ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
15 mars 2006
Affaire T-429/03
Gregorio Valero Jordana
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonctionnaires – Nomination – Révision du classement en grade – Article 31, paragraphe 2, du statut »
Texte complet en langue française …………II - 0000
Objet : Recours ayant pour objet, à titre principal, l’annulation de la décision de la Commission du 19 décembre 2002 portant classement définitif du requérant au grade A 7, échelon 3, et l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision de la Commission du 9 septembre 2003 portant rejet de la réclamation du requérant et, à titre subsidiaire, la production de certains documents.
Décision : Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.
Sommaire
1. Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 5 et 31, § 2 ; annexe I)
2. Fonctionnaires – Recrutement – Décision portant classement en grade
(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2, et 31)
3. Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière
[Statut des fonctionnaires, art. 8, sous f), et 31, § 2]
4. Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2)
5. Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 5 et 31, § 2 ; annexe I)
6. Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 5, § 3, et 31, § 2)
1. Si l’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’autorité investie du pouvoir de nomination la faculté de nommer un candidat au grade supérieur de sa carrière, l’usage de cette faculté doit cependant être concilié avec les exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut. En conséquence, il n’est admissible de recruter au grade supérieur d’une carrière qu’à titre exceptionnel.
Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination est tenue, en présence de circonstances particulières, telles que les qualifications exceptionnelles d’un candidat, de procéder à une appréciation concrète de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut, une telle obligation s’imposant notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications
exceptionnelles et demande à bénéficier de ces dispositions. Dès lors que l’autorité investie du pouvoir de nomination a effectivement procédé à l’appréciation concrète des qualifications et de l’expérience professionnelle d’une personne au regard des critères de l’article 31 du statut, et sous réserve des conditions de classement qu’elle s’est éventuellement imposées lors de l’avis de vacance, elle peut décider librement, en tenant compte de l’intérêt du service, s’il y a lieu d’octroyer un
classement au grade supérieur.
Il s’ensuit que la décision de classement, fondée sur l’article 31, paragraphe 2, du statut, relève d’un large pouvoir d’appréciation de l’administration. Dans ces conditions, le contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en grade ne saurait se substituer à l’appréciation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Le juge communautaire doit se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu violation des formes substantielles, si ladite autorité n’a pas fondé sa décision sur des faits
matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une insuffisance de motivation.
(voir points 29 à 32 et 62)
Référence à : Cour 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 31 ; Cour 1^er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, points 32 et 33 ; Tribunal 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683, points 20 et 21 ; Tribunal 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 38 ; Tribunal 12 octobre 1998, Campoli/Commission, T‑235/97, RecFP p. I‑A‑577 et II‑1731, point 32 ; Tribunal
11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, points 53, 54 et 56 ; Tribunal 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, RecFP p. I‑A‑311 et II‑1437, point 60 ; Tribunal 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 53
2. L’obligation de motiver une décision de classement en grade peut être utilement remplie au stade de la décision statuant sur la réclamation. Il suffit que la motivation porte sur la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure et sur le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à l’égard du fonctionnaire concerné, sans que, en particulier, la révélation de l’appréciation comparative que l’autorité investie du pouvoir de
nomination a effectuée soit exigée. À cet égard, l’institution n’est pas tenue de fournir à l’intéressé des informations portant sur le classement d’autres fonctionnaires au grade supérieur de la carrière auquel il prétend, de telles données détaillées n’étant pas pertinentes pour vérifier la régularité de l’évaluation des qualifications de l’intéressé, compte tenu de la nature spécifique de cette évaluation.
(voir points 46 et 51)
Référence à : Tribunal 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 121 ; Brendel/Commission, précité, points 120, 123 et 124, et la jurisprudence citée ; Righini/Commission, précité, point 55
3. La circonstance qu’un fonctionnaire nouvellement recruté ait réussi, par le passé, les épreuves de sélection d’un ou de plusieurs concours de la fonction publique nationale, répondant à des critères de sélection différents de ceux des concours organisés par les Communautés européennes, ne révèle pas un niveau de qualification et de diplômes exceptionnel aux fins de bénéficier d’un classement au grade supérieur de la carrière.
Pareillement, la connaissance active de trois langues officielles n’est aucunement exceptionnelle par rapport aux connaissances moyennes des lauréats de concours de la fonction publique communautaire, et spécialement ceux de la catégorie A, pour lesquels est exigée, conformément à l’article 28, sous f), du statut, la connaissance approfondie d’une des langues officielles des Communautés et une connaissance satisfaisante d’une autre langue des Communautés, dans la mesure nécessaire aux fonctions que
le fonctionnaire est appelé à exercer.
(voir points 82 et 84)
4. Le fait qu’un fonctionnaire nouvellement recruté puisse se prévaloir de nombreuses années d’expérience professionnelle ne saurait, en soi, conférer à celui‑ci le droit à être nommé au grade supérieur de la carrière, même si cette expérience est d’une durée supérieure à la durée minimale, mentionnée à titre indicatif dans les directives internes de l’institution d’affectation, pour pouvoir prétendre à un classement à un tel grade.
(voir point 89)
Référence à : Tribunal 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 49 ; Wasmeier/Commission, précité, point 85
5. Un fonctionnaire nouvellement recruté ne peut pas se prévaloir, aux fins de bénéficier d’un classement au grade supérieur de la carrière, de l’existence de besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié lorsque l’avis de vacance de l’emploi pour lequel il a été recruté ne posait aucune exigence particulière et précisait que le recrutement en cause était susceptible de se faire soit au grade supérieur soit au grade de base de la carrière.
À cet égard, le fait que l’institution ait recruté un candidat externe ne saurait démontrer que le service avait des besoins spécifiques. Si tel était le cas, tout candidat externe recruté pourrait alors bénéficier d’un classement au grade supérieur de la carrière, au mépris tant des exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut que de la large marge d’appréciation dont jouit l’autorité investie du pouvoir de nomination en cette matière.
Par ailleurs, le bénéfice, à titre exceptionnel, d’un classement au grade supérieur de la carrière, en raison de l’existence de besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’une personne particulièrement qualifiée, suppose que l’expérience professionnelle acquise par l’intéressé soit effectivement très pertinente par rapport à l’emploi à pourvoir. La circonstance qu’un fonctionnaire a été recruté à l’emploi vacant en cause signifie, tout au plus, qu’il a été considéré comme le candidat
correspondant le mieux au profil recherché, ce qui lui a permis de se distinguer des autres candidats à cet emploi, mais ne suffit pas, en elle‑même, à démontrer l’existence de tels besoins spécifiques.
(voir points 94 à 96)
Référence à : Forvass/Commission, précité, points 48 et 49 ; Chawdhry/Commission, précité, point 93 ; Brendel/Commission, précité, point 113 ; Tribunal 14 juillet 2005, Pinheiro de Jesus Ferreira/Commission, T‑459/04, non publié au Recueil, point 40
6. La nature casuistique de l’évaluation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté, effectuée par l’autorité investie du pouvoir de nomination conformément à l’article 31, paragraphe 2, du statut, s’oppose, en principe, à ce qu’une violation du principe d’égalité de traitement puisse être utilement invoquée par l’intéressé.
(voir point 102)
Référence à : Chawdhry/Commission, précité, point 102 ; Brendel/Commission, précité, point 129
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
15 mars 2006 (*)
« Fonctionnaires − Nomination – Révision du classement en grade − Article 31, paragraphe 2, du statut »
Dans l’affaire T-429/03,
Gregorio Valero Jordana, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Uccle (Belgique), représenté par M^es N. Lhoëst et É. De Schietere de Lophem, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et M^me C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de M^e D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, à titre principal, l’annulation de la décision de la Commission du 19 décembre 2002, portant classement définitif du requérant au grade A 7, échelon 3, et l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision de la Commission du 9 septembre 2003, portant rejet de la réclamation du requérant et, à titre subsidiaire, la production de certains documents,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et M^me I. Wiszniewska‑Białecka, juges,
greffier : M. I. Natsinas, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 novembre 2005,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 L’article 31 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après le « statut »), dispose :
« 1. Les candidats […] sont nommés :
– fonctionnaires de la catégorie A […] : au grade de base de leur catégorie […]
2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées [au paragraphe 1 ci-dessus] dans les limites suivantes :
a) [...] ;
b) pour les autres grades [que les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison :
– d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,
– de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.
[...] »
2 Par décision du 1^er septembre 1983 relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement, publiée aux Informations administratives nº 420 du 21 octobre 1983 (ci-après la « décision du 1^er septembre 1983 »), la Commission a notamment précisé les modalités d’application de l’article 31 du statut.
3 L’article 2, premier alinéa, de la décision du 1^er septembre 1983 prévoit :
« L’autorité investie du pouvoir de nomination nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté. »
4 À la suite de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683, ci‑après l’« arrêt Alexopoulou I »), l’article 2 de la décision du 1^er septembre 1983 a été modifié par décision du 7 février 1996, de sorte qu’il précise désormais :
« Par exception à ce principe, [l’autorité investie du pouvoir de nomination] peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. »
5 L’article 4 de la décision du 1^er septembre 1983 prévoit la création d’un comité paritaire de classement, chargé de formuler des avis sur le classement à l’attention de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »). Cette dernière arrête ses décisions de classement après avis du comité.
6 Par ailleurs, la Commission a établi un document intitulé « Guide administratif » comportant des informations relatives au classement des nouveaux fonctionnaires. Ce guide énumère notamment les critères sur la base desquels l’AIPN peut décider de nommer un fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière pour laquelle il a été recruté. Ces critères sont les suivants :
« – niveau et pertinence des qualifications et diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ;
– niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission (qualité de l’expérience, niveau de responsabilité, complexité et difficultés inhérentes aux postes concernés, expérience de la gestion, responsabilités financières, etc.) ;
– durée de l’expérience professionnelle en liaison avec le poste proposé ;
– pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ;
– particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier) ».
7 Le guide administratif ajoute :
« Les critères les plus importants pour justifier le classement à un grade supérieur consistent d’abord dans le bénéfice que la Commission devrait tirer de l’expérience professionnelle du futur collaborateur affecté à tel ou tel de ses domaines d’activités et ensuite de la durée de cette expérience. En règle générale, un fonctionnaire stagiaire peut espérer être classé en A 6 […] plutôt qu’en A 7 […] s’il a acquis pendant au moins dix ans une expérience professionnelle exceptionnelle de qualité
élevée et de grande pertinence. Ce chiffre est donné à titre purement indicatif ; il ne correspond pas à une pratique systématique. »
Antécédents du litige
8 Le requérant, lauréat du concours COM/A/637, a été recruté par la Commission le 16 avril 1992 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade A 7, échelon 3, affecté à la direction générale chargée de l’environnement.
9 Le 16 janvier 1993, l’AIPN a titularisé le requérant dans son emploi en ce même grade.
10 À la suite de la décision de la Commission du 7 février 1996 précitée, modifiant l’article 2 de la décision du 1^er septembre 1983, le requérant a demandé à l’AIPN le réexamen de son classement initial. Cette demande ayant été rejetée, le requérant a introduit un recours devant le Tribunal enregistré sous la référence T‑111/97.
11 Ce recours faisant partie d’une série de recours similaires, une affaire pilote, à savoir l’affaire Gevaert/Commission enregistrée sous la référence T‑160/97, a été désignée par le Tribunal.
12 Par ordonnance du 19 août 1998 (T‑160/97, RecFP p. I‑A‑465 et II‑1363), le Tribunal a rejeté le recours dans l’affaire Gevaert/Commission comme étant irrecevable.
13 Par ordonnance du 9 février 2000, le Tribunal a rejeté le recours dans l’affaire T‑111/97 comme étant irrecevable.
14 Le 19 avril 2000, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour à l’encontre de l’ordonnance du Tribunal (affaire C‑149/00 P).
15 Par arrêt du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission (C‑389/98 P, Rec. p. I‑65), la Cour a annulé l’ordonnance du Tribunal dans l’affaire Gevaert/Commission, ce qui a amené la Commission, en raison d’un engagement de sa part en ce sens, à réexaminer la demande de reclassement d’une série de fonctionnaires, dont celle du requérant.
16 Le 22 avril 2003, la Cour a ordonné un non-lieu à statuer dans l’affaire C‑149/00 P.
17 Après avoir invité le requérant à lui communiquer les pièces ne se trouvant pas dans son dossier personnel mais que celui-ci estimait nécessaires au réexamen de son classement, l’AIPN a, par décision du 19 décembre 2002, confirmé le maintien du classement initial du requérant au grade A 7, échelon 3 (ci-après la « décision de classement »). La décision de classement précisait que, tout en reconnaissant les indéniables qualités du requérant ainsi que son expérience professionnelle antérieure à
son recrutement de près de douze années, l’AIPN n’avait pas estimé que l’ensemble des éléments du dossier constituait un « faisceau d’indices » suffisant pour considérer son profil comme étant exceptionnel.
18 Conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a introduit, le 7 avril 2003, une réclamation à l’encontre de la décision de classement.
19 Cette réclamation a reçu une réponse explicite de rejet par décision du 9 septembre 2003, notifiée au requérant le 11 septembre 2003 (ci-après la « décision portant rejet de la réclamation »). L’AIPN a considéré, en conclusion de celle-ci, que, au vu de l’ensemble des éléments analysés et compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont elle jouissait en la matière, ni le « profil académique », ni les qualifications et l’expérience professionnelle antérieures du requérant – en ce qui concerne tant
la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elles pouvaient présenter avec les exigences du poste –, ni les besoins spécifiques du service ne justifiaient la décision exceptionnelle de procéder au classement du requérant au grade supérieur de sa carrière.
20 En outre, durant l’année 2003, le requérant a demandé à plusieurs reprises la communication de divers documents qu’il considérait pertinents pour l’appréciation du bien-fondé de la décision de classement, demandes auxquelles la Commission a partiellement fait droit.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2003, le requérant a introduit le présent recours. Le 6 avril 2004, la Commission a déposé son mémoire en défense.
22 Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire en l’espèce.
23 Toutefois, en réponse à une demande motivée du requérant, introduite en application de l’article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (première chambre) a autorisé le requérant à déposer une réplique limitée à certains points spécifiques.
24 Par décision du Tribunal du 13 septembre 2004, le juge rapporteur a été affecté, avec effet le même jour, à la quatrième chambre à laquelle l’affaire a été attribuée.
25 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.
26 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 novembre 2005.
27 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours recevable ;
– annuler la décision de classement ;
– annuler, pour autant que de besoin, la décision portant rejet de la réclamation ;
– condamner la Commission aux dépens ;
– ordonner, à titre subsidiaire, la production de la liste d’aptitude des lauréats du concours COM/A/637, des décisions individuelles relatives au classement des fonctionnaires au grade A 6 à partir du 5 octobre 1995, du tableau comparatif que le comité de reclassement a dû établir pour les fonctionnaires dont la Commission a réexaminé les demandes de reclassement à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, point 15 supra, du curriculum vitae et de la fiche de classement de tous les
fonctionnaires reclassés au grade A 6 à partir du 5 octobre 1995 ou à la suite de l’arrêt Geveart/Commission, point 15 supra, le cas échéant, en préservant leur anonymat.
28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
1. Observations liminaires
29 L’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’AIPN la faculté de nommer un candidat au grade supérieur de sa carrière sans prévoir de condition particulière.
30 L’usage de cette faculté doit cependant être concilié avec les exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut. En conséquence, il n’est admissible de recruter au grade supérieur d’une carrière qu’à titre exceptionnel [arrêt de la Cour du 1^er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, points 32 et 33 (ci-après l’« arrêt Alexopoulou II »), et ordonnance du Tribunal du 12 octobre 1998, Campoli/Commission, T‑235/97, RecFP
p. I‑A‑577 et II‑1731, point 32].
31 Ainsi, selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt Alexopoulou I, l’AIPN est tenue, en présence de circonstances particulières, comme les qualifications exceptionnelles d’un candidat, de procéder à une appréciation concrète de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut, une telle obligation s’imposant notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des
qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de ces dispositions. Dès lors que l’AIPN a effectivement procédé à l’appréciation concrète des qualifications et de l’expérience professionnelle d’une personne au regard des critères de l’article 31 du statut, et sous réserve des conditions de classement qu’elle s’est éventuellement imposées lors de l’avis de vacance, elle peut décider librement, en tenant compte de l’intérêt du service, s’il y a lieu d’octroyer un classement au grade supérieur
(ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 38, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 56).
32 Il s’ensuit que la décision de classement, fondée sur l’article 31, paragraphe 2, du statut, relève d’un large pouvoir d’appréciation de l’administration. Dans le cadre du contrôle qu’il exerce en la matière, le Tribunal ne saurait substituer son appréciation à celle de l’AIPN (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 31). Le Tribunal doit donc se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu violation des formes substantielles, si l’AIPN n’a pas
fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une insuffisance de motivation (arrêts du Tribunal du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, non encore publié au Recueil, point 60, et du 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 53).
33 C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner les conclusions en annulation du requérant, formulées à titre principal.
2. Sur les conclusions en annulation, formulées à titre principal
34 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit. Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen de sa situation individuelle. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
Arguments des parties
35 Tout d’abord, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir motivé la décision de classement, en violation de l’article 25, paragraphe 2, du statut. Il fait observer que la décision de classement se borne à rappeler des règles générales qu’il ne conteste d’ailleurs pas et que le dispositif de cette décision est stéréotypé. Il ajoute que la référence dans la décision de classement à la notion de « faisceau d’indices suffisant » est subjective en ce qu’elle ne précise pas le nombre
d’« indices » requis pour pouvoir espérer un reclassement. Il affirme, en conséquence, que la décision de classement ne lui permet pas de connaître les raisons qui présidaient au refus de lui attribuer un classement en grade supérieur, pas plus qu’elle ne permet au juge communautaire d’effectuer son contrôle de légalité. En outre, le requérant souligne les refus répétés de la Commission de faire droit à ses demandes de communication de divers documents qui lui auraient permis de connaître les motifs
de la décision de classement.
36 Ensuite, le requérant soutient que la décision portant rejet de la réclamation est elle-même affectée d’une insuffisance de motivation. Selon lui, le fait, non contesté, que la Commission jouisse d’une large marge d’appréciation quant à la possibilité de classer un fonctionnaire au grade supérieur de la carrière, en vertu de l’article 31, paragraphe 2, du statut ne signifie pas que la Commission puisse ignorer l’article 25, paragraphe 2, dudit statut. De l’avis du requérant, la Commission n’a
pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait qu’il ne satisfaisait pas aux cinq critères énumérés dans la décision portant rejet de la réclamation, au vu desquels aurait pu être adoptée une décision favorable, répondant aux conditions dégagées par l’arrêt Alexopoulou I.
37 S’agissant du premier critère, à savoir le niveau et la pertinence des qualifications et des diplômes, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles les qualifications du requérant ne sont pas exceptionnelles. En particulier, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir indiqué quelle était la moyenne des lauréats de concours de la catégorie A 7/A 6 et qu’une comparaison avec les autres lauréats avait été effectuée. Au demeurant, il relève que, dans une lettre que la
Commission lui a adressée le 28 février 2003, cette dernière a reconnu l’absence totale d’examen comparatif concernant le profil des candidats recrutés par la Commission dans la même carrière que lui.
38 Pour ce qui concerne le deuxième critère, à savoir la durée de l’expérience professionnelle, le requérant considère que l’AIPN ne pouvait pas se borner à relever, dans la décision portant rejet de la réclamation, que cette durée était tout à fait normale, dès lors que, au vu d’une expérience professionnelle de plus de douze ans, le guide administratif pouvait laisser espérer un reclassement au grade supérieur de la carrière.
39 S’agissant du troisième critère, qui concerne le niveau et la qualité de l’expérience professionnelle, le requérant fait grief à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons qui l’ont conduite à exclure des qualifications exceptionnelles.
40 En ce qui concerne le quatrième critère, à savoir la pertinence de son expérience professionnelle pour le poste à pourvoir, le requérant souligne que ce critère n’exige pas une pertinence exceptionnelle, contrairement à ce qu’estime la Commission.
41 Quant au cinquième critère, qui se rapporte à la particularité du marché de l’emploi au regard des compétences requises, le requérant allègue que la Commission n’explique pas sur quelle base elle a pu affirmer qu’elle ne rencontrait pas de difficulté particulière à recruter des juristes ayant un profil comparable au sien.
42 Enfin, le requérant relève que la Commission a méconnu l’obligation de motivation en ne répondant pas, ou en répondant de manière laconique, aux autres griefs qu’il a soulevés dans sa réclamation, en particulier en ce qui concerne le principe de non-discrimination. Il a réitéré cette critique à l’audience.
43 Après avoir rappelé la jurisprudence relative à l’obligation de motivation dans le contentieux de la fonction publique communautaire, la Commission rétorque qu’elle a largement satisfait aux exigences de motivation. Elle soutient qu’elle a examiné de manière effective la situation individuelle du requérant au regard de l’article 31, paragraphe 2, du statut et apprécié ses qualifications, en particulier au regard du poste à pourvoir. C’est d’ailleurs, selon la Commission, ce qui permettrait au
requérant d’invoquer, dans son deuxième moyen, une prétendue erreur manifeste d’appréciation.
44 La Commission indique également qu’il ressort de la jurisprudence qu’elle n’était pas tenue de fournir au requérant des données statistiques détaillées concernant le classement en grade et en échelon d’autres agents et qu’elle lui avait fourni, de toute façon, des éléments plus que suffisants pour comprendre la motivation de la décision de classement, ce qui devrait exclure de faire droit à la demande subsidiaire du requérant tendant à avoir accès à certains documents. La Commission s’oppose
en outre à l’argument tiré par le requérant de la lettre du 28 février 2003 citée au point 37 ci-dessus. En effet, cette lettre ne prouverait nullement que l’AIPN n’a pas procédé à une analyse du profil du requérant en comparant celui-ci avec celui des lauréats de concours similaires pendant la même période. Enfin, la Commission indique que l’analyse des cinq critères, effectuée dans la décision portant rejet de la réclamation, justifiait une réponse plus succincte, dans cette même décision, au
grief tiré de la violation du principe de non-discrimination invoqué dans la réclamation du requérant.
Appréciation du Tribunal
45 Selon la jurisprudence, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le
destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I-8691, points 39 et 40 ; arrêts du Tribunal du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41, et du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 27).
46 Il convient également de rappeler que, s’agissant d’une décision de classement en grade, la motivation peut être utilement remplie au stade de la décision statuant sur la réclamation et qu’il suffit qu’elle porte sur la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure et sur le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à l’égard du fonctionnaire concerné, sans que, en particulier, la révélation de l’appréciation comparative que
l’AIPN a effectuée soit exigée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 121 ; Brendel/Commission, point 32 supra, point 120, et Righini/Commission, point 32 supra, point 55).
47 En l’espèce, s’agissant de la motivation de la décision de classement, le Tribunal observe que celle-ci a indiqué, en substance, que l’AIPN avait, à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, point 15 supra, procédé à un nouvel examen du dossier du requérant à l’aune des conditions dégagées par l’arrêt Alexopoulou I. L’AIPN a ensuite précisé que le comité de classement lui avait donné son avis au regard des cinq critères, rappelés au point 6 ci-dessus. Au terme de cet exposé, l’AIPN a conclu que
l’examen auquel elle avait procédé lui avait permis de reconnaître les indéniables qualités du requérant ainsi que son expérience professionnelle antérieure à son recrutement de près de douze années, mais que l’ensemble des éléments de son dossier n’avait pas été jugé comme constituant un « faisceau d’indices » suffisant pour considérer le profil du requérant comme étant exceptionnel.
48 Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de classement n’est pas entachée d’un défaut de motivation, l’AIPN ayant, d’une part, rappelé les conditions auxquelles est subordonnée la régularité de la procédure et, d’autre part, indiqué, certes de manière laconique, que le requérant ne réunissait pas les conditions pour pouvoir prétendre obtenir un classement au grade supérieur de sa carrière. À cet égard, il convient en effet d’observer que, ainsi que le requérant l’a admis à
l’audience, la notion de « profil exceptionnel » renvoie aux deux hypothèses visées par l’article 2 de la décision du 1^er septembre 1983, tel que modifié par la décision du 7 février 1996.
49 En tout état de cause, il importe de préciser que, au stade de la décision portant rejet de la réclamation, l’AIPN a indiqué les motifs sur le fondement desquels elle a considéré ne pas pouvoir faire bénéficier le requérant, à titre exceptionnel, des dispositions de l’article 31, paragraphe 2, du statut.
50 En effet, s’agissant des critères relatifs aux qualifications exceptionnelles, l’AIPN a exposé, d’une part, que si les fonctions exercées par le requérant avant sa nomination étaient pertinentes et d’un bon niveau, il n’était cependant pas permis de considérer qu’il possédait des qualifications exceptionnelles. D’autre part, elle a indiqué que la durée de son expérience professionnelle, d’un peu plus de douze ans, était tout à fait normale. Ce faisant, elle a suffisamment indiqué les raisons
pour lesquelles elle considérait ne pas pouvoir faire droit à ce titre à la réclamation du requérant.
51 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, l’AIPN n’avait pas l’obligation de révéler l’appréciation comparative qu’elle avait effectuée ni, en particulier, celle de fournir des informations portant sur le classement d’autres fonctionnaires du grade supérieur de la carrière auquel prétend le requérant. En effet, de telles données détaillées n’étant pas pertinentes pour vérifier la régularité de l’évaluation des qualifications du requérant, compte tenu de la nature spécifique
de cette évaluation, l’AIPN n’était pas tenue de les exposer pour satisfaire à l’obligation de motiver la décision portant rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt Brendel/Commission, point 32 supra, points 120, 123 et 124, et la jurisprudence citée).
52 Quant aux critères se rapportant aux besoins spécifiques du service, l’AIPN a exposé que l’avis de vacance, comparé aux avis de vacance qu’elle établit pour des tâches spécialisées de fonctionnaires de la catégorie A, ne posait aucune exigence particulière et qu’elle ne rencontrait pas de difficultés particulières à recruter des juristes ayant un profil comparable à celui du requérant. Ces explications étaient nettement suffisantes pour permettre à ce dernier de connaître les raisons pour
lesquelles l’AIPN considérait qu’il ne satisfaisait pas aux critères de la seconde hypothèse prévue par l’article 2 de la décision du 1^er septembre 1983.
53 Il convient toutefois de souligner que l’AIPN n’a pas répondu, dans la décision portant rejet de la réclamation, aux allégations de ce dernier, formulées de manière générale dans sa réclamation, portant sur sa connaissance active ou passive de six langues officielles de l’Union européenne.
54 En effet, il y a lieu d’observer que, dans le cadre de l’appréciation du niveau et de la pertinence des qualifications et des diplômes du requérant – premier critère visant à apprécier les éventuelles qualifications exceptionnelles –, l’AIPN a uniquement examiné les diplômes et les certificats dont était titulaire le requérant au moment de son recrutement, ainsi que sa réussite à des concours de la fonction publique espagnole et diverses autres formations, pour conclure à l’absence de
caractère exceptionnel de ces qualifications et de ces diplômes.
55 Dans ses écritures, la Commission n’a pas contesté que le requérant possédait une connaissance active de l’espagnol, du français et de l’anglais, mais elle souligne que la connaissance d’une langue supplémentaire par rapport au minimum requis pour accéder aux concours généraux de la catégorie A n’a rien d’exceptionnel et ne saurait, en tout état de cause, donner au requérant le droit à un classement au grade supérieur de la carrière. La Commission indique aussi, à propos de la connaissance
passive d’autres langues, que le requérant ne l’a aucunement démontrée, le rapport de notation invoqué à cet égard dans la réplique n’étant pas un élément pertinent.
56 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exigence de motivation n’implique pas que l’AIPN soit contrainte de discuter tous les points de fait et de droit soulevés par le fonctionnaire au cours de la procédure précontentieuse (arrêts du Tribunal du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, RecFP p. I-A-87 et II-463, point 93, et du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, RecFP. p. I‑A‑69 et II-325, point 156). Or, compte tenu du contexte dans lequel s’est inscrit la décision
portant rejet de la réclamation, celle-ci étant par ailleurs valablement motivée quant aux critères pertinents, la Commission n’était pas obligée pour satisfaire à l’exigence susmentionnée de répondre à l’allégation du requérant relative à ses connaissances linguistiques.
57 Enfin, doit également être rejeté l’argument du requérant pris d’une insuffisance de motivation, au stade de la décision portant rejet de la réclamation, quant à son grief tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination.
58 En effet, il importe de souligner à cet égard que, en exposant qu’elle connaissait la situation particulière du requérant et la limite d’âge qui avait été fixée par l’avis de concours COM/A/637 dont il est lauréat, l’AIPN a simplement voulu indiquer, ainsi que la Commission l’a précisé à l’audience sans être contredite par le requérant, qu’elle avait examiné les éventuelles qualifications exceptionnelles de celui-ci par rapport au profil moyen de lauréats de concours similaires, soumis,
notamment, aux mêmes conditions.
59 Pour l’ensemble de ces motifs, le premier moyen invoqué par le requérant doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit
Arguments des parties
60 Le requérant allègue que, en ayant recours à la notion de « faisceau d’indices », la Commission aurait méconnu l’arrêt Alexopoulou I et le guide administratif, en ce qu’elle aurait, en l’espèce, appliqué de manière cumulative les deux conditions alternatives dégagées par l’arrêt précité.
61 La Commission rétorque qu’elle n’a jamais entendu appliquer de manière cumulative les conditions dégagées par l’arrêt Alexopoulou I, ainsi que cela ressort clairement de la décision portant rejet de la réclamation.
Appréciation du Tribunal
62 Si lors de la nomination d’un fonctionnaire nouvellement recruté, l’AIPN n’est pas, en règle générale, tenue d’examiner dans chaque cas s’il y a lieu d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut, toutefois, afin d’éviter que cette disposition soit privée de toute signification juridique, l’AIPN est tenue, en présence de circonstances particulières, de procéder à l’appréciation concrète d’une application éventuelle de ladite disposition (arrêts Alexopoulou I, points 20 et 21, et
Wasmeier/Commission, point 31 supra, points 53 et 54).
63 Ainsi, aux termes de l’article 2 de la décision du 1^er septembre 1983, une telle obligation s’impose lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de cette disposition (arrêt Wasmeier/Commission, point 31 supra, point 55).
64 Il résulte de ce texte et de la jurisprudence que les deux hypothèses précitées sont alternatives (arrêt Righini/Commission, point 32 supra, point 45).
65 En l’espèce, à supposer même que l’utilisation, dans la décision de classement, de l’expression « faisceau d’indices » critiquée par le requérant puisse être emprunte d’une certaine ambiguïté, il importe d’observer, d’une part, qu’elle n’a pas été réitérée dans la décision portant rejet de la réclamation et, d’autre part, qu’aucun élément concret du dossier ne laisse apparaître que la Commission a considéré de manière cumulative les deux hypothèses visées au point 63 ci-dessus.
66 Le fait que l’AIPN a apprécié de manière explicite dans la décision portant rejet de la réclamation, d’une part, les trois critères se rattachant à la première des deux hypothèses et, d’autre part, les deux critères se rapportant à la seconde participe de l’examen exhaustif de la réclamation du requérant, imposé à l’AIPN par le principe de bonne administration et par le caractère alternatif des hypothèses précitées.
67 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits dans l’examen de la situation individuelle du requérant
Arguments des parties
68 Le requérant soutient que la Commission a examiné de manière superficielle et stéréotypée sa situation individuelle tant au regard de l’hypothèse relative aux qualifications exceptionnelles qu’à celle des besoins spécifiques du service, au sens de l’arrêt Alexopoulou I.
69 Quant à la première hypothèse, le requérant allègue, en premier lieu, que la Commission a examiné de manière totalement superficielle le niveau et la pertinence de ses qualifications et de ses diplômes qui dépassaient largement les conditions requises par l’avis de vacance, puisqu’il possédait des diplômes de haut niveau et qu’il était lauréat de deux concours de la fonction publique espagnole. Il relève également que la Commission a omis de tenir compte de sa connaissance de six langues,
qu’elle soit active ou passive. En second lieu, le requérant fait grief à la Commission de ne pas avoir conclu au caractère exceptionnel de son expérience professionnelle, alors qu’il avait travaillé dans le domaine juridique pendant douze ans et sept mois et demi avant son recrutement. À l’audience, le requérant a ajouté que la limite d’âge prévue par l’avis de concours dont il est lauréat devait également être prise en considération quant au caractère exceptionnel de la durée de son expérience
professionnelle.
70 S’agissant de la seconde hypothèse, le requérant rappelle, tout d’abord, que la Commission a erronément considéré que l’expérience professionnelle devait être exceptionnelle pour satisfaire au critère de la pertinence de cette expérience pour le poste à pourvoir. De plus, la Commission aurait méconnu les objectifs tendant à favoriser la culture d’apprentissage et la mobilité qui doivent la guider dans sa politique de recrutement, mis en exergue par le document interne intitulé « Une
administration au service d’un demi-milliard d’européens ; réformes de la politique du personnel à la Commission européenne ». Ensuite, le requérant soutient que son profil professionnel était d’une rareté suffisante pour que la Commission s’attache ses services en lui accordant un classement au grade supérieur de sa carrière. À cet égard, le requérant relève que la Commission a dû pourvoir à l’emploi vacant par un recrutement externe et que, selon ses informations, les deux autres candidats ont
refusé l’offre. Enfin, le requérant précise qu’il ressort des appréciations de son ancien chef de division que la Commission avait éprouvé des difficultés à recruter un candidat valable pour le poste à pourvoir, lequel exigeait des compétences spécifiques qu’il possédait parfaitement, ainsi que cela ressort du premier rapport de notation le concernant.
71 La Commission rappelle que, en l’espèce, l’AIPN s’est limitée à procéder à une appréciation de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut, au cas individuel du requérant, à l’aune des deux conditions dégagées par l’arrêt Alexopoulou I.
72 Premièrement, s’agissant de l’hypothèse relative aux qualifications exceptionnelles, la Commission expose, tout d’abord, que c’est à juste titre que l’AIPN a considéré que le profil du requérant n’était pas exceptionnel, ses études se limitant au diplôme minimal requis pour l’accès à la catégorie A de la fonction publique communautaire et à des certificats de participation aux cours d’un mastère de droit communautaire et d’un enseignement de théorie et techniques législatives. La Commission
soutient également que la connaissance active de trois langues par le requérant, bien que supérieure au minimum requis par l’avis de concours, n’est pas exceptionnelle par rapport au niveau élevé de plurilinguisme des lauréats de concours généraux. La Commission ajoute, dans la duplique, que le fait que le requérant invoque, dans la réplique, le rapport de notation le concernant afin d’attester d’une connaissance passive de trois autres langues est inopérant, puisque, d’une part, ce rapport ne
saurait être pris en compte dans le cadre du réexamen de son classement à la date de son recrutement et, d’autre part, ces connaissances ne prouvent pas, en elles-mêmes, qu’il avait un profil exceptionnel. En outre, la Commission relève que le fait que le requérant soit lauréat de deux concours de la fonction publique espagnole ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation quant au caractère exceptionnel de ses qualifications et de ses diplômes, ces concours et ceux des
institutions communautaires visant des emplois et ayant des exigences différents.
73 Ensuite, la Commission renvoie à la décision portant rejet de la réclamation, en estimant que la qualité de l’expérience professionnelle du requérant était d’un bon niveau, mais non d’un niveau exceptionnel, en particulier par rapport à l’emploi pour lequel il a été recruté.
74 Enfin, la Commission indique que la durée de l’expérience professionnelle du requérant était normale par rapport à celle de l’expérience d’autres lauréats de procédures de sélection comparables, même si elle était supérieure à la durée minimale exigée pour un classement au grade A 6.
75 Deuxièmement, quant à l’hypothèse relative aux besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’une personne particulièrement qualifiée, la Commission souligne, d’une part, que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la pertinence de l’expérience professionnelle par rapport à l’emploi à pourvoir doit être exceptionnelle, ainsi que cela ressortirait de l’arrêt Chawdhry/Commission, point 46 supra. Or, selon la Commission, l’expérience du requérant auprès de l’organisme public
d’assurance agricole d’un ministère espagnol puis auprès d’une assemblée parlementaire espagnole n’était aucunement exceptionnelle par rapport aux tâches de conception à dominante juridique dans le domaine de la protection sanitaire afférentes à l’emploi pour lequel il a été recruté. La Commission indique également que l’avis de vacance en cause ne posait aucune exigence particulière et s’oppose à l’argument du requérant relatif à la polyvalence et à la mobilité que la Commission serait tenue de
favoriser, un argument similaire ayant été rejeté par le Tribunal dans son arrêt Wasmeier/Commission, point 31 supra.
76 D’autre part, la Commission expose que le fait qu’elle a recruté le requérant en tant que candidat externe ne démontre pas la particularité de son profil professionnel sur le marché du travail. En effet, la Commission affirme de nouveau que le profil du requérant n’était pas d’une rareté telle qu’il aurait été nécessaire qu’elle s’en attache les services en le recrutant au grade supérieur de sa carrière. En outre, le fait que, ainsi que l’avance le requérant, deux autres candidats aient
décliné l’offre d’emploi ne démontre pas non plus, selon elle, qu’elle connaissait des difficultés particulières à recruter des juristes en son sein ou parmi les lauréats du concours général que le requérant a réussi. À cet égard, la Commission ajoute que le processus de recrutement suivi pour l’emploi en cause, pour lequel au moins cinq personnes, dont le requérant, étaient candidates, montre que la Commission n’éprouvait pas de difficultés à recruter un candidat répondant aux qualifications
requises ainsi qu’aux attentes et aux besoins du service.
Appréciation du Tribunal
77 Il convient de vérifier si, en l’espèce, l’AIPN a, en refusant de classer le requérant au grade A 6 à compter de sa nomination au motif, d’une part, que celui-ci ne possédait pas de qualifications exceptionnelles et, d’autre part, que les besoins du service n’exigeaient pas le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié, commis une erreur manifeste d’appréciation.
– Sur l’hypothèse relative aux qualifications exceptionnelles de l’intéressé
78 S’agissant de cette hypothèse, la Commission a examiné si le requérant répondait aux trois premiers critères qu’elle a énumérés dans son guide administratif, à savoir le niveau et la pertinence des qualifications et diplômes de l’intéressé, le niveau et la qualité de l’expérience professionnelle et la durée de cette expérience.
79 D’une manière générale, premièrement, il convient de relever que le requérant ne conteste pas la pertinence de ces critères. À cet égard, il importe de souligner que, pour qu’un fonctionnaire puisse prétendre posséder des qualifications exceptionnelles, il doit satisfaire à chacun de ces critères se rapportant à cette hypothèse, puisque ceux-ci sont cumulatifs (arrêt Righini/Commission, point 32 supra, point 49).
80 Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du critère relatif au niveau et à la pertinence des qualifications et des diplômes, l’AIPN a exposé que le requérant possédait, lors de son recrutement, une licence en droit donnant accès à la catégorie A, qu’il avait obtenu un certificat d’assiduité à un cours de mastère des Communautés européennes ainsi qu’un certificat d’assiduité à un cours de théorie et techniques législatives et qu’il avait également suivi diverses formations. L’AIPN
a également rappelé que le requérant avait réussi deux concours de la fonction publique espagnole réservés aux titulaires de diplômes universitaires. Sur la base de ces constatations, l’AIPN a considéré que, s’agissant d’un candidat à un poste de la catégorie A, les qualifications du requérant étaient d’un bon niveau par rapport à celles de la moyenne des lauréats de concours de catégorie A 7/A 6, mais que, le niveau des diplômes des lauréats des concours de catégorie A étant élevé, les
qualifications du requérant, par rapport au profil moyen des lauréats de ces concours, n’étaient pas exceptionnelles.
81 Cette appréciation n’est pas, en soi, manifestement erronée. En effet, être titulaire du diplôme minimal donnant accès au concours de la catégorie A et de deux certificats d’assiduité, quels que soient les mérites de celui qui en est titulaire, ne révèle pas un niveau de qualification et de diplômes exceptionnel, contrairement à ce que prétend le requérant.
82 En outre, la circonstance selon laquelle le requérant a réussi les épreuves de sélection d’un ou de plusieurs concours de la fonction publique espagnole, lesquels répondent à des critères de sélection différents de ceux des concours organisés par les Communautés européennes, est dénuée de pertinence pour évaluer le niveau et la pertinence des qualifications et des diplômes du requérant en l’espèce. En effet, la réussite des épreuves de sélection d’un concours d’accès à la fonction publique
nationale n’est pas sanctionnée par un diplôme et n’est aucunement comparable à un titre. Ainsi, soit le lauréat d’un de ces concours a exercé des fonctions au sein de l’administration nationale ou régionale à la suite de ce concours et ces fonctions sont alors prises en compte par la Commission dans le cadre de l’évaluation de l’expérience professionnelle antérieure au recrutement, soit, au contraire, il n’a pas exercé les fonctions auxquelles ce concours lui donnait accès et il ne peut alors
aucunement s’en prévaloir pour prétendre, dans le cadre d’une demande de classement au grade supérieur de la carrière, qu’il possède un niveau de qualification et de diplômes exceptionnel.
83 Par ailleurs, s’agissant de la connaissance active ou passive de six langues qu’aurait le requérant, ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 53 à 56 ci-dessus, si l’AIPN n’a pas répondu spécifiquement à cet argument, pourtant soulevé, de manière générale, par le requérant dans sa réclamation, cette circonstance n’est pas de nature à établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.
84 En effet, force est de constater, d’une part, que la connaissance active de trois langues officielles n’est aucunement exceptionnelle par rapport aux connaissances moyennes des lauréats de concours de la fonction publique communautaire, et spécialement ceux de la catégorie A, pour lesquels est exigée, conformément à l’article 28, sous f), du statut, rappelé dans l’avis de concours COM/A/637, la connaissance approfondie d’une des langues officielles des Communautés et une connaissance
satisfaisante d’une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions que le fonctionnaire est appelé à exercer.
85 D’autre part, le rapport de notation concernant le requérant à l’appui duquel celui-ci invoque la connaissance passive de trois autres langues (deux langues avec un niveau de compréhension « bien » et une langue avec un niveau de compréhension « passable ») n’est pas un élément pertinent pour démontrer que, au moment de son recrutement, soit plus de trois ans avant l’établissement de ce rapport, il possédait de telles connaissances.
86 Il s’ensuit que le requérant ne saurait faire valoir que l’AIPN a considéré à tort que le niveau et la pertinence de ses qualifications et de ses diplômes n’étaient pas exceptionnels. Compte tenu du caractère cumulatif des critères se rapportant à l’hypothèse des qualifications exceptionnelles, rappelé au point 79 ci-dessus, cette appréciation suffit à écarter les prétentions du requérant relatives au caractère exceptionnel de ses qualifications.
87 À titre surabondant, quant aux critères relatifs à la durée, au niveau et à la qualité de l’expérience professionnelle, il y a lieu de relever que l’AIPN, après avoir exposé que la durée de l’expérience professionnelle du requérant était de plus de douze ans, y compris la durée de son service militaire, et l’avoir qualifiée de normale, a considéré, au regard des emplois occupés avant sa nomination, que les fonctions exercées par le requérant étaient d’un bon niveau et pertinentes et que le
requérant était opérationnel à son entrée en service, sans pour autant posséder des qualifications exceptionnelles.
88 Il y a lieu de relever, à cet égard et tout d’abord, que le requérant ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels est fondée cette appréciation.
89 Ensuite, il importe de souligner que le fait qu’une personne puisse se prévaloir de nombreuses années d’expérience professionnelle, même d’une durée supérieure à la durée minimale mentionnée à titre indicatif dans le guide administratif de la Commission pour pouvoir prétendre à un classement au grade A 6, ne saurait, en soi, conférer à celle-ci le droit à être nommée au grade supérieur de la carrière (arrêts du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et
II‑705, point 49, et Wasmeier/Commission, point 31 supra, point 85).
90 Par ailleurs, à l’argument invoqué à l’audience par le requérant selon lequel le caractère exceptionnel de la durée de son expérience professionnelle devait être apprécié eu égard à la limite d’âge imposée par l’avis de concours dont il est lauréat, il convient de répondre, d’une part, que, en soi, cette limite d’âge n’a pas eu d’incidence sur la durée de l’expérience professionnelle comptabilisée par la Commission, puisque, aux fins de l’appréciation des éventuelles qualifications
exceptionnelles du requérant, c’est l’expérience professionnelle accumulée jusqu’à la veille de son recrutement, c’est-à-dire, en l’espèce, plus de trois ans et demi après la publication de l’avis de concours, qui a été appréciée. D’autre part, ainsi que cela a été exposé au point 58 ci-dessus, la Commission a indiqué, sans être contredite par le requérant, que l’AIPN avait effectivement comparé la durée de l’expérience professionnelle du requérant à celle de l’expérience professionnelle de lauréats
de concours similaires soumis aux mêmes conditions que le requérant.
91 Il convient d’ajouter que, à supposer même que la durée de l’expérience professionnelle du requérant soit considérée comme exceptionnelle, cette appréciation ne lui donnerait toutefois pas le droit d’être classé au grade supérieur de sa carrière. En effet, il découle du large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN dans le cadre de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut que, même si un fonctionnaire nouvellement recruté réunit les conditions pour pouvoir être
classé au grade supérieur de sa carrière, celui-ci n’a pas pour autant un droit subjectif à un tel classement (arrêts Chawdhry/Commission, point 46 supra, point 44, et Brendel/Commission, point 32 supra, point 61). Cette appréciation vaut a fortiori pour un fonctionnaire qui ne réunirait qu’un seul des critères cumulatifs examinés par l’AIPN dans le cadre de son appréciation portant sur l’existence éventuelle de qualifications exceptionnelles.
– Sur l’hypothèse relative aux besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié
92 S’agissant de cette seconde hypothèse, il convient de rappeler que, dans la décision portant rejet de la réclamation, l’AIPN a notamment exposé que l’avis de vacance, comparé aux avis de vacance que la Commission établit et publie pour des tâches spécialisées de fonctionnaires de catégorie A, ne posait aucune exigence particulière. Elle a ensuite précisé que, s’agissant de la particularité du profil professionnel, elle ne rencontrait pas de difficultés particulières à recruter des juristes
ayant un profil comparable à celui du requérant.
93 Cette appréciation n’est pas manifestement erronée. Il importe de relever que l’avis de vacance de l’emploi (A 7/A 6) au sein de la direction générale en charge de l’environnement pour lequel le requérant a été recruté (COM/1655/91) prévoyait, dans la rubrique « Description et nature des fonctions », ce qui suit :
« Tâches de conception à dominante juridique dans le domaine de la protection sanitaire (chapitre III du traité Euratom). Élaboration de la législation et suivi de son application. Relations avec les autorités et organisations nationales et internationales. Action d’information du public en radioprotection. Formation juridique. Esprit de synthèse et de jugement. »
94 Il ressort de la lecture de cet avis de vacance, que, d’une part, le poste pour lequel le requérant a été recruté ne nécessitait pas un titulaire particulièrement qualifié. En particulier, aucune mention n’est faite d’une formation juridique spécialisée et aucune expérience professionnelle dans le domaine de la protection sanitaire n’est indiquée. D’autre part, le Tribunal observe que le recrutement à l’emploi en cause était susceptible de se faire soit au grade A 7, soit au grade A 6 ; les
besoins du service pouvaient donc être satisfaits par un fonctionnaire de grade A 7 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Forvass/Commission, point 89 supra, point 48 ; Brendel/Commission, point 32 supra, point 113, et du 14 juillet 2005, Pinheiro de Jesus Ferreira/Commission, T‑459/04, non publié au Recueil, point 40).
95 Quant à l’argument du requérant selon lequel le recrutement d’un candidat externe démontre que le service avait des besoins spécifiques, il suffit de répondre que le fait que les procédures internes au sein de la Commission n’aient pas permis de pourvoir le poste occupé par le requérant ne permet pas de conclure que les exigences de ce poste nécessitaient le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié (voir, en ce sens, arrêt Chawdhry/Commission, point 46 supra, point 93). Si tel
était le cas, tout candidat externe recruté pourrait alors bénéficier d’un classement au grade supérieur de la carrière, au mépris tant des exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut que de la large marge d’appréciation dont jouit l’AIPN en cette matière.
96 Au surplus, quant au critère de la pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir, force est de constater que c’est seulement au titre de sa formation et de son expérience juridiques et non en vertu d’une spécialisation dans le domaine de la protection sanitaire que le requérant a été recruté à ce poste. Or, le bénéfice, à titre exceptionnel, d’un classement au grade supérieur de la carrière A 7/A 6, en raison de l’existence de besoins spécifiques du service exigeant le
recrutement d’une personne particulièrement qualifiée, suppose que l’expérience professionnelle acquise par l’intéressé soit effectivement très pertinente par rapport au poste à pourvoir. La circonstance que le requérant a été recruté à l’emploi vacant en cause signifie, tout au plus, qu’il a été considéré comme le candidat correspondant le mieux au profil recherché, ce qui lui a permis de se distinguer des autres candidats à cet emploi (voir, en ce sens, arrêt Forvass/Commission, point 89 supra,
point 49).
97 C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’AIPN n’a pas fait bénéficier le requérant d’un classement au grade supérieur de la carrière A 7/A 6 lors de sa nomination.
98 Partant, le troisième moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement
Arguments des parties
99 En rappelant que les refus répétés de la Commission de faire droit à sa demande de communication de divers documents ont rendu difficile un examen comparatif avec la situation d’autres fonctionnaires, le requérant allègue toutefois qu’il a fait l’objet d’une discrimination, puisque, à tout le moins, deux autres fonctionnaires ont été reclassés au grade A 6 alors qu’ils possédaient tous deux une expérience professionnelle d’une durée inférieure à la sienne.
100 La Commission expose qu’il résulte de l’arrêt Chawdhry/Commission, point 46 supra, que la nature casuistique de l’appréciation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté s’oppose à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement.
Appréciation du Tribunal
101 Selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent lors de leur recrutement. Il y a également violation du principe d’égalité de traitement lorsque des situations qui sont différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 7 février 1991,
Tagaras/Cour de justice, T‑18/89 et T‑24/89, Rec. p. II‑53, point 68, et Wasmeier/Commission, point 31 supra, point 122).
102 De plus, la nature casuistique de l’évaluation effectuée par l’AIPN, conformément à l’article 31, paragraphe 2, du statut, s’oppose, en principe, à ce qu’une violation du principe d’égalité de traitement puisse être utilement invoquée (arrêts Chawdhry/Commission, point 46 supra, point 102, et Brendel/Commission, point 32 supra, point 129).
103 Par ailleurs, la durée de l’expérience professionnelle n’est pas le seul critère à prendre en considération pour un éventuel classement au grade supérieur de la carrière. Il est également tenu compte, notamment, du niveau et de la pertinence des qualifications et des diplômes ainsi que du niveau et de la qualité de l’expérience professionnelle de l’intéressé.
104 Partant, le quatrième moyen doit être rejeté, ainsi que les conclusions visant à l’annulation des décisions attaquées dans leur intégralité.
3. Sur les conclusions, formulées à titre subsidiaire, visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire certains documents
105 Au regard des appréciations effectuées précédemment, en particulier de la nature casuistique de l’examen opéré par l’AIPN, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires du requérant.
106 Partant, le recours est rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
107 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Legal Mengozzi Wiszniewska-Białecka
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2006.
Le greffier Le président
E. Coulon H. Legal
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* Langue de procédure : le français.