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05/04/2011 | CJUE | N°C-108/10

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Bot présentées le 5 avril 2011., Ivana Scattolon contre Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca., 05/04/2011, C-108/10


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 5 avril 2011 (1)

Affaire C‑108/10

Ivana Scattolon

contre

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Venezia (Italie)]

«Politique sociale – Directive 77/187/CEE – Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises – Transfert du personnel d’une personne publique vers une autre personne publique – Reconnaissance par la légi

slation d’un État membre, telle qu’interprétée par la juridiction suprême dudit État, de l’ancienneté acquise avant ledit tra...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 5 avril 2011 (1)

Affaire C‑108/10

Ivana Scattolon

contre

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Venezia (Italie)]

«Politique sociale – Directive 77/187/CEE – Maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises – Transfert du personnel d’une personne publique vers une autre personne publique – Reconnaissance par la législation d’un État membre, telle qu’interprétée par la juridiction suprême dudit État, de l’ancienneté acquise avant ledit transfert en tant que droit à maintenir – Adoption d’une loi rétroactive écartant cette interprétation – Interdiction pour les États membres d’interférer,
par l’adoption de lois rétroactives, avec des actions judiciaires en cours – Principe de protection juridictionnelle effective – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47»

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements (2), ainsi que sur l’interprétation du principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne (3).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M^me Scattolon au Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca (ministère de l’Enseignement, de l’Université et de la Recherche) au sujet de la non-reconnaissance, lors du transfert de M^me Scattolon au service de celui-ci, de l’entière ancienneté de service qu’elle avait acquise auprès de la commune de Scorzè (Italie), son employeur d’origine.

3. Dans cette affaire, la Cour est invitée à préciser sa jurisprudence en ce qui concerne, d’une part, le champ d’application de la directive 77/187 en cas de transfert d’entreprise entre personnes publiques et, d’autre part, la reconnaissance par le cessionnaire de l’ancienneté acquise auprès du cédant par le personnel transféré.

4. Ladite affaire offre également à la Cour l’occasion de se prononcer sur la portée du droit à un recours effectif au regard d’une disposition législative qui, en allant à l’encontre d’une jurisprudence nationale favorable à une prise en compte par le cessionnaire de la totalité de l’ancienneté acquise auprès du cédant par le personnel transféré, produit un effet immédiat sur toute une série de procédures judiciaires en cours, dont celle initiée par M^me Scattolon, et cela en faveur de la
position opposée, défendue par l’État italien.

5. Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles, selon nous, la directive 77/187 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à un transfert tel que celui en cause dans l’affaire au principal, à savoir le transfert du personnel chargé des services auxiliaires de nettoyage, d’entretien et de surveillance des bâtiments scolaires de l’État des collectivités publiques locales (communes et provinces) vers l’État.

6. Puis, nous expliquerons que, à notre avis, dans un cas de figure tel que celui de l’affaire au principal, où, d’une part, les conditions de rémunération prévues par la convention collective en vigueur auprès du cédant ne sont pas principalement basées sur le critère de l’ancienneté acquise auprès de cet employeur et, d’autre part, la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire remplace celle qui était en vigueur auprès du cédant, l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive
77/187 doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que le cessionnaire prenne en compte l’ancienneté acquise par le personnel transféré auprès du cédant aux fins du calcul de la rémunération de ce personnel, et ce alors même que la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire prévoit que le calcul de la rémunération est principalement basé sur le critère de l’ancienneté.

7. Enfin, nous proposerons à la Cour de considérer que l’article 47 de la charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition législative telle que celle qui est contestée dans le litige au principal, à condition qu’il soit démontré, notamment sur la base d’éléments chiffrés, que l’adoption de celle-ci visait bien à garantir la neutralité budgétaire de l’opération de transfert du personnel administratif, technique et auxiliaire (ATA) des collectivités locales vers
l’État, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

8. Le transfert en cause dans l’affaire au principal étant intervenu le 1^er janvier 2000, c’est-à-dire avant la date d’expiration du délai de transposition de la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998, modifiant la directive 77/187 (4), à savoir le 17 juillet 2001, cette affaire est régie par la version initiale de la directive 77/187 (5).

9. L’article 1^er, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«La présente directive est applicable aux transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements à un autre chef d’entreprise, résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.»

10. L’article 2 de ladite directive dispose:

«Au sens de la présente directive, on entend par:

a) cédant, toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, perd la qualité de chef d’entreprise à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’établissement;

b) cessionnaire, toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, acquiert la qualité de chef d’entreprise à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’établissement;

[…]»

11. Aux termes de l’article 3 de la directive 77/187:

«1. Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

[…]

2. Après le transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective.

Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.

[…]»

12. L’article 4 de la même directive prévoit:

1. Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. […]

2. Si le contrat de travail ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation du contrat de travail ou de la relation de travail est considérée comme intervenue du fait de l’employeur.»

13. L’article 7 de ladite directive précise que celle-ci «ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs».

B – Le droit national

1. L’article 2112 du code civil italien et l’article 34 du décret-loi n° 29/93

14. En Italie, la mise en œuvre de la directive 77/187, et, par la suite, celle de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (6), est assurée, notamment, par l’article 2112 du code civil italien selon lequel, «[e]n cas de transfert d’entreprise, la relation de travail se
poursuit avec le cessionnaire et le travailleur conserve tous les droits qui en découlent. […] Le cessionnaire doit appliquer les […] conventions collectives, lesquelles étaient en vigueur à la date du transfert, et cela jusqu’à leur expiration, à moins qu’elles ne soient remplacées par d’autres conventions collectives qui s’appliquent à l’entreprise du cessionnaire».

15. L’article 34 du décret-loi n° 29/93, relatif à la rationalisation de l’organisation des administrations publiques et à la révision de la législation en matière d’emploi public (decreto legislativo n. 29 – razionalizzazione della organizzazione delle Amministrazioni pubbliche e revisione della disciplina in materia di pubblico impiego), du 3 février 1993 (7), dans la version en vigueur à l’époque des faits au principal, prévoit que, «en cas de transfert […] d’activités assurées par des
administrations publiques, des entités publiques ou leurs établissements ou structures à d’autres sujets de droit, publics ou privés, l’article 2112 du code civil s’applique aux personnels transférés à ces derniers».

2. L’article 8 de la loi n° 124/99, les décrets ministériels le mettant en œuvre et la jurisprudence y afférente

16. Jusqu’en 1999, les services auxiliaires des écoles publiques italiennes, tels que ceux de nettoyage, d’entretien et de surveillance, étaient assurés et financés par l’État. Ce dernier déléguait, en partie, la gestion de ces services à des collectivités locales, telles que les communes. Lesdits services étaient effectués pour partie au moyen du personnel ATA de l’État et pour partie par les collectivités locales.

17. Les collectivités locales assuraient les services soit au moyen de leur personnel ATA (ci-après le «personnel ATA des collectivités locales»), soit par la conclusion de marchés publics avec des entreprises privées. Le personnel ATA des collectivités locales était rémunéré par ces dernières, contre le remboursement intégral de tous les frais par l’État.

18. Le personnel ATA des collectivités locales était rémunéré sur la base de la convention collective du secteur des régions et des autonomies locales (Contratto Collettivo Nazionale di Lavoro – Regioni Autonomie Locali, ci‑après le «CCNL du personnel des collectivités locales»). En revanche, le personnel ATA de l’État employé dans les écoles publiques était rémunéré sur la base de la convention collective du secteur de l’école (Contratto Collettivo Nazionale di Lavoro della Scuola, ci-après le
«CCNL de l’école»). Selon les dispositions du CCNL de l’école, la rémunération se base dans une large mesure sur l’ancienneté, tandis que le CCNL du personnel des collectivités locales prévoyait une structure de rémunération différente, liée aux fonctions exercées et intégrant des éléments de salaire accessoires.

19. La loi n° 124/99, portant adoption de dispositions urgentes en matière de personnel scolaire (legge n. 124/99 – disposizioni urgenti in materia di personale scolastico), du 3 mai 1999 (8), a prévu le transfert, à partir du 1^er janvier 2000, dans les listes du personnel ATA de l’État, du personnel ATA des collectivités locales.

20. À cet égard, l’article 8 de la loi n° 124/99 énonce:

«1. Le personnel ATA des établissements et des écoles de l’État, de toute qualification et de tout grade, est à la charge de l’État. Les dispositions prévoyant la mise à disposition de ce personnel par les communes et les provinces sont abrogées.

2. Le personnel visé au paragraphe 1, employé par les collectivités locales et en poste auprès des établissements scolaires de l’État à la date d’entrée en vigueur de la présente loi est transféré dans les listes du personnel ATA de l’État, et est incorporé dans les qualifications professionnelles et les profils professionnels correspondants pour l’exercice des fonctions propres à ces profils. Les membres du personnel dont les qualifications et les profils ne trouvent pas de correspondance dans
les cadres du personnel ATA de l’État sont autorisés à opter en faveur de leur collectivité locale d’origine, dans les trois mois de l’entrée en vigueur de la présente loi. Ce personnel se voit reconnaître sur les plans juridique et économique l’ancienneté acquise auprès de la collectivité locale d’origine, ainsi que le droit au maintien du lieu d’exercice de ses fonctions, dans un premier temps, si un poste est disponible.

[…]

4. Le transfert du personnel visé aux paragraphes 2 et 3 est réalisé graduellement, dans les délais et selon les modalités à établir par un décret du ministre de l’Instruction publique […].

5. À partir de l’année au cours de laquelle les dispositions des paragraphes 2, 3 et 4 produisent leurs effets, les transferts [financiers] de l’État aux collectivités locales sont progressivement réduits dans une mesure égale aux dépenses exposées par celles-ci au cours de l’année budgétaire précédant celle où a lieu le transfert effectif du personnel. […]»

21. La loi n° 124/99 a été suivie par le décret ministériel relatif au transfert du personnel ATA des collectivités locales à l’État au sens de l’article 8 de la loi n° 124/99 du 3 mai 1999 (decreto – trasferimento del personale ATA dagli enti locali allo Stato, ai sensi dell’art. 8 della legge 3 maggio 1999, n. 124), du 23 juillet 1999 (9). Ce décret était libellé comme suit:

«Article 1^er

Le personnel ATA des collectivités locales, en service à la date du 25 mai 1999 dans les établissements scolaires de l’État pour l’accomplissement des fonctions et des tâches imposées par la loi aux collectivités locales, est transféré dans les listes du personnel ATA de l’État.

Article 2

Le transfert du personnel ATA des collectivités locales à l’État, visé à l’article 1^er, a lieu selon les délais et les modalités prévus aux articles suivants.

Article 3

Les collectivités locales assureront, jusqu’à la fin de l’exercice budgétaire 1999, la rémunération et l’application du [CCNL du personnel des collectivités locales] au personnel qui passe à l’État en vertu de l’article 8 de la [loi n° 124/99]. […] [L]e personnel transféré percevra, à titre provisoire à partir du 1^er janvier 2000, la rémunération qu’il percevait avant le transfert.

Un décret du ministre de l’Instruction publique […] établira les critères d’incorporation, dans le secteur de l’école, destinés à aligner le traitement du personnel en question sur celui de ce secteur, par référence à la rémunération, aux éléments de salaire accessoire et à la reconnaissance, sur les plans juridique et économique, ainsi que de l’incidence sur la gestion prévisionnelle, de l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales, après la conclusion d’une convention collective à
négocier […] entre l’[Agenzia per la rappresentanza negoziale delle pubbliche amministrazioni (Agence de représentation des administrations publiques, ci-après l’«ARAN»)] et les organisations syndicales représentatives des secteurs ‘École’ et ‘Collectivités locales’, au sens de l’article 34 du décret-loi n° 29/93 […].

[…]

Article 5

À dater du 1^er janvier 2000, le personnel ATA des collectivités locales en service à la date du 25 mai 1999 dans les établissements scolaires de l’État et transféré dans les listes du personnel de l’État est incorporé dans les qualifications professionnelles et les profils professionnels correspondant aux cadres du personnel de l’État […].

[…]

Article 7

Le personnel qui passe des collectivités locales à l’État en application du présent décret restera chargé de toutes les tâches qui lui étaient attribuées, pourvu qu’elles soient prévues par les profils de l’État.

Article 8

L’ancien personnel des collectivités locales qui est transféré à l’État se verra reconnaître le droit au maintien dans le lieu où il exerçait ses fonctions pendant l’année scolaire 1998/1999. Dans le cas où ce poste n’est pas disponible, il sera procédé, pour l’année scolaire 2000/2001, à des affectations en fonction des contrats décentralisés en vigueur.

Article 9

L’État succédera à partir du 24 mai 1999 aux collectivités locales dans les contrats qu’elles ont conclus, et éventuellement renouvelés ensuite, pour la partie qui assure les fonctions ATA au bénéfice des écoles de l’État, en lieu et place de l’engagement de personnel salarié. […] Sans préjudice de la poursuite des activités des tiers engagés […] en vertu des dispositions légales en vigueur, l’État succédera dans les contrats conclus par les collectivités locales avec les entreprises […] pour les
fonctions ATA que la loi impose aux collectivités locales d’effectuer en lieu et place de l’État. […]

[…]»

22. L’accord entre l’ARAN et les organisations syndicales prévu à l’article 3 du décret ministériel du 23 juillet 1999 a été signé le 20 juillet 2000 et approuvé par le décret ministériel portant approbation de l’accord du 20 juillet 2000 entre l’ARAN et les représentants des organisations et des confédérations syndicales concernant les critères d’incorporation de l’ancien personnel des collectivités locales transféré au secteur de l’école (decreto interministeriale – recepimento dell’accordo
ARAN – Rappresentanti delle organizzazioni e confederazioni sindacali in data 20 luglio 2000, sui criteri di inquadramento del personale già dipendente degli enti locali e transitato nel comparto scuola), du 5 avril 2001 (10).

23. Ledit accord dispose:

«Article 1^er – Champ d’application

Le présent accord s’applique à dater du 1^er janvier 2000 au personnel salarié des collectivités locales transféré dans le secteur ‘École’ en vertu de l’article 8 de la [loi n° 124/99] et […] du décret ministériel […] du 23 juillet 1999 […], à l’exclusion du personnel dont les fonctions ou les tâches continuent de relever de la compétence de la collectivité locale.

Article 2 – Régime contractuel

1. À dater du 1^er janvier 2000, le [CCNL du personnel des collectivités locales] ne s’applique plus au personnel concerné par le présent accord […]; à partir de la même date, ce personnel relève du [CCNL de l’école], y compris en ce qui concerne tous les éléments relatifs au salaire accessoire, sauf les dispositions contraires des articles suivants.

[…]

Article 3 – Classement et rémunération

1. Les travailleurs visés à l’article 1^er du présent accord sont classés, sur l’échelle des rémunérations, au niveau salarial correspondant aux qualifications professionnelles du secteur de l’école, […] selon les modalités suivantes. Ces travailleurs se voient reconnaître […] le niveau salarial d’un montant égal ou immédiatement inférieur au traitement annuel qui était le leur au 31 décembre 1999, constitué du salaire et des rémunérations individuelles liées à l’ancienneté ainsi que, pour ceux
qui en bénéficient, [des indemnités prévues par le CCNL du personnel des collectivités locales]. La différence éventuelle entre le montant de la rémunération due en fonction du classement et le traitement que percevait le travailleur au 31 décembre 1999, comme indiqué ci-dessus, lui est versée à titre individuel et produit ses effets, moyennant temporisation, aux fins du passage au niveau de rémunération suivant. Le personnel concerné par le présent accord perçoit l’indemnité complémentaire spéciale
du montant applicable au 31 décembre 1999 si celle-ci est plus élevée que celle accordée pour une qualification correspondante du secteur de l’école. Le classement définitif du personnel visé par le présent accord dans les profils professionnels de l’école sera effectué en fonction du tableau comparatif […]

[…]

Article 9 – Rémunération de base et salaire accessoire

1. À partir du 1^er janvier 2000, toutes les dispositions de nature pécuniaire du [CCNL de l’école] s’appliquent au personnel visé par le présent accord, selon les modalités prévues par ledit CCNL.

2. À partir du 1^er janvier 2000, le personnel visé par le présent accord se voit reconnaître, à titre provisoire, la rémunération individuelle accessoire conforme aux montants bruts figurant au tableau […] annexé au [CCNL de l’école]. […]

[…]»

24. L’interprétation de ces normes a donné lieu à des actions en justice engagées par des membres du personnel ATA transféré, qui ont demandé la pleine reconnaissance de leur ancienneté acquise auprès des collectivités locales, sans qu’il soit tenu compte des critères d’alignement adoptés dans le cadre de l’accord entre l’ARAN et les organisations syndicales et approuvés par le décret ministériel du 5 avril 2001. Ils faisaient valoir, à cet égard, que les critères adoptés dans le cadre de cet
accord avaient pour effet qu’ils étaient, à partir de leur incorporation dans le personnel ATA de l’État, classés et rémunérés de la même façon que des membres du personnel ATA de l’État qui avaient moins d’ancienneté. Selon leur argumentation, l’article 8 de la loi n° 124/99 impose le maintien, pour chaque membre du personnel ATA transféré, de l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales, de sorte que chacun de ces membres doit recevoir, à partir du 1^er janvier 2000, la rémunération que
reçoit un membre du personnel ATA de l’État ayant cette ancienneté.

25. Ce contentieux a débouché sur plusieurs arrêts rendus en 2005 par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), dans lesquels celle-ci a, pour l’essentiel, accueilli ladite argumentation.

3. La loi n° 266/2005 et la jurisprudence y afférente

26. Le législateur italien a, par approbation d’un «superamendement» (amendement émanant du gouvernement et approuvé au moyen d’un vote de confiance), inclus dans l’article 1^er de la loi n° 266/2005 portant dispositions relatives à l’établissement du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances pour 2006) [legge n. 266/2005 – disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2006)], du 23 décembre 2005 (11), un paragraphe 218, lequel
comporte une norme d’interprétation de portée rétroactive ayant pour objet l’article 8 de la loi n° 124/99.

27. Ledit article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 dispose:

«L’article 8, paragraphe 2, de la [loi nº 124/99] doit se comprendre comme signifiant que le personnel des collectivités locales transféré dans le corps du [personnel ATA] de l’État est incorporé dans les qualifications fonctionnelles et les profils professionnels du service de l’État correspondants, sur la base de la prestation économique globale dont il bénéficiait au moment du transfert, avec l’attribution de la position salariale de montant égal ou immédiatement inférieur au traitement annuel
dont il bénéficiait au 31 décembre 1999, constitué du salaire, de l’allocation individuelle d’ancienneté, ainsi que d’éventuelles indemnités, s’il y a lieu, prévues par le [CCNL du personnel des collectivités locales] en vigueur à la date de l’incorporation dans l’administration de l’État. L’éventuelle différence entre le montant de la position salariale d’arrivée et le traitement annuel dont le personnel en cause bénéficiait au 31 décembre 1999 […] est versée ad personam et considérée comme devant
servir, après comptabilisation du temps, pour atteindre la position salariale supérieure. Sous réserve de l’exécution des décisions de justice rendues à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.»

28. Plusieurs juridictions ont saisi la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) de questions de conformité de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 avec la Constitution italienne. Selon ces juridictions, cette norme d’interprétation leur imposait, dans le cadre d’affaires déjà pendantes auxquelles l’État est partie, une interprétation favorable à celui-ci, par ailleurs incompatible avec la teneur de l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 et opposée à
l’interprétation de cette disposition fournie par la Corte suprema di cassazione. L’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 réintroduirait le système inclus dans l’accord du 20 juillet 2000 et le décret ministériel du 5 avril 2001, que la Corte suprema di cassazione avait jugé contraire à la loi n° 124/99. Le législateur se serait donc ingéré dans la fonction d’interprétation uniforme de la loi qui est, en Italie, réservée à la Corte suprema di cassazione, portant ainsi atteinte à
l’autonomie du pouvoir judiciaire, de même qu’aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

29. Par l’arrêt n° 234, du 18 juin 2007 (12) ainsi que par des ordonnances ultérieures, la Corte costituzionale a jugé que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 n’est pas entaché des violations alléguées de principes généraux du droit.

30. Après cette appréciation de la Corte costituzionale, la Corte suprema di cassazione est, par l’arrêt n° 677, du 16 janvier 2008, revenue sur sa jurisprudence antérieure et a affirmé que l’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 donnée par le législateur italien à l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 est plausible.

31. Néanmoins, la Corte suprema di cassazione a, par l’ordonnance n° 22260, du 3 juin 2008, invité la Corte costituzionale à réexaminer sa position eu égard aux principes énoncés à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»).

32. Par l’arrêt n° 311, du 26 novembre 2009 (13), la Corte costituzionale a jugé que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 est compatible avec les droits fondamentaux énoncés à l’article 6 de la CEDH.

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

33. M^me Scattolon, employée de la commune de Scorzè depuis le 16 mai 1980 en tant que concierge dans des écoles de l’État, a, jusqu’au 31 décembre 1999, travaillé en tant que membre du personnel ATA des collectivités locales. Ce personnel exerce des activités de nettoyage, d’entretien et de surveillance des écoles publiques italiennes.

34. À partir du 1^er janvier 2000, elle a, en application de l’article 8 de la loi n° 124/99, été transférée dans la liste du personnel ATA de l’État.

35. En application du décret ministériel du 5 avril 2001, M^me Scattolon a été classée dans une échelle salariale qui correspond, dans ladite liste, à neuf ans d’ancienneté.

36. N’ayant ainsi pas obtenu la reconnaissance des presque 20 ans d’ancienneté acquis auprès de la commune de Scorzè et ayant, en outre, perdu les éléments de salaire accessoires prévus par le CCNL du personnel des collectivités locales, elle estime avoir subi une réduction de sa rémunération de 790 euros.

37. Par requête déposée le 27 avril 2005, M^me Scattolon a saisi le Tribunale ordinario di Venezia afin d’obtenir la reconnaissance de l’ensemble de l’ancienneté acquise auprès de la commune de Scorzè et d’être classée, en conséquence, dans l’échelle correspondant à quinze à vingt ans d’ancienneté. Elle réclamait ainsi le droit d’être intégrée dans les mêmes classes de rémunération que le personnel ATA employé dès l’origine par l’État et ayant la même ancienneté qu’elle. À l’appui de ce
recours, elle a invoqué, en particulier, l’article 2112 du code civil, l’article 8 de la loi n° 124/99 ainsi que les arrêts de la Corte suprema di cassazione de 2005 reconnaissant le droit du personnel ATA transféré au maintien de leur ancienneté.

38. À la suite de l’adoption de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005, le Tribunale ordinario di Venezia a suspendu l’instance introduite par M^me Scattolon et renvoyé à la Corte costituzionale la question de la compatibilité de cette disposition avec les principes de la sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, de l’égalité des armes dans le procès ainsi que du droit à une protection juridictionnelle effective, à un tribunal indépendant et à un procès
équitable. Le législateur italien aurait, en adoptant ladite disposition en vue de l’interprétation d’une loi adoptée plus de cinq ans auparavant et déjà interprétée par la Corte suprema di cassazione, voulu fixer un résultat différent, cette fois favorable à l’État, dans les nombreux litiges encore pendants.

39. Par l’ordonnance n° 212, du 9 juin 2008 (14), la Corte costituzionale a, en se référant à son arrêt n° 234, du 18 juin 2007, précité, jugé que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 n’est pas entaché des violations alléguées de principes généraux du droit.

40. Une fois la procédure reprise, M^me Scattolon a souligné que l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99, tel qu’interprété selon l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005, est incompatible avec la règle énoncée à l’article 3 de la directive 77/187 ainsi qu’avec les principes généraux du droit de l’Union relatifs à la sécurité juridique, à la protection de la confiance légitime et à la protection juridictionnelle effective.

41. Le Tribunale ordinario di Venezia estime que, eu égard à la directive 77/187, il doit être tenu compte de la totalité de l’ancienneté du personnel transféré. L’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 serait en conflit avec cette règle et constituerait, en outre, une norme rétroactive innovante et non interprétative, portant atteinte aux principes garantis par l’article 6 TUE, lu en combinaison avec l’article 6 de la CEDH et les articles 47 et 52, paragraphe 3, de la charte.
L’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 serait, dans le même temps, contraire aux principes de la sécurité juridique et de la protection de la confiance légitime.

42. Dans ces circonstances, le Tribunale ordinario di Venezia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La directive 77/187[…] et/ou la directive 2001/23[…] ou toute autre réglementation [de l’Union] applicable doivent-elles être interprétées dans le sens de leur applicabilité à un cas de transfert du personnel chargé des services auxiliaires de nettoyage et d’entretien des bâtiments scolaires de l’État par les collectivités publiques locales (communes et provinces) à l’État, lorsque le transfert a entraîné la succession non seulement dans l’activité et dans les relations avec tout le
personnel (concierges) employé, mais également dans les marchés conclus avec des entreprises privées pour assurer ces services?

2) La continuité de la relation de travail au sens de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 77/187[…] (reprise, avec la directive 98/50[…], dans la directive 2001/23[…]) doit-elle être interprétée en ce sens que la quantification des prestations économiques liées, auprès du cessionnaire, à l’ancienneté de service doit tenir compte de toutes les années effectuées par le personnel transféré, y compris au service du cédant?

3) L’article 3 de la directive 77/187[…] et/ou les directives […] 98/50[…] et 2001/23[…] doivent-ils être interprétés en ce sens que les droits du travailleur transférés au cessionnaire incluent également les avantages acquis par le travailleur auprès du cédant, tels que l’ancienneté, lorsque des droits de nature pécuniaire y sont rattachés par l’effet de la convention collective en vigueur au sein de la société cessionnaire?

4) Les principes généraux du droit [de l’Union] en vigueur relatifs à la sécurité juridique, à la protection de la confiance légitime, à l’égalité des armes dans le procès, à la protection juridictionnelle effective, au droit à un tribunal indépendant, et plus généralement à un procès équitable, garantis [par] l’article 6 [TUE], lu en combinaison avec l’article 6 de la [CEDH] et avec les articles 46, 47 et 52, paragraphe 3, de la [charte], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font
obstacle à l’adoption par [la République italienne], après un délai appréciable (cinq ans) d’une disposition d’interprétation authentique différente du libellé à interpréter et contraire à l’interprétation constante par l’institution titulaire de la fonction de garantie de l’interprétation uniforme de la loi, disposition qui, en outre, est pertinente pour statuer sur des litiges dans lesquels [la République italienne] est [elle]-même impliqué[e]?»

III – Notre analyse

A – Sur la première question

43. Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si la directive 77/187 est applicable en cas de transfert du personnel chargé des services auxiliaires de nettoyage et d’entretien des bâtiments scolaires de l’État des collectivités publiques locales (communes et provinces) vers l’État.

44. Autrement dit, la circonstance qu’un transfert ait lieu entre deux entités qui sont des personnes morales de droit public est-elle ou non de nature à entraîner l’exclusion d’un tel transfert du champ d’application de la directive 77/187?

45. Le gouvernement italien fait valoir que, dans une telle situation de transfert de personnel dans le cadre de la réorganisation d’un secteur public, il n’y a pas de «transfert d’entreprise» au sens de cette directive. M^me Scattolon et la Commission européenne défendent la thèse inverse.

46. L’arrêt du 15 octobre 1996, Henke (15), constitue un précédent intéressant en vue de répondre à cette question.

47. Afin de bien saisir la portée de cet arrêt, il convient d’en rappeler les faits. M^me Henke avait été embauchée comme secrétaire de mairie par la commune de Schierke (Allemagne). Cette commune avait, ensuite, décidé de créer avec d’autres communes, en application de la réglementation communale du Land de Saxe-Anhalt, le groupement intercommunal «Brocken» auquel elle a transféré des attributions administratives. La commune de Schierke avait, dans la foulée, résilié le contrat de travail qui
la liait à M^me Henke. Dans le cadre du litige qui s’ensuivit entre cette commune et M^me Henke, l’Arbeitsgericht Halberstadt décida de saisir la Cour afin que celle-ci dise pour droit si la directive 77/187 était applicable en cas de transfert d’attributions administratives d’une commune à un groupement intercommunal, tel que celui en cause dans le litige au principal.

48. La Cour a interprété l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187 en ce sens que ne constitue pas un «transfert d’entreprise» au sens de cette directive la réorganisation de structures de l’administration publique ou le transfert d’attributions administratives entre des administrations publiques (16).

49. Outre la prise en compte de l’objectif et du libellé de ladite directive (17), la Cour a relevé qu’il s’agissait d’un regroupement qui avait concerné plusieurs communes du Land de Saxe-Anhalt, dont la commune de Schierke, et qui avait notamment pour objet d’améliorer l’exécution des tâches administratives de ces communes. Elle a constaté que ce regroupement s’était traduit, en particulier, par la réorganisation des structures administratives et par le transfert d’attributions
administratives de la commune de Schierke à une entité publique créée spécialement à cette fin, à savoir le groupement intercommunal «Brocken» (18).

50. Elle a, ensuite, observé que, dans les circonstances de cette affaire, le transfert opéré entre la commune et le groupement intercommunal n’avait porté que sur des activités relevant de l’exercice de la puissance publique et que, à supposer même que ces activités aient comporté des éléments de nature économique, ces derniers ne pouvaient avoir qu’un aspect accessoire (19).

51. Nous déduisons de ces éléments qu’une telle exclusion du champ d’application de la directive 77/187 est motivée non pas par la nature juridique de droit public des entités en cause, mais plutôt, selon une approche fonctionnelle, par la circonstance qu’un transfert porte sur des activités relevant de l’exercice de la puissance publique. En revanche, dès lors qu’un transfert porte sur une activité économique, il entre dans le champ d’application de cette directive. Peu importe, à cet égard,
la nature juridique de droit privé ou de droit public du cédant et du cessionnaire. Des arrêts ultérieurs témoignent du maintien par la Cour de cette approche fonctionnelle, mettant l’accent sur l’existence ou non d’une activité relevant de l’exercice de la puissance publique (20).

52. Si l’on cherche, à présent, à qualifier les activités en cause dans l’affaire au principal, il découle de la jurisprudence, telle que confirmée encore récemment, que les services auxiliaires rendus auprès des écoles de l’État, tels que les services de nettoyage et de surveillance, ne constituent pas des activités relevant de l’exercice de la puissance publique.

53. Dans deux affaires récentes, la Cour a été invitée à interpréter la directive 2001/23 dans des situations de reprise par une commune d’activités précédemment exécutées par des entreprises privées. Il s’agit, dans l’arrêt du 29 juillet 2010, UGT-FSP (21), des activités de conciergerie et de nettoyage des établissements scolaires publics, du nettoyage de la voirie et de l’entretien des parcs et des jardins (22). Par ailleurs, dans l’arrêt du 20 janvier 2011, CLECE (23), l’activité en cause
concerne le nettoyage des écoles et des locaux municipaux (24).

54. Dans ces deux arrêts, la Cour a considéré que de telles activités ont un caractère économique et entrent donc dans le champ d’application des règles communautaires relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises. Elle a, une nouvelle fois, relevé que le simple fait que le cessionnaire soit une personne morale de droit public, en l’occurrence une commune, ne permet pas d’exclure l’existence d’un transfert relevant du champ d’application de ces règles (25).

55. Nous déduisons de ces éléments que la directive 77/187 est, sous réserve de la vérification des autres critères d’application de cette directive, applicable en cas de transfert du personnel chargé des services auxiliaires de nettoyage, d’entretien et de surveillance des bâtiments scolaires de l’État par les collectivités publiques locales (communes et provinces) vers l’État.

56. Il nous reste à vérifier si les autres critères établis par la Cour aux fins d’apprécier si un transfert constitue un «transfert d’entreprise» au sens de la directive 77/187 sont remplis dans la présente affaire.

57. En vertu de l’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 77/187, celle-ci «est applicable aux transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements à un autre chef d’entreprise, résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion».

58. À cet égard, il ressort d’une jurisprudence bien établie que la notion de cession conventionnelle doit s’entendre d’une manière suffisamment souple pour répondre à l’objectif de la directive 77/187 qui est, ainsi qu’il découle de son deuxième considérant, de protéger les salariés en cas de changement de chef d’entreprise (26). La Cour a ainsi jugé que cette directive était applicable dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique
ou morale responsable de l’exploitation de l’entreprise, qui contracte les obligations d’employeur vis-à-vis des employés de l’entreprise (27).

59. Cette jurisprudence est applicable même en cas de transfert imposé par la loi. M^me Scattolon rappelle, à juste titre, la jurisprudence selon laquelle la directive 77/187 couvre également les transferts résultant de décisions unilatérales des pouvoirs publics, étant donné que le critère décisif est non pas l’existence d’un accord contractuel entre le cédant et le cessionnaire, mais bien le changement de la personne responsable de l’exploitation de l’entreprise (28).

60. Pour que la directive 77/187 soit applicable, il faut également vérifier si le transfert porte sur une entité économique maintenant son identité après le changement de chef d’entreprise.

61. Afin de déterminer si une telle entité maintient son identité, il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération en cause, au nombre desquelles figurent, notamment, le type d’entreprise ou d’établissement dont il s’agit, le transfert ou non d’éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l’essentiel des effectifs par le nouveau chef
d’entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d’une éventuelle suspension de ces activités. Ces éléments ne constituent, toutefois, que des aspects partiels de l’évaluation d’ensemble qui s’impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément (29).

62. La Cour a précédemment relevé qu’une entité économique peut, dans certains secteurs, fonctionner sans éléments d’actifs, corporels ou incorporels, significatifs, de sorte que le maintien de l’identité d’une telle entité par-delà l’opération dont elle est l’objet ne saurait, par hypothèse, dépendre de la cession de tels éléments (30). Elle a ainsi jugé que, dans la mesure où, dans certains secteurs dans lesquels l’activité repose essentiellement sur la main-d’œuvre, une collectivité de
travailleurs que réunit durablement une activité commune peut correspondre à une entité économique, une telle entité est susceptible de maintenir son identité par-delà son transfert quand le nouveau chef d’entreprise ne se contente pas de poursuivre l’activité en cause, mais reprend également une partie essentielle, en termes de nombre et de compétence, des effectifs que son prédécesseur affectait spécialement à cette tâche. Dans cette hypothèse, le nouveau chef d’entreprise acquiert en effet
l’ensemble organisé d’éléments qui lui permettra la poursuite des activités ou de certaines activités de l’entreprise cédante de manière stable (31).

63. Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une activité de nettoyage, d’entretien et de surveillance des bâtiments scolaires, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, peut être considérée comme une activité reposant essentiellement sur la main-d’œuvre et, par conséquent, une collectivité de travailleurs que réunit durablement une telle activité commune peut, en l’absence d’autres facteurs de production, correspondre à une entité économique (32).

64. Nous déduisons de ces éléments que, dans l’affaire au principal, l’identité de l’entité économique est maintenue en raison de la reprise par l’État des travailleurs précédemment affectés à ces activités par les communes (33).

65. Comme le souligne la Commission, le personnel ATA concerné par la loi n° 124/99 a été transféré en bloc, ses activités de nettoyage, d’entretien et de surveillance sont demeurées globalement inchangées du point de vue tant de leur objet que de leur organisation, et ont été poursuivies dans les mêmes lieux et sans aucune interruption. La seule modification a été l’identité de l’employeur.

66. Nous ajoutons que la continuité de cet ensemble organisé d’éléments permettant la poursuite des activités de nettoyage, d’entretien et de surveillance au sein des écoles se traduit également à travers la reprise par l’État des contrats par lesquels les collectivités locales avaient, dans certains cas, confié l’exécution de ces activités à des entreprises privées.

67. Enfin, il convient de rappeler que la directive 77/187 ne s’applique pas aux personnes qui ne sont pas protégées en tant que travailleurs au titre de la législation nationale. En effet, cette directive ne vise qu’à une harmonisation partielle de la matière en question, elle ne vise pas à instaurer un niveau de protection uniforme pour l’ensemble de la Communauté européenne en fonction de critères communs (34). Il ressort, cependant, de la décision de renvoi que le personnel ATA en cause est
soumis au régime de droit commun des relations de travail, tel qu’il est prévu par le code civil italien (35).

68. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le transfert du personnel ATA résultant de la loi n° 124/99 entre bien dans le champ d’application de la directive 77/187.

B – Sur les deuxième et troisième questions

69. Par ses deuxième et troisième questions, que nous proposons à la Cour d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, à celle-ci de dire pour droit si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187, qui prévoit que les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont transférés au cessionnaire, implique que le cessionnaire doit prendre en compte, dans le calcul de la
rémunération du personnel transféré, la totalité de l’ancienneté acquise auprès du cédant.

70. Nous rappelons que cette interrogation de la juridiction de renvoi est née de l’apparente divergence entre la loi n° 124/99, l’accord entre l’ARAN et les organisations syndicales repris dans le décret ministériel du 5 avril 2001 et, enfin, la loi n° 266/2005. En effet, alors que la loi n° 124/99 semble prévoir une prise en compte totale de l’ancienneté acquise par le personnel ATA auprès des collectivités locales, l’accord syndical puis la loi n° 266/2005 disposent, au contraire, que les
conditions de rémunération de ce personnel à la suite du transfert doivent être fixées sur la base de ce que ledit personnel percevait à l’échéance de la relation de travail avec le cédant. Deux modalités de détermination de la rémunération du personnel transféré s’opposent donc, à savoir soit un nouveau calcul tenant compte, dans le cadre de la grille de rémunération du cessionnaire basée principalement sur l’ancienneté, de la totalité de l’ancienneté acquise par le personnel transféré auprès du
cédant, soit la continuité de la rémunération précédemment perçue sur la base de l’«acquis économique» à la veille du transfert.

71. Au vu de la précision apportée par la loi n° 266/2005, indiquant que l’intention initiale du législateur italien était bien d’assurer la continuité des rémunérations et non une reprise totale de l’ancienneté précédemment acquise auprès du cédant, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la directive 77/187 exige, au contraire, une telle reconnaissance de l’ancienneté.

72. Nous rappelons que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187, les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date d’un transfert d’entreprise sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

73. Dans la mesure où les conditions de rémunération du personnel ATA sont fixées par des conventions collectives, cette disposition doit être interprétée non pas isolément, mais en liaison avec l’article 3, paragraphe 2, de cette même directive, lequel, comme l’a indiqué la Cour, «apporte des limitations au principe de l’applicabilité de la convention collective à laquelle se réfère le contrat de travail» (36).

74. Nous rappelons que, selon cette dernière disposition, «[a]près le transfert au sens de l’article 1^er, paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective».

75. L’affaire au principal correspond au dernier cas de figure visé à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187, à savoir celui dans lequel le transfert est suivi de l’application d’une autre convention collective. En l’espèce, en effet, le personnel ATA précédemment employé par les collectivités locales sous l’empire de la convention collective de celles-ci s’est trouvé, avec le transfert, régi par une nouvelle convention collective, celle concernant le personnel de l’État (37).

76. Ces deux conventions collectives contiennent des méthodes de calcul des rémunérations du personnel qu’elles régissent très différentes. Selon les dispositions du CCNL de l’école, la rémunération se base dans une large mesure sur l’ancienneté, tandis que le CCNL du personnel des collectivités locales prévoyait une structure de rémunération différente, liée aux fonctions exercées et intégrant des éléments de salaire accessoires.

77. Il résulte du libellé de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187, tel qu’interprété par la Cour, que les travailleurs ayant fait l’objet d’un transfert ne peuvent se prévaloir des conditions de travail prévues par une convention collective, par hypothèse celle dont ils bénéficiaient chez le cédant et qui pouvait prévoir des conditions plus favorables, qu’aussi longtemps que, en vertu du droit national, une telle convention collective continue de produire des effets juridiques à
leur égard (38).

78. Ainsi que la Cour l’a précisé à propos de la date d’expiration d’une convention collective, l’article 3, paragraphe 2, de cette directive «a ainsi pour objectif d’assurer le maintien de toutes les conditions de travail en conformité avec la volonté des parties contractantes à la convention collective, et cela en dépit du transfert d’entreprise. En revanche, la même disposition n’est pas susceptible de déroger à la volonté desdites parties, telle qu’exprimée dans la convention collective.
Par conséquent, si ces parties contractantes ont convenu de ne pas garantir certaines conditions de travail au-delà d’une date déterminée, [l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187] ne saurait imposer au cessionnaire l’obligation de les respecter postérieurement à la date d’expiration convenue de la convention collective, car, au-delà de cette date, ladite convention n’est plus en vigueur» (39). Selon la Cour, «[i]l s’ensuit que [cette disposition] n’oblige pas le cessionnaire de garantir
le maintien des conditions de travail convenues avec le cédant au-delà de la date d’expiration de la convention collective» (40).

79. Selon nous, cette jurisprudence vaut, par analogie, dans le cas où, avec le transfert, la convention collective en vigueur chez le cédant se trouve remplacée par celle en vigueur chez le cessionnaire. Dans une telle situation, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187 n’impose pas au cessionnaire de maintenir les conditions de travail prévues par la convention collective en vigueur chez le cédant.

80. C’est donc en parfaite conformité avec cette disposition que le personnel ATA transféré s’est trouvé, à compter du 1^er janvier 2000, date du transfert, régi par les dispositions du CCNL de l’école et, par conséquent, soumis aux conditions et aux modalités de calcul de rémunération applicables au personnel de l’État. Le personnel transféré ne pouvait donc plus se prévaloir des avantages que leur accordait le CCNL du personnel des collectivités locales et, en particulier, des droits
pécuniaires accordés par celui-ci.

81. À titre d’exemple, dans un tel cas de figure de succession de conventions collectives, le personnel transféré ne peut plus invoquer auprès du cessionnaire le bénéfice d’une prime qui était prévue par la convention collective précédemment applicable chez le cédant. La composition et les modalités de calcul du salaire se trouvent, après le transfert, uniquement régies par la convention collective nouvellement applicable chez le cessionnaire (41).

82. Le problème principal est alors de savoir si, afin de déterminer la rémunération du personnel transféré en fonction des critères prévus par la convention collective applicable chez le cessionnaire, laquelle donne une place prédominante au critère de l’ancienneté, la directive 77/187 impose, même dans un cas de succession de conventions collectives, qu’il soit tenu compte de la totalité de l’ancienneté précédemment acquise par ce personnel auprès du cédant.

83. La jurisprudence de la Cour contient des éléments de réponse s’agissant de la question générale de la reconnaissance de l’ancienneté.

84. Ainsi, dans l’arrêt Collino et Chiappero, précité, la Cour a jugé que l’«ancienneté acquise auprès de leur ancien employeur par les travailleurs transférés ne constitue pas, en tant que telle, un droit que ceux-ci pourraient faire valoir auprès de leur nouvel employeur» (42). En revanche, selon elle, l’«ancienneté sert à déterminer certains droits des travailleurs de nature pécuniaire et ce sont ces droits qui devront, le cas échéant, être maintenus par le cessionnaire de la même manière
que chez le cédant» (43).

85. La Cour en a déduit que, «pour le calcul de droits de nature pécuniaire comme une indemnité de fin de contrat ou des augmentations de salaire, le cessionnaire est tenu de prendre en compte l’ensemble des années de service effectuées par le personnel transféré dans la mesure où cette obligation résultait de la relation de travail liant ce personnel au cédant et conformément aux modalités convenues dans le cadre de cette relation» (44).

86. Dans cet arrêt, la Cour aborde la question de la prise en compte de l’ancienneté selon une logique mettant l’accent sur le parallélisme des relations de travail successives et en se fondant sur la nécessité d’une équivalence de la protection des droits reconnus aux travailleurs dans le cadre de ces relations.

87. C’est d’ailleurs en vertu de cette même logique que la Cour tempère immédiatement le principe d’une reconnaissance par le cessionnaire des droits pécuniaires découlant de l’ancienneté dont le personnel transféré jouissait auprès du cédant en indiquant que, «dans la mesure où le droit national permet, en dehors de l’hypothèse d’un transfert d’entreprise, de modifier la relation de travail dans un sens défavorable aux travailleurs, notamment en ce qui concerne leur protection contre le
licenciement et leurs conditions de rémunération, une telle modification n’est pas exclue du seul fait que l’entreprise a entre-temps fait l’objet d’un transfert et que, par conséquent, l’accord a été convenu avec le nouveau chef d’entreprise. En effet, le cessionnaire étant subrogé au cédant en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive [77/187], en ce qui concerne les droits et obligations découlant de la relation de travail, celle-ci peut être modifiée à l’égard du cessionnaire dans les
mêmes limites qu’elle aurait pu l’être à l’égard du cédant, étant entendu que, dans aucune hypothèse, le transfert d’entreprise ne saurait constituer en lui-même le motif de cette modification» (45). Il s’agit là d’une des conséquences du mécanisme de subrogation. La relation de travail peut être modifiée à l’égard du cessionnaire dans les mêmes limites qu’elle aurait pu l’être à l’égard du cédant.

88. En résumé, il ressort de l’arrêt Collino et Chiappero, précité, que le personnel transféré peut invoquer dans le cadre de sa relation de travail avec le cessionnaire les mêmes droits pécuniaires découlant de l’ancienneté que ceux dont il bénéficiait dans le cadre de sa relation de travail avec le cédant. Cependant, le cessionnaire a toujours la possibilité de modifier les termes de la relation de travail, et notamment les conditions de rémunération, de la même manière que le cédant pouvait
le faire en vertu du droit national et en dehors de l’hypothèse du transfert.

89. La directive 77/187 a pour objet d’éviter que, à lui seul, le transfert d’entreprise soit l’occasion d’une dégradation de la situation du travailleur, c’est-à-dire de la suppression ou de la réduction de droits acquis. Seuls doivent être pris en considération les droits qui pouvaient être opposés au cédant. Il n’existe donc pas de droit à une égalité de traitement avec les nouveaux collègues (éventuellement mieux traités), pas plus qu’il n’existe de droit à une extension rétroactive des
règles éventuellement plus favorables prévues par le cessionnaire, au titre des années passées au service du cédant (46).

90. La teneur des droits et des obligations qui sont transmis dépend du droit national applicable et variera en conséquence. Ainsi que le répète la Cour, la directive 77/187 ne tend pas à instaurer un niveau de protection uniforme en fonction de critères communs. C’est pourquoi, comme elle l’a précisé dans son arrêt du 10 février 1988, Foreningen af Arbejdsledere i Danmark (47), le bénéfice de cette directive ne peut être invoqué que pour assurer que le travailleur intéressé est protégé dans
ses relations avec le cessionnaire de la même manière qu’il l’était dans ses relations avec le cédant, en vertu des règles du droit de l’État membre concerné (48).

91. Il en résulte que les travailleurs transférés ont droit à un calcul de leur rémunération prenant en compte l’ensemble de leur ancienneté acquise auprès du cédant seulement dans le cas où le contrat de travail conclu avec ce dernier accordait un tel droit et que ce droit n’a pas été valablement modifié par le cessionnaire indépendamment du transfert d’entreprise.

92. Or, nous avons vu que, sous l’empire du CCNL du personnel des collectivités locales, la rémunération était principalement calculée sur la base du type de fonction exercée et en intégrant des éléments de salaire accessoires, et donc pas de manière prépondérante sur la base de l’ancienneté. En vertu de la logique d’équivalence, le personnel transféré ne pourrait, par conséquent, pas, sur la base de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187, exiger du cessionnaire qu’il prenne en
compte la totalité de l’ancienneté passée au service du cédant.

93. En tout état de cause, compte tenu de nos remarques précédentes relatives à la portée de l’article 3, paragraphe 2, de cette directive tel qu’interprété par la Cour, nous doutons que, dans un cas de succession de conventions collectives tel que celui de l’affaire au principal, cette disposition permette aux travailleurs de se prévaloir auprès du cessionnaire des droits pécuniaires découlant de l’ancienneté dont ils auraient pu bénéficier en vertu de la convention collective liant le cédant.

94. Il convient, par ailleurs, de préciser que l’existence d’inégalités de salaires par rapport aux travailleurs qui ont déjà été employés auprès de l’État n’est pas, en soi, contraire à la directive 77/187. En effet, celle-ci ne va pas jusqu’à exiger que, par une fiction, les salariés du premier employeur soient rétroactivement assimilés à des salariés du second, avec exactement les mêmes droits que ceux-ci. Ladite directive pose le principe d’une poursuite de la relation de travail avec
maintien des conditions de travail et non celui d’une mutation de ces conditions en vue d’un alignement avec les conditions de travail des salariés qui ont toujours été employés par le nouvel employeur.

95. L’arrêt du 11 novembre 2004, Delahaye (49), sème cependant le doute quant à la portée de la directive 77/187 en matière de reconnaissance de l’ancienneté du personnel transféré dans la mesure où la Cour semble se montrer attentive à l’égalité de traitement entre le personnel transféré et le personnel déjà en service auprès du cessionnaire.

96. Les faits du litige au principal à l’origine de cet arrêt sont les suivants. M^me Delahaye était salariée d’une association dont l’activité a été transférée à l’État luxembourgeois. Par suite, elle a été embauchée en qualité d’employée de l’État luxembourgeois. En vertu du règlement grand-ducal concernant la rémunération des employés de l’État, M^me Delahaye s’est vu dès lors attribuer une rémunération inférieure à celle qu’elle percevait en application du contrat conclu avec son employeur
d’origine (50).

97. Dans cette affaire, la question posée par la Cour administrative (Luxembourg) visait, en substance, à savoir si la directive 77/187 s’opposait à ce que, en cas de transfert d’entreprise d’une personne morale de droit privé à l’État, celui-ci, en tant que nouvel employeur, procède à une réduction du montant de la rémunération des travailleurs concernés aux fins de se conformer aux règles nationales en vigueur relatives aux employés publics.

98. Selon la Cour, qui s’appuie sur sa jurisprudence et, en particulier, sur son arrêt Mayeur, précité, «[é]tant donné que la directive 77/187 ne vise qu’à une harmonisation partielle de la matière en question […], [celle-ci] ne s’oppose pas, en cas de transfert d’une activité à une personne morale de droit public, à l’application du droit national prescrivant la résiliation des contrats de travail de droit privé» (51). La Cour précise, toutefois, qu’«une telle résiliation doit s’analyser,
conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 77/187, en une modification substantielle des conditions de travail, au détriment du travailleur, résultant directement du transfert, en sorte que la résiliation desdits contrats de travail doit, dans une telle hypothèse, être considérée comme intervenue du fait de l’employeur» (52).

99. Transposant ce raisonnement à l’affaire en cause, la Cour considère qu’«il doit en aller de même lorsque […] l’application des règles nationales régissant la situation des employés de l’État comporte la réduction de la rémunération des travailleurs concernés par le transfert. Une telle réduction doit, lorsqu’elle est substantielle, s’analyser en une modification substantielle des conditions de travail au détriment des travailleurs en cause au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la
directive [77/187]» (53).

100. L’admission par la Cour d’une telle possibilité dans le chef des autorités publiques est cependant nuancée ensuite, lorsque celle-ci indique que les «autorités compétentes appelées à appliquer et à interpréter le droit national relatif aux employés publics sont tenues de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière de la finalité de la directive 77/187». Dans cette optique, la Cour observe qu’«il serait contraire à l’esprit de ladite directive de traiter l’employé repris du cédant en
ne tenant pas compte de son ancienneté dans la mesure où les règles nationales régissant la situation des employés de l’État prennent en considération l’ancienneté de l’employé de l’État pour le calcul de sa rémunération».

101. Les arrêts précités Collino et Chiappero ainsi que Delahaye peuvent, dès lors, paraître difficiles à concilier car ils adoptent deux logiques différentes. Alors que le premier repose sur l’idée d’une équivalence de la protection des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, le second met l’accent sur l’égalité de traitement entre le personnel transféré et le personnel déjà en service auprès du cessionnaire.

102. Si l’égalité de traitement entre le personnel transféré et le personnel déjà en service auprès du cessionnaire est souhaitable en cas de transfert d’entreprise, nous ne pensons cependant pas que la directive 77/187 l’impose. Il nous paraît donc plus conforme à l’esprit de cette directive de suivre la démarche fondée sur l’équivalence de protection inhérente au mécanisme de subrogation qui a été empruntée par la Cour dans son arrêt Collino et Chiappero, précité.

103. Nous déduisons de l’ensemble de ces éléments que, dans un cas de figure tel que celui de l’affaire au principal, où, d’une part, les conditions de rémunération prévues par la convention collective en vigueur auprès du cédant ne sont pas principalement basées sur le critère de l’ancienneté acquise auprès de cet employeur et, d’autre part, la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire remplace celle qui était en vigueur auprès du cédant, l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la
directive 77/187 doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que le cessionnaire prenne en compte l’ancienneté acquise auprès du cédant par le personnel transféré aux fins du calcul de la rémunération de ce personnel, et ce alors même que la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire prévoit que le calcul de la rémunération est principalement basé sur le critère de l’ancienneté.

C – Sur la quatrième question

104. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si plusieurs principes généraux du droit de l’Union font obstacle à l’adoption par un État membre d’une disposition nationale telle que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005.

105. Il convient de rappeler le contexte dans lequel cette question intervient. En adoptant l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005, le législateur italien a souhaité préciser la portée qu’il entendait donner à la loi n° 124/99 en ce qui concerne le point de savoir si le transfert du personnel ATA devait s’accompagner d’une prise en compte par l’État de la totalité de l’ancienneté acquise par ce personnel auprès des collectivités locales. Prenant le contre-pied d’une jurisprudence
dégagée par la Corte suprema di cassazione, ce législateur a considéré que la rémunération du personnel transféré devait s’établir «sur la base de la prestation économique globale dont il bénéficiait au moment du transfert, avec l’attribution de la position salariale de montant égal ou immédiatement inférieur au traitement annuel dont il bénéficiait au 31 décembre 1999, constitué du salaire, de l’allocation individuelle d’ancienneté, ainsi que d’éventuelles indemnités, s’il y a lieu, prévues par le
[CCNL du personnel des collectivités locales] en vigueur à la date de l’incorporation dans l’administration de l’État». Le législateur italien a ainsi indiqué que, malgré l’interprétation dominante retenue par les tribunaux nationaux, la loi n° 124/99 ne devait pas s’entendre comme basant le calcul de la rémunération du personnel transféré sur le critère de l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales.

106. Nous avons vu que cette position du législateur italien ne peut, à notre avis, pas être considérée comme étant contraire à la directive 77/187 puisque celle-ci n’impose pas, dans un cas de figure tel que celui en cause dans l’affaire au principal, une prise en compte de la totalité de l’ancienneté précédemment acquise auprès des collectivités locales par le personnel transféré.

107. Dans la mesure où l’interprétation de la loi n° 124/99 contenue à l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 produit un effet immédiat sur toute une série de procédures judiciaires en cours, dont celle initiée par M^me Scattolon, et cela en faveur de la position défendue par l’État italien, la juridiction de renvoi souhaite également savoir si une telle intervention du législateur italien est conforme ou non aux principes généraux du droit de l’Union. Il ressort tant de la décision
de renvoi que des observations qui ont été soumises à la Cour à l’écrit et à l’oral que cette question concerne au premier chef l’interprétation du principe de protection juridictionnelle effective et, en particulier, le droit à un procès équitable (54).

108. Conformément à une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH (55). Ce principe a été réaffirmé par l’article 47 de la charte, laquelle a acquis, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, «la même valeur juridique que les traités» (56). Dans la mesure où la charte occupe, à
présent, une place centrale dans le système de protection des droits fondamentaux au sein de l’Union, elle doit, à notre avis, constituer la norme de référence à chaque fois que la Cour est amenée se prononcer sur la conformité d’un acte de l’Union ou d’une disposition nationale avec des droits fondamentaux protégés par la charte (57).

109. Avant de fournir, le cas échéant, à la juridiction de renvoi les éléments d’interprétation qui lui permettront d’apprécier la conformité de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 avec l’article 47 de la charte, il convient de vérifier si la Cour est bien compétente pour ce faire.

1. Sur la compétence de la Cour pour répondre à la quatrième question

110. Selon le type de situation qui lui est soumis (58), la Cour impose aux États membres de respecter les droits fondamentaux protégés dans l’ordre juridique communautaire, d’une part, lorsque ces États mettent en œuvre le droit de l’Union et, d’autre part, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit de l’Union.

111. Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, les exigences découlant de la protection des principes généraux reconnus dans l’ordre juridique communautaire, au nombre desquels figurent les droits fondamentaux, lient également les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre des réglementations communautaires et, par suite, ceux-ci sont tenus, dans toute la mesure du possible, d’appliquer ces réglementations dans des conditions qui ne méconnaissent pas lesdites exigences (59).

112. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit communautaire, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels qu’ils résultent, en particulier, de la CEDH (60). En revanche, la Cour n’a pas cette compétence à
l’égard d’une réglementation qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire et lorsque l’objet du litige ne présente aucune élément de rattachement au droit communautaire (61).

113. Compte tenu de la réponse que nous proposons à la Cour d’apporter à la première question, c’est-à-dire que le transfert en cause dans l’affaire au principal constitue un transfert d’entreprise au sens de la directive 77/187 et doit donc avoir lieu conformément aux règles énoncées dans cette directive (telles que transposées par l’article 2112 du code civil italien et l’article 34 du décret-loi n° 29/93), la présente affaire s’éloigne nettement des situations ayant donné lieu à des décisions
dans lesquelles la Cour s’est déclarée incompétente pour interpréter des principes généraux et des droits fondamentaux au motif que le litige ne présentait pas un lien de rattachement suffisant avec le droit de l’Union (62).

114. En effet, la loi n° 124/99 telle que précisée en 2005 par le législateur italien a pour objet de définir l’une des modalités du transfert du personnel ATA des collectivités locales vers l’État, à savoir le mode de calcul de leur rémunération à la suite du transfert. Dans la mesure où il s’agit d’un transfert entrant dans le champ d’application de la directive 77/187, une telle législation doit être considérée comme présentant un lien de rattachement suffisant avec le droit de l’Union. Puisque
la législation nationale contestée se situe bien dans le cadre du droit de l’Union, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale les éléments nécessaires pour apprécier la compatibilité de cette législation avec le principe de protection juridictionnelle effective (63).

115. Il ne saurait, selon nous, en aller autrement s’agissant de l’article 47 de la charte.

116. Nous savons que, afin de délimiter le champ d’application de la charte, les rédacteurs de celle-ci ont retenu la formule découlant de l’arrêt Wachauf, précité (64). L’article 51, paragraphe 1, de la charte prévoit ainsi que les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres «uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union».

117. Eu égard à ce libellé, la question de savoir si le champ d’application de la charte, tel qu’il est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, coïncide avec celui des principes généraux du droit de l’Union est débattue et ne trouve pas encore dans la jurisprudence de la Cour une réponse certaine (65). Alors que les tenants d’une conception restrictive de la notion de mise en œuvre du droit de l’Union soutiennent que celle-ci vise uniquement la situation dans laquelle un État membre agit
en tant qu’agent de l’Union, les tenants d’une conception extensive considèrent que ladite notion vise plus largement la situation dans laquelle une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit de l’Union.

118. Selon nous, la formule retenue par les rédacteurs de la charte ne signifie pas qu’ils ont voulu restreindre le champ d’application de celle-ci par rapport à la définition prétorienne du champ d’application des principes généraux du droit de l’Union. En témoignent les explications afférentes à l’article 51, paragraphe 1, de la charte, lesquelles, conformément à l’article 6, paragraphe 1, dernier alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la charte, doivent être prises en considération pour
l’interprétation de celle-ci.

119. Nous notons, à cet égard, que ces explications indiquent que, en ce qui concerne les États membres, «il résulte sans ambiguïté de la jurisprudence de la Cour que l’obligation de respecter les droits fondamentaux définis dans le cadre de l’Union ne s’impose aux États membres que lorsqu’ils agissent dans le champ d’application du droit de l’Union». Par ailleurs, ces mêmes explications visent la jurisprudence relative aux différents cas de rattachement d’une réglementation nationale avec le droit
de l’Union que nous avons évoqués précédemment. Ces deux éléments permettent, à notre avis, à la Cour d’adopter une interprétation large de l’article 51, paragraphe 1, de la charte sans dénaturer l’intention des rédacteurs de celle-ci (66). Il pourrait ainsi être admis que cet article, lu à la lumière des explications qui s’y rattachent, doit être interprété en ce sens que les dispositions de la charte s’adressent aux États membres lorsque ceux-ci agissent dans le champ d’application du droit de
l’Union. Par ailleurs, si l’on se réfère au cas particulier des directives, il conviendrait de ne pas cantonner la notion de mise en œuvre du droit de l’Union aux seules mesures de transposition de celles-ci. Une telle notion devrait, à notre avis, être comprise comme visant les applications ultérieures et concrètes des règles énoncées par une directive (67), ainsi que, de manière générale, toutes les situations dans lesquelles une réglementation nationale «appréhende» ou «affecte» une matière régie
par une directive dont le délai de transposition est expiré (68).

120. Outre le fait qu’une restriction du champ d’application de la charte par rapport à celui des droits fondamentaux reconnus en tant que principes généraux du droit de l’Union n’a pas, à notre avis, été souhaitée par les rédacteurs de la charte, une interprétation stricte de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci ne paraît pas souhaitable. Elle aboutirait, en effet, à créer deux régimes différents de protection des droits fondamentaux au sein de l’Union, selon que ceux-ci découlent de la charte
ou bien de principes généraux du droit. Cela affaiblirait le niveau de protection de ces droits, ce qui pourrait apparaître antinomique avec la lettre de l’article 53 de la charte, lequel prévoit, notamment, qu’«[a]ucune disposition de [celle-ci] ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union».

121. Dès lors que la compétence de la Cour pour répondre à la quatrième question nous paraît acquise, il convient, à présent, de fournir à la juridiction de renvoi les éléments qui lui permettront d’apprécier la conformité de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 avec l’article 47 de la charte.

2. Sur l’interprétation de l’article 47 de la charte

122. Comme le confirme l’article 47 de la charte, le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective comprend le droit à un recours effectif, garantissant notamment au requérant que sa cause soit entendue équitablement. Dans la mesure où l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 influe sur la procédure judiciaire intentée par M^me Scattolon, et ce en faveur de l’État italien, le droit de celle-ci à un recours effectif est susceptible d’être affecté.

123. Il convient, néanmoins, de préciser que l’article 52, paragraphe 1, de la charte admet que des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et des libertés reconnus par cette dernière, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel desdits droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin
de protection des droits et des libertés d’autrui.

124. En outre, l’article 52, paragraphe 3, de la charte précise que, dans la mesure où elle contient des droits correspondant à ceux garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère cette convention (69). Selon l’explication de ladite disposition, le sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte de la CEDH, mais aussi, notamment, par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

125. En vue de fournir à la juridiction de renvoi les éléments nécessaires pour qu’elle puisse apprécier la conformité de l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 avec l’article 47 de la charte, nous suivrons donc la grille d’analyse élaborée par la Cour européenne des droits de l’homme dans des cas similaires de violation alléguée de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH en raison de l’impact d’une loi rétroactive sur des procédures judiciaires en cours.

126. Nous examinerons ainsi, dans un premier temps, s’il existe une ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice. Si tel est le cas, il nous faudra, dans un second temps, vérifier s’il existe un impérieux motif d’intérêt général justifiant cette ingérence.

a) Sur l’existence d’une ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice

127. Ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme l’a précisé dans son arrêt Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c. France du 28 octobre 1999 (70), «si, en principe, le pouvoir législatif n’est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 [de la CEDH] s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs
d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige» (71).

128. Il ressort de cet arrêt que la première étape de l’examen de la compatibilité d’une loi rétroactive avec l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH est l’existence d’une influence sur des litiges pendants devant une juridiction.

129. Dans l’arrêt Lilly France c. France du 25 novembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle qu’elle se borne à constater que la loi litigieuse a fait obstacle à ce qu’une juridiction se prononce sur le litige en cause (72). Dans l’arrêt Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c. France, précité, elle souligne que la loi litigieuse fixe définitivement les termes du débat soumis aux juridictions de l’ordre judiciaire, et ce de manière rétroactive (73). La compétence de la
juridiction appelée à statuer sur le litige se voit donc écartée au profit de l’interprétation donnée par le législateur national. Quand bien même ce dernier aurait pris soin d’écarter l’application de la loi rétroactive aux décisions devenues définitives, l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice est avérée dès lors que la juridiction se voit tenue par la lettre du texte.

130. Dans le cadre de l’affaire au principal, l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 donne une interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 dont les effets sont rétroactifs «sous réserve de l’exécution des décisions de justice rendues à la date d’entrée en vigueur de la présente loi».

131. La condition d’une ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice paraît être remplie. Il est, en effet, constant que la nouvelle interprétation législative a un impact direct sur le procès opposant M^me Scattolon à l’État, et ce en défaveur de la requérante puisque la loi interprétative écarte l’interprétation favorable au personnel transféré que la Corte suprema di cassazione et la plupart des juridictions du fond avaient précédemment retenue. Peu importe, à cet égard,
que l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 soit appréhendé comme étant une norme d’interprétation authentique ou bien comme une norme ayant un contenu innovant.

132. Il nous faut, à présent, vérifier si une telle ingérence peut être considérée comme étant justifiée par un impérieux motif d’intérêt général.

b) Sur l’existence d’un impérieux motif d’intérêt général justifiant l’ingérence

133. De manière générale, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme tend à exclure le motif financier comme étant apte à justifier, à lui seul, une ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice (74). Cependant, dans son arrêt National & Provincial Building Society, the Leeds Permanent Building Society et the Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni du 23 octobre 1997 (75), la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le souci de l’État de
préserver le niveau des recettes fiscales constitue un motif d’intérêt général (76). Il est intéressant de relever que, dans cette dernière affaire, la loi rétroactive avait pour but de rétablir l’intention initiale du législateur et de corriger des vices d’ordre technique dans la rédaction de la réglementation (77). Par ailleurs, dans son arrêt OGIS-Institut Stanislas, OGEC St. Pie X et Blanche de Castille et autres c. France du 27 mai 2004, il est question de combler un vide juridique (78).

134. Il ressort de cette jurisprudence que la Cour européenne des droits de l’homme tend à accepter l’existence d’un motif d’intérêt général lorsqu’il s’agit d’atteindre une bonne législation (comprenant, notamment, la rectification d’une erreur technique et le comblement d’un vide juridique) ou de favoriser la conduite d’un projet profitable au plus grand nombre (79). Le motif financier ne suffit pas à lui seul, mais il peut prospérer dès lors qu’il s’accompagne d’une autre finalité d’intérêt
général.

135. Dans l’affaire au principal, le gouvernement italien justifie l’intervention de la loi n° 266/2005 par le fait que la formulation de l’article 8, paragraphe 2, de la loi n° 124/99 était incertaine et qu’elle avait donné lieu à de nombreux contentieux. Cette justification pourrait être rapprochée de celle tendant à atteindre une bonne législation, c’est-à-dire une législation dont la portée est clarifiée.

136. S’agissant, en revanche, de l’argument selon lequel il était nécessaire de mettre fin à des divergences de jurisprudence, outre le fait que de telles divergences doivent être démontrées, il convient de noter que la Cour européenne des droits de l’homme se montre réservée pour l’admettre. En effet, dans son arrêt Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c. France, précité, cette Cour a considéré que des divergences de jurisprudence sont inhérentes à tout système judiciaire. Cet argument n’est
donc, à lui seul, pas pertinent aux yeux de ladite Cour.

137. S’il est démontré que le législateur italien a voulu, en 1999, laisser aux partenaires sociaux ainsi qu’au pouvoir réglementaire le soin de mettre en œuvre les modalités concrètes de l’incorporation du personnel transféré, notamment en ce qui concerne la rémunération de celui-ci après le transfert, il pourrait être possible d’accepter une intervention ultérieure de ce même législateur destinée à mettre un terme à une jurisprudence qui ne correspond ni au souhait initial dudit législateur ni aux
modalités d’application définies par les partenaires sociaux, puis validées par le pouvoir réglementaire. Nous observons, à ce propos, que les précisions apportées par le législateur en 2005 confirment l’interprétation retenue par les partenaires sociaux à la suite de la loi n° 124/99, lesquels ont établi, comme les y invitait le décret ministériel du 23 juillet 1999, les critères d’incorporation du personnel transféré. Il pourrait, dès lors, être admis, comme la Corte suprema di cassazione l’a
elle-même reconnu dans un arrêt du 16 janvier 2008 (80), que les précisions apportées par le législateur italien en 2005 relatives à la base de calcul du traitement annuel du personnel transféré correspondaient à l’une des modalités possibles de la reconnaissance, sur les plans économique et juridique, de l’ancienneté acquise. Le législateur italien a ainsi fait le choix d’une reconnaissance partielle de l’ancienneté en se basant, pour le classement du personnel transféré, sur la rémunération perçue
par celui-ci au 31 décembre 1999.

138. Le gouvernement italien avance le motif tiré de la nécessité de garantir la neutralité budgétaire de l’opération de transfert afin de justifier un tel choix.

139. Il peut paraître légitime que l’État italien ait souhaité regrouper en un seul et même corps le personnel ATA travaillant ensemble mais qui était soumis à deux régimes différents et, en particulier, qu’il ait voulu uniformiser les conditions de rémunération de ce personnel en faisant en sorte que, dans le même temps, cette opération soit neutre sur le plan budgétaire, c’est-à-dire, en d’autres termes, qu’elle soit réalisée à coûts constants.

140. Il importe, cependant, que le gouvernement italien démontre que l’impératif de neutralité budgétaire était bien au cœur de la réforme initiale et que l’intervention du législateur en 2005 visait bien à sauvegarder un tel objectif. En particulier, il lui incombe de démontrer que seule l’interprétation reposant sur une prise en compte seulement partielle de l’ancienneté était apte à garantir la neutralité budgétaire de la réforme.

141. Nous observons que, devant la Cour, le gouvernement italien a fait valoir que la réforme initiée en 1999, accompagnée de la prise en compte seulement partielle de l’ancienneté du personnel transféré, n’a pas porté atteinte à la situation pécuniaire de ce personnel. Face à cette affirmation, M^me Scattolon n’est pas, selon nous, parvenue à démontrer de manière rigoureuse et certaine que la situation pécuniaire du personnel transféré s’est dégradée après le transfert (81). Les éléments dont nous
disposons ne parviennent donc pas à nous convaincre que l’intervention du législateur en 2005 visait un but autre que celui de garantir la neutralité budgétaire de la réforme.

142. C’est à la juridiction de renvoi qu’il revient, en définitive, de vérifier, notamment sur la base d’éléments chiffrés relatifs aux coûts comparés des deux interprétations soutenues (82), que l’interprétation retenue par le législateur italien en 2005 est bien apte à répondre à l’objectif légitime de neutralité budgétaire d’une réforme administrative telle que celle en cause au principal et qu’elle n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit protégé par l’article 47 de la charte.

143. Nous déduisons de ces éléments que l’article 47 de la charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition législative telle que celle contenue à l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005, à condition qu’il soit démontré, notamment sur la base d’éléments chiffrés, que l’adoption de celle-ci visait bien à garantir la neutralité budgétaire de l’opération de transfert du personnel ATA des collectivités locales vers l’État, ce qu’il incombe à la juridiction de
renvoi de vérifier.

IV – Conclusion

144. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions posées par le Tribunale ordinario di Venezia de la manière suivante:

«1) La directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à un transfert tel que celui en cause dans l’affaire au principal, à savoir le transfert du personnel chargé des services auxiliaires de nettoyage, d’entretien et de surveillance des
bâtiments scolaires de l’État des collectivités publiques locales (communes et provinces) vers l’État.

2) Dans un cas de figure tel que celui de l’affaire au principal, où, d’une part, les conditions de rémunération prévues par la convention collective en vigueur auprès du cédant ne sont pas principalement basées sur le critère de l’ancienneté acquise auprès de cet employeur et, d’autre part, la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire remplace celle qui était en vigueur auprès du cédant, l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 77/187 doit être interprété en ce sens qu’il
n’exige pas que le cessionnaire prenne en compte l’ancienneté acquise auprès du cédant par le personnel transféré aux fins du calcul de la rémunération de ce personnel, et ce alors même que la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire prévoit que le calcul de la rémunération est principalement basé sur le critère de l’ancienneté.

3) L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition législative telle que celle contenue à l’article 1^er, paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 portant dispositions relatives à l’établissement du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances pour 2006) [legge n. 266/2005 – disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2006)], du 23 décembre
2005, à condition qu’il soit démontré, notamment sur la base d’éléments chiffrés, que l’adoption de celle-ci visait bien à garantir la neutralité budgétaire de l’opération de transfert du personnel administratif, technique et auxiliaire (ATA) des collectivités locales vers l’État, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.»

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1 – Langue originale: le français.

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2 – JO L 61, p. 26.

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3 – Ci-après la «charte».

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4 – JO L 201, p. 88.

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5 – Voir notamment, par analogie, arrêts du 20 novembre 2003, Abler e.a. (C‑340/01, Rec. p. I‑14023, point 5), ainsi que du 9 mars 2006, Werhof (C‑499/04, Rec. p. I‑2397, points 15 et 16).

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6 – JO L 82, p. 16.

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7 – Supplément ordinaire à la GURI n° 30, du 6 février 1993, ci-après le «décret-loi n° 29/93».

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8 – GURI n° 107, du 10 mai 1999, ci-après la «loi n° 124/99».

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9 – GURI n° 16, du 21 janvier 2000, ci-après le «décret ministériel du 23 juillet 1999».

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10 – GURI n° 162, du 14 juillet 2001, ci-après le «décret ministériel du 5 avril 2001».

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11 – Supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 29 décembre 2005, ci-après la «loi n° 266/2005».

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12 – GURI du 4 juillet 2007.

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13 – GURI du 2 décembre 2009.

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14 – GURI du 18 juin 2008.

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15 – C‑298/94, Rec. p. I‑4989.

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16 – Point 14.

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17 – Respectivement, points 13 et 15.

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18 – Point 16.

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19 – Point 17. Comme l’a relevé l’avocat général Alber au point 49 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero (C‑343/98, Rec. p. I‑6659), «[d]ans sa motivation, la Cour a insisté en particulier sur le fait que la restructuration ne portait pas sur des activités économiques. On peut en déduire que le champ d’application de la directive [77/187] ne dépend pas de la personne du cédant ni de son appartenance au droit public ou au droit privé,
dès lors qu’il exerce une activité économique. Ce qui est déterminant, ce n’est donc pas la qualité du cédant, mais la nature de l’activité exercée. Les activités relevant de l’exercice de la puissance publique ne peuvent faire l’objet d’un transfert d’entreprise au sens de [cette] directive».

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20 – Voir, notamment, arrêts du 10 décembre 1998, Hidalgo e.a. (C‑173/96 et C‑247/96, Rec. p. I‑8237, point 24), pour une activité d’aide à domicile de personnes défavorisées ainsi qu’une activité de gardiennage; Collino et Chiappero, précité (points 31 et 32), ainsi que du 26 septembre 2000, Mayeur (C‑175/99, Rec. p. I‑7755, points 28 à 40).

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21 – C‑151/09, non encore publié au Recueil.

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22 – Point 12.

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23 – C‑463/09, non encore publié au Recueil.

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24 – Point 11.

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25 – Arrêts précités UGT-FSP (point 23 et jurisprudence citée) ainsi que CLECE (point 26 et jurisprudence citée).

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26 – Arrêt CLECE, précité (point 29 et jurisprudence citée).

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27 – Ibidem (point 30 et jurisprudence citée).

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28 – Voir, à cet égard, arrêt Collino et Chiappero, précité (point 34 et jurisprudence citée).

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29 – Arrêt CLECE, précité (point 34 et jurisprudence citée).

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30 – Ibidem (point 35 et jurisprudence citée).

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31 – Ibidem (point 36 et jurisprudence citée).

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32 – Ibidem (point 39 et jurisprudence citée).

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33 – A contrario, l’identité d’une entité économique qui repose essentiellement sur la main-d’œuvre ne peut être maintenue si l’essentiel de ses effectifs n’est pas repris par le cessionnaire (voir arrêt CLECE, précité, point 41).

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34 – Voir arrêt du 11 juillet 1985, Foreningen af Arbejdsledere i Danmark (105/84, Rec. p. 2639, points 26 et 27).

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35 – Voir p. 13 de la version en langue française de la décision de renvoi.

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36 – Arrêt Werhof, précité (point 28).

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37 – Voir, à ce sujet, Moizard, N., «Droit social de l’Union européenne», Jurisclasseur Europe, 2010, fascicule 607, pour qui la circonstance que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 77/187 vise «l’application d’une autre convention collective» signifie que, «lorsqu’une autre convention collective s’applique chez le cessionnaire, celle-ci se substitue immédiatement à la convention de même niveau régissant initialement l’entité cédée» (point 33).

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38 – Voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2003, Martin e.a. (C‑4/01, Rec. p. I‑12859, point 47).

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39 – Arrêt du 27 novembre 2008, Juuri (C‑396/07, Rec. p. I‑8883, point 33).

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40 – Ibidem (point 34).

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41 – Si certains éléments de la rémunération prévus par le CCNL du personnel des collectivités locales ont été maintenus par le législateur italien, c’est donc en vertu non pas d’une obligation imposée par la directive 77/187, mais de la seule volonté de ce législateur (il s’agit de l’allocation individuelle d’ancienneté et de trois autres indemnités).

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42 – Point 50.

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43 – Idem.

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44 – Point 51.

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45 – Point 52.

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46 – Voir point 94 des conclusions de l’avocat général Alber dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Collino et Chiappero, précité.

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47 – 324/86, Rec. p. 739.

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48 – Point 16.

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49 – C‑425/02, Rec. p. I‑10823.

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50 – Elle indiquait avoir été classée, sans reprise d’ancienneté, au premier degré, dernier échelon, de la grille des rémunérations, ce qui a eu pour conséquence de lui faire perdre 37 % de son salaire mensuel (point 17 de l’arrêt).

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51 – Arrêt Delahaye, précité (point 32).

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52 – Idem.

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53 – Ibidem (point 33).

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54 – Il convient d’indiquer que la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie parallèlement d’un problème similaire, sur la base de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, par trois requêtes. Il s’agit des requêtes n^o 43549/08, Agrati et autres c. Italie; n° 5087/09, Carlucci c. Italie, ainsi que n° 6107/09, Cioffi et autres c. Italie. Le 5 novembre 2009, la deuxième section de la Cour européenne des droits de l’homme a adressé les questions suivantes aux parties:

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«1. L’application de l’article 1^er de la [loi n° 266/2005] à une procédure déjà en cours devant les juridictions a-t-elle porté atteinte à la prééminence du droit ou à l’équité de la procédure telles que garanties par l’article 6 de la [CEDH]?

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2. Dans l’affirmative, cette ingérence était-elle justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général et était-elle suffisamment proportionnée au(x) but(s) poursuivi(s) par le législateur?

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3. Compte tenu de l’adoption de l’article 1^er de la [loi n° 266/2005] et de son application par les juridictions internes dans une instance déjà en cours, y a-t-il eu atteinte au droit des requérants au respect de leurs biens, au sens de l’article 1^er du Protocole n° 1 [à la CEDH]?»

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55 – Voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, non encore publié au Recueil, point 29 et jurisprudence citée).

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56 – Voir article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE.

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57 – Voir, en ce sens, concernant l’appréciation de la validité d’un acte de l’Union, arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, non encore publié au Recueil, points 45 et 46).

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58 – Selon qu’un État membre agit en tant qu’«agent de l’Union» en prenant les dispositions nationales imposées par une réglementation communautaire, qu’il adopte une réglementation nationale dérogeant à une liberté de circulation reconnue par le traité ou bien, plus largement, qu’il tend à atteindre l’objectif visé par une réglementation communautaire en adoptant les dispositions nationales qui lui paraissent nécessaires à cette fin. Pour une illustration de ces trois cas de figure, voir, notamment
et respectivement, arrêts du 13 juillet 1989, Wachauf (5/88, Rec. p. 2609); du 18 juin 1991, ERT (C‑260/89, Rec. p. I‑2925), ainsi que du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood (C‑20/00 et C‑64/00, Rec. p. I‑7411).

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59 – Voir, notamment, arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, Rec. p. I‑5769, point 105 et jurisprudence citée).

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60 – Voir, notamment, arrêt du 10 avril 2003, Steffensen (C‑276/01, Rec. p. I‑3735, point 70 et jurisprudence citée).

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61 – Voir, notamment, ordonnance du 27 novembre 2009, Noël (C‑333/09, point 11 et jurisprudence citée).

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62 – Voir, notamment, arrêts du 13 juin 1996, Maurin (C‑144/95, Rec. p. I‑2909), et du 18 décembre 1997, Annibaldi (C‑309/96, Rec. p. I‑7493), ainsi que ordonnances du 6 octobre 2005, Vajnai (C‑328/04, Rec. p. I‑8577); du 25 janvier 2007, Koval’ský (C‑302/06), et du 12 novembre 2010, Asparuhov Estov e.a. (C‑339/10, non encore publiée au Recueil).

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63 – Bien entendu, l’existence d’un lien de rattachement suffisant avec le droit de l’Union doit ressortir clairement de la décision de renvoi. En l’absence d’une telle démonstration, la Cour se déclarera manifestement incompétente, comme ce fut le cas, dans une affaire analogue à celle sous examen, dans l’ordonnance du 3 octobre 2008, Savia e.a. (C‑287/08).

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64 – Point 19 de l’arrêt.

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65 – Voir, notamment, sur cette question, Lenaerts, K., et Gutiérrez-Fons, J. A., «The constitutional allocation of powers and general principles of EU law», Common Market Law Review, 2010, n° 47, p. 1629, spécialement p. 1657 à 1660; Tridimas, T., «The General Principles of EU Law», 2^e éd., Oxford University Press, 2006, p. 363; Egger, A., «EU-Fundamental Rights in the National Legal Order: The Obligations of Member States Revisited», Yearbook of European Law, vol. 25, 2006, p. 515, spécialement
p. 547 à 550, et Jacqué, J. P., «La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne: aspects juridiques généraux», REDP, vol. 14, n° 1, 2002, p. 107, spécialement p. 111.

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66 – Voir Rosas, A., et Kaila, H., «L’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par la Cour de justice: un premier bilan», Il Diritto dell’Unione Europea, 1/2011. Ces auteurs indiquent, en se référant aux explications relatives à la charte et tout en soulignant que la question est discutée dans la doctrine, qu’«il peut être défendu que l’expression ‘lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union’, employée à l’article 51, paragraphe 1, de la [c]harte, appelle une
interprétation plutôt large». Selon eux, «[c]e qui importerait, notamment à la lumière de la jurisprudence de la Cour, serait l’existence d’un élément de rattachement à ce droit». Nous notons également que, dans son ordonnance Asparuhov Estov e.a., précitée, la Cour constate que sa compétence pour interpréter la charte n’est pas établie, dans la mesure où la décision de renvoi ne contient aucun élément démontrant que la décision nationale en cause «constituerait une mesure de mise en œuvre du droit
de l’Union ou qu’elle présenterait d’autres éléments de rattachement à ce dernier» (point 14). Cette référence à «d’autres éléments de rattachement» au droit de l’Union milite plutôt en faveur d’une appréhension large par la Cour de sa compétence pour interpréter la charte.

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67 – Arrêt du 23 novembre 2010, Tsakouridis (C‑145/09, non encore publié au Recueil, points 50 à 52).

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68 – Arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, non encore publié au Recueil, points 22 à 26).

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69 – Cette disposition ne fait cependant pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue (voir article 52, paragraphe 3, seconde phrase, de la charte).

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70 – Recueil des arrêts et décisions 1999-VII.

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71 – § 57.

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72 – § 49.

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73 – § 58.

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74 – Voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêts Lecarpentier et autre c. France du 14 février 2006 (§ 47), ainsi que Cabourdin c. France du 11 avril 2006 (§ 37).

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75 – Recueil des arrêts et décisions, 1997-VII.

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76 – § 80 à 83.

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77 – § 81.

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78 – § 71.

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79 – Voir Sudre, F., e.a., Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 5^e éd., PUF, Paris, 2009, p. 307.

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80 – Arrêt n° 677 de la chambre du travail.

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81 – Il ressort de l’audience qui s’est tenue le 1^er février 2011 devant la Cour que les quelques centaines d’euros que M^me Scattolon indiquait avoir perdu à la suite du transfert doivent plutôt s’analyser comme un manque à gagner par rapport à la hausse de salaire dont elle aurait pu bénéficier si son ancienneté totale avait été reconnue. Par ailleurs, s’agissant de la perte éventuelle d’indemnités prévues par le CCNL du personnel des collectivités locales, autres que celles dont l’article 1^er,
paragraphe 218, de la loi n° 266/2005 prévoit la reconduction, rien n’indique qu’elles ne trouvent pas globalement leur équivalent dans le CCNL de l’école.

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82 – La nécessité de tels éléments chiffrés résulte, notamment, de l’arrêt Lilly France c. France, précité (§ 51).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-108/10
Date de la décision : 05/04/2011
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Venezia - Italie.

Politique sociale - Directive 77/187/CEE - Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise - Notions d’‘entreprise’ et de ‘transfert’ - Cédant et cessionnaire de droit public - Application, dès la date du transfert, de la convention collective en vigueur chez le cessionnaire - Traitement salarial - Prise en compte de l’ancienneté acquise auprès du cédant.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Ivana Scattolon
Défendeurs : Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Ilešič

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:211

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