Affaire C-148/09 P
Royaume de Belgique
contre
Deutsche Post AG
et
DHL International
«Pourvoi — Recours en annulation — Aides d’États — Article 88, paragraphe 3, CE — Règlement (CE) nº 659/1999 — Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections — Notion de ‘doutes’ — Services d’intérêt économique général»
Sommaire de l'arrêt
1. Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen — Recours des intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Recevabilité — Conditions
(Art. 88, § 2, CE et 230, al. 4, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, h), 4, § 3, et 6, § 1)
2. Recours en annulation — Personnes physiques ou morales — Actes les concernant directement et individuellement — Décision de la Commission constatant la compatibilité d'une aide étatique avec le marché commun sans ouverture de la procédure formelle d'examen — Recours des intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE — Identification de l'objet du recours
(Art. 88, § 2, CE et 230, al. 4, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, h), 4, § 3, et 6, § 1)
3. Aides accordées par les États — Projets d'aides — Examen par la Commission — Phase préliminaire et phase contradictoire — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Difficultés d'appréciation — Obligation de la Commission d'ouvrir la procédure contradictoire — Notion de doutes — Caractère objectif
(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 4, § 3, 4 et 5, et 6, § 1)
1. Dans le domaine des aides d'État, la légalité d'une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 88 CE, dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à
l’article 1er , sous h), dudit règlement, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union.
(cf. point 54)
2. Dans le domaine des aides d'État, un requérant qui conteste la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de
transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 portant modalités d'application de l'article 88 CE.
Il n’appartient pas au juge de l’Union d’interpréter le recours d’un requérant mettant en cause exclusivement le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide en tant que telle comme visant en réalité à sauvegarder les droits procéduraux que le requérant tire des articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 lorsque le requérant n’a pas expressément formé de moyen poursuivant cette fin. Dans une telle hypothèse, l’interprétation du moyen conduirait en fait à une
requalification de l’objet du recours.
(cf. points 55, 58)
3. Il résulte de l’article 4, paragraphe 4, du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 88 CE, que, si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que le projet d'aide suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle est tenue d’adopter une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement.
La notion de doutes visée à l’article 4, paragraphe 4, du règlement nº 659/1999 revêtant un caractère objectif, l’existence de ceux-ci doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué, mais également dans les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission.
S’agissant de la durée et des circonstances de la procédure d’examen préliminaire, s’il est vrai qu’une durée excédant le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 659/1999 ainsi que le nombre de demandes de renseignements adressées à l'État membre concerné ne permettent pas à eux seuls de déduire que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, il n’en reste pas moins que ces éléments peuvent constituer des indices de ce que la Commission a pu avoir des
doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.
(cf. points 77, 79, 81)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
22 septembre 2011 (*)
«Pourvoi – Recours en annulation – Aides d’États – Article 88, paragraphe 3, CE – Règlement (CE) n° 659/1999 – Décision de la Commission de ne pas soulever d’objections – Notion de ‘doutes’ – Services d’intérêt économique général»
Dans l’affaire C‑148/09 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 24 avril 2009,
Royaume de Belgique, représenté par M^me C. Pochet et M. T. Materne, en qualité d’agents, assistés de M^e J. Meyers, advocaat,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant:
Deutsche Post AG, établie à Bonn (Allemagne), représentée par M^es T. Lübbig et J. Sedemund, Rechtsanwälte,
DHL International, établie à Diegem (Belgique), représentée par M^es T. Lübbig et J. Sedemund, Rechtsanwälte,
parties requérantes en première instance,
Commission européenne, représentée par M. B. Martenczuk et M. D. Grespan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et M. Safjan, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 septembre 2010,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 décembre 2010,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, le Royaume de Belgique, soutenu par la Commission européenne, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission (T‑388/03, Rec. p. II‑199, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a annulé la décision de la Commission du 23 juillet 2003 de ne pas soulever d’objections, à la suite de la procédure préliminaire d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 3,
CE, à l’encontre de plusieurs mesures prises par les autorités belges au profit de l’entreprise postale publique belge La Poste SA [C(2003) 2508 final, ci-après la «décision litigieuse»].
Le cadre juridique
2 Il résulte du deuxième considérant du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), que ce règlement vise à codifier et à étayer la pratique constante développée et établie par la Commission dans l’application de l’article 88 CE, en conformité avec la jurisprudence de la Cour.
3 L’article 1^er dudit règlement prévoit:
«Aux fins du présent règlement, on entend par:
[...]
h) ‘parties intéressées’: tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles.»
4 L’article 4 du même règlement, intitulé «Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission», dispose à ses paragraphes 2 à 4:
«2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.
3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée ‘décision de ne pas soulever d’objections’). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.
4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, CE (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).»
5 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999:
«La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un
mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.»
Les antécédents du litige
6 La Poste SA (ci-après «La Poste») a été transformée en société anonyme de droit public en 1992, mais demeure l’opérateur du service universel postal en Belgique et doit répondre à des obligations spécifiques de services d’intérêt économique général (ci-après les «SIEG»). Les modalités de compensation du coût additionnel net des SIEG sont déterminées dans le contrat de gestion conclu avec l’État belge.
7 Le secteur des colis express représente 4 % du chiffre d’affaires de La Poste, ce qui correspond à une part de marché de 18 % dans ce secteur. Deutsche Post AG (ci-après «Deutsche Post») et sa filiale belge DHL International détiennent quant à elles 35 à 45 % de ce marché.
8 Par lettre du 3 décembre 2002, les autorités belges ont notifié à la Commission un projet d’augmentation de capital de La Poste d’un montant de 297,5 millions d’euros.
9 Le 22 juillet 2003, les requérantes ont saisi la Commission d’une demande d’information sur l’état de la procédure d’examen de la mesure notifiée afin d’y prendre éventuellement part.
10 Le 23 juillet 2003, estimant que l’augmentation de capital notifiée n’était pas constitutive d’une aide d’État, la Commission a adopté la décision litigieuse à l’issue de la procédure préliminaire d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.
La procédure devant la Commission et la décision litigieuse
11 Après trois réunions avec les autorités belges ainsi que plusieurs échanges de courriers, la Commission a considéré que l’apport en capital notifié par ces autorités était compatible avec le marché commun.
12 Pour ce faire, la Commission a, au préalable, examiné six mesures non notifiées dont a bénéficié La Poste depuis sa transformation en entreprise publique autonome, estimant qu’elles conditionnaient la légalité de l’augmentation de capital notifiée.
13 La première mesure consistait en une exemption de l’impôt sur les sociétés. La Poste ayant dégagé une perte nette cumulée de 238,4 millions d’euros de 1992 à 2002, la Commission a considéré qu’une telle exemption n’avait entraîné aucun transfert de ressources de l’État.
14 La deuxième mesure consistait en la cession par l’État belge d’immeubles nécessaires au service public au profit de La Poste en contrepartie de l’extournement d’une provision pour retraites d’un montant de 100 millions d’euros constituée par La Poste. La Commission a estimé que cette mesure n’avait procuré aucun avantage à cette dernière.
15 La troisième mesure consistait en une garantie de l’État pour emprunts contractés. La Commission ayant constaté que La Poste n’avait jamais fait appel à cette garantie, elle a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une aide d’État.
16 La quatrième mesure consistait en une exonération du précompte immobilier pour les immeubles affectés à un service public. La Commission a considéré qu’une telle mesure était susceptible de constituer une aide d’État.
17 La cinquième mesure consistait en une surcompensation des services financiers d’intérêt général pour la période 1992-1997. La Commission a considéré qu’une telle mesure était susceptible de constituer une aide d’État.
18 La sixième mesure consistait en deux augmentations de capital intervenues aux mois de mars et de décembre 1997 pour un montant total de 62 millions d’euros et destinées à équilibrer une compensation insuffisante des SIEG. La Commission a considéré qu’une telle mesure était susceptible de constituer une aide d’État.
19 S’agissant des quatrième, cinquième et sixième mesures non notifiées, ainsi que de la mesure notifiée, la Commission a considéré que, à supposer même que ces mesures contiennent des éléments d’aide, elles sont compatibles avec le marché commun au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, car elles ne comportent pas de surcompensation du coût net additionnel des SIEG.
20 Finalement, la Commission a indiqué que la mesure notifiée consistant en une augmentation de capital de 297,5 millions d’euros était d’un montant inférieur à la sous-compensation historique du coût net additionnel des activités de SIEG, de sorte qu’elle ne constituait pas une «aide d’État» au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
21 Les requérantes ont introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse faisant valoir sept moyens à son soutien. La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur l’absence de qualité et d’intérêt à agir des requérantes.
22 Par ordonnance du Tribunal du 15 décembre 2004, la demande de statuer sur la recevabilité a été jointe au fond.
23 S’agissant de la recevabilité, le Tribunal a procédé à un examen successif de la qualité et de l’intérêt à agir des requérantes.
24 En premier lieu, il a indiqué que, aux termes d’une jurisprudence constante, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge de l’Union la décision de la Commission prise sur le fondement du paragraphe 3 de ce même article de déclarer une aide compatible avec le marché commun sans ouvrir la procédure formelle d’examen.
25 Au point 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que les bénéficiaires de ces garanties sont les parties intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, à savoir, notamment, les entreprises concurrentes des bénéficiaires des aides litigieuses.
26 Rappelant que la qualité pour agir ne peut être reconnue dans ce contexte que lorsque les parties intéressées visent par leur recours à la sauvegarde de leurs garanties procédurales et non lorsqu’elles remettent en cause le bien-fondé d’une décision adoptée sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, le Tribunal a procédé à une analyse des moyens de recours invoqués par les requérantes et constaté que ces derniers étaient de deux ordres.
27 En ce qui concerne les moyens remettant en cause le bien-fondé de la décision litigieuse, le Tribunal a estimé au point 49 de l’arrêt attaqué que les requérantes étaient restées en défaut de démontrer que l’aide faisant l’objet de la décision litigieuse affectait substantiellement leur position concurrentielle sur le marché. Dès lors, il a jugé que les requérantes ne disposaient pas de la qualité à agir pour remettre en cause le bien-fondé de la décision litigieuse.
28 En ce qui concerne les moyens visant à la sauvegarde de leurs garanties procédurales, il a jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que les requérantes, en tant que concurrentes directes de La Poste, disposent de la qualité d’intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. À cet égard, d’une part, le Tribunal a identifié au point 55 de l’arrêt attaqué le deuxième moyen comme mettant explicitement en cause la violation des droits procéduraux des requérantes. D’autre part, il a considéré
au point 56 de cet arrêt que les troisième, quatrième, cinquième et septième moyens fournissaient des éléments à l’appui du deuxième moyen. Dès lors, il a constaté la qualité à agir des requérantes, ainsi que la recevabilité du deuxième moyen et des arguments présentés au soutien de celui-ci.
29 En second lieu, le Tribunal a jugé au point 62 de l’arrêt attaqué que les requérantes, en leur qualité d’intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, disposaient d’un intérêt à obtenir l’annulation de la décision litigieuse, dans la mesure où une telle annulation contraindrait la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.
30 Dès lors, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité présentée par la Commission.
31 S’agissant du fond, après avoir rappelé que la notion de difficultés sérieuses, en présence desquelles la Commission doit, lors de l’examen d’une mesure d’aide, ouvrir la procédure formelle, revêt un caractère objectif, le Tribunal a identifié, aux points 96 à 107 de l’arrêt attaqué, les indices témoignant de la présence de telles difficultés sérieuses lors de l’examen d’une mesure d’aide, à savoir la durée et les circonstances de l’examen, le caractère insuffisant et incomplet de l’examen
et le contenu de la décision litigieuse.
32 Premièrement, le Tribunal a d’abord constaté qu’il s’était écoulé sept mois entre la notification de l’aide notifiée et l’adoption de la décision litigieuse, soit un délai bien supérieur à celui de deux mois prévu pour un examen préliminaire aux termes de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999.
33 Ensuite, la procédure a été ponctuée de trois réunions entre les autorités belges et la Commission ainsi que de diverses demandes de renseignements à l’occasion desquelles la Commission n’a pas manqué de souligner la complexité du dossier et le vaste champ d’investigation qu’il lui incombe de couvrir, sachant qu’elle a fait dépendre la compatibilité de la mesure notifiée de celle des six mesures qui n’ont pas fait l’objet de notification.
34 Finalement, le Tribunal a souligné, au point 103 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait hésité sur le choix de la base juridique pour l’adoption de la décision litigieuse entre une approche fondée sur l’article 87 CE et une approche fondée sur l’article 86, paragraphe 2, CE.
35 Le Tribunal en a conclu, au point 106 de l’arrêt attaqué, que la procédure menée par la Commission a notablement excédé ce qu’implique normalement un premier examen dans le cadre de l’article 88, paragraphe 3, CE.
36 Deuxièmement, le Tribunal a vérifié si des éléments relatifs au contenu de la décision litigieuse pouvaient également constituer des indices indiquant que la Commission aurait rencontré des difficultés sérieuses dans l’examen des mesures en cause.
37 Dans ce contexte, le Tribunal a, d’une part, constaté que l’examen par la Commission de la deuxième mesure non notifiée en faveur de La Poste, à savoir l’extournement de la provision pour retraites, était insuffisant, au motif que la Commission n’a pas disposé des éléments nécessaires pour évaluer l’avantage procuré par la mise à disposition gratuite d’immeubles par l’État belge.
38 D’autre part, après avoir rappelé que, aux termes du point 93 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747), prononcé postérieurement à l’adoption de la décision litigieuse, la Commission se doit d’examiner si les coûts des SIEG compensés par l’État sont équivalents ou inférieurs à ceux d’une entreprise moyenne bien gérée (critère du «benchmarking»), le Tribunal a constaté qu’une telle vérification faisait en l’espèce défaut. Il en a
dès lors conclu que l’examen de la mesure notifiée était incomplet.
39 Par conséquent, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.
La procédure devant la Cour
40 Dans son pourvoi, le Royaume de Belgique, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– annuler l’arrêt attaqué et
– condamner Deutsche Post et DHL International aux dépens.
41 Deutsche Post et DHL International concluent à ce qu’il plaise à la Cour:
– rejeter le pourvoi et
– condamner le Royaume de Belgique ainsi que la Commission aux dépens.
Sur le pourvoi
42 Le Royaume de Belgique avance trois moyens au soutien de son pourvoi tirés, premièrement, d’une qualification erronée des circonstances de l’espèce, deuxièmement, de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit et, troisièmement, d’une violation du principe de sécurité juridique. La Commission, qui soutient le Royaume de Belgique en ses conclusions, soulève, en outre, un moyen autonome faisant valoir que le Tribunal a violé l’article 230, paragraphe 4, CE.
43 D’emblée, il convient d’examiner les moyens par lesquels le Royaume de Belgique et la Commission mettent en cause l’appréciation par le Tribunal de la recevabilité du recours en première instance ainsi que de celle de certains moyens qu’il a retenus.
Sur le deuxième moyen du pourvoi et le moyen autonome de la Commission
Arguments des parties
44 Le Royaume de Belgique fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant déclaré recevables les quatrième et septième moyens du recours, alors même que par ces derniers les requérantes mettraient en cause le bien-fondé de la décision litigieuse.
45 Selon la Commission, le Tribunal a violé l’article 230, paragraphe 4, CE, en ayant jugé le recours des requérantes recevable au motif que ces dernières invoquent la sauvegarde des garanties procédurales qu’elles tirent de l’article 88, paragraphe 2, CE. En effet, une telle prétention n’apparaîtrait dans aucun des moyens de recours développés par les requérantes, de sorte qu’il appartiendrait à la Cour d’annuler d’office l’arrêt attaqué sur ce fondement.
46 En outre, ce faisant, le Tribunal aurait préjugé la question de la légalité de l’aide contestée.
47 Deutsche Post et DHL International font valoir, à titre liminaire, l’irrecevabilité du moyen autonome soulevé par la Commission.
48 Quant au fond, elles relèvent que le Tribunal se serait contenté de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents pour apprécier la présence éventuelle de difficultés sérieuses. En outre, la Commission se méprendrait en tant qu’elle considère que le moyen relatif à la sauvegarde des droits procéduraux n’a pas été invoqué en première instance. Les requérantes énumèrent, à cet égard, les différents passages de leur requête renvoyant à cette problématique.
Appréciation de la Cour
– Recevabilité du moyen autonome de la Commission
49 À titre liminaire, il convient d’examiner la recevabilité devant la Cour du moyen autonome de la Commission tiré d’une violation par le Tribunal de l’article 230, paragraphe 4, CE.
50 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 56, paragraphe 2, du statut de la Cour de justice, un pourvoi peut être formé devant celle-ci par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions devant le Tribunal. La Commission ayant été partie défenderesse devant le Tribunal, elle peut, en vertu de l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de la
signification du pourvoi, conformément aux exigences du paragraphe 2 de cet article ainsi que de l’article 116 de ce règlement.
51 Il en résulte que le moyen autonome soulevé par la Commission est recevable.
– Sur le fond
52 Quant au fond, la Commission fait valoir une violation de l’article 230, paragraphe 4, CE, dans la mesure où, en construisant artificiellement à partir des arguments de la requête, un moyen tiré de la violation des droits procéduraux, le Tribunal a procédé à une requalification du recours en première instance qui était dirigé contre le bien-fondé de la décision litigieuse. Le Royaume de Belgique relève également que les requérantes ont contesté par leurs quatrième et septième moyens
uniquement le bien-fondé de ladite décision, de sorte que le Tribunal a déclaré, à tort, ces moyens recevables.
53 S’agissant en premier lieu du grief tiré d’une violation des conditions de l’article 230, paragraphe 4, CE, il doit d’emblée être rappelé que l’article 4 du règlement n° 659/1999 instaure une phase préliminaire d’examen des mesures d’aide notifiées qui a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit
entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun ou, au contraire, en susciter (arrêt du 24 mai 2011, Commission /Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, non encore publié au Recueil, point 43).
54 En l’espèce, la décision litigieuse est une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 dont la légalité dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1^er, sous h), du règlement n° 659/1999, il doit être
considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Commission/Kronoply et Kronotex,
précité, point 47 et jurisprudence citée).
55 En demandant l’annulation de la décision litigieuse de ne pas soulever d’objections, un requérant met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont
la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure
formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (voir arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 59).
56 C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu d’examiner l’appréciation à laquelle s’est livré le Tribunal de la recevabilité des moyens du recours en annulation.
57 En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 45 de l’arrêt attaqué, que le deuxième moyen de la requête en première instance était tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, la Commission ayant décidé de ne pas procéder à l’ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, alors même qu’elle aurait éprouvé des difficultés sérieuses dans son appréciation de la compatibilité des mesures contestées avec le marché commun.
58 Le Tribunal a ainsi relevé à bon droit, au point 54 de l’arrêt attaqué, qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’interpréter le recours d’un requérant mettant en cause exclusivement le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide en tant que telle comme visant en réalité à sauvegarder les droits procéduraux que le requérant tire des articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 lorsque le requérant n’a pas expressément formé de moyen poursuivant cette
fin. Dans une telle hypothèse, l’interprétation du moyen conduirait en fait à une requalification de l’objet du recours (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, point 25, ainsi que Commission /Kronoply et Kronotex, précité, point 55).
59 Dans ces conditions, le Tribunal a conclu, au point 55 de l’arrêt attaqué, que les requérantes ont soutenu explicitement, par leur deuxième moyen, que les droits procéduraux qu’elles tiraient de l’article 88, paragraphe 2, CE ont été violés à l’occasion de l’adoption de la décision litigieuse.
60 Or, ce faisant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.
61 En effet, d’une part, il n’est pas contesté que l’objet du recours des requérantes en première instance vise effectivement à l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue aux articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.
62 D’autre part, si la requête en première instance ne présente pas de façon particulièrement claire les moyens des requérantes et, spécifiquement, un moyen distinctement identifiable comme visant la sauvegarde des droits procéduraux qu’elles tirent des articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, il n’en reste pas moins que, d’après les termes mêmes de cette requête, les requérantes font valoir que le défaut d’ouverture de la procédure d’examen les a empêchées de
bénéficier des garanties procédurales auxquelles elles ont droit en vertu de ces dispositions, de même qu’elles présentent les arguments visant à démontrer que la Commission aurait dû mettre en œuvre la procédure y prévue.
63 Dans ces circonstances, le Tribunal a pu, à juste titre, considérer que la requête contenait un moyen par lequel les requérantes entendaient défendre les droits procéduraux résultant des articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, sans pour autant méconnaître l’article 230, paragraphe 4, CE.
64 En second lieu, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir pris en considération, dans le cadre du deuxième moyen, les éléments de la requête en première instance par lesquels les requérantes visent à démontrer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la compatibilité des mesures contestées avec le marché commun.
65 À cet égard, le Tribunal a souligné, au point 45 de l’arrêt attaqué, que, dans les quatrième et septième moyens, les requérantes soutenaient que l’examen par la Commission des mesures constituant les mesures contestées aurait été insuffisant et incomplet. Ainsi, après avoir jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que les requérantes, en leur qualité de concurrentes directes de La Poste sur le marché de l’expédition expresse de colis, ne disposaient que de la qualité pour agir en tant que
parties intéressées au sens des articles 88, paragraphe 2, CE et 1^er, sous h), du règlement n° 659/1999, le Tribunal a considéré à bon droit, au point 69 de l’arrêt attaqué, qu’il pouvait examiner notamment les quatrième et septième moyens de la requête, uniquement en ce qu’ils tendent à établir que la Commission aurait dû ouvrir la phase formelle d’examen.
66 Dans ces circonstances, il ne saurait non plus être reproché au Tribunal d’avoir déclaré recevables des moyens par lesquels les requérantes avançaient que la Commission avait commis une erreur en estimant non constitutives d’aides d’État les mesures examinées. Au contraire, le Tribunal a expressément déclaré ces moyens irrecevables au point 67 de l’arrêt attaqué.
67 Dès lors, il convient de rejeter le deuxième moyen du Royaume de Belgique ainsi que le moyen autonome de la Commission comme étant non fondés.
Sur les premier et troisième moyens
Arguments des parties
68 Le Royaume de Belgique fait valoir, par son premier moyen, que le Tribunal a procédé à une qualification erronée des circonstances de l’espèce.
69 En l’occurrence, s’agissant des circonstances dans lesquelles s’est déroulée la procédure d’examen, le délai de référence de deux mois considéré par le Tribunal ne serait qu’indicatif, de sorte que son dépassement ne saurait signifier automatiquement que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses. La Commission ajoute que, dans les circonstances spécifiques de l’espèce, la durée d’examen préliminaire n’était pas excessive.
70 En outre, d’après le Royaume de Belgique, le Tribunal est resté en défaut d’identifier un lien entre le vaste champ d’investigation qu’impliquait l’examen des mesures contestées ainsi que sa complexité apparente et la présence de difficultés sérieuses. Selon la Commission, des difficultés de fait n’entraînent pas nécessairement des difficultés sérieuses.
71 Finalement, le Royaume de Belgique souligne que l’hésitation sur la base juridique témoigne plutôt du choix dont disposait la Commission pour clore le dossier plutôt que de difficultés sérieuses. De fait, la Commission fait valoir que, indépendamment de la base juridique, la décision finale aurait été la même.
72 S’agissant du contenu de la décision litigieuse, le Royaume de Belgique considère que, dans son analyse du caractère suffisant de l’examen des mesures contestées, le Tribunal aboutit à un résultat au fond différent de celui retenu par la Commission. Or, une telle différence ne permettrait pas de conclure à la présence de difficultés sérieuses. En tout état de cause, une telle circonstance ne saurait conduire à considérer que l’examen effectué par la Commission serait incomplet.
73 En outre, le Royaume de Belgique et la Commission soutiennent, par leur troisième moyen, que le Tribunal a violé le principe de sécurité juridique en procédant à une application rétroactive du quatrième critère énoncé dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité.
74 À cet égard, la Commission ajoute, par ailleurs, que l’examen du critère dit de «benchmarking» dégagé dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, n’est pas pertinent dans le cadre du contrôle de la sauvegarde des garanties procédurales prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE.
75 D’un point de vue général, Deutsche Post et DHL International considèrent que les procédures d’examen de la Commission, engagées dans le contexte de la privatisation d’entreprises postales étatiques sont traditionnellement traitées par la Commission dans le cadre d’une procédure formelle d’examen. En effet, de telles opérations se caractériseraient par un contexte factuel complexe entraînant nécessairement la présence de difficultés sérieuses.
76 En particulier, les requérantes rappellent, tout d’abord, que, lors de la procédure d’examen, la Commission a elle-même souligné la complexité du dossier qui lui a été soumis. Ensuite, le Royaume de Belgique resterait en défaut de répondre aux constatations du Tribunal aux termes desquelles la Commission ne disposait pas de toutes les informations factuelles pour examiner la cession des biens immobiliers et l’extournement de la provision pour les retraites. Finalement, les requérantes
rappellent que le «benchmarking» des coûts des SIEG au sens du quatrième critère posé par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, répondait à l’époque à une attente, notamment de la part de la Commission elle-même.
Appréciation de la Cour
77 D’emblée, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 que, si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure contestée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle est tenue d’adopter une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 46).
78 En l’espèce, la décision litigieuse est une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999 dont la légalité dépend du point de savoir s’il existe des doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.
79 La notion de «doutes» visée à l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 revêtant un caractère objectif, l’existence de ceux-ci doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué, mais également dans les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 63).
80 En l’occurrence, tout d’abord, le Tribunal a examiné la durée et les circonstances de la procédure d’examen préliminaire, aux points 96 à 107 de l’arrêt attaqué. Ensuite, dans le cadre de l’examen des éléments relatifs au contenu de la décision litigieuse, le Tribunal a constaté, d’une part, aux points 108 à 110 dudit arrêt, le caractère insuffisant de l’examen de l’extournement de la provision pour retraites et, d’autre part, aux points 111 à 117 de ce même arrêt, le caractère incomplet de
l’examen du coût de la fourniture des SIEG. Enfin, il a conclu, au point 118 de l’arrêt attaqué, que l’ensemble de ces éléments constituait des indices objectifs et concordants qui attestent de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen.
81 S’agissant, en premier lieu, de la durée et des circonstances de la procédure d’examen préliminaire, s’il est vrai qu’une durée excédant le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 ainsi que le nombre de demandes de renseignements adressées aux autorités belges ne permettent pas à eux seuls de déduire que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, il n’en reste pas moins, ainsi que l’a souligné le Tribunal au point 106 de l’arrêt
attaqué, que ces éléments peuvent constituer des indices de ce que la Commission a pu avoir des doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.
82 À ce titre, il convient, en particulier, de relever que la Commission a dû procéder, pour déclarer la mesure notifiée compatible avec le marché commun, à l’examen de la compatibilité de six mesures non notifiées adoptées entre 1992 et 1997.
83 S’agissant, en second lieu, du contenu de la décision litigieuse, le Tribunal a notamment fait valoir qu’il témoignait d’un examen insuffisant des mesures contestées.
84 Ainsi, le Tribunal a considéré, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la Commission a adopté la décision litigieuse sans disposer d’éléments qui auraient pu lui permettre d’évaluer l’avantage procuré par la mise à disposition gratuite d’immeubles en contrepartie de l’extournement de la réserve pour retraites.
85 À cet égard, il ressort de la décision litigieuse que, pour couvrir les droits à pension de ses salariés fonctionnaires, La Poste a constitué, en 1992, une provision de 100 millions d’euros lors de sa transformation en entreprise autonome qui a été extournée en 1997. La contrepartie de cette provision résidait dans la cession d’immeubles nécessaires au service public.
86 Dans ces circonstances, le Tribunal a pu considérer, à bon droit, que la Commission aurait dû demander des précisions aux autorités belges, notamment en ce qui concerne la valeur du parc immobilier mis gratuitement à la disposition de La Poste par l’État belge.
87 En effet, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir considéré qu’une telle circonstance peut constituer un indice de ce que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la compatibilité de la mesure contestée avec le marché commun. De fait, il n’est pas exclu que, en fonction de la valeur des biens immobiliers mis à disposition, La Poste tire un avantage économique substantiel de cette opération constitutif d’une aide d’État. Or, pour parvenir à la certitude du contraire, la
Commission aurait dû, à tout le moins, disposer des évaluations de l’avantage financier que constitue pour La Poste cette mise à disposition.
88 En ce qui concerne le troisième moyen tiré de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 81 et 87 du présent arrêt, l’analyse du Tribunal des circonstances de l’adoption ainsi que du contenu de la décision litigieuse a mis en avant les doutes qu’auraient dû avoir la Commission quant à la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché commun, doutes qui suffisent à étayer la conclusion qu’elle aurait dû ouvrir la
phase formelle d’examen prévue aux articles 88, paragraphe 2, CE et 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.
89 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen.
90 Il résulte de ces considérations qu’il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé et le troisième comme étant inopérant.
91 Dès lors, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
92 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume de Belgique et la Commission ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Le Royaume de Belgique ainsi que la Commission européenne sont condamnés aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: l’allemand.