ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
16 février 2005
Affaire T-284/03
Rosalinda Aycinena
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonctionnaires – Nomination au grade supérieur de la carrière – Classement en échelon »
Texte complet en langue française ……………………………………….II - 0000
Objet: Recours ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de fixer le classement définitif de la requérante, lors de sa nomination, au grade LA 6, échelon 1.
Décision: Le recours est rejeté. La défenderesse est condamnée aux dépens.
Sommaire
1. Fonctionnaires – Recrutement – Décision portant classement en grade et en échelon – Obligation de motivation – Portée – Motivation insuffisante – Régularisation au cours de la procédure contentieuse
(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2, et 31, § 2)
2. Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade et classement en échelon – Nomination au grade supérieur de la carrière après prise en compte des qualifications et de l'expérience professionnelle – Refus d'une bonification d'échelon au même titre dans le grade supérieur – Violation du principe d'égalité de traitement – Absence – Pouvoir discrétionnaire de l'autorité investie du pouvoir de nomination – Contrôle juridictionnel – Limites
(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2, et 32, alinéa 2)
1. L'obligation de motivation d'une décision de classement en grade et en échelon lors du recrutement peut être utilement remplie au stade de la décision statuant sur la réclamation et il y est satisfait lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à son égard, sans qu'elle ait à faire état de l'appréciation comparative à laquelle elle s'est livrée.
Par ailleurs, une motivation qui peut apparaître insuffisante ne l'est pas forcément si on la lit à la lumière du contexte dans lequel la décision a été adoptée, par exemple l'organisation d'une réunion à laquelle a participé l'intéressé.
Enfin, en cas d'insuffisance de motivation, des précisions complémentaires peuvent être apportées devant le Tribunal en cours d'instance.
(voir points 33 et 37 à 39)
Référence à : Cour 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, Rec. p. I‑7597, point 29 ; Tribunal 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 26 ; Tribunal 17 mai 1995, Benecos/Commission, T‑16/94, RecFP p. I‑A‑103 et II‑335, point 36 ; Tribunal 16 octobre 1996, Benecos/Commission, T‑37/94, RecFP p. I‑A‑461 et II‑1301, points 39 à 46 ; Tribunal 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T‑71/96, RecFP p. I‑A‑339 et II‑921, points 79 à 84 ; Tribunal 27 avril 1999,
Thinus/Commission, T‑283/97, RecFP p. I‑A‑69 et II‑353, point 77, et la jurisprudence citée ; Tribunal 26 janvier 2000, Gouloussis/Commission, T‑86/98, RecFP p. I‑A‑5 et II‑23, points 73 à 77 ; Tribunal 14 juin 2001, McAuley/Conseil, T‑230/99, RecFP p. I‑A‑127 et II‑583, point 52, et la jurisprudence citée ; Tribunal 17 décembre 2003, Chauwdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1619, point 121
2. Lorsqu'un fonctionnaire est nommé, dès son recrutement, au grade supérieur de la carrière, l'autorité investie du pouvoir de nomination ayant fait usage de la faculté que lui confère l'article 31, paragraphe 2, du statut, l'intéressé ne saurait, s'agissant de son classement en échelon, invoquer une violation du principe d'égalité de traitement tenant à ce que sa formation et son expérience professionnelle spécifique n'auraient pas été prises en compte, puisque c'est précisément parce
qu'elles ont été retenues qu'il a bénéficié d'un classement en grade dérogatoire.
Par ailleurs, et en tout état de cause, l'autorité investie du pouvoir de nomination jouit d'un large pouvoir discrétionnaire, dans le cadre fixé par l'article 31 et l'article 32, deuxième alinéa, du statut, pour apprécier les expériences professionnelles antérieures d'une personne recrutée comme fonctionnaire, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu'elles peuvent présenter avec les exigences de l'emploi à pourvoir.
Dans ce contexte, le juge communautaire, qui n'a pas à substituer son appréciation à celle de l'autorité investie du pouvoir de nomination, doit se limiter à vérifier qu'il n'y a pas eu violation des formes substantielles, que ladite autorité n'a pas fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets, que la décision n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir, d'une erreur de droit ou d'une insuffisance de motivation et que l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas usé
de son pouvoir de manière manifestement erronée.
(voir points 69 à 73)
Référence à : Cour 5 octobre 1988, Szy‑Tarrisse et Feyaerts/Commission, 314/86 et 315/86, Rec. p. 6013, point 26 ; Cour 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 31 ; Tribunal 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T‑2/90, Rec. p. II‑103, point 56 ; Tribunal 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683, point 39 ; Tribunal 5 novembre 1997, Barnett/Commission, T‑12/97, RecFP p. I‑A‑313 et II‑863, point 53 ; Tribunal 6 juillet 1999,
Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 45 ; Chawdhry/Commission, précité, point 102
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
16 février 2005 (*)
« Fonctionnaires – Nomination au grade supérieur de la carrière – Classement en échelon »
Dans l'affaire T-284/03,
Rosalinda Aycinena, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par M^es J.-N. Louis, E. Marchal, A. Coolen et S. Orlandi, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M^me C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de fixer le classement définitif de la requérante, lors de sa nomination, au grade LA 6, échelon 1,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de M. M. Jaeger, président, M^me V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,
greffier : M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 20 octobre 2004,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 Conformément à l’article 5, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci‑après le « statut »), les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre sont soumis respectivement à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière.
2 L’article 31 du statut dispose :
« 1. Les candidats ainsi choisis sont nommés :
– fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique : au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,
[...]
2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-[dessus] dans les limites suivantes :
a) [...]
b) pour les autres grades, à raison :
– d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,
– de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.
[…] »
3 L’article 32, premier et deuxième alinéas, du statut prévoit :
« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.
Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade ; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades. »
4 Par décision du 1^er septembre 1983 (ci-après la « décision de 1983 »), publiée aux Informations administratives n° 420 du 21 octobre 1983, la Commission a précisé les critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement des fonctionnaires. Cette décision a été modifiée le 7 février 1996 à la suite de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I-A-227 et II-683) (ci-après l’« arrêt Alexopoulou »).
5 Conformément à l’article 2, premier alinéa, de la décision de 1983, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté. Par exception à ce principe, l’AIPN peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée
possède des qualifications exceptionnelles.
6 L’article 2, deuxième alinéa, de la décision de 1983 fixe la durée minimale d’expérience professionnelle pour le classement au premier échelon dans le grade de base de chaque carrière. Elle est de douze ans pour les grades A 5 et LA 5 et de trois ans pour les grades A 7 et LA 7. Selon le cinquième alinéa du même article, l’expérience professionnelle doit pouvoir être mise en oeuvre dans un des secteurs d’activité de la Commission.
7 Conformément à l’article 3 de la décision de 1983, pour tenir compte de l’expérience professionnelle dépassant celle indiquée à l’article 2, deuxième alinéa, l’AIPN accorde, sous réserve des maximums prévus à l’article 32 du statut, une bonification d’ancienneté d’échelon selon un tableau figurant à l’annexe II. Cette annexe fixe le rapport entre le nombre de mois de bonification et le nombre d’années d’expérience professionnelle.
8 La direction générale (DG) « Personnel et administration » a publié un guide administratif relatif au classement des nouveaux fonctionnaires et autres agents de la Commission (ci-après le « guide administratif »). Le guide administratif précise qu’il est conçu pour être un instrument d’information et de référence décrivant les règles existantes et qu’il n’est pas un document juridiquement contraignant.
9 Le guide administratif indique également que, pour trouver les meilleurs candidats et les faire bénéficier d’un grade supérieur, le comité de classement attache une importance toute particulière aux éléments suivants : niveau et pertinence des qualifications et des diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ; niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission ; durée de l’expérience professionnelle en
liaison avec le poste proposé ; pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ; particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier). Il est précisé que les critères les plus importants pour justifier le classement à un grade supérieur consistent d’abord dans le bénéfice que la Commission devrait tirer de l’expérience professionnelle du futur collaborateur et ensuite dans la durée de
cette expérience.
10 Par ailleurs, le guide administratif prévoit que, en cas de nomination au grade supérieur d’une carrière (A 6, B 4, C 4), l’échelon est déterminé en fonction de la valeur accordée aux paramètres cités dans le paragraphe précédent. À cet égard, il est mentionné que l’échelon le plus élevé susceptible d’être obtenu pour le grade A 6 est l’échelon 3.
Faits à l’origine du litige
11 La requérante est lauréate du concours COM/LA/10/99. Par décision du 19 janvier 2001, elle a été nommée fonctionnaire stagiaire et a été affectée, en tant qu’interprète, au service commun « Interprétation-conférences » à Bruxelles. Sa nomination et son classement provisoire ont été fixés au grade LA 7, échelon 1.
12 Par décision du 11 octobre 2001, elle a été titularisée dans son emploi.
13 Par décision du 17 avril 2002, dont la requérante n’a eu connaissance que le 14 octobre 2002, sa nomination et son classement au recrutement ont été fixés au grade LA 7, échelon 3.
14 Le 20 novembre 2002, la requérante a introduit une réclamation contre cette décision. Elle visait à l’obtention d’un reclassement au grade supérieur de la carrière ainsi qu’au bénéfice dans ce nouveau grade du troisième échelon.
15 La réclamation a été examinée le 15 janvier 2003 lors d’une réunion interservices, en présence de la requérante, qui a introduit une attestation complémentaire établie par un établissement américain relative à un diplôme obtenu dans cet établissement. Le comité paritaire de classement a réexaminé son dossier lors de la session des 10 et 11 mars 2003 et a conclu à la possibilité d’un reclassement au grade LA 6, échelon 1. Cet avis a été communiqué à la requérante le 13 mars 2003.
16 Par courriers électroniques des 14 et 17 mars 2003, la requérante a répondu qu’un tel reclassement n’était pas satisfaisant et a insisté sur le fait qu’elle était en droit d’obtenir un reclassement au troisième échelon, conformément aux termes de sa réclamation.
17 Par décision du 26 mars 2003, l’AIPN a fixé la nomination et le classement au recrutement au grade LA 6, échelon 1.
18 Par décision du 16 avril 2003, l’AIPN a répondu à la réclamation de la requérante, en confirmant sa nomination au grade LA 6 de la carrière, mais en rejetant ses prétentions au bénéfice du troisième échelon dans ce nouveau grade.
Procédure et conclusions des parties
19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2003, la requérante a introduit le présent recours.
20 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la défenderesse à produire les classements en échelon des fonctionnaires nommés lors du recrutement aux grades A 6 et LA 6 depuis le 5 octobre 1995. La défenderesse a déféré à cette demande dans le délai imparti.
21 Le 20 octobre 2004, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
22 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision de reclasser la requérante au grade LA 6, échelon 1 ;
– condamner la défenderesse aux dépens.
23 La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
Sur la demande en annulation
24 À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le second moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 32, deuxième alinéa, du statut, ainsi que de la violation des principes de vocation à la carrière, d’égalité de traitement et de non-discrimination.
Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation
Arguments des parties
25 La requérante allègue que la décision attaquée est entachée d’une absence totale de motivation.
26 Elle relève que, dans la réponse à la réclamation, l’AIPN n’a pas expliqué pourquoi l’expérience professionnelle de plus de douze années d’un fonctionnaire nommé au grade LA 5 pourrait conduire à une bonification alors que tel n’était pas le cas de sa propre expérience professionnelle pourtant supérieure à 19 années.
27 La motivation de l’AIPN devrait être d’autant plus détaillée que les décisions déterminant les critères de classement ne précisent pas la durée de l’expérience professionnelle pouvant être prise en compte en vue de la fixation de l’échelon de classement pour ce qui est du grade LA 6.
28 La défenderesse rappelle que le seul argument avancé par la requérante dans sa réclamation était une comparaison avec la règle applicable au classement d’un fonctionnaire recruté au grade LA 5. Elle fait valoir que cet argument a été réfuté par la réponse à la réclamation. La requérante aurait dès lors bénéficié d’une motivation appropriée.
29 Elle relève, par ailleurs, que l’AIPN a informé l’intéressée que c’est à la suite de la réunion interservices et de l’attestation complémentaire produite qu’elle a estimé pouvoir la classer au grade LA 6, échelon 1, au lieu du grade LA 7, échelon 3.
30 La défenderesse fait valoir que la nomination au grade supérieur de la carrière a été possible au vu de l’évaluation de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle de la requérante. Selon la défenderesse, « cette réévaluation avait ainsi épuisé les effets [de la formation et de l’expérience professionnelle] et l’AIPN n’a pas estimé pouvoir accorder dans le cas d’espèce une bonification supplémentaire d’ancienneté d’échelon ».
31 La défenderesse conclut dès lors au rejet du moyen tiré du défaut de motivation.
Appréciation du Tribunal
32 Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le
destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C-150/03 P, non encore publié au Recueil, points 39 et 40 ; arrêts du Tribunal du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T-10/99, RecFP p. I-A-47 et II-203, point 41, et du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I-A-19 et II-81, point 27).
33 Il convient de rappeler, en outre, qu’une décision de classement présente certaines analogies avec une décision de promotion (arrêt de la Cour du 1^er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C-155/98 P, Rec. p. I-4069, point 27). Ces analogies justifient la transposition, aux décisions portant classement en grade, des principes régissant l’obligation de motivation des décisions en matière de promotion. À cet égard, il est de jurisprudence constante, d’une part, que l’obligation peut être
utilement remplie au stade de la décision statuant sur la réclamation et, d’autre part, qu’il suffit que la motivation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure de promotion, la révélation de l’appréciation comparative que l’AIPN a effectuée, en particulier, n’étant pas exigée (voir arrêt du Tribunal du 14 juin 2001, McAuley/Conseil, T‑230/99, RecFP p. I‑A‑127 et II-583, point 52, et la jurisprudence citée). Selon cette jurisprudence, il
suffit que l’AIPN indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à son égard (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, non encore publié au Recueil, point 121).
34 En l’espèce, il y a lieu d’observer que la décision rejetant la réclamation expose notamment que, à la suite de la réclamation introduite par la requérante, son dossier a été réexaminé en mars 2003 par le comité paritaire de classement, qui a estimé que la requérante pouvait être reclassée au grade LA 6, échelon 1.
35 Ensuite, il y a lieu de constater, tout comme le fait la défenderesse, que le seul argument avancé par la requérante dans sa réclamation, tiré de la comparaison avec la règle applicable au classement d’un fonctionnaire recruté au grade LA 5, a été rejeté par l’AIPN dans la réponse à la réclamation. En effet, il y est indiqué que la requérante a été recrutée pour un emploi de la carrière LA 7/LA 6 et que, partant, les règles de classement applicables à une personne engagée au grade LA 5 ne
lui étaient pas applicables, que ce soit en matière de grade ou d’échelon.
36 Cependant, force est de constater que l’AIPN n’a pas indiqué à la requérante quels étaient les motifs justifiant selon elle le refus de lui octroyer le troisième échelon du grade supérieur de la carrière.
37 Toutefois, il convient de rappeler, d’une part, que, pour juger du caractère suffisant d’une motivation, il y a lieu de la replacer dans le contexte dans lequel s’est inscrite l’adoption de l’acte attaqué (voir arrêt du Tribunal du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I‑A-69 et II‑353, point 77, et la jurisprudence citée).
38 À cet égard, il convient de relever que la décision attaquée a été adoptée à la suite, notamment, de la réunion interservices du 15 janvier 2003, provoquée par la réclamation de la requérante et à laquelle cette dernière a assisté. Dans de telles circonstances, la motivation formelle de la décision attaquée doit être lue à la lumière du contexte ayant entouré son adoption.
39 D’autre part, et surtout, il est de jurisprudence constante que, en cas d’insuffisance de motivation, des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C-316/97 P, Rec. p. I-7597, point 29 ; arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II-201, point 26 ; du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T‑16/94, RecFP p. I‑A-103 et II-335, point 36 ; du 16 octobre 1996,
Benecos/Commission, T-37/94, RecFP p. I-A-461 et II-1301, points 39 à 46 ; du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T-71/96, RecFP p. I-A-339 et II-921, points 79 à 84, et du 26 janvier 2000, Gouloussis/Commission, T-86/98, RecFP p. I-A-5 et II-23, points 73 à 77).
40 Force est de constater que, dans la mesure où la décision était critiquable pour insuffisance de motivation, la défenderesse a, par la suite, fourni le complément de motivation nécessaire.
41 En effet, il ressort des mémoires de la défenderesse que, à la suite de la réclamation de la requérante et compte tenu de la documentation complémentaire transmise, l’AIPN a procédé à une réévaluation de tout le profil académique ainsi que de toute l’expérience professionnelle pertinente de la requérante. Au vu de cette réévaluation, il a été décidé de nommer la requérante au grade supérieur de la carrière. La défenderesse ajoute que la « réévaluation avait ainsi épuisé les effets de la
formation et de l’expérience professionnelle de la requérante et que l’AIPN n’a pas estimé pouvoir accorder dans le cas d’espèce une bonification supplémentaire d’ancienneté d’échelon ». Il s’ensuit que le motif pour lequel l’AIPN a considéré ne pas pouvoir accorder à la requérante une bonification d’ancienneté d’échelon consistait en ce que les effets de sa formation et de son expérience professionnelle avaient été épuisés pour sa nomination au grade supérieur. Ces éléments constituent par
conséquent un complément de motivation répondant aux principes posés par la jurisprudence exposée au point 39 ci-dessus.
42 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 32, deuxième alinéa, du statut, ainsi que de la violation des principes de vocation à la carrière, d’égalité de traitement et de non-discrimination
Arguments des parties
43 La requérante rappelle que, ayant été recrutée initialement au grade LA 7, elle a été reclassée après réexamen de son dossier au grade supérieur en raison du caractère exceptionnel de sa formation et de son expérience professionnelle. Toutefois, son classement aurait été fixé au premier échelon de ce grade malgré une expérience professionnelle de plus de 19 ans.
44 Dès lors, sa formation et son expérience professionnelle spécifique n’auraient fait l’objet d’aucune bonification en termes d’échelon, telle que prévue par l’article 32, deuxième alinéa, du statut.
45 La requérante fait valoir qu’il ressort du libellé de l’article 3 de la décision de 1983 que l’AIPN accorde une bonification d’ancienneté d’échelon selon le tableau figurant à l’annexe II qui détermine le rapport entre le nombre de mois de bonification et le nombre d’années d’expérience professionnelle. Ainsi, pour les grades A 7 et LA 7, au-delà de trois ans, et pour les grades A 5 et LA 5, au-delà de douze ans d’expérience professionnelle, chaque année donnerait lieu à une bonification.
46 En revanche, la décision de 1983 ne déterminerait pas dans quelle mesure l’expérience professionnelle d’un fonctionnaire de grades A 6 et LA 6 donne lieu à une bonification. La requérante ne serait dès lors pas en mesure de savoir si, et comment, les possibilités de bonification liées à son expérience ont été examinées.
47 À défaut d’avoir procédé à l’examen de ces possibilités de bonification, la décision attaquée aurait été prise en violation de l’article 32, deuxième alinéa, du statut.
48 La requérante fait valoir que l’article 32, deuxième alinéa, du statut ne distingue pas les fonctionnaires recrutés au grade de base de ceux recrutés au grade supérieur de la carrière. Conformément à l’arrêt Alexopoulou, l’AIPN ne pourrait s’interdire d’exercer son pouvoir d’appréciation en matière de classement en échelon. Selon la requérante, en adoptant la décision attaquée, l’AIPN a refusé d’accorder une bonification liée à une partie de sa formation et de son expérience professionnelle
spécifique. Ce faisant, elle n’aurait pas exercé son pouvoir d’appréciation ainsi qu’elle aurait dû le faire en application de l’article 32, deuxième alinéa, du statut.
49 La requérante rappelle que la bonification d’ancienneté d’échelon a pour but de tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique. Le critère de spécificité différerait fondamentalement de celui du caractère exceptionnel. Selon ce dernier, un fonctionnaire ne serait recruté au grade supérieur de sa carrière que lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié, ou lorsque la personne recrutée possède des
qualifications exceptionnelles.
50 Selon la requérante, l’utilisation des mêmes critères pour la bonification d’ancienneté d’échelon et pour le classement au grade supérieur n’a pas de base légale et ne se justifie pas dès lors que la nature du grade se distingue de celle de l’échelon. En effet, le grade d’un fonctionnaire déterminerait le type de fonctions qu’il sera amené à exercer alors que l’échelon ne détermine que l’ancienneté d’un fonctionnaire dans ce grade.
51 Selon la requérante, dès lors que l’AIPN tient compte d’un nombre d’années minimal pour décider d’accorder une bonification d’ancienneté d’échelon en vue de tenir compte de la spécificité de l’expérience professionnelle et de la formation des fonctionnaires recrutés aux grades A 7 et A 5, elle doit également indiquer quelle est la durée au-delà de laquelle la formation et l’expérience spécifique d’un fonctionnaire recruté au grade A 6 sont susceptibles de donner lieu à une bonification, afin
d’assurer le respect des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination lors de l’application de l’article 32, deuxième alinéa, du statut.
52 La requérante relève, en outre, que l’AIPN accorde une bonification d’ancienneté d’échelon à certains fonctionnaires nommés au grade supérieur de leur carrière sans qu’il soit possible de comprendre quels sont les critères qu’elle utilise pour garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de vocation à la carrière. En effet, l’AIPN devrait s’assurer que tous les fonctionnaires recrutés aux grades A 6 et LA 6 soient traités de la même manière. Elle affirme avoir connaissance
d’un fonctionnaire qui a été nommé au grade A 6, échelon 2, avec une expérience professionnelle d’une durée de quatorze ans et un mois et demi, et rappelle qu’elle a une expérience professionnelle de plus de 19 années qui n’a pas été prise en compte par l’AIPN.
53 La défenderesse relève, en ce qui concerne l’article 32, deuxième alinéa, du statut, que le principe énoncé dans cet article veut que le fonctionnaire recruté soit classé au premier échelon de son grade. Cette disposition accorderait à l’AIPN la possibilité de prévoir dans certaines conditions une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade. L’AIPN ne serait dès lors aucunement obligée de prévoir une telle bonification.
54 La défenderesse fait valoir que, dans le cadre de ce pouvoir discrétionnaire ainsi conféré par le statut, elle n’a édicté des règles pour la bonification d’ancienneté d’échelon que pour le grade de base de chaque carrière. Une telle approche ne saurait nullement être considérée comme une violation de l’article 32 du statut.
55 Elle rappelle que la nomination au grade supérieur de la carrière a été possible au vu de l’évaluation de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle de la requérante. Selon la défenderesse, « cette réévaluation avait ainsi épuisé les effets [de la formation et de l’expérience professionnelle] et l’AIPN n’a pas estimé pouvoir accorder dans le cas d’espèce une bonification supplémentaire d’ancienneté d’échelon ».
56 S’agissant de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, la défenderesse rappelle l’arrêt du Tribunal du 3 octobre 2002, Platte/Commission (T‑6/02, RecFP p. I-A-189 et II-973), dans lequel il a été jugé que les qualifications exceptionnelles visées par l’article 31, paragraphe 2, du statut doivent être appréciées non pas au regard de la population dans son ensemble, mais par rapport au profil moyen des lauréats de concours, qui constituent déjà une population très sévèrement
sélectionnée conformément aux exigences de l’article 27 du statut. Selon cette jurisprudence, en toute hypothèse, une expérience professionnelle déterminée ou des qualifications académiques spécifiques ne peuvent conférer à la personne qui les possède un droit à être nommée au grade supérieur de la carrière.
57 En ce qui concerne l’argument selon lequel la défenderesse n’aurait pas exercé son pouvoir d’appréciation comme il est de son devoir de le faire, en application de l’article 32, deuxième alinéa, du statut, la défenderesse relève qu’il est contredit par la requérante elle‑même quand elle reconnaît que d’autres fonctionnaires, outre leur nomination au grade supérieur de la carrière, ont pu bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon. Il s’ensuivrait que, si la requérante ne s’est pas
vu accorder un tel bénéfice, ce n’est pas faute pour l’AIPN d’avoir exercé son pouvoir d’appréciation.
58 S’agissant de l’argument de la requérante relatif à l’égalité de traitement entre les fonctionnaires recrutés au grade supérieur de la carrière et ceux recrutés au grade de base de leur carrière, la défenderesse fait observer que l’éventuelle violation du principe de non-discrimination ne saurait viser des fonctionnaires relevant de grades différents, étant donné leur situation juridique différente.
59 En ce qui concerne l’inégalité de traitement alléguée entre les fonctionnaires nommés au même grade supérieur de la carrière, la défenderesse rappelle la jurisprudence du Tribunal (arrêt Chawdhry/Commission, point 33 supra, point 102), selon laquelle l’évaluation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté ne peut pas être effectuée dans l’abstrait, mais doit se faire au regard du poste pour lequel le recrutement a eu lieu. Selon cet arrêt, la nature
casuistique de cette évaluation s’oppose à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement.
Appréciation du Tribunal
60 À titre liminaire, il convient de relever, premièrement, que l’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’AIPN la faculté de nommer un candidat au grade supérieur de sa carrière. Il est de jurisprudence constante que cette faculté doit être comprise comme une exception aux règles générales de classement (arrêt Alexopoulou/Commission, point 33 supra, point 32).
61 Il résulte, en outre, de la jurisprudence que l’AIPN n’est pas tenue d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut, même en présence d’un candidat possédant des qualifications exceptionnelles (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T-195/96, RecFP p. I-A-51 et II-117, ci-après l’« ordonnance Alexopoulou », points 36 et 38, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T-381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 56). En effet, les fonctionnaires
et agents nouvellement recrutés, même s’ils réunissent les conditions pour pouvoir être nommés au grade supérieur de la carrière, n’ont pas pour autant un droit subjectif à une telle nomination (ordonnance Alexopoulou, point 43).
62 Il convient de rappeler, deuxièmement, que l’article 32 du statut dispose que le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade. Toutefois, l’AIPN peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade. Cette bonification ne peut excéder 48 mois dans les grades autres que A 1 à A 4.
63 C’est à la lumière de ce cadre juridique qu’il convient d’examiner si la Commission a commis une illégalité en nommant en l’espèce la requérante, lauréate du concours COM/LA/10/99, pour la carrière LA 7/LA 6, provisoirement au grade LA 7, échelon 1, puis, le 17 avril 2002, au grade LA 7, échelon 3, et, enfin, à la suite de sa réclamation, au grade LA 6, échelon 1.
64 La requérante soutient, en substance, que l’AIPN, en la recrutant au grade LA 6, échelon 1, a refusé de bonifier sa formation et son expérience professionnelle en termes d’échelon, tel qu’il est prévu à l’article 32, deuxième alinéa, du statut. La requérante estime avoir droit à être nommée au grade LA 6, échelon 3.
65 À cet égard, il convient de rappeler d’abord que, par décision du 17 avril 2002, le classement de la requérante a été fixé dès son recrutement au grade LA 7, échelon 3. Il s’ensuit que, lors de l’adoption de cette décision, l’AIPN a déjà tenu compte de la formation et de l’expérience professionnelle de la requérante en lui octroyant la bonification la plus élevée qu’il est possible d’attribuer en termes d’échelon au grade de base, conformément à l’article 32 du statut.
66 Il y a lieu de relever encore que, à la suite de la réclamation introduite par la requérante, l’AIPN a fixé le classement dès le recrutement au grade LA 6, échelon 1. À cet égard, il convient de considérer que l’AIPN a estimé que la nomination au grade supérieur de la carrière avait été possible au vu de l’évaluation de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle de la requérante. Il s’ensuit que, lors du reclassement de la requérante au grade supérieur de la carrière,
l’AIPN a également tenu compte de la formation et de l’expérience professionnelle de la requérante.
67 Par ailleurs, l’argument de la requérante critiquant l’utilisation des mêmes critères pour la bonification d’ancienneté d’échelon et pour la nomination au grade supérieur doit être rejeté. À cet égard, il suffit de rappeler que le juge communautaire a eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’examiner l’utilisation des critères de la formation et de l’expérience professionnelle non seulement pour la bonification en échelon, mais aussi pour la nomination au grade supérieur de la carrière, sans
qu’il ait émis de critiques à cet égard (arrêts Wasmeier/Commission, point 61 supra, points 61 et 62, et Chawdrhy/Commission, point33 supra, point 59).
68 Enfin, la requérante allègue une violation des principes de vocation à la carrière, de non-discrimination et d’égalité de traitement entre les fonctionnaires nommés au même grade supérieur de la carrière.
69 À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que, pour la détermination du classement en échelon d’un fonctionnaire nommé dès son recrutement au grade supérieur de la carrière, à la différence du cas du fonctionnaire nommé dès son recrutement au grade de base de la carrière, les critères pertinents, à savoir la formation et l’expérience professionnelle spécifique du fonctionnaire, sont déjà entrés en ligne de compte lorsque l’AIPN a utilisé la faculté d’appliquer l’article 31,
paragraphe 2, du statut.
70 Le Tribunal a eu l’occasion de juger, dans le cadre de l’application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, que l’évaluation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté ne peut pas être effectuée dans l’abstrait, mais doit se faire au regard du poste pour lequel le recrutement a eu lieu. La nature casuistique de cette évaluation (arrêt Wasmeier/Commission, point 61 supra, point 76) s’oppose à ce que la requérante puisse utilement invoquer une
violation du principe d’égalité de traitement (arrêt Chawdhry/Commission, point 33 supra, point 102).
71 Cette jurisprudence s’applique a fortiori aux fonctionnaires nommés dès leur recrutement au grade supérieur de la carrière, en vertu de l’article 32, deuxième alinéa, du statut. En effet, dans une telle hypothèse, la formation et l’expérience professionnelle spécifique ont déjà été prises en compte pour la nomination du fonctionnaire dès son recrutement au grade supérieur de la carrière. Il s’ensuit qu’un fonctionnaire nommé dès son recrutement au grade supérieur de la carrière ne saurait
utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne sa bonification en échelon.
72 En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, en tout état de cause, selon une jurisprudence constante, l’AIPN jouit d’un large pouvoir discrétionnaire, dans le cadre fixé par l’article 31 et l’article 32, deuxième alinéa, du statut, en vue d’apprécier les expériences professionnelles antérieures d’une personne recrutée comme fonctionnaire, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elles peuvent présenter avec les exigences du poste à
pourvoir (arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, de Szy-Tarrisse et Feyaerts/Commission, 314/86 et 315/86, Rec. p. 6013, point 26, et arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T-2/90, Rec. p. II-103, point 56). Il convient, ensuite, de relever que le contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en échelon d’un fonctionnaire nommé au grade supérieur de la carrière ne saurait se substituer à l’appréciation de l’AIPN (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 juin
1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I-3009, point 31, et arrêt du Tribunal du 5 novembre 1997, Barnett/Commission, T-12/97, RecFP p. I-A-313 et II‑863, point 53).
73 Dans ces circonstances, le juge communautaire doit se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu violation des formes substantielles, si l’AIPN n’a pas fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur de droit ou d’une insuffisance de motivation (ordonnance Alexopoulou, point 39). En outre, il convient de vérifier si l’AIPN n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêts Klinke/Cour
de justice, point 72 supra, point 31 ; Barnett/Commission, point 72 supra, point 53, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T-203/97, RecFP p. I-A-129 et II‑705, point 45).
74 En l’espèce, la défenderesse fait valoir que la nomination au grade supérieur de la carrière a été possible au vu de l’évaluation de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle de la requérante. Elle fait observer que « cette réévaluation avait ainsi épuisé les effets [de la formation et de l’expérience professionnelle] » et que l’AIPN n’a pas estimé pouvoir accorder dans le cas d’espèce une bonification d’ancienneté d’échelon à la requérante. Il s’ensuit que l’AIPN a tenu
compte de la formation et de l’expérience de la requérante, qui ont permis de la nommer dès son recrutement au grade supérieur. Toutefois, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, l’AIPN a pu considérer qu’elle ne pouvait pas lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon au sein du grade supérieur de la carrière, la formation et l’expérience de la requérante ayant été épuisés par la nomination au grade supérieur.
75 Par ailleurs, la requérante n’a pas réussi à fournir d’indices factuels, même à partir du tableau des classements en échelon des fonctionnaires nommés dès leur recrutement au grade A 6/LA 6 depuis le 5 octobre 1995, produit par la défenderesse à la suite de l’invitation du Tribunal, corroborant son argument selon lequel la défenderesse aurait violé le principe d’égalité de traitement de tous les fonctionnaires nommés directement au grade supérieur A 6/LA 6 de cette carrière.
76 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la requérante n’est pas parvenue à démontrer qu’en lui octroyant un classement au grade LA 6, échelon 1, l’AIPN a usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.
77 Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté.
78 Il ressort de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
79 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, étant entendu que, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Selon l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres
dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.
80 En l’espèce, la motivation de la décision attaquée a été complétée au cours de la procédure contentieuse et il n’est pas exclu que la requérante ait été contrainte d’introduire le présent recours pour obtenir ce complément de motivation. Il s’ensuit que le comportement de la défenderesse a favorisé la naissance du litige et qu’il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La défenderesse est condamnée aux dépens.
Jaeger Tiili Czúcz
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 février 2005.
Le greffier Le président
H. Jung M. Jaeger
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* Langue de procédure : le français.