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24/09/2009 | CJUE | N°C-125/07

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Erste Group Bank AG e.a. contre Commission des Communautés européennes., 24/09/2009, C-125/07


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 septembre 2009 ( *1 )

«Pourvoi — Ententes — Fixation par des banques autrichiennes des taux créditeurs et débiteurs — ‘ Club Lombard ’ — Affectation du commerce entre États membres — Calcul des amendes — Succession d'entreprises — Impact concret sur le marché — Mise en œuvre de l'entente»

Dans les affaires jointes C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P,

ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits respectivement les

1 er , 2 , 5 et 6 mars 2007 ,

Erste Group Bank AG, anciennement Erste Bank der österreichischen Sparkass...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 septembre 2009 ( *1 )

«Pourvoi — Ententes — Fixation par des banques autrichiennes des taux créditeurs et débiteurs — ‘ Club Lombard ’ — Affectation du commerce entre États membres — Calcul des amendes — Succession d'entreprises — Impact concret sur le marché — Mise en œuvre de l'entente»

Dans les affaires jointes C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P,

ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits respectivement les 1 er , 2 , 5 et 6 mars 2007 ,

Erste Group Bank AG, anciennement Erste Bank der österreichischen Sparkassen AG (C-125/07 P), établie à Vienne (Autriche), représentée par M e  F. Montag, Rechtsanwalt,

Raiffeisen Zentralbank Österreich AG (C-133/07 P), établie à Vienne (Autriche), représentée par M es  S. Völcker et G. Terhorst, Rechtsanwälte,

Bank Austria Creditanstalt AG (C-135/07 P), établie à Vienne (Autriche), représentée par M es  C. Zschocke et J. Beninca, Rechtsanwälte,

Österreichische Volksbanken AG (C-137/07 P), établie à Vienne (Autriche), représentée par M es  A. Ablasser, R. Bierwagen et F. Neumayr, Rechtsanwälte,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. A. Bouquet et R. Sauer, en qualité d’agents, assistés de M es  D. Waelbroeck, avocat, et U. Zinsmeister, Rechtsanwältin, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot, P. Kūris (rapporteur), L. Bay Larsen et M me  C. Toader, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2008 ,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mars 2009 ,

rend le présent

Arrêt

1 Par leurs pourvois, Erste Group Bank AG , anciennement Erste Bank der österreichischen Sparkassen AG (ci-après « Erste » ), Raiffeisen Zentralbank Österreich AG (ci-après « RZB » ), Bank Austria Creditanstalt AG (ci-après « BA-CA » ) et Österreichische Volksbanken AG (ci-après « ÖVAG » ) demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 décembre 2006 , Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission (T-259/02 à T-264/02 et T-271/02, Rec.
p. II-5169 , ci-après l’ « arrêt attaqué » ), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision 2004/138/CE de la Commission, du 11 juin 2002 , relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/36.571/D-1, Banques autrichiennes — « club Lombard » ) ( JO 2004, L 56, p. 1 , ci-après la « décision litigieuse » ) et, à titre subsidiaire, de réduire les amendes qui ont été infligées à chacune d’elles à l’article 3 de la décision litigieuse
et, à titre plus subsidiaire, d’annuler l’arrêt du Tribunal et de renvoyer l’affaire devant ce dernier.

I — Le cadre juridique

A —  Le règlement n o  17

2 L’article 11, paragraphe 5, du règlement n o  17 du Conseil, du 6 février 1962 , premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité ( JO 1962, 13, p. 204 ), prévoit:

« Si une entreprise ou association d’entreprises ne fournit pas les renseignements requis dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission les demande par voie de décision. Cette décision précise les renseignements demandés, fixe un délai approprié dans lequel les renseignements doivent être fournis et indique les sanctions prévues à l’article 15, paragraphe 1, alinéa b), et à l’article 16, paragraphe 1, alinéa c), ainsi que le recours ouvert devant la Cour
de justice contre la décision. »

3 L’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 dispose:

« 2.    La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, ou de l’article [82] du traité, ou

b) elles contreviennent à une charge imposée en vertu de l’article 8, paragraphe 1.

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

B — Les lignes directrices

4 La communication de la Commission intitulée « Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n o  17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA » ( JO 1998, C 9, p. 3 , ci-après les « lignes directrices » ) énonce dans son préambule:

« Les principes posés par les […] lignes directrices devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire
adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende obéira dorénavant au schéma suivant, qui repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes. »

5 Les lignes directrices disposent, à leur point 1, que, pour le calcul du montant des amendes, le montant de base est déterminé en fonction des critères retenus à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17, à savoir la gravité et la durée de l’infraction. Il est également précisé dans ces lignes directrices que l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et
l’étendue du marché géographique concerné.

C — La communication sur la coopération

6 Dans sa communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 18 juillet 1996 ( JO C 207, p. 4 , ci-après la « communication sur la coopération » ), dont un projet, intitulé information de la Commission européenne relative à sa politique en matière d’amendes pour infractions aux règles de concurrence, avait été publié le 19 décembre 1995 ( JO C 341, p. 13 ), la
Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de celle qu’elles auraient autrement dû acquitter, ainsi qu’il ressort du chapitre A, point 3, de cette communication.

7 Aux termes du chapitre A, point 5, de la communication sur la coopération:

« La coopération d’une entreprise avec elle n’est qu’un élément parmi d’autres dont la Commission tient compte dans la fixation d’une amende.

[…] »

8 Le chapitre D de ladite communication, relatif à la réduction significative du montant de l’amende, précise:

« 1. Lorsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux titres B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si:

— avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

— après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

9 Le chapitre E, point 3, de cette communication, relatif à la procédure, énonce notamment:

« [L]a Commission est consciente du fait que la présente communication crée des attentes légitimes sur lesquelles se fonderont les entreprises souhaitant l’informer de l’existence d’une entente. »

II — Les antécédents du litige et la décision litigieuse

10 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé le cadre factuel à l’origine du recours devant le Tribunal dans les termes suivants:

« 1. Par la décision [litigieuse] […] la Commission a constaté la participation de diverses entreprises à une série d’accords et de pratiques concertées au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

2. Il s’agissait notamment des huit banques suivantes, qui sont les destinataires de la décision [litigieuse]:

— Erste […];

— [RZB];

— [BA-CA];

— […]

— [ÖVAG];

— […]

3. Essentiellement, la Commission reproche aux destinataires de la décision [litigieuse] d’avoir mis en place ce qu’elle désigne comme le ‘ réseau Lombard ’ , c’est-à-dire un ensemble de réunions régulières (ci-après les ‘ tables rondes ’ ), aussi exhaustives sur le fond qu’étroitement imbriquées sur la forme, dans le cadre desquelles ils concertaient à intervalles réguliers leur comportement quant aux principaux paramètres intéressant la concurrence sur le marché des produits et des services
bancaires en Autriche.

[…]

15. Ayant eu connaissance, au mois d’avril 1997, d’un document qui laissait soupçonner l’existence, sur le marché bancaire autrichien, d’accords ou de pratiques concertées contraires à l’article 81 CE, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen. Le 30 juin 1997 , conformément à l’article 3 du règlement n o  17 […], le parti politique Freiheitliche Partei Österreichs (ci-après le ‘ FPÖ ’ ) a porté plainte contre huit établissements de crédit autrichiens soupçonnés d’avoir participé à
des accords et/ou des pratiques concertées restreignant la concurrence.

16. Les 23 et 24 juin 1998 , la Commission a soumis plusieurs banques, parmi lesquelles comptent la plupart des destinataires de la décision [litigieuse], à des vérifications surprises. Le 21 septembre 1998 , la Commission a adressé une demande de renseignements à de nombreux établissements de crédit soupçonnés d’avoir participé à ces accords ou pratiques, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n o  17.

17. Immédiatement après avoir reçu la demande de renseignements, les principales banques concernées ont offert à la Commission leur ‘ coopération ’ dans l’examen de l’affaire, au point de proposer de présenter les faits ‘ de leur plein gré ’ (au lieu de répondre à la demande de renseignements), tout en renonçant à une audition; en contrepartie, la direction générale de la concurrence de la Commission annulerait sa demande de renseignements et n’imposerait qu’une amende administrative ‘ modérée ’
. Tout en saluant la promptitude des banques à proposer leur coopération, la Commission a décliné tout accord à ce sujet.

18. Tous les destinataires ont alors répondu à la demande de renseignements. À cette occasion, certains ont toutefois affirmé n’être assujettis, pour la majeure partie des questions posées, à aucune obligation de réponse et pouvoir fournir une telle réponse, de même que transmettre les documents s’y rapportant, de façon volontaire, dans le cadre de la coopération susmentionnée. La Commission a réfuté ce point de vue juridique.

19. Peu après, les principales banques concernées, parmi lesquelles comptaient les requérantes, […], ont adressé à la Commission un document de 132 pages, intitulé ‘ Exposé commun des faits ’ , dans lequel elles décrivaient en détail le contexte historique de leur entente, puis résumaient brièvement et donnaient leur appréciation du contenu de leurs tables rondes, tel qu’il ressortait des documents saisis ainsi que des documents qui leur avaient été réclamés. Parallèlement, elles produisaient
seize classeurs contenant des documents classés par table ronde et accompagnés de tables des matières détaillées. Pour pouvoir mesurer l’éventuelle valeur ajoutée des pièces transmises avec l’exposé commun des faits, la Commission a prié les banques de lui indiquer si certaines de ces pièces lui étaient encore inconnues et, le cas échéant, lesquelles. Ses interlocutrices n’ont pas estimé possible ni nécessaire d’accéder à cette demande.

20. Le 13 septembre 1999 , la Commission a transmis à huit banques la communication des griefs adoptée le 11 septembre 1999 […]. Le 22 novembre 2000 , la Commission a envoyé aux banques une communication des griefs complémentaire […].

21. Le 11 juin 2002 , la Commission a adopté la décision [litigieuse].

[…]

22. À l’article 1 er de la décision [litigieuse], la Commission relève que les huit banques auxquelles cette décision est adressée ont commis une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE en participant à des accords et à des pratiques concertées sur les prix, les commissions bancaires et d’autres paramètres de la concurrence, qui ont eu pour objet, du 1 er  janvier 1995 au 24 juin 1998 , de restreindre la concurrence sur le marché des produits et des services bancaires en Autriche.

[…]

24. L’article 3 de la décision [litigieuse] inflige aux destinataires de cette dernière les amendes suivantes:

— Erste: 37,69  millions d’euros;

— RZB: 30,38  millions d’euros;

— BA-CA: 30,38  millions d’euros;

[…]

— ÖVAG: 7,59  millions d’euros;

[…].

25. La décision [litigieuse] expose qu’en Autriche les accords entre banques, en particulier sur les taux d’intérêt et les commissions, relevaient d’une tradition ancienne, partiellement fondée, jusque dans les années 80, sur une base légale qui a cependant été abrogée, au plus tard, le 1 er  janvier 1994 , lorsque la République d’Autriche a adhéré à l’Espace économique européen (EEE) et que [la loi sur le système bancaire (Bankwesensgesetz)] est [entrée] en vigueur.

26. Les établissements de crédit ont toutefois continué, dans le cadre du réseau constitué, à conclure des accords, notamment sur les taux débiteurs et créditeurs.

27. La décision [litigieuse] expose, dans son titre 5, que les accords conclus étaient très complets dans leur contenu, institutionnalisés en grande partie ainsi qu’étroitement corrélés et qu’ils couvraient l’ensemble du territoire autrichien. Chaque produit bancaire faisait l’objet d’une table ronde spécifique, à laquelle prenaient part les responsables compétents du deuxième ou troisième échelon hiérarchique des banques concernées. En pratique, ce cloisonnement théorique n’était pas strictement
respecté: de temps à autre, des questions connexes relevant de différentes tables rondes étaient réglées par une seule et même instance. Enfin, ces différentes tables rondes faisaient partie intégrante d’un tout organique.

28. Formant l’instance suprême (dénommée le ‘ club Lombard ’ ), des représentants de la direction des principales banques autrichiennes se réunissaient une fois par mois, sauf en août. Outre des thèmes d’intérêt général, neutres du point de vue de la concurrence, cette instance traitait de la modification des taux d’intérêt, des mesures en matière de publicité, etc. À certaines de ces réunions, des représentants de la banque nationale autrichienne […] étaient présents.

29. Au niveau directement inférieur siégeaient les tables rondes techniques, liées à des produits spécifiques. Les plus importantes, à cet égard, étaient les tables rondes sur les opérations actives, c’est-à-dire les crédits, et celles sur les opérations passives, c’est-à-dire l’épargne; comme leur nom l’indique, elles avaient pour objet la fixation des conditions (c’est-à-dire des taux d’intérêt) du crédit et de l’épargne et elles se réunissaient soit de manière distincte soit conjointement.
Entre le ‘ club Lombard ’ et ces tables rondes, l’échange d’informations était particulièrement intense.

30. Des tables rondes régionales, nombreuses et diversifiées, se réunissaient régulièrement dans tous les Länder autrichiens. Dans certains Länder, la structure hiérarchique du ‘ club Lombard ’ et des tables rondes techniques était même reproduite.

31. Durant les tables rondes fédérales sur les opérations actives et/ou passives, des représentants des établissements viennois rencontraient leurs homologues régionaux en vue, essentiellement, d’étendre leurs décisions à l’ensemble du territoire autrichien.

32. En outre, il existait des tables rondes spécialisées consacrées aux opérations effectuées avec les entreprises, aux opérations effectuées avec les particuliers dans le segment ‘ professions libérales ’ , au crédit hypothécaire et au crédit à la construction (respectivement dénommées ‘ Minilombard ’ , ‘ table ronde des responsables grands comptes ’ , ‘ table ronde “ professions libérales ”’ , ‘ loge sur le crédit hypothécaire ’ et ‘ table ronde des banques de crédit-construction sur les
opérations passives ’ ).

33. Enfin, nombre d’autres tables rondes se réunissaient régulièrement sur des thèmes intéressant la concurrence: la table ronde des directeurs financiers (Treasurerrunde) traitait des crédits à l’État fédéral et de questions relatives aux taux, les diverses tables rondes sur les opérations de paiement (en particulier la table ronde portant cette dénomination, la table ronde ‘ Étranger ’ et le comité organisationnel des fédérations autrichiennes d’établissements de crédit ou Organisationskomitee
der österreichischen Kreditinstitutsverbände) des commissions et des frais afférents à ces opérations, le club ‘ Exportation ’ (Exportklub) du financement des exportations et la table ronde sur les titres (Bankenrunde Wertpapiere) des frais minimaux, des commissions et des taux applicables à ces produits.

34. Parmi ces tables rondes spécialisées se distinguait celle des contrôleurs de gestion (Controllerrunde), qui regroupait les représentants des services compétents des principales banques autrichiennes. En son sein étaient définies des bases de calcul uniformes et élaborées des propositions communes en vue d’améliorer les profits. Par ce biais, les banques renforçaient la transparence interbancaire en termes de calcul et de coûts.

35. Entre toutes ces tables rondes, qui avaient donc pour objet essentiel les conditions du crédit et de l’épargne ainsi que les commissions bancaires, avait lieu un échange d’informations régulier. Souvent, il arrivait que les consultations engagées dans le cadre d’une instance soient ajournées jusqu’à ce qu’un accord ait pu être trouvé dans le cadre d’une autre. Enfin, la suprématie du ‘ club Lombard ’ avait pour effet qu’en cas de controverse son arbitrage était attendu.

36. En vue de la mise en œuvre, sur tout le territoire autrichien, des accords conclus aux tables rondes viennoises (ou en vue d’une conformation à ces accords), des informations étaient aussi régulièrement transmises aux tables rondes des Länder ou, à l’inverse, transmises par celles-ci aux tables rondes centrales siégeant dans la capitale. De temps à autre, les instances régionales envoyaient des représentants aux tables rondes fédérales sur les opérations actives et/ou passives.

37. La Commission, dans la décision [litigieuse], constate que, pendant la période visée par l’enquête (à savoir du 1 er  janvier 1994 à la fin du mois de juin 1998), au moins 300 réunions ont eu lieu uniquement à Vienne, sans tenir compte des multiples tables rondes régionales.[…]

38. La Commission souligne le rôle particulier joué dans le ‘ réseau Lombard ’ par les sociétés faîtières au regard de la coordination et de la représentation de leurs groupements respectifs, à savoir, en ce qui concerne Erste ([anciennement] GiroCredit), le secteur des caisses d’épargne, en ce qui concerne RZB, le secteur Raiffeisen et, en ce qui concerne ÖVAG, le secteur des banques populaires. Selon elle, ce rôle servait directement au bon fonctionnement du ‘ réseau Lombard ’ . D’un côté, les
sociétés faîtières auraient organisé les échanges mutuels d’informations entre Vienne et les Länder au sein même des groupes; d’un autre côté, elles auraient défendu les intérêts de leur propre groupe face aux autres groupes membres du cartel. Selon la Commission, elles étaient ainsi perçues comme les représentants de ces groupes par les autres participants. Par conséquent, les accords conclus ne seraient pas uniquement intervenus entre ces établissements, mais également entre les groupes. »

III — Les recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11 Par des requêtes enregistrées au greffe du Tribunal les 30 août et 2 septembre 2002 , les huit entreprises sanctionnées par la décision litigieuse, parmi lesquelles les quatre requérantes aux présents pourvois, Erste, RZB, BA-CA et ÖVAG, ont introduit, en vertu de l’article 230 CE, des recours concluant à l’annulation, en tout ou en partie, de cette décision et, à titre subsidiaire, à l’annulation des amendes qui ont été infligées à chacune d’elles ou à la réduction de leur montant.

12 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les recours, notamment, d’Erste, de BA-CA ainsi que d’ÖVAG et condamné ces trois requérantes aux dépens.

13 Il a également rejeté le recours de RZB ainsi qu’une demande reconventionnelle de la Commission, et a condamné RZB à supporter ses propres dépens, outre 90 % des dépens exposés par la Commission.

IV — Les conclusions des parties au pourvoi

14 Erste conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette le recours en annulation de la requérante;

— annuler la décision litigieuse dans la mesure où elle inflige une amende à Erste;

— à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 3 de la décision litigieuse;

— à titre plus subsidiaire encore, annuler l’arrêt attaqué et renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

— en toute hypothèse, condamner la Commission aux dépens.

15 RZB conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette le recours en annulation de la requérante;

— annuler l’article 3 de la décision litigieuse dans la mesure où elle concerne RZB;

— à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 3 de la décision litigieuse, et

— condamner la Commission aux dépens.

16 BA-CA conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette le recours en annulation de la requérante;

— annuler la décision litigieuse dans la mesure où elle concerne BA-CA;

— à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 3 de la décision litigieuse, et

— condamner la Commission aux dépens.

17 ÖVAG conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler les points 2 et 4 de l’arrêt attaqué;

— annuler la décision litigieuse dans la mesure où elle concerne ÖVAG;

— à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 3 de la décision litigieuse;

— à titre plus subsidiaire encore, renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

— condamner la Commission aux dépens ou les réserver en cas de renvoi devant le Tribunal.

18 La Commission conclut, dans chacune des présentes affaires, à ce qu’il plaise à la Cour:

— rejeter les pourvois des requérantes, et

— condamner les requérantes aux dépens de l’instance.

V — Les moyens d’annulation de l’arrêt attaqué

19 Erste soulève quatre moyens:

— violation des droits de la défense;

— violation de l’article 81, paragraphe 1, CE du fait de l’absence d’effets sensibles sur le commerce entre États membres;

— violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 du fait de l’imputation à Erste du comportement de GiroCredit pour la période précédant son acquisition, et

— violation dudit article lu en combinaison avec les lignes directrices pour le calcul des amendes et la fixation de leur montant.

20 RZB soulève quatre moyens:

— violation de l’article 81 CE du fait que l’affectation du commerce entre États membres n’est pas établie;

— violation des lignes directrices en ce que les réunions des banques concernées ont été qualifiées d’ « infractions très graves » ;

— violation du règlement n o  17 et des lignes directrices en ce que les parts de marché de l’ensemble du « secteur Raiffeisen » lui ont été imputées à tort, et

— erreur de droit dans l’appréciation de sa coopération avec la Commission.

21 BA-CA soulève trois moyens:

— constatation erronée dans le cadre de la détermination du montant de l’amende selon laquelle les tables rondes ont produit des effets économiques;

— absence de prise en considération de circonstances justifiant une minoration de l’amende dans le cadre de la détermination du montant de base, et

— absence de prise en considération de sa coopération sous forme de réponses aux demandes de renseignements, de l’exposé commun des faits, de la communication volontaire de documents supplémentaires et de la réponse à la communication des griefs.

22 ÖVAG soulève trois moyens:

— constatation erronée de l’entrave au commerce entre États membres;

— imputation erronée du secteur décentralisé dans le cadre de la répartition en catégories, et

— absence de prise en considération de circonstances atténuantes.

VI — Sur les pourvois

23 Par une ordonnance du président de la Cour du 25 octobre 2007 , les parties et M. l’avocat général ayant été entendus sur ce point, les quatre affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 43 du règlement de procédure.

24 Considérant que les moyens des requérantes au pourvoi se recoupent dans une large mesure, il convient de les traiter conjointement.

A — Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE

1. Sur le moyen tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation de la condition de l’affectation du commerce entre États membres

25 Erste, RZB et ÖVAG soutiennent toutes les trois ce moyen qui se subdivise, en substance, en trois branches.

a) Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation quant à l’aptitude d’une entente couvrant l’ensemble du territoire national à affecter sensiblement le commerce entre États membres

i) Argumentation des parties

26 RZB et ÖVAG soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 181 de l’arrêt attaqué, « qu’il existe, à tout le moins, une forte présomption qu’une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l’ensemble du territoire d’un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et à affecter les échanges intracommunautaires » .

27 À cet égard, RZB fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal procède à une interprétation simplifiée de la condition d’affectation du commerce entre États membres lorsqu’il considère que la Commission n’est pas tenue de prouver l’existence d’un effet de cloisonnement.

28 Le Tribunal aurait méconnu, aux points 182 à 184 de l’arrêt attaqué, la portée de l’arrêt de la Cour du 21 janvier 1999 , Bagnasco e.a. ( C-215/96 et C-216/96, Rec. p. I-135 ).

29 En second lieu, RZB considère que le Tribunal interprète de façon inadéquate la jurisprudence de la Cour en affirmant que le seul fait que les tables rondes couvrent l’ensemble du territoire de la République d’Autriche est suffisant pour conclure que le commerce entre États membres est affecté.

30 En effet, l’aptitude à affecter le commerce entre États membres supposerait en plus de la « couverture territoriale » la présence d’au moins un autre facteur, en l’occurrence celui d’effets de cloisonnement.

31 En outre, RZB souligne que le Tribunal renverse, au point 181 de l’arrêt attaqué, la charge de la preuve en faisant peser celle-ci sur l’entreprise, alors qu’il appartiendrait à la Commission d’apporter la preuve de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’aptitude de l’entente à affecter le commerce entre États membres.

32 ÖVAG, pour sa part, déplore également que le Tribunal ait relativisé la portée du critère de l’effet de cloisonnement des marchés.

33 Elle ajoute que le Tribunal n’a pas tenu compte, au point 166 de l’arrêt attaqué, des particularités d’une appréciation a posteriori d’une infraction passée. Il aurait renoncé à tort à examiner l’impact concret des accords sur le commerce interétatique.

34 De plus, ÖVAG relève le caractère contradictoire et insuffisant de la motivation retenue par le Tribunal. En effet, au point 164 de l’arrêt attaqué, celui-ci aurait considéré que l’effet de cloisonnement des marchés n’est pas un indice fort permettant de conclure à une affectation du commerce entre États membres, alors qu’au point 181 dudit arrêt, il aurait affirmé, au contraire, qu’il existe un lien étroit entre l’effet de cloisonnement des marchés d’une entente et l’aptitude de celle-ci à
affecter le commerce transfrontalier.

35 La Commission fait valoir que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

ii) Appréciation de la Cour

36 En premier lieu, il convient de rappeler, d’une part, que la Cour a jugé que, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent
entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêt du 23 novembre 2006 , Asnef-Equifax et Administración del Estado, C-238/05, Rec. p. I-11125 , point 34 et jurisprudence citée).

37 Ainsi, une incidence sur les échanges intracommunautaires résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Pour vérifier si une entente affecte sensiblement le commerce entre États membres, il faut l’examiner dans son contexte économique et juridique (arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, précité, point 35 et jurisprudence citée).

38 D’autre part, la Cour a déjà jugé que le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité CE (arrêt Asnef-Equifax et Administración
del Estado, précité, point 37 et jurisprudence citée).

39 Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, c’est à bon droit que le Tribunal a, au point 181 de l’arrêt attaqué, retenu comme point de départ de son raisonnement l’existence d’une forte présomption d’affectation du commerce entre les États membres, précisant aussitôt que « [celle-ci] ne peut être écartée que si l’analyse des caractéristiques de l’accord et du contexte économique dans lequel il s’insère démontre le contraire » .

40 Or, le Tribunal a procédé à cette analyse aux points 182 à 185 de l’arrêt attaqué. En particulier au point 183 dudit arrêt, il a constaté que « les concertations au sein du ‘ réseau Lombard ’ impliquaient non seulement presque tous les établissements de crédit en Autriche, mais également une très large gamme de produits et de services bancaires, notamment les dépôts et les crédits et, de ce fait, elles étaient susceptibles de modifier les conditions de la concurrence dans l’ensemble de cet État
membre » . Au point 185 du même arrêt, il a examiné « la possibilité d’un effet de cloisonnement du marché en considérant que le ‘ réseau Lombard ’ peut avoir constitué un maintien des barrières à l’accès au marché […] en ce qu’il a pu permettre la conservation des structures du marché bancaire autrichien […] » .

41 Ainsi, après avoir détaillé, aux points 111 à 121 de l’arrêt attaqué, l’objectif poursuivi par chacune des tables rondes, le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, constater, au point 185 de cet arrêt, que l’existence même du « réseau Lombard » entravait le libre accès au marché autrichien de sorte que l’entente était susceptible d’avoir un effet transfrontalier.

42 Il a donc à bon droit conclu, au point 186 de l’arrêt attaqué, que l’accord en cause avait pu avoir des effets de cloisonnement du marché et avait été susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

43 En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient RZB, le Tribunal n’a pas renversé la charge de la preuve mais a, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation des faits, constaté après analyse que les requérantes n’avaient pas renversé la présomption selon laquelle l’entente considérée dans son ensemble et s’étendant à l’Autriche tout entière avait été susceptible d’affecter le commerce interétatique.

44 En troisième lieu, il convient de constater que le raisonnement opéré par le Tribunal au point 181 de l’arrêt attaqué n’est pas en contradiction avec ce qu’il a énoncé au point 164 du même arrêt.

45 En effet, audit point 164, le Tribunal s’est borné à rejeter l’argumentation des requérantes tendant à considérer que seule la démonstration des effets de cloisonnement d’une entente pouvait permettre d’établir l’aptitude de cette entente à affecter le commerce entre États membres.

46 En quatrième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 81, paragraphe 1, CE n’exige pas que les ententes visées à cette disposition aient affecté sensiblement les échanges intracommunautaires, mais il demande qu’il soit établi que ces ententes sont de nature à avoir un tel effet (arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, précité, point 43 et jurisprudence citée).

47 Par suite, ÖVAG ne saurait soutenir que le Tribunal devait examiner l’impact réel sur le commerce entre États membres de ladite entente.

48 Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen examiné doit être rejetée.

b) Sur la deuxième branche, tirée de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission pouvait procéder à un examen global des effets transfrontaliers des tables rondes et en procédant à une analyse erronée, insuffisante et contradictoire de la définition du marché pertinent

i) Argumentation des parties

49 Par un premier grief, ÖVAG soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 168 et suivants de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait procéder à un examen global de l’effet transfrontalier des tables rondes au lieu d’examiner séparément l’aptitude de chaque table ronde à affecter le commerce entre États membres.

50 À cet égard, la requérante fait valoir, d’une part, que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’examinant pas, de façon isolée, les effets sur les échanges intracommunautaires des tables rondes qui relevaient d’une activité distincte et que, en outre, il n’a pas apprécié correctement la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt Bagnasco e.a., précité.

51 Par un second grief, ÖVAG critique le raisonnement du Tribunal exposé au point 172 de l’arrêt attaqué selon lequel « la définition du marché en cause ne joue pas le même rôle selon qu’il s’agit d’appliquer l’article 81 CE ou l’article 82 CE » . Elle soutient que le Tribunal aurait dû apprécier l’effet sur le commerce des accords conclus au sein des différentes tables rondes sur la base d’une définition plus étroite des marchés concernés.

52 De plus, ÖVAG relève une contradiction entre le point 174 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal reconnaît que « les différentes prestations bancaires visées par les accords ne sont pas substituables les unes aux autres » , et le point 175 dudit arrêt, dans lequel il affirme que « la Commission n’était pas tenue d’examiner séparément les marchés des différents produits bancaires visés par les tables rondes » .

53 La Commission fait valoir que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

ii) Appréciation de la Cour

— Sur le grief tiré de ce que le Tribunal aurait erronément interprété la jurisprudence

54 L’appréciation des effets des accords au regard de l’article 81 CE implique la nécessité de prendre en considération le cadre concret dans lequel ils s’insèrent, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et la structure du marché en question (voir arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, précité, point 49 et jurisprudence citée).

55 Dans l’arrêt attaqué, aux points 111 à 126 de celui-ci, le Tribunal a confirmé la conclusion de la Commission selon laquelle il existait un accord de principe entre toutes les banques participant à l’entente pour éliminer la concurrence sur les prix concernant une large gamme de services bancaires destinés tant aux particuliers qu’aux entreprises, y compris les « grands comptes » . Il a également confirmé la qualification d’entente globale unique donnée aux tables rondes.

56 Dans la mesure où, ainsi que l’a constaté le Tribunal, il s’agissait d’une entente globale concernant l’essentiel des acteurs du secteur financier d’un État membre et une vaste gamme de produits et de services financiers, c’est à bon droit que le Tribunal a pu estimer que les accords en cause, fondés sur un plan global et mis en œuvre dans le cadre de tables rondes distinctes, constituaient une infraction unique qui justifiait et nécessitait un examen d’ensemble de l’aptitude de cette entente
généralisée à affecter le commerce intracommunautaire.

57 S’agissant de l’arrêt Bagnasco e.a., précité, invoqué par la requérante, force est de relever, à l’instar de ce qu’a fait le Tribunal au point 171 de l’arrêt attaqué, que, dans cette affaire, la Cour n’a pas eu à procéder à un examen d’ensemble de l’affectation du commerce entre les États membres par les deux clauses en cause au principal, dans la mesure où, pour l’une, l’accord n’avait pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence tandis que pour l’autre, il n’était pas susceptible
d’affecter le commerce entre les États membres.

58 Par conséquent, contrairement aux ententes en cause dans les présentes affaires, la question d’un examen d’ensemble des accords au regard de la condition de l’affectation du commerce entre les États membres ne s’est pas posée dans ledit arrêt. Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient invoquer utilement cet arrêt pour remettre en cause ce qui a été constaté au point 56 du présent arrêt.

59 Dans ces conditions, le grief d’ÖVAG tendant à soutenir qu’un examen distinct des accords en cause s’imposait au Tribunal dans le cadre de l’appréciation de la condition liée à l’affectation du commerce entre États membres doit être rejeté.

— Sur le grief tiré du caractère erroné, insuffisant et contradictoire de l’analyse du Tribunal relative à la définition du marché pertinent

60 S’agissant en premier lieu du point 172 de l’arrêt attaqué, après avoir rappelé que la définition du marché ne joue pas le même rôle selon qu’il s’agit d’appliquer l’article 81 CE ou l’article 82 CE, le Tribunal a jugé que la définition du marché pertinent est inopérante dès lors que la Commission a conclu que l’accord en question faussait la concurrence et était susceptible d’affecter de façon sensible le commerce entre États membres.

61 Le grief soulevé par ÖVAG à l’encontre de cette analyse est inopérant dans la mesure où le Tribunal a examiné, aux points 172 à 174 de l’arrêt attaqué, le grief qu’elle a soulevé et qui visait à contester la méthode suivie par la Commission pour évaluer les effets sur les échanges intracommunautaires et n’a tiré aucune conséquence de son analyse.

62 S’agissant en second lieu de la motivation retenue par le Tribunal au point 174 de l’arrêt attaqué, dans lequel il considère que les différentes prestations bancaires visées par les accords ne sont pas substituables les unes aux autres, et au point 175, dans lequel il explique que la Commission n’était pas tenue d’examiner séparément les marchés de ces différents produits bancaires, il convient de rejeter le grief soulevé par ÖVAG dans la mesure où le Tribunal a dûment motivé les raisons pour
lesquelles une définition étroite du marché serait artificielle en considérant que la plupart des clients des banques universelles demandent un ensemble de services bancaires et que, au demeurant, l’affectation du commerce peut être indirecte et le marché concerné différent de celui des produits et services visés par l’entente.

63 Il résulte de ce qui précède que le grief d’ÖVAG tiré du caractère erroné, insuffisant et contradictoire de l’analyse du Tribunal relative à la définition du marché pertinent doit être écarté, de même que, par suite, la deuxième branche du moyen examiné.

c) Sur la troisième branche, tirée de l’absence de démonstration d’une affectation sensible par l’entente du commerce intracommunautaire

i) Argumentation des parties

64 Erste soutient que le Tribunal aurait dû constater, aux points 153 à 187 de l’arrêt attaqué, que l’article 81 CE n’était pas applicable dès lors que le caractère sensible de l’affectation des échanges par l’entente en cause n’avait pas été établi par la Commission. Selon cette requérante, si l’accord conclu entre les banques a eu des effets transfrontaliers, ceux-ci ont été limités.

65 La Commission fait valoir que les affirmations d’Erste sont erronées.

ii) Appréciation de la Cour

66 Selon une jurisprudence constante, l’article 81, paragraphe 1, CE exige non pas que les ententes visées à cette disposition aient affecté sensiblement les échanges intracommunautaires, mais qu’il soit établi que ces ententes étaient de nature à avoir un tel effet (voir arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, précité, point 43).

67 À cet égard, le Tribunal a relevé, aux points 111 à 121, 179 et 183 à 185 de l’arrêt attaqué, que l’accord rassemblait la quasi-totalité des établissements de crédit autrichiens, qu’il couvrait une très large gamme de produits et de services bancaires et qu’il s’étendait sur la totalité du territoire autrichien, au risque de modifier les conditions de commerce dans l’ensemble de cet État membre.

68 Par suite, bien que n’ayant pas expressément statué sur le caractère sensible de l’affectation du commerce intracommunautaire, le Tribunal a néanmoins relevé les éléments permettant de conclure, sans méconnaître l’analyse de la condition définie au point 36 du présent arrêt, que l’entente était de nature à avoir un effet sur les échanges intracommunautaires.

69 Il s’ensuit que la troisième branche du moyen examiné doit être écartée.

70 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation de la condition de l’affectation du commerce entre États membres doit être rejeté dans son ensemble.

2. Sur le moyen tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’imputation de la responsabilité de l’infraction

a) Argumentation des parties

71 Erste soutient que c’est à tort que le Tribunal a jugé, aux points 323 et suivants de l’arrêt attaqué, qu’elle devait répondre de l’infraction commise par GiroCredit antérieurement à l’acquisition de cette dernière par Erste, anciennement Die Erste Österreichische Spar-Casse-Bank AG (ci-après « EÖ » ), et que la Commission n’a commis aucune illégalité en imputant ce comportement à Erste, en sa qualité d’ayant droit de GiroCredit.

72 Par un premier grief, Erste soutient tout d’abord que le Tribunal n’a pas correctement apprécié les liens économiques et juridiques existant entre GiroCredit et le Groupe BA. À cet égard, Erste rappelle que, jusqu’à la reprise de la majorité de son capital, le 20 mai 1997 , GiroCredit était majoritairement détenue par le Groupe BA, qui a lui-même participé au « club Lombard » . Ce groupe contrôlait GiroCredit non seulement à travers une participation majoritaire dans le capital de cette dernière,
mais également à travers la nomination de membres du Conseil de Surveillance et du Directoire et l’occupation des plus hauts postes de direction de GiroCredit par des salariés provenant du Groupe BA. Par conséquent, le comportement de GiroCredit aurait dû être imputé pour cette période à BA-CA.

73 En outre, la constatation du Tribunal selon laquelle la personne morale, responsable de l’exploitation des activités bancaires de GiroCredit avant son transfert était « GiroCredit Bank der österreichischen Sparkassen AG » serait erronée en droit, puisque cette dernière société était aussi contrôlée et dirigée par le Groupe BA.

74 Par un second grief, Erste soutient que le Tribunal a également commis une erreur de droit, aux points 328 à 336 de l’arrêt attaqué, en considérant que la Commission avait le choix de sanctionner soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui la contrôlait pendant cette période, et ce, même dans l’hypothèse d’une succession économique, et, par suite, de lui imputer la responsabilité du comportement de GiroCredit au lieu de l’imputer à l’ancienne société mère.

75 Pour la Commission, il convient de faire une distinction nette entre la question de la détermination de la personne morale responsable de l’entreprise ayant participé à l’infraction et les conditions dans lesquelles le comportement d’une filiale, dotée d’une personnalité morale distincte, peut être imputé à la société mère. Elle relève que son approche ne serait pas inéquitable, dans la mesure où Erste a elle-même participé à l’entente.

b) Appréciation de la Cour

76 Par ses deux griefs, qu’il convient d’examiner ensemble, Erste conteste l’imputation qui lui est faite par la décision litigieuse du comportement de GiroCredit avant le 1 er  octobre 1997 , date de sa fusion avec GiroCredit.

77 Lorsqu’une entreprise enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999 , Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125 , point 145, et du 16 novembre 2000 , Cascades/Commission, C-279/98 P, Rec. p. I-9693 , point 78).

78 S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une entité qui n’est pas l’auteur de l’infraction peut néanmoins être sanctionnée pour celle-ci, il y a d’abord lieu de constater que relève d’une telle hypothèse la situation dans laquelle l’entité ayant commis l’infraction a cessé d’exister juridiquement (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 145).

79 En effet, ainsi que la Cour l’a déjà constaté, lorsqu’une entité ayant commis une infraction aux règles de la concurrence fait l’objet d’un changement juridique ou organisationnel, ce changement n’a pas nécessairement pour effet de créer une nouvelle entreprise dégagée de la responsabilité des comportements contraires aux règles de la concurrence de la précédente entité si, du point de vue économique, il y a identité entre les deux entités (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 1984 , Compagnie
royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679 , point 9, ainsi que du 7 janvier 2004 Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 59).

80 Par ailleurs, le comportement anticoncurrentiel d’une entreprise peut être imputé à une autre lorsque la première n’a pas déterminé son comportement sur le marché de façon autonome, mais a appliqué pour l’essentiel les directives émises par la seconde, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (arrêts du 16 novembre 2000 , Metsä-Serla e.a./Commission, C-294/98 P, Rec. p. I-10065 , point 27, ainsi que du 2 octobre 2003 , Aristrain/Commission, C-196/99 P, Rec.
p. I-11005 , point 96). La circonstance qu’une société filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit donc pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère.

81 Par son argumentation, Erste tend à soutenir que, au moment des infractions visées par la décision litigieuse, le comportement de GiroCredit était déterminé au niveau de la maison mère qui la détenait, en l’occurrence le Groupe BA, et que, par conséquent, c’est cette dernière société qui aurait dû se voir imputer la responsabilité pour les infractions commises en son temps par GiroCredit. Erste tend ainsi à remettre en cause ce qu’a jugé le Tribunal au point 331 de l’arrêt attaqué, à savoir que
la Commission a le choix de sanctionner soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui la contrôlait pendant la période visée par la décision litigieuse.

82 À cet égard, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la Commission n’était pas obligée de vérifier en priorité si les conditions pour imputer l’infraction à la société mère de l’entreprise ayant commis l’infraction en cause étaient remplies. En effet, la Commission ne saurait, par principe, être tenue de procéder dans un premier temps à une telle vérification avant de pouvoir envisager de se tourner contre l’entreprise, auteur de l’infraction, même si celle-ci a subi des modifications en
tant qu’entité juridique. Le principe de la responsabilité personnelle, rappelé au point 77 du présent arrêt, ne s’oppose nullement à ce que la Commission envisage d’abord de sanctionner cette dernière avant d’explorer si, éventuellement, l’infraction peut être imputée à la société mère. De plus, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 335 de l’arrêt attaqué, s’il en était autrement, les enquêtes de la Commission seraient considérablement alourdies par la nécessité de vérifier, dans chaque cas
de succession dans le contrôle d’une entreprise, dans quelle mesure les agissements de celle-ci peuvent être imputés à l’ancienne société mère.

83 Au demeurant, il y a lieu de souligner qu’Erste, ayant elle-même participé à l’entente ayant fait l’objet de la décision litigieuse, savait au moment de la reprise des activités de GiroCredit que cette dernière pourrait faire l’objet d’une procédure d’infraction à l’article 81 CE et que, en sa qualité d’ayant droit de cette société, elle s’exposait ainsi aux conséquences d’une telle procédure en termes d’amende.

84 Par conséquent, il convient de rejeter le second grief développé par Erste au soutien du présent moyen.

85 S’agissant du premier grief relatif à l’examen par le Tribunal des liens économiques et juridiques existant entre GiroCredit et le Groupe BA, il suffit de constater que, dès lors que la Commission pouvait valablement sanctionner la violation de l’article 81 CE au niveau de la filiale GiroCredit et, par voie de conséquence, imputer la responsabilité de cette société à Erste en sa qualité de société absorbante, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 336 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était
pas nécessaire de vérifier si le comportement de GiroCredit aurait pu être imputé au Groupe BA. Dès lors, l’argumentation d’Erste relative au contrôle effectif du Groupe BA sur GiroCredit est inopérante.

86 Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter dans son ensemble le moyen tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’imputation de la responsabilité de l’infraction.

B —  Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17

1. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de la gravité de l’infraction

87 BA-CA, Erste et RZB contestent le bien-fondé des appréciations du Tribunal relatives à la gravité de l’infraction. Ce moyen se subdivise, en substance, en sept branches.

a) Sur la première branche, tirée d’une appréciation non conforme aux lignes directrices

i) Argumentation des parties

88 RZB fait valoir que le Tribunal s’est contredit en n’examinant pas, en particulier aux points 237 et 254 de l’arrêt attaqué, la question de savoir si la violation doit être considérée comme « très grave » conformément aux règles qu’il avait énoncées au point 226 de cet arrêt.

89 La Commission relève que, si elle est effectivement limitée par les lignes directrices qu’elle s’est fixées, il en va différemment pour le Tribunal dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction. Par ailleurs, il ressortirait clairement de la jurisprudence que les lignes directrices ne fixent qu’un « programme minimal » qui ne donne pas lieu à une énumération limitative des éléments à prendre en compte. Il serait même possible de s’en écarter dans des circonstances justifiées.

ii) Appréciation de la Cour

90 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, pour la détermination des montants des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions (arrêt du 28 juin 2005 , Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425 , point 240).

91 La gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 241 et jurisprudence citée).

92 Il appartient donc au Tribunal de contrôler l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation sur ces éléments.

93 Par suite, le Tribunal ne s’est contredit ni en jugeant, au point 237 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait apprécier globalement la gravité de l’infraction en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris les éléments non expressément mentionnés dans les lignes directrices, ni en jugeant, au point 254 dudit arrêt, qu’une entente horizontale sur les prix portant sur un secteur économique aussi important ne saurait échapper à la qualification d’infraction « très grave » .

94 Partant, la première branche du moyen examiné doit être écartée.

b)  Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit portant sur la « nature propre » de l’infraction

95 Cette deuxième branche se subdivise, en substance, en quatre griefs.

i) Argumentation des parties

96 En premier lieu, RZB soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 240 de l’arrêt attaqué, que la nature de l’infraction joue un rôle primordial pour caractériser les infractions très graves, alors que les autres critères, à savoir l’impact concret de l’infraction sur le marché et l’étendue géographique du marché concerné, ont un poids moins important.

97 En deuxième lieu, la requérante considère que le Tribunal a également commis une erreur de droit en fondant, aux points 249 à 264 de l’arrêt attaqué, son appréciation sur des éléments qui ne figurent pas dans les lignes directrices, à savoir l’importance du secteur bancaire pour l’économie, la large gamme de produits bancaires concernés par l’entente et la participation de la très grande majorité des banques autrichiennes aux réunions.

98 En troisième lieu, RZB reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de la position du gouvernement tendant à préserver le secteur bancaire du libre jeu du marché. Il aurait, en outre, considéré à tort que l’intervention des autorités étatiques dans des comportements tombant sous le coup de l’article 81 CE est une circonstance aggravante aux fins du calcul de l’amende.

99 Enfin, en quatrième lieu, RZB fait valoir que c’est à tort que, au point 256 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’effet dissuasif des amendes ne devait pas être pris en compte pour examiner la gravité intrinsèque de l’infraction.

100 La Commission fait valoir que les allégations de RZB sont soit irrecevables, soit non fondées.

ii) Appréciation de la Cour

101 S’agissant du premier grief, en considérant, au point 240 de l’arrêt attaqué, que les trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global et que la nature de l’infraction joue un rôle primordial, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en se fondant sur les lignes directrices qui retiennent, au titre des infractions « très graves » , les restrictions horizontales de type « cartels de prix » et de quotas de répartition des
marchés ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur.

102 À cet égard, il a constaté notamment, au point 121 de l’arrêt attaqué, qu’il existait un accord de principe entre toutes les banques participant à l’entente pour éliminer la concurrence sur les prix concernant une large gamme de services bancaires, destinés tant aux particuliers qu’aux entreprises, y compris les « grands comptes » , caractéristique d’une restriction telle que celle visée par les lignes directrices.

103 De plus, il résulte de ces dernières que la nature propre de l’infraction peut suffire à la qualifier de « très grave » et ce, indépendamment de son impact concret sur le marché et de son étendue géographique.

104 Enfin, au point 241 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à juste titre, considéré que ces trois critères étaient interdépendants.

105 Par suite, le premier grief de la deuxième branche doit être écarté comme non fondé.

106 Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 93 du présent arrêt, il y a lieu de rejeter le deuxième grief de la deuxième branche.

107 S’agissant du troisième grief, il convient de constater que, au point 260 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas affirmé que l’intervention des autorités étatiques avait constitué une circonstance aggravante de nature à produire, au détriment des entreprises, des effets sur le montant des amendes infligées.

108 Par suite, le troisième grief de la deuxième branche doit être écarté.

109 En ce qui concerne le quatrième grief, il y a lieu de relever que, au terme d’une analyse dans laquelle s’inscrit le point 256 de l’arrêt attaqué, le Tribunal est parvenu à la conclusion, au point 264 de ce même arrêt, que les circonstances invoquées par les requérantes n’étaient pas susceptibles de remettre en cause la validité de la constatation figurant dans la décision litigieuse selon laquelle les accords du « réseau Lombard » constituaient une infraction très grave de par leur nature. Or,
RZB ne démontre pas de quelle manière la prise en compte de l’effet dissuasif des amendes pour examiner la gravité intrinsèque de l’infraction, à supposer que cette prise en compte ait dû avoir lieu, aurait pu modifier ladite conclusion du Tribunal. Le quatrième grief est donc inopérant.

110 Par suite, il y a lieu d’écarter ledit grief.

111 Partant, la deuxième branche du moyen examiné est en partie irrecevable et en partie non fondée.

c)  Sur la troisième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’ « impact concret de l’infraction sur le marché »

i) Argumentation des parties

112 RZB soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en permettant à la Commission de déduire de la simple « mise en œuvre » de l’entente l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché. Cette appréciation serait contraire au libellé des lignes directrices et démontrerait que le Tribunal confond la « mise en œuvre » des accords, condition d’application de l’article 81 CE, avec le critère plus strict de l’ « impact concret de l’infraction sur le marché » , qui est pertinent
pour justifier la gravité de l’infraction. L’arrêt Cascades/Commission, précité, irait à l’encontre d’un tel raisonnement et l’expertise économique produite par les requérantes démontrerait que les accords portant sur les produits essentiels n’avaient eu aucun impact sur les conditions effectivement appliquées.

113 BA-CA considère que les répercussions concrètes de l’infraction sur le marché ont été évaluées de manière erronée. L’expertise économique susmentionnée démontrerait que les réunions ne produisaient pas de tels effets sur le marché.

114 En outre, BA-CA fait valoir que le Tribunal a violé les principes d’administration de la preuve dans le cadre de l’examen de l’expertise économique. En effet, en exigeant d’une telle expertise qu’elle porte sur « l’ensemble des effets potentiels des accords sur le marché » , le Tribunal irait au-delà de ce qu’il est possible d’exiger d’une expertise économique destinée à prouver l’absence de mise en œuvre des accords et de lien de causalité entre les tables rondes bancaires et le jeu de la
concurrence sur le marché.

115 La Commission relève que l’expertise économique présentée par les banques ne portait que sur deux produits bancaires et non sur les effets potentiels de l’accord sur le marché. En tout état de cause, la mise en œuvre, fût-elle partielle, d’un accord dont l’objet est anticoncurrentiel suffirait à écarter la possibilité de conclure à une absence d’impact dudit accord sur le marché.

ii) Appréciation de la Cour

116 Il convient de constater que le Tribunal ne s’est pas borné à constater la mise en œuvre de l’entente pour apprécier la gravité de l’infraction.

117 En effet, au point 285 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dûment constaté que l’entente sur les prix a eu des effets concrets sur le marché en relevant que les membres de l’entente avaient pris des mesures pour annoncer les prix convenus aux clients, en donnant aux employés l’instruction de les utiliser comme base de négociation et en surveillant leur application par leurs concurrents et leurs propres services de vente.

118 Ensuite, au terme d’un examen opéré aux points 289 à 294 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu, sans commettre d’erreur de droit, au point 295 dudit arrêt, que « [C]ompte tenu des nombreux exemples incontestés d’une mise en œuvre des accords dont fait état la décision [litigieuse], le fait que dans certains cas les accords n’ont pas été respectés par une ou plusieurs banques, que les banques n’ont pas réussi à maintenir le niveau des taux convenu ou d’augmenter leur rentabilité ou qu’il
existait une concurrence entre elles au regard de certains produits ne suffit pas pour infirmer la constatation selon laquelle les accords ont été mis en œuvre et […] ont eu des effets sur le marché » .

119 Il s’ensuit que la troisième branche du moyen examiné doit être rejetée dans son ensemble.

d)  Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation de « l’étendue du marché géographique concerné »

i) Argumentation des parties

120 RZB reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné, aux points 308 à 313 de l’arrêt attaqué, l’argument selon lequel la taille manifestement et incontestablement limitée du territoire de la République d’Autriche s’opposait à la qualification de « très grave » de l’infraction constatée. En outre, le raisonnement, suivi auxdits points 308 à 313, serait contraire au libellé des lignes directrices et à la politique décisionnelle de la Commission.

121 La Commission conteste les allégations de RZB.

ii) Appréciation de la Cour

122 Contrairement à ce que soutient RZB, le Tribunal n’a pas omis de statuer sur l’argument tiré de l’étendue limitée du marché géographique concerné. En effet, il a expressément exposé, aux points 308 à 313 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles la taille limitée du territoire de la République d’Autriche ne s’opposait pas à la qualification de « très grave » de l’infraction.

123 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la Commission dispose dans le domaine de la fixation du montant des amendes d’un large pouvoir d’appréciation et elle n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 209 à 213, ainsi que du 19 mars 2009 , Archer Daniels Midland/Commission, C-510/06 P, Rec. p. I-1843 , point 82). Il s’ensuit que la requérante ne saurait invoquer la politique décisionnelle de la
Commission devant le juge communautaire.

124 Enfin, ni les lignes directrices ni le règlement n o  17 n’interdisent de limiter l’examen du marché géographique pertinent dans le cadre de l’appréciation de l’examen d’une infraction à tout ou partie du territoire d’un État membre.

125 Par suite, la quatrième branche du moyen examiné doit être rejetée.

e) Sur la cinquième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation des effets du caractère sélectif des poursuites sur la qualification de l’infraction et d’une violation de l’obligation de motivation

i) Argumentation des parties

126 RZB fait valoir deux griefs.

127 Le premier grief est tiré de ce que le Tribunal aurait rejeté à tort son argument suivant lequel la qualification de l’infraction de « très grave » est incompatible avec le choix de la Commission de poursuivre seulement quelques-unes des entreprises ayant participé à l’infraction.

128 Le second grief est tiré de ce que le Tribunal aurait violé son obligation de motivation en ne répondant pas aux arguments suivant lesquels, d’une part, le niveau élevé de l’amende contredirait le caractère symbolique d’une procédure dirigée en définitive contre l’ensemble du secteur bancaire autrichien et, d’autre part, aboutirait à des distorsions de concurrence dès lors que l’amende est infligée à 10 % seulement des banques.

129 La Commission considère que les allégations de la requérante ne sont qu’une réitération de ses arguments développés devant le Tribunal.

ii) Appréciation de la Cour

130 Par son premier grief, RZB se borne à reproduire les arguments qu’elle avait déjà invoqués devant le Tribunal, sans indiquer de façon précise l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal.

131 Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ainsi, un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les
arguments qui ont été présentés devant le Tribunal ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions (voir arrêt du 3 mars 2005 , Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission, C-499/03 P, Rec. p. I-1751 , points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).

132 Le premier grief doit dès lors être écarté.

133 S’agissant du second grief, visant un défaut de motivation, il convient de rappeler que l’obligation par le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci était tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par la requérante (voir arrêt du 6 mars 2001 , Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611 , point 121, ainsi que du 9 septembre 2008 , FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513 , point 91).

134 Or, constatant, au point 315 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait légitimement retenu comme critère, pour désigner les destinataires de la décision litigieuse, leur participation fréquente aux tables rondes les plus importantes, sans que cela s’oppose à la qualification de « très grave » de l’infraction, le Tribunal, qui n’était pas tenu d’examiner les autres arguments devenus dès lors inopérants, a satisfait à son obligation de motivation.

135 Par suite, le second grief doit être écarté.

136 Partant, la cinquième branche du moyen examiné est en partie irrecevable et en partie non fondée.

f) Sur la sixième branche, tirée de l’absence d’une appréciation globale de la gravité de l’infraction

i) Argumentation des parties

137 RZB reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé à une appréciation globale de la gravité de l’infraction, tenant compte de tous les aspects mentionnés dans les lignes directrices ainsi que des éléments exogènes, à savoir l’importance économique du secteur bancaire autrichien, l’absence de nécessité d’un effet dissuasif et le caractère sélectif des poursuites. Elle soutient que si le Tribunal avait procédé à une telle analyse, il aurait alors relevé que l’infraction en cause ne pouvait pas être
qualifiée de « très grave » .

138 La Commission considère que ces allégations ne sont pas fondées.

ii) Appréciation de la Cour

139 Contrairement à ce que soutient RZB, le Tribunal n’a méconnu ni l’importance des critères expressément mentionnés dans les lignes directrices ni celle d’éléments ne figurant pas expressément dans ces lignes directrices.

140 En effet, dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, la Commission doit prendre en considération non seulement les circonstances particulières de l’espèce, mais également le contexte dans lequel l’infraction se place et, en vue de déterminer le montant de l’amende, veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland/Commission,
précité, point 63).

141 Dans l’arrêt attaqué, en particulier aux points 249, 250 et 254 de celui-ci, le Tribunal a notamment considéré, à juste titre, qu’une entente horizontale sur les prix compte parmi les infractions très graves, même en l’absence d’autres restrictions à la concurrence telles qu’un cloisonnement des marchés, et qu’une telle entente dans un secteur aussi important que le secteur bancaire, couvrant une large gamme de produits bancaires et impliquant la très grande majorité des opérateurs économiques,
ne saurait, en principe, échapper à la qualification d’infraction très grave quel que soit son contexte (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008 , Evonik Degussa/Commission et Conseil, C-266/06 P, point 104).

142 En outre, le Tribunal a également examiné les autres arguments des requérantes, notamment aux points 254 à 264 de l’arrêt attaqué. Il a toutefois conclu, audit point 264, que ceux-ci n’étaient pas susceptibles de remettre en cause la constatation selon laquelle les accords du « réseau Lombard » constituaient une infraction très grave de par leur nature.

143 Ce faisant et comme il a été dit au point 93 du présent arrêt, le Tribunal n’a nullement commis d’erreur de droit à cet égard. D’ailleurs, il importe de relever que, dans son examen et contrairement à ce que soutient RZB, le Tribunal n’a pas méconnu les critères mentionnés dans les lignes directrices, lesquelles qualifient également d’infractions très graves les ententes horizontales en matière de prix, telles que celle ayant été établie en l’espèce.

144 Par suite, la sixième branche du moyen examiné est non fondée.

g) Sur la septième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne la répartition des requérantes dans les catégories d’infractions retenue par la Commission

145 Dans le cadre de cette septième branche, les requérantes invoquent en substance cinq griefs.

i) Argumentation des parties

146 Par un premier grief, tiré de l’absence de fondement juridique, de la violation des principes de responsabilité personnelle, de proportionnalité des sanctions et d’égalité du fait de l’attribution aux établissements centraux des parts de marché des banques des secteurs décentralisés, Erste, RZB et ÖVAG remettent en cause, en substance, le principe de l’attribution des parts de marché de leurs secteurs décentralisés respectifs aux fins du classement en catégories.

147 À cet égard, elles soutiennent, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 356 et 373 de l’arrêt attaqué, en estimant que, en leur attribuant lesdites parts de marché aux fins du calcul de l’amende, la Commission ne leur a pas imputé le comportement infractionnel de ces dernières et les a sanctionnées uniquement « pour leur propre comportement » .

148 Une telle attribution reviendrait en réalité à leur imputer la responsabilité des infractions commises par les banques de leurs secteurs décentralisés dans la mesure où la position sur le marché desdits secteurs est intégralement prise en compte pour le calcul de l’amende.

149 Erste, RZB et ÖVAG considèrent, dès lors, que cette attribution aurait dû être appréciée au regard des critères que la Cour a dégagés au sujet de l’imputabilité des infractions au sein d’un groupe de sociétés, à savoir la possibilité d’un contrôle de l’entreprise et l’existence d’une unité économique.

150 La Commission fait valoir que le critère déterminant aux fins de la répartition en catégories est la comparaison de la puissance réelle sur le marché, qui est fondée sur les relations stables des banques décentralisées avec leurs sociétés faîtières.

151 En second lieu, Erste soutient que l’attribution aux sociétés faîtières des parts de marché des quelque 70 caisses d’épargne autrichiennes viole l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17, lu en combinaison avec le point 1, A, sixième alinéa, des lignes directrices. En effet, ces dispositions ne permettraient pas d’imputer à une entreprise la part de marché d’entreprises tierces présentes dans le même secteur d’activités.

152 Erste et RZB font également valoir qu’une telle attribution viole le principe de responsabilité personnelle pour la commission des infractions au droit de la concurrence ainsi que le principe de proportionnalité de la sanction.

153 Enfin, RZB et ÖVAG affirment que le Tribunal a également violé le principe d’égalité. À cet égard, RZB reproche au Tribunal d’avoir assimilé les établissements centraux des secteurs décentralisés aux grandes banques centralisées aux fins du classement en catégories. Le Tribunal aurait dû examiner s’il ne convenait pas de retenir une partie seulement des parts de marché de chaque secteur concerné afin de tenir compte du fait que, lorsqu’il participe aux tables rondes, un établissement central se
limite à transmettre des informations, dans la mesure où il ne peut pas intervenir au nom des banques et qu’il ne peut pas donner instruction pour mettre en œuvre les éventuels accords.

154 La Commission rappelle que l’attribution des parts de marché dans la décision litigieuse est fondée non pas sur des constatations spécifiques relatives à la participation effective des banques décentralisées à l’infraction, mais uniquement sur le fait que la Commission a sanctionné les sociétés faîtières pour leur propre comportement. Elle ajoute qu’aucun comportement de tiers n’a été imputé en l’espèce.

155 Concernant RZB, la Commission souligne que les amendes infligées aux sociétés faîtières ne dépassent pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise conformément à l’article 15 du règlement n o  17.

156 Cela différerait donc de la situation dans laquelle il aurait été nécessaire de prendre en compte le chiffre d’affaires total du groupe si la société faîtière et les banques décentralisées avaient été considérées comme une unité économique.

157 Enfin, la Commission soulève l’irrecevabilité de l’argument tendant à l’examen de la proportionnalité de l’amende, car la Cour ne saurait substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal.

158 Par un deuxième grief, Erste et ÖVAG soutiennent que le Tribunal a violé leurs droits de la défense en jugeant, au point 369 de l’arrêt attaqué, que l’indication figurant dans la communication des griefs suivant laquelle elles étaient les sociétés faîtières du secteur des caisses d’épargne et de celui des banques populaires était suffisante pour respecter leurs droits de la défense.

159 En outre, elles soutiennent que la Commission n’aurait pas dû se contenter d’une simple affirmation générale et aurait dû informer les entreprises des conclusions qu’elle entendait tirer de tous les éléments de fait relatifs à l’infraction et en particulier de son intention de leur imputer les parts de marché de leur secteur décentralisé.

160 Par un troisième grief, Erste, RZB et ÖVAG reprochent au Tribunal de ne pas avoir correctement apprécié leur rôle et leurs fonctions au sein des groupements bancaires.

161 Erste conteste l’appréciation du Tribunal figurant au point 401 de l’arrêt attaqué selon laquelle elle aurait eu pour mission de « représenter » le secteur des caisses d’épargne lors des tables rondes bancaires.

162 ÖVAG relève que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, elle n’a aucune possibilité d’engager les banques populaires autonomes et ne forme pas avec elles une entité économique.

163 RZB fait valoir qu’elle ne disposait pas d’une « expertise plus grande et d’informations meilleures » par rapport aux autres banques de son secteur décentralisé, contrairement à ce qui est indiqué au point 405 de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, elle soutient que les constatations du Tribunal relatives aux liens qu’elle entretenait avec son secteur décentralisé interdisaient de lui imputer, dans leur intégralité, les parts de marché de ce secteur.

164 Enfin, elle relève qu’elle n’a pas une capacité comparable à celle des grandes banques organisées de façon hiérarchique de causer des dommages aux particuliers, et qu’elle n’est pas non plus en mesure de profiter des pratiques litigieuses à défaut d’une part de marché individuelle significative ou d’une participation aux gains des banques du secteur.

165 Par un quatrième grief, Erste soutient que c’est à tort que le Tribunal a confirmé, aux points 455 et 458 de l’arrêt attaqué, l’appréciation de la Commission quant aux parts de marché détenues avant ou après sa fusion avec GiroCredit. Elle estime qu’elle aurait dû être classée dans une catégorie inférieure.

166 Le Tribunal aurait ainsi commis une erreur de droit, au point 457 de l’arrêt attaqué, en jugeant qu’Erste restait classée dans la première catégorie. Le Tribunal aurait également violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en ne distinguant pas, en vue du classement en catégories, entre la détention de parts de marché de 30 % et de 17 %.

167 La Commission fait valoir qu’elle pouvait classer Erste en première catégorie après la fusion avec GiroCredit, quelle que soit la part de marché exacte. Par ailleurs, elle soulève l’irrecevabilité de l’argument tiré de ce que la Commission aurait tenu compte deux fois des parts de marché et du comportement d’EÖ, au motif qu’Erste cherche en réalité à obtenir un simple réexamen des faits.

168 Par un cinquième grief, ÖVAG soutient que, en retenant au point 401 de l’arrêt attaqué, que la requérante jouait, « dans les réunions des tables rondes les plus importantes » , un rôle de représentante des banques populaires autonomes, le Tribunal a procédé à une dénaturation des faits. En ce qui la concerne, des échanges d’informations ainsi que des activités de coordinatrice et de représentante des banques populaires décentralisées n’auraient jamais été prouvés.

169 En outre, le Tribunal aurait invoqué à tort un arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne du 23 juin 1993 , produit par la Commission, pour justifier l’attribution à ÖVAG des parts de marché des banques du secteur (points 392 à 401 de l’arrêt attaqué). Il aurait ainsi procédé ou bien à une constatation de faits dont l’inexactitude résulterait du dossier, ou bien à une dénaturation des éléments de preuve. En toute hypothèse, il aurait dépassé la marge d’appréciation dont il disposait. Dans
sa réplique, ÖVAG souligne spécialement l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, faisant valoir que cette dénaturation relève du contrôle de la Cour.

170 Enfin, ÖVAG soutient que le Tribunal n’a pas expressément examiné sa situation, contrairement à ce qu’il a fait concernant Erste et RZB et leurs secteurs respectifs.

171 La Commission relève l’absence d’explication de la part de la requérante et conclut au rejet du grief. En ce qui concerne la référence à l’arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne, la Commission conteste l’existence d’une quelconque dénaturation.

ii) Appréciation de la Cour

172 S’agissant du premier grief, ainsi que l’a constaté le Tribunal aux points 355 à 357 de l’arrêt attaqué, l’attribution par la Commission des parts de marché des banques des secteurs décentralisés ne constitue pas une imputation du comportement infractionnel de ces dernières aux sociétés faîtières.

173 La première démarche est, en effet, à distinguer de la seconde en ce qu’elle vise à assurer, ainsi que l’a considéré le Tribunal, que le niveau des amendes imposées aux sociétés faîtières reflète de façon adéquate la gravité de leur propre comportement infractionnel, en l’occurrence le rôle essentiel qu’elles ont joué au sein des différentes unités en tant que représentants des banques des secteurs décentralisés, y inclus pour la défense des intérêts de ces banques, et en tant que centres
d’échanges mutuels d’informations, rôle qui constitue un indice de leur influence de fait sur le comportement des banques décentralisées.

174 Afin d’apprécier la gravité de ce comportement, il doit, conformément au point 1, A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices être tenu compte de la capacité économique effective des entreprises à fausser la concurrence et de leur poids spécifique, et donc de l’impact réel sur la concurrence de leur comportement infractionnel.

175 Or, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que cela requiert que les liens structurels stables qu’entretiennent les sociétés faîtières avec les banques des secteurs décentralisés en termes, notamment, de représentation et d’échange d’informations soient également pris en considération puisque, en raison de ces liens, la puissance économique effective desdites sociétés et donc leur capacité à porter atteinte à la concurrence est susceptible d’être plus grande que celle
représentée par leur propre chiffre d’affaires.

176 Si les parts de marché des entités décentralisées n’étaient pas prises en compte, le caractère dissuasif de l’amende, exigence générale qui, ainsi qu’il résulte du point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices, doit guider la Commission lors du calcul de l’amende, risquerait de ne pas être assuré.

177 Il ressort de ce qui précède que, pour apprécier le classement en catégories, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 357 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait retenu le comportement personnel des sociétés faîtières et ne leur avait pas imputé le comportement infractionnel des banques de leurs secteurs.

178 Par suite, les requérantes ne sauraient invoquer le non-respect des principes de responsabilité personnelle, de proportionnalité des sanctions et d’égalité ainsi que du point 1, A, sixième alinéa, des lignes directrices.

179 Par suite, le premier grief de la septième branche du moyen examiné doit être rejeté.

180 S’agissant du deuxième grief, il convient d’emblée de le rejeter.

181 En effet, la Cour a déjà jugé que, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci « de propos délibéré ou par négligence » , elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises
d’être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction mais aussi contre le fait de se voir infliger une amende (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 428 et jurisprudence citée).

182 S’agissant du niveau des amendes envisagées, il est de jurisprudence constante que donner de telles indications, aussi longtemps que les entreprises n’ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur les griefs retenus contre elles, reviendrait à anticiper de façon inappropriée la décision de la Commission (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 434 et jurisprudence citée).

183 Par suite, c’est à juste titre que le Tribunal a pu considérer, au point 369 de l’arrêt attaqué, que ces conditions étaient satisfaites en l’espèce dès lors que la Commission avait indiqué dans la communication des griefs qu’Erste, RZB et ÖVAG étaient les sociétés faîtières de leurs secteurs respectifs et qu’ainsi une telle indication était suffisante pour respecter les droits de la défense des requérantes.

184 S’agissant du troisième grief, il convient de relever que le Tribunal a examiné, aux points 389 à 408 de l’arrêt attaqué, l’appréciation des faits effectuée par la Commission dans la décision litigieuse quant au rôle des établissements centraux des sociétés requérantes.

185 Les requérantes visent en réalité à obtenir un simple réexamen des faits, lesquels ne sont pas susceptibles d’être discutés dans le cadre d’un pourvoi.

186 Par suite, il y a lieu d’écarter le troisième grief.

187 S’agissant du quatrième grief, selon lequel Erste soutient que c’est à tort que le Tribunal a maintenu son classement en première catégorie et aurait ainsi violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, il convient de rappeler que si, dans le cadre d’un pourvoi, la Cour ne peut substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en
raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire, en revanche, l’exercice d’une telle compétence ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant desdites amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du 25 janvier 2007 , Salzgitter Mannesmann/Commission, C-411/04 P, Rec. p. I-959 , point 68 et jurisprudence citée).

188 Au point 457 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné le grief d’Erste dans les termes suivants:

« S’agissant du grief selon lequel la part de marché [du Groupe] BA, qui approchait 12 à 13 %, a été incluse, par erreur, dans celle de 30 % attribuée par la décision [litigieuse] à l’entité constituée par la société faîtière et les caisses d’épargne, force est de constater que, déduction faite de la part de marché [du Groupe] BA, la part de marché restante de 17 à 18 % justifierait toujours le classement dans la première catégorie, étant donné qu’elle est nettement plus proche de la valeur
guide de 22 % que de celle de 11 %, relevant de la deuxième catégorie. Partant, ce grief doit être écarté dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision de la Commission, étant donné que, à le supposer fondé, il ne serait pas susceptible de remettre en cause le dispositif de la décision [litigieuse]. Par ailleurs, le Tribunal estime, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, que le classement d’Erste dans la première catégorie est justifié en vue d’aboutir à une amende
d’un montant approprié. »

189 À cet égard, il y a lieu de préciser qu’au sujet de la répartition des membres de l’entente en plusieurs catégories, entraînant une forfaitisation du montant de départ fixé pour les entreprises appartenant à la même catégorie, le Tribunal a, au point 424 de l’arrêt attaqué, jugé ce qui suit:

« En l’espèce, la Commission n’a pas fixé de seuils précis pour les cinq catégories qu’elle a établies, mais elle a indiqué, dans ses mémoires en défense, des ‘ valeurs guides ’ , autour desquelles se situent les parts de marché des entreprises classées dans une même catégorie. Les écarts entre ces valeurs guides sont cohérents et objectivement justifiés en ce qui concerne les première à quatrième catégories. En effet, la valeur guide des deuxième à quatrième catégories correspond, à chaque
fois, à la moitié de celle de la catégorie supérieure, et il en va de même du montant de départ correspondant. »

190 Il résulte du dossier que, en l’espèce, les catégories sont déterminées en fonction des parts de marché détenues par chaque société et les valeurs guides sont fixées respectivement à environ 22 %, environ 11 %, environ 5,5  %, environ 2,75  % et moins de 1 % pour la dernière catégorie.

191 Par suite, le Tribunal a jugé à bon droit que, quelle que soit la part de marché effectivement détenue par Erste, à savoir 17-18 % ou 30 %, elle se situe à hauteur de la valeur guide de 22 % qui conduit au classement de l’entreprise en première catégorie.

192 Par ailleurs, le contenu des lignes directrices relatif au montant des amendes susceptibles d’être infligées aux entreprises parties à une entente ne définit pas une méthode de calcul arithmétique desdites amendes (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 266 et jurisprudence citée).

193 Il en résulte que c’est sans erreur de droit que le Tribunal a pu, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, maintenir le classement d’Erste en première catégorie.

194 Par suite, le quatrième grief de la septième branche du moyen examiné doit être rejeté.

195 S’agissant du cinquième grief, il convient, en premier lieu, d’écarter l’argument d’ÖVAG selon lequel le Tribunal n’aurait pas examiné sa situation.

196 En effet, aux points 389 à 408 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné dans leur ensemble les relations existant entre les sociétés faîtières et leur secteur décentralisé et a notamment constaté pour ÖVAG, au point 400 dudit arrêt, que celle-ci confirmait fournir aux banques de son secteur des services correspondant à des fonctions que ces établissements ne pouvaient pas assumer seuls en raison de leur petite taille et de leur manque de ressources.

197 En ce qui concerne l’arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne, le Tribunal, au point 393 de l’arrêt attaqué, a rappelé les circonstances de la saisine de cette Cour et analysé la description faite par celle-ci du rôle des établissements centraux et de leurs relations avec les banques décentralisées. Il a notamment relevé que, selon la Cour constitutionnelle, un réseau étroitement imbriqué de droits et d’obligations s’était développé au cours de nombreuses décennies, ce qui valait tant
pour le secteur Raiffeisen, concerné par son arrêt, que pour les banques populaires et les caisses d’épargne.

198 Dans ce contexte, il y a lieu d’observer que les allégations de constatation de faits inexacts, de dénaturation des éléments de preuve et de dépassement de la marge d’appréciation, formulées par ÖVAG, reviennent à une remise en cause d’une appréciation par le Tribunal de faits exposés dans un élément de preuve produit par une partie.

199 Or, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis, cette appréciation ne constituant pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir arrêt du 21 septembre 2006 , Technische Unie/Commission, C-113/04 P, Rec. p. I-8831 , point 83 et jurisprudence citée).

200 À cet égard, il suffit de constater qu’ÖVAG ne présente pas d’éléments démontrant la réalité de la dénaturation qu’elle allègue spécialement.

201 Il en est de même en ce qui concerne la dénaturation que la requérante reproche au Tribunal d’avoir commise au point 401 de l’arrêt attaqué.

202 Par suite, le cinquième grief de la septième branche du moyen examiné doit être rejeté dans son ensemble.

203 Par conséquent, la septième branche du moyen examiné doit être rejetée dans son ensemble de même que, par suite, l’ensemble du moyen tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de la gravité de l’infraction

2. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit, de défaut de motivation et de dénaturation des éléments de preuve en ce qui concerne l’existence de circonstances atténuantes

204 Ce moyen se subdivise, en substance, en trois branches.

a) Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit, de dénaturation et de contradiction de motifs quant au comportement passif d’ÖVAG

i) Argumentation des parties

205 ÖVAG critique l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a rejeté l’intégralité des griefs concernant l’absence de prise en compte de circonstances atténuantes.

206 Par un premier grief, ÖVAG reproche au Tribunal de s’être limité à reproduire le texte des lignes directrices sans examiner les circonstances de l’affaire et notamment son rôle particulier au sein du « club Lombard » .

207 Par un deuxième grief, ÖVAG considère que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 483 de l’arrêt attaqué en fondant son appréciation sur le critère de la participation des banques aux tables rondes qui a également été utilisé dans le cadre de la répartition des banques en catégories. Ce faisant, le Tribunal couplerait la question de la répartition des banques selon leur puissance sur le marché avec celle de la reconnaissance d’une circonstance atténuante. Or, selon la requérante, la
reconnaissance d’une circonstance atténuante ne pourrait pas dépendre du caractère « sporadique » de la participation d’une entreprise aux réunions. En effet, les lignes directrices obligeraient la Commission à procéder à une appréciation différenciée des rôles et non à une présentation manichéenne de type « tout ou rien » .

208 Par un troisième grief, ÖVAG invoque une dénaturation des éléments de preuve à laquelle le Tribunal aurait soumis l’exposé et les faits résultant du dossier relatif à sa participation à l’entente. En effet, elle n’aurait jamais prétendu s’être distanciée de l’entente mais aurait constamment souligné la modestie du rôle qu’elle y jouait (point 484 de l’arrêt attaqué).

209 Par un quatrième grief, tiré d’une contradiction de motifs, ÖVAG relève que l’analyse figurant aux points 485 et 486 de l’arrêt attaqué est contradictoire en ce qu’elle est qualifiée de « grande banque » et de « représentante d’un secteur » alors même que la Commission n’a procédé à aucune vérification dans ses locaux, que la requérante ne faisait pas partie du « cercle restreint des banques » et qu’elle ne participait qu’à un nombre limité de réunions.

210 La Commission considère que ces griefs sont dénués de pertinence du simple fait qu’il n’appartient pas à la Cour de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal.

ii) Appréciation de la Cour

211 En se référant aux points 482 et 486 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence relative, d’une part, aux éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente et, d’autre part, à la participation d’une entreprise à une ou plusieurs réunions, et en examinant, aux points 483 à 485 et 487 à 489 de l’arrêt attaqué, la manière dont la Commission a pris en considération le comportement de chacune des entreprises, le Tribunal ne s’est pas limité à la simple reproduction des
lignes directrices, mais a, au contraire, procédé à un examen circonstancié des éléments invoqués par ÖVAG.

212 Par suite, le premier grief de la première branche doit être rejeté.

213 S’agissant de l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal au point 483 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que la responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE est valablement retenue lorsqu’elle a participé aux réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas ensuite mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci (voir arrêt du 15 octobre 2002 , Limburgse Vinyl
Maatschappij e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375 , point 509).

214 En considérant, au point 483 de l’arrêt attaqué, que c’est en raison de la participation fréquente des banques aux tables rondes les plus importantes que la Commission a choisi de les rendre destinataires de la décision litigieuse, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

215 De même, contrairement à ce que prétend ÖVAG, ledit critère est différent de celui utilisé pour la répartition des banques en catégories. En effet, dans cette dernière situation, le critère retenu est celui mentionné au point 1, A, sixième alinéa, des lignes directrices relatif à la puissance économique des banques.

216 En jugeant, au point 487 de l’arrêt attaqué, que la différenciation entre les banques qui pouvait résulter de leurs rôles joués au sein des tables rondes avait « déjà été prise en considération dans le cadre de l’affectation des banques à différentes catégories » , le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. En effet, il a procédé préalablement à cette constatation à une mise en perspective entre les banques ayant joué un rôle plus important au sein des tables rondes et leur position sur le
marché pour constater que les mêmes banques étaient concernées.

217 Il s’ensuit que le deuxième grief de la première branche du moyen examiné doit être rejeté.

218 S’agissant du troisième grief, il convient de constater que la requérante n’apporte aucun élément qui soit de nature à démontrer l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve.

219 Par suite, ce troisième grief de la première branche du moyen examiné doit être rejeté.

220 S’agissant du quatrième grief, il convient de constater, comme le fait valoir la Commission, que les allégations de la requérante sont invoquées au titre de circonstances atténuantes, pour la première fois au stade du pourvoi.

221 Or, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir,
notamment, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 165).

222 Partant, ces allégations sont irrecevables au stade du pourvoi.

223 Par suite, la première branche du moyen examiné doit être rejetée dans son ensemble.

b) Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur de droit concernant la participation des autorités publiques aux tables rondes bancaires

i) Argumentation des parties

224 BA-CA soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant, au point 505 de l’arrêt attaqué, de tenir compte de la participation des autorités publiques en tant que circonstance atténuante.

225 En effet, il résulterait d’une pratique décisionnelle de la Commission et jurisprudentielle de la Cour que la tolérance d’un comportement par le législateur national ou par les autorités constitue une circonstance atténuante et justifie ainsi la réduction du montant de l’amende et ce, indépendamment de la taille des entreprises concernées.

226 En particulier, BA-CA reproche au Tribunal d’avoir jugé, au point 505 de l’arrêt attaqué, que la tolérance de l’infraction de la part des autorités publiques ne peut pas être prise en considération « au vu notamment des moyens dont disposent les banques pour se procurer des renseignements juridiques précis et corrects » . D’une part, cette condition ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour, en particulier à l’arrêt du 9 septembre 2003 , CIF ( C-198/01, Rec. p. I-8055 , point 57).
D’autre part, une telle condition engendrerait une discrimination au détriment de certaines entreprises, en fonction de leur objet social.

227 La Commission considère, à titre principal, que ces affirmations sont irrecevables au motif qu’elles consistent à répéter les faits exposés devant le Tribunal. À titre subsidiaire, lesdites affirmations seraient sans fondement.

ii) Appréciation de la Cour

228 Au point 505 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé ce qui suit:

« S’agissant de la participation de certaines autorités publiques ([banque nationale autrichienne], ministère des Finances et Wirtschaftskammer) aux réunions, les éléments avancés par les requérantes ne sont pas suffisants pour fonder un doute raisonnable quant au caractère infractionnel des tables rondes au regard du droit communautaire de la concurrence. S’il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, un cadre juridique national ou un comportement des autorités nationales puissent
constituer des circonstances atténuantes (voir, par analogie, arrêt CIF, point 258 supra, point 57), l’approbation ou la tolérance de l’infraction de la part des autorités autrichiennes ne saurait être prise en considération à ce titre en l’espèce, au vu notamment des moyens dont disposent les banques pour se procurer des renseignements juridiques précis et corrects. »

229 La première phrase dudit point constitue une appréciation de fait du Tribunal qui ne saurait être remise en cause au stade du pourvoi.

230 S’agissant de la seconde phrase dudit point, il convient de constater d’emblée que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

231 D’une part, contrairement à ce que soutient BA-CA, dans l’arrêt CIF, précité, la question préjudicielle posée portait, dans le cadre de l’article 81 CE, sur le rôle de l’autorité nationale de la concurrence lorsque l’entente est imposée ou favorisée par une disposition législative nationale qui en légitime ou en renforce les effets. La Cour a jugé, au point 57 de cet arrêt, que « lors de la détermination du niveau de la sanction, le comportement des entreprises concernées peut être apprécié à la
lumière de la circonstance atténuante que constituerait le cadre juridique national » . Il s’ensuit que l’arrêt CIF ne concernait aucunement la participation des autorités publiques à l’entente.

232 De plus, comme le souligne M. l’avocat général au point 404 de ses conclusions, la loi autrichienne permettant aux établissements bancaires de se concerter a été abrogée au plus tard au 1 er  janvier 1994 , soit un an avant la période d’infraction couverte par la décision litigieuse.

233 D’autre part, BA-CA ne saurait se prévaloir d’une violation du principe d’égalité. En effet, la Cour a itérativement jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ont un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir arrêt du 21 septembre 2006 , JCB Service/Commission, C-167/04 P, Rec. p. I-8935 , point 205).

234 Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’écarter les griefs soulevés par BA-CA et, partant, la deuxième branche du moyen examiné.

c) Sur la troisième branche, tirée d’une erreur de droit quant au caractère public des réunions

i) Argumentation des parties

235 BA-CA soutient que, au point 506 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en ne retenant pas la notoriété publique des tables rondes pour lui accorder une réduction de l’amende.

236 Premièrement, le Tribunal aurait violé les principes d’administration de la preuve en n’examinant pas sur le fond les documents produits par BA-CA prouvant la notoriété publique de l’objectif et du contenu des tables rondes.

237 Deuxièmement, le Tribunal aurait reproduit erronément l’exposé des faits de BA-CA dans la mesure où elle n’aurait précisément pas soutenu que la notoriété publique des tables rondes démontre la légalité de celles-ci.

238 Troisièmement, le Tribunal irait au-delà de ce qu’il est possible d’exiger en considérant que l’opinion publique doit avoir une connaissance parfaite des entretiens au sein des tables rondes pour qu’il soit possible d’accorder une réduction de l’amende.

239 La Commission estime que ces allégations sont irrecevables et subsidiairement non fondées. Elle considère qu’il n’existe aucune jurisprudence selon laquelle les participants à une entente pourraient considérer que leurs pratiques sont licites du fait que certains comportements sont notoires. Si tel était le cas, il suffirait alors de rendre certaines pratiques publiques afin d’éviter des sanctions pécuniaires. À cet égard, le Tribunal ferait clairement apparaître que la notoriété n’est pas
déterminante.

ii) Appréciation de la Cour

240 S’agissant des deux premières allégations, il y a lieu de les rejeter, BA-CA n’ayant pas apporté les éléments indispensables à l’examen d’une dénaturation des éléments de preuve retenus par le Tribunal dans les constatations effectuées au point 506 de l’arrêt attaqué.

241 S’agissant de la troisième allégation, il convient de constater que le Tribunal n’a pas retenu que le public devait avoir une connaissance parfaite des ententes mais seulement que l’entente devait être publiquement connue dans toute son envergure. Par suite, ladite allégation doit être rejetée comme non fondée.

242 Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du présent moyen doit être écartée, de même que, partant, l’ensemble du moyen tiré d’erreurs de droit, de défaut de motivation et de dénaturation des éléments de preuve en ce qui concerne l’existence de circonstances atténuantes.

3. Sur le moyen tiré d’une violation de la communication sur la coopération

243 Ce moyen se subdivise, en substance, en deux branches.

a) Sur la première branche, tirée de ce que le Tribunal n’aurait pas correctement apprécié la marge d’appréciation de la Commission

i) Argumentation des parties

244 BA-CA soutient que le Tribunal n’a pas correctement apprécié la marge d’appréciation dont dispose la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de la communication sur la coopération ainsi que les limites de son contrôle juridictionnel.

245 En effet, le point D de la communication sur la coopération ne conférerait aucun pouvoir d’appréciation à la Commission en ce qui concerne les points de savoir, d’une part, si les informations fournies par l’entreprise ont facilité la tâche de la Commission et, d’autre part, si l’entreprise qui a coopéré doit se voir accorder une réduction de l’amende. La référence à l’arrêt Dansk Rørindustri e.a/Commission, précité, ne serait pas non plus de nature à justifier l’existence d’un pouvoir
d’appréciation illimité dans le chef de la Commission. En outre, et contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 532 de l’arrêt attaqué, l’appréciation d’une coopération d’une entreprise serait soumise au pouvoir de pleine juridiction du Tribunal.

246 La Commission considère que les affirmations d’ÖVAG sont erronées.

ii) Appréciation de la Cour

247 D’emblée, il convient de rejeter la première branche du présent moyen.

248 En effet, au point 394 de l’arrêt Dansk Rørindustri e.a/Commission, précité, la Cour a jugé que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour évaluer si les renseignements ou les documents volontairement fournis par les entreprises ont facilité sa tâche et s’il y a lieu de reconnaître aux entreprises une réduction au titre du chapitre D, point 2, de la communication sur la coopération.

249 Par suite, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 532 de l’arrêt attaqué, qu’une telle évaluation de la Commission ne faisait l’objet que d’un contrôle restreint.

250 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter la première branche du moyen examiné comme non fondée.

b) Sur la seconde branche, tirée d’une erreur de droit dans l’application de la communication sur la coopération

i)  Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’exigence de l’apport d’une « valeur ajoutée » du fait de la coopération et d’une violation du principe d’égalité de traitement

— Argumentation des parties

251 RZB et BA-CA soutiennent, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 553 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait exiger que la coopération apporte une « valeur ajoutée » pour permettre une réduction du montant de l’amende.

252 BA-CA fait également valoir que le Tribunal a violé le principe d’égalité de traitement en utilisant ce critère. Le respect dudit principe aurait dû aboutir à lui octroyer une réduction plus importante du montant de l’amende dans la mesure où sa coopération était plus importante et qualitativement supérieure à celle des autres banques.

— Appréciation de la Cour

253 Le premier argument n’étant que la réitération du même argument développé devant le Tribunal, il est irrecevable dans le cadre d’un pourvoi.

254 S’agissant du second argument, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour la gravité du comportement déterminé à la lumière des articles 81 CE et 15 du règlement n o  17 et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par la
requérante tendant à la suppression ou à la réduction de l’amende (arrêt Dansk Rørindustri e.a/Commission, précité, point 244 et jurisprudence citée).

255 En revanche, s’agissant de l’ampleur de la réduction de l’amende, il n’appartient pas à la Cour de substituer son appréciation à celle du Tribunal statuant dans l’exercice de sa pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a/Commission, précité, point 245).

256 À cet égard, il convient de relever que, aux points 553 à 557 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné puis constaté que la valeur ajoutée des documents produits par les requérantes ne justifiait pas une réduction plus importante du montant des amendes. Une telle appréciation des faits relève de la seule compétence du Tribunal, la Cour ne pouvant, selon une jurisprudence déjà rappelée dans le présent arrêt, s’y substituer au stade du pourvoi.

257 Il s’ensuit que ce grief doit être déclaré irrecevable dans la mesure où il a pour objet le réexamen de la réduction de l’amende.

ii) Sur le second grief, tiré d’erreurs de droit dans le cadre de l’examen de l’ampleur de la coopération des entreprises, d’une violation des principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime, du respect des droits de la défense et d’une insuffisance de motivation

258 Le second grief se subdivise, en substance, en six branches.

— Sur la première branche du second grief

Argumentation des parties

259 Par un premier argument, tiré d’une contradiction de motifs, RZB soutient que le Tribunal s’est abstenu de tirer la conséquence de ce que certaines réponses données à la Commission étaient non seulement volontaires (point 542 de l’arrêt attaqué), mais dépassaient les renseignements demandés par celle-ci (point 552 de l’arrêt attaqué).

260 Par un second argument, RZB fait valoir que la position développée au point 541 de l’arrêt attaqué aboutit à permettre à la Commission d’adresser aux entreprises dont elle considère qu’elles appartiennent à une entente, des demandes de renseignements formulées en des termes très vagues et entraînant des conséquences pour les entreprises qui n’y répondraient pas. La Commission exercerait alors une contrainte irrésistible sur ces entreprises en leur adressant de simples questions standard les
amenant à témoigner contre elles-mêmes. Le raisonnement suivi violerait les droits de la défense tels qu’ils auraient été consacrés dans l’arrêt du 18 octobre 1989 , Orkem/Commission ( 374/87, Rec. p. 3283 , point 32).

261 RZB précise que cette jurisprudence n’est pas remise en cause par la règle posée par la Cour dans l’arrêt du 29 juin 2006 , Commission/SGL Carbon ( C-301/04 P, Rec. p. I-5915 , point 48), car les problèmes soulevés étaient mieux ciblés et plus concrets que dans la présente affaire.

262 Selon la Commission, RZB méconnaît le fait qu’elle ne peut prendre en compte les informations relevant d’une coopération volontaire au sens de la communication sur la coopération que si elles facilitent sa tâche dans la constatation et la répression de l’infraction et constituent une sphère de véritable coopération. Or, les informations fournies par RZB auraient décrit uniquement le contexte historique du « réseau Lombard » et le contenu de réunions de l’entente qui étaient déjà en possession de
la Commission. L’indispensable « valeur ajoutée » aurait donc fait défaut.

263 Par ailleurs, la Commission souligne qu’elle était informée, au moment où elle a interrogé les requérantes, que l’ensemble des produits bancaires était traité lors de nombreuses tables rondes et que celles-ci s’inscrivaient dans un réseau, de sorte que le cadre de l’infraction et donc l’objet de l’enquête étaient clairement identifiés, notamment en ce qui concerne les entreprises ayant participé aux tables rondes, la nature de l’infraction et l’objet des accords.

264 Enfin, la Commission précise que les questions ont porté sur l’ensemble des tables rondes tenues de manière régulière, de sorte que les entreprises n’avaient pas à sélectionner ou à évaluer les réunions susceptibles d’être constitutives d’infractions à l’article 81 CE.

Appréciation de la Cour

265 S’agissant du premier argument, contrairement à ce que soutient RZB, le Tribunal ne s’est pas contredit lorsqu’il a considéré, au point 542 de l’arrêt attaqué, qu’ « il résulte […] du considérant 546 de la décision [litigieuse] que la Commission a reconnu le caractère volontaire des réponses aux questions concernant la teneur des réunions collusoires » et, au point 552 dudit arrêt, que « [l]a Commission a reconnu, au considérant 553 de la décision [litigieuse], que les banques avaient
volontairement fourni, dans l’exposé commun des faits, des renseignements dépassant ceux qu’elle leur avait demandés » .

266 En effet, la première constatation se rapporte à la communication de documents et de renseignements dans le cadre de la demande de renseignements adressée par la Commission aux banques le 21 septembre 1998 au cours de la procédure prévue à l’article 11, paragraphes 2 à 4, du règlement n o  17.

267 En revanche, la seconde constatation porte sur le contenu de l’exposé commun des faits produit par les banques au cours de la procédure préalable, mais postérieurement à leurs réponses à la demande de renseignements susmentionnée.

268 Par ailleurs, c’est à bon droit que, au point 545 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’ « en tout état de cause, il en irait de même dans l’hypothèse d’une appréciation divergente du caractère volontaire de la production de [ces] documents » dès lors que la Commission avait déjà consenti une réduction des amendes de 10 %.

269 Il s’ensuit que le premier argument de la première branche du second grief doit être rejeté.

270 S’agissant du second argument, portant sur le respect des droits de la défense, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure à caractère administratif (voir arrêt du 29 juin 2006 , SGL Carbon/Commission, C-308/04 P, Rec. p. I-5977 , point 94).

271 Si, pour préserver l’effet utile de l’article 11, paragraphes 2 et 5, du règlement n o  17, la Commission est en droit d’obliger l’entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son encontre ou à l’encontre d’une autre entreprise, l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, elle ne saurait
toutefois, par une décision de demande de renseignements, porter atteinte aux droits de la défense reconnus à l’entreprise (arrêt Orkem/Commission, précité, point 34).

272 Toutefois, en l’espèce, il suffit de constater que la Commission n’a jamais pris de « décision » au sens de l’article 11, paragraphes 2 et 5, du règlement n o  17. Par suite, l’argument tiré de ce que le Tribunal n’aurait pas respecté la jurisprudence issue de l’arrêt Orkem/Commission, précité, au point 541 de l’arrêt attaqué, doit être rejeté.

273 Partant, le second argument doit être rejeté, de même que, par suite, la première branche du second grief dans son ensemble.

— Sur la deuxième branche du second grief, tirée d’erreurs de droit dans le cadre de l’appréciation de l’exposé commun des faits

Argumentation des parties

274 En premier lieu, RZB et BA-CA soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 556 de l’arrêt attaqué, que des explications contextuelles ayant trait à des pratiques contraires au droit de la concurrence ne peuvent pas être considérées comme une coopération à la procédure au sens de la communication sur la coopération au motif qu’elles peuvent constituer un moyen de défense pour les entreprises. Selon BA-CA, il n’existe aucune règle de droit selon laquelle un
document que les parties utilisent en vue de leur défense ne peut pas, en même temps, fournir à la Commission des informations précieuses et utiles sur le fond qui contribuent à la constatation de l’infraction.

275 En deuxième lieu, RZB fait valoir que l’analyse du Tribunal est incorrecte, puisque le raisonnement de la Commission serait contraire à sa propre pratique décisionnelle. La requérante se réfère, à cet égard, aux chapitres II, A, point 9, sous a), et IV de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ( JO 2006, C 298, p. 17 ).

276 En troisième lieu, BA-CA soutient que le Tribunal a commis une erreur en jugeant que la Commission pouvait tenir compte, lors de son appréciation de l’utilité de la coopération volontaire des banques, du fait que celles-ci ne lui ont pas fourni, avec l’exposé commun des faits, l’ « ensemble des documents relatifs aux tables rondes » .

277 Selon elle, il n’existerait aucune règle en ce sens. En outre, eu égard à l’ampleur de l’infraction, BA-CA ne pouvait fournir ces documents que de manière échelonnée dans le temps.

278 En quatrième lieu, BA-CA fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction. En effet, alors que l’exposé commun des faits aurait contribué à la constatation de l’infraction, le Tribunal n’aurait accordé aucune réduction d’amende en sa faveur.

Appréciation de la Cour

279 C’est à juste titre et sans commettre ni erreur de droit ni contradiction de motifs que le Tribunal a jugé, aux points 554 à 558 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la Commission n’a pas considéré comme « faits nouveaux » les documents produits en annexe à l’exposé commun des faits, qu’elle a tenu compte du « caractère incomplet [desdites] annexes » et que « les banques avaient utilisé [l’exposé commun des faits] pour présenter leur propre vision des tables rondes et donc comme moyen
de défense » .

280 En effet, il convient de rappeler que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation à cet égard, ainsi qu’il ressort du libellé même du chapitre D, point 2, de la communication sur la coopération et, en particulier, des mots introductifs « Tel peut notamment être le cas […] » (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 394).

281 De plus et surtout, une réduction sur le fondement de la communication sur la coopération ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l’entreprise concernée peuvent à cet égard être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 395).

282 Ainsi qu’il résulte de la notion même de coopération, telle que mise en évidence dans le texte de la communication sur la coopération, et notamment l’introduction et le chapitre D, point 1, de cette communication, c’est en effet uniquement lorsque le comportement de l’entreprise concernée témoigne d’un tel esprit de coopération qu’une réduction sur la base de ladite communication peut être accordée (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 396).

283 Or, ainsi que le Tribunal l’a constaté, aux points 554 à 557 de l’arrêt attaqué, RZB et BA-CA, en ayant fourni un exposé des faits incomplet, confirmatif et ne présentant pas de « valeur ajoutée » , ne peuvent se prévaloir d’un tel comportement.

284 Partant, la deuxième branche de ce second grief doit être rejetée.

— Sur la troisième branche du second grief, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation quant à la reconnaissance par RZB du but anticoncurrentiel de l’infraction et d’une violation du principe d’égalité de traitement

Argumentation des parties

285 RZB reproche au Tribunal d’avoir ignoré, au point 559 de l’arrêt attaqué, la valeur particulière de son aveu, alors même que la Commission se serait expressément fondée sur cet élément pour arguer qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’impact concret des tables rondes.

286 L’analyse suivie audit point 559 reviendrait à méconnaître le principe d’égalité de traitement puisque, malgré ses aveux, RZB aurait été traitée de la même façon que les autres banques. RZB demande à la Cour de corriger l’erreur du Tribunal et estime qu’une réduction de l’amende de 10 % au moins serait justifiée.

287 La Commission fait valoir qu’elle avait déjà, au point 426 de la décision litigieuse, expliqué et démontré que les tables rondes visaient à limiter la concurrence et que l’aveu n’y ajoutait rien.

Appréciation de la Cour

288 En considérant, au point 559 de l’arrêt attaqué, qu’il « appartient [à la Commission] d’apprécier, dans chaque cas individuel, si un tel aveu a effectivement facilité son travail » , le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

289 En effet, ainsi qu’il a été dit au point 248 du présent arrêt, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation de la coopération des entreprises à la procédure.

290 De plus, l’aveu n’ayant pas facilité le travail de la Commission, mais, ainsi que l’a constaté le Tribunal, simplement confirmé ses propres constatations, l’argument de RZB tiré du non-respect du principe d’égalité ne saurait prospérer.

291 Par suite, il convient de rejeter la troisième branche de ce second grief.

— Sur la quatrième branche du second grief, tirée d’un renversement de la charge de la preuve quant à la valeur de la coopération de RZB et d’une violation du principe de protection de confiance légitime

Argumentation des parties

292 RZB reproche au Tribunal d’avoir imposé un renversement de la charge de la preuve en jugeant, aux points 546 à 551 de l’arrêt attaqué, que la requérante aurait dû établir, pour obtenir une réduction de l’amende supérieure à 10 %, que la Commission n’était pas en mesure de prouver l’infraction sans les éléments de preuve apportés.

293 D’une part, cette analyse serait contraire au chapitre D, point 2, second tiret, de la communication sur la coopération et violerait, par conséquent, le principe de protection de la confiance légitime. D’autre part, ladite analyse serait inconciliable avec l’obligation de la Commission d’établir, dans les procédures administratives, aussi bien les circonstances de fait favorables que défavorables.

294 Pour la Commission, les allégations de RZB sont erronées. Elle précise qu’il résulte du chapitre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la coopération que les moyens de preuve présentés doivent contribuer à confirmer l’existence de l’infraction. Or, la Commission aurait disposé, à la suite des vérifications, des documents nécessaires à la constatation des faits essentiels et aurait donc elle-même apporté les éléments constitutifs de l’infraction. Cette preuve n’aurait pas été réfutée
par RZB.

Appréciation de la Cour

295 Au point 551 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que « les requérantes n’ont pas établi que les documents produits en réponse aux demandes de renseignements étaient nécessaires pour permettre à la Commission d’identifier l’ensemble des tables rondes essentielles, ni qu’en leur absence les éléments de preuve obtenus au moyen des vérifications auraient été insuffisants pour prouver l’essentiel de l’infraction et pour adopter une décision infligeant des amendes » .

296 Pour autant que l’argumentation de RZB tend à remettre en cause cette appréciation des faits par le Tribunal, celle-ci est irrecevable dans le cadre du présent pourvoi.

297 S’agissant du prétendu renversement de la charge de la preuve, il convient de rappeler que, si la Commission est tenue de motiver les raisons pour lesquelles elle estime que des éléments fournis par des entreprises dans le cadre de la communication sur la coopération constituent une contribution justifiant ou non une réduction de l’amende infligée, il incombe en revanche aux entreprises souhaitant contester la décision de la Commission à cet égard de démontrer que celle-ci, en l’absence de
telles informations fournies volontairement par ces entreprises, n’aurait pas été en mesure de prouver l’essentiel de l’infraction et donc d’adopter une décision infligeant des amendes.

298 Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Tribunal a, au point 551 de l’arrêt attaqué, jugé implicitement que les requérantes devaient apporter une telle preuve.

299 Par suite, la quatrième branche du second grief doit être rejetée.

— Sur la cinquième branche du second grief, tirée d’erreurs de droit et d’une motivation contradictoire dans le cadre de l’analyse du Tribunal relative à la valeur des documents supplémentaires communiqués par BA-CA

Argumentation des parties

300 BA-CA conteste, en substance, l’appréciation du Tribunal contenue aux points 560 à 563 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la valeur des 33 classeurs, qui contenaient plus de 10000 pages de documents, qu’elle a adressés à la Commission.

301 En premier lieu, BA-CA soutient que le Tribunal a dévalorisé sa coopération en renforçant sans cesse les exigences devant être remplies pour bénéficier d’une réduction de l’amende. Elle critique, notamment, la comparaison à laquelle procède le Tribunal entre la valeur qu’il convient de donner à ces documents et celle qu’il convient de donner à l’exposé commun des faits.

302 En second lieu, la requérante fait valoir que la motivation du Tribunal est contradictoire, car celui-ci refuse, au titre de l’exposé commun des faits, d’accorder une réduction de l’amende à défaut de documents nouveaux, alors qu’il est établi que, dans le cadre de la production volontaire de documents, elle a communiqué 10000 pages de documents nouveaux dont une partie a incontestablement été utilisée dans le cadre de la décision litigieuse.

303 La Commission soulève l’irrecevabilité de cet argument en tant qu’il reprend un argument avancé devant le Tribunal. En outre, elle souligne que le fait que des documents soient nouveaux, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas encore été produits, ne suffit pas à lui seul pour que lesdits documents constituent une contribution utile au titre de la coopération.

Appréciation de la Cour

304 En jugeant, au point 560 de l’arrêt attaqué, que « […] la production de documents supplémentaires par une des banques ne peut justifier une réduction ultérieure de son amende à titre individuel que si cette coopération a effectivement apporté des éléments nouveaux et utiles par rapport à ceux fournis en commun par l’ensemble des entreprises » , le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

305 En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 281 à 283 du présent arrêt, une réduction sur le fondement de la communication sur la coopération ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies pouvaient être considérées comme démontrant une véritable coopération de sa part étant entendu que l’objectif de réduction du montant de l’amende consiste à récompenser une entreprise pour une contribution lors de la procédure administrative qui a permis à la Commission de constater une
infraction avec moins de difficulté.

306 Dès lors qu’il avait constaté que les documents produits par BA-CA ne constituaient pas des éléments nouveaux et utiles par rapport à ceux fournis par l’exposé commun des faits, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 562 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue à ce titre d’accorder à BA-CA une réduction supplémentaire de son amende.

307 Il s’ensuit que la cinquième branche du second grief doit être rejetée.

— Sur la sixième branche du second grief, tirée de l’absence de prise en considération des réponses de BA-CA à la communication des griefs

Argumentation des parties

308 BA-CA conteste l’appréciation du Tribunal exposée au point 564 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’avait pas à tenir compte, à titre de coopération, de sa réponse à la communication des griefs.

309 La Commission considère que l’allégation de BA-CA est erronée.

Appréciation de la Cour

310 À cet égard, il convient de souligner que la communication des griefs est un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure concernée (voir, en particulier, ordonnance du 18 juin 1986 , British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission,
142/84 et 156/84, Rec. p. 1899 , points 13 et 14). Il est donc inhérent à la nature de cette communication d’être provisoire et susceptible de modifications lors de l’évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties ainsi que d’autres constatations factuelles (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, précité, point 62).

311 En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de l’intégralité de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui seraient mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient. Ainsi, la communication des griefs n’empêche nullement la Commission de modifier sa position en faveur des entreprises concernées (voir ordonnance British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, précitée,
point 13).

312 Il n’est pas exclu que des entreprises puissent, postérieurement à la communication des griefs, et en particulier dans leur réponse à cette communication, fournir à la Commission des informations décisives justifiant que celle-ci leur octroie une réduction d’amende au titre de la communication sur la coopération.

313 Cependant, à cet égard, le Tribunal a implicitement considéré, au point 564 de l’arrêt attaqué, que tel n’était pas le cas en l’espèce s’agissant de la réponse de BA-CA à la communication des griefs.

314 Dans ces conditions, BA-CA n’ayant pas allégué une dénaturation par le Tribunal des éléments de preuve à cet égard, la sixième branche du second grief doit être rejetée, de même que, par suite, le second grief et la seconde branche dans leur ensemble.

315 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de la communication sur la coopération est en partie non fondé et en partie irrecevable et doit par suite être rejeté en totalité.

C — Sur le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu par le Tribunal

a) Argumentation des parties

316 BA-CA soutient que le Tribunal a méconnu la portée de son droit d’être entendue en refusant d’auditionner un témoin.

317 La Commission fait valoir que le Tribunal n’est pas tenu de donner suite à une offre de preuve si celle-ci, comme en l’espèce, n’est pas pertinente pour éclairer les faits.

b) Appréciation de la Cour

318 À cet égard, il convient de relever que, au point 563 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas fait droit à une demande d’audition de témoin au motif que « cette offre de preuve n’[était] pas directement pertinente pour évaluer l’utilité des documents [produits] » .

319 Or, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir, notamment, arrêts du 30 septembre 2003 , Freistaat Sachsen e.a./Commission, C-57/00 P et C-61/00 P, Rec. p. I-9975 , point 47, ainsi que du 7 octobre 2004 , Mag Instrument/OHMI, C-136/02 P, Rec. p. I-9165 , point 76).

320 Même si la demande d’audition d’un témoin formulée dans la requête est motivée, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition du témoin cité (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a/Commission, précité, point 68).

321 Au stade du pourvoi, la requérante ne rapporte pas la preuve qu’en refusant l’audition de ce témoin, alors même que BA-CA a pu répondre à des questions supplémentaires posées par le Tribunal, celui-ci a méconnu son droit d’être entendue.

322 Par suite, le moyen examiné doit être rejeté.

D — Sur le moyen tiré d’une violation par le Tribunal de son obligation de motivation en ce qui concerne la fixation du niveau des amendes et du droit d’être entendu

a) Argumentation des parties

323 BA-CA reproche au Tribunal d’avoir, au point 566 de l’arrêt attaqué, exercé ses compétences de pleine juridiction sans respecter l’obligation de motivation et sans permettre aux entreprises concernées par la fixation de l’amende d’être entendues.

324 Elle précise que les conditions sur la base desquelles la Cour a rejeté l’existence de telles obligations dans l’arrêt du 8 février 2007 , Groupe Danone/Commission ( C-3/06 P, Rec. p. I-1331 ), ne sont, en l’espèce, pas réunies.

325 BA-CA souligne, notamment, que l’amende infligée aux banques en 2002 était la sixième amende la plus élevée jamais infligée par la Commission et que, en la reconsidérant quatre années plus tard, c’est à tort que le Tribunal l’a considérée comme « peu élevée » .

326 La Commission relève que les considérations exposées au point 566 de l’arrêt attaqué ne sont que des considérations complémentaires et finales, exposant l’appréciation du Tribunal.

b) Appréciation de la Cour

327 À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire qui a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour (arrêt Groupe Danone/Commission, précité, point 68 et jurisprudence citée).

328 Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière des articles 81 CE et 82 CE ainsi que de l’article 15 du règlement n o  17 et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par la partie requérante, tendant à
la suppression ou à la réduction de l’amende (arrêt Groupe Danone/Commission, précité, point 69 et jurisprudence citée).

329 Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le juge communautaire, avant qu’il n’exerce sa compétence de pleine juridiction, était tenu d’inviter la requérante à présenter ses observations sur une éventuelle modification du montant de l’amende, il convient de constater que BA-CA a pu faire valoir utilement son point de vue.

330 En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 519 et suivants de ses conclusions, quatre des six moyens formulés par BA-CA devant le Tribunal tendaient à la réduction du montant de l’amende infligée. Ces moyens se rapportaient, notamment, aux appréciations portées par la Commission en ce qui concerne la qualification de l’infraction, l’existence de circonstances atténuantes et la coopération de la requérante à la procédure.

331 De plus, le Tribunal a posé de nombreuses questions à BA-CA relatives à l’existence de circonstances atténuantes et à sa coopération à la procédure.

332 Enfin, il convient de relever que le Tribunal a examiné de façon très détaillée, aux points 216 à 571 de l’arrêt attaqué, l’ensemble des éléments pertinents relatifs à la fixation du montant de l’amende.

333 Par suite, le moyen examiné doit être rejeté.

334 Il résulte des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

VII — Sur les dépens

335 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure du pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation d’Erste, de RZB, de BA-CA ainsi que d’ÖVAG et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

  1) Les pourvois sont rejetés.

  2) Erste Group Bank AG, anciennement Erste Bank der österreichischen Sparkassen AG, Raiffeisen Zentralbank Österreich AG, Bank Austria Creditanstalt AG et Österreichische Volksbanken AG sont condamnées aux dépens.

  Signatures

Table des matières

  I — Le cadre juridique
  A —  Le règlement n o  17
  B — Les lignes directrices
  C — La communication sur la coopération
  II — Les antécédents du litige et la décision litigieuse
  III — Les recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
  IV — Les conclusions des parties au pourvoi
  V — Les moyens d’annulation de l’arrêt attaqué
  VI — Sur les pourvois
  A — Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE
  1. Sur le moyen tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation de la condition de l’affectation du commerce entre États membres
  a) Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation quant à l’aptitude d’une entente couvrant l’ensemble du territoire national à affecter sensiblement le commerce entre États membres
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  b) Sur la deuxième branche, tirée de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission pouvait procéder à un examen global des effets transfrontaliers des tables rondes et en procédant à une analyse erronée, insuffisante et contradictoire de la définition du marché pertinent
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  — Sur le grief tiré de ce que le Tribunal aurait erronément interprété la jurisprudence
  — Sur le grief tiré du caractère erroné, insuffisant et contradictoire de l’analyse du Tribunal relative à la définition du marché pertinent
  c) Sur la troisième branche, tirée de l’absence de démonstration d’une affectation sensible par l’entente du commerce intracommunautaire
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  2. Sur le moyen tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’imputation de la responsabilité de l’infraction
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  B —  Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17
  1. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de la gravité de l’infraction
  a) Sur la première branche, tirée d’une appréciation non conforme aux lignes directrices
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  b)  Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit portant sur la « nature propre » de l’infraction
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  c)  Sur la troisième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’ « impact concret de l’infraction sur le marché »
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  d)  Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation de « l’étendue du marché géographique concerné »
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  e) Sur la cinquième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation des effets du caractère sélectif des poursuites sur la qualification de l’infraction et d’une violation de l’obligation de motivation
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  f) Sur la sixième branche, tirée de l’absence d’une appréciation globale de la gravité de l’infraction
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  g) Sur la septième branche, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne la répartition des requérantes dans les catégories d’infractions retenue par la Commission
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  2. Sur le moyen tiré d’erreurs de droit, de défaut de motivation et de dénaturation des éléments de preuve en ce qui concerne l’existence de circonstances atténuantes
  a) Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit, de dénaturation et de contradiction de motifs quant au comportement passif d’ÖVAG
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  b) Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur de droit concernant la participation des autorités publiques aux tables rondes bancaires
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  c) Sur la troisième branche, tirée d’une erreur de droit quant au caractère public des réunions
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  3. Sur le moyen tiré d’une violation de la communication sur la coopération
  a) Sur la première branche, tirée de ce que le Tribunal n’aurait pas correctement apprécié la marge d’appréciation de la Commission
  i) Argumentation des parties
  ii) Appréciation de la Cour
  b) Sur la seconde branche, tirée d’une erreur de droit dans l’application de la communication sur la coopération
  i)  Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit en ce qui concerne l’exigence de l’apport d’une « valeur ajoutée » du fait de la coopération et d’une violation du principe d’égalité de traitement
  — Argumentation des parties
  — Appréciation de la Cour
  ii) Sur le second grief, tiré d’erreurs de droit dans le cadre de l’examen de l’ampleur de la coopération des entreprises, d’une violation des principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime, du respect des droits de la défense et d’une insuffisance de motivation
  — Sur la première branche du second grief
  Argumentation des parties
  Appréciation de la Cour
  — Sur la deuxième branche du second grief, tirée d’erreurs de droit dans le cadre de l’appréciation de l’exposé commun des faits
  Argumentation des parties
  Appréciation de la Cour
  — Sur la troisième branche du second grief, tirée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation quant à la reconnaissance par RZB du but anticoncurrentiel de l’infraction et d’une violation du principe d’égalité de traitement
  Argumentation des parties
  Appréciation de la Cour
  — Sur la quatrième branche du second grief, tirée d’un renversement de la charge de la preuve quant à la valeur de la coopération de RZB et d’une violation du principe de protection de confiance légitime
  Argumentation des parties
  Appréciation de la Cour
  — Sur la cinquième branche du second grief, tirée d’erreurs de droit et d’une motivation contradictoire dans le cadre de l’analyse du Tribunal relative à la valeur des documents supplémentaires communiqués par BA-CA
  Argumentation des parties
  Appréciation de la Cour
  — Sur la sixième branche du second grief, tirée de l’absence de prise en considération des réponses de BA-CA à la communication des griefs
  Argumentation des parties
  Appréciation de la Cour
  C — Sur le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu par le Tribunal
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  D — Sur le moyen tiré d’une violation par le Tribunal de son obligation de motivation en ce qui concerne la fixation du niveau des amendes et du droit d’être entendu
  a) Argumentation des parties
  b) Appréciation de la Cour
  VII — Sur les dépens

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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-125/07
Date de la décision : 24/09/2009
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Ententes - Fixation par des banques autrichiennes des taux créditeurs et débiteurs - 'Club Lombard' - Affectation du commerce entre États membres - Calcul des amendes - Succession d'entreprises - Impact concret sur le marché - Mise en œuvre de l'entente.

Ententes

Concurrence

Pratiques concertées


Parties
Demandeurs : Erste Group Bank AG e.a.
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Kūris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:576

Source

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