incident ayant un effet local et en tout cas limité au territoire de l’État concerné.
2. La Commission consulte les parties concernées dans les plus brefs délais. Si la Commission constate, après cette consultation, que la mesure est justifiée, elle en informe immédiatement l’État membre qui a pris l’initiative ainsi que les autres États membres. Si la Commission constate, après cette consultation, que la mesure est injustifiée, elle en informe immédiatement l’État membre qui a pris l’initiative.»
5
S’agissant du SCAR, l’article 8 de la directive dispose:
«1. Lorsqu’un État membre prend ou décide de prendre des mesures urgentes pour empêcher, limiter ou soumettre à des conditions particulières la commercialisation ou l’utilisation éventuelle, sur son territoire, d’un produit ou d’un lot de produits en raison d’un risque grave et immédiat que ce produit ou ce lot de produits présentent pour la santé et la sécurité des consommateurs, il en informe d’urgence la Commission […]
2. À la réception de ces informations, la Commission en vérifie la conformité avec les dispositions de la présente directive et les transmet aux autres États membres qui, à leur tour, communiquent immédiatement à la Commission les mesures prises.»
6
L’annexe de la directive établit les procédures détaillées pour l’application du SCAR.
Antécédents du litige
7
La requérante exporte des fruits et légumes de France, notamment, vers les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
8
Ainsi qu’il ressort de plusieurs factures datées du mois d’août 2001, elle a vendu à la société néerlandaise van den Bosch plusieurs centaines de colis de pommes en provenance de France qui avaient été traitées par le pesticide dicofol.
9
Le jeudi 6 septembre 2001, la Commission a été informée, dans le cadre du SCAR, par le point de contact islandais que l’autorité compétente islandaise avait décidé, le 4 septembre, de retirer et de rejeter un lot de pommes d’origine française commercialisées via les Pays-Bas, et ce à la suite de la découverte, le 3 septembre, de la présence de dicofol à hauteur de 0,8 mg/kg dans ces pommes. L’information précisait que les marchandises avaient été distribuées par la société J. P. Viens SA via
les Pays-Bas et que l’importateur islandais les avait achetées à la société néerlandaise Greevecetrus; une copie des résultats d’analyse a été jointe à ce message.
10
Il est constant entre les parties que la teneur maximale en dicofol pour les pommes était fixée à 0,02 mg/kg par la réglementation communautaire relative aux teneurs maximales pour les résidus de pesticides dans les fruits et légumes en vigueur à l’époque des faits pertinents, de sorte que les pommes analysées par les autorités islandaises en septembre 2001 devaient respecter cette teneur maximale.
11
Le lundi 10 septembre 2001, après consultation de ses services techniques compétents, la Commission a transmis le message des autorités islandaises aux points de contact des États adhérents du SCAR, et ce au moyen de la notification originale référencée 2001/KL. Cette notification se lit comme suit:
«pesticide residues (Dicofol) in apples from France via the Netherlands […] The product has been recalled and will be rejected. Exporter: JP Viens S.A. The contact points in France and in the Netherlands are kindly requested to provide the Commission services with the possible distribution to other members of the E.E.A. of the product involved» [présence de résidus de pesticides (dicofol) dans des pommes d’origine française commercialisées via les Pays-Bas […] La marchandise a été retirée et
elle sera renvoyée. Exportateur: J. P. Viens SA. Les points de contact en France et aux Pays-Bas sont invités à signaler aux services de la Commission toute distribution du produit en cause dans d’autres États membres de l’EEE].
12
Le vendredi 14 septembre 2001, la Commission a reçu un courrier électronique du point de contact néerlandais lui donnant des informations sur les différents intervenants dans la commercialisation des pommes en cause, parmi lesquels figurait la société requérante. La Commission a immédiatement diffusé ce message en tant qu’information complémentaire référencée 2001/KL‑add01 à l’attention des points de contact du SCAR. Cette information se lit comme suit:
«pesticide residues (Dicofol) in apples from France via the Netherlands. The company ‘Greve’ (NL) mentioned in the notification received the apples from the company ‘Bosch’ situated in Alkmaar (NL) which in his turn receives them from the below mentioned company:
Supplier in France: Company ‘Malagutti’ at Cavaillon (FR)
Tel. +33-4900-66767; Fax: +33-490066768
The Consignment has been received by the company ‘Greve’ on 20-08-2001 and no stock remained. The distribution is still subject of investigation.
How the name ‘Viens’ is involved is completely unknown» [présence de résidus de pesticides (dicofol) dans des pommes d’origine française commercialisées via les Pays-Bas. La société «Greve» (NL) mentionnée dans le message a reçu les pommes de l’entreprise «Bosch» établie à Alkmaar (NL) qui, quant à elle, les avait reçues de la société suivante: fournisseur en France: société «Malagutti» à Cavaillon (FR), tél. +33-4900-66767; fax: +33-490066768. La société «Greve» a réceptionné les pommes le
20 août 2001, et il n’en reste plus en stock. La distribution fait toujours l’objet de vérifications. On ignore totalement comment le nom «Viens» a été impliqué].
13
Les 17 et 18 septembre 2001, deux organismes britanniques (le «Pesticides Safety Directorate» et le «Fresh Produce Consortium») ont émis des messages faisant état du danger lié à la présence de dicofol dans les pommes exportées par la requérante. Ces messages ont été transmis aux principaux acteurs de la distribution britannique avec la mention expresse que les produits provenant de la requérante ne devaient pas être importés ou commercialisés.
14
Le requérante a, ensuite, vu s’interrompre tout échange commercial avec le Royaume-Uni. Ainsi, deux cargaisons de pommes déjà expédiées ont été retournées en France et la requérante a été amenée à payer les frais de transport aller-retour et les frais de stockage au Royaume-Uni. La vente d’une troisième cargaison a été annulée. Toutes ces cargaisons ont été vendues à un prix inférieur aux prix pratiqués au Royaume-Uni.
15
Le 19 septembre 2001, les autorités françaises ont effectué des prélèvements dans l’entrepôt de la requérante sur la même catégorie de pommes que celles rejetées en Islande.
16
Le 20 septembre 2001, la requérante a adressé une télécopie à la Commission déclarant qu’elle n’avait jamais exporté de pommes vers l’Islande et demandant un démenti formel de la part de la Commission. Le 25 septembre 2001, après avoir contesté le fondement des messages émis, elle a informé la Commission du préjudice subi.
17
Le 26 septembre 2001, les autorités françaises ont notifié au point de contact du SCAR de la Commission le résultat des analyses qu’elles avaient effectuées sur les pommes prélevées chez la requérante le 19 septembre. Aux termes de cette notification:
«Les services officiels de contrôle français ont procédé à des prélèvements auprès de l’entreprise concernée […] Sur les cinq échantillons analysés, la présence de dicofol n’a pas été détectée.»
18
Le même 26 septembre 2001, la Commission, en indiquant qu’elle l’avait reçu du point de contact en France, a porté le texte complet de cette notification à la connaissance des points de contact du SCAR au moyen d’une information complémentaire (référencée 2001/KL‑add02) qui se lit comme suit:
«outcome of investigation in France – Analysis for the detection of pesticide residues performed in France at the establishment mentioned in notification 2001/KL‑add01 on 5 samples gave negative results (no detection of dicofol). The contact point in the Netherlands is kindly reminded to the request for submission of accompanying documents of the consignments involved» [résultat des investigations menées en France – Le résultat de l’analyse de cinq échantillons prélevés en France dans
l’entreprise mentionnée dans le message 2001/KL-add01 est négatif (la présence de dicofol n’a pas été détectée). Le point de contact aux Pays-Bas est, à nouveau, prié de transmettre les documents qui accompagnaient les lots en question].
19
Le 29 novembre 2001, la Commission a reçu une demande en réparation du préjudice subi par la requérante à la suite de la diffusion, dans le cadre du SCAR, des messages relatifs à la découverte de dicofol excédant la teneur maximale dans les pommes qu’elle avait exportées.
20
Par lettre du 3 avril 2002, la Commission a rejeté cette demande d’indemnisation.
Procédure et conclusions des parties
21
C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2002, la requérante a introduit le présent recours.
22
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.
23
Lors de l’audience du 4 novembre 2003, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal. À cette occasion, la Commission a déposé un document. Après la communication des observations écrites de la requérante sur ce document, la procédure orale a été close le 1^er décembre 2003.
24
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:
–
condamner la Commission au versement d’une indemnité de 704 998,74 euros en réparation du préjudice subi;
–
condamner la Commission aux dépens.
25
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:
–
rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé;
–
condamner la requérante aux dépens.
Sur la recevabilité
26
La Commission, sans formellement soulever d’exception d’irrecevabilité, considère que le recours est irrecevable.
27
En effet, la communication par la Commission aux États membres des informations reçues au titre de l’article 8 de la directive aurait eu lieu dans le cadre d’une coopération interne avec les organismes nationaux chargés d’appliquer la réglementation communautaire, à savoir le SCAR. Une telle coopération ne saurait engager la responsabilité de la Communauté envers les particuliers, le déclenchement de l’alerte reposant, en définitive, sur l’initiative et l’analyse des seules autorités
nationales.
28
Dès lors, la requérante aurait dû saisir le juge national compétent. En effet, la question de la réparation des dommages causés aux personnes privées par les organismes nationaux, soit du fait d’une violation du droit communautaire, soit par un acte ou une omission contraire au droit national, à l’occasion de l’application du droit communautaire, devrait être appréciée par les juridictions nationales (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Granaria, 101/78, Rec. p. 623). La requérante n’aurait
nullement démontré qu’un recours en indemnité introduit devant les juridictions nationales de l’un ou de l’autre des États impliqués ne lui aurait permis d’obtenir une réparation équitable du préjudice invoqué.
29
À cet égard, il suffit de constater que le comportement fautif allégué par la requérante en l’espèce est celui de la Commission et ne peut pas être regardé comme imputable à des organismes nationaux.
30
En effet, la requérante soutient que la Commission était appelée à jouer un rôle propre dans le cadre du SCAR: en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive et de l’annexe de celle-ci, elle aurait été tenue de vérifier la conformité des messages reçus avec les dispositions de la directive et d’apprécier la réalité ainsi que le caractère immédiat et grave du risque en cause, avant de transmettre ces messages aux autres États membres. Ces vérifications et appréciations ainsi que la
répercussion de l’alerte relèveraient exclusivement de la Commission. Selon la requérante, si la Commission n’avait pas illégalement rendu public son nom dans le cadre du SCAR, les organismes britanniques ayant appelé au boycottage de ses produits – qui se sont prévalus des messages de l’alerte officielle diffusés par la Commission – n’auraient pas diffusé leurs appels au boycottage, qui lui ont gravement porté préjudice.
31
La requérante a ainsi indiqué, de façon pertinente, les raisons pour lesquelles le comportement de la Commission était susceptible de léser ses intérêts commerciaux et de causer le préjudice subi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, COFAZ e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 28). Il s’ensuit que le recours doit être déclaré recevable, étant précisé que la question de savoir si le comportement reproché à la Commission est réellement illégal relève de l’examen au
fond.
Sur le fond
32
Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres
conditions (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 80, et du 24 avril 2002, EVO/Conseil et Commission, T‑220/96, Rec. p. II-2265, point 39, et la jurisprudence citée).
33
En l’espèce, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, les différents arguments présentés par la requérante afin de démontrer l’illégalité du comportement reproché à la Commission.
Arguments des parties
34
La requérante fait valoir que, s’agissant des pommes qu’elle a exportées en 2001, les textes applicables aux niveaux national et communautaire fixaient la teneur en dicofol à 1 mg/kg lors du traitement de ces pommes qui a eu lieu en janvier 2001. L’obligation de réduire la teneur en dicofol à 0,02 mg/kg résulterait pour la France de l’arrêté du 8 février 2001 publié au Journal officiel de la République française du 3 avril 2001. D’ailleurs, la réglementation communautaire qui a prévu la
réduction de la teneur en dicofol à 0,02 mg/kg ne serait entrée en vigueur que le 1^er juillet 2001. L’obligation de réduction serait donc intervenue après que les pommes en cause avaient déjà été mises sur le marché.
35
La requérante soutient que le comportement de la Commission est illégal, l’obligation légale de la consulter préalablement à la diffusion des alertes litigieuses, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive, n’ayant pas été respectée. Pour la requérante, il ne fait pas de doute que les organismes britanniques se sont bien prévalus des messages d’alerte diffusés par la Commission, sans lesquels ils n’auraient jamais appelé au boycottage de ses produits.
36
La requérante ajoute que le défaut de consultation constitue une violation des droits de la défense et que la diffusion de son nom et de ses coordonnées est contraire au principe de confidentialité.
37
En outre, la Commission aurait dû vérifier si les mesures adoptées par les autorités islandaises étaient conformes au principe de proportionnalité. Ces mesures auraient été les plus restrictives possible, les marchandises ayant été retirées du marché et destinées au rejet.
38
La requérante souligne l’absence de preuve de l’origine des produits contrôlés. Le message émis par l’Islande viserait des pommes exportées par une autre société française, à savoir la J. P. Viens SA. Or, la requérante aurait vendu ses pommes à une société néerlandaise. Il ne serait donc pas établi que les pommes contrôlées en Islande provenaient d’elle-même.
39
La requérante affirme que le message émis par les autorités islandaises ne fait pas état de l’existence d’un risque grave et immédiat, mais du seul dépassement de la teneur maximale en dicofol d’un lot de pommes contrôlé. Aucun risque grave et immédiat n’aurait effectivement existé en l’espèce. D’ailleurs, la Commission n’aurait pas engagé la procédure propre au cas de risque grave et immédiat.
40
Selon la requérante, une vérification rapide aurait permis de constater que les analyses effectuées révélaient une teneur en dicofol conforme aux textes applicables lors du traitement des pommes et que les consommateurs n’étaient exposés à aucun danger. Les analyses effectuées en septembre et en octobre 2001 par des laboratoires français auraient démontré la conformité totale des pommes destinées au marché anglais avec les prescriptions communautaires. Tout en admettant que ces analyses ont
porté sur des lots différents de ceux à l’origine de l’initiative des autorités islandaises, la requérante estime que leurs résultats négatifs constituent une forte présomption de conformité avec les prescriptions légales des produits qu’elle commercialise.
41
La Commission fait observer que le SCAR l’oblige à diffuser tout message faisant état de problèmes et de risques concernant les denrées alimentaires qui ne répondent pas aux prescriptions de sécurité alimentaire. Informée par le point de contact islandais de la découverte de résidus de dicofol excédant la teneur maximale dans des pommes en provenance de France, elle aurait donc été tenue de transmettre le message d’alerte islandais. Contrairement à ce que soutient la requérante, un produit
contenant une teneur en dicofol supérieure à celle autorisée par la législation communautaire ne serait pas un produit sûr.
42
Par conséquent, aucun des reproches soulevés par la requérante à son encontre ne serait fondé.
Appréciation du Tribunal
43
Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la directive a institué deux procédures distinctes pour le contrôle de la sécurité des produits et pour l’adoption de mesures appropriées en cas de découverte d’un produit dangereux.
44
La première procédure, instaurée par les articles 6 et 7 de la directive, permet aux autorités nationales de soumettre la mise sur le marché d’un produit à des conditions préalables de manière à le rendre sûr, d’interdire toute mise sur le marché lorsque le produit en question s’est révélé dangereux et d’organiser le retrait d’un produit dangereux déjà mis sur le marché [article 6, paragraphe 1, sous d, g et h)]. Lorsque des autorités nationales prennent une des mesures prévues à l’article
6, paragraphe 1, elles doivent en informer la Commission qui consulte les parties concernées dans les plus brefs délais, vérifie si la mesure prise est justifiée ou injustifiée et en informe immédiatement les autorités nationales (article 7).
45
La seconde procédure, instaurée par l’article 8 de la directive et par l’annexe de celle-ci, concerne des situations d’urgence au niveau communautaire: lorsque des autorités nationales prennent, ou envisagent de prendre, des mesures urgentes pour empêcher la commercialisation d’un produit en raison d’un risque grave et immédiat que ce produit présente pour la santé et la sécurité des consommateurs, elles en informent d’urgence la Commission qui, à la réception de ces informations, en vérifie
la conformité avec les dispositions de la directive et les transmet aux autres autorités nationales qui, à leur tour, communiquent immédiatement à la Commission les mesures prises (article 8). Les détails de ce système d’alerte rapide (SCAR) sont réglés par l’annexe de la directive.
46
Ainsi, les autorités nationales, aussitôt qu’elles ont décelé l’existence d’un risque grave et immédiat, dont les effets s’étendent ou pourraient s’étendre au-delà de leur territoire, en informent immédiatement la Commission, après avoir consulté, si possible, le producteur ou le distributeur du produit concerné. Cette communication comporte, notamment, les informations permettant d’identifier le produit et la chaîne de commercialisation quand de telles informations sont possibles, étant
souligné que la rapidité dans la transmission des informations revêt une importance cruciale dans le système (points 3 et 4 de l’annexe). La Commission, quant à elle, après avoir vérifié la conformité de l’information reçue avec l’article 8 de la directive, prend contact avec le pays notifiant, si nécessaire, et puis transmet cette information d’urgence par télex ou téléfax aux autorités compétentes des autres États membres (point 7 de l’annexe).
47
En l’espèce, il ressort à l’évidence du formulaire utilisé par les autorités islandaises que c’est dans le cadre du SCAR que ces autorités se sont adressées à la Commission et non pour lui demander si le retrait et le rejet des pommes importées de France, via les Pays-Bas, étaient justifiés au titre des articles 6 et 7 de la directive. Étant donné que ces pommes contenaient du dicofol d’un taux 40 fois supérieur à la teneur maximale admise et que leur distribution touchait trois pays
différents, à savoir la France, les Pays-Bas et l’Islande, les autorités islandaises étaient manifestement d’avis qu’il fallait informer la Commission du risque que d’autres pommes contenant le même taux de dicofol aient été mises sur le marché dans d’autres pays. À la suite de cette information, la Commission a également réagi strictement dans les limites du SCAR, en transmettant le message d’alerte islandais ainsi que les messages subséquents à tous les points de contact du SCAR.
48
Par conséquent, le présent recours en indemnité ne peut concerner que la responsabilité que la Commission doit assumer dans le cadre du SCAR. En revanche, il ne saurait valablement viser à obtenir la réparation du préjudice causé par le fait que, le 4 septembre 2001, les autorités islandaises ont retiré les pommes en cause du marché et les ont rejetées.
49
À cet égard, il convient de relever que, à cette date, le nom de la requérante n’avait pas encore été mentionné et celle-là n’avait pas encore été identifiée comme ayant été la probable exportatrice des pommes en cause. En outre, la Commission n’a été informée que postérieurement des mesures prises par les autorités islandaises, de sorte qu’elle ne peut en aucun cas être tenue pour responsable à cet égard. Il s’ensuit que le sort concret qu’ont connu ces pommes en Islande est indifférent à
la solution du présent litige et que le grief pris d’une violation par la Commission du principe de proportionnalité doit être écarté.
50
S’agissant du SCAR, la requérante soutient, en substance, que rien ne prouve que les pommes incriminées par les autorités islandaises aient été exportées par elle-même. Elle prétend que, si la Commission avait respecté son obligation de vérifier l’origine de ces pommes avant de déclencher l’alerte rapide, elle aurait constaté sa non-implication. Elle reproche à la Commission, en outre, de ne pas avoir examiné si les pommes en cause présentaient réellement un risque grave et immédiat pour la
santé, le seul dépassement de la teneur maximale en dicofol n’étant pas suffisant à cet égard. Elle ajoute que, en tout état de cause, ainsi qu’il ressort des analyses effectuées en France en septembre et en octobre 2001, une vérification rapide aurait permis de constater que les pommes exportées par elle n’excédaient pas cette teneur maximale.
51
À cet égard, il convient de rappeler que le SCAR confère aux seules autorités nationales, et non à la Commission, la responsabilité d’établir s’il existe un risque grave et immédiat pour la santé et la sécurité des consommateurs, en prévoyant que les autorités nationales doivent, d’une part, «juger chaque cas particulier sur ses caractéristiques intrinsèques» du fait qu’«il est impossible d’établir des critères spécifiques indiquant avec précision ce qui constitue un risque grave et
immédiat» et, d’autre part, «s’efforcer d’obtenir un maximum d’informations sur les produits et la nature du danger en conciliant cet objectif avec la nécessité de faire vite» (points 2 et 3 de l’annexe de la directive). En outre, il incombe aux autorités nationales, après avoir décelé l’existence d’un risque grave et immédiat, dont les effets s’étendent ou pourraient s’étendre au-delà de leur territoire, d’en informer immédiatement la Commission et de lui fournir des informations permettant
d’identifier le produit et la chaîne de commercialisation (point 4 de l’annexe de la directive).
52
Si le point 7 de l’annexe de la directive oblige la Commission à vérifier «la conformité de l’information reçue avec l’article 8 de la […] directive», cette tâche se limite à vérifier si cette information est susceptible, en tant que telle, d’entrer dans le champ d’application de ladite disposition, tandis que l’exactitude des constatations et analyses ayant amené les autorités nationales à transmettre cette information ne fait pas l’objet de cette vérification. En effet, ainsi qu’il vient
d’être exposé, la responsabilité de ces constatations et analyses incombe aux seules autorités nationales. Il s’ensuit que la Commission n’avait ni l’obligation de vérifier, avant la diffusion de son message du 14 septembre 2001, si les pommes incriminées en Islande étaient bien celles exportées par la requérante ni la compétence à cette fin.
53
S’agissant de prévenir des risques pour la santé des consommateurs, il suffisait qu’elle se trouve en présence d’éléments plausibles indiquant l’existence d’un lien entre la requérante et les pommes incriminées en Islande. Or, les informations recueillies et communiquées par les autorités islandaises faisaient état de pommes d’origine française importées via les Pays-Bas, en mentionnant, notamment, le nom de la société néerlandaise Greevecetrus. Les informations apportées par les autorités
néerlandaises ajoutaient, ensuite, des précisions relatives aux sociétés impliquées dans le processus de commercialisation, en mentionnant le nom de la société «Greve» (Pays-Bas), celui de la société «Bosch» établie à Alkmaar (Pays-Bas) et celui de la requérante. Or, ainsi qu’il ressort des factures d’août 2001 présentées par la requérante elle-même, cette dernière a exporté des pommes d’origine française à la société néerlandaise van den Bosch à Alkmaar. Dans ces circonstances, il ne
saurait être retenu que la Commission a diffusé par son message du 14 septembre 2001, reprenant les informations des autorités néerlandaises, des éléments d’information non plausibles.
54
Dans la mesure où des incertitudes peuvent subsister à cet égard, il y a lieu de relever que, selon le principe de précaution prévalant en matière de protection de la santé publique, l’autorité compétente peut être obligée de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, et ce sans attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal
Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 139, et la jurisprudence citée, et du 21 octobre 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02, non encore publié au Recueil, points 121 et 122). S’il fallait attendre l’aboutissement de toutes les recherches nécessaires avant l’adoption de telles mesures, le principe de précaution serait privé de son effet utile (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, précité, points 142, 386 et 387). Ce raisonnement vaut aussi pour un dispositif d’informations
rapides tel que celui instauré par la directive. La requérante, victime de ce système d’alerte instauré en vue de protéger la santé humaine, doit en accepter les conséquences économiques négatives, la protection de la santé publique devant se voir accorder une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (arrêt Solvay Pharmaceuticals/Conseil, précité, point 121, et arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 456).
55
Si la requérante fait valoir, dans ce contexte, que le simple dépassement de la teneur maximale en dicofol de 0,02 mg/kg ne constitue pas nécessairement un risque grave et immédiat pour la santé humaine, d’autant plus qu’une teneur de 1 mg/kg était admise auparavant, il suffit de rappeler, d’une part, qu’il n’appartient pas à la Commission de remettre en question, dans le cadre du SCAR, les constatations et analyses qui ont amené les autorités nationales à retenir l’existence d’un risque
grave et immédiat nécessitant le déclenchement de ce système et, d’autre part, qu’il est constant que les pommes incriminées contenaient 0,8 mg/kg de dicofol, alors que la teneur maximale était fixée à 0,02 mg/kg. La requérante – qui s’est abstenue de contester, au titre de l’article 241 CE, la légalité de la réglementation fixant cette teneur maximale – n’a nullement démontré que la consommation de pommes dont la teneur en dicofol est 40 fois supérieure à la limite maximale admise n’aurait
aucun effet nocif pour la santé des consommateurs, alors même que les progrès scientifiques en la matière ont révélé qu’il fallait remplacer l’ancienne teneur maximale par celle de 0,02 mg/kg.
56
S’agissant des griefs pris d’une violation de l’article 7, paragraphe 2, de la directive et des droits de la défense, en ce que la Commission s’est abstenue de consulter la requérante avant de diffuser son nom et ses coordonnées dans le cadre du SCAR, il convient de relever que ce système n’impose pas à la Commission de procéder à une telle consultation systématique, l’article 7, paragraphe 2, de la directive ne régissant pas les procédures d’alerte rapide instaurées par la directive en vue
de protéger la santé des consommateurs. Cet objectif de protection rapide serait en outre difficilement réalisable si la Commission devait régulièrement tenir compte des observations et objections de l’entreprise concernée avant de communiquer une information relevant de la directive aux autres points de contact du SCAR.
57
Le défaut de consultation de la requérante par la Commission n’est pas non plus constitutif d’une violation du principe du respect des droits de la défense. En effet, s’il est vrai que ce principe oblige la Commission d’entendre l’intéressé avant l’adoption d’une mesure lui faisant grief (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 8 mai 2003, Josanne e.a./Commission, T‑82/01, non encore publié au Recueil, point 77, et la jurisprudence citée), il convient de constater que la Commission n’a
adopté, en l’espèce, aucune mesure visant directement la requérante et lui faisant grief. Elle s’est limitée à diffuser une information, à savoir celle reçue du point de contact néerlandais du 14 septembre 2001, destinée à permettre, conformément au point 4 de l’annexe de la directive, l’identification des pommes en cause et de la chaîne de commercialisation y relative.
58
Il est vrai que l’annexe de la directive prévoit, en ses points 7 et 8, que la Commission «peut», d’une part, prendre contact avec l’autorité du pays présumé être le pays d’origine d’un produit pour faire les vérifications pertinentes et, d’autre part, ouvrir – «dans des circonstances exceptionnelles» et «quand elle le considère nécessaire» – une enquête de sa propre initiative. Il ne paraît pas exclu que la Commission puisse être amenée, dans de telles hypothèses, à consulter l’entreprise
concernée par la diffusion d’une alerte rapide. Cependant, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission a commis une faute, dans les circonstances du cas d’espèce, en s’abstenant de la consulter.
59
Le seul argument présenté dans ce contexte consiste à faire valoir que la teneur en dicofol des pommes exportées par la requérante en 2001 vers les Pays-Bas n’excédait pas, à la date de leur traitement en janvier 2001, la teneur maximale de 1 mg/kg admise à l’époque en France. La requérante semble ainsi estimer que la Commission aurait dû prendre en considération ses intérêts commerciaux en la consultant, et ce eu égard à la situation spécifique résultant de la modification du régime relatif
à la teneur maximale en dicofol intervenue en juillet 2001 alors que les pommes en provenance de France étaient en cours d’acheminement vers le pays d’exportation.
60
Cette thèse ne saurait être retenue.
61
En effet, d’une part, la requérante n’a fourni aucune précision quant aux dates de ses exportations, les seules indications à cet égard figurant dans les factures du mois d’août 2001 qui font état de livraisons à la société van den Bosch à Alkmaar (Pays-Bas). Or, ces indications ne démontrent pas que les pommes traitées en janvier 2001 avaient nécessairement quitté la France et atteint le pays de destination avant le mois de juillet 2001. Il est tout aussi probable que ses pommes n’ont été
exportées qu’au mois d’août 2001.
62
D’autre part, la réglementation communautaire relative à la fixation de la teneur maximale en dicofol dans les fruits et légumes est constituée par une série de directives du Conseil adressées aux États membres aux fins de leur mise en œuvre. La France a introduit la teneur maximale de 0,02 mg/kg par l’arrêté du 8 février 2001 modifiant l’arrêté du 5 août 1992 relatif aux teneurs maximales en résidus de pesticides admissibles sur et dans certains produits d’origine végétale (JORF du 3 avril
2001, p. 5200). Ainsi qu’il ressort des visas dudit arrêté, cette mesure a été prise afin de transposer, notamment, la directive 2000/42/CE de la Commission, du 22 juin 2000, modifiant les annexes des directives 86/362/CEE, 86/363/CEE et 90/642/CEE du Conseil concernant la fixation de teneurs maximales pour les résidus de pesticides respectivement sur et dans les céréales, les denrées alimentaires d’origine animale et certains produits d’origine végétale, y compris les fruits et légumes (JO
L 158, p. 51), qui, aux termes de son article 4, devait être transposée par les États membres au plus tard le 28 février 2001, les mesures transposées devant être appliquées à partir du 1^er juillet 2001. Cette directive a été publiée au Journal officieldes Communautés européennes du 30 juin 2000. Par conséquent, tout opérateur économique prudent et avisé devait organiser, à partir de cette dernière date, son activité commerciale de façon que les pommes destinées à l’exportation et
susceptibles d’être mises sur le marché après juin 2001 respectent la nouvelle teneur maximale en dicofol. La requérante – qui n’a contesté, au titre de l’article 241 CE, ni la légalité de la réglementation fixant la teneur maximale de 0,02 mg/kg ni celle de la date de prise d’effet de cette réglementation – ne saurait donc reprocher à la Commission d’avoir transmis le message néerlandais dans le cadre du SCAR, sans l’avoir consultée préalablement.
63
En tout état de cause, même une consultation préalable de la requérante n’aurait raisonnablement pas pu empêcher la Commission de diffuser ce message qui contenait le nom et les coordonnées de celle-là. En effet, le seul moyen efficient pour se prémunir contre les effets négatifs du SCAR aurait consisté pour la requérante à procéder, sous le contrôle d’une personne ou d’une institution indépendante, au prélèvement d’un échantillon du lot des pommes destinées à être exportées vers les
Pays-Bas et à l’analyse officiellement certifiée de la teneur en dicofol de cet échantillon. Seule une présentation immédiate, à l’occasion de sa consultation, d’une telle analyse certifiée aurait pu être de nature à éviter que son nom soit diffusé dans le cadre du SCAR. Or, la requérante n’a ni affirmé ni établi qu’elle avait fait analyser, in tempore non suspecto, les pommes en cause de la manière qui vient d’être décrite.
64
Quant aux analyses effectuées en France en septembre 2001 qui auraient démontré la conformité avec la réglementation communautaire des pommes exportées par la requérante, il suffit de rappeler que ces analyses n’ont pas porté sur le lot des pommes incriminées en Islande. Elles n’étaient donc pas de nature à prouver que les analyses islandaises étaient erronées. Elles permettaient uniquement d’établir que les pommes qui ont été analysées en septembre 2001 étaient conformes à la législation
applicable.
65
Dans ce contexte, ne saurait non plus être imputé à la Commission le fait que le lot des pommes analysées en Islande ait apparemment disparu à la suite de son retrait du marché et qu’il ne soit dès lors plus possible de vérifier l’exactitude des analyses islandaises ni l’identification précise des pommes comme étant celles exportées par la requérante vers les Pays-Bas. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la responsabilité de la Commission dans le cadre du SCAR est limitée à la circulation
des informations en tant que telles.
66
Enfin, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé une obligation de confidentialité par la diffusion de son nom et de ses coordonnées. En effet, l’annexe de la directive énonce expressément, en son point 6, que la nécessité de prendre des mesures efficaces pour protéger les consommateurs doit normalement l’emporter sur le souci de confidentialité. Or, le message d’alerte des autorités islandaises ayant fait état de la présence de dicofol dans des «pommes d’origine
française commercialisées via les Pays-Bas», tant les autorités compétentes que les opérateurs économiques concernés avaient tout intérêt à ce que le cercle des entreprises impliquées soit limité dans la mesure du possible, faute de quoi il n’était pas exclu que toutes les pommes d’origine française fassent l’objet d’un boycottage. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la mention du nom de la requérante dans ce contexte devait être considérée, dans les circonstances du cas d’espèce, comme une
information tant plausible que nécessaire en vue de protéger la santé publique.
67
Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’existence d’un lien de causalité et la réalité du préjudice allégué.
Sur les dépens
68
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête:
1)
Le recours est rejeté.
2)
La requérante est condamnée aux dépens.
Forwood Pirrung Meij
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mars 2004.
Le greffier Le président
H. Jung J. Pirrung
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1 –
Langue de procédure: le français.