ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)
26 septembre 2007 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Incidents de procédure – Accès au dossier – Exception »
Dans l’affaire F‑52/05,
ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,
Q, ancienne fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par M^es S. Rodrigues et Y. Minatchy, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris, en qualité d’agent, assisté initialement de M^e J.-A. Delcorde, avocat, puis de M^e D. Waelbroeck, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,
greffier : M^me W. Hakenberg,
rend la présente
Ordonnance
1 Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 4 juillet 2005, Q demande, d’une part, en substance, l’annulation des décisions implicites de la Commission des Communautés européennes rejetant les demandes d’assistance, introduites par elle au titre de l’article 24 du statut, et de mesures provisoires liées au harcèlement qu’elle prétend avoir subi ainsi que l’annulation de son rapport d’évolution de carrière pour l’année 2003 et, d’autre part,
des dommages intérêts.
2 Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance a, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑52/05.
3 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, le Tribunal a notamment demandé à la Commission de produire le dossier « personnel et administratif » complet de la requérante ainsi que son dossier médical et le dossier de
l’enquête administrative menée aux fins d’une vérification du prétendu harcèlement moral allégué par l’intéressée.
4 Au cours de l’audience publique tenue le 19 juin 2007, les représentants de la requérante ont demandé au Tribunal l’accès au dossier complet transmis par la Commission. Les représentants de cette dernière ont émis des doutes à cet égard.
5 Par communication du greffe, du 23 juillet 2007, les parties ont été informées que le Tribunal envisageait d’autoriser les représentants de la requérante à consulter, dans les locaux du greffe, la totalité des pièces du dossier produit par la Commission et que, à cette fin, il invitait celle-ci :
– à préciser quel(s) document(s) ou quelle(s) partie(s) de document(s) spécifique(s) ne devrai(en)t pas, selon elle, être accessible(s) à la requérante et pour quelles raisons ;
– à produire, le cas échéant, les documents sous une forme qui puisse les rendre accessibles à la requérante.
6 Par acte séparé du 8 août 2007, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la Commission a demandé la suppression de phrases contenues dans certains des témoignages ayant fait l’objet de comptes rendus d’audition figurant dans les annexes du dossier de l’enquête administrative.
7 Il convient donc d’examiner, sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, si la demande de suppression de certaines phrases du dossier est justifiée.
8 En premier lieu, contrairement à ce que soutient la Commission dans sa note du 8 août 2007, les témoignages recueillis au cours d’auditions ne peuvent être considérés comme « souvent chargés d’une certaine émotion » dans la mesure où les comptes rendus d’audition les relatant ont été relus, paraphés page par page et signés par leurs auteurs. De plus, lesdits auteurs ont pu changer le contenu de leur témoignage avant et même après sa signature, ce qui a été fait, en l’espèce, par au moins
deux témoins.
9 En deuxième lieu, les témoignages ont été recueillis sous l’autorité du « hearing officer » dont le mandat précisait qu’il devrait rédiger les comptes rendus d’auditions dans l’optique d’une utilisation au cours d’une procédure judiciaire.
10 En troisième lieu, en substance, les témoignages litigieux, d’une part, portent sur des faits, et, d’autre part, rapportent des propos que la requérante auraient tenus. Or, ces deux cas de figure constituent des éléments essentiels d’un témoignage et la demande de suppression de phrases des comptes rendus d’audition les relatant ne peut pas être justifiée par la Commission au motif que l’intérêt éventuel de tierces personnes serait affecté, en l’occurrence les témoins.
11 En quatrième lieu, les témoignages ont constitué un des éléments d’appréciation sur lesquels la Commission s’est fondée pour examiner le bien-fondé des allégations de la requérante. Dès lors, il n’est pas exclu que les témoignages litigieux puissent éventuellement constituer pour le Tribunal un élément d’appréciation du harcèlement moral invoqué par la requérante.
12 Au vu de tout ce qui précède, la demande de suppression de phrases contenues dans certains des témoignages ayant fait l’objet de comptes rendus d’audition figurant dans les annexes du dossier de l’enquête administrative doit être rejetée.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
ordonne :
1) La demande de la Commission des Communautés européennes est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 26 septembre 2007.
Le greffier Le président
W. Hakenberg H. Kreppel
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* Langue de procédure : le français.