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10/09/2009 | CJUE | N°C-44/08

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a. contre Fujitsu Siemens Computers Oy., 10/09/2009, C-44/08


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 septembre 2009 ( *1 )

«Procédure préjudicielle — Directive 98/59/CE — Rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs — Article 2 — Protection des travailleurs — Information et consultation des travailleurs — Groupe d’entreprises — Société mère — Filiale»

Dans l’affaire C-44/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Korkein oikeus (Finlande), par décision du 6 février 2

008 , parvenue à la Cour le 8 février 2008 , dans la procédure

Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a.

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 septembre 2009 ( *1 )

«Procédure préjudicielle — Directive 98/59/CE — Rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs — Article 2 — Protection des travailleurs — Information et consultation des travailleurs — Groupe d’entreprises — Société mère — Filiale»

Dans l’affaire C-44/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Korkein oikeus (Finlande), par décision du 6 février 2008 , parvenue à la Cour le 8 février 2008 , dans la procédure

Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a.

contre

Fujitsu Siemens Computers Oy,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M me  R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász (rapporteur), G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M me  C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2009 ,

considérant les observations présentées:

— pour Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a., par M e  H. Laitinen, asianajaja,

— pour Fujitsu Siemens Computers Oy, par M e  P. Uoti, asianajaja,

— pour le gouvernement finlandais, par M me  A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. L. Seeboruth, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Huttunen, P. Aalto et J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 avril 2009 ,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998 , concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs ( JO L 225, p. 16 ).

2 Cette demande a été présentée par le Korkein oikeus (Cour suprême) dans le cadre d’un litige opposant Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a. à Fujitsu Siemens Computers Oy (ci-après « FSC » ) au sujet de l’obligation de procéder à des consultations avec les représentants des travailleurs en cas de licenciements collectifs.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3 Le 17 février 1975 , le Conseil des Communautés européennes a adopté la directive 75/129/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs ( JO L 48, p. 29 ), laquelle a été modifiée par la directive 92/56/CEE du Conseil, du 24 juin 1992 ( JO L 245, p. 3 ).

4 La directive 75/129 a été abrogée par la directive 98/59. Les deuxième, neuvième et onzième considérants de cette dernière sont libellés comme suit:

« […] il importe de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté;

[…]

[…] il convient de prévoir que la présente directive s’applique en principe également aux licenciements collectifs notamment à la suite d’une cessation des activités de l’établissement qui résulte d’une décision de justice;

[…]

[…] il convient de faire en sorte que les obligations des employeurs en matière d’information, de consultation et de notification s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur » .

5 L’article 2, paragraphe 1, de cette même directive dispose:

« Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord. »

6 L’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de ladite directive prévoit:

« Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés. »

7 L’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 98/59 précise que, afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations, de leur fournir tous renseignements utiles et de leur communiquer par écrit les éléments énumérés à cet alinéa.

8 Aux termes de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59:

« Les obligations prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur.

En ce qui concerne les infractions alléguées aux obligations d’information, de consultation et de notification prévues par la présente directive, toute justification de l’employeur fondée sur le fait que l’entreprise qui a pris la décision conduisant aux licenciements collectifs ne lui a pas fourni l’information nécessaire ne saurait être prise en compte. »

9 L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

« L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.

[…]

La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations des représentants des travailleurs prévues à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements. »

10 L’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette même directive dispose:

« 1.    Les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis.

Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de réduire le délai visé au premier alinéa.

2.    L’autorité publique compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés. »

Le droit national

11 La loi 725/1978 sur la coopération au sein des entreprises [yhteistoiminnasta yrityksissä annettu laki (725/1978)], telle que modifiée par les lois 51/1993 et 906/1996 (ci-après la « loi sur la coopération » ), prévoit, à son article 1 er , que, en vue d’améliorer l’activité des entreprises ainsi que les conditions de travail et de rendre plus efficace la coopération entre l’employeur et le personnel ainsi que la coopération mutuelle du personnel, il convient d’accroître les possibilités pour les
travailleurs d’avoir un impact sur le traitement des questions relatives à leur emploi et à leur lieu de travail.

12 En vertu de l’article 6, paragraphes 3 et 3b, de la loi sur la coopération, relèvent du champ d’application de la procédure de coopération la fermeture ou le transfert dans une autre localité de l’entreprise ou d’une partie de celle-ci de même qu’un élargissement ou une réduction substantielle de son activité ainsi que, notamment, les mises à temps partiel, les mises temporaires au chômage technique et les licenciements à mettre en œuvre pour des raisons propres à la production ou revêtant un
caractère économique.

13 L’article 7, paragraphe 1, de cette loi dispose que, avant que l’employeur ne prenne une décision visée à l’article 6, il doit effectuer des consultations relatives aux motifs de la mesure, à ses effets et à des alternatives à celle-ci avec les travailleurs et les agents ou les représentants du personnel concernés. Selon le paragraphe 2 de cet article, l’employeur doit, avant d’enclencher cette procédure de coopération, donner, sur la mesure dont il s’agit, les informations nécessaires aux
travailleurs ainsi qu’aux représentants du personnel concernés. Ces informations, telles que des renseignements sur les motifs des licenciements envisagés, une estimation du nombre de travailleurs de différentes catégories qui seront visés, une estimation du délai dans lequel il est prévu de réaliser les licenciements planifiés ainsi que des renseignements sur les principes sur la base desquels les travailleurs qui sont visés par le licenciement sont déterminés, doivent être fournies par écrit
lorsque l’employeur envisage de licencier, de mettre temporairement au chômage pour une période de plus de 90 jours ou de mettre à temps partiel au moins 10 travailleurs.

14 L’article 7a, paragraphe 1, de ladite loi prévoit qu’il y a lieu de faire une proposition écrite de consultation dans les cas visés à l’article 6, paragraphes 1 à 5, au moins cinq jours avant le début des consultations si la mesure à négocier engendrera vraisemblablement le licenciement, la mise à temps partiel ou la mise au chômage temporaire d’un ou de plusieurs travailleurs.

15 Selon l’article 7b de la loi sur la coopération, lorsque la proposition de consultation concerne des mesures relatives à une diminution du personnel, il convient de notifier cette proposition ou les informations incluses dans celle-ci par écrit aux services de l’emploi au début des consultations, à moins que des informations équivalentes n’aient été antérieurement transmises dans un autre contexte. Si les éléments pertinents recueillis lors des consultations diffèrent considérablement des
informations antérieurement transmises, l’employeur doit également fournir ces éléments aux services de l’emploi.

16 Selon l’article 8 de cette loi, si l’employeur et les représentants du personnel ne sont pas convenus d’une autre procédure, l’employeur est réputé avoir exécuté l’obligation de consultation lorsque la mesure envisagée a fait l’objet d’un traitement conforme à l’article 7 de ladite loi. Toutefois, si cette mesure engendrera vraisemblablement le licenciement, la mise à temps partiel ou la mise temporaire au chômage pour une période de plus de 90 jours d’au moins 10 travailleurs, l’employeur n’est
réputé avoir exécuté son obligation de consultation qu’à l’expiration d’un délai de six semaines au moins à partir du début des consultations. En outre, sauf accord contraire, l’examen des alternatives à la mesure envisagée peut commencer au plus tôt sept jours après l’examen des motifs et des effets.

17 En vertu de l’article 15a de la loi sur la coopération, lorsqu’une décision a été prise, intentionnellement ou par négligence manifeste, en infraction aux dispositions de l’article 7, paragraphes 1 à 3, de l’article 7a ou de l’article 8 de cette loi et que, pour des raisons liées à cette décision, un travailleur a été mis à temps partiel ou en chômage temporaire, ou a été licencié, celui-ci a le droit d’obtenir de l’employeur une indemnité correspondant au maximum à 20 mois de salaire.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18 À la suite du regroupement de certaines des activités commerciales dans le secteur informatique de Fujitsu Ltd et de Siemens AG dans une entreprise commune, le groupe Fujitsu Siemens Computers a commencé ses activités le 1 er  octobre 1999 .

19 FSC est une filiale de Fujitsu Siemens Computers (Holding) BV (ci-après la « société mère » ), société établie aux Pays-Bas. À ladite date, ce groupe avait des installations de production à Espoo (Kilo) (Finlande) ainsi qu’à Augsbourg, à Paderborn et à Sömmerda (Allemagne).

20 Au cours d’une réunion tenue le 7 décembre 1999 , le directoire de la société mère, composé des membres exécutifs de son conseil d’administration, a décidé de proposer à ce dernier le détachement de l’usine de Kilo.

21 Lors de sa réunion du 14 décembre 1999 , ledit conseil d’administration a décidé de soutenir cette proposition, sans toutefois qu’une décision précise soit arrêtée en ce qui concerne ladite usine.

22 Le même jour, FSC a proposé des consultations qui se sont déroulées entre le 20 décembre 1999 et le 31 janvier 2000 .

23 Le conseil d’administration de FSC, principalement composé des directeurs du groupe et qui avait pour président le vice-président du conseil d’administration de la société mère, a adopté, le 1 er  février 2000 , une décision relative à la cessation des activités de FSC à l’exception de la vente d’ordinateurs en Finlande. Cette dernière a commencé à licencier ses travailleurs le 8 février 2000 . Au total, environ 450 travailleurs ont été licenciés sur les 490 qu’elle occupait.

24 Certains de ces travailleurs ont soutenu que FSC avait enfreint la loi sur la coopération à l’occasion des décisions intervenues à la fin de l’année 1999 et au début de l’année 2000 en ce qui concerne la fermeture de l’usine de Kilo. Lesdits travailleurs ont cédé leurs créances relatives à l’indemnité prévue par cette loi, en vue de leur recouvrement, aux requérants au principal, qui sont des syndicats. Ceux-ci ont saisi l’Espoon käräjäoikeus (tribunal de première instance d’Espoo) à cette fin.

25 Au cours de la procédure devant cette juridiction, les requérants au principal ont fait valoir que, dans le cadre du conseil d’administration de la société mère, une décision définitive avait en réalité été prise au plus tard le 14 décembre 1999 , prévoyant de restreindre l’activité de l’usine de Kilo et de la détacher de l’activité du groupe avant de la transférer en Allemagne, de sorte que cette installation de production cesserait d’exister en tant que partie du groupe. Selon les requérants au
principal, la véritable décision avait été prise le 14 décembre 1999 , avant que les consultations avec le personnel imposées par la loi sur la coopération n’aient eu lieu. La défenderesse au principal aurait donc enfreint, intentionnellement ou par négligence manifeste, cette loi.

26 FSC a quant à elle affirmé, d’une part, que, lors de la réunion du conseil d’administration de la société mère du 14 décembre 1999 , aucune décision concernant l’installation de production n’avait été prise et, d’autre part, que des alternatives potentielles existaient encore, comme la poursuite de l’activité, telle quelle ou restreinte, la vente de celle-ci ou sa poursuite en collaboration avec une autre entreprise. FSC a par ailleurs soutenu que la notion de décision de l’employeur implique
l’intervention de l’organe compétent de la société concernée, soit, en l’occurrence, son conseil d’administration, et que la décision relative à la cessation avait été prise par celui-ci le 1 er  février 2000 , soit après la clôture des consultations.

27 L’Espoon käräjäoikeus a estimé que les requérants au principal n’avaient pas démontré que le conseil d’administration de la société mère avait décidé la disparition de l’usine de Kilo de telle manière que l’interaction entre l’employeur et les travailleurs au sein de FSC n’avait pu se dérouler de la manière prévue par la loi sur la coopération. Selon cette juridiction, les alternatives à la disparition de cette usine étaient réelles et ces alternatives avaient été examinées dans le cadre des
consultations. Ladite juridiction, concluant que la décision relative à cette disparition avait été prise lors de la réunion du conseil d’administration de FSC du 1 er  février 2000 , lorsqu’il s’était avéré impossible de trouver une autre solution, et que lesdites consultations avaient été réelles et appropriées, a rejeté le recours.

28 En degré d’appel, le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki), précisant que la décision définitive visée à l’article 7, paragraphe 1, de la loi sur la coopération avait seulement pu être prise par l’employeur, c’est-à-dire par la défenderesse au principal, et que les projets présentés par la société mère ne relevaient pas du champ d’application de l’obligation de consultation prévue par cette loi, a confirmé la décision de l’Espoon käräjäoikeus.

29 Le Korkein oikeus, ayant été saisi du pourvoi formé par les requérants au principal, a considéré que les dispositions de la directive 98/59 et de la loi sur la coopération présentent des divergences du point de vue de leur construction ainsi que de leur contenu et que, partant, le lien entre elles n’est pas clair à tous les égards.

30 Estimant que l’interprétation des dispositions de la directive 98/59 est nécessaire pour rendre sa décision, le Korkein oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59/CE doit-il être interprété en ce sens que l’obligation d’engagement de consultations ‘ en temps utile ’ lorsque l’on ‘ envisage ’ un ‘ licenciement collectif ’ des travailleurs requiert que les consultations commencent lorsqu’il a été constaté que les décisions stratégiques ou les modifications adoptées en ce qui concerne l’activité commerciale rendront nécessaire un licenciement collectif des travailleurs? Ou bien convient-il d’interpréter
ladite disposition en ce sens que l’obligation d’entamer les consultations naît dès que l’employeur envisage d’adopter des mesures ou des modifications portant sur l’activité commerciale, telles qu’une modification de la capacité de production ou une concentration de la production, dont on s’attend à ce qu’elles rendent nécessaire un licenciement collectif des travailleurs?

2) Compte tenu du fait que l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 98/59 prévoit la communication des renseignements en temps utile lors des consultations, l’article 2, paragraphe 1, de [cette] directive […] doit-il être interprété en ce sens que l’obligation d’entamer des consultations ‘ en temps utile ’ lorsque l’on ‘ envisage ’ des licenciements collectifs requiert que les consultations commencent avant même que l’appréciation faite par l’employeur ne soit parvenue à un
stade permettant à l’employeur d’individualiser et de transmettre aux travailleurs les renseignements visés à l’article 2, paragraphe 3, [premier alinéa,] sous b)[, de ladite directive]?

3) Convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec son article 2, paragraphe 4, en ce sens que, dans un cas où l’employeur se trouve sous le contrôle d’une autre société, l’obligation de l’employeur de commencer les consultations avec le représentant des travailleurs naît lorsque soit l’employeur soit la société mère qui détient un pouvoir de contrôle vis-à-vis de ce dernier envisage d’agir en vue de procéder au licenciement collectif des
travailleurs occupés par l’employeur?

4) Lorsqu’il s’agit de consultations à mener au sein d’une filiale faisant partie d’un groupe et que l’on apprécie, compte tenu des dispositions de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59, l’obligation, prévue à cet article 2, paragraphe 1, d’entamer des consultations ‘ en temps utile ’ lorsque l’on ‘ envisage ’ des licenciements collectifs, cette obligation naît-elle déjà lorsque la direction du groupe ou de la société mère envisage un licenciement collectif, mais que cette appréciation
ne s’est pas encore précisée au point de concerner des travailleurs d’une filiale relevant d’un contrôle, ou bien l’obligation d’entamer des consultations au sein de cette filiale naît-elle seulement au moment où la direction du groupe ou de la société mère envisage des licenciements collectifs expressément dans ladite filiale?

5) Lorsque l’employeur est une entreprise (une filiale faisant partie d’un groupe) vis-à-vis de laquelle une deuxième entreprise (une société mère ou la direction d’un groupe) détient un pouvoir de contrôle au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59, [ledit] article 2 […] doit-il être interprété en ce sens que la procédure de consultation qui y est visée doit être clôturée avant qu’une décision ne soit prise au niveau de la société mère ou de la direction du groupe en ce qui
concerne les licenciements collectifs à mettre en œuvre au sein de la filiale?

6) Si la directive 98/59 doit être interprétée en ce sens que la procédure de consultation devant être menée au sein de la filiale doit être clôturée avant qu’une décision engendrant des licenciements collectifs de travailleurs [de cette filiale] ne soit prise au niveau de la société mère ou de la direction du groupe, une décision ayant pour effet direct de mettre en œuvre des licenciements collectifs au sein de cette filiale est-elle la seule décision déterminante dans ce contexte ou bien
faut-il que la procédure de consultation soit clôturée avant même que ne soit prise, au niveau de la société mère ou de la direction du groupe, une décision commerciale ou stratégique sur le fondement de laquelle les licenciements collectifs au sein de ladite filiale sont probables, mais ne sont pas encore sûrs et définitifs? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

31 FSC fait valoir que les quatre premières questions contenues dans la demande de décision préjudicielle sont irrecevables en l’absence de rapport avec le litige au principal. Elle estime que, le moment où les consultations doivent être entamées avec les représentants des travailleurs n’étant pas concerné par les conclusions présentées par les requérants au principal devant la juridiction de renvoi, la réponse à ces questions n’est pas nécessaire pour la solution du litige au principal. De plus,
selon FSC, la demande porte à cet égard sur une situation hypothétique.

32 Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur
l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2007 , Lucchini, C-119/05, Rec. p. I-6199 , point 43, et du 16 juillet 2009 , Mono Car Styling, C-12/08, Rec. p. I-6653 , point 27).

33 Ainsi, le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment,
arrêts du 4 décembre 2008 , Zablocka-Weyhermüller, C-221/07, Rec. p. I-9029 , point 20, et Mono Car Styling, précité, point 28).

34 Or, en l’espèce, force est de constater que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la juridiction nationale a fourni à la Cour un exposé détaillé du cadre factuel et juridique du litige au principal ainsi que des raisons pour lesquelles elle a considéré qu’une réponse aux quatre premières questions posées est nécessaire pour rendre sa décision.

35 Par conséquent, ces questions préjudicielles sont recevables.

Sur la première question

36 Par sa première question, la juridiction de renvoi sollicite des éclaircissements sur la signification de l’expression « envisage d’effectuer des licenciements collectifs » au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, en vue de déterminer le point de départ de l’obligation de consultation prévue audit article 2. Elle demande, à cet égard, si le moment de la naissance de cette obligation est celui où il est constaté que des décisions stratégiques ou des modifications de l’activité
commerciale de l’entreprise rendront nécessaire des licenciements collectifs ou le moment où il est envisagé d’adopter de telles décisions ou modifications dont on s’attend à ce qu’elles rendent nécessaire de tels licenciements.

37 À titre liminaire, il convient d’observer que la présente affaire est liée à des décisions économiques et commerciales pouvant avoir des répercussions sur l’emploi d’un certain nombre de travailleurs au sein d’une entreprise, et non pas à des décisions ayant directement pour objet de mettre fin à des relations de travail spécifiques.

38 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des termes des articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive 98/59, les obligations de consultation et de notification pesant sur l’employeur naissent antérieurement à la décision de ce dernier de résilier des contrats de travail (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2005 , Junk, C-188/03, Rec. p. I-885 , points 36 et 37). En effet, en pareil cas, la possibilité d’éviter ou, au moins, de réduire les licenciements
collectifs ou d’en atténuer les conséquences existe encore.

39 L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59 prévoit l’obligation pour l’employeur de procéder en temps utile à des consultations avec les représentants des travailleurs lorsqu’il « envisage d’effectuer des licenciements collectifs » . Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 48 et 49 de ses conclusions, il ressort d’une comparaison de différentes versions linguistiques de cette disposition que, dans l’esprit du législateur communautaire, la naissance de l’obligation de
consultation en cause est liée à l’existence d’une intention, dans le chef de l’employeur, d’effectuer des licenciements collectifs.

40 Les références, contenues aux articles 3 et 4 de la directive 98/59, au « projet » de licenciement collectif confirment l’existence d’une telle intention en tant que facteur de déclenchement des obligations prévues par cette directive, en particulier à son article 2.

41 Il s’ensuit que l’obligation de consultation prévue audit article 2 est censée prendre naissance lorsque l’employeur envisage d’effectuer un licenciement collectif ou établit un projet de licenciement collectif (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 1985 , Dansk Metalarbejderforbund et Specialarbejderforbundet i Danmark, 284/83, Rec. p. 553 , point 17).

42 Il convient toutefois d’ajouter que, ainsi qu’il ressort de son texte même, la directive 98/59 déclenche également les obligations qu’elle prévoit, notamment l’obligation de consultation prévue à son article 2, dans des situations dans lesquelles la perspective d’un licenciement collectif n’est pas directement le choix de l’employeur.

43 En effet, l’article 2, paragraphe 4, de cette directive rend l’employeur responsable du respect des obligations d’information et de consultation qui découlent de cette directive même si la décision concernant un licenciement collectif émane non de celui-ci, mais de l’entreprise qui le contrôle, et quand bien même il n’aurait pas été immédiatement et correctement informé de cette décision.

44 Dans un contexte économique marqué par l’existence d’un nombre croissant de groupes d’entreprises, cette disposition permet d’assurer, lorsqu’une entreprise est contrôlée par une autre, la réalisation, de manière effective, de l’objectif de la directive 98/59, qui, comme il est indiqué à son deuxième considérant, vise le renforcement de la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs (arrêt du 15 février 2007 , Athinaïki Chartopoiïa, C-270/05, Rec. p. I-1499 , point 25).

45 En outre, ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni le fait observer à juste titre, un déclenchement précoce de l’obligation de consultation pourrait conduire à des résultats contraires à l’objectif de la directive 98/59, tels qu’une restriction de la flexibilité des entreprises quant à leur restructuration, l’alourdissement des contraintes administratives et l’incitation inutile des travailleurs à l’inquiétude concernant la sécurité de leur emploi.

46 Enfin, la raison d’être et l’efficacité de consultations avec les représentants des travailleurs supposent que soient arrêtés les facteurs à prendre en compte au cours de celles-ci, étant donné qu’il est impossible de mener des consultations de manière appropriée et en conformité avec leurs objectifs à défaut de détermination des éléments pertinents relatifs aux licenciements collectifs envisagés. Ces objectifs sont, selon les termes de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 98/59, d’éviter
des résiliations de contrats de travail ou d’en réduire le nombre ainsi que d’en atténuer les conséquences (voir arrêt Junk, précité, point 38). Or, lorsqu’une décision censée conduire à des licenciements collectifs n’est qu’envisagée et que, dès lors, de tels licenciements ne sont qu’une probabilité et que les facteurs pertinents pour des consultations ne sont pas connus, lesdits objectifs ne sauraient être atteints.

47 En revanche, le fait de lier la naissance de l’obligation de consultation prévue à l’article 2 de la directive 98/59 à l’adoption d’une décision stratégique ou commerciale rendant nécessaires des licenciements collectifs apparaît de nature à priver partiellement cette obligation de son effet utile. En effet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 2, premier alinéa, dudit article 2, les consultations doivent porter, notamment, sur la possibilité d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs
envisagés. Or, une consultation qui débuterait alors qu’une décision rendant nécessaires de tels licenciements collectifs a déjà été prise ne pourrait plus utilement porter sur l’examen d’alternatives envisageables en vue d’éviter ceux-ci.

48 Il convient par conséquent de considérer que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la procédure de consultation doit être déclenchée par l’employeur au moment où a été adoptée une décision stratégique ou commerciale le contraignant à envisager ou à projeter des licenciements collectifs.

49 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que l’adoption, au sein d’un groupe d’entreprises, de décisions stratégiques ou de modifications d’activités qui contraignent l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs fait naître pour cet employeur une obligation de consultation des représentants des travailleurs.

Sur la deuxième question

50 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la naissance de l’obligation de l’employeur d’entamer les consultations sur les licenciements collectifs envisagés dépend du fait que l’employeur est déjà en mesure de fournir aux représentants des travailleurs tous les renseignements exigés à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de la directive 98/59.

51 Le libellé de cette disposition énonce clairement que les renseignements visés doivent être fournis par l’employeur « en temps utile au cours des consultations » , afin « de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives » .

52 Il découle de cette disposition que ces renseignements peuvent être communiqués lors des consultations, et non nécessairement au moment de l’ouverture de celles-ci.

53 En effet, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général aux points 64 et 65 de ses conclusions, la logique de cette disposition est que l’employeur fournisse aux représentants des travailleurs les informations pertinentes tout au long des consultations. Une souplesse est indispensable, étant donné, d’une part, que ces renseignements peuvent ne devenir disponibles qu’à des moments différents du processus de consultation, ce qui implique que l’employeur a la possibilité et l’obligation de les
compléter au cours de ce processus. D’autre part, l’objectif de cette obligation de l’employeur est de permettre aux représentants des travailleurs de participer au processus de consultation aussi complètement et effectivement que possible, et, pour ce faire, toutes nouvelles informations pertinentes doivent être fournies jusqu’au dernier moment dudit processus.

54 Il s’ensuit que le point de départ des consultations ne saurait dépendre du fait que l’employeur est déjà en mesure de fournir aux représentants des travailleurs toutes les informations mentionnées à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de la directive 98/59.

55 Il convient, dès lors, de répondre à la deuxième question posée que la naissance de l’obligation de l’employeur d’entamer les consultations sur les licenciements collectifs envisagés ne dépend pas du fait que celui-ci soit déjà en mesure de fournir aux représentants des travailleurs tous les renseignements exigés à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de la directive 98/59.

Sur les troisième et quatrième questions

56 Par ses troisième et quatrième questions, auxquelles il y a lieu de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, s’il convient d’interpréter l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de cette même directive, en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises composé d’une société mère et d’une ou de plusieurs filiales, l’obligation de consultation avec les représentants des
travailleurs naît lorsque soit l’employeur soit la société mère qui contrôle ce dernier envisage des licenciements collectifs et, d’autre part, si la naissance de l’obligation d’entamer des consultations requiert que la filiale au sein de laquelle des licenciements collectifs sont susceptibles d’être effectués soit identifiée.

57 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 98/59, le seul destinataire des obligations en matière d’information, de consultation et de notification est l’employeur, c’est-à-dire une personne physique ou morale qui se trouve dans une relation de travail avec les travailleurs susceptibles d’être licenciés.

58 Une entreprise qui contrôle l’employeur, même si elle peut prendre des décisions contraignantes à l’égard de ce dernier, n’a pas la qualité d’employeur.

59 Ainsi que le souligne la Commission des Communautés européennes, d’une part, l’organisation de la direction d’un groupe d’entreprises est une affaire interne et, d’autre part, pas plus que la directive 75/129, la directive 98/59 n’a pour but de restreindre la liberté d’un tel groupe de procéder à l’organisation de ses activités de la manière qui lui semble la plus conforme à ses besoins (voir en ce sens, s’agissant de la directive 75/129, arrêt du 7 décembre 1995 , Rockfon, C-449/93, Rec.
p. I-4291 , point 21).

60 La directive 98/59, ainsi que la directive 75/129, n’assure qu’une harmonisation partielle des règles de protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs. Elle ne tend donc pas à une harmonisation d’ensemble des systèmes nationaux de représentation des travailleurs dans l’entreprise (voir, s’agissant de la directive 75/129, arrêt du 8 juin 1994 , Commission/Royaume-Uni, C-383/92, Rec. p. I-2479 , point 25 et jurisprudence citée).

61 Dans le cadre de cette harmonisation partielle, ainsi que le relèvent les requérants au principal, le législateur communautaire a voulu, en adoptant la directive 92/56 puis la directive 98/59, combler une lacune de sa réglementation antérieure et apporter une précision concernant les obligations des employeurs faisant partie d’un groupe d’entreprises. Ainsi, l’article 2, paragraphe 4, de la directive 98/59 dispose que l’obligation de consultation s’applique à l’employeur indépendamment du fait
que la décision concernant les licenciements collectifs émane de celui-ci ou d’une entreprise qui le contrôle.

62 Par conséquent, il y a lieu de retenir l’interprétation de l’article 2, paragraphes 1 et 4, premier alinéa, de la directive 98/59 selon laquelle, indépendamment du fait que des licenciements collectifs sont envisagés ou projetés à la suite d’une décision de l’entreprise qui emploie les travailleurs concernés ou d’une décision de sa société mère, c’est toujours la première qui est obligée, en tant qu’employeur, d’engager les consultations avec les représentants de ses travailleurs.

63 En ce qui concerne le moment de la naissance de cette obligation, il est évident, ainsi que le fait observer le gouvernement finlandais, que les consultations avec les représentants des travailleurs ne peuvent être entamées que si l’entreprise dans laquelle des licenciements collectifs sont susceptibles d’être effectués est connue. En effet, lorsque la société mère d’un groupe d’entreprises adopte des décisions de nature à avoir des répercussions sur l’emploi des travailleurs au sein de ce
groupe, c’est à la filiale dont les travailleurs sont susceptibles d’être concernés par des licenciements collectifs qu’il appartient, en sa qualité d’employeur, d’engager des consultations avec les représentants des travailleurs. Il n’est dès lors pas possible d’entamer de telles consultations aussi longtemps que ladite filiale n’a pas été identifiée.

64 De surcroît, s’agissant des objectifs assignés aux consultations, aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 98/59, celles-ci portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés. Or, pour qu’une consultation sur ces questions ait un sens, il
faut connaître la filiale dont le personnel sera concerné par les licenciements collectifs envisagés.

65 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions posées que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de cette même directive, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises composé d’une société mère et d’une ou de plusieurs filiales, l’obligation de consultation avec les représentants des travailleurs ne naît dans le chef de la filiale qui a la qualité
d’employeur que lorsque cette filiale au sein de laquelle des licenciements collectifs sont susceptibles d’être effectués, a été identifiée.

Sur les cinquième et sixième questions

66 Par ses cinquième et sixième questions, la juridiction de renvoi sollicite des éclaircissements sur le moment de la clôture de la procédure de consultation prévue à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59 au cas où, en présence d’un groupe d’entreprises composé d’une société mère et d’une ou de plusieurs filiales, la décision conduisant éventuellement ou nécessairement aux licenciements collectifs est prise au niveau de la société mère.

67 Ainsi qu’il a été exposé dans le cadre de la réponse donnée aux troisième et quatrième questions, l’obligation de consultation prévue à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59 lie uniquement l’employeur.

68 En effet, aucune disposition de cette directive ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle peut créer une telle obligation dans le chef de la société mère.

69 Il s’ensuit qu’il incombe toujours à la filiale, en tant qu’employeur, de mener des consultations avec les représentants des travailleurs susceptibles d’être concernés par les licenciements collectifs envisagés et, le cas échéant, de supporter elle-même les conséquences du non-respect de l’obligation de consultation si elle n’a pas été immédiatement et correctement informée d’une décision de sa société mère rendant nécessaires de tels licenciements.

70 En ce qui concerne la clôture de la procédure de consultation, la Cour a déjà jugé que, lorsque la directive 98/59 trouve à s’appliquer, la résiliation d’un contrat de travail ne peut être effectuée par l’employeur qu’après la clôture de ladite procédure, c’est-à-dire après qu’il a respecté les obligations énoncées à l’article 2 de cette directive (voir arrêt Junk, précité, point 45). Il s’ensuit que la procédure de consultation doit être accomplie avant qu’une décision relative à la résiliation
des contrats des travailleurs soit prise.

71 Dans le contexte d’un groupe d’entreprises tel que celui en cause au principal, il découle de cette jurisprudence qu’une décision de la société mère ayant pour effet direct de contraindre une de ses filiales à résilier les contrats des travailleurs concernés par des licenciements collectifs ne saurait être prise qu’à l’issue de la procédure de consultation au sein de cette filiale et ce, sous peine d’exposer celle-ci, en tant qu’employeur, aux conséquences du non-respect de cette procédure.

72 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux cinquième et sixième questions posées que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises, la procédure de consultation doit être clôturée par la filiale concernée par des licenciements collectifs avant que ladite filiale, le cas échéant sur instruction directe de sa société mère, résilie
les contrats des travailleurs visés par ces licenciements.

Sur les dépens

73 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

  1) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998 , concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, doit être interprété en ce sens que l’adoption, au sein d’un groupe d’entreprises, de décisions stratégiques ou de modifications d’activités qui contraignent l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs fait naître pour cet employeur une obligation de consultation des représentants des
travailleurs.

  2) La naissance de l’obligation de l’employeur d’entamer les consultations sur les licenciements collectifs envisagés ne dépend pas du fait que celui-ci soit déjà en mesure de fournir aux représentants des travailleurs tous les renseignements exigés à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de la directive 98/59.

  3) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de cette même directive, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises composé d’une société mère et d’une ou de plusieurs filiales, l’obligation de consultation avec les représentants des travailleurs ne naît dans le chef de la filiale qui a la qualité d’employeur que lorsque cette filiale, au sein de laquelle des licenciements collectifs sont
susceptibles d’être effectués, a été identifiée.

  4) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises, la procédure de consultation doit être clôturée par la filiale concernée par des licenciements collectifs avant que ladite filiale, le cas échéant sur instruction directe de sa société mère, résilie les contrats des travailleurs visés par ces licenciements.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: le finnois.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-44/08
Date de la décision : 10/09/2009
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Korkein oikeus - Finlande.

Procédure préjudicielle - Directive 98/59/CE - Rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs - Article 2 - Protection des travailleurs - Information et consultation des travailleurs - Groupe d'entreprises - Société mère - Filiale.

Politique sociale

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a.
Défendeurs : Fujitsu Siemens Computers Oy.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Juhász

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:533

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