ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
10 mai 2012 ( *1 )
«Manquement d’État — Libre circulation des travailleurs — Impôt sur le revenu — Abattement — Pensions de retraite — Incidence sur les pensions d’un faible montant — Discrimination entre contribuables résidents et non-résidents»
Dans l’affaire C-39/10,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 22 janvier 2010,
Commission européenne, représentée par M. W. Mölls, Mme K. Saaremäel-Stoilov et M. R. Lyal, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République d’Estonie, représentée par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
soutenue par:
Royaume d’Espagne, représenté par MM. M. Muñoz Pérez et A. Rubio Gonzáles, en qualité d’agents,
République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,
Royaume de Suède, représenté par Mme A. Falk, en qualité d’agent,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. S. Ossowski, en qualité d’agent,
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller, C. Blaschke et B. Klein, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal, M. K. Schiemann, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2011,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2011,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne prévoyant pas, dans la loi relative à l’impôt sur le revenu (tulumaksuseadus) du 15 décembre 1999 (RT I 1999, 101, 903), telle que modifiée par la loi du 26 novembre 2009 (RT I 2009, 62, 405, ci-après la «loi sur l’impôt»), l’application de l’abattement individuel aux non-résidents dont le revenu total est si faible qu’ils bénéficieraient de celui-ci s’ils étaient résidents, la République d’Estonie a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu des articles 45 TFUE et 28 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).
Le cadre juridique
La recommandation 94/79/CE
2 Selon les troisième, quatrième et sixième considérants de la recommandation 94/79/CE de la Commission, du 21 décembre 1993, relative à l’imposition de certains revenus obtenus par des non-résidents dans un État membre autre que celui de leur résidence (JO 1994, L 39, p. 22):
«[...] il est indiqué de prendre des initiatives afin que la libre circulation des personnes soit pleinement assurée pour le bon fonctionnement du marché intérieur et qu’il importe de faire connaître aux États membres les dispositions aptes à garantir, de l’avis de la Commission, aux non-résidents le bénéfice d’un traitement fiscal aussi favorable que celui appliqué aux résidents;
[...] cette initiative n’affecte pas la poursuite d’une politique active de la Commission en matière de procédures d’infractions afin de garantir que les principes fondamentaux du traité [CE] soient respectés;
[...]
[...] le principe de l’égalité de traitement découlant de l’article [45 TFUE] et de l’article [49 TFUE] impose de ne pas priver les personnes obtenant les revenus [...] des avantages et déductions fiscaux dont bénéficient les résidents, lorsque la partie prépondérante de leurs revenus est obtenue dans le pays d’activité».
3 Il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, de cette recommandation que celle-ci concerne plusieurs catégories de revenus, dont les pensions.
4 L’article 2, paragraphes 1 et 2, premier alinéa, de ladite recommandation se lit comme suit:
«1. Les États membres ne soumettent pas les revenus visés à l’article 1er paragraphe 1, dans l’État membre qui les impose, à une imposition supérieure à celle que cet État établirait si le contribuable, son époux et ses enfants étaient résidents dans cet État membre.
2. L’application des dispositions du paragraphe 1 est subordonnée à la condition que les revenus visés à l’article 1er paragraphe 1 qui sont imposables dans l’État membre où la personne physique n’est pas résidente, constituent au moins 75 % du revenu total imposable de celle-ci au cours de l’année fiscale.»
La convention conclue entre la République de Finlande et la République d’Estonie, relative à la prévention de la double imposition
5 L’article 18, paragraphe 2, sous a), de la convention tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune conclue le 23 mars 1993 à Helsinki entre la République de Finlande et la République d’Estonie (ci-après la «convention relative à la prévention de la double imposition»), prévoit:
«Les pensions versées et autres allocations, sous forme de versements périodiques ou de compensations forfaitaires, accordées au titre de la législation relative à la sécurité sociale d’un État contractant ou au titre de tout autre plan public organisé par un État contractant à des fins de protection sociale, ne sont imposables que dans cet État».
La loi sur l’impôt
6 L’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur l’impôt prévoit:
«L’impôt sur le revenu est prélevé sur le revenu du contribuable, une fois que les abattements autorisés par la loi ont été effectués.»
7 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de ladite loi, cet impôt:
«[...] est acquitté par les personnes physiques et les personnes morales non-résidentes qui perçoivent des revenus imposables.»
8 Selon l’article 12, paragraphe 1, de la même loi:
«L’impôt sur le revenu est prélevé sur le revenu perçu par une personne physique résidente pendant une période d’imposition en provenance de toutes sources de revenu en Estonie et en dehors de l’Estonie [...]»
9 En outre, au sens des articles 19, paragraphe 2, et 29, paragraphe 9, de la loi sur l’impôt, l’impôt sur le revenu est prélevé également sur les pensions et, selon l’article 41, paragraphe 6, de cette loi, cet impôt est retenu à la source.
10 L’article 23 de la loi sur l’impôt énonce:
«Une personne physique résidente peut déduire 27000 EEK de son revenu perçu pendant la période d’imposition.»
11 L’article 232 de cette loi prévoit, en outre, un abattement supplémentaire sur la base imposable pour les pensions. Selon cette disposition:
«Si une personne physique résidente perçoit une pension versée par un État contractant au titre de la loi, une pension par capitalisation obligatoire prévue par la législation de cet État ou une pension découlant d’un accord de sécurité sociale, un abattement supplémentaire correspondant au montant de ces pensions est appliqué au revenu de la personne, dans la limite maximale, toutefois, de 36000 EEK pendant une période d’imposition.»
12 En outre, en ce qui concerne les pensions perçues par les résidents de la part de la République d’Estonie, l’article 42, paragraphe 11, de ladite loi prévoit:
«Dans le cas d’une pension versée à une personne physique résidente par l’État estonien conformément à la loi et d’une pension par capitalisation obligatoire prévue par la loi sur les pensions par capitalisation, un abattement supplémentaire (article 232), équivalent au montant de cette pension, est appliqué, avant le calcul de la retenue d’impôt, pour autant, toutefois, que cet abattement ne dépasse pas, par mois civil, un douzième du montant prévu à l’article 232.»
13 S’agissant des revenus perçus par les non-résidents, l’article 283 de la loi sur l’impôt dispose:
«Une personne physique résidant dans un autre État de l’Union européenne peut également appliquer les déductions visées au présent chapitre à son revenu imposable en Estonie, pour autant qu’elle perçoive au moins 75 % de son revenu imposable en Estonie pendant une période d’imposition et qu’elle présente une déclaration d’impôt sur le revenu d’une personne physique résidente. On entend par revenu imposable le revenu avant déductions conformément à la législation de l’État concerné.»
La procédure précontentieuse
14 Une personne de nationalité estonienne résidant en Finlande (ci-après la «plaignante») a présenté à la Commission une plainte relative au calcul de l’impôt sur le revenu qui est appliqué en Estonie à la pension de retraite qui lui est versée dans cet État membre. La plaignante contestait le refus par les autorités estoniennes de lui faire bénéficier de l’abattement sur la base imposable ainsi que de l’abattement supplémentaire que la loi sur l’impôt prévoit pour les contribuables résidant en
Estonie.
15 Il ressort de la requête de la Commission que la plaignante, après avoir atteint l’âge de la retraite en Estonie, s’est installée en Finlande où elle a travaillé et a acquis le droit à une pension. La plaignante perçoit ainsi deux pensions de retraite, respectivement en Estonie et en Finlande, d’un montant presque identique. La pension perçue en Estonie est soumise à l’impôt sur le revenu, tandis que, en Finlande, compte tenu du niveau très faible de ses revenus globaux, la plaignante n’est pas
soumise à l’impôt. Le montant cumulé des deux pensions ne dépassait par ailleurs que légèrement le seuil d’abattement prévu à l’article 232 de la loi sur l’impôt.
16 Eu égard à ces éléments, la Commission a considéré que, en application du droit estonien, la charge fiscale supportée par les non-résidents, se trouvant dans une situation analogue à celle de la plaignante, est plus élevée qu’elle ne le serait si ceux-ci percevaient la totalité de leurs revenus uniquement en Estonie.
17 Le 4 février 2008, la Commission a ainsi adressé une lettre de mise en demeure à la République d’Estonie, dans laquelle elle attirait l’attention de cet État membre sur l’éventuelle incompatibilité des dispositions de la législation nationale relative à l’imposition des pensions versées aux non-résidents avec l’article 45 TFUE et l’article 28 de l’accord EEE.
18 Par lettre du 9 avril 2008, la République d’Estonie a contesté le point de vue exprimé par la Commission. Elle a souligné que la loi sur l’impôt permet d’appliquer les déductions prévues par celle-ci aux non-résidents qui perçoivent en Estonie la majorité de leurs revenus, c’est-à-dire au moins 75 % du total de ceux-ci. Cette loi leur appliquerait ainsi le même traitement que celui prévu pour les résidents. En revanche, lorsque le montant des revenus perçus en Estonie est inférieur à ce
pourcentage, il reviendrait à l’État membre de résidence de garantir l’imposition appropriée aux contribuables ne résidant pas en Estonie.
19 Le 17 octobre 2008, la Commission a adressé à la République d’Estonie un avis motivé, dans lequel elle reprenait les arguments présentés dans la lettre de mise en demeure et invitait cet État membre à prendre les mesures requises dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.
20 Dans sa réponse audit avis motivé, datée du 18 décembre 2008, la République d’Estonie a exprimé son désaccord avec les griefs de la Commission en ce qui concerne l’incompatibilité de la loi sur l’impôt avec l’article 45 TFUE. Elle a cependant reconnu que cette loi contenait des lacunes par rapport aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 de l’accord EEE et elle s’est déclarée prête à étendre le champ d’application de l’article 283 de ladite loi également aux ressortissants des
États membres de l’Espace économique européen.
21 N’étant pas convaincue par les arguments avancés par la République d’Estonie, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
22 Par ordonnance du président de la Cour du 4 juin 2010, le Royaume d’Espagne, la République portugaise et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République d’Estonie. Par ordonnances des 7 juillet 2010 et 14 janvier 2011, le président de la Cour a admis à intervenir à l’appui des conclusions de la République d’Estonie, respectivement, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume de Suède. Toutefois, la République
fédérale d’Allemagne n’a pas présenté d’observations.
Sur le recours
Sur la recevabilité du recours
23 En premier lieu, dans son mémoire en duplique, la République d’Estonie, soutenue par le Royaume d’Espagne, fait valoir que le recours doit être déclaré irrecevable dans la mesure où l’objet de celui-ci n’est pas défini de manière claire et précise et que les conclusions ont été formulées de façon équivoque. La Commission n’aurait pas clairement indiqué dans quels cas la République d’Estonie devrait appliquer l’abattement prévu en ce qui concerne l’impôt sur le revenu des non-résidents pour mettre
fin au manquement reproché, car, dans sa requête, la Commission aurait déclaré que cet abattement doit être accordé lorsque le revenu mondial des non-résidents, qui perçoivent une pension en Estonie, est inférieur aux seuils d’abattement fixés en droit estonien pour les contribuables résidant dans cet État membre, tandis que, dans son mémoire en réplique, elle aurait indiqué que la République d’Estonie devrait prendre en compte, aux fins de l’octroi dudit abattement, les seuils d’abattement
éventuellement prévus dans l’État membre de résidence de la personne concernée.
24 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et de la jurisprudence de la Cour relative à cette disposition que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un
recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir, notamment, arrêts du 12 février 2009, Commission/Pologne, C-475/07, point 43, et du 24 mars 2011, Commission/Espagne, C-375/10, point 10).
25 De telles exigences peuvent faire l’objet d’un examen d’office par la Cour (voir, notamment, arrêt du 26 avril 2007, Commission/Finlande, C-195/04, Rec. p. I-3351, points 21 et 22).
26 La Cour a également jugé que, dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 258 TFUE, celui-ci doit présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que ledit État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué (voir, notamment, arrêts précités
Commission/Pologne, point 44, et Commission/Espagne, point 11).
27 Or, dans la présente procédure en manquement, il y a lieu de constater, d’une part, que, dans sa requête, et notamment au point 25 de celle-ci, la Commission a relevé que, «[l]orsque la législation d’un État membre prévoit un seuil en deçà duquel on considère que le contribuable ne dispose pas des moyens nécessaires pour financer les dépenses publiques, il n’y a aucune raison d’opérer une distinction entre ces contribuables, dont le revenu est inférieur au seuil fixé, en fonction de leur
résidence». La Commission a ainsi clairement indiqué que, selon elle, c’est bien du seuil d’abattement fixé par la loi sur l’impôt que doit tenir compte la République d’Estonie pour établir si le non-résident percevant une pension de retraite dans cet État membre a droit à l’abattement prévu pour l’impôt sur le revenu.
28 D’autre part, s’agissant de la référence opérée par la Commission aux seuils d’abattement fixés dans l’État membre de résidence, il y a lieu d’observer que celle-ci s’inscrivait dans le contexte d’un examen par ladite institution de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225), examen dont la Commission a précisément déduit que, lorsque le revenu total du contribuable est si faible qu’il n’est soumis à aucun impôt dans l’État membre de résidence,
il est dans une situation semblable à celle du résident dans l’État membre dans lequel sont perçus les revenus en cause. Cet État devrait, dès lors, «appliquer ses propres règles en matière d’abattement fiscal, qui définissent dans quelle mesure les contribuables sont à même de payer des impôts destinés à couvrir les besoins du pays».
29 En tout état de cause, aucun des éléments ressortant du dossier ne permet de conclure que la requête n’a pas permis à la République d’Estonie de faire valoir ses moyens de défense et que la Cour n’a pas été mise en mesure d’examiner l’existence du manquement.
30 L’exception d’irrecevabilité soulevée par la République d’Estonie n’est donc pas fondée et doit être rejetée.
31 En deuxième lieu, l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Royaume d’Espagne et la République portugaise se confondant largement avec le moyen de défense tiré de la recommandation 94/79 que fait valoir la République d’Estonie, la Cour estime opportun de joindre son examen éventuel à celui du fond de l’affaire.
32 En troisième lieu, il convient de relever que, selon les termes des conclusions de la requête, la Commission demande à la Cour de constater que, en ne prévoyant pas, dans la loi sur l’impôt, l’application de l’abattement aux non-résidents dont le revenu total est si faible qu’ils bénéficieraient de celui-ci s’ils étaient résidents, la République d’Estonie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 45 TFUE et 28 de l’accord EEE. De la sorte, ces conclusions apparaissent comme
visant la législation nationale en ce qu’elle concerne l’ensemble des revenus soumis à ladite loi.
33 Il ressort cependant de la teneur des mémoires de la Commission que, dans l’argumentation avancée au soutien des griefs adressés à la République d’Estonie, cette institution se réfère au traitement fiscal des seuls retraités se trouvant dans la même situation que la plaignante. Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a précisé que sa demande en constatation de manquement concerne les seules pensions des non-résidents.
34 Dès lors, il y a lieu de considérer le présent recours en manquement comme visant uniquement l’application des règles de la loi sur l’impôt aux pensions de retraite versées à des non-résidents se trouvant dans une situation telle que celle de la plaignante.
Sur le fond
Argumentation des parties
35 Dans son recours, la Commission soutient en substance que, en excluant les retraités non-résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi sur l’impôt lorsque les intéressés perçoivent moins de 75 % de leurs revenus en Estonie, cette loi place ces contribuables, du fait qu’ils ont, comme la plaignante, exercé leur droit à la libre circulation des travailleurs, dans une situation moins favorable que celle qu’ils auraient eue s’ils n’avaient pas exercé ce droit, alors même que, eu égard au
faible montant de leurs pensions, ils se trouvent dans une situation comparable à celle des résidents ayant des revenus de niveau analogue. Dès lors, ladite loi constituerait une entrave à la libre circulation des personnes, telle que consacrée à l’article 45 TFUE et à l’article 28 de l’accord EEE.
36 En effet, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt Schumacker, précité, tel que confirmé par l’arrêt du 1er juillet 2004, Wallentin (C-169/03, Rec. p. I-6443), les personnes qui ne perçoivent qu’une petite partie de leur revenu dans l’État membre de résidence se trouveraient, du point de vue de leur traitement fiscal, dans une position comparable à celles qui résident dans l’État membre où elles perçoivent leurs revenus. Lorsque les revenus d’une personne sont très faiblement ou pas du tout imposables
dans son État membre de résidence, cet État ne pourrait pas garantir la déduction de la base imposable des impôts payés sur les revenus perçus dans un autre État membre. Dans ces circonstances, selon la Commission, il incombe à l’État membre d’origine du revenu d’appliquer à celui-ci ses propres règles en matière fiscale, notamment le bénéfice d’abattements fiscaux.
37 Par conséquent, comme l’aurait reconnu la Cour dans les arrêts du 14 septembre 1999, Gschwind (C-391/97, Rec. p. I-5451), et Wallentin, précité, lorsqu’un État membre accorde un abattement pour les revenus se situant au-dessous de certains montants aux fins de garantir aux contribuables le minimum vital, un tel avantage devrait être reconnu également aux non-résidents, puisqu’il est octroyé en fonction de la situation personnelle du contribuable.
38 La République d’Estonie rétorque, avec le soutien de toutes les parties intervenantes, que la différence de traitement entre les résidents et les non-résidents prévue par la loi sur l’impôt ne constitue pas une restriction à la libre circulation des personnes, puisqu’elle ne donne pas lieu à une discrimination entre personnes étant dans des situations comparables.
39 Elle rappelle à cet égard qu’il ressort de l’arrêt Schumacker, précité, que la situation des résidents et celle des non-résidents sont à considérer comme comparables uniquement lorsque ces derniers perçoivent la partie la plus significative de leur revenu non pas dans l’État membre de résidence, mais dans un autre État membre. Dans ce cas uniquement, ce dernier État ne pourrait pas appliquer aux non-résidents un traitement fiscal différent de celui appliqué aux résidents.
40 Ainsi, la loi sur l’impôt, afin de garantir l’égalité de traitement entre les résidents et les non-résidents se trouvant dans une situation comparable, appliquerait aux non-résidents les abattements en cause lorsqu’ils perçoivent 75 % de leur revenu mondial en Estonie. Le calcul du revenu imposable serait fondé sur la loi de l’État membre de résidence de la personne concernée et, en vue de la détermination de la part perçue en Estonie, le non-résident serait tenu de présenter une preuve émanant
de l’administration fiscale de son État membre de résidence.
41 Par ailleurs, selon la République d’Estonie, en introduisant ce recours, la Commission n’aurait pas respecté la recommandation 94/79, dans laquelle elle a indiqué que l’égalité de traitement fiscal des résidents et des non-résidents s’impose uniquement lorsque les non-résidents perçoivent au moins 75 % des revenus perçus pendant l’année fiscale en cause dans l’État membre qui les impose.
42 S’agissant, plus précisément, de la situation de la plaignante, le Royaume d’Espagne et la République portugaise soulignent, en outre, que l’État membre de résidence, en l’occurrence la République de Finlande, a pris en compte la totalité des revenus perçus par le contribuable en cause tant dans cet État membre que dans un autre État membre et qu’il ne les a pas imposés, parce que le montant total des revenus ne dépassait pas le revenu minimal exonéré de l’impôt. Par un raisonnement a contrario,
ils mettent en exergue que, si l’État membre de résidence avait fixé un revenu minimal exonéré plus faible, les revenus de ce contribuable auraient pu être grevés d’impôt et, dans ce cas, le montant de l’impôt payé en Estonie aurait été déduit. Ainsi, la loi sur l’impôt n’aurait pas été contraire à la libre circulation des travailleurs.
43 Le Royaume-Uni ajoute que la solution proposée par la Commission pour éviter que le non-résident en Estonie bénéficie d’un avantage social supérieur au résident, consistant en ce que les autorités de cet État membre prennent en considération, aux fins de l’application de l’abattement, le revenu mondial du contribuable concerné, n’est pas correcte. En effet, aux termes de la convention relative à la prévention de la double imposition, il serait impossible de soumettre à l’impôt en Estonie des
revenus perçus en Finlande. La République d’Estonie ne serait donc pas en mesure de calculer le revenu mondial du contribuable concerné alors que la République de Finlande pourrait le faire, compte tenu du fait que ce contribuable réside en Finlande et que les autorités finlandaises auraient la compétence pour obtenir des informations et des documents de sa part. L’analyse de la Commission aurait pour résultat que la République d’Estonie devrait appliquer sa tranche de base non imposable au seul
revenu perçu en Estonie et que le non-résident tirerait profit de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale à la fois en Estonie et en Finlande.
44 À ces différents égards, la Commission relève que, contrairement à ce que soutiennent la défenderesse et les parties intervenantes, dans l’arrêt Schumacker, précité, la Cour a constaté que, lorsque le contribuable ne perçoit pas de revenu significatif dans l’État membre de résidence, l’État membre où celui-ci perçoit ses revenus devrait lui accorder les mêmes avantages que ceux consentis aux résidents percevant uniquement des revenus dans cet État. La Cour aurait ainsi admis que, bien que, dans
des circonstances normales, l’État membre dans lequel est perçu un revenu puisse laisser à l’État membre de résidence le soin d’assurer un niveau d’imposition adapté aux moyens du contribuable, l’État membre dans lequel est perçu ce revenu est pour sa part tenu de prendre en compte la situation personnelle du contribuable lorsque l’État membre de résidence ne serait pas en mesure de le faire. De même, lorsque les revenus d’un contribuable sont très faiblement ou pas du tout imposables dans son
État membre de résidence, cet État ne pourrait pas garantir la déduction de la base imposable des impôts payés sur les revenus perçus dans un autre État membre.
45 En ce qui concerne les modalités de calcul des revenus du non-résident, la Commission souligne que la République d’Estonie a le droit de prendre en compte le revenu mondial du contribuable pour calculer l’impôt auquel celui-ci serait, le cas échéant, assujetti en Estonie. Si le revenu mondial du contribuable est inférieur au seuil d’imposition applicable en Estonie, celui-ci ne devrait être assujetti à aucun impôt en Estonie. Si, en revanche, son revenu mondial dépasse le seuil applicable en
Estonie, celui-ci pourrait être soumis à l’impôt sur le revenu. Cela n’entraînerait pas d’imposition sur des revenus perçus dans des États membres autres que la République d’Estonie, mais cela reviendrait seulement à déterminer la capacité du contribuable aux fins de l’imposition des seuls revenus perçus en Estonie.
46 S’agissant de l’argumentation de la défenderesse portant sur la recommandation 94/79, la Commission affirme que cet acte n’est pas contraignant. Il ne pourrait pas avoir pour objet de compléter les règles de droit primaire sur la libre circulation des personnes et, en tout état de cause, ne limiterait pas le pouvoir d’appréciation de la Commission. Cette recommandation proposerait seulement l’adoption de mesures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union sans empiéter sur la correcte
exécution des obligations qui découlent des traités. Par ailleurs, dès lors que ladite recommandation a été adoptée avant le prononcé de l’arrêt Schumacker, précité, elle aurait même perdu sa raison d’être.
Appréciation de la Cour
– Sur le grief tiré de la violation de l’article 45 TFUE
47 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (voir, notamment, arrêts Schumacker, précité, point 21; du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C-446/03, Rec. p. I-10837, point 29, ainsi que du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C-540/07, Rec. p. I-10983, point 28). Aussi, les règles fiscales de droit
national doivent-elles être adoptées dans le respect des libertés garanties par les traités et, en particulier, de la liberté de circulation des travailleurs telle que conférée par l’article 45 TFUE.
48 À cet égard, il est en principe incompatible avec les règles sur la libre circulation qu’un travailleur qui a exercé ce droit puisse se voir appliquer, dans l’État membre dont il est ressortissant, un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par lesdites règles. Toutefois, il faut rappeler qu’une discrimination ne peut ressortir que de l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien de l’application de
la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêts Schumacker, précité, point 30; Gschwind, précité, point 21, et du 22 mars 2007, Talotta, C-383/05, Rec. p. I-2555, point 18).
49 Or, en matière d’impôt direct, les résidents et les non-résidents ne sont, en règle générale, pas dans des situations comparables, dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d’un État membre par un non-résident ne constitue le plus souvent qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut
s’apprécier le plus aisément à l’endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle (voir, notamment, arrêts précités Schumacker, points 31 et 32, ainsi que Gschwind, point 22).
50 Au point 34 de l’arrêt Schumacker, précité, la Cour a jugé que le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu’il accorde au résident n’est, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents, tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale (voir arrêt Gschwind, précité,
point 23).
51 Il ne pourrait y avoir de discrimination au sens du traité entre résidents et non-résidents que si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il était établi que, au regard de l’objet et du contenu des dispositions nationales en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable (voir arrêt Gschwind, précité, point 26).
52 Tel est le cas lorsqu’un non-résident qui ne perçoit pas de revenu significatif dans l’État membre de résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’État membre d’emploi est dans une situation comparable à celle des résidents de ce dernier État, dès lors que, dans un tel cas, l’État membre de résidence n’est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale. Par conséquent, du point de vue
de son traitement fiscal, il doit être traité comme un résident dans l’État membre d’emploi et cet État doit lui accorder les avantages fiscaux qu’il prévoit pour les résidents (voir, notamment, arrêts précités Schumacker, points 36 et 37, ainsi que Gschwind, point 27).
53 Toujours selon la jurisprudence de la Cour, dans une situation où il n’y a aucun revenu imposable dans l’État membre de résidence en vertu de la législation fiscale de cet État (voir, en ce sens, arrêt Wallentin, précité, point 18), une discrimination pourrait apparaître si la situation personnelle et familiale d’une personne comme la plaignante n’était prise en compte ni dans l’État membre de résidence ni dans l’État membre d’emploi (voir, en ce sens, arrêt Wallentin, précité, point 17).
54 Ainsi, lorsque près de 50 % des revenus totaux de l’intéressé sont perçus dans son État membre de résidence, ce dernier devrait en principe être en mesure de prendre en compte sa capacité contributive et sa situation personnelle et familiale selon les modalités prévues par la législation de cet État (voir arrêt Gschwind, précité, point 29).
55 Cependant, dans un cas tel que celui de la plaignante qui, du fait du faible montant de ses revenus globaux n’est pas, en vertu de la législation fiscale de l’État membre de résidence, imposable dans ce dernier, cet État n’est pas en mesure de prendre en compte la capacité contributive et la situation personnelle et familiale de l’intéressée, en particulier les conséquences sur celle-ci de l’imposition des revenus perçus dans un autre État membre.
56 Dans de telles circonstances, le refus par l’État membre où sont perçus les revenus en cause d’octroyer un abattement prévu par sa réglementation fiscale pénalise les contribuables non-résidents, tels que la plaignante, pour le simple fait d’avoir exercé les libertés de circulation garanties par le traité FUE.
57 La différence de traitement qui résulte d’une telle réglementation ne pourrait être justifiée que si elle se fondait sur des considérations objectives proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêt du 9 novembre 2006, Turpeinen, C-520/04, Rec. p. I-10685, point 32). À cet égard, même si la République d’Estonie a fait valoir que la condition en cause vise à éviter que le contribuable non-résident ne cumule des abattements dans chacun des États membres concernés, il
y a lieu de constater que, dans un cas tel que celui de la plaignante, il ne saurait y avoir cumul d’avantages injustifié.
58 Dès lors, et ce dans la mesure précisée ci-dessus, le caractère général de la condition prévue à l’article 283 de la loi relative à l’impôt, qui ne tient pas compte de la situation personnelle et familiale des contribuables concernés, est de nature à pénaliser les personnes telles que la plaignante qui ont fait usage des facilités ouvertes par les règles sur la libre circulation des travailleurs et s’avère, par suite, incompatible avec les exigences des traités telles qu’elles résultent de
l’article 45 TFUE.
59 Le grief tiré de la violation de l’article 45 TFUE doit par suite être considéré comme fondé.
60 Toutefois, selon la République d’Estonie, la recommandation 94/79, en vertu de son contenu et de sa nature, constitue un obstacle à la constatation du manquement invoqué.
61 Il est vrai que, à l’article 2, paragraphe 2, de ladite recommandation, la Commission a indiqué que les États membres ne doivent pas soumettre les revenus des personnes physiques non-résidentes à une imposition supérieure à celle des résidents, lorsque les revenus qui sont imposables dans l’État membre où la personne physique n’est pas résidente constituent au moins 75 % du revenu total imposable de celle-ci au cours de l’année fiscale.
62 La République d’Estonie fait valoir que, dans le cas contraire, elle est fondée à traiter différemment les résidents et les non-résidents.
63 Cependant, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 288, dernier alinéa, TFUE, les recommandations figurent parmi les actes non contraignants des institutions de l’Union. Par ailleurs, et ainsi que l’a rappelé M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, la procédure en manquement repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui impose le droit de l’Union, si bien que le principe du respect de la confiance légitime ne saurait, en
l’occurrence, être invoqué par la République d’Estonie pour faire obstacle à la constatation objective du non-respect, par elle, des obligations que lui impose le traité (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2009, Commission/Espagne, C-562/07, Rec. p. I-9553, point 18).
64 Il convient de relever aussi que le quatrième considérant de la recommandation 94/79 prévoit que celle-ci n’affecte pas la poursuite d’une politique active de la Commission en matière de procédures d’infraction afin de garantir que les principes fondamentaux du traité soient respectés.
65 Dans ces conditions, la recommandation 94/79 ne constitue pas un obstacle à la constatation du manquement aux obligations de l’article 45 TFUE. Il n’y a donc pas lieu pour la Cour de se pencher sur la question de savoir si le Royaume d’Espagne et la République portugaise étaient en droit, au stade de leur intervention, de soulever une exception d’irrecevabilité, fondée sur l’adoption de cette recommandation, à l’encontre du recours de la Commission.
– Sur le grief tiré de la violation de l’article 28 de l’accord EEE
66 Bien que, dans sa défense, la République d’Estonie se soit prévalue des arguments portant sur le grief fondé sur l’article 45 TFUE pour contester également le grief relatif à l’article 28 de l’accord EEE, elle a reconnu la nécessité de compléter l’article 283 de la loi sur l’impôt, «afin d’étendre le champ d’application de celui-ci également aux citoyens des États membres de l’Espace économique européen».
67 À cet égard, il y a lieu de relever que la législation estonienne ne reconnaît aucune possibilité d’octroi de l’avantage fiscal en cause aux personnes titulaires d’une pension en Estonie qui résident dans l’un des États tiers, membres de l’accord EEE. Dans la mesure où les stipulations de l’article 28 de l’accord EEE revêtent la même portée juridique que celle des dispositions, identiques en substance, de l’article 45 TFUE, les considérations qui précèdent sont transposables mutatis mutandis
audit article 28 (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2007, Commission/Suède, C-104/06, Rec. p. I-671, point 32).
68 Il ressort de tout ce qui précède que, en excluant les retraités non-résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi sur l’impôt lorsque, eu égard au faible montant de leurs pensions, ils ne sont pas, en vertu de la législation fiscale de l’État membre de résidence, imposables dans ce dernier, la République d’Estonie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 45 TFUE et 28 de l’accord EEE.
Sur les dépens
69 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République d’Estonie et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
70 En application de l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne, la République portugaise, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni ainsi que la République fédérale d’Allemagne supporteront pour leur part leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:
1) En excluant les retraités non-résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi relative à l’impôt sur le revenu (tulumaksuseadus) du 15 décembre 1999, telle que modifiée par la loi du 26 novembre 2009, lorsque, eu égard au faible montant de leurs pensions, ils ne sont pas, en vertu de la législation fiscale de l’État membre de résidence, imposables dans ce dernier, la République d’Estonie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 45 TFUE et 28 de l’accord sur
l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.
2) La République d’Estonie est condamnée aux dépens.
3) Le Royaume d’Espagne, la République portugaise, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la République fédérale d’Allemagne supporteront leurs propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’estonien.