Affaire T-279/03
Galileo International Technology LLC e.a.
contre
Commission des Communautés européennes
« Recours en indemnité — Responsabilité non contractuelle de la Communauté — Projet communautaire de système global de radionavigation par satellite (Galileo) — Préjudice invoqué par les titulaires de marques et de noms commerciaux contenant le terme 'Galileo' — Responsabilité de la Communauté en l'absence de comportement illicite de ses organes — Préjudice anormal et spécial »
Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 10 mai 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Procédure — Requête introductive d'instance — Exigences de forme
(Statut de la Cour de justice, art. 21, al. 1, et 53, al. 1; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1)
2. Recours en indemnité — Compétence du juge communautaire
(Art. 235 CE et 288, al. 2, CE)
3. Marque communautaire — Rapprochement des législations — Marques — Interprétation du règlement nº 40/94 et de la directive 89/104 — Droit pour le titulaire d'une marque de s'opposer à l'utilisation illicite de sa marque — Signe identique ou similaire à la marque
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 9, § 1, b); directive du Conseil 89/104, art. 5, § 1, b))
4. Responsabilité non contractuelle — Utilisation, par une institution communautaire, d'un signe pour désigner un projet
(Art. 288, al. 2, CE)
5. Responsabilité non contractuelle — Conditions
(Art. 288, al. 2, CE; règlement du Conseil nº 40/94, art. 9, § 1, b); directive du Conseil 89/104, art. 5, § 1, b))
1. En vertu de l'article 21, premier alinéa, et de l'article 53, premier alinéa, du statut de la Cour, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l'indication de l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Ces précisions doivent être suffisamment claires pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours.
S'agissant d'une requête visant à obtenir la réparation de dommages prétendument causés par une institution communautaire, des griefs tirés du non-respect des droits découlant de marques nationales enregistrées dans les États membres de la Communauté tels que définis à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 sur les marques ne sauraient être déclarés irrecevables du fait qu'un requérant s'est abstenu de fournir des précisions sur les réglementations nationales dont la violation
est alléguée. En effet, une référence à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive doit être considérée comme suffisamment claire et précise dès lors que cette disposition procède à une harmonisation des règles relatives aux droits conférés par une marque, qu'elle définit le droit exclusif dont jouissent les titulaires de marques dans la Communauté et qu'il n'est pas contesté qu'elle a été transposée en droit national dans les États membres dans lesquels les marques invoquées sont
enregistrées.
En revanche, dès lors que l'article 5, paragraphes 2 et 5, de la directive se limite à permettre aux États membres de prévoir une protection renforcée des marques renommées, un grief tiré d'une violation de cette disposition doit être déclaré irrecevable en l'absence d'indications, dans la requête, concernant la renommée spécifique des marques concernées et les modalités de la protection conférée par l'une ou l'autre des réglementations nationales s'y rapportant.
Par ailleurs, s'agissant de marques enregistrées dans des pays tiers, un renvoi à la directive n'est pas susceptible de remédier à l'absence de précision quant à la nature et à la portée des droits de marque prétendument conférés par les législations extracommunautaires concernées.
(cf. points 36, 40-42, 44-45)
2. Il découle des articles 288, deuxième alinéa, CE et 235 CE que le juge communautaire a compétence pour imposer à la Communauté toute forme de réparation qui est conforme aux principes généraux communs aux droits des États membres en matière de responsabilité non contractuelle, y compris, si elle apparaît conforme à ces principes, une réparation en nature, le cas échéant sous forme d'injonction de faire ou de ne pas faire.
À cet égard, la protection uniforme conférée au titulaire d'une marque nationale intracommunautaire, conformément à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104 sur les marques, en vertu duquel une telle marque habilite son titulaire « à interdire à tout tiers » d'en faire usage, relève des principes généraux communs aux droits des États membres, au sens de l'article 288, deuxième alinéa, CE. En effet, la directive 89/104 vise, en matière de marques, à ce que les marques nationales enregistrées
jouissent, dans tous les États membres, d'une protection uniforme et son article 5, paragraphe 1, procède à une harmonisation au sein de la Communauté des règles relatives aux droits conférés par une marque. De plus, le règlement nº 40/94 sur la marque communautaire qui, en vertu de l'article 249, deuxième alinéa, CE, est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres, prévoit, en son article 98, paragraphe 1, que les tribunaux des marques communautaires,
lorsqu'ils constatent que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque communautaire, rendent une ordonnance « lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon » et prennent les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction.
S'il est vrai que la protection uniforme du titulaire d'une marque est mise en oeuvre dans les États membres par la possibilité procédurale pour les juridictions nationales compétentes de prononcer des arrêts interdisant à la partie défenderesse de porter atteinte au droit de marque invoqué, la Communauté ne saurait être soustraite, par principe, à une mesure procédurale correspondante de la part du juge communautaire, dès lors que celui-ci a la compétence exclusive pour statuer sur les recours en
réparation d'un dommage imputable à la Communauté.
(cf. points 63-67)
3. Les dispositions de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 sur les marques et de l'article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire subordonnent la protection du titulaire de la marque, premièrement, à l'existence d'un risque de confusion provoqué, notamment, par l'identité ou la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe en cause et, deuxièmement, à ce que l'emploi du signe en cause par un tiers puisse
être qualifié d'« usage dans la vie des affaires ».
Dès lors, l'utilisation d'un signe par une institution communautaire pour désigner un projet communautaire ne saurait violer lesdites dispositions que s'il est établi que cet usage a été fait pour désigner des produits ou des services similaires ou identiques aux produits et services couverts par les marques invoquées et qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique.
(cf. points 105-106, 111, 114)
4. Seuls les actes ou les comportements imputables à une institution ou à un organe communautaire peuvent donner lieu à l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté. En effet, le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, c'est-à-dire que ce comportement doit être la cause déterminante du préjudice. En revanche, il n'incombe pas à la Communauté de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, de comportements de ses
organes.
S'agissant de l'utilisation du signe retenu par une institution, pour désigner un projet communautaire, par des entreprises privées intéressées audit projet en relation avec leurs activités économiques, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée dès lors que cette utilisation repose sur un choix que ces entreprises ont fait de manière autonome. En effet, les entreprises étant censées connaître le droit communautaire et le droit des marques, il apparaît adéquat de considérer qu'elles
doivent être tenues pour responsables, au regard des dispositions de droit pertinentes, de leur propre comportement sur le marché. Il s'ensuit qu'un tel choix doit être considéré comme étant la cause directe et déterminante du préjudice allégué, l'éventuelle contribution de la Commission à ce préjudice étant trop éloignée pour que la responsabilité incombant aux entreprises en cause puisse être rejetée sur la Commission.
(cf. points 129-130, 132, 134-135)
5. La responsabilité non contractuelle de la Communauté peut être engagée, dans l'hypothèse d'un dommage engendré par un comportement des institutions de la Communauté dont le caractère illégal n'est pas démontré, dès lors que sont cumulativement remplies les conditions relatives à la réalité du préjudice, au lien de causalité entre celui-ci et le comportement des institutions communautaires, ainsi qu'au caractère anormal et spécial du préjudice en question. S'agissant des dommages que peuvent
subir les opérateurs économiques du fait des activités des institutions communautaires, un préjudice est anormal lorsqu'il dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné.
À cet égard, le préjudice causé par l'utilisation, par une institution communautaire, d'un terme pour désigner un projet ne saurait être considéré comme dépassant les limites des risques inhérents à l'exploitation du même terme au titre de marque dès lors que, par les caractéristiques du terme choisi, le titulaire de la marque s'est volontairement exposé au risque que quelqu'un d'autre puisse légalement, c'est-à-dire sans porter atteinte à des droits de marque, intituler du même nom un tel projet.
(cf. points 147-150)
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
10 mai 2006 (*)
« Recours en indemnité – Responsabilité non contractuelle de la Communauté – Projet communautaire de système global de radionavigation par satellite (Galileo) – Préjudice invoqué par les titulaires de marques et de noms commerciaux contenant le terme ‘Galileo’ – Responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illicite de ses organes – Préjudice anormal et spécial »
Dans l’affaire T‑279/03,
Galileo International Technology LLC, établie à Bridgetown (Barbade),
Galileo International LLC, établie à Wilmington, Delaware (États-Unis),
Galileo Belgium SA, établie à Bruxelles (Belgique),
Galileo Danmark A/S, établie à Copenhague (Danemark),
Galileo Deutschland GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
Galileo España, SA, établie à Madrid (Espagne),
Galileo France SARL, établie à Roissy-en-France (France),
Galileo Nederland BV, établie à Hoofdorp (Pays-Bas),
Galileo Nordiska AB, établie à Stockholm (Suède),
Galileo Portugal Ltd, établie à Alges (Portugal),
Galileo Sigma Srl, établie à Rome (Italie),
Galileo International Ltd, établie à Langley, Berkshire (Royaume-Uni),
The Galileo Co., établie à Londres (Royaume-Uni),
Timas Ltd, établie à Dublin (Irlande),
représentées par M^es C. Delcorde, J.-N. Louis, J.-A. Delcorde et S. Maniatopoulos, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
parties requérantes,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. N. Rasmussen et M. Huttunen, en qualité d’agents, assistés de M^es A. Berenboom et N. Van den Bossche, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande en indemnité tendant, d’une part, à ce que la Commission cesse d’utiliser le terme « Galileo » en rapport avec le projet communautaire de système global de radionavigation par satellite et d’inciter des tiers à utiliser ce terme et, d’autre part, à ce que soit réparé le préjudice qu’auraient subi les requérantes du fait de l’utilisation et de la promotion par la Commission dudit terme, prétendument identique à des marques enregistrées par les requérantes ainsi qu’à leurs
noms commerciaux,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),
composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij, N. J. Forwood, M^me I. Pelikánová et M. S. Papasavvas, juges,
greffier : M^me C. Kristensen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2005,
rend le présent
Arrêt
Faits à l’origine du litige
1. Terme « Galileo » utilisé par les requérantes
1 Le groupe d’entreprises Galileo, dont les sociétés requérantes font partie, a été fondé en 1987 par onze compagnies aériennes nord-américaines et européennes. Le groupe est l’un des leaders mondiaux dans l’offre et la fourniture de services électroniques pour les secteurs du transport aérien, du voyage, des loisirs et de l’industrie hôtelière, en ce qui concerne l’accès aux données relatives aux offres, aux horaires et aux informations de prix. Sa clientèle est essentiellement constituée
d’agences de voyages, de sociétés hôtelières, de sociétés de location de véhicules, de compagnies aériennes, de tour-opérateurs et de lignes de croisières.
2 Le terme « Galileo » est un élément des noms commerciaux, des raisons sociales et des noms de domaine des requérantes. La requérante Galileo International Technology LLC est titulaire de diverses marques nationales, verbales et figuratives, qui ont été enregistrées entre 1987 et 1990 et dans lesquelles ce terme constitue, soit l’élément unique, soit un élément parmi d’autres, comme les marques verbales GALILEO enregistrées en France le 17 septembre 1987, en Allemagne le 18 août 1988 et en
Espagne le 3 octobre 1988.
3 La requérante Galileo International Technology LLC est, en outre, titulaire de plusieurs marques communautaires qui ont été enregistrées en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI). Il s’agit des marques figuratives suivantes :
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4 La première de ces marques figuratives a été enregistrée le 4 mars 1999 puis, à nouveau, le 9 mars 2004, la seconde ayant fait l’objet d’un enregistrement le 20 janvier 2000. Ladite requérante est également titulaire de la marque verbale GALILEO, enregistrée le 1^er octobre 2003. L’ensemble de ces marques a été enregistré pour les produits et services relevant des classes 9, 16, 35, 38, 39, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et
des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
5 Ces marques communautaires et nationales (ci-après les « marques des requérantes ») ont été enregistrées pour désigner, notamment, des services de télécommunications sous forme de transmission de données, des programmes informatiques relatifs au transport aérien, à la location de véhicules et à la réservation de voyages, des services de divertissement, des services dans le secteur du logement et de la restauration ainsi que des appareils électriques et informatiques, ordinateurs, logiciels
et traitements de textes.
2. Terme « Galileo » utilisé par la Commission
6 Le 10 février 1999, la Commission a adopté une communication, intitulée « Galileo − L’engagement de l’Europe dans une nouvelle génération de services de navigation par satellite » [COM (99) 54 final]. Par cette communication, la Commission visait à permettre l’instauration d’un système satellitaire, appelé Galileo, couvrant les besoins des utilisateurs civils du monde entier en matière de radionavigation, de positionnement et de synchronisation. Selon la Commission, Galileo sera compatible
avec les deux systèmes opérationnels existants − le système américain GPS [Global Positioning System (système de positionnement global par satellite)] et le système russe Glonass [Global Orbiting Navigation Satellite System (système mondial de navigation par satellite)] − et pourrait fournir un nouvel ensemble global de navigation par satellite : le GNSS [Global Navigation Satellite System (système global de navigation par satellite)]. Dès le début, la participation financière du secteur privé aux
coûts de réalisation du projet Galileo a été envisagée.
7 Par sa résolution du 19 juillet 1999, concernant la participation de l’Europe à une nouvelle génération de services de navigation par satellite – Galileo – Phase de définition (JO C 221, p. 1), le Conseil a approuvé la communication susmentionnée de la Commission.
8 Le 22 novembre 2000, la Commission a adopté une communication au Conseil et au Parlement européen sur Galileo [COM (2000) 750 final], qui décrit les résultats de la phase de définition du programme Galileo et expose ses aspects économiques et financiers ainsi que la structure de sa gestion. S’agissant des phases successives du programme, la communication fait état d’une phase de développement des satellites (2001 à 2005), d’une phase de déploiement concernant leur fabrication et leur
lancement (2006 et 2007) ainsi que d’une phase d’exploitation économique et commerciale du nouveau système (à partir de 2008).
9 Par sa résolution du 5 avril 2001 sur le projet Galileo (JO C 157, p. 1), le Conseil a approuvé les éléments nécessaires à la phase de développement. Il a notamment invité la Commission à lancer une procédure d’appel d’offres en vue de permettre la participation du secteur privé au projet et d’identifier les services commerciaux que fournirait Galileo. Le Conseil a également souligné l’intérêt s’attachant à ce que le secteur privé prenne un engagement financier ferme lui permettant de
participer à la phase de déploiement.
10 Par le règlement (CE) nº 876/2002, du 21 mai 2002, créant l’entreprise commune Galileo (JO L 138, p. 1), le Conseil a, sur proposition de la Commission, fait application de l’article 171 CE et institué ladite entreprise commune, ayant pour objet, d’une part, d’assurer la gestion du projet pour les phases de recherche, de développement et de démonstration et, d’autre part, de mobiliser les fonds destinés au programme Galileo. Les membres fondateurs de l’entreprise commune étaient la Communauté
européenne, représentée par la Commission, et l’Agence spatiale européenne (ASE), toute entreprise privée qui satisfaisait aux critères établis à cet effet pouvant également en devenir membre.
11 Dans sa communication au Parlement et au Conseil du 15 octobre 2002, intitulée « État d’avancement du programme Galileo » (JO C 248, p. 2), la Commission a relevé que le programme Galileo serait géré par une entité privée pendant les phases de déploiement et d’exploitation opérationnelle. À cette fin, un appel d’offres devait être lancé par l’entreprise commune Galileo visant à sélectionner le consortium privé qui se verrait attribuer la concession pour le déploiement et l’exploitation du
système.
12 Devant le Tribunal, la Commission a souligné l’importance capitale d’un système européen de radionavigation en termes technologiques, économiques et stratégiques, dans la mesure où la maîtrise de cette technologie conditionne celle de multiples applications industrielles. À cet égard, la Commission a mentionné, notamment, la gestion des systèmes de transport (le guidage des véhicules automobiles), la conduite des politiques environnementales, l’aménagement du territoire, la météorologie, la
géologie, les travaux publics, l’énergie, la prévention des risques naturels ou industriels, l’appui aux opérations de protection civile en cas de catastrophe, la politique de contrôle agricole et la sécurité physique des personnes. Selon la Commission, le futur système européen proposera :
– un service de base gratuit, destiné à des applications « grand public » ;
– un service commercial destiné à des fins professionnelles ;
– un service « vital » pour des applications mettant en jeu la vie humaine, comme la navigation aérienne ou maritime ;
– un service de recherche et de sauvetage destiné à améliorer les systèmes d’assistance existants en cas de détresse ;
– un service gouvernemental, réservé aux besoins de protection civile, de sécurité nationale et de respect du droit.
13 La Commission a précisé que le coût de la phase de développement s’élevait à 1,1 milliard d’euros, financé à parts égales par l’Union européenne et par l’ASE. Le coût de la phase de déploiement, à savoir 2,1 milliards d’euros, devrait principalement être pris en charge par le futur concessionnaire du système. En ce qui concerne la phase d’exploitation commerciale, la Commission a déclaré, devant le Tribunal, que son lancement était prévu pour l’année 2010.
3. Demande d’enregistrement d’une marque communautaire introduite par la Commission
14 Le 21 juin 2002, la Commission a demandé, en vertu du règlement nº 40/94, l’enregistrement d’une marque communautaire, à savoir d’un signe figuratif en couleur. Il s’agit d’une sphère stylisée, s’inspirant du logo de l’Union européenne et de celui de l’ASE, qui comporte le mot « Galileo » :
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La demande de marque porte sur des « services de recherche-développement dans le domaine de la radionavigation par satellite » relevant de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice.
15 Le 14 mars 2003, la requérante Galileo International LLC a formé opposition, en vertu de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’enregistrement de cette marque. Par décision du 29 septembre 2005, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition. Cette décision a été attaquée par la requérante devant les chambres de recours de l’OHMI.
16 En août 2003, la Commission et l’ASE ont déposé l’emblème du programme de radionavigation par satellite Galileo auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), à Genève, en application de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, n^o 11847, p. 108, ci-après la « convention de Paris »).
4. Échange de correspondance entre les requérantes et la Commission
17 Par lettre du 30 avril 2001, les requérantes ont protesté auprès de la Commission contre l’usage du terme « Galileo » pour intituler son projet de radionavigation. Elles ont soutenu que cet usage leur causait des préjudices et enfreignait leurs droits de marque. Le 4 février 2002, la Commission a répondu en affirmant que l’usage du terme « Galileo » pour son projet ne constituait pas une atteinte à des droits de marque.
18 Par la suite, les requérantes et la Commission ont entretenu un échange de correspondance intensif. Les requérantes ont maintenu leur position selon laquelle la Commission utilisait le terme « Galileo » dans un contexte commercial en incitant des tiers à en faire de même, et ce pour des produits et services semblables à ceux visés par les marques des requérantes. La Commission considérait, en revanche, que Galileo restait jusqu’en 2008 un programme de recherche et de développement
technologique qui ne générait, jusqu’à cette date, aucun revenu commercial et que les services de réservation fournis par les requérantes étaient des activités tout à fait différentes du positionnement par satellite.
5. Recours juridictionnels et administratifs intentés par les requérantes parallèlement au présent litige
19 La requérante Galileo International Technology LLC a contesté, devant le tribunal de commerce de Bruxelles, l’usage du terme « Galileo » par la société belge Galileo Industries, dont l’objet est de participer au développement des activités en relation avec l’industrie spatiale et qui regroupe les principaux industriels européens intéressés par le programme Galileo. Par jugement du 1^er septembre 2003, le tribunal de commerce a rejeté le recours en jugeant, notamment, que le secteur d’activité
de la requérante était différent de celui de la société Galileo Industries. La requérante a fait appel de cette décision. L’affaire est actuellement pendante devant la cour d’appel de Bruxelles.
20 La requérante Galileo International Technology LLC a, en outre, introduit devant l’OHMI diverses oppositions contre des demandes d’enregistrement de marques comportant le terme « Galileo », opérées par la société allemande Astrium qui, en tant que filiale de l’European Aeronautic Defense and Space Company (EADS) (Société européenne d’aéronautique, de défense et spatiale), compte parmi les plus grandes entreprises européennes en navigation spatiale et est également intéressée par le programme
Galileo.
21 Enfin, la même requérante a saisi le tribunal de grande instance de Munich (Allemagne) d’une demande visant, d’une part, à interdire à Astrium l’utilisation du terme « Galileo » pour désigner plusieurs produits et services et, d’autre part, à constater la responsabilité d’Astrium afin d’obtenir la réparation du préjudice causé par ladite utilisation. Cette juridiction a fait droit à la demande en jugeant, le 17 février 2004, que les activités en cause étaient similaires et que les signes en
présence étaient de nature à créer la confusion. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Munich du 13 janvier 2005 qui a acquis l’autorité de la chose jugée, le pourvoi introduit par la société Astrium ayant été rejeté par ordonnance de la Cour fédérale de justice allemande du 24 novembre 2005.
Procédure et conclusions des parties
22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2003, les requérantes ont introduit le présent recours.
23 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’instruction préalables. Cependant, il a posé une série de questions auxquelles les parties ont répondu dans le délai imparti. En outre, les parties entendues, le Tribunal a renvoyé l’affaire devant la deuxième chambre élargie.
24 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 30 novembre 2005.
25 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– interdire à la Commission :
– de faire tout usage du terme « Galileo » en rapport avec le projet de système de radionavigation par satellite ;
– d’inciter, directement ou indirectement, des tiers à utiliser ce terme dans le cadre du même projet ;
– de participer à l’usage par un tiers de ce terme ;
– condamner la Commission à leur payer, conjointement et solidairement, la somme de 50 millions d’euros en indemnisation du préjudice matériel subi ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Commission persisterait à utiliser le terme « Galileo », la condamner à leur payer la somme de 240 millions d’euros ;
– condamner la Commission à leur payer des intérêts moratoires calculés par rapport au taux de référence de la Banque centrale européenne majoré de 2 points de pourcentage à compter de la date d’introduction du recours ;
– condamner la Commission aux dépens.
26 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable, dans la mesure où il est fondé sur les allégations d’atteinte à la marque, au nom commercial, à la raison sociale et au nom de domaine ;
– le rejeter pour le surplus comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
27 Il y a lieu de constater que les demandes d’injonction et d’indemnisation introduites par les requérantes au titre des articles 235 et 288, deuxième alinéa, CE sont fondées sur une atteinte à leurs droits de marque conférés par l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci‑après la « directive »), et, en substance, par l’article 9, paragraphe 1,
sous b), du règlement nº 40/94, d’une part, et sur une atteinte aux raisons sociales, noms commerciaux et noms de domaine des requérantes, protégés par l’article 8 de la convention de Paris, d’autre part.
1. Sur la recevabilité
Arguments des parties
28 La Commission soutient que le recours est irrecevable étant donné que certains des griefs soulevés dans la requête ne répondent pas aux exigences de clarté et de précision requises.
29 En effet, dans la mesure où les requérantes lui reprochent d’avoir porté atteinte à leurs marques nationales, la Commission souligne que, si les requérantes énumèrent les marques prétendument concernées par le présent litige − à savoir 204 marques dans différents pays, dont 24 enregistrées dans des États membres de la Communauté −, elles ne fournissent aucune précision sur les dispositions nationales prétendument violées. En l’absence de telles précisions, la Commission estime qu’on ne
pouvait lui demander de se livrer à des supputations pour deviner quelles dispositions nationales avaient été prétendument violées.
30 Quant à leurs marques communautaires, les requérantes n’auraient pas indiqué pourquoi la violation de l’une ou de l’autre engagerait la responsabilité de la Communauté. En particulier, elles n’auraient pas invoqué les dispositions spécifiques de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.
31 Les requérantes n’expliqueraient pas davantage en quoi leurs raisons sociales, noms commerciaux et noms de domaine seraient affectés. En effet, dans la mesure où elles ne se fondent que sur l’article 8 de la convention de Paris, les requérantes omettraient de se référer aux législations nationales pertinentes qui ont transposé cette convention et ainsi d’exposer les raisons pour lesquelles la Communauté serait liée par ce traité auquel elle n’est pas partie.
32 Enfin, la Commission excipe de l’irrecevabilité des conclusions visant à ce que le Tribunal lui adresse des injonctions. En effet, le traité CE ne conférerait pas une telle compétence au juge communautaire.
33 Les requérantes rétorquent que l’absence de référence précise aux lois nationales n’a pas empêché la Commission de comprendre l’objet du recours ni de préparer sa défense de manière adéquate.
34 Quant à l’article 8 de la convention de Paris, elles affirment que cette disposition pose le principe de la protection des noms commerciaux, qui lie tous les États membres. En violant ce principe, la Commission aurait commis un acte illégal.
35 En ce qui concerne leurs conclusions visant à ce que le Tribunal interdise à la Commission l’utilisation du terme « Galileo », les requérantes estiment qu’elles n’impliquent pas la moindre immixtion dans une sphère de compétence politique ou administrative de la Commission. Il s’agirait seulement de faire cesser un comportement fautif et d’empêcher l’aggravation du préjudice subi.
Appréciation du Tribunal
Sur l’exigence de clarté et de précision de la requête
36 En vertu de l’article 21, premier alinéa, et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour ainsi que de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Ces précisions doivent être suffisamment claires pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui.
Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du Tribunal du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 29, et du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et
Interpayment Services/Commission, T‑195/00, Rec. p. II‑1677, point 26).
37 Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation des dommages prétendument causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice prétendument subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêt Travelex Global and Financial Services et Interpayment
Services/Commission, point 36 supra, point 27).
– Quant aux marques nationales, intracommunautaires et extracommunautaires
38 S’agissant des griefs tirés d’une atteinte aux marques nationales, il ressort de la requête que les requérantes entendent voir engager la responsabilité de la Communauté pour obtenir la réparation du préjudice allégué, à savoir la perte de la fonction essentielle et de la valeur de leurs marques nationales. Ce préjudice prétendument subi du fait de l’utilisation du signe Galileo serait, selon les requérantes, imputable à la Commission. Celle-ci aurait causé le préjudice allégué, notamment, en
ne respectant pas lesdits droits de marque tels que définis à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive.
39 Or, aux termes de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, la marque enregistrée confère à son titulaire le droit d’« interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires [...] d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui
comprend le risque d’association entre le signe et la marque ».
40 La référence dans la requête à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive doit être considérée comme suffisamment claire et précise, en ce qui concerne les 24 marques enregistrées dans des États membres de la Communauté. En effet, l’article 5, paragraphe 1, de la directive procède à une harmonisation au sein de la Communauté des règles relatives aux droits conférés par une marque et définit le droit exclusif dont jouissent les titulaires de marques dans la Communauté (arrêts de la
Cour du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied, C‑355/96, Rec. p. I‑4799, point 25, et du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C‑206/01, Rec. p. I‑10273, point 43). Les États membres de la Communauté étaient tenus de transposer cette disposition en droit national et la Commission n’a pas contesté que cette transposition ait complètement été opérée pour lesdites 24 marques couvertes par la directive.
41 Par conséquent, les présents griefs ne sauraient être déclarés irrecevables du fait que les requérantes se sont abstenues de fournir des précisions sur les réglementations nationales prétendument violées. Le moyen d’irrecevabilité de la Commission doit, dès lors, être rejeté sur ce point.
42 En revanche, s’agissant des 178 marques enregistrées dans des pays tiers, le renvoi des requérantes à la directive n’est pas susceptible de remédier à l’absence de précision quant à la nature et à la portée des droits de marque prétendument conférés par les législations extracommunautaires concernées. En raison du silence des requérantes à cet égard, il n’est possible ni à la partie défenderesse de préparer sa défense ni au Tribunal de statuer sur le recours dans la mesure où les requérantes
prétendent que le préjudice allégué a été provoqué par une violation de ces droits de marque.
43 Par conséquent, le recours doit être déclaré irrecevable pour ce qui est du grief tiré d’une violation de ces droits. En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont admis qu’elles ne pouvaient pas invoquer les droits conférés par les marques enregistrées dans des pays tiers.
– Quant aux marques de renommée
44 Au point 40 de leur réplique, les requérantes font état de la notoriété de leurs marques. Pour autant qu’elles entendent invoquer en définitive l’article 5, paragraphes 2 et 5, de la directive, il suffit de rappeler que cette disposition se limite à permettre aux États membres de prévoir une protection renforcée des marques renommées, d’une part, en l’absence de similitude des produits ou des services en cause et, d’autre part, contre l’usage d’un signe à des fins autres que celle de
distinguer des produits ou des services. Or, les requérantes se sont abstenues d’expliciter, dans la requête, la renommée spécifique de leurs marques et les modalités de la protection conférée par l’une ou l’autre des réglementations nationales s’y rapportant.
45 S’il apparaît donc possible que la renommée de leurs marques ait été affectée par le comportement en cause de la Commission, il n’en reste pas moins que les requérantes ont omis de soulever un moyen nécessaire pour satisfaire aux exigences de précision susmentionnées. Le recours doit donc être déclaré irrecevable pour ce qui est du grief tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 2 et 5, de la directive.
– Quant aux marques communautaires
46 Il y a lieu de constater que les requérantes ont, dans leur requête, mentionné leurs « marques communautaires et demandes d’enregistrement de marques communautaires », au nombre de cinq, et invoqué une « atteinte aux droits de marque de Galileo International Technology et aux droits découlant de ses demandes de marques communautaires ». En outre, la note en bas de page 57 fait expressément état du « règlement [...] nº^ 40/94 ».
47 Si la requête ne mentionne pas expressément l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, elle se prévaut ainsi, au moins implicitement, des droits conférés par cette disposition. En outre, il est de jurisprudence constante qu’une erreur commise dans la désignation du texte applicable ne saurait entraîner l’irrecevabilité du grief soulevé, dès lors que l’objet et l’exposé sommaire de ce grief ressortent suffisamment clairement de la requête (arrêt de la Cour du 7 mai 1969,
X/Commission de contrôle, 12/68, Rec. p. 109, points 6 et 7, et arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, Rec. p. II‑2967, point 36). Il convient d’en conclure qu’un requérant n’est pas non plus tenu d’indiquer explicitement la règle de droit spécifique sur laquelle il fonde son grief, à condition que son argumentation soit suffisamment claire pour que la partie adverse et le juge communautaire puissent identifier sans difficultés cette règle.
48 L’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 confère au titulaire d’une marque communautaire des droits identiques à ceux conférés par l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive au titulaire d’une marque nationale. Or, cette dernière disposition a été itérativement invoquée dans la requête. Par ailleurs, la Commission ne s’est pas trompée en ce qui concerne le « volet communautaire » des griefs soulevés par les requérantes, puisqu’elle se réfère expressément, au point 50
de son mémoire en défense, à l’article 9 du règlement nº 40/94.
49 Il s’ensuit que l’invocation par les requérantes de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 correspond aux exigences de précision susmentionnées et doit, dès lors, être déclarée recevable.
– Quant aux raisons sociales, aux noms commerciaux et aux noms de domaine
50 Selon les requérantes, la protection de leurs raisons sociales se confond avec celle de leurs noms commerciaux, tandis que leurs noms de domaine constituent une application particulière de leurs noms commerciaux. Interrogées sur la portée de cette déclaration, elles ont précisé que l’article 8 de la convention de Paris concernait la seule protection du nom commercial, la raison sociale étant protégée par d’autres normes juridiques nationales. Elles ont ajouté que, par leur recours, elles
entendaient souligner que, si ledit article 8 ne protège que le nom commercial stricto sensu, les droits sur leurs raisons sociales sont également affectés.
51 S’agissant des griefs pris d’une affectation de leurs raisons sociales et de leurs noms de domaine, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont présenté aucun élément qui irait au-delà de ces affirmations. Elles ont, notamment, gardé un silence total sur les normes juridiques nationales prétendument violées et sur les principes généraux communs aux droits des États membres sur la base desquels la Communauté devrait, conformément à l’article 288, deuxième alinéa, CE, réparer le dommage
allégué. Ces griefs ne répondent pas aux exigences de précision susmentionnées et doivent, dès lors, être déclarés irrecevables.
52 En ce qui concerne l’invocation par les requérantes de leurs noms commerciaux au sens de l’article 8 de la convention de Paris, il est vrai que le nom commercial constitue un droit de propriété intellectuelle dont la protection, prescrite par ledit article 8, s’impose aux membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en vertu de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’« accord ADPIC ») (arrêt de la Cour du 16 novembre 2004,
Anheuser-Busch, C‑245/02, Rec. p. I‑10989, points 91 à 96).
53 Toutefois, si les membres de l’OMC, y compris les États membres de la Communauté, sont tenus de mettre en œuvre cette protection du nom commercial, il n’en reste pas moins que l’article 8 de la convention de Paris se limite à énoncer que « le nom commercial sera protégé dans tous les pays [auxquels s’applique la convention] sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou de commerce ».
54 Ce texte, loin de définir l’étendue et les conditions de la protection conférée au nom commercial, se borne à formuler l’exigence de mettre en œuvre une telle protection. Il ne saurait donc être considéré comme contenant une harmonisation des règles relatives aux droits conférés par un nom commercial.
55 En effet, contrairement à l’article 5 de la directive, qui définit précisément « les droits conférés par la marque », raison pour laquelle la référence à cet article peut valablement remplacer l’invocation des législations nationales pertinentes des États membres (voir point 40 ci-dessus), l’article 8 de la convention de Paris permet, par son libellé extensif, aux différents législateurs nationaux d’instaurer des régimes de protection variés en prévoyant, notamment, des conditions relatives à
un usage minimal ou une connaissance minimale du nom commercial (voir, en ce sens, arrêt Anheuser-Busch, point 52 supra, point 97).
56 Interrogées par le Tribunal sur la protection conférée par l’article 8 de la convention de Paris, les requérantes n’ont invoqué aucune réglementation nationale spécifique qui leur conférerait une protection suffisante de leurs noms commerciaux et qui serait susceptible d’être violée par la Commission.
57 Par conséquent, s’il est vrai que les règles nationales pertinentes pour la protection de droits relevant d’un domaine auquel l’accord ADPIC s’applique doivent être appliquées à la lumière du texte et de la finalité des dispositions de cet accord (arrêt Anheuser-Busch, point 52 supra, point 55), les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de cette obligation dans le présent contexte, étant donné qu’elles se sont abstenues d’invoquer et d’expliciter de telles règles nationales.
58 Par ailleurs, les dispositions de l’accord ADPIC étant dépourvues d’effet direct, elles ne sauraient créer, en tant que telles, des droits dont les requérantes pourraient se prévaloir directement devant le juge communautaire (voir, en ce sens, arrêt Anheuser-Busch, point 52 supra, point 54) indépendamment d’éventuelles règles nationales.
59 Il s’ensuit que le grief pris d’une violation de l’article 8 de la convention de Paris doit également être déclaré irrecevable.
Sur les conclusions visant à obtenir la cessation des prétendus agissements fautifs de la Commission
60 Dans la mesure où les requérantes demandent d’interdire à la Commission de faire usage du terme « Galileo » en rapport avec le projet de système de radionavigation par satellite, la Commission se réfère à une jurisprudence bien établie selon laquelle, même dans le cadre du contentieux indemnitaire, le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire (arrêt de la Cour du 18 avril 1991,
Assurances du crédit/Conseil et Commission, C‑63/89, Rec. p. I‑1799, point 30 ; arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 150 ; ordonnances du Tribunal du 1^er juin 1999, Meyer/Commission, T‑71/99, Rec. p. II‑1727, point 13, et du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T‑202/02, Rec. p. II‑181, point 53).
61 La Commission ajoute que l’article 288, deuxième alinéa, CE ne permet que l’indemnisation des dommages du passé et ne confère aucun droit de délivrer des injonctions destinées à prévenir une future illégalité. L’interdiction d’utiliser un nom ne pourrait pas être considérée comme une réparation en nature. En effet, une telle interdiction empêcherait certes une prolongation du préjudice allégué, mais n’aurait pas pour effet de réparer le préjudice déjà subi.
62 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 288, deuxième alinéa, CE, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ». Cette disposition vise tant les conditions de la responsabilité non contractuelle que les modalités et l’étendue du droit à réparation. Par ailleurs,
l’article 235 CE confère à la Cour la compétence « pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 288, deuxième alinéa ».
63 Il découle de ces deux dispositions ─ qui, contrairement à l’article 40, premier alinéa, de l’ancien traité CECA, qui ne prévoyait qu’une réparation pécuniaire, n’excluent pas l’octroi d’une réparation en nature ─ que le juge communautaire a compétence pour imposer à la Communauté toute forme de réparation qui est conforme aux principes généraux communs aux droits des États membres en matière de responsabilité non contractuelle, y compris, si elle apparaît conforme à ces principes, une
réparation en nature, le cas échéant sous forme d’injonction de faire ou de ne pas faire.
64 Or, en matière de marques, la directive vise à ce que les marques nationales enregistrées jouissent, dans tous les États membres, d’une protection uniforme. En vertu de son article 5, paragraphe 1, une telle marque habilite son titulaire « à interdire à tout tiers » d’en faire usage. Ainsi qu’il a été relevé ci-dessus (point 40), cette disposition procède à une harmonisation au sein de la Communauté des règles relatives aux droits conférés par une marque.
65 Il s’ensuit que la protection uniforme conférée au titulaire d’une marque nationale intracommunautaire relève des principes généraux communs aux droits des États membres, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE.
66 Cette conclusion est confirmée par le règlement nº 40/94 qui prévoit, en son article 98, paragraphe 1, que les tribunaux des marques communautaires, lorsqu’ils constatent que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque communautaire, rendent une ordonnance « lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon » et prennent les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction. Or, en vertu de l’article 249, deuxième alinéa, CE, ce règlement est obligatoire dans
tous ses éléments et directement applicable dans les États membres.
67 S’il est vrai que la protection uniforme du titulaire d’une marque est mise en œuvre dans les États membres par la possibilité procédurale pour les juridictions nationales compétentes de prononcer des arrêts interdisant à la partie défenderesse de porter atteinte au droit de marque invoqué, la Communauté ne saurait être soustraite, par principe, à une mesure procédurale correspondante de la part du juge communautaire, dès lors que celui-ci a la compétence exclusive pour statuer sur les
recours en réparation d’un dommage imputable à la Communauté (arrêt Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, point 36 supra, point 89).
68 La Communauté ne saurait d’autant moins être soustraite au régime de protection susmentionné que les institutions communautaires sont tenues de se conformer à l’ensemble du droit communautaire au titre duquel figure le droit dérivé. Ainsi, la Commission doit respecter les dispositions de la directive et du règlement n^o 40/94 adoptés, sur sa proposition, par le Conseil (voir, en ce sens, arrêt Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, point 36 supra, points
85 et 86, et la jurisprudence citée).
69 Dans la mesure où la Commission conteste que l’interdiction en cause soit réellement de nature à réparer le préjudice allégué, il y a lieu de rappeler que les requérantes prétendent être victimes d’une utilisation illicite permanente et répétitive du signe Galileo, ce qui porterait atteinte à leurs droits de marque. Or, l’objet spécifique du droit de marque est notamment d’assurer au titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque, pour la première mise en circulation d’un produit, et de le
protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, Loendersloot, C‑349/95, Rec. p. I‑6227, point 22, et la jurisprudence citée).
70 Il s’ensuit que l’atteinte portée au droit exclusif d’utiliser une marque entraîne nécessairement la dégradation de cette dernière et cause, par là même, un préjudice à son titulaire.
71 Or, une réparation intégrale du préjudice ainsi causé requiert que le titulaire de la marque voie son droit rétabli dans un état intact, un tel rétablissement exigeant au minimum, indépendamment d’éventuels dommages-intérêts chiffrés, la cessation immédiate de l’atteinte portée à son droit. C’est précisément par l’injonction demandée en l’espèce que les requérantes tendent à obtenir la cessation de l’atteinte que la Commission a prétendument portée à leurs droits de marque.
72 De plus, la Commission a elle-même souligné, en réponse à une question du Tribunal, qu’il serait inconcevable d’imaginer que, dans l’hypothèse de sa condamnation à payer des dommages-intérêts, elle passerait outre à cette décision en poursuivant des actes que le Tribunal aurait déclaré illégaux. Ainsi, la Commission admet qu’elle est de facto liée, au sens d’une interdiction d’agir, par une décision du juge communautaire constatant sa responsabilité. Une telle décision revient à adresser à la
Commission une injonction implicite.
73 Par conséquent, les conclusions visant à interdire à la Commission de faire usage du terme « Galileo » en rapport avec le projet de système de radionavigation par satellite doivent être déclarées recevables. Le moyen tiré par la Commission de l’irrecevabilité de ces conclusions ne saurait donc être retenu.
Conclusion
74 Il résulte de ce qui précède que les conclusions du recours sont recevables dans leur ensemble. Il en va de même pour les griefs pris d’une violation des droits conférés aux requérantes par l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 en ce qui concerne leurs marques nationales intracommunautaires et leurs marques communautaires.
2. Sur le fond
75 Les requérantes fondent leur recours, à titre principal, sur le principe de la responsabilité de la Commission du fait d’un acte illicite et, à titre subsidiaire, sur le principe de sa responsabilité du fait d’un acte licite.
Sur la responsabilité de la Commission du fait d’un acte illicite
Observations liminaires
76 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982,
Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20).
77 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).
78 Le comportement illégal reproché à une institution communautaire doit consister en une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42).
79 Le critère décisif permettant de considérer que cette exigence est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation.
80 Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, Rec. p. II‑1975, point 134, et du 10 février 2004, Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport
Gesellschaft Weichert/Conseil et Commission, T‑64/01 et T‑65/01, Rec. p. II‑521, point 71).
81 C’est sous le bénéfice de ces observations qu’il convient d’examiner les différents moyens et arguments soulevés par les requérantes en l’espèce.
Arguments des parties
82 Par un premier grief, les requérantes soutiennent que le comportement fautif de la Commission, générateur du dommage subi, consiste dans la violation des droits de marque dont elles sont titulaires en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive. En utilisant le terme « Galileo » et en incitant des tiers à l’utiliser sans avoir obtenu le consentement des requérantes, la Commission aurait porté atteinte, et continuerait à porter atteinte, à leurs droits de marque. En outre, les
requérantes invoquent leurs marques communautaires au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.
83 À cet égard, elles précisent que le terme « Galileo » utilisé par la Commission est substantiellement semblable à leurs marques. Le caractère distinctif de ces dernières serait, dès lors, très largement affecté par le comportement de la Commission.
84 Les requérantes soulignent aussi la similitude entre les biens et services offerts par elles-mêmes et ceux concernés par le projet Galileo de la Commission, les clients cibles des deux parties étant dans une large mesure identiques.
85 En effet, les requérantes offriraient des services qui s’adressent au secteur du transport aérien, maritime et terrestre, au secteur hôtelier et aux consommateurs finals. Ces services permettraient d’obtenir des renseignements concernant la position des avions en vol, en temps réel, les horaires des vols prévus ainsi que des possibilités de réservation. Les requérantes offriraient également des produits en rapport avec ces services, en particulier des programmes d’ordinateurs.
86 Quant au projet de navigation Galileo, il serait orienté vers les utilisateurs potentiels, à savoir les fournisseurs de services, les fabricants et leurs clients dans le domaine du transport routier, par rail, par avion et dans le secteur maritime. Le service principal offert par ce projet serait le repérage en temps réel d’un de ces moyens de transport.
87 Ce service principal serait identique aux services offerts par les requérantes permettant de déterminer la position géographique exacte d’un vol. La similitude s’étendrait aux biens, puisque le projet Galileo implique le développement de logiciels et d’ordinateurs spécifiques pour interpréter, utiliser et diffuser l’information aux consommateurs.
88 Selon les requérantes, il existe un risque de confusion pour le public concerné entre leurs marques et le terme « Galileo » utilisé par la Commission. En effet, la Commission aurait elle-même souligné l’importance gigantesque du projet européen Galileo, la création d’environ 140 000 emplois étant envisagée et le marché pour les équipements et les services étant estimé à plus de 9 milliards d’euros par an à partir de 2010. Les requérantes estiment que ces évolutions entraîneront
inéluctablement un usage de plus en plus intensif du terme « Galileo » dans toutes les technologies auxquelles le projet fera appel.
89 Par ailleurs, selon les requérantes, l’usage que la Commission entend faire du terme « Galileo » se situerait « dans la vie des affaires », ce terme ayant été employé en relation avec l’ensemble des services que le projet Galileo est destiné à fournir.
90 Les requérantes précisent que la Commission et le Conseil ont insisté sur le fait que le projet Galileo était basé sur un partenariat avec le secteur privé et qu’il avait une finalité commerciale visant à assurer la viabilité économique du projet. Ainsi, à l’heure actuelle, un consortium de 65 entreprises travaillerait déjà sur les aspects techniques du projet et de nombreux groupes industriels et bancaires prépareraient déjà leur future participation. Au cours de toutes ses phases de
fonctionnement, le projet Galileo présenterait donc des enjeux économiques importants pour le secteur privé.
91 La Commission aurait déjà créé, en collaboration avec l’ASE, l’« entreprise commune Galileo » (voir point 10 ci-dessus), cette entreprise étant chargée de la mise en œuvre des phases de développement et de validation ainsi que de la préparation des phases de déploiement et d’exploitation du programme Galileo. En outre, la Commission aurait, le 22 mai 2003, publié un appel d’offres d’une valeur de 500 000 euros, destiné notamment à étudier l’intégration du projet Galileo aux systèmes existants
de navigation.
92 De plus, le fait pour la Commission d’avoir demandé l’enregistrement d’une marque communautaire Galileo (voir point 14 ci-dessus) ne s’expliquerait que si elle projette de l’utiliser pour distinguer des produits ou des services.
93 Selon les requérantes, la Commission a incité d’importants groupes industriels européens à utiliser le terme « Galileo » à titre de marque dans la vie des affaires, tels que la société Galileo Industries, assignée devant le tribunal de commerce de Bruxelles (voir point 19 ci-dessus), qui aurait invoqué le choix du terme « Galileo » effectué par la Commission. Les partenaires auxquels s’adresse l’entreprise commune seraient, quant à eux, nécessairement appelés à faire usage du même terme,
usage qui devrait être également imputé à la Commission.
94 Par un second grief, les requérantes reprochent à la Commission de leur avoir causé un préjudice en s’abstenant de procéder à une recherche de marques. Or, quiconque projetterait d’utiliser une nouvelle marque se trouverait confronté au risque qu’un tiers puisse déjà avoir obtenu des droits exclusifs sur un signe identique ou similaire. Les requérantes estiment que, si la Commission avait procédé à une pareille recherche, elle aurait eu connaissance de leurs droits de marque et aurait
aisément pu choisir un terme différent pour désigner son projet. En tout état de cause, la Commission aurait commis une faute grave en continuant à faire usage du terme « Galileo », alors qu’elle avait été par la suite informée de leurs droits de marque.
95 La Commission rétorque que le signe du programme de recherche Galileo et les marques invoquées par les requérantes ne sont pas similaires, l’élément essentiel et distinctif de leurs marques étant une sphère stylisée. En ce qui concerne plus particulièrement sa demande d’enregistrement d’une marque communautaire, elle porterait sur un signe bien particulier (voir point 14 ci-dessus) qui ne crée aucun risque de confusion avec les marques dont se prévalent les requérantes.
96 En outre, cette demande de marque se référerait à des services de recherche et de développement limités au domaine de la radionavigation par satellite. Elle aurait été opérée à titre purement conservatoire afin d’exclure le risque qu’une entreprise privée puisse s’approprier ce terme et profiter de sa renommée sans aucune justification.
97 Par ailleurs, les marques invoquées par les requérantes ne seraient pas destinées au grand public. Les requérantes en feraient uniquement usage dans le cadre d’opérations entreprises avec un cercle restreint de professionnels. Par conséquent, leurs marques ne jouiraient d’aucune notoriété parmi les consommateurs et les utilisateurs finals.
98 Pour cette même raison, il n’existerait aucun risque de confusion au sein du grand public entre les marques invoquées et le terme « Galileo » utilisé pour le projet européen. Or, les professionnels auxquels s’adressent les activités des requérantes seraient beaucoup plus avertis que le consommateur moyen et n’auraient aucun mal à reconnaître le terme « Galileo » comme désignant le projet de recherche européen et à le distinguer des marques des requérantes.
99 La Commission ajoute qu’elle a utilisé le terme « Galileo » exclusivement comme synonyme du nom du projet européen de navigation par satellite. Cette utilisation n’aurait jamais visé à promouvoir un service ou un produit découlant des résultats techniques obtenus dans le cadre du projet.
100 Quant à l’« entreprise commune Galileo », celle-ci n’existerait que pour mener à bien les phases de recherche et de développement du programme Galileo et ne déploierait aucune activité commerciale. Elle se limiterait à gérer des appels d’offres et à sélectionner le futur concessionnaire du système.
101 La Commission nie avoir encouragé des tiers à utiliser le terme « Galileo » pour des biens ou des services dans la vie des affaires. Il n’existerait, notamment, aucun lien avec la société Galileo Industries. En particulier, elle n’aurait pas incité cette société à faire usage du terme « Galileo » en tant que marque.
102 Quant au second grief soulevé par les requérantes, la Commission conteste avoir été légalement tenue de procéder à des recherches sur les marques. Le fait de ne pas effectuer de recherches sur les marques ne serait pas en soi une faute.
Appréciation du Tribunal
– Sur le premier grief, tiré d’une violation des droits de marque conférés aux requérantes
103 S’agissant du grief tiré d’une violation par la Commission des droits de marque dont les requérantes sont titulaires, il y a lieu de constater que l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 énoncent des règles ayant pour objet de leur conférer des droits. En effet, ces dispositions sont de nature à conférer aux requérantes, en leur qualité de titulaires de marques protégées par la directive et le règlement nº 40/94, le droit
exclusif d’interdire, sous certaines conditions, à tout tiers de faire usage d’un signe similaire ou identique à leurs marques.
104 Quant au point de savoir si lesdites dispositions et le droit qu’elles confèrent aux requérantes ont fait l’objet d’une violation suffisamment caractérisée de la part de la Commission, il importe de relever qu’une telle violation présuppose que toutes les conditions d’application de ces dispositions soient réunies en l’espèce.
105 À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, qu’une de ces conditions subordonne la protection du titulaire de marque à l’existence d’un risque de confusion provoqué, notamment, par l’identité ou la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe en cause.
106 La Commission ne saurait donc avoir violé l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 que si les requérantes établissaient qu’elle a fait usage du terme « Galileo » pour désigner des produits ou des services similaires ou identiques aux produits et services couverts par les marques dont elles sont propriétaires.
107 Or, si les requérantes ont réussi à démontrer qu’elles offraient, elles-mêmes, de nombreux services et produits sous le couvert de leurs marques comprenant le terme « Galileo », tel n’est pas le cas en ce qui concerne l’utilisation du même terme par la Commission.
108 Les requérantes n’ont, notamment, pas établi que la Commission offrait elle-même des produits ou des services en relation avec son projet Galileo.
109 Dans leurs mémoires, elles se sont limitées à faire valoir que le projet Galileo de la Commission était orienté vers des « utilisateurs potentiels », qu’il « impliqu[ait] le développement » de logiciels spécifiques, qu’il était « destiné à fournir des services » et que la Commission, par sa demande de marque communautaire, « projet[ait] d’utiliser cette marque » pour distinguer des produits ou des services.
110 En réponse à une question écrite du Tribunal, elles ont expressément admis qu’il n’existait pas encore de produits et de services découlant des résultats techniques obtenus grâce au projet Galileo de la Commission et que de tels produits et services n’étaient donc pas encore disponibles pour les futurs utilisateurs publics ou privés du système de radionavigation par satellite.
111 Il convient de rappeler, deuxièmement, que l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 subordonnent également la protection du titulaire de marque à ce que l’emploi du signe en cause par un tiers puisse être qualifié d’« usage dans la vie des affaires ».
112 Ainsi, le titulaire de marque n’est protégé que si l’usage du signe en cause est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service. Tel est en particulier le cas si l’usage du signe reproché au tiers est de nature à accréditer l’existence d’un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits ou services du tiers et l’entreprise de provenance de ces produits ou
services. À cet égard, il convient de vérifier si les consommateurs visés sont susceptibles d’interpréter le signe tel qu’utilisé par le tiers comme tendant à désigner l’entreprise de provenance des produits ou services du tiers (voir, en ce sens, arrêt Anheuser-Busch, point 52 supra, points 59 et 60).
113 En l’espèce, il n’est pas satisfait à ces critères. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier, la Commission n’a, jusqu’à présent, utilisé le terme « Galileo » que pour désigner, de manière globale, son projet de radionavigation par satellite, certes en soulignant les multiples avantages pour les utilisateurs de son exploitation future (voir point 12 ci-dessus), mais sans établir un lien matériel entre certains produits ou services issus de la réalisation des phases de recherche, de
développement et de déploiement du projet, d’une part, et les produits et services offerts par les requérantes, d’autre part. Quant aux produits et services de radionavigation proprement dits, il est constant qu’il n’en existe pas encore au stade actuel du projet (voir point 110 ci-dessus).
114 Sous ce rapport, il convient de relever notamment que l’usage d’un signe a lieu « dans la vie des affaires » dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique (voir arrêt Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, point 36 supra, point 93, et la jurisprudence citée).
115 À cet égard, il est vrai que la Commission souligne la finalité commerciale de son projet. Elle fait tout son possible pour qu’il devienne opérationnel et que des services de radionavigation par satellite puissent effectivement être offerts selon le calendrier prévu, la raison d’être du projet étant précisément son exploitation économique.
116 Il n’en reste pas moins que le rôle de la Commission se limite au lancement de son projet de radionavigation par satellite en tant que « réponse européenne » au système américain GPS et au système russe Glonass, au soutien financier des phases de recherche, de développement et de déploiement du projet ainsi qu’à l’établissement du cadre approprié pour la phase d’exploitation économique ultérieure, notamment, par la participation à la création de l’« entreprise commune Galileo » et la
publication d’un appel d’offres destiné à l’intégration du projet Galileo aux systèmes existants de navigation.
117 Ce faisant, la Commission n’exerce pas une activité économique dans la mesure où elle n’offre ni des biens ni des services sur un marché. Par l’utilisation du terme « Galileo » dans le cadre des phases de recherche, de développement et de déploiement du projet, situées en amont de la phase d’exploitation économique proprement dite, la Commission ne vise pas à obtenir un avantage économique par rapport à d’autres opérateurs, étant donné qu’il n’y a pas d’opérateurs qui se trouveraient en
concurrence avec elle dans ce domaine. Contrairement à la thèse défendue par les requérantes, il n’est donc pas artificiel de faire une distinction, dans le présent contexte, entre la phase d’exploitation économique du projet Galileo et les phases précédentes.
118 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas non plus établi que l’usage par la Commission du terme « Galileo » était susceptible de porter atteinte aux fonctions des marques invoquées et avait lieu « dans la vie des affaires » au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.
119 Cette conclusion n’est pas contredite par le fait que la Commission a introduit auprès de l’OHMI une demande de marque communautaire pour son projet Galileo, portant sur des « services de recherche-développement dans le domaine de la radionavigation par satellite », et qu’elle en a déposé l’emblème auprès de l’OMPI (voir points 14 et 16 ci-dessus).
120 En effet, si de tels actes peuvent constituer un indice de l’intention du demandeur d’exercer une activité dans la vie des affaires, tel n’est pas le cas dans les circonstances spécifiques de l’espèce, aussi longtemps que le comportement de la Commission ne dépasse pas les limites du rôle qu’elle s’est assigné jusqu’à présent dans le cadre de son projet de radionavigation par satellite et dans l’utilisation du terme « Galileo » (voir points 113, 116 et 117 ci-dessus).
121 Dans la mesure où les requérantes objectent que la Commission utilisera, selon toute probabilité, sa future marque communautaire au profit des entreprises concessionnaires du système de radionavigation par satellite, et ce par voie de transfert de la marque ou par l’octroi de licences, cette affirmation doit, présentement, être qualifiée de simple spéculation qui n’a pas plus de poids que l’affirmation contraire de la Commission selon laquelle la demande de marque a été déposée à titre
purement conservatoire afin d’exclure le risque qu’une entreprise privée puisse s’approprier le terme « Galileo » et en profiter sans aucune justification.
122 En réalité, les requérantes n’expriment que leur crainte de voir la Commission faire bénéficier des entreprises privées de sa marque communautaire, une fois cette dernière enregistrée par l’OHMI. Or, cet enregistrement n’a pas encore eu lieu, de sorte que la Commission ne peut pas se servir de la marque à l’heure actuelle. En effet, les requérantes ont introduit un recours devant l’OHMI pour s’opposer à son enregistrement (voir point 15 ci-dessus), et ce recours a un effet suspensif en vertu
de l’article 57, paragraphe 1, du règlement nº 40/94. Eu égard aux voies de droit juridictionnelles ouvertes contre la future décision de la chambre de recours compétente de l’OHMI, il n’est pas possible de déterminer si la demande de marque déposée par la Commission sera finalement acceptée.
123 Il est vrai que le juge communautaire est autorisé, en matière indemnitaire, à condamner l’institution défenderesse au paiement d’une somme d’argent déterminée ou à constater sa responsabilité, même si le préjudice ne peut pas encore être chiffré avec précision, à condition qu’il s’agisse d’un dommage imminent et prévisible avec une certitude suffisante, le juge pouvant ainsi être saisi pour prévenir des dommages plus considérables dès que la cause du préjudice est certaine (arrêts de la Cour
du 2 juin 1976, Kampffmeyer e.a./Commission et Conseil, 56/74 à 60/74, Rec. p. 711, point 6, et du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg/Conseil et Commission, 281/84, Rec. p. 49, point 14).
124 Force est toutefois de relever que cette jurisprudence, si elle permet au juge de faire droit à une demande indemnitaire même en l’absence d’un préjudice chiffré, ne l’autorise pas à condamner l’institution défenderesse sans avoir préalablement constaté que cette institution a effectivement commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits à la partie requérante.
125 En l’espèce, il ne suffit donc pas, pour que la Commission soit condamnée au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE, que les requérantes allèguent l’existence d’un simple risque d’une violation future, par cette institution, des droits que leur confèrent l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, dans l’hypothèse où elle utiliserait dans la vie des affaires le terme « Galileo » en relation avec des services ou des
produits couverts par les marques des requérantes. Ces dernières ont notamment omis d’établir que la présente utilisation, par la Commission, du terme « Galileo » pour désigner son projet impliquait nécessairement une future violation de leurs droits.
126 Il résulte de ce qui précède que l’utilisation, par la Commission elle-même, du terme « Galileo » pour désigner son projet de radionavigation par satellite ne remplit pas toutes les conditions d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.
127 Par conséquent, la Commission n’a pas violé, par ce comportement, les droits que confèrent aux requérantes les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.
128 Les requérantes font encore valoir que la Commission a incité et encouragé les entreprises privées intéressées par l’exploitation de son projet à utiliser, dès à présent, le terme « Galileo » à des fins commerciales, c’est-à-dire en relation avec des biens et des services. À cet égard, elles renvoient à la dizaine de litiges les opposant à ces entreprises devant les juridictions nationales et devant l’OHMI (voir points 19 à 21 ci-dessus). Selon les requérantes, ces entreprises sont
nécessairement appelées à faire usage de ce terme, dans la vie des affaires, afin d’établir la cohérence entre leurs activités et le projet lancé par la Commission. Par conséquent, l’utilisation par le secteur privé du terme « Galileo » devrait être imputée à la Commission.
129 À cet égard, il y a lieu de rappeler que seuls les actes ou les comportements imputables à une institution ou à un organe communautaire peuvent donner lieu à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 juillet 1985, CMC e.a./Commission, 118/83, Rec. p. 2325, point 31, et du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, Rec. p. I‑2803, point 59).
130 Selon une jurisprudence constante, le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, c’est-à-dire que ce comportement doit être la cause déterminante du préjudice (voir ordonnance du Tribunal du 12 décembre 2000, Royal Olympic Cruises e.a./Conseil et Commission, T‑201/99, Rec. p. II‑4005, point 26, et la jurisprudence citée, confirmée sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 15 janvier 2002, Royal Olympic Cruises e.a./Conseil et Commission, C‑49/01 P,
non publiée au Recueil). En revanche, il n’incombe pas à la Communauté de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, de comportements de ses organes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier frères e.a./Conseil, 64/76 et 113/76, 167/78 et 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21).
131 En l’espèce, il est vrai que la Commission a retenu le terme « Galileo » pour désigner le projet européen de radionavigation par satellite. Il est également vrai que la Commission devait être consciente de ce que les entreprises désireuses d’exploiter économiquement ce projet seraient tentées d’utiliser le même terme afin de profiter de la renommée tant de la Commission que du projet.
132 Toutefois, il n’en reste pas moins que l’utilisation par ces entreprises du terme en cause en relation avec leurs activités économiques repose sur un choix qu’elles ont fait de manière autonome.
133 D’une part, en effet, les requérantes n’ont pas établi que la Commission aurait obligé lesdites entreprises à employer ce terme ou qu’elle les aurait activement incitées, sous forme d’une collusion, à le faire. D’autre part, elles n’ont même pas affirmé qu’il existait des liens organiques et fonctionnels entre les entreprises en cause et la Commission ou que cette dernière exerçait un contrôle en s’immisçant directement ou indirectement dans la gestion de celles-ci. Enfin, rien ne permet de
supposer que le choix initial du terme « Galileo » par la Commission ait nécessairement incité les entreprises intéressées à suivre cet exemple, sous peine de compromettre le succès économique du projet tout entier.
134 Les entreprises étant censées connaître le droit communautaire et le droit des marques, il apparaît donc adéquat de considérer qu’elles doivent être tenues pour responsables, au regard des dispositions de droit pertinentes, de leur propre comportement sur le marché, dans la mesure où elles ont choisi d’utiliser le terme « Galileo » dans le cadre de leurs activités économiques.
135 Il s’ensuit que ce choix des entreprises doit être considéré comme étant la cause directe et déterminante du préjudice allégué, l’éventuelle contribution de la Commission à ce préjudice étant trop éloignée pour que la responsabilité incombant aux entreprises en cause puisse être rejetée sur la Commission.
136 Par conséquent, le grief tiré d’une violation des droits de marque conférés aux requérantes doit être écarté.
– Sur le second grief, tiré d’un comportement négligent de la Commission à l’encontre des requérantes
137 S’agissant du grief tiré de l’abstention fautive de la Commission de procéder à une recherche sur les marques, il suffit de relever que les omissions des institutions communautaires ne sont susceptibles d’engager la responsabilité de la Communauté que dans la mesure où les institutions ont violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition communautaire (voir arrêt Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, point 36 supra, point 143, et la
jurisprudence citée).
138 Or, en l’espèce, les requérantes n’ont pas indiqué en vertu de quelle disposition de droit communautaire la Commission aurait été tenue de procéder à une recherche d’antériorité des enregistrements du terme « Galileo » en tant que marques. En outre, l’utilisation par la Commission de ce terme pour désigner son projet de radionavigation par satellite n’ayant pas violé les droits de marque conférés aux requérantes, l’abstention de l’institution défenderesse de procéder, préalablement à cette
utilisation, à une recherche sur leurs marques ne saurait être qualifiée de fautive.
139 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas non plus réussi à établir l’illégalité du comportement reproché à la Commission à ce titre.
140 Par conséquent, le grief tiré d’un comportement négligent de la Commission à l’encontre des requérantes doit également être écarté.
– Conclusion
141 Dès lors que ni l’illégalité du comportement reproché à la Commission ni l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre le comportement reproché et le préjudice invoqué n’a pu être établie, les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne sont pas remplies.
142 Dans ces conditions, l’action indemnitaire des requérantes fondée sur ce régime de responsabilité doit être rejetée.
Sur la responsabilité de la Commission du fait d’un acte licite
143 Les requérantes invoquent la responsabilité de la Commission pour des actes légaux. En l’espèce, l’emploi du terme « Galileo » aurait affecté et affecterait leurs droits d’une manière absolument unique du fait qu’elles sont les seules entreprises dont les droits ont été affectés par la mesure en question (dommage inhabituel). En outre, le risque de voir une autorité publique méconnaître le droit des marques en utilisant un terme pour un projet, alors que cette violation aurait aisément pu être
évitée, ne serait nullement inhérent au fait d’opérer dans un secteur économique particulier (dommage spécial). Enfin, le choix imprudent par la Commission du terme « Galileo » ne serait justifié par aucun intérêt économique général (absence de justification).
144 À cet égard, il y a lieu de relever que, lorsque, comme en l’espèce, l’illégalité du comportement imputé aux institutions communautaires n’est pas établie, il n’en résulte pas que les entreprises s’estimant lésées par ce comportement ne peuvent en aucun cas obtenir une compensation en engageant la responsabilité non contractuelle de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 1987, De Boer Buizen/Conseil et Commission, 81/86, Rec. p. 3677, point 17).
145 En effet, l’article 288, deuxième alinéa, CE fonde l’obligation qu’il impose à la Communauté de réparer les dommages causés par ses institutions sur les « principes généraux communs aux droits des États membres », sans restreindre, par conséquent, la portée de ces principes au seul régime de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite desdites institutions.
146 Or, les droits nationaux de la responsabilité non contractuelle permettent aux particuliers, bien qu’à des degrés variables, dans des domaines spécifiques et selon des modalités différentes, d’obtenir en justice l’indemnisation de certains dommages, même en l’absence d’action illicite de l’auteur du dommage.
147 Dans l’hypothèse d’un dommage engendré par un comportement des institutions de la Communauté dont le caractère illégal n’est pas démontré, la responsabilité non contractuelle de la Communauté peut être engagée, dès lors que sont cumulativement remplies les conditions relatives à la réalité du préjudice, au lien de causalité entre celui-ci et le comportement des institutions communautaires, ainsi qu’au caractère anormal et spécial du préjudice en question (arrêt de la Cour du 15 juin 2000,
Dorsch Consult/Conseil et Commission, C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549, point 19).
148 S’agissant des dommages que peuvent subir les opérateurs économiques du fait des activités des institutions communautaires, un préjudice est anormal lorsqu’il dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné (arrêt Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Conseil et Commission, point 80 supra, point 151, et la jurisprudence citée).
149 En l’espèce, à supposer même que les requérantes parviennent à démontrer qu’elles ont subi un préjudice réel qui a été causé par l’utilisation du terme « Galileo » par la Commission, ce préjudice ne saurait être considéré comme dépassant les limites des risques inhérents à l’exploitation, par les requérantes, du même terme au titre de leurs marques.
150 En effet, en choisissant le nom « Galileo » pour désigner leurs marques, leurs produits et leurs services, les requérantes ne pouvaient pas ignorer qu’elles s’étaient inspirées du prénom de l’illustre mathématicien, physicien et astronome italien, né à Pise en 1564, qui est une des grandes figures de la culture et de l’histoire scientifique européennes. Ainsi, les requérantes se sont volontairement exposées au risque que quelqu’un d’autre, en l’occurrence la Commission, puisse légalement,
c’est-à-dire sans porter atteinte à leurs droits de marque, intituler du même nom célèbre son programme de recherche en matière de radionavigation par satellite. Par ailleurs, en 1989, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) (administration de l’aéronautique et de l’espace américaine) avait déjà choisi le terme « Galileo » pour désigner une mission spatiale, à savoir le lancement d’un satellite d’observation vers la planète Jupiter.
151 Il n’y a donc pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de qualifier d’anormal le préjudice prétendument subi par les requérantes.
152 Une telle constatation suffit à exclure tout droit à indemnité de ce chef, sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur la condition de spécialité du préjudice allégué.
153 Il s’ensuit que ne saurait non plus être retenue la demande indemnitaire des requérantes fondée sur le régime de la responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illicite de ses organes.
154 Il résulte de l’ensemble des développements précédents que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
155 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
156 Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, elles doivent être condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions que l’institution défenderesse a présentées en ce sens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Les requérantes sont condamnées aux dépens.
Pirrung Meij Forwood
Pelikánová Papasavvas
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2006.
Le greffier Le président
E. Coulon J. Pirrung
Table des matières
Faits à l’origine du litige
1. Terme « Galileo » utilisé par les requérantes
2. Terme « Galileo » utilisé par la Commission
3. Demande d’enregistrement d’une marque communautaire introduite par la Commission
4. Échange de correspondance entre les requérantes et la Commission
5. Recours juridictionnels et administratifs intentés par les requérantes parallèlement au présent litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
1. Sur la recevabilité
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
Sur l’exigence de clarté et de précision de la requête
– Quant aux marques nationales, intracommunautaires et extracommunautaires
– Quant aux marques de renommée
– Quant aux marques communautaires
– Quant aux raisons sociales, aux noms commerciaux et aux noms de domaine
Sur les conclusions visant à obtenir la cessation des prétendus agissements fautifs de la Commission
Conclusion
2. Sur le fond
Sur la responsabilité de la Commission du fait d’un acte illicite
Observations liminaires
Arguments des parties
Appréciation du Tribunal
– Sur le premier grief, tiré d’une violation des droits de marque conférés aux requérantes
– Sur le second grief, tiré d’un comportement négligent de la Commission à l’encontre des requérantes
– Conclusion
Sur la responsabilité de la Commission du fait d’un acte licite
Sur les dépens
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* Langue de procédure : le français.