ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
13 juillet 2006
Affaire T-165/04
Hippocrate Vounakis
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonctionnaires – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2001/2002 – Incompétence de l’évaluateur d’appel – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »
Texte complet en langue française ……II-A-2 - 0000
Objet : Recours ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 23 mai 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002.
Décision : La décision du 23 mai 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée pour autant qu’elle concerne la rubrique « Conduite dans le service ». Le recours est rejeté pour le surplus. La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par le requérant. Le requérant supportera deux tiers de ses propres dépens.
Sommaire
1. Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
2. Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 17 et 43)
3. Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
4. Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
5. Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
6. Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
7. Fonctionnaires – Notation – Rapport de notation – Changement de méthode de notation
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
1. Dans le cadre de l’établissement du rapport d’évolution de carrière, doit être considérée comme licite la délégation de signature accordée par l’évaluateur d’appel aux fins de procéder à la saisine informatique et à la signature des rapports des fonctionnaires notés, dans la mesure où cette délégation concerne des mesures de gestion et d’administration clairement définies et où l’évaluateur d’appel procède lui‑même à l’examen de l’appel.
En effet, même dans le silence des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, adoptées par la Commission, quant à la possibilité de recourir à la délégation de signature, il est dans l’intérêt de l’organisation et du bon fonctionnement des services que l’évaluateur d’appel, lequel occupe, en règle générale, en ce qui concerne les fonctionnaires de la catégorie A, le poste de directeur général adjoint ou de directeur général, ne soit pas tenu personnellement de rédiger, de saisir
informatiquement et de signer tous les appels dont il peut être amené à connaître. Une telle délégation de signature, n’impliquant pas dessaisissement de l’évaluateur d’appel de sa compétence, ne constitue donc pas une dérogation à la répartition des compétences prévues par ces dispositions, mais un simple aménagement des modalités de leur exercice.
(voir points 43 et 48 à 50)
2. Dans le cadre de l’établissement du rapport d’évolution de carrière, il ne saurait être reproché à l’évaluateur d’appel d’avoir violé l’obligation de confidentialité lui incombant en vertu de l’article 17 du statut du fait de l’octroi, de manière régulière, d’une délégation de signature permettant au délégataire de procéder à la saisine informatique et à la signature des rapports des fonctionnaires notés, le délégataire ne pouvant être considéré comme une personne non qualifiée pour avoir
connaissance de ces données et étant lui‑même tenu par cette obligation de discrétion.
À supposer même que l’accès d’une personne habilitée aux données figurant dans le rapport d’évolution de carrière constitue une atteinte sensible à la confidentialité de ces données, cette circonstance ne serait de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée que s’il était établi que, en son absence, ledit rapport aurait eu un contenu différent.
(voir points 54 et 55)
Référence à : Cour 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 91 ; Tribunal 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 29 ; Tribunal 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 283
3. Lorsque le détenteur d’une délégation de signature, accordée par l’évaluateur d’appel aux fins de procéder à la saisine informatique et à la signature des rapports d’évolution de carrière des fonctionnaires notés, commet une erreur matérielle ayant pour effet que la version des commentaires à mentionner dans une rubrique d’un rapport pour laquelle l’évaluateur d’appel a donné son accord n’est pas celle figurant effectivement dans le rapport final, il en résulte, d’une part, que l’expression
de la volonté de l’autorité délégante, seule compétente, est viciée et, d’autre part, que les commentaires de cette rubrique doivent être considérés, en substance, comme inexistants, de sorte que ladite rubrique, prise dans son ensemble, est entachée d’une insuffisance de motivation.
(voir point 58)
4. L’administration a l’obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée. Les commentaires d’ordre général accompagnant les appréciations analytiques doivent permettre au noté d’en apprécier le bien‑fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au juge communautaire d’exercer son contrôle juridictionnel, et il importe, à cet effet, qu’existe une cohérence entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier.
(voir point 84)
Référence à : Tribunal 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41 ; Tribunal 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 27, et la jurisprudence citée
5. Il ne saurait être exigé de la hiérarchie du fonctionnaire noté qu’elle fasse part à ce dernier, dès avant le commencement de la procédure d’élaboration du rapport d’évolution de carrière, des jugements de valeur qu’elle envisage d’émettre à son égard. S’il est vrai qu’une telle pratique, en ce qu’elle permet au fonctionnaire d’améliorer ses performances au cours de la période d’évaluation, paraît souhaitable et conforme tant à l’intérêt du service qu’à une bonne gestion du personnel, il y a
néanmoins lieu de considérer que le fait qu’elle n’a pas été suivie n’est pas susceptible d’entacher ce rapport d’une irrégularité, le fonctionnaire ayant pu suffisamment faire valoir son point de vue au cours de la procédure d’évaluation, avant que le rapport ne devienne définitif.
(voir point 91)
6. Dans le cadre d’un recours introduit par un fonctionnaire contre son rapport d’évolution de carrière, la circonstance que le rapport suivant dont il a fait l’objet ne fait plus état de certains reproches du notateur à son égard ne saurait en aucune façon, en tant qu’élément postérieur à la décision attaquée, remettre en cause le bien‑fondé de l’appréciation du notateur contenue dans le premier rapport.
(voir point 114)
7. Un changement de méthode de notation implique nécessairement que la correspondance entre l’ancienne et la nouvelle méthode de notation ne peut être effectuée par le biais d’un mécanisme corrélationnel fixe. La modification des paramètres d’appréciation rend donc particulièrement difficile une comparaison entre l’ancienne et la nouvelle évaluation d’un fonctionnaire.
Néanmoins, la comparaison de l’écart entre la notation du fonctionnaire et la notation moyenne des fonctionnaires de même grade de sa direction générale lors du dernier exercice de notation sous l’ancienne méthode, d’une part, et lors du premier exercice sous la nouvelle méthode, d’autre part, est susceptible de donner un aperçu, certes imprécis et relatif, de l’évolution de la notation du fonctionnaire d’un exercice de notation à l’autre. Cette comparaison constitue donc un élément qui, sans être
d’une pertinence absolue, doit pouvoir être pris en compte.
(voir points 141 et 142)
Référence à : Tribunal 22 février 1990, Turner/Commission, T‑40/89, Rec. p. II‑55, point 23 ; Tribunal 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, non encore publié au Recueil, point 80
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
13 juillet 2006 (*)
« Fonctionnaires – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2001/2002 – Incompétence de l’évaluateur d’appel – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T‑165/04,
Hippocrate Vounakis, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Wezembeek-Oppem (Belgique), représenté par M^es S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Berscheid et V. Joris, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 23 mai 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de M. M. Jaeger, président, M^me V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,
greffier : M. I. Natsinas, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2005,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 En vertu de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), la compétence, le rendement et la conduite dans le service des fonctionnaires autres que ceux de grade A 1 ou A 2 font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110 du statut.
2 Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE »). Un nouveau système de notation a ainsi été introduit.
3 En vertu de la règle de transition consacrée à l’article 4, paragraphe 1, des DGE, lors du premier exercice de notation effectué selon le nouveau système, le rapport d’évolution de carrière prévu à l’article 6 des DGE (ci-après le « REC ») couvre la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Conformément à cette même disposition, lors de cet exercice, l’évaluation du rendement est effectuée nonobstant l’absence d’une définition préalable des objectifs à atteindre dans le cadre
du poste, prévue à l’article 7, paragraphe 1, des DGE.
4 S’agissant des personnes impliquées dans la procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE prévoient que le fonctionnaire de la catégorie A est noté par son chef d’unité en tant qu’évaluateur chargé de rédiger le REC. Le validateur, qui est le supérieur hiérarchique de l’évaluateur, a pour rôle de contresigner le rapport ; en cas de désaccord avec l’évaluateur, c’est au validateur que revient la responsabilité finale du rapport. Si le fonctionnaire non satisfait de sa notation s’adresse
au comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 8 des DGE (ci-après le « CPE »), l’évaluateur d’appel, qui est le supérieur hiérarchique du validateur, décide du suivi à donner, compte tenu de l’avis du CPE.
5 Quant au déroulement de la procédure d’évaluation, les articles 7 et 8 des DGE disposent que, à la suite d’une « autoévaluation » rédigée par le fonctionnaire noté et d’un dialogue entre ce dernier et l’évaluateur, le REC est établi par l’évaluateur et le validateur. Le fonctionnaire noté a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, qui a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ensuite, le fonctionnaire noté peut demander au validateur de saisir le CPE, dont
le rôle consiste à vérifier si le REC a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Le CPE émet un avis motivé sur la base duquel l’évaluateur d’appel soit modifie, soit confirme le REC ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.
Faits à l’origine du litige
6 Le requérant, M. Vounakis, est entré en fonctions à la Commission le 9 décembre 1981 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade A 6. Il a été promu au grade A 5 le 1^er avril 1989. À l’époque des faits, il était fonctionnaire de grade A 5 au sein de l’unité « Industrie alimentaire » de la direction générale (DG) « Entreprises ».
7 Le REC dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002 (ci-après la « période d’évaluation ») a été établi par l’évaluateur le 18 février 2003 et approuvé par le validateur le 20 février 2003. Un nombre total de 12 points sur 20 points possibles lui a été attribué, à savoir 6 points sur 10 (« bon ») pour la rubrique relative au rendement, 4 points sur 6 (« bon ») pour celle relative aux aptitudes et 2 points sur 4 (« suffisant ») pour celle
relative à la conduite dans le service.
8 Le 3 mars 2003, le requérant a demandé la révision de son évaluation. Dans sa demande, il soulignait, d’une part, qu’il avait couvert à lui seul pendant plus de deux années le travail prévu pour deux fonctionnaires et, d’autre part, que tant son directeur général que les représentants du secteur de l’industrie avaient exprimé leur satisfaction pour son travail.
9 À la suite d’un entretien avec le requérant en date du 12 mars 2003, le validateur a ajouté certaines appréciations sous les rubriques « Rendement », « Aptitudes » et « Conduite dans le service », tout en confirmant la notation attribuée.
10 Le 19 mars 2003, le requérant a fait appel de sa notation. Le 29 avril 2003, le CPE a formulé l’avis suivant :
« Le Comité considère que l’intervention du validateur n’est pas suffisamment étayée. Il recommande dès lors à l’évaluateur d’appel d’inviter le validateur à argumenter davantage sa position. »
11 Par décision du 23 mai 2003, l’appel du requérant a été rejeté (ci-après la « décision attaquée »). Le REC litigieux indique à cet égard que l’appel a été finalisé et signé par M. D. pour M. M., directeur général de la DG « Entreprises » et évaluateur d’appel du requérant, et porte le commentaire suivant :
« Mes consultations avec sa hiérarchie ont confirmé la bonne évaluation globale de M. Vounakis. Celle-ci doit cependant être mieux justifiée (voir les rubriques rendement, compétences et conduite). »
12 Le 4 août 2003, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.
13 Par décision du 14 janvier 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation. Le requérant a accusé réception de cette décision le 23 janvier 2004.
Procédure et conclusions des parties
14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2004, le requérant a introduit le présent recours.
15 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, invité les parties à répondre à certaines questions écrites et à produire certains documents. Il a été déféré à cette demande.
16 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 24 novembre 2005. À cette occasion, le Tribunal a pris acte de ce que le requérant retirait du dossier l’extrait de l’avis du service juridique de la Commission du 29 juillet 2004, cité au point 34 de la réplique.
17 La Commission ayant été priée, lors de l’audience, de produire certains documents et le requérant ayant été invité à présenter ses observations sur lesdits documents, le président de la troisième chambre du Tribunal a clos la procédure orale par décision du 14 mars 2006.
18 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
19 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, rejeter le recours comme partiellement irrecevable et non fondé pour le surplus ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé dans son ensemble ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
Observation préliminaire
20 Lors de l’audience, le requérant a fait observer que, à l’époque de l’introduction du recours, il ne disposait pas de la version authentique intégrale du REC le concernant et que la version produite en annexe à la requête résulte d’une impression séparée des rubriques du REC auxquelles il a eu accès au sein du système Sysper 2.
21 Ainsi que le Tribunal l’y a invitée lors de l’audience, la Commission a produit la version intégrale du REC. Les commentaires et notations figurant dans l’annexe de la requête sont intégralement repris, sans ajout ni modification, dans ladite version intégrale, laquelle inclut en outre cinq rubriques (« Résumé des points », « Données relatives au rapport », « Données personnelles de l’évalué », « Description du poste » et « Objectifs de la période », cette dernière étant laissée vide en
raison du caractère transitoire de l’exercice de notation 2001/2002) purement descriptives et dépourvues de tout nouvel élément d’appréciation des mérites du requérant. Il s’ensuit que la circonstance que le requérant a annexé à son recours une version matériellement incomplète de la décision attaquée n’est pas de nature à remettre en cause la recevabilité du recours, la Commission n’ayant d’ailleurs soulevé aucun argument en ce sens.
22 Le requérant invoque en substance trois moyens tirés, premièrement, de l’incompétence de l’évaluateur d’appel, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’incohérences et d’un défaut de motivation dans l’évaluation du rendement, des aptitudes et de la conduite dans le service, et, troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation de la régression de sa notation au regard du rapport de notation dont il avait fait l’objet pour la période de référence antérieure.
Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de l’évaluateur d’appel
Sur la recevabilité
– Arguments des parties
23 La Commission conteste la recevabilité du moyen tiré de l’incompétence de l’évaluateur d’appel, sur le fondement d’un défaut de concordance entre la réclamation administrative préalable et la requête (arrêt du Tribunal du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, RecFP p. I‑A‑195 et II‑885, points 35 à 37). Elle fait ainsi observer que, sous le titre « IV – Arguments » de sa réclamation, le requérant ne soutient aucunement que l’évaluateur d’appel ne serait pas la personne
désignée comme telle par les DGE. Il ne saurait être déduit du seul fait, mentionné par le requérant dans sa réclamation, que l’auteur de la signature électronique du REC litigieux est une autre personne que l’évaluateur d’appel que le requérant entendait soutenir que cette autre personne aurait à tort pris la décision d’appel en lieu et place du directeur général.
24 Le requérant souligne que le titre « I – Cadre juridique » de la réclamation faisait référence aux DGE, au guide de l’évaluation et au guide de l’évaluation du personnel relatif à l’exercice 2001/2002 (transition). En outre, il aurait indiqué, aux points 16 et 44 de la réclamation, que « [son] rapport a[vait] été signé par un fonctionnaire, au nom de son directeur général, censé être lui seul l’évaluateur d’appel, sans changements quant au nombre des points de mérite » et que « ni
l’évaluateur, ni le validateur, ni le fonctionnaire qui a[vait] signé au nom de l’évaluateur d’appel (le directeur général), [n’avaient] tenu compte de l’intérêt du noté ».
25 Or, l’article 2 des DGE ainsi que le guide d’évaluation du personnel relatif à l’exercice 2001/2002 (transition) préciseraient que l’évaluateur d’appel est le supérieur hiérarchique du validateur. En outre, la réclamation aurait clairement indiqué que l’auteur de la signature du REC n’était pas celui qui était « censé » être l’évaluateur d’appel.
26 Il s’ensuit que le requérant aurait mentionné dans la réclamation, d’une part, les règles de compétence relatives aux évaluateurs et aux validateurs et, d’autre part, que celles-ci n’avaient pas été respectées. L’AIPN aurait donc été en mesure de comprendre le moyen tiré de l’incompétence de l’évaluateur d’appel invoqué lors de la phase précontentieuse. Le requérant en conclut que le présent moyen est recevable.
– Appréciation du Tribunal
27 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître d’une façon suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Si les conclusions présentées devant le juge
communautaire ne peuvent contenir que des « chefs de contestation » reposant sur la même cause que celle des chefs de contestation invoqués dans la réclamation, ces chefs de contestation peuvent cependant, devant le juge communautaire, être développés par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T‑58/91, Rec. p. II‑147, point 83, et du 8 juin 1995,
Allo/Commission, T‑496/93, RecFP p. I‑A‑127 et II‑405, point 26).
28 En outre, la procédure précontentieuse ayant un caractère informel et les intéressés pouvant agir, à ce stade, sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas examiner les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture (arrêt Cubero Vermurie/Commission, point 23 supra, point 36).
29 En l’espèce, le moyen du requérant dont la Commission conteste la recevabilité est tiré de l’incompétence de l’évaluateur d’appel. Cette incompétence résulterait de ce que le signataire du REC n’est pas la personne désignée par l’article 2, paragraphe 4, des DGE, à savoir le supérieur hiérarchique du validateur.
30 Or, sans même qu’il soit nécessaire de s’interroger quant à la présence en substance, dans la réclamation, d’un grief pouvant être rattaché au présent moyen, il y a lieu de rappeler que le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief est un moyen d’ordre public (arrêts du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, T‑79/89, T‑84/89 à T‑86/89, T‑89/89, T‑91/89, T‑92/89, T‑94/89, T‑96/89, T‑98/89, T‑102/89 et T‑104/89, Rec. p. II‑315, point 31, et du 24 septembre
1996, Marx Esser et Del Amo Martinez/Parlement, T‑182/94, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1197, point 44). Il appartient dès lors, en tout état de cause, au Tribunal de l’examiner d’office (arrêt de la Cour du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, Rec. p. I‑5843, point 56).
Sur le fond
– Arguments des parties
31 Le requérant soutient que l’auteur des commentaires et de la signature du REC est M. D. Or, seul le directeur général de la DG « Entreprises », M. M., aurait été compétent pour connaître de l’appel, conformément à l’article 2, paragraphe 4, des DGE.
32 Le requérant rappelle à cet égard que les hypothèses de délégation de compétence en matière d’évaluation sont limitativement prévues à l’article 3 des DGE et ne visent pas la situation qui est la sienne.
33 En réponse à l’argument de la Commission selon lequel M. D. se serait limité à encoder en toute confidentialité un texte établi par M. M., le requérant soutient qu’il appartient à la Commission de rapporter la preuve de ce que M. M. a personnellement pris connaissance de toutes les rubriques du REC et de ses arguments lors de son élaboration, ce qu’elle resterait en défaut de faire.
34 La délégation informatique personnelle qu’aurait consentie M. M. à M. D. ne permettrait pas de s’assurer, lors de l’intervention de l’évaluateur d’appel, que l’objectif du nouveau système de rapports informatisés a été atteint. En effet, la Commission aurait elle-même indiqué, dans la réponse à la réclamation, que « le système informatique ne prévoit pas la possibilité de supprimer une quelconque partie du REC » et que « [l]es éventuelles corrections ou modifications aux appréciations y
contenues doivent être expressément rajoutées et le REC doit donc être lu et apprécié à travers l’ensemble des appréciations y contenues ».
35 Le requérant estime en outre que cette délégation informatique a permis à M. D. de prendre connaissance du REC, ce qui constitue une violation de la confidentialité des données personnelles relatives à sa carrière.
36 La Commission reconnaît que seul M. M. était compétent en tant qu’évaluateur d’appel du requérant. Toutefois, M. D. se serait limité, en toute confidentialité, à encoder dans le système informatique Sysper 2 un texte établi par M. M., dans le respect de la procédure des délégations informatiques personnelles. Ces délégations seraient enregistrées dans le système, dans lequel toute action serait traçable. En l’espèce, le REC mentionnerait ainsi clairement la délégation informatique opérée. Il
ne s’agirait toutefois pas d’une délégation de pouvoir, mais d’une simple facilité de saisie informatique.
37 En outre, la charge de la preuve que l’évaluateur d’appel a effectivement pris connaissance de toutes les rubriques du REC n’incomberait aucunement à la Commission, le REC pouvant à tout moment faire l’objet d’une impression par les personnes habilitées à consulter le dossier électronique du requérant. Ainsi, la circonstance que l’évaluateur d’appel n’ait pas personnellement encodé son commentaire et sa signature ne saurait constituer une preuve ni un indice de ce qu’il n’a pas eu le dossier
du requérant à sa disposition au moment d’établir son évaluation, que ce soit sous la forme d’une version électronique ou d’un tirage papier dudit dossier.
38 Les commentaires détaillés de l’évaluateur d’appel dans certaines rubriques du REC litigieux démontreraient d’ailleurs que le dossier du requérant a été examiné avec soin et que l’évaluateur d’appel s’est formé une opinion propre à cet égard.
39 S’agissant du grief du requérant pris d’une violation de la confidentialité, la Commission rappelle que MM. D. et M. sont tous deux astreints au secret professionnel, conformément à l’article 17 du statut. Le requérant n’apporterait aucun indice de ce que ces fonctionnaires auraient violé cette obligation ou de l’existence d’un simple risque d’une telle violation.
40 Enfin, la Commission soutient que, en tout état de cause, il est de jurisprudence constante que les violations des obligations imposées au notateur ne constituent des irrégularités substantielles de nature à entacher la validité du rapport de notation que si l’intéressé démontre que, en l’absence de celles-ci, le rapport de notation définitif aurait pu avoir un contenu différent (arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 53). Or, le
requérant ne démontrerait aucunement que le REC litigieux aurait été différent si M. M. avait lui-même procédé à l’encodage de ses commentaires. Quant à la prétendue violation de la confidentialité, elle serait uniquement susceptible de donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts, dans l’hypothèse où les conditions d’une action en responsabilité seraient remplies.
– Appréciation du Tribunal
41 Il résulte de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 3, paragraphe 1, des DGE que, hormis l’hypothèse où le fonctionnaire noté relève directement du directeur, du directeur général adjoint ou du directeur général, s’agissant des personnels de la catégorie A, l’évaluateur est le chef d’unité, le validateur est le directeur, et l’évaluateur d’appel est le supérieur hiérarchique du validateur.
42 En l’espèce, le requérant ne conteste pas la compétence de M. X, en tant qu’évaluateur, ni celle de M. W., en tant que validateur. Il considère néanmoins que seul le directeur général de la DG « Entreprises », M. M., était compétent en tant qu’évaluateur d’appel. Or, il ressortirait du REC que l’auteur de l’évaluation d’appel n’était pas M. M., mais M. D. En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué que ce dernier était, à l’époque des faits, assistant à l’unité
« Ressources humaines » de la DG « Entreprises », en charge du suivi des exercices d’évaluation et de promotion.
43 Le Tribunal constate que, sous la rubrique « Commentaires et signature de l’évaluateur d’appel », laquelle porte approbation finale du REC, figure l’indication suivante : « L’appel a été finalisé et a été signé par M. [D.] pour M. [M.]. » Il ressort de cette formulation, ainsi que des preuves documentaires fournies par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que M. D. a formellement bénéficié, dans le respect de la procédure prévue à cet effet par le système
Sysper 2, d’une délégation informatique de la part de M. M., pour la période allant du 13 mai au 31 décembre 2003, en vue de procéder à la saisie informatique et à la signature des REC concernant les fonctionnaires de la DG « Entreprises ».
44 Il ressort également de ces documents que, si M. M. n’a pas personnellement procédé à la saisie, dans le système informatique Sysper 2, des différents commentaires en appel devant être insérés dans le REC concernant le requérant, il a néanmoins donné son accord écrit aux propositions de commentaires qui lui ont été soumises par M. D., et ce alors qu’il était concomitamment en possession du projet de REC, lequel faisait état des étapes antérieures de la procédure ainsi que des commentaires et
notations des différents acteurs qui y étaient intervenus.
45 La délégation dont M. D. a bénéficié de la part de M. M. s’analyse ainsi en une délégation de signature, laquelle, à la différence de la délégation de pouvoir, n’emporte aucunement le transfert au délégataire d’une compétence appartenant au délégant, mais habilite simplement le délégataire à élaborer et à signer, en son nom et sous la responsabilité du délégant, l’instrumentum d’une décision dont la substance a été définie par ce dernier.
46 Il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à prétendre que ladite délégation aurait été accordée en violation de l’article 3 des DGE. En effet, à supposer même qu’il faille l’interpréter comme excluant toute hypothèse de délégation autre que celle envisagée en son paragraphe 2, lequel prévoit que, dans les unités de grande taille, le chef d’unité peut déléguer le travail d’évaluation aux fonctionnaires de la catégorie A ou LA qui gèrent et supervisent le personnel des catégories B, C et D
avec un certain degré d’autonomie, force est de constater qu’il résulte des termes et de l’économie de cette disposition que seule la délégation de pouvoir y est visée, ainsi que le fait observer la Commission, non contestée sur ce point par le requérant.
47 Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il a été jugé, dans l’hypothèse de décisions signées par un fonctionnaire au nom de la Commission et sous son contrôle, que la délégation de signature à l’intérieur d’une institution constitue une mesure relative à l’organisation interne des services de l’administration communautaire, conforme au règlement intérieur de la Commission, et qu’elle est le moyen normal par lequel la Commission exerce ses compétences (arrêts de la Cour du 17 octobre 1972,
Vereeniging van Cementhandelaren/Commission, 8/72, Rec. p. 977, points 10 à 14 ; du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 14, et du 11 octobre 1990, FUNOC/Commission, C‑200/89, Rec. p. I‑3669, points 13 et 14 ; arrêts du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal/Commission, T‑450/93, Rec. p. II‑1177, point 34, et du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T‑338/94, Rec. p. II‑1617, point 82).
48 S’il est vrai que, contrairement au règlement intérieur de la Commission du 8 décembre 2000 (JO L 308, p. 26), lequel mentionne en son article 13 les conditions de l’exercice des compétences de la Commission par ses membres et par les directeurs généraux et chefs de service, le cadre réglementaire spécifique applicable à la procédure d’élaboration du REC, à savoir les DGE, est muet quant à la possibilité de recourir à la délégation de signature, cette seule circonstance ne saurait être
interprétée comme interdisant cette possibilité. Au contraire, il est dans l’intérêt de l’organisation et du bon fonctionnement des services de la Commission que l’évaluateur d’appel, lequel occupe en règle générale, en ce qui concerne les fonctionnaires de la catégorie A, le poste de directeur général adjoint ou de directeur général, ne soit pas tenu de personnellement rédiger, saisir informatiquement et signer tous les appels dont il peut être amené à connaître, ce d’autant plus que, conformément
à l’article 8, paragraphe 7, sous b), des DGE, celui-ci ne dispose que d’un délai de trois jours ouvrables à compter de l’avis du CPE pour confirmer le REC ou le modifier.
49 Il y a également lieu de souligner que, selon la jurisprudence, les délégations de pouvoirs d’exécution sont licites à condition qu’un texte ne les prohibe pas formellement (arrêt du Tribunal du 18 octobre 2001, X/BCE, T‑333/99, Rec. p. II‑3021, point 102). Tel doit aussi être le cas, à plus forte raison, de la simple délégation de signature consentie en l’espèce. En effet, celle-ci n’emporte pas dessaisissement par l’évaluateur d’appel, tel que désigné par les DGE, de sa compétence. Elle ne
constitue donc pas une dérogation à la répartition des compétences prévues par les DGE, mais un simple aménagement des modalités formelles de leur exercice.
50 Il résulte de tout ce qui précède que la délégation de signature accordée par M. M. à M. D., dans la mesure où elle concernait des mesures de gestion et d’administration clairement définies, et en l’absence de toute indication permettant d’estimer que l’administration se serait départie en l’occurrence des règles applicables en la matière, doit être considérée comme licite (voir, en ce sens, arrêts FUNOC/Commission, point 47 supra, point 13, et Lisrestal/Commission, point 47 supra, point 34).
En particulier, contrairement aux affirmations du requérant, eu égard à l’approbation donnée par M. M. à la proposition de commentaires de M. D., laquelle était accompagnée d’un résumé de la situation et des motifs d’appel du requérant, des commentaires du validateur faisant suite à l’avis du CPE ainsi que du REC provisoire, il n’y a pas lieu de douter de ce que M. M. a lui-même procédé à l’examen de l’appel formé par le requérant ni de la diligence et de la circonspection de ce dernier à cette
occasion.
51 De même, il résulte de ce qui précède que le dossier soumis à M. M. ne constitue qu’un document à la fois récapitulatif de la situation du requérant, telle que décrite dans le REC, et préparatoire de la décision finale d’appel, laquelle figure dans le REC final que le requérant a dûment pu contester tant à l’occasion de la réclamation administrative préalable que lors du présent recours. Contrairement à ce qu’a prétendu le requérant lors de l’audience, ce document ne saurait donc, en soi,
être considéré comme un rapport sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service qui, en tant que tel, aurait dû être versé à son dossier individuel en application de l’article 26 du statut. En outre, il y a lieu de rappeler que cette disposition, selon laquelle le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir toute pièce intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement et son comportement ainsi que les observations formulées par le
fonctionnaire à l’égard desdites pièces, a pour but d’assurer le droit de la défense du fonctionnaire, en évitant que les décisions prises par l’AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement non mentionnés dans son dossier individuel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 56, et la jurisprudence citée). Or, le requérant ne démontre ni même n’allègue que
la décision de l’évaluateur d’appel a été fondée sur de tels faits. Par ailleurs, les éléments récapitulatifs de la situation du requérant sur lesquels l’évaluateur d’appel a fondé sa décision sont issus du REC lui-même, de sorte que le requérant avait déjà eu l’occasion de faire valoir son point de vue à leur égard auprès de l’évaluateur et du validateur lors de la procédure d’élaboration dudit REC.
52 Quant à l’argument tiré de ce que la délégation en cause constitue une violation de la confidentialité des données relatives à sa carrière, il y a lieu de relever que, bien que le requérant le présente formellement dans le cadre du moyen tiré de l’incompétence de l’évaluateur d’appel, cet argument constitue un moyen nouveau produit au stade de la réplique. Conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, ce moyen doit donc être rejeté comme irrecevable.
53 En tout état de cause, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 17 du statut, « [l]e fonctionnaire est tenu d’observer la plus grande discrétion sur tout ce qui concerne les faits et informations qui viendraient à sa connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ; il ne doit communiquer, sous quelque forme que ce soit, à une personne non qualifiée pour en avoir connaissance, aucun document ni aucune information qui n’auraient pas été rendus publics ».
54 Compte tenu de ce que M. D. a fait l’objet, de manière régulière, d’une délégation de la part de M. M., il ne saurait être considéré comme une personne non qualifiée pour avoir connaissance des données figurant dans le REC concernant le requérant et était lui-même tenu par l’obligation de discrétion prévue à l’article 17 du statut. Dès lors, il ne saurait être reproché à M. M. d’avoir violé l’obligation de confidentialité lui incombant en vertu de cette disposition.
55 En outre, à supposer même que l’accès d’une personne habilitée aux données figurant dans le REC constitue une atteinte sensible à la confidentialité de ces données, cette circonstance ne serait de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée que s’il était établi que, en son absence, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec.
p. 1663, point 91 ; arrêts du Tribunal 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II-441, point 29, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 283).
56 Or, le requérant ne démontre ni même n’allègue que tel aurait été le cas en l’espèce. Il s’ensuit que l’argument tiré de la prétendue violation de la confidentialité des données relatives à sa carrière doit, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé.
57 Enfin, lors de la procédure orale, il est apparu que les commentaires figurant sous l’intitulé « Commentaires de l’évaluateur d’appel » de la rubrique « Conduite dans le service » du REC ne correspondaient pas aux commentaires figurant sous cette même rubrique du document soumis par M. D. à l’approbation de M. M., mais constituaient la reprise textuelle des commentaires mentionnés sous la rubrique « Aptitudes » de ce document et du REC. La Commission a admis, à cet égard, qu’il s’agissait
d’une erreur matérielle probablement causée par une fausse manipulation informatique.
58 Le Tribunal constate ainsi que la version des commentaires à mentionner dans la rubrique « Conduite dans le service » pour laquelle M. M. a donné son accord écrit n’est pas celle figurant effectivement dans le REC final du requérant. À la place de ces commentaires, relatifs à la conduite dans le service, se trouvent des appréciations relatives aux aptitudes du requérant, sans rapport avec sa conduite dans le service ni avec les commentaires des autres notateurs dans cette rubrique. Il
s’ensuit que, si, ainsi qu’il a été considéré précédemment, la délégation de signature consentie par M. M. à M. D. est licite dans son principe, force est de constater que l’erreur matérielle commise lors de son exécution a pour conséquence, d’une part, que l’expression de la volonté de l’autorité délégante seule compétente est viciée et, d’autre part, que les commentaires de l’évaluateur d’appel figurant sous la rubrique « Conduite dans le service » du REC du requérant doivent être considérés, en
substance, comme inexistants de sorte que ladite rubrique, prise dans son ensemble, est entachée d’une insuffisance de motivation.
59 Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle concerne la rubrique « Conduite dans le service » du REC.
60 Le premier moyen est rejeté pour le surplus.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’incohérences et d’une violation de l’obligation de motivation dans l’évaluation du rendement, des aptitudes et de la conduite dans le service du requérant
61 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les notateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter. Il n’appartient pas au juge communautaire, sauf en cas d’erreur de fait, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir, de contrôler le bien-fondé de l’appréciation portée sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire, lorsqu’elle comporte des jugements
complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective (voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 58, et la jurisprudence citée).
62 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments du requérant.
Sur la première branche, relative à l’évaluation du rendement du requérant
– Arguments des parties
63 Le requérant fait observer que tant l’évaluateur que le validateur et l’évaluateur d’appel ont relevé, en substance, qu’il devait être supervisé s’agissant du traitement et de la définition des priorités politiques.
64 Or, à la suite du transfert des compétences en matière de législation alimentaire à la DG « Santé et protection des consommateurs » en mars 2000, le rôle de l’unité « Industrie alimentaire » de la DG « Entreprises » à laquelle le requérant appartient consisterait uniquement à émettre, en tant que service associé, des avis relatifs aux propositions de réglementations élaborées par d’autres directions générales.
65 Dans l’accomplissement de ses tâches, le requérant serait amené à vérifier si les propositions qui lui sont soumises sont conformes aux normes législatives existantes, aux obligations de la Commission fixées par le Conseil et le Parlement et à mesurer l’impact desdites normes sur le secteur concerné. Dès lors, les avis sollicités auprès du service du requérant ne pourraient, en principe, faire l’objet de considérations politiques.
66 Le requérant fait observer à cet égard que ses supérieurs hiérarchiques ne lui ont aucunement indiqué, au cours de la période de référence, les prétendues priorités politiques ou stratégiques auxquelles ceux-ci font référence dans leurs commentaires, et ont au contraire approuvé les projets d’avis proposés par le requérant et ont constaté la satisfaction de nombreux partenaires sociaux représentant le secteur de l’industrie.
67 En tout état de cause, à supposer même que le requérant n’ait pas respecté les priorités politiques ou stratégiques évoquées dans le REC litigieux, cela ne saurait lui être reproché compte tenu de ce que, au cours de la période d’évaluation, aucune référence à ces priorités n’aurait été faite par ses évaluateurs et par le validateur, lesquels auraient été incapables de fournir des précisions à ce sujet.
68 Dès lors, le requérant considère qu’il n’est pas en mesure de comprendre les reproches qui lui sont adressés et que le juge communautaire ne peut exercer son contrôle de légalité. Le défaut de motivation du REC sur ce point ne permettrait pas, en outre, au requérant d’améliorer la qualité de ses prestations, ce qui serait contraire à l’un des objectifs du REC, qui, selon la communication de la Commission du 28 février 2001 intitulée « Rapport d’évolution de carrière », est « le point de
départ d’une évaluation du potentiel de développement professionnel de l’intéressé et [permet] d’étudier les besoins de formation dans une optique axée sur la progression de la carrière à plus long terme et les perspectives de mobilité », « [c]ette évaluation constitu[ant] également une base pour l’orientation de la carrière ».
69 La Commission souligne que, outre des commentaires favorables, figurent dans le REC des appréciations relevant les faiblesses du requérant. Il s’agirait en particulier de son manque de sens des priorités dans les politiques à suivre, ce qui nécessiterait une surveillance poussée de la part de sa hiérarchie.
70 La circonstance que le requérant bénéficie de bonnes compétences techniques et que son équipe n’ait été renforcée qu’en 2002, laquelle aurait été prise en considération dans le REC, ne justifierait pas une meilleure appréciation analytique au regard de l’ensemble des éléments évalués.
71 Selon la Commission, la décision de transfert de compétence en matière de sécurité alimentaire de la DG « Entreprises » à la DG « Santé et protection des consommateurs » indique :
« En vue d’assurer que l’élaboration des futures propositions tienne pleinement compte de tous les facteurs pertinents :
– le commissaire responsable des entreprises sera pleinement associé aux propositions faites dans le domaine de la législation alimentaire ; et
– la [DG] ‘Entreprises’ conservera l’expertise nécessaire pour participer de façon significative à ce processus. »
72 En outre, le programme de travail de l’unité « Industrie alimentaire » de la DG « Entreprises », à laquelle appartient le requérant, décrirait le rôle de ladite unité comme suit :
« Contribuer au développement de la politique en matière alimentaire en vue de renforcer la compétitivité de l’industrie alimentaire de l’Union. Cette activité inclut une implication précoce dans la nouvelle réglementation, une interaction avec les parties prenantes, une participation au comité scientifique et au comité permanent pour l’alimentation, ISC’s. »
73 La Commission conteste ainsi l’argumentation du requérant consistant à soutenir que ses tâches ne comportent aucune appréciation politique. Le rôle d’un service associé ne se limiterait aucunement à un simple contrôle technique au regard de la réglementation existante, mais consisterait aussi à signaler au service chef de file les problèmes que la solution proposée peut soulever dans les domaines dont le service a la charge, à chercher des solutions alternatives et à les suggérer au service
chef de file dans le cadre de consultations interservices, et à prendre l’initiative d’indiquer au service chef de file des difficultés qui auraient été ignorées.
74 Quant à la prétendue incohérence soulevée par le requérant, la Commission fait observer qu’il n’est pas contradictoire de reconnaître le bon niveau technique du travail effectué par le requérant tout en constatant la nécessité d’un contrôle au regard des priorités politiques. En outre, il ne saurait y avoir d’incohérence entre le commentaire, par nature subjectif, figurant dans l’autoévaluation du requérant et celui des autres intervenants, lesquels effectuent librement leur évaluation.
– Appréciation du Tribunal
75 Le commentaire de l’évaluateur d’appel, sous la rubrique « Rendement » du REC, indique :
« Afin de fournir les résultats souhaités, M. Vounakis doit faire l’objet d’une supervision rapprochée dans la définition des priorités au regard de l’impact des propositions législatives en matière alimentaire sur l’industrie alimentaire et du rôle de la DG ‘Entreprises’ en tant que ‘service pleinement associé’ vis-à-vis de la DG [‘Santé et protection des consommateurs’], exemple : ionisation. »
76 Le validateur et l’évaluateur ont, quant à eux, indiqué :
« Son expérience lui donne un degré élevé d’autonomie dans son travail mais une supervision est nécessaire en ce qui concerne le traitement des priorités politiques. »
77 Premièrement, le requérant prétend qu’il ne saurait lui être reproché de devoir être supervisé en ce qui concerne le traitement et la définition de priorités politiques compte tenu de ce que, depuis le transfert de compétence en matière de législation alimentaire à la DG « Santé et protection des consommateurs », les avis sollicités auprès de son service n’impliquent aucune considération d’ordre politique.
78 À cet égard, il y a lieu de souligner que, selon l’appréciation qu’en fait le requérant lui-même dans son autoévaluation, le rôle de l’unité à laquelle il appartient consiste, à la suite du transfert de compétence en matière de législation alimentaire à la DG « Santé et protection des consommateurs », à préserver et à promouvoir la compétitivité du secteur de l’industrie alimentaire. Dans cette même autoévaluation, le requérant indique également que, selon lui, la tâche de son service
consiste à considérer l’impact, sur la compétitivité de l’industrie alimentaire européenne, de toutes les mesures législatives et activités de la Commission, à l’exception de la biotechnologie, abordant des questions de sécurité alimentaire, et à assurer que les mesures ou propositions envisagées soient équilibrées et ne créent pas de handicaps ou de charges inutiles à l’égard des opérateurs.
79 Cette description est conforme au programme de travail, cité par la Commission et non contesté par le requérant, de l’unité « Industrie alimentaire » à laquelle celui-ci appartient. Selon ce programme, le rôle de cette unité consiste en effet à « contribuer au développement de la politique en matière alimentaire en vue de renforcer la compétitivité de l’industrie alimentaire de l’Union » et « [c]ette activité inclut une implication précoce dans la nouvelle réglementation, une interaction avec
les parties prenantes, une participation au comité scientifique et au comité permanent pour l’alimentation, ISC’s ».
80 En outre, force est de constater que le requérant ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle le rôle d’un service associé ne se limite aucunement à un simple contrôle technique au regard de la réglementation existante, mais consiste aussi à signaler au service chef de file les problèmes que la solution proposée peut soulever dans les domaines dont le service a la charge, à chercher des solutions alternatives et à les suggérer au service chef de file dans le cadre de
consultations interservices, et à prendre l’initiative d’indiquer au service chef de file des difficultés qui auraient été ignorées.
81 Dès lors, il ressort de ces éléments que le rôle de l’unité en cause implique des considérations relevant de la politique, au sens large, de la Commission en matière de sécurité alimentaire au regard de son impact sur la compétitivité des entreprises.
82 Il s’ensuit que les notateurs, en considérant que les tâches du requérant comportaient la définition de priorités politiques, n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
83 Deuxièmement, le requérant prétend que le REC ne lui permet pas de comprendre ce qui lui est reproché à cet égard ni au juge communautaire d’exercer son contrôle, de sorte que le REC serait entaché d’un défaut de motivation sur ce point.
84 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’administration a l’obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée (voir arrêt du Tribunal du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 27, et la jurisprudence citée). Dans un REC, une telle motivation figure, en principe, sous chacune des rubriques « Rendement », « Aptitudes », « Conduite dans le service », « Synthèse » et « Potentiel » du formulaire ad
hoc. Les commentaires d’ordre général accompagnant les appréciations analytiques doivent permettre au noté d’en apprécier le bien‑fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel et il importe, à cet effet, qu’existe une cohérence entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41).
85 Or, il y a lieu de relever que, à la suite des commentaires du requérant indiquant que ses tâches n’incluent pas le développement de politiques, le validateur a indiqué, sous la rubrique « Rendement », que ses tâches « consist[ai]ent à contribuer à la législation en matière alimentaire (dans le cadre du rôle de la DG ‘Entreprises’ en tant que service ‘pleinement associé’ à la DG [‘Santé et protection des consommateurs’] en matière de politique alimentaire) afin d’assurer la compétitivité de
l’industrie alimentaire ». L’évaluateur d’appel a, quant à lui, indiqué que le requérant devait faire l’objet d’une supervision rapprochée dans la définition de priorités en ce qui concernait, d’une part, l’impact des propositions de législation alimentaire sur l’industrie alimentaire et, d’autre part, le rôle de la DG « Entreprises » en tant que service pleinement associé vis-à-vis de la DG « Santé et protection des consommateurs », donnant à cet égard l’exemple de la directive 1999/2/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 22 février 1999, relative au rapprochement des législations des États membres sur les denrées et ingrédients alimentaires traités par ionisation (JO L 66, p. 16, ci-après la « directive ‘ionisation’ »).
86 Par ailleurs, sous la rubrique « Aptitudes », l’évaluateur d’appel a précisé que les performances et priorités de travail du requérant tendaient à dépendre fortement de ses connaissances techniques et de ses expériences antérieures relatives à certains dossiers spécifiques acquises avant le transfert des responsabilités de la DG « Entreprises » à la DG « Santé et protection des consommateurs » et que, par conséquent, une supervision rapprochée et un guidage étaient nécessaires afin d’obtenir
des résultats.
87 Enfin, sous la rubrique « Potentiel », l’évaluateur a indiqué que le requérant pourrait grandement améliorer sa performance potentielle en adaptant son approche essentiellement technique pour donner la priorité à la politique et à la stratégie. L’évaluateur a ajouté que cela augmenterait l’efficacité de l’unité en permettant de se concentrer sur les propositions de législations alimentaires ayant un impact significatif sur la compétitivité.
88 Il résulte de ce qui précède que les différents notateurs qui sont intervenus au cours de l’élaboration du REC ont clairement indiqué ce qu’ils entendaient par priorités politiques dans le cadre de l’accomplissement des tâches du requérant, à savoir la contribution à la législation afin d’assurer la compétitivité de l’industrie alimentaire. Ils ont, par ailleurs, expliqué pourquoi ils estimaient que le requérant devait faire l’objet d’une supervision à cet égard, en mentionnant sa tendance à
envisager sa tâche selon un angle technique et en fonction de son expérience des dossiers spécifiques relevant antérieurement de la compétence de la DG « Entreprises » et transférée à la DG « Santé et protection des consommateurs ». Enfin, ils ont précisé comment le requérant pourrait améliorer ses performances, à savoir en concentrant son travail sur les propositions de législations alimentaires ayant un impact significatif sur la compétitivité.
89 Dès lors, le requérant était en mesure de comprendre la critique formulée à son endroit et selon laquelle il devait faire l’objet, dans son travail, d’une supervision rapprochée dans la définition des priorités politiques. Il s’ensuit que le grief du requérant pris d’un défaut de motivation sur ce point doit être rejeté comme non fondé.
90 Troisièmement, le requérant considère que, en tout état de cause, la hiérarchie ne saurait lui reprocher un tel défaut de définition des priorités politiques, celle-ci n’ayant aucunement fait référence à cet aspect durant la période d’évaluation.
91 Pour autant qu’il faille comprendre que le requérant soutient ainsi que, pour lui être opposable dans le cadre du REC, cet élément aurait dû être consigné dans une « pièce », au sens de l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, préalablement versée à son dossier individuel ou, à tout le moins, préalablement portée à sa connaissance, il convient de relever que le manque de sens des priorités politiques reproché au requérant ne constitue pas un élément factuel mais un jugement de
valeur au sujet duquel il a suffisamment pu faire valoir son point de vue au cours de la procédure d’évaluation avant que le REC ne devienne définitif. Il ne saurait en effet être exigé de la hiérarchie du fonctionnaire noté de faire part à ce dernier des jugements de valeur qu’elle envisage d’émettre à son égard dès avant la procédure d’élaboration du REC alors que tel est, précisément, l’objet de ladite procédure. S’il est vrai qu’une telle pratique, en ce qu’elle permet au fonctionnaire
d’améliorer ses performances au cours de la période d’évaluation, paraît souhaitable et conforme tant à l’intérêt du service qu’à une bonne gestion du personnel, il y a néanmoins lieu de considérer que sa méconnaissance éventuelle en l’espèce n’est pas susceptible d’entacher le REC d’une irrégularité.
92 Par ailleurs, il importe de relever que, en tout état de cause, eu égard au programme de travail de l’unité à laquelle il appartient, cité au point 79 ci-dessus, le requérant, de grade A 5, ne peut raisonnablement prétendre qu’il ignorait que le sens des priorités politiques figurait parmi les qualités nécessaires à l’accomplissement de ses tâches, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de sa propre description de la fonction figurant dans son autoévaluation, comme il a été exposé précédemment.
93 Quatrièmement, le requérant considère que le REC est entaché d’incohérence en ce que, d’une part, il souligne sa grande expertise dans le domaine de l’alimentaire lui permettant de travailler de manière autonome, ce qui devrait être considéré favorablement, et, d’autre part, il recommande à celui-ci de consulter plus régulièrement sa hiérarchie en vue d’améliorer son haut degré d’autonomie. En outre, les commentaires figurant dans le REC ne préciseraient aucunement les difficultés que cette
absence de consultation aurait engendrées et seraient ainsi insuffisamment motivés. Dès lors, une incohérence subsisterait entre l’autoévaluation du requérant et ses commentaires en appel, d’une part, et les commentaires de l’évaluateur, du validateur et de l’évaluateur d’appel, d’autre part.
94 À cet égard, il suffit de relever, ainsi que le fait observer la Commission, qu’il n’est pas contradictoire de constater, d’une part, la qualité du travail du requérant sur un plan technique ainsi que son autonomie organisationnelle et, d’autre part, sur un plan plus général, son manque de sens des priorités politiques et le fait qu’il devrait consulter préalablement et plus régulièrement sa hiérarchie.
95 S’agissant de l’appréciation du validateur figurant sous la rubrique « Aptitudes », selon laquelle un haut degré d’autonomie organisationnelle pourrait être amélioré par une consultation préalable plus régulière de la hiérarchie, il y a lieu d’admettre qu’elle peut paraître receler une certaine incohérence en ce que l’autonomie, en soi, ne peut être augmentée par la consultation de la hiérarchie. Toutefois, il y a lieu de comprendre cette observation à la lumière du commentaire du validateur,
sous la même rubrique, selon lequel une plus grande communication avec les collègues et avec la hiérarchie serait utile afin de « maximiser l’efficacité d’une petite équipe composée de 2,5 personnes/an ».
96 Il s’ensuit que le commentaire du validateur doit être compris comme signifiant que l’autonomie organisationnelle du requérant pourrait être améliorée, en qualité et dans un souci d’efficacité, si elle était mise en œuvre dans le cadre d’une consultation préalable de sa hiérarchie. Cela est d’ailleurs cohérent avec l’observation des notateurs dans leur ensemble, selon laquelle le requérant manque de sens des priorités politiques et doit faire l’objet d’une supervision afin de produire des
résultats.
97 Par ailleurs, il convient de considérer que la consultation insuffisante de la hiérarchie constitue en soi un motif de nature à justifier une appréciation critique des aptitudes du requérant, permettant à celui-ci d’apprécier le bien‑fondé de son appréciation analytique en toute connaissance de cause et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel. Dès lors, il n’y a pas lieu d’exiger des notateurs qu’ils explicitent de manière plus détaillée les conséquences négatives qu’aurait
engendrées cette insuffisance de consultation. Il s’ensuit que le REC doit être considéré comme suffisamment motivé sur ce point, conformément à la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus.
98 Le requérant ne saurait non plus utilement invoquer une prétendue incohérence entre son autoévaluation et la motivation de son appel, d’une part, et les commentaires de l’évaluateur, du validateur et de l’évaluateur d’appel, d’autre part. Ces deux séries d’éléments sont en effet, par nature, susceptibles de diverger en ce qu’elles expriment l’opinion du fonctionnaire, d’une part, et celle de ses notateurs, d’autre part. L’argument du requérant doit donc être rejeté comme inopérant, sans
préjudice de la faculté, pour lui, de contester le caractère suffisant de la motivation apportée par les notateurs ainsi que d’invoquer une incohérence entre les commentaires desdits notateurs et sa notation chiffrée.
99 À cet égard, le requérant a soutenu, dans la requête, que l’absence de réponse par les notateurs à sa demande de précisions relatives aux considérations politiques qu’impliquerait l’accomplissement de ses tâches laissait subsister une incohérence entre ses propres commentaires, les commentaires des notateurs et les notes qui lui ont été attribuées. Or, outre ce qui a été exposé au point 98 ci-dessus, force est de constater que cette prétendue absence de réponse ne saurait causer une
quelconque incohérence entre les commentaires des notateurs et la notation chiffrée du requérant et que, de surcroît, le REC doit être considéré comme suffisamment motivé sur ce point, ainsi qu’il a été exposé précédemment. Par ailleurs, lors de l’audience, le requérant a estimé, en substance, que, compte tenu de ce que, jusqu’à l’arrivée de M. B. en juin 2002, il était seul à accomplir les tâches en principe dévolues par la DG « Entreprises » à deux fonctionnaires, le REC contient une incohérence
en ce qu’il lui attribue une note de 6 points sur 10 (« bien »), laquelle correspond, selon le barème figurant dans le REC, au niveau de performance d’un fonctionnaire ayant simplement atteint la totalité ou la grande majorité des objectifs. Il estime qu’il aurait dû obtenir une note correspondant à l’appréciation « très bien » ou « exceptionnel », en raison des difficultés particulières qu’il a rencontrées sur le lieu de travail, ce critère étant expressément mentionné dans ce barème pour
l’attribution de telles appréciations.
100 Il suffit, à cet égard, de relever que le simple fait, non contesté par la Commission, que l’affectation d’un fonctionnaire était prévue en vue de seconder le requérant ne saurait démontrer, à lui seul, que ce dernier a, jusqu’au jour de ladite affectation, effectivement accompli tout ou partie des tâches relevant, en principe, de ce second poste, et qu’ainsi ses performances ont été particulièrement élevées durant cette période. Force est de constater, par ailleurs, que le requérant n’avance
aucun autre élément en ce sens. Enfin, il y a lieu de relever qu’il ne saurait être reproché aux différents notateurs d’avoir ignoré cet aspect particulier de la situation du requérant durant la période d’évaluation, leurs commentaires faisant état de manière positive de la capacité du requérant à travailler de manière autonome. L’argument du requérant doit donc être écarté.
101 Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen, pris en sa première branche, doit être rejeté comme non fondé.
Sur la deuxième branche, relative à l’évaluation des aptitudes et de la conduite dans le service du requérant
– Arguments des parties
102 Le requérant réitère ses contestations, exprimées ci-dessus, relatives à la prétendue nécessité de le superviser et à son manque de sens des priorités politiques et stratégiques dans le cadre de l’évaluation de ses aptitudes et de sa conduite dans le service. En outre, ces reproches ne figureraient plus dans le REC relatif à la période allant du 1^er janvier au 31 décembre 2003 (ci-après le « REC 2003 »).
103 Par ailleurs, le requérant estime que les projets d’avis qu’il a soumis à sa hiérarchie, relatifs à un projet de communication établi par la DG « Santé et protection des consommateurs », ne peuvent faire l’objet d’une évaluation dans le REC pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002 compte tenu de ce que l’avis de son service dans ce dossier a été rendu le 27 juin 2001, soit antérieurement au commencement de la période de référence.
104 En tout état de cause, le requérant fait valoir que, à cette occasion, il avait suggéré à sa hiérarchie que la DG « Entreprises » s’oppose à ladite communication, rappelant l’obligation de la Commission, résultant de la directive « ionisation », de proposer, dans cette matière, une directive d’application au plus tard le 31 décembre 2000. Les supérieurs du requérant auraient finalement accepté la proposition de communication, sous réserve qu’un projet de directive soit présenté ultérieurement.
À l’occasion de consultations ultérieures, la hiérarchie du requérant aurait toutefois soutenu les avis de celui-ci visant à rappeler ladite obligation de la Commission.
105 Cette obligation inconditionnelle ne laisserait place à aucune considération politique, de sorte que le REC litigieux, en citant à titre d’exemple du manque de priorités politiques et stratégiques du requérant le traitement de ce dossier, serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
106 S’agissant de l’évaluation de sa conduite dans le service, le requérant soutient qu’il a travaillé seul dans son service jusqu’au mois de septembre 2002, date à laquelle un fonctionnaire l’a rejoint. Il aurait ainsi travaillé seul pendant 15 mois sur les 18 mois couverts par le REC, de sorte que le commentaire du validateur selon lequel le renforcement de l’équipe « Alimentation » requérait un effort particulier de sa part en vue de partager ses connaissances et de communiquer activement avec
les autres collègues serait incohérent et entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
107 La Commission rappelle que le REC indique que le requérant ne s’est pas adapté aux conséquences de la réorganisation des services et manquait de sens politique et de clarté dans les consultations interservices et les briefings pour le membre de la Commission, citant deux exemples à cet égard.
108 Par ailleurs, elle souligne que le requérant n’évoque pas les points faibles relevés par le REC, tels que son manque de communication avec ses collègues et avec d’autres services plus horizontaux, ainsi que son recours insuffisamment rationnel aux ressources du secrétariat et de la bureautique.
109 En outre, la Commission indique que l’affirmation du requérant selon laquelle un seul collègue l’aurait rejoint dans son équipe en septembre 2002 est erronée. En effet, selon les informations recueillies auprès du service du requérant, celui-ci aurait travaillé en permanence avec un autre collègue, M. T., et avec un troisième collègue, M. B., à partir de juillet 2002.
110 En ce qui concerne l’argumentation du requérant relative à la directive « ionisation », il serait inexact d’affirmer que ce dossier a été clos le 27 juin 2001, la discussion interinstitutionnelle ayant été menée jusqu’à l’adoption de la communication en cause en décembre 2002.
111 Cet exemple, parmi d’autres cités dans le REC, illustrerait le manque de perception par le requérant des priorités résultant de la réorganisation des services, celui-ci ayant attaché une priorité personnelle à ce dossier, comme à l’époque antérieure au transfert de compétence vers la DG « Santé et protection des consommateurs », alors que ledit dossier aurait été considéré comme de moindre importance sous l’angle de la compétitivité de l’industrie.
112 La Commission conteste par ailleurs l’affirmation du requérant selon laquelle toutes ses propositions auraient été suivies par la hiérarchie dans ce dossier et rappelle que celle-ci a au contraire suivi l’approche de la DG « Santé et protection des consommateurs » consistant à adopter une communication plutôt qu’un texte normatif, tout en suggérant qu’il soit procédé ultérieurement à un amendement de la réglementation existante.
– Appréciation du Tribunal
113 Le commentaire de l’évaluateur d’appel indique, sous la rubrique « Aptitudes » du REC, d’une part, qu’« une supervision rapprochée et un guidage [étaient] nécessaires pour obtenir des résultats [de la part du requérant] » et que « les capacités de communication (orale et écrite) de M. Vounakis manqu[aient] de discernement politique et de clarté au regard des priorités et objectifs, par exemple consultations interservices (ionisation), briefing au commissaire, contributions aux consultations
interservices (US Bio-terrorism Act) ».
114 En ce qui concerne le grief du requérant relatif à l’appréciation des notateurs relative à son manque de sens des priorités politiques et à la nécessité de le superviser, il doit être rejeté pour les motifs exposés dans le cadre de la première branche du présent moyen. Quant à la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle le REC 2003 ne fait plus état de ces reproches, elle ne saurait en aucune façon, en tant qu’élément postérieur à la décision attaquée, remettre en cause le
bien-fondé de l’appréciation des notateurs du REC. Cet élément tend d’ailleurs, tout au plus, à démontrer que le REC a rempli l’un de ses objectifs essentiels, à savoir encourager les membres du personnel à développer leur potentiel et à améliorer leurs performances.
115 S’agissant, ensuite, de l’exemple cité dans le REC à titre d’illustration du manque de sens des priorités politiques du requérant, à savoir le traitement du dossier concernant la directive « ionisation », il y a lieu de constater que le requérant ne conteste pas que, bien que l’avis de son service ait été adopté le 27 juin 2001, soit avant le début de la période d’évaluation du REC, la discussion interinstitutionnelle relative à ce dossier s’est poursuivie jusqu’en décembre 2002, et que,
durant cette période, il a participé à des réunions interservices, a réalisé des briefings pour la hiérarchie, a eu des contacts avec l’industrie et a demandé à participer à des forums internationaux, ce qui lui a été refusé par la hiérarchie. Il s’ensuit que la seule circonstance que l’avis du service du requérant a été adopté quatre jours avant le début de la période de référence, le 1^er juillet 2001, ne saurait empêcher les notateurs de prendre en compte le traitement, par le requérant, du
dossier relatif à la directive « ionisation ». Il y a d’ailleurs lieu de relever que le requérant ne prétend pas que cet élément ait déjà été pris en compte dans le rapport de notation antérieur. En tout état de cause, ainsi que le fait observer la Commission, l’évaluateur d’appel cite, outre ce dossier, deux autres exemples dont le requérant ne conteste pas la pertinence, à savoir un briefing adressé au membre de la Commission et des contributions à des consultations interservices relatives à
l’« US Bio-terrorism Act ».
116 Le requérant prétend, par ailleurs, que le REC, en citant cet exemple, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que les obligations inconditionnelles de la directive « ionisation » ne laissaient place à aucune considération politique. En outre, le bien-fondé de la position du requérant aurait été reconnu par sa hiérarchie.
117 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le commentaire critique émis par l’évaluateur d’appel indique que les priorités du requérant tendaient à dépendre fortement de ses connaissances techniques et de son expérience passée relative à certains dossiers acquise avant le transfert de compétence à la DG « Santé et protection des consommateurs ». À titre d’exemple du manque de clarté des priorités et des objectifs à poursuivre, l’évaluateur d’appel cite le traitement du dossier relatif à la
directive « ionisation ». Cela doit également être compris à la lumière du commentaire de l’évaluateur figurant sous la rubrique « Rendement », qui cite également cet exemple, et selon lequel le requérant devait faire l’objet d’une supervision rapprochée dans la définition des priorités au regard de l’impact des propositions législatives sur l’industrie alimentaire et du rôle même de la DG « Entreprises » en tant que service pleinement associé à la DG « Santé et protection des consommateurs ».
118 Il s’ensuit qu’il n’est pas reproché au requérant d’avoir fait preuve d’incompétence dans l'appréciation juridique de ce dossier, mais d’avoir accordé la priorité à un dossier qui ne le justifiait pas eu égard au rôle de l’unité après le transfert de compétence en cause, ce rôle consistant essentiellement à renforcer la compétitivité de l’industrie alimentaire européenne.
119 Il est dès lors indifférent de savoir si la position du requérant dans ce dossier a finalement été suivie par sa hiérarchie.
120 En tout état de cause, force est de constater que le requérant ne conteste pas l’affirmation faite par la Commission dans le mémoire en défense, selon laquelle la hiérarchie n’a pas pleinement suivi l’approche qu’il préconisait et qui visait à l’adoption d’une directive, mais a préféré l’approche proposée par la DG « Santé et protection des consommateurs » consistant à adopter une simple communication tout en suggérant qu’il soit procédé ultérieurement à un amendement de la réglementation
existante.
121 En outre, le requérant ne démontre pas que les notateurs ont commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont ils disposent, que le dossier relatif à la directive « ionisation » ne figurait pas au titre des priorités et des objectifs à poursuivre au regard du rôle de l’unité du requérant, celui-ci se contentant d’affirmer que la demande de l’industrie alimentaire était très importante. Interrogé à ce propos lors de l’audience, il
n’a pas non plus été en mesure d’apporter des précisions utiles sur ce point, mentionnant simplement le fait que trois États membres procéderaient déjà au traitement des aliments par voie d’ionisation tandis que les autres États membres demeureraient dans l’incertitude, sans non plus indiquer en quoi la directive proposée aurait été bénéfique à cet égard pour la compétitivité des entreprises ni en quoi la communication en cause ne permettrait pas d’atteindre cet objectif.
122 Il s’ensuit que le grief du requérant doit être rejeté.
123 Enfin, s’agissant de l’évaluation de la conduite dans le service du requérant, il y a lieu de rappeler que, conformément à ce qui a été exposé aux points 57 à 59 ci-dessus, la rubrique du REC qui y est afférente est entachée d’une erreur matérielle relative aux commentaires de l’évaluateur d’appel justifiant l’annulation de l’ensemble de ladite rubrique. Le Tribunal considère néanmoins qu’il convient d’examiner également le grief du requérant tiré de l’incohérence et de l’erreur manifeste
d’appréciation dont serait entachée cette évaluation telle qu’elle ressort des commentaires du validateur et de l’évaluateur.
124 Le requérant soutient que le commentaire du validateur selon lequel le renforcement de l’équipe « Alimentation » requérait un effort particulier de sa part en vue de partager ses connaissances et de communiquer activement avec les autres collègues est incohérent et entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu de ce qu’il a travaillé seul dans son service durant la plus grande partie de la période d’évaluation.
125 En réponse à une question écrite du Tribunal, le requérant a néanmoins admis avoir travaillé, pendant toute cette période, avec un assistant, M. T. En outre, à partir de juillet 2002, le requérant a été rejoint par un fonctionnaire, M. B., affecté dans son unité en vue de le seconder dans l’accomplissement de ses tâches.
126 Le requérant ne saurait ainsi prétendre que les notateurs ne pouvaient lui reprocher un manque de communication avec ses collègues au motif qu’il était seul dans l’accomplissement de ses tâches. En effet, d’une part, le requérant était assisté par M. T. durant toute la période d’évaluation, ce qui exigeait nécessairement une certaine communication de sa part. D’autre part, il a été amené à collaborer avec un nouveau collègue occupant un poste équivalent au sien pendant tout le dernier tiers de
la période d’évaluation. Les notateurs ont ainsi pu estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le renforcement de l’équipe par la venue de ce nouveau collègue nécessitait un effort particulier de la part du requérant en vue de partager son expérience et ses connaissances.
127 En outre, force est de constater que les deux autres commentaires du validateur figurant dans la rubrique « Conduite dans le service » font état de ce que le requérant aurait dû rationaliser l’utilisation du secrétariat et améliorer l’interaction avec l’équipe chargée des relations internationales, cette rubrique ne contenant par ailleurs qu’une seule appréciation positive, à savoir que le fait que le requérant était habitué à travailler de manière autonome était un avantage.
128 Il s’ensuit qu’il n’y a pas non plus d’incohérence entre ces commentaires et la notation chiffrée de la « conduite dans le service » du requérant, à savoir 2 points sur 4.
129 Il résulte de ce qui précède que le grief du requérant relatif à l’évaluation de sa conduite dans le service doit être rejeté comme non fondé, de même que la seconde branche du deuxième moyen.
130 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation de la régression de la notation du requérant au regard du rapport de notation pour la période de référence antérieure
– Arguments des parties
131 Le requérant rappelle que, selon la jurisprudence, lorsqu’une institution poursuit l’objectif de différencier et de nuancer davantage les appréciations analytiques portées sur les fonctionnaires à l’occasion de leur notation en substituant à une méthode d’appréciation fondée sur les trois mentions à caractère général « supérieur à la normale », « normal » et « inférieur à la normale » une méthode d’appréciation axée sur six rubriques et sous-rubriques pour la compétence et sur quatre
rubriques, respectivement, pour le rendement et la conduite dans le service, un tel changement de méthode implique nécessairement que la correspondance entre l’ancienne et la nouvelle méthode de notation ne peut être effectuée par le biais d’un mécanisme corrélationnel fixe (arrêt du Tribunal du 22 février 1990, Turner/Commission, T‑40/89, Rec. p. II‑55, publication sommaire).
132 Le requérant soutient néanmoins que le résultat global d’une telle évaluation peut être apprécié en tenant compte de la moyenne des notations de l’ensemble du personnel, cette moyenne permettant d’apprécier l’évolution des mérites des fonctionnaires dans le temps.
133 Compte tenu de ce qu’un changement de méthode d’évaluation ne saurait à lui seul justifier une baisse significative de la notation d’un fonctionnaire, tout abaissement de la note globale devrait être spécialement motivé si les tâches dudit fonctionnaire sont exercées de la même manière au cours de deux exercices d’évaluation différents.
134 En outre, la motivation de tout abaissement de l’appréciation du rendement, des aptitudes et de la conduite d’un fonctionnaire serait d’autant plus importante que la philosophie du nouveau système serait fondée sur un dialogue avec la hiérarchie et une plus grande transparence quant à la fixation et à l’appréciation des objectifs à réaliser.
135 Or, en l’espèce, le requérant fait valoir que l’écart entre sa notation globale pour l’exercice de notation 1999/2001 et la moyenne des fonctionnaires de sa DG de même grade était de ‑ 4,4 %, ce même écart s’élevant à ‑ 15,13 % lors de l’établissement du REC pour l’exercice de notation 2001/2002.
136 Cette baisse significative n’ayant fait l’objet d’aucune motivation particulière, le requérant considère que le REC a été adopté en violation de l’obligation de motivation, ce qui justifie son annulation.
137 La Commission soutient qu’il ressort de la jurisprudence citée par le requérant (arrêt Turner/Commission, point 131 supra, point 23) qu’une correspondance entre l’ancien et le nouveau système ne peut être effectuée de manière précise et fixe si les différences entre les appréciations analytiques sont trop grandes, ce qui serait le cas en l’espèce.
138 L’approche du requérant consistant à comparer les deux systèmes au regard de la moyenne des notations de l’ensemble du personnel méconnaîtrait également la jurisprudence citée ci-dessus, compte tenu de ce que la moyenne des notations se fonderait sur les notations individuelles des fonctionnaires, lesquelles dépendraient des critères et des pondérations entre ces critères retenus dans le système en cause. En outre, les prestations des fonctionnaires pourraient varier d’un exercice de notation
à l’autre, de sorte que l’on ne pourrait postuler, comme le fait le requérant, qu’il existe nécessairement une continuité des évaluations au cours de plusieurs périodes.
– Appréciation du Tribunal
139 Il y a lieu de rappeler que le REC litigieux est, pour le requérant, le premier rapport de notation établi en application du nouveau système d’évaluation que la Commission a instauré en 2002 avec l’adoption des DGE. Ce faisant, la Commission a substitué une méthode de notation à une autre. Ainsi, à titre d’exemple, dans le nouveau système, pour l’évaluation des aptitudes du fonctionnaire, les éléments d’appréciation ont changé par rapport à l’ancien système : alors que, dans le cadre de ce
dernier, les compétences étaient évaluées sur la base des connaissances liées à la fonction, de la méthode, de la capacité de jugement et du sens de l’organisation, les éléments d’appréciation des aptitudes selon le nouveau système comportent aussi, notamment, les « aptitudes à la communication », les « aptitudes à la réalisation de résultats » et les « aptitudes à la résolution de problèmes ».
140 En outre, ainsi que le fait observer la Commission, alors que l’ancienne méthode était fondée sur les appréciations « exceptionnel », « supérieur », « normal » et « insuffisant », la nouvelle méthode mise en œuvre repose sur une notation sur 10 pour le rendement, sur 6 pour les aptitudes et sur 4 pour la conduite dans le service.
141 Or, un changement de méthode de notation implique nécessairement que la correspondance entre l’ancienne et la nouvelle méthode de notation ne peut être effectuée par le biais d’un mécanisme corrélationnel fixe (arrêts du Tribunal Turner/Commission, point 131 supra, point 23, et du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, non encore publié au Recueil, point 80). La modification des paramètres d’appréciation rend donc particulièrement difficile une comparaison entre l’ancienne et
la nouvelle évaluation du requérant.
142 En ce qui concerne la question de savoir si l’approche du requérant consistant à comparer l’écart entre sa notation et la notation moyenne des fonctionnaires de même grade de sa DG lors de l’exercice de notation 1999/2001, d’une part, et lors de l’exercice d’évaluation 2001/2002, d’autre part, est appropriée, il y a lieu d’admettre, comme le fait observer la Commission, que les régressions des notations constatées en application de cette comparaison peuvent s’expliquer par d’autres facteurs
que les seules variations des performances du fonctionnaire en question, notamment le changement des critères d’évaluation et de leur pondération ainsi que les performances des autres fonctionnaires notés. Il n’en demeure pas moins que cette approche est susceptible de donner un aperçu, certes imprécis et relatif, de l’évolution de la notation d’un fonctionnaire d’un exercice de notation à l’autre lorsqu’est intervenu, entre ces deux exercices, un changement significatif de méthode de notation. La
comparaison proposée par le requérant est ainsi un élément qui, sans être d’une pertinence absolue, doit pouvoir être pris en compte.
143 Néanmoins, en l’espèce, eu égard à la différence significative des méthodes de notation, il y a lieu de considérer que la régression de l’ordre de 10 % de la notation globale du requérant par rapport à la moyenne des notations des fonctionnaires de grade A 5 de sa DG ( ‑4,4 % lors de l’exercice 1999/2001, ‑15,13 % lors de l’exercice 2001/2002, selon les données du requérant non contestées par la Commission) est suffisamment motivée par l’indication récurrente et concordante des notateurs selon
laquelle, d’une part, le requérant devait être supervisé dans la définition des priorités au regard de l’impact des propositions de législation en matière alimentaire sur l’industrie communautaire et du rôle de la DG « Entreprises » en tant que service pleinement associé à la DG « Santé et protection des consommateurs » à la suite du transfert de compétence en cause et, d’autre part, le renforcement de son équipe exigeait un effort particulier de la part du requérant pour partager ses connaissances
et communiquer avec ses collègues, étant en outre entendu que les aptitudes relationnelles figurent parmi les critères essentiels d’évaluation de la conduite dans le service introduits par la nouvelle méthode d’évaluation.
144 Dans ces circonstances, le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation de la régression de la notation du requérant par rapport à l’exercice de notation 1999/2001, doit être rejeté comme non fondé.
Sur les dépens
145 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, étant entendu que, en vertu de l’article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. Lorsque les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut, en application de l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, répartir les
dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.
146 Ainsi, le recours n’ayant été que partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du 23 mai 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée pour autant qu’elle concerne la rubrique « Conduite dans le service ».
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par le requérant.
4) Le requérant supportera deux tiers de ses propres dépens.
Jaeger Tiili Czúcz
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2006.
Le greffier Le président
E. Coulon M. Jaeger
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* Langue de procédure : le français.