Affaire C-286/04 P
Eurocermex SA
contre
Office de l'harmonisation dans le marché intérieur
(marques, dessins et modèles) (OHMI)
«Pourvoi — Marque communautaire — Article 7, paragraphes 1, sous b), et 3, du règlement (CE) nº 40/94 — Forme tridimensionnelle d'une bouteille à goulot long dans lequel est enfichée une tranche de citron — Motif absolu de refus — Caractère distinctif»
Arrêt de la Cour (première chambre) du 30 juin 2005
Sommaire de l'arrêt
1. Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs absolus de refus — Absence de caractère distinctif du signe — Marque composée de plusieurs éléments — Possibilité pour l'autorité compétente de procéder à un examen de chacun des éléments constitutifs de la marque — Nécessité de prise en compte de la perception globale de la combinaison par le public pertinent
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 7, § 1, b))
2. Pourvoi — Moyens — Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal — Absence d'identification de l'erreur de droit invoquée — Irrecevabilité
(Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, al. 1, c))
1. Afin d'apprécier si une marque communautaire est ou non dépourvue de caractère distinctif, au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, il convient de prendre en considération l'impression d'ensemble qu'elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer que l'autorité compétente, chargée de vérifier si la marque dont l'enregistrement est demandé peut être perçue par le public comme une indication d'origine, ne peut pas procéder, dans un premier temps, à un examen
successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l'appréciation globale effectuée par ladite autorité, d'examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée.
Dans ce contexte, il convient néanmoins de se fonder sur la perception globale de cette marque par le consommateur moyen et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter ledit caractère distinctif, en déniant toute pertinence à des données, telle l'existence d'un élément de fantaisie, qui doivent être prises en considération dans cette analyse.
(cf. points 22-23, 26-27)
2. Il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.
Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour.
(cf. points 42, 49-50)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
30 juin 2005 (*)
«Pourvoi – Marque communautaire – Article 7, paragraphes 1, sous b), et 3, du règlement (CE) n° 40/94 – Forme tridimensionnelle d’une bouteille à goulot long dans lequel est enfichée une tranche de citron – Motif absolu de refus – Caractère distinctif»
Dans l’affaire C-286/04 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 29 juin 2004,
Eurocermex SA, établie à Evere (Belgique), représentée par M^e A. Bertrand, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Rassat, en qualité d’agent,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (première chambre),
composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Lenaerts, K. Schiemann, E. Juhász et M. Ilešič (rapporteur), juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Eurocermex SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière) (T‑399/02, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’«OHMI») du 21 octobre
2002 (affaire R 188/2002‑1), refusant l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme d’une bouteille à goulot long dans lequel est enfichée une tranche de citron, avec revendication des couleurs jaune et verte (ci-après la «décision litigieuse»).
Le cadre juridique
2 Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), dispose, à son article 7, intitulé «Motifs absolus de refus»:
«1. Sont refusés à l’enregistrement:
[…]
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
[…]
3. Le paragraphe 1 points b), c) et d) n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.»
Les antécédents du litige
3 Le 27 novembre 1998, la requérante, dont l’activité consiste en la commercialisation et la distribution de la bière mexicaine CORONA sur le territoire européen, a présenté, en vertu du règlement n° 40/94, une demande de marque tridimensionnelle communautaire à l’OHMI.
4 La marque dont l’enregistrement a été demandé est constituée de la forme tridimensionnelle et des couleurs d’une bouteille transparente, remplie d’un liquide jaune, à goulot long dans lequel est enfichée une tranche de citron ayant une écorce verte.
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5 Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 16, 25, 32 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
6 Par décision du 21 décembre 2001, l’examinateur de l’OHMI a rejeté la demande pour les produits «bières, eaux minérales et gazeuses, jus de fruits», relevant de la classe 32, et les services «restaurants, bars, snacks», relevant de la classe 42, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que la requérante n’avait pas rapporté la preuve que ladite marque avait acquis un caractère distinctif
après l’usage qui en a été fait.
7 Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’OHMI a annulé partiellement la décision de l’examinateur en tant que celui-ci avait rejeté la demande pour les produits «eaux minérales» relevant de la classe 32. Elle a confirmé la décision de l’examinateur pour le surplus.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
8 La requérante a introduit un recours devant le Tribunal aux fins de l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle rejetait sa demande tendant à obtenir l’enregistrement de la marque en cause pour les produits «bières, eaux gazeuses, jus de fruits» et les services «restaurants, bars, snacks».
9 Elle a fait valoir, par son premier moyen, que la marque demandée n’était pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, par son second moyen, qu’elle avait, en tout état de cause, acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.
10 Sur le premier moyen, se fondant notamment sur son arrêt du 2 juillet 2002, SAT.1/OHMI (SAT.2) (T‑323/00, Rec. p. II‑2839), le Tribunal a jugé, au point 18 de l’arrêt attaqué, que les marques dépourvues de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 «sont, notamment, celles qui, du point de vue du public pertinent, sont communément utilisées, dans le commerce, pour la présentation des produits ou des services concernés ou à l’égard desquelles il
existe, à tout le moins, des indices concrets permettant de conclure qu’elles sont susceptibles d’être utilisées de cette manière».
11 Au point 25 du même arrêt, le Tribunal a indiqué que, s’il convient, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque complexe, telle la marque demandée, de la considérer dans son ensemble, cela n’est pas incompatible avec l’examen successif des différents éléments dont ladite marque est composée.
12 S’agissant, d’une part, des produits «bières, eaux gazeuses, jus de fruits», après avoir examiné successivement, aux points 26 et 27, la bouteille représentée dans la marque demandée, au point 28, la tranche de citron et, au point 29, les couleurs utilisées, le Tribunal a conclu, au point 30 de l’arrêt attaqué, que «la marque demandée est constituée par une combinaison d’éléments dont chacun, étant susceptible d’être communément utilisé, dans le commerce, pour la présentation des produits
visés dans la demande de marque, est dépourvu de caractère distinctif par rapport à ces produits».
13 Au point 31 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que «le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits ou services concernés permet de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est également susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour la présentation de ces produits ou services (arrêt [du Tribunal SAT.1/OHMI (SAT.2), précité,] point 49)» et qu’«[u]ne telle conclusion ne saurait être infirmée
que dans l’hypothèse où des indices concrets, tels que, notamment, la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée».
14 Le Tribunal a considéré, au point 32 dudit arrêt, que de tels indices n’existaient pas au motif, notamment, que, «[c]oncernant […] la structure de la marque demandée, caractérisée par le fait que la tranche de citron est enfichée dans le goulot de la bouteille, il est difficile d’imaginer d’autres possibilités de combiner ces éléments en une seule entité tridimensionnelle» et qu’«il s’agit de la seule manière dont on peut agrémenter une boisson avec une tranche ou un quartier de citron
lorsque celle-ci est bue directement à partir du goulot de la bouteille». Le Tribunal a ajouté, aux points 33 et 34 de l’arrêt attaqué, que «des différences éventuelles entre la forme et la couleur constituant la marque demandée et la forme et la couleur d’autres bouteilles servant d’emballage aux produits concernés ne sont pas susceptibles d’affecter [la] conclusion [selon laquelle ladite marque est dépourvue de caractère distinctif]».
15 Le Tribunal a donc jugé, au point 35 de l’arrêt attaqué, que la marque demandée n’était pas apte à individualiser les produits «bières, eaux gazeuses, jus de fruits» et à les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale et, partant, qu’elle était dépourvue de caractère distinctif par rapport à ces produits.
16 S’agissant, d’autre part, des services «restaurants, bars, snacks», le Tribunal a relevé, au point 36 de l’arrêt attaqué, que ceux-ci ont pour objet, notamment, la commercialisation des produits «bières, eaux gazeuses, jus de fruits» et que la circonstance que la marque demandée est susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour la présentation de ces produits constitue un indice concret, permettant de conclure que cette marque est également susceptible d’être communément
utilisée, dans le commerce, pour la présentation desdits services et, partant, qu’elle est également dépourvue de caractère distinctif par rapport à ceux-ci.
17 Sur le second moyen, le Tribunal a considéré, aux points 50 à 54 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’établissait pas que la marque demandée avait acquis, dans toute la Communauté, un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.
Le pourvoi
18 Dans son pourvoi, au soutien duquel elle invoque deux moyens, la requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– annuler l’arrêt attaqué;
– annuler la décision litigieuse.
19 L’OHMI demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94
Sur la première branche, relative à la prise en compte de l’impression d’ensemble produite par la marque demandée
20 Par la première branche de son premier moyen, la requérante allègue que, dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, le Tribunal n’a pas analysé, comme il l’aurait dû, l’impression d’ensemble que produit cette marque, mais a adopté une approche erronée, consistant à décomposer ladite marque et à examiner séparément la forme de la bouteille, la présence du quartier de citron et les couleurs utilisées.
21 L’OHMI répond qu’il ressort des points 25 et 31 à 36 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé, pour conclure à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée pour les produits et services concernés, sur un examen de ladite marque prise dans son ensemble.
22 À cet égard, ainsi que la Cour l’a constaté à de nombreuses reprises, et comme le Tribunal l’a d’ailleurs rappelé au point 25 de l’arrêt attaqué, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Aussi, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Procter &
Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec. p. I‑5141, point 44, et du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, non encore publié au Recueil, point 20).
23 Cela ne saurait toutefois impliquer que l’autorité compétente, chargée de vérifier si la marque dont l’enregistrement est demandé peut être perçue par le public comme une indication d’origine, ne peut pas procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale effectuée par ladite autorité, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir,
notamment, arrêt Procter & Gamble/OHMI, précité, point 45).
24 En l’espèce, après avoir d’abord examiné, aux points 26 à 29 de l’arrêt attaqué, successivement la bouteille représentée dans la marque demandée, la tranche de citron et les couleurs utilisées, le Tribunal a conclu, au point 30 du même arrêt, que ladite marque est constituée par une combinaison d’éléments dont chacun est dépourvu de caractère distinctif par rapport aux produits «bières, eaux gazeuses, jus de fruits».
25 Au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que «le fait qu’une marque complexe [telle que la marque demandée] n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits ou services concernés permet de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est également susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour la présentation de ces produits ou services».
26 Ainsi que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI (C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 35), pour apprécier si une marque complexe n’est pas dépourvue de caractère distinctif, il convient de se fonder sur la perception globale de cette marque par le consommateur moyen et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère.
27 Dans cette affaire, relative à l’enregistrement du syntagme «SAT.2» en tant que marque, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal SAT.1/OHMI (SAT.2), précité, au motif que le refus d’enregistrement de ce syntagme était fondé sur ladite présomption. La Cour a en effet constaté que le Tribunal n’avait examiné l’impression d’ensemble produite par le syntagme que de façon subsidiaire, en déniant toute pertinence à des données, telle l’existence d’un élément de fantaisie, qui doivent être prises en
considération dans cette analyse (arrêt de la Cour SAT.1/OHMI, précité, point 35).
28 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à l’issue de l’examen séparé de chacun des éléments constitutifs de la marque demandée, pareillement considéré que celle-ci devait être présumée dépourvue de caractère distinctif. Toutefois, à la différence de l’appréciation qu’il avait effectuée dans l’arrêt SAT.1/OHMI (SAT.2), précité, le Tribunal a poursuivi son analyse en vérifiant de manière approfondie si ladite marque, considérée dans son ensemble, présentait ou non un tel caractère.
29 C’est ainsi qu’il a constaté, au point 32 de l’arrêt attaqué, que, «[c]oncernant, plus particulièrement, la structure de la marque demandée, caractérisée par le fait que la tranche de citron est enfichée dans le goulot de la bouteille, il est difficile d’imaginer d’autres possibilités de combiner ces éléments en une seule entité tridimensionnelle», qu’«il s’agit de la seule manière dont on peut agrémenter une boisson avec une tranche ou un quartier de citron lorsque celle-ci est bue
directement à partir du goulot de la bouteille» et que, par conséquent, «la manière dont les éléments de la présente marque complexe sont combinés n’est pas susceptible de conférer à celle-ci un caractère distinctif».
30 De même, au point 33 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que «des différences éventuelles entre la forme et la couleur constituant la marque demandée et la forme et la couleur d’autres bouteilles servant d’emballage aux produits concernés ne sont pas susceptibles d’affecter cette conclusion [quant au défaut de caractère distinctif de ladite marque]», car, «vue dans son ensemble, la marque demandée ne se différencie pas substantiellement des formes de base du conditionnement des produits
concernés, communément utilisés dans le commerce, mais elle apparaît plutôt comme une variante de ces formes».
31 Enfin, il a conclu, au point 35 dudit arrêt, que «la marque demandée, telle qu’elle est perçue par un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, n’est pas apte à individualiser les produits visés dans la demande de marque et à les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale».
32 Il s’ensuit que le Tribunal a correctement fondé son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée sur l’impression d’ensemble qui se dégage de la forme et de l’agencement des couleurs de la marque demandée, ainsi que l’exige la jurisprudence rappelée au point 22 du présent arrêt.
33 Il convient donc d’écarter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.
Sur la deuxième branche, relative à la reconnaissance du caractère distinctif de la marque demandée
34 Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient qu’il résulte de la documentation visée par la première chambre de recours de l’OHMI que la marque demandée est parfaitement à même de permettre aux consommateurs d’identifier l’origine des produits qui en sont revêtus.
35 S’agissant de la bouteille représentée dans la marque demandée, qui est celle utilisée pour le conditionnement de la bière CORONA, la requérante invoque trois arguments. Elle allègue d’abord que, hormis quelques bières mexicaines, dont les producteurs ont été condamnés en justice à ce titre, les bières commercialisées sur le marché communautaire soit utilisent des bouteilles larges et trapues à la base, avec un goulot représentant moins d’un tiers de la hauteur totale, soit, quand elles ont
une forme analogue à la bouteille représentée, ne sont en général pas transparentes. Ensuite, la forme de bouteille utilisée classiquement pour les jus de fruits ne présenterait aucune similitude avec la bouteille représentée, hormis celle d’être fabriquée en verre blanc. Enfin, le consommateur moyen ne serait pas habitué à voir utiliser des bouteilles de 33 centilitres pour la limonade, cette boisson étant offerte à la vente dans des bouteilles de 1 litre, voire 1,5 litre.
36 De surcroît, les éléments additionnels (quartier de citron et couleurs jaune et verte) associés à cette forme particulière de bouteille conféreraient en tout état de cause un caractère distinctif à la marque demandée dans son ensemble. En particulier, l’usage consistant à enficher un quartier de citron dans le goulot de la bouteille serait propre aux produits de la requérante. Seule la bière commercialisée sous la marque SOL serait présentée avec un quartier de citron dans le goulot de la
bouteille, mais il s’agirait manifestement de la reprise de la tradition de dégustation des produits de la marque CORONA.
37 Ainsi, selon la requérante, à la date à laquelle elle a déposé sa demande auprès de l’OHMI, l’association de cette forme particulière de bouteille, du quartier de citron et des couleurs jaune et verte revendiquées était spécifique à ses produits. La marque demandée permettrait donc au consommateur moyen d’identifier l’origine des produits et services qui en sont revêtus.
38 La requérante ajoute que, en tout état de cause, il ne saurait être soutenu qu’il est parfaitement habituel d’agrémenter les jus de fruits et la limonade avec un quartier de citron.
39 À titre principal, l’OHMI conclut à l’irrecevabilité de la deuxième branche du premier moyen du pourvoi.
40 D’une part, la requérante se bornerait à réitérer certaines des allégations factuelles déjà invoquées en première instance, sans formuler aucun grief concret à l’encontre de l’arrêt attaqué. Or, un tel moyen constituerait une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l’article 58 du statut de la Cour de justice, échapperait à la compétence de la Cour.
41 D’autre part, son argumentation tendrait à contester l’appréciation des faits opérée par le Tribunal. Or, celle-ci ne constituerait pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments factuels qui ont été soumis au Tribunal, une question de droit relevant, comme telle, du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. L’OHMI considère que les constatations effectuées par le Tribunal ne révèlent aucun élément qui laisserait présumer une dénaturation des faits qui lui ont été soumis. Au
demeurant, la requérante n’invoquerait nullement une telle dénaturation.
42 À cet égard, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34, et du
23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, Rec. p. I‑2803, point 76).
43 En outre, conformément aux articles 225 CE, et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi
(arrêt Mag Instrument/OHMI, précité, point 39).
44 En l’espèce, par la deuxième branche du premier moyen, la requérante se borne à affirmer que le Tribunal a à tort conclu au défaut de caractère distinctif de la marque demandée, sans préciser quelle erreur de droit il aurait commise dans l’interprétation et l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.
45 La requérante demande donc en réalité à la Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle effectuée par le Tribunal dans le cadre de son analyse du caractère distinctif de la marque demandée.
46 Aucune dénaturation des faits et éléments de preuve par le Tribunal ne pouvant être relevée en l’espèce, la deuxième branche du premier moyen doit être déclarée irrecevable pour les motifs rappelés au point 43 du présent arrêt.
Sur la troisième branche, relative à la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne les services «restaurants, bars et snacks»
47 Par la troisième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la première chambre de recours de l’OHMI ne justifie en rien les raisons pour lesquelles la marque demandée serait impropre à distinguer les services «restaurants, bars et snacks» fournis par la requérante de ceux fournis par d’autres entreprises.
48 L’OHMI répond que, s’agissant du refus d’enregistrer la marque demandée pour lesdits services, le point 36 de l’arrêt attaqué motive à suffisance de droit l’appréciation du Tribunal.
49 À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.
50 Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêts précités Bergaderm et
Goupil/Commission, point 35, ainsi que Médiateur/Lamberts, point 77).
51 En l’espèce, la requérante se borne à reproduire l’argumentation déjà présentée en première instance concernant le prétendu défaut de motivation de la décision litigieuse, sans indiquer quelle erreur de droit le Tribunal aurait commise dans l’arrêt attaqué.
52 Dès lors, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen comme étant irrecevable et, partant, de rejeter ce moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94
53 La requérante fait valoir que, au regard des pièces versées aux débats, la marque demandée a fait l’objet d’une large promotion sérieuse, constante et continue, de sorte qu’elle est parfaitement associée par le public à l’entreprise de la requérante.
54 À titre liminaire, l’OHMI demande à la Cour de déclarer irrecevables certains documents annexés à la requête au motif qu’ils n’ont été produits ni devant la première chambre de recours de l’OHMI ni devant le Tribunal.
55 Par ailleurs, l’OHMI fait valoir que la requérante se limite à résumer les mêmes allégations factuelles que celles formulées devant le Tribunal, sans invoquer aucune erreur de droit que ce dernier aurait commise dans l’arrêt attaqué, et que, partant, ce moyen échappe à la compétence de la Cour.
56 À cet égard, l’affirmation de la requérante selon laquelle il résulte des pièces versées au débat que la marque demandée a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait vise en réalité à amener la Cour à substituer sa propre appréciation des faits à celle effectuée par le Tribunal aux points 48 à 54 de l’arrêt attaqué.
57 Dès lors que la dénaturation par le Tribunal des faits ou des éléments de preuve qui lui ont été soumis n’est pas alléguée dans le cadre du présent moyen, il convient de rejeter celui-ci comme étant irrecevable pour les motifs rappelés au point 43 du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la demande de l’OHMI d’écarter des débats certains des documents annexés à la requête au motif qu’ils n’auraient été produits ni devant la première chambre de recours de l’OHMI ni devant le
Tribunal.
58 Partant, il convient de rejeter le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
59 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Eurocermex SA est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le français.