ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
12 octobre 2004 (*)
«Pourvoi – Marque communautaire – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Risque de confusion – Marque verbale et figurative HUBERT – Opposition du titulaire de la marque verbale nationale SAINT-HUBERT 41 – Qualité de partie défenderesse de l’OHMI devant le Tribunal»
Dans l’affaire C-106/03 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice,
introduit le 27 février 2003 ,
Vedial SA, établie à Ludres (France), représentée par Mes T. van Innis, G. Glas et F. Herbert, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. O. Montalto et P. Geroulakos, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. C. Gulmann et R. Schintgen, M^mes F. Macken (rapporteur) et N. Colneric, juges,
M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2004,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Vedial SA (ci-après «Vedial») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre) du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT) (T-110/01, Rec. p. II‑5275, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après
l’«OHMI») du 9 mars 2001 (affaire R 127/2000-1), rejetant l’opposition de Vedial à l’enregistrement de la marque verbale et figurative HUBERT demandé par France Distribution (ci-après la «décision litigieuse»).
Le cadre juridique
2 L’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, sous a), ii), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), dispose:
«1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:
[…]
b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:
a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:
[…]
ii) les marques enregistrées dans un État membre […]»
Les antécédents du litige
3 Le 1^er avril 1996, France Distribution a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire d’une marque constituée d’un signe mixte, verbal et figuratif, comprenant la dénomination «HUBERT», en caractères majuscules stylisés noirs cernés de blanc, surmontée du buste d’un cuisinier, à l’air hilare, levant le bras droit avec le pouce dressé.
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4 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
5 Le 6 janvier 1998, Vedial a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de la marque demandée pour une partie des produits visés dans la demande d’enregistrement, à savoir les «lait et autres produits laitiers» relevant de la classe 29 et les «vinaigre, sauces» relevant de la classe 30.
6 La marque antérieure dont Vedial est titulaire est la marque verbale nationale SAINT‑HUBERT 41, enregistrée en France pour désigner les «beurres, graisses alimentaires, fromages et tous produits de laiterie» relevant de la classe 29. Elle est constituée d’une suite de deux mots assemblés par un trait d’union et du nombre 41.
7 Son opposition ayant été rejetée par décision du 1^er décembre 1999 de la division d’opposition de l’OHMI, Vedial a, en application de l’article 59 du règlement n° 40/94, formé un recours auprès de l’OHMI, en joignant plusieurs documents afin d’établir la renommée de sa marque en France.
8 Ce recours a été rejeté par la décision litigieuse. En substance, la première chambre de recours de l’OHMI a considéré que, même s’il existe un fort degré de similitude entre les produits en cause et même si, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il est possible de tenir compte de la renommée de la marque antérieure démontrée devant elle par Vedial, il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public concerné étant donné que les
marques en conflit ne présentent pas de fortes ressemblances.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2001, Vedial a introduit un recours aux fins de l’annulation de la décision litigieuse en se fondant sur le moyen unique tiré de la violation de la notion de «risque de confusion» au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.
10 Devant le Tribunal, l’OHMI a admis que, si la marque antérieure pouvait être valablement considérée comme une marque renommée, il y aurait lieu de conclure à la présence d’un risque de confusion avec la marque demandée. Néanmoins, comme la renommée de la marque antérieure ne pouvait pas, selon l’OHMI, être prise en compte, faute pour Vedial d’avoir rapporté la preuve de l’existence de ladite renommée dans le délai accordé à cet effet par la division d’opposition, il y avait lieu d’analyser
l’affaire en faisant abstraction de cet élément de fait.
11 À cet égard, l’OHMI a estimé que, si le Tribunal constatait que l’élément dominant de la marque antérieure est le prénom «HUBERT», il deviendrait difficile de nier l’existence d’un risque de confusion entre les marques en cause. En revanche, si le Tribunal considérait que la marque antérieure n’est pas particulièrement distinctive et forme un ensemble dont aucun élément n’est dominant, les différences entre les marques devraient être suffisantes pour écarter l’existence de tout risque de
confusion. L’OHMI s’en est remis à la sagesse du Tribunal pour résoudre cette question de droit portée devant ce dernier.
12 France Distribution, qui était de droit partie à la procédure devant la division d’opposition et la chambre de recours, n’est pas intervenue à la procédure devant le Tribunal.
13 Le Tribunal a d’abord rappelé, aux points 35 à 39 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence de la Cour en matière de risque de confusion entre une marque demandée et une marque antérieure.
14 Le Tribunal a ensuite procédé, aux points 40 à 59 de l’arrêt attaqué, à la comparaison, d’une part, des produits concernés et, d’autre part, des marques en conflit. Il a ainsi considéré que les «produits de laiterie» et les produits «graisses alimentaires» au regard desquels la marque antérieure avait été enregistrée étaient, respectivement, identiques aux produits «lait et autres produits laitiers» et similaires aux produits «vinaigre, sauces» visés dans la demande de marque en cause. Il a
en revanche estimé que la marque antérieure et la marque demandée «ne sont pas similaires du point de vue visuel», qu’elles «sont dissemblables du point de vue phonétique» et qu’«il n’existe pas de similitude conceptuelle entre [elles]».
15 Le Tribunal a enfin jugé, aux points 60 à 66 de l’arrêt attaqué, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée. Il a jugé, en particulier, au point 63, que «même s’il existe une identité et une similitude entre les produits visés par les marques en conflit, les différences visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes constituent un motif suffisant pour écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception du public ciblé», et,
aux points 65 et 66, que, «en l’espèce, les signes en conflit, des points de vue visuel, phonétique et conceptuel, ne peuvent en aucune manière être considérés ni identiques ni similaires» et que, par conséquent, «l’une des conditions indispensables pour appliquer l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’est pas satisfaite».
16 Dès lors, le Tribunal a rejeté la demande en annulation de la décision litigieuse.
Sur le pourvoi
17 Dans son pourvoi, au soutien duquel elle invoque trois moyens, Vedial conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– annuler l’arrêt attaqué;
– à titre principal, statuer définitivement sur le litige en faisant droit aux conclusions présentées en première instance ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal;
– condamner l’OHMI aux dépens.
18 L’OHMI demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Vedial aux dépens.
Sur le premier moyen
Arguments des parties
19 Par son premier moyen, Vedial fait valoir que le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, violé le principe général de droit communautaire, dit «principe dispositif», reconnu par la Cour dans l’arrêt du 14 décembre 1995, Van Schijndel et Van Veen (C‑430/93 et C‑431/93, Rec. p. I‑4705).
20 Elle expose que, selon ce principe, seules les parties sont en principe maîtres de l’action en justice et délimitent l’objet du litige. Il interdirait au juge d’élever une contestation dont les conclusions des parties excluent l’existence. Ainsi, lorsque, sur un point donné, il n’existe aucune contestation entre les parties ou lorsqu’elles reconnaissent expressément l’existence d’un fait juridique, pertinent et précis, le juge ne pourrait agir de sa propre initiative, sauf si l’accord entre
les parties sur le point donné est contraire à l’ordre public.
21 En l’espèce, lors de la procédure devant le Tribunal, Vedial et l’OHMI auraient été d’accord sur l’existence d’une similitude, ne fût-ce que sur le plan phonétique, entre la marque antérieure et la marque demandée, ainsi que sur l’existence d’un risque de confusion au cas où il ne pourrait être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque antérieure jouissait d’un fort pouvoir distinctif, ne fût-ce que par la renommée qu’elle avait acquise en France. Selon Vedial, cette
délimitation du litige n’était pas contraire à l’ordre public.
22 Dès lors, le Tribunal aurait violé le principe dispositif en décidant, contrairement à l’accord des parties sur ce point, que les marques en conflit ne présentaient aucune similitude.
23 L’OHMI considère que le premier moyen est dénué de fondement. Il fait valoir que le principe dispositif trouve application dans le domaine du droit civil, tandis que les litiges relatifs à la marque communautaire ont un caractère principalement administratif. De plus, l’OHMI n’aurait pas un locus standi propre, n’ayant pas été partie à la procédure devant la chambre de recours. Lorsque le Tribunal est saisi d’un recours, il devrait vérifier si l’OHMI, c’est-à-dire la chambre de recours, a
bien appliqué le règlement n° 40/94 et, s’il parvient à la conclusion que l’OHMI a violé ce règlement, il devrait annuler la décision.
24 L’OHMI relève que, dans son recours devant le Tribunal, Vedial a soutenu que la décision litigieuse violait la notion de risque de confusion et a explicitement demandé au Tribunal d’examiner les marques en conflit et de conclure à l’existence d’un risque de confusion. Dès lors, le Tribunal aurait à juste titre examiné cette notion et appliqué le règlement n° 40/94. Il ne saurait donc lui être reproché d’avoir violé le principe dispositif.
25 De surcroît, l’OHMI soutient qu’il n’existait pas, en l’espèce, un accord entre Vedial et lui-même. Selon lui, outre le fait que la position de l’OHMI est exprimée dans la position de la chambre de recours, ainsi que le Tribunal l’a jugé dans l’arrêt attaqué, France Distribution, qui aurait pu revendiquer la qualité de partie intervenante devant le Tribunal, n’aurait aucunement manifesté son accord quant à l’interprétation du risque de confusion effectuée par Vedial. Or, dans le cadre des
litiges en matière de propriété industrielle et commerciale, le règlement de procédure du Tribunal attribuerait à la partie intervenante une position presque identique à celle des autres parties.
Appréciation de la Cour
26 À supposer même que le principe dispositif s’applique dans une procédure telle que celle de première instance, relative à un recours contre une décision d’une chambre de recours de l’OHMI ayant statué sur une opposition à l’enregistrement d’une marque fondée sur le risque de confusion avec une marque antérieure, l’OHMI n’a, en tout état de cause, pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultent des prétentions et allégations respectives du demandeur à
l’enregistrement et de celui qui a formé opposition.
27 En effet, bien que, aux termes de l’article 133, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, l’OHMI soit partie défenderesse à la procédure devant le Tribunal, le recours devant ce dernier a pour objet de régler un litige opposant le demandeur à l’enregistrement au titulaire d’une marque antérieure, ainsi qu’il ressort des dispositions suivantes du règlement n° 40/94 et dudit règlement de procédure.
28 En premier lieu, conformément à l’article 63, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, ce recours vise à examiner la légalité de la décision de la chambre de recours ayant tranché le litige relatif à l’enregistrement de la marque demandée et à obtenir, le cas échéant, la réformation ou l’annulation de cette décision.
29 Or, tant devant la division d’opposition que devant la chambre de recours, le litige oppose le demandeur à l’enregistrement à celui qui a formé opposition, sans que l’OHMI soit partie audit litige.
30 Il importe de relever en particulier que, aux termes de l’article 42, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, seuls les titulaires de marques antérieures peuvent former opposition à l’enregistrement d’une marque pour le motif relatif de refus prévu à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Ainsi, l’OHMI n’a pas le pouvoir de s’opposer à l’enregistrement d’une marque pour un tel motif.
31 En deuxième lieu, le recours devant le Tribunal contre la décision d’une chambre de recours statuant sur une opposition n’est pas davantage ouvert à l’OHMI. En effet, conformément à l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, un tel recours «est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’ait pas fait droit à ses prétentions».
32 En dernier lieu, la qualité de partie défenderesse reconnue à l’OHMI est limitée dans ses effets tandis que, à l’inverse, les parties à la procédure devant la chambre de recours autres que la partie requérante, qui, aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, peuvent participer à la procédure devant le Tribunal en tant qu’intervenants, se voient reconnaître à ce titre des droits étendus qui les assimilent à de véritables parties défenderesses.
33 Ainsi, conformément à l’article 134, paragraphe 2, dudit règlement, «[l]es intervenants […] disposent des mêmes droits procéduraux que les parties principales».
34 De plus, contrairement à la règle de droit commun en matière d’intervention énoncée à l’article 116, paragraphe 4, second alinéa, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, l’article 134, paragraphe 3, du même règlement dispose qu’«[u]n intervenant […] peut, dans son mémoire en réponse […], formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête». Il découle également, a contrario, de cette
dernière disposition que l’OHMI ne peut pas, quant à lui, formuler de telles conclusions.
35 Enfin, il résulte de l’article 134, paragraphe 4, du même règlement que, par dérogation à l’article 122 dudit règlement, même si l’OHMI ne répond pas à la requête dans les formes et le délai prescrits, la procédure par défaut ne sera pas applicable si une partie à la procédure devant la chambre de recours autre que la partie requérante intervient devant le Tribunal.
36 Dès lors, il ne saurait être reconnu à l’OHMI le pouvoir de modifier, par un éventuel ralliement partiel à l’analyse présentée par la partie requérante, voire par un acquiescement à son recours, les termes du litige devant le Tribunal. Toute appréciation contraire porterait atteinte à la confiance légitime de la partie ayant obtenu gain de cause devant la chambre de recours dans le fait que la procédure devant le Tribunal vise à examiner la légalité de la décision de ladite chambre,
conformément à l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.
37 En l’espèce, le Tribunal n’était donc nullement lié par le prétendu accord entre Vedial et l’OHMI quant à la similitude, ou même quant au risque de confusion, entre les marques en conflit. Il a donc à juste titre examiné si la décision litigieuse violait la notion de risque de confusion, ainsi que Vedial l’alléguait dans son recours, et appliqué le règlement n° 40/94.
38 Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le premier moyen du pourvoi.
Sur le deuxième moyen
Arguments des parties
39 Par son deuxième moyen, Vedial allègue que le Tribunal a violé les droits de la défense en surprenant sa confiance légitime dans la délimitation du litige, telle qu’elle résultait de l’accord entre les parties. En effet, compte tenu de la position prise par l’OHMI dans son mémoire en réponse devant le Tribunal, elle aurait renoncé à demander à pouvoir déposer un mémoire en réplique et aurait limité sa plaidoirie au cadre délimité par la prise de position de l’OHMI.
40 Selon Vedial, à supposer même que le Tribunal ne fût pas tenu par le principe dispositif, il aurait dû ordonner la réouverture des débats en faisant savoir aux parties qu’il n’adhérait pas à leur accord quant à la similitude au moins phonétique entre les marques en conflit.
41 L’OHMI considère que le deuxième moyen présuppose que le Tribunal a commis une violation du principe dispositif, ce qui n’est pas le cas selon lui. Il ajoute que, tant dans son recours que lors de l’audience, Vedial a longuement exposé sa pensée ainsi que son interprétation des dispositions normatives et de la jurisprudence en cause.
Appréciation de la Cour
42 S’agissant du deuxième moyen du pourvoi, à supposer même que Vedial et l’OHMI aient été d’accord pour constater que les marques en conflit présentaient un certaine similitude, voire même qu’il existait un risque de confusion, il convient de rappeler, d’une part, que, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, le Tribunal n’était nullement tenu par un tel constat, mais avait l’obligation d’examiner si, en concluant, dans la décision litigieuse, à l’absence de similitude entre les
marques en conflit, la chambre de recours n’avait pas violé le règlement n° 40/94. D’autre part, le Tribunal n’a pas fondé sa décision sur des faits ou des arguments extérieurs au débat.
43 Dès lors, le Tribunal n’a nullement surpris la confiance légitime de Vedial et n’avait pas à rouvrir les débats pour l’informer qu’il ne ferait pas sienne la conclusion d’une similitude phonétique entre la marque antérieure et la marque demandée.
44 Le deuxième moyen du pourvoi doit donc être rejeté.
Sur le troisième moyen
Argument des parties
45 Par son troisième moyen, développé à titre subsidiaire, Vedial fait valoir que le Tribunal a violé la notion de «risque de confusion» au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.
46 Par la première branche de ce moyen, Vedial soutient que le Tribunal a commis une erreur en concluant, au point 62 de l’arrêt attaqué, à l’absence de risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée, sans vérifier, comme il l’aurait dû, s’il existait un risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent d’entreprises qui ne sont liées qu’économiquement.
47 Par la deuxième branche du même moyen, Vedial allègue que le Tribunal a jugé à tort, au point 63 de l’arrêt attaqué, que les différences visuelle, phonétique et conceptuelle entre la marque antérieure et la marque demandée constituaient un motif suffisant pour écarter l’existence d’un risque de confusion. Selon Vedial, la question n’est pas de savoir s’il y a des différences entre les marques en conflit, mais si ces marques présentent une identité ou une similitude et si, considérées
globalement avec l’identité ou la similitude des produits ou des services concernés, les degrés de ces similitudes sont tels qu’il existe un risque de confusion.
48 Par la troisième branche dudit moyen, Vedial fait valoir que le Tribunal n’a pas appliqué de façon claire la règle de l’interdépendance. En effet, il aurait à tort omis de relever que le prétendu faible degré de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée était compensé par le degré élevé de similitude entre les produits concernés ainsi que par le fort pouvoir distinctif de la marque antérieure.
49 Par la dernière branche du troisième moyen, Vedial soutient que le Tribunal a, à tort, au point 62 de l’arrêt attaqué, limité le public concerné au «public ciblé», c’est-à-dire uniquement aux consommateurs susceptibles d’acquérir les produits marqués. Selon Vedial, le public à prendre en considération pour apprécier le risque de confusion est constitué de toutes les personnes susceptibles d’être confrontées à la marque.
50 L’OHMI conclut au rejet du troisième moyen comme n’étant fondé en aucune de ses branches.
Appréciation de la Cour
51 Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude de la marque demandée et de la marque antérieure et une identité ou une similitude des produits ou services visés dans la demande d’enregistrement et de ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir, en ce sens, s’agissant des dispositions identiques de l’article 4,
paragraphe 1, sous b], de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 22].
52 Contrairement à ce que prétend Vedial, le Tribunal ne s’est pas contenté de relever les différences visuelle, phonétique et conceptuelle entre la marque antérieure et la marque demandée pour écarter l’existence d’un risque de confusion.
53 Après avoir procédé, aux points 48 à 59 de l’arrêt attaqué, à l’analyse comparative des deux marques sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, le Tribunal est parvenu à la conclusion, rappelée au point 65 du même arrêt, que ces marques ne pouvaient aucunement être considérées comme identiques ou similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.
54 Ayant constaté l’absence de toute similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, le Tribunal a à juste titre conclu à l’absence de tout risque de confusion, quels que soient la notoriété de la marque antérieure ou le degré d’identité ou de similitude des produits ou services concernés.
55 Partant, le troisième moyen du pourvoi apparaît inopérant en chacune de ses branches et doit être rejeté.
56 Il y a donc lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
57 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de Vedial et celle-ci ayant succombé en son pourvoi, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Vedial SA est condamnée aux dépens.
Signatures.
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* Langue de procédure: le français.