ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
9 novembre 2004 (*)
« Fonctionnaires – Concours général – Questions à choix multiples – Exactitude des réponses du formulaire de correction – Contrôle juridictionnel – Limites »
Dans les affaires jointes T-285/02 et T-395/02,
Eva Vega Rodríguez, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée, dans l'affaire T‑285/02, par M^e J. Iturriagagoitia Bassas et, dans l'affaire T‑395/02, par M^es Iturriagagoitia Bassas et K. Delvolvé, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, à titre principal, des demandes d'annulation de la décision du jury du concours COM/A/10/01 attribuant à la requérante une note éliminatoire et un nombre de points insuffisant pour poursuivre le concours et de la décision portant rejet de sa réclamation et, à titre subsidiaire, des demandes de dommages‑intérêts,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et N. J. Forwood, juges,
greffier : M. I. Natsinas, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 29 juin 2004,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 28 août 2001, la Commission a publié l’avis de concours général COM/A/10/01, organisé en vue de la constitution d’une réserve de recrutement pour des administrateurs (carrière A 7/A 6) dans le domaine du droit (JO 2001, C 240 A, p. 21) (ci‑après l’« avis de concours »).
2 Selon le titre V de cet avis, les tests de présélection comprennent quatre épreuves, a), b), c) et d). Aux termes du dernier alinéa du titre V de cet avis, « [p]our chaque test, toute note inférieure au minimum requis est éliminatoire ». Le titre V, sous a), de cet avis précise que le minimum requis pour le test a) est de 20 points.
3 Selon le titre VI, point A, premier alinéa, de cet avis, les candidats qui auront obtenu les 400 meilleures notes lors des tests de présélection seront invités à déposer un dossier de candidature et, en cas de conformité de celui‑ci avec l’avis de concours, à participer à l’épreuve écrite.
4 La requérante a été admise à participer aux tests de présélection du concours.
5 Par lettre du 2 mai 2002, la requérante a été informée de son échec aux tests de présélection en raison de la note éliminatoire obtenue au test a), à savoir 19/40.
6 Par lettre du 14 mai 2002, à la suite de la demande de la requérante en ce sens, le président du jury a fait savoir à la requérante que ses résultats avaient été vérifiés et que la note du test a) précédemment communiquée était correcte. À cette occasion, il lui a également été communiqué le formulaire de correction des tests.
7 Par lettre du 24 mai 2002, la requérante a allégué que le formulaire de correction contenait deux erreurs dans les réponses aux questions 15 et 21 du test a) et que ses propres réponses à ces questions étaient en réalité correctes. En conséquence, elle estimait que sa note à ce test devait être de 21/40. Par ailleurs, elle signalait que la réponse à la question 9 du test c) dans le formulaire de correction était également erronée.
8 Par lettre du 3 juin 2002, la requérante a formellement introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes à l’encontre de la décision du président du jury.
9 Par lettre du 25 juin 2002, le président du jury a informé la requérante qu’il considérait que les réponses aux questions 15 et 21 du test a) et 9 du test c) figurant dans le formulaire de correction étaient correctes. En conséquence, il a maintenu sa décision en précisant que celle‑ci était désormais définitive.
10 Dans une note complémentaire du 5 juillet 2002, la requérante a demandé l’annulation des actes la concernant, l’annulation du concours dans son ensemble ainsi que l’indemnisation du préjudice matériel et moral subi du fait des erreurs manifestes de correction lors des épreuves de présélection.
11 Par décision du 27 septembre 2002, en réponse à la réclamation introduite le 3 juin 2002, l’administration a considéré ne pas disposer du pouvoir d’annuler ou de modifier une décision prise par un jury de concours. L’administration a toutefois considéré que les réponses en cause du formulaire de correction étaient correctes. En conséquence, elle a rejeté la réclamation introduite par la requérante.
Procédure et conclusions des parties
12 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 20 septembre 2002 et le 27 décembre 2002, la requérante a introduit les présents recours enregistrés respectivement sous les numéros T‑285/02 et T‑395/02.
13 Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 5 mars 2003, les affaires T‑285/02 et T‑395/02 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.
14 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la Commission à étayer sa thèse relative au caractère inopérant de l’argumentation de la requérante, notamment en produisant les notations obtenues par les candidats au concours ayant été classés entre la 400^e meilleure place et la place de la requérante à l’issue des tests de présélection (ci‑après le « classement des candidats exclus »). La Commission a produit
les informations requises huit jours après le délai qui lui avait été fixé. Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal, la réponse de la Commission a été admise au dossier. À la suite de l’invitation en ce sens du Tribunal, la requérante a déposé ses observations sur cette réponse dans les délais fixés. Le Tribunal a également demandé à la Commission de produire des statistiques sur le taux de réponses choisies par les candidats aux questions des tests de présélection. La
Commission a fourni ces informations dans les délais fixés et la requérante a pu apporter ses observations sur celles‑ci.
15 Au stade de la réplique, la requérante conclut désormais à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer les recours recevables ;
– annuler la décision du 27 septembre 2002 ;
– à titre subsidiaire, annuler la décision du 25 juin 2002 ;
– à titre subsidiaire, lui accorder une indemnité pour le préjudice subi s’élevant à 72 292,36 euros, majorés des intérêts moratoires au taux légal ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
Sur la recevabilité
17 La Commission considère que le recours dans l’affaire T‑285/02 est tardif et donc irrecevable dès lors qu’il vise ou aurait dû viser la décision du jury du 2 mai 2002.
18 Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, c’est la décision prise par un jury de concours après réexamen de la situation du candidat qui constitue l’acte faisant grief à ce dernier. C’est également cette décision, prise après réexamen, qui fait courir le délai de réclamation et de recours, sans qu’il y ait lieu de vérifier si, dans une telle situation, ladite décision peut éventuellement être considérée comme un acte purement confirmatif (arrêt du Tribunal du 23 janvier
2002, Gonçalves/Parlement, T‑386/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑55, point 39, et la jurisprudence citée).
19 En l’espèce, le Tribunal constate, en premier lieu, que, dans sa décision du 25 juin 2002, le président du jury du concours a précisé qu’il avait « examiné avec attention le contenu de [l]a lettre du 24 mai 2002 se référant à certaines réponses des tests de présélection » et a conclu : « [L]e jury maintient sa décision qui est définitive. » Le Tribunal constate, en second lieu, que, dans cette décision du 25 juin 2002, l’examen particulier par le jury des réponses aux questions 15 et 21 du
test a) et 9 du test c) a répondu à la demande de la requérante du 24 mai 2002 fondée sur le formulaire officiel de correction qui lui avait été communiqué le 14 mai 2002 avec le résultat du premier réexamen effectué par le jury. Dès lors, la décision du 25 juin 2002, qui s’appuie sur un élément nouveau, est le résultat d’un nouveau réexamen de la part du jury (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 juin 2001, Buisson/Commission, T‑243/99, RecFP p. I‑A‑131 et II‑601, points 31 à 33). Il en
résulte que l’acte faisant grief à la requérante est la décision du président du jury du 25 juin 2002.
20 Le recours ayant été introduit le 20 septembre 2002, soit dans les trois mois à compter de l’acte faisant grief, délais statutaires retenus même en cas de saisine directe du juge communautaire, le recours n’est pas tardif (arrêt Buisson/Commission, point 19 supra, points 34 et 35).
21 La Commission avance que le moyen unique soulevé par la requérante dans les deux affaires est inopérant. À supposer que la requérante ait obtenu les points attribués aux questions litigieuses, elle obtiendrait dans tous les cas un résultat largement inférieur à ceux des 400 meilleurs candidats aux tests de présélection et ne pourrait donc en aucun cas prétendre accéder à l’épreuve écrite.
22 Le Tribunal estime que la Commission met ainsi en cause l’intérêt à agir de la requérante dans les deux affaires.
23 La requérante conteste la recevabilité du document demandé à cet égard par le Tribunal à la Commission, à savoir le classement des candidats exclus, en raison du fait que cette dernière l’a communiqué après le délai qui lui avait été fixé.
24 Le Tribunal constate, à cet égard, que le retard apporté par la Commission dans le dépôt du document demandé au titre des mesures d’organisation de la procédure ne peut emporter l’irrecevabilité de ce document. D’une part, ce document concerne les conditions de recevabilité du recours. Ces conditions doivent être examinées, éventuellement d’office, à tout moment, par le juge communautaire (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T‑34/91, Rec.
p. II‑1723, point 19, et du 13 décembre 1996, Lebedef/Commission, T‑128/96, RecFP p. I‑A‑629 et II‑1679, point 25). D’autre part, en cas d’inexécution par la Commission, le Tribunal aurait été en droit d’exiger la production du document demandé en vertu de l’article 65 de son règlement de procédure. Dès lors, les délais de production de ce document ne sauraient être des délais de forclusion.
25 Le Tribunal considère que la requérante serait dépourvue d’intérêt à agir en annulation de la décision lui attribuant une note éliminatoire et un nombre de points ne lui permettant pas d’être retenue pour la suite du concours s’il s’avérait que, même en supposant qu’elle ait répondu correctement aux questions litigieuses, elle n’aurait pu être retenue pour la suite du concours.
26 Il ressort du classement des candidats exclus que, quel que soit le mode de calcul adopté en cas de succès des présents recours, la requérante n’atteindrait pas le nombre de points attribués au dernier candidat retenu. Toutefois, cette circonstance ne suffit pas à établir que la requérante ne pouvait pas être retenue pour la suite du concours. En effet, la requérante ne serait plus écartée de la suite du concours du fait d’une note éliminatoire au test a). Dans l’hypothèse où la
rectification par l’administration des réponses du formulaire de correction aux questions litigieuses permettrait à la requérante d’obtenir les points correspondants et, en théorie, de les faire perdre à tous les autres candidats, il ressort du classement des candidats exclus que seuls 66 candidats n’obtenant pas de note éliminatoire sépareraient alors la requérante du dernier des candidats actuellement sélectionnés. Il ne peut être totalement exclu que, parmi ces derniers, plus de 66 candidats
obtiendraient une note éliminatoire du fait de la rectification de sorte que la requérante serait sélectionnée.
27 Il en résulte que l’absence d’intérêt à agir de la requérante ne peut être établie avec certitude et qu’il convient donc de déclarer recevables ses recours.
Sur le fond
Sur les demandes en annulation
Arguments des parties
28 Dans le cadre de son exposé des faits dans l’affaire T‑285/02, la requérante considère que, « au stade actuel », seule la question 21 du test a) est litigieuse. Dans l’affaire T‑395/02, seules cette question et la question 9 du test c) le seraient.
29 En s’appuyant sur le texte de l’article 2, paragraphe 1, du protocole n° 2 intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé par le traité d’Amsterdam au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne (ci-après le « protocole n° 2 ») (JO 1997, C 340, p. 93), la requérante fait valoir que la réponse a) à la question 21 du test a) est correcte. En revanche, la réponse c), considérée comme correcte par le jury du concours et par
l’administration, serait erronée.
30 S’agissant de la question 9 du test c), la requérante fait valoir que la réponse d) est correcte et que, en revanche, la réponse b), considérée comme correcte par le jury du concours et par l’administration, est erronée.
31 Étant donné que les décisions du 25 juin et du 27 septembre 2002 sont fondées, selon la requérante, sur des erreurs manifestes, elles doivent, en conséquence, être annulées. Contrairement à ce qu’avance la Commission, le litige ne résulterait pas d’une simple divergence d’interprétation mais d’une erreur manifeste du jury. Il appartiendrait au juge communautaire d’analyser les erreurs commises sous peine de méconnaître sa mission et de commettre un déni de justice.
32 La requérante considère en outre que l’irrégularité matérielle de correction constitue un détournement de pouvoir, car la décision prise par l’administration n’est pas conforme aux pouvoirs qui lui ont été conférés à cet égard.
33 La Commission estime que les recours sont non fondés. Le jury serait seul habilité à choisir les épreuves et ensuite à évaluer les prestations des candidats. À cet égard, le juge communautaire se limiterait à contrôler l’absence de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Carrer/Cour de justice, T‑170/95, RecFP p. I‑A‑363 et II‑1071, points 49 et 50). La longueur de l’argumentation de la requérante s’agissant des questions
litigieuses démontrerait qu’il existe tout au plus une divergence d’interprétation et non une erreur manifeste d’appréciation.
34 En ce qui concerne le détournement de pouvoir, la Commission avance que la requérante n’a fourni aucun indice de ce que le jury aurait poursuivi un but autre que celui consistant à opérer la sélection qui était l’objet même du concours.
Appréciation du Tribunal
35 Selon une jurisprudence constante, le jury d’un concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d’un concours. Il n’appartient au juge communautaire de censurer ce contenu qu’au cas où celui‑ci sort du cadre indiqué dans l’avis de concours ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve du concours (arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 22, et
arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 37).
36 Dans le cadre d’épreuves constituées par des questions à choix multiples (QCM), il n’appartient pas au Tribunal de substituer sa propre correction à celle du jury de concours. Il ne conviendrait de censurer une question, éventuellement au vu des réponses proposées pour celle-ci, que s’il apparaissait que cette question était manifestement inappropriée au regard de la finalité du concours en cause. Tel serait notamment le cas s’il résultait des explications du jury du concours que les
différentes réponses proposées pour une question ne permettaient pas de déterminer la seule réponse correcte, contrairement aux instructions particulières en ce sens données aux candidats (voir les instructions aux candidats du concours COM/A/10/01, « Remarques importantes », p. 3). À cet égard, la grande difficulté d’une question ne peut pas constituer un indice du caractère inapproprié d’une question. En effet, le jury du concours est habilité à choisir des questions s’inscrivant dans une large
échelle de difficultés afin d’assurer la finalité première d’un concours, à savoir assurer le recrutement des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence.
37 La question 21 du test a) était formulée ainsi :
« Comment ont été intégrées les dispositions et décisions qui constituent l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne ?
a) en vertu du protocole n° 2 annexé au traité d’Amsterdam, tous les éléments de l’acquis de Schengen sont désormais considérés comme actes fondés sur le titre VI du traité sur l’Union européenne ;
b) depuis le 1^er mai 1999, tous les éléments de l’acquis de Schengen font partie intégrante de la législation de la Communauté européenne ;
c) par décision du 20 mai 1999, le Conseil a déterminé pour chaque élément de l’acquis de Schengen la base juridique appropriée dans les traités ;
d) entre avril et juillet 1999, le Conseil a adopté une série de mesures remplaçant les différents éléments de l’acquis de Schengen. »
38 La requérante prétend que la décision 1999/436/CE du Conseil, du 20 mai 1999, déterminant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l’acquis de Schengen (JO L 176, p. 17), se limite à déterminer les bases juridiques de chacune des dispositions ou décisions constituant cet acquis. La question porterait clairement sur l’« intégration » de
l’acquis de Schengen. Or, c’est le protocole n° 2 qui opérerait cette intégration alors que la décision 1999/436 ne ferait que spécifier les bases juridiques de chacune des dispositions de cet acquis. Une opinion contraire reviendrait à vider ledit protocole de sa portée juridique.
39 Il convient de remarquer, en premier lieu, que la question 21 du test a) s’inscrit parfaitement dans la finalité de ce test visant à évaluer les connaissances spécifiques du candidat en rapport avec les fonctions d’administrateur dans le domaine du droit auxquelles sont destinés les lauréats du concours COM/A/10/01 [avis de concours, titres II et V, sous a)]. En effet, la question porte manifestement sur le domaine juridique et, en particulier, sur le droit de l’Union européenne.
40 En second lieu, la réponse du formulaire de correction n’apparaît pas manifestement inappropriée. Dans les décisions attaquées, le jury du concours a mis en exergue les indices contenus dans la question 21 du test a) qui permettaient aux candidats de trancher entre la réponse a) et la réponse c). Ainsi, selon le jury, la réponse a) devait être éliminée compte tenu du fait que la décision du 20 mai 1999 a déterminé d’autres bases juridiques que le titre VI du traité sur l’Union européenne, ce
qui est manifestement incompatible avec la formulation de la réponse a). Au vu des explications du jury, il n’apparaît pas manifestement impossible de déterminer la seule réponse correcte.
41 La question 9 du test c) était formulée ainsi :
« Les relations entre les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP) et l’Union européenne sont régies par :
a) la convention de Yaoundé,
b) l’accord de Cotonou,
c) l’accord de Samoa,
d) la convention de Lomé. »
42 La requérante avance que, selon l’administration, les termes imprécis de la question, à savoir « sont régies », font que la bonne réponse est l’accord de Cotonou dans la mesure où, bien qu’il ne soit pas encore entré en vigueur, il est applicable sur une base transitoire. Or, selon le droit international public, en particulier l’article 24 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, un traité international non encore ratifié n’existerait pas en droit. Toute
interprétation de la Commission fondée sur une analyse politique contraire au droit international devrait donc être écartée. En toute hypothèse, l’aveu de l’administration en ce qui concerne le caractère imprécis de la question justifierait en soi une neutralisation de la question.
43 En premier lieu, il convient de constater que la question 9 du test c) poursuit manifestement la finalité de ce test portant sur les principaux développements de l’unification européenne et des différentes politiques communautaires [avis de concours, titre V, sous c)]. En effet, les relations entre l’Union européenne et les États ACP constituent un aspect essentiel de la politique internationale de l’Union.
44 En deuxième lieu, la réponse du formulaire de correction n’apparaît pas manifestement inappropriée. Le jury du concours a expliqué que l’accord de Cotonou régissait les relations entre l’Union et les États ACP en raison du fait que cet accord est applicable sur une base volontaire transitoire. Au vu des explications du jury, il n’apparaît pas manifestement impossible de déterminer la seule réponse correcte. S’agissant de la critique de ces explications par la requérante, fondées sur le fait
que le jury a justifié la réponse du formulaire de correction en considération du caractère imprécis des termes « sont régies » de la question litigieuse, cette justification est parfaitement cohérente avec les explications de ce dernier selon lesquelles aucun des traités proposés en réponse n’était en vigueur au moment du concours. Cette dernière circonstance obligeait le jury à formuler sa question de manière large. Contrairement à ce qu’avance la requérante, la question n’était pas en elle‑même
imprécise, mais visait à laisser ouverte la question de savoir si les actes visés étaient juridiquement contraignants.
45 Il résulte de ce qui précède que les questions litigieuses n’apparaissent pas manifestement inappropriées au regard de l’avis de concours, mais s’inscrivent au contraire dans la finalité de l’épreuve du concours. Dès lors, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté.
46 En dernier lieu, il convient de constater que la requérante n’a avancé aucun indice autre que le caractère incorrect des réponses aux questions litigieuses pour soutenir son moyen tiré d’un détournement de pouvoir. L’examen de ces questions n’ayant révélé aucune irrégularité, le présent moyen doit être rejeté.
47 En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes en annulation.
Sur la demande en indemnité
48 La requérante estime avoir subi un préjudice considérable constitué par la différence entre sa rémunération actuelle et celle qu’elle aurait pu obtenir en tant que fonctionnaire de grade A 7. Elle considère, en outre, que le préjudice subi est anormal et spécial.
49 Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30, et arrêt du Tribunal du 17 juillet 2003, Wagemann‑Reuter/Cour
des comptes, T‑81/02, RecFP p. II‑933, point 40).
50 Il ressort de l’examen des conclusions en annulation que la Commission n’a commis aucune irrégularité susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de la requérante. Pour autant que la requérante invoque un préjudice spécial et anormal, généralement allégué en cas de responsabilité sans faute, il suffit de constater que la perte de la rémunération espérée est uniquement due à l’insuffisance des résultats de la requérante au concours et n’est donc pas imputable à la Communauté.
51 En conséquence, tant la condition relative à l’existence d’un comportement illégal de la part de la Commission que celle relative à l’existence d’un lien de causalité faisant défaut, il y a lieu de rejeter les demandes en indemnité.
52 Dès lors, les recours doivent être rejetés dans leur intégralité.
Sur les dépens
53 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles‑ci. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Pirrung Meij Forwood
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2004.
Le greffier Le président
H. Jung J. Pirrung
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* Langue de procédure : le français.