ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)
10 octobre 2012 (*)
«Pourvoi – FEDER – Réduction du concours financier – Programme opérationnel relevant de l’objectif n° 1 (1994-1999), ‘Accès et Axes routiers’ en Grèce – Délégation de tâches auxiliaires par la Commission à des tiers – Secret professionnel – Taux de correction financière – Marge d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel»
Dans l’affaire C‑497/11 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2011,
République hellénique, représentée par MM. P. Mylonopoulos et K. Boskovits, en qualité d’agents, assistés de M^e G. Michailopoulos, dikigoros,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par M^me A. Steiblytė et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. J.‑J. Kasel (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, M. M. Safjan et M^me M. Berger, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. A. Calot Escobar,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 juillet 2011, Grèce/Commission (T‑81/09, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a partiellement rejeté comme étant non fondé son recours tendant à l’annulation de la décision C (2008) 8573 de la Commission, du 15 décembre 2008, relative à la réduction d’un concours financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) octroyé à la Grèce (ci-après la «décision
litigieuse»), au titre du programme opérationnel «Accès et axes routiers», par la décision C (94) 3579 de la Commission, du 16 décembre 1994, approuvant un concours du FEDER.
Le cadre juridique
2 L’article 23, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO
L 193, p. 20, ci-après le «règlement n° 4253/88»), prévoit:
«Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, et sans préjudice des dispositions de l’article 206 du traité et de toute inspection menée au titre de l’article 209 point c) du traité, des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent contrôler sur place, notamment par sondage, les actions financées par les Fonds structurels et les systèmes de gestion et de contrôle.
Avant d’effectuer un contrôle sur place, la Commission en informe l’État membre concerné, de manière à obtenir toute l’aide nécessaire. Le recours de la Commission à d’éventuels contrôles sur place sans préavis est régi par des accords passés en conformité avec les dispositions du règlement financier dans le cadre du partenariat. Des fonctionnaires ou agents de l’État membre peuvent participer aux contrôles.
La Commission peut demander à l’État membre concerné d’effectuer un contrôle sur place pour vérifier la régularité de la demande de paiement. Des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent participer aux contrôles et doivent le faire si l’État membre concerné le demande.
La Commission veille à ce que les contrôles qu’elle effectue soient réalisés de façon coordonnée de manière à éviter la répétition des contrôles pour le même sujet et dans la même période. L’État membre concerné et la Commission se transmettent sans délai toutes informations appropriées concernant les résultats des contrôles effectués.»
3 L’article 2 du règlement (CE) n° 2064/97 de la Commission, du 15 octobre 1997, arrêtant les modalités détaillées d’application du règlement n° 4253/88 en ce qui concerne le contrôle financier effectué par les États membres sur les opérations cofinancées par les Fonds structurels (JO L 290, p. 1), dispose:
«1. Les systèmes de gestion et de contrôle des États membres:
[...]
c) assurent une piste d’audit suffisante;
[...]
2. La piste d’audit est dite suffisante aux fins du présent règlement lorsqu’elle permet:
a) de réconcilier les comptes récapitulatifs certifiés notifiés à la Commission avec les états des dépenses et leurs pièces justificatives aux différents niveaux de l’administration et du bénéficiaire final;
b) de contrôler l’attribution et les transferts des ressources communautaires et nationales disponibles.
3. Une liste indicative des informations nécessaires pour une piste d’audit suffisante figure dans l’annexe I.»
4 L’article 12 du règlement n° 2064/97 est libellé comme suit:
«1. Les personnes ou organismes d’exécution d’opérations cofinancées par la Communauté prennent les mesures voulues pour que tous les documents comptables et autres nécessaires pour les contrôles soient fournis aux fonctionnaires responsables de ces contrôles ou aux personnes mandatées à cet effet.
2. Les fonctionnaires responsables des contrôles ou les personnes mandatées à cet effet peuvent exiger la présentation d’extraits ou de copies des documents comptables ou autres visés au paragraphe 1.»
5 L’article 54 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), prévoit:
«1. La Commission ne peut pas confier à des tiers les pouvoirs d’exécution qu’elle détient en vertu des traités lorsqu’ils impliquent une large marge d’appréciation de nature à traduire des choix politiques. Les tâches d’exécution déléguées doivent être exactement définies et entièrement contrôlées dans l’usage qui en est fait.
2. Dans les limites prévues au paragraphe 1, la Commission peut, lorsqu’elle exécute le budget de manière centralisée indirecte selon l’article 53, paragraphe 2, confier des tâches de puissance publique et notamment des tâches d’exécution budgétaire à:
[...]
c) des organismes nationaux publics ou des entités de droit privé investis d’une mission de service public présentant les garanties financières suffisantes et respectant les conditions prévues dans les modalités d’exécution. Ces organismes ne peuvent être chargés de tâches d’exécution que:
i) si l’acte de base du programme ou de l’action concernée prévoit la possibilité de délégation et les critères de sélection des entités concernées, et
ii) si la délégation de tâches d’exécution budgétaire s’avère celle qui répond aux besoins de la bonne gestion financière découlant d’une analyse préalable et assure le respect du principe de non-discrimination, ainsi que la visibilité de l’action communautaire. Les tâches d’exécution ainsi confiées ne peuvent donner [lieu] à conflit d’intérêts.
3. Lorsque les organismes visés au paragraphe 2 effectuent des tâches d’exécution, ils vérifient régulièrement que les actions devant être financées par le budget ont été exécutées correctement.
Ces organismes prennent les mesures propres à prévenir les irrégularités et les fraudes et engagent le cas échéant des poursuites afin de récupérer les fonds perdus, indûment versés ou mal employés.»
6 L’article 57 du règlement n° 1605/02 est libellé comme suit:
«1. La Commission ne peut confier des actes d’exécution sur des fonds en provenance du budget à des entités ou des organismes extérieurs de droit privé, y compris le paiement et le recouvrement, à l’exception de ceux investis d’une mission de service public, selon les dispositions de l’article 54, paragraphe 2, point c).
2. Les tâches susceptibles d’être confiées, par voie contractuelle, à des entités ou des organismes extérieurs de droit privé autres que ceux investis d’une mission de service public, sont des tâches d’expertise technique et des tâches administratives, préparatoires ou accessoires qui n’impliquent ni mission de puissance publique ni exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation.»
7 L’article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), prévoit:
«1. Dans les procédures restreintes et les procédures négociées, les pouvoirs adjudicateurs choisissent, sur la base des renseignements concernant la situation personnelle de l’entrepreneur ainsi que des renseignements et des formalités nécessaires à l’évaluation des conditions minimales de caractère économique et technique à remplir par celui-ci, les candidats qu’ils inviteront à soumettre une offre ou à négocier parmi ceux qui présentent les qualifications requises par les articles 24 à 29.
2. Lorsque les pouvoirs adjudicateurs passent un marché par procédure restreinte, ils peuvent prévoir la fourchette à l’intérieur de laquelle se situera le nombre des entreprises qu’ils envisagent d’inviter. Dans ce cas, la fourchette est indiquée dans l’avis. Elle est déterminée en fonction de la nature de l’ouvrage à réaliser. Le chiffre le moins élevé de la fourchette ne doit pas être inférieur à cinq. Le chiffre supérieur de la fourchette peut être fixé à vingt.
En toute hypothèse, le nombre de candidats admis à soumissionner doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle.»
Les antécédents du litige
8 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 6 à 11 de l’arrêt attaqué comme suit:
«6 Par décision C (94) 3579, du 16 décembre 1994, modifiée par la décision C (2000) 2040, du 8 août 2000, la Commission des Communautés européennes a approuvé, en application des règlements n^os 2052/88 et 4253/88, un concours financier de 1 572 887 000 écus au programme opérationnel ‘Accès et Axes routiers’ en Grèce, pour la période allant de 1994 à 1999 (ci-après le ‘Programme’). La contribution de la Communauté a été fixée à 66,4 % de la totalité de la dépense publique éligible du Programme.
7 Par lettre du 21 novembre 2002, la République hellénique a présenté la demande de paiement du solde, à savoir 141 689 619,10 euros. Conformément à l’article 8 du règlement n° 2064/97, la déclaration du service national indépendant chargé du contrôle financier de la réalisation du Programme était jointe à cette demande de paiement (ci-après la ‘déclaration de 2002’). La déclaration de 2002 aurait fait état d’un taux d’erreur général de l’ordre de 5,2 % pour les dépenses du Programme. Par
ailleurs, ladite déclaration aurait également fait état d’une défaillance systémique grave dans la gestion du projet ‘Axe routier septentrional de Crète’. En août 2003, la République hellénique a présenté à la Commission une déclaration modifiée concernant l’article 8 du règlement n° 2064/97 (ci-après la ‘déclaration de 2003’).
8 En avril et en mai 2004, la Commission a réalisé une mission d’audit afin de vérifier la fiabilité de la déclaration de 2002.
9 Entre mai 2004 et septembre 2008, la Commission et la République hellénique ont échangé de multiples courriers portant sur d’éventuelles irrégularités dans la mise en œuvre du Programme et leurs conséquences pour le montant final de la contribution du FEDER. Au cours de cette période, la Commission a notamment communiqué à la République hellénique le rapport d’audit qu’elle avait effectué sur la fiabilité de la déclaration de 2002 (ci-après le ‘rapport d’audit’) et a organisé une audition
avec la République hellénique.
10 Par [la décision litigieuse], la Commission a, conformément à l’article 24 du règlement n° 4253/88, réduit de 30 104 470,47 euros la contribution du FEDER au Programme. En effet, au cours de la procédure administrative, la Commission a transféré à la République hellénique un montant total de 89 997 573,72 euros et s’est engagée à transférer la somme additionnelle de 21 587 575,28 euros.
11 En substance, la réduction avait été effectuée aux motifs que les conditions d’adjudication auraient été modifiées au cours de la procédure, que plusieurs projets seraient restés inachevés et que les projets terminés ne seraient pas conformes aux contrats les prévoyant.»
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2009, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de son recours, cet État membre a avancé dix moyens, dont la plupart visaient à faire constater que les corrections appliquées par la Commission étaient non fondées. La République hellénique prétendait, notamment, que ses autorités avaient déjà, en fixant les dépenses déclarées, pris en compte les irrégularités observées
par la Commission. Elle invoquait également des vices de procédure, tels que des défauts de motivation, l’exercice de l’autorité publique par des entités de droit privé et la violation de l’obligation de secret professionnel.
10 La Commission a conclu au rejet du recours.
11 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait partiellement droit au recours de la République hellénique et a annulé la décision litigieuse en ce qu’elle prévoit, d’une part, une correction d’un montant de 506 303 euros au titre du projet «Isthmos – Galota» et, d’autre part, une correction d’un montant de 684 343 euros au titre du projet «Carrefour de Polymylos (contrat 928)». Le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus.
12 S’agissant du premier moyen invoqué par la République hellénique, tiré de la violation de formes substantielles, le Tribunal a, aux points 25 à 35 de l’arrêt attaqué, jugé ce qui suit:
«25 À titre liminaire, il convient de relever que le règlement n° 4253/88 ne contient aucune disposition accordant explicitement à la Commission le pouvoir d’avoir recours, au cours de ses contrôles, à des sociétés privées agissant sous sa supervision. En revanche, le règlement n° 2064/97, qui a été adopté par la Commission, prévoit cette possibilité à son article 12. Cependant, ladite disposition ne suffit pas, à elle seule, pour rejeter le grief de la République hellénique, à moins qu’elle
précise les modalités d’exercice d’un pouvoir dont la Commission dispose déjà au titre d’une norme de rang supérieur.
26 Dans ce contexte, il importe de relever qu’il est de principe général de droit administratif, ainsi qu’il est manifesté dans les articles 54 et 57 du règlement [...] n° 1605/2002 [...], que, bien que la Commission ne puisse confier à des entités ou à des organismes de droit privé l’exercice de prérogatives de puissance publique, à moins que cela ne soit prévu par voie de législation, il lui est loisible de confier à de telles entités des tâches de nature auxiliaire, telles que des tâches
d’expertise technique ou des tâches administratives.
27 Il s’ensuit que, en l’espèce, il y a lieu d’examiner si, en recourant aux services de la société M., la Commission a confié à cette dernière l’exercice de prérogatives de puissance publique. À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de ce moyen, la République hellénique ne précise pas dans quelle mesure les services fournis par la société M. équivaudraient à l’exercice de prérogatives de puissance publique.
28 Au contraire, l’examen des clauses du contrat conclu entre la Commission et la société M. corrobore l’affirmation de la Commission selon laquelle ladite société ne fournissait que des services d’assistance technique aux contrôleurs de la Commission, qui étaient les seuls à décider de la matière à contrôler, de la méthode et des conclusions du contrôle et à en endosser l’entière responsabilité en signant les rapports. En effet, il ressort dudit contrat que les services d’audit de la société
M. étaient exécutés et fournis sous la supervision de la Commission et que cette dernière ne déléguait à travers le contrat en cause aucun pouvoir relevant de l’exercice de puissance publique à la société M.
29 En outre, les première et dernière pages du rapport d’audit indiquent la direction générale et le nom des fonctionnaires de la Commission responsables de l’élaboration du rapport d’audit. La société M. est citée, au point 6 du rapport d’audit, comme étant l’un des participants à l’audit.
30 Il découle de ce qui précède que rien n’indique dans le dossier que le rôle joué par la société M. dans l’enquête aurait été autre que celui d’effectuer des tâches de nature auxiliaire.
31 En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le principe de confidentialité aurait été violé lorsque la Commission a transmis les informations réunies lors des vérifications à la société M., il importe de relever que le fait qu’il est loisible à la Commission de déléguer des tâches administratives et techniques à des entités de droit privé implique qu’elle doive être en mesure de mettre à la disposition de ces dernières les données nécessaires, y compris celles couvertes par le secret
professionnel, afin qu’elles puissent effectuer leurs missions, à condition que la Commission veille à ce que lesdites entités privées traitent les données communiquées avec la confidentialité requise.
32 Dans ce contexte, il convient de constater, d’une part, que la République hellénique n’a pas précisé quelles auraient été les données transmises à la société M. qui allaient au-delà de ce qui aurait été nécessaire pour que celle‑ci effectue sa mission et, d’autre part, que le contrat conclu entre la Commission et la société M. soumet cette dernière à l’obligation de prendre les mesures nécessaires afin de garantir la confidentialité et de prévenir tout risque de conflit d’intérêts.
33 Enfin, s’agissant de la prétendue violation du principe de transparence, tirée du fait que le rapport d’audit ne porte pas les signatures des collaborateurs de la société M., il convient de relever ce qui suit. Étant donné qu’il n’a pas été prouvé que la société M. aurait été responsable des conclusions retenues dans le rapport d’audit, la décision [litigieuse] ne saurait être considérée comme étant entachée d’une erreur en raison de l’absence des signatures des collaborateurs de la société
M.
34 Cette conclusion n’est pas en contradiction avec le droit de la République hellénique de connaître l’identité des personnes ayant effectué l’enquête, y compris les collaborateurs de la société M. Cette information peut cependant être communiquée sous d’autres formes que celle de signatures apposées sur le rapport d’audit.
35 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen dans son intégralité.»
13 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE, le Tribunal a, au point 43 de l’arrêt attaqué, jugé ce qui suit:
«En ce qui concerne la correction relative au projet ‘Axe routier septentrional de Crète’, il convient de relever que la décision [litigieuse] contient une motivation à cet égard à son considérant 17. Le Tribunal constate que le grief de la République hellénique ne vise en réalité pas à faire valoir un défaut de motivation, mais le fait que la motivation fournie par la Commission au considérant 17 de la décision [litigieuse], à savoir la référence au taux d’erreur de 25 % contenu dans la déclaration
de 2002, est erronée. Toutefois, le fait que la position prise par la Commission puisse être erronée n’est pas susceptible de mettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision [litigieuse] (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 66 à 72). Il s’ensuit que, dans le cadre du présent moyen, le grief ayant trait au projet intitulé ‘Axe routier septentrional de Crète’ est inopérant. Le bien-fondé de
la réduction relative audit projet est traité dans le cadre du troisième moyen ci-après.»
14 En ce qui concerne le troisième moyen invoqué par la République hellénique, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 11 946 583,53 euros au titre du projet «Axe routier septentrional de Crète», le Tribunal a fait les développements suivants:
«54 À titre liminaire, il convient de relever qu’il est constant que la décision [litigieuse] concerne la réduction de la contribution accordée par le FEDER à la République hellénique pour la période allant de 1994 à 1999.
55 Il ressort également du dossier que les défaillances constatées par l’autorité grecque compétente lors du premier contrôle en juin 2002 concernaient ladite période, tandis que le deuxième contrôle, effectué en mars 2003, visait la période ultérieure, à savoir celle qui a débuté en 2000 et qui était soumise à d’autres règles que celles applicables entre 1994 et 1999.
56 Il s’ensuit que la prétention de la République hellénique, selon laquelle les irrégularités sur lesquelles la Commission a fondé sa correction financière en ce qui concerne le projet ‘Axe routier septentrional de Crète’ existaient pendant une période très courte et avaient rapidement été corrigées, ne saurait être considérée comme démontrée. En effet, la République hellénique s’est fondée sur un rapport dans lequel une amélioration de gestion avait été constatée non au cours de la période
1994-1999, mais au cours d’une période postérieure à celle-ci. De même, la prétention selon laquelle la Commission aurait dû appliquer les lignes directrices de 2001 et de 2002 est non fondée, dès lors qu’il ressort desdites lignes directrices qu’elles visaient les périodes de programmation postérieures à 1999.
57 S’agissant du grief tiré du fait que la Commission a appliqué les orientations internes de 1997 sans que celles-ci aient été communiquées à la République hellénique, il importe de constater qu’il ressort des éléments produits par la Commission devant le Tribunal que lesdites orientations ont été signifiées à la représentation permanente de la République hellénique auprès de l’Union le 23 octobre 1997. Partant, il convient de rejeter ce grief.
58 Quant au grief tiré du fait que la Commission, afin d’appliquer la correction concernant le projet ‘Axe routier septentrional de Crète’, s’est uniquement fondée sur la déclaration de 2002 sans entreprendre sa propre enquête, il y a lieu de le rejeter également. En effet, il ressort des termes de l’article 23 du règlement n° 4253/88 et de la jurisprudence que les autorités nationales, et, en particulier, le service indépendant en charge de la déclaration sur la régularité des dépenses prévu
par l’article 8 du règlement n° 2064/97, sont placés au premier rang des autorités de contrôle et c’est, en principe, sur la base de ces informations que la Commission peut décider d’intervenir (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, Italie/Commission, T‑154/06, non publié au Recueil, points 41 et 42).
59 En particulier, lorsque les autorités nationales ont procédé à un contrôle approfondi du respect de ses obligations financières par le bénéficiaire d’une subvention communautaire, la Commission peut légitimement se fonder sur leurs constatations factuelles circonstanciées et déterminer si ces constatations permettent d’établir l’existence d’irrégularités justifiant une sanction au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 [...]. Elle ne saurait être tenue de procéder à une
nouvelle enquête. La répétition d’une telle enquête priverait en effet la coopération avec les autorités nationales de tout effet utile et serait contraire au principe de bonne administration (arrêt du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II‑3731, point 45).
60 Partant, en l’occurrence, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir entrepris sa propre enquête relative au projet ‘Axe routier septentrional de Crète’. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la République hellénique ne conteste pas l’existence des irrégularités constatées, concernant ledit projet, dans la déclaration de 2002 et auxquelles la Commission a fait référence dans la décision [litigieuse]. Elle conteste néanmoins l’importance que la Commission leur a accordée.
Selon elle, la correction de 25 % est disproportionnée par rapport aux défaillances identifiées dans la déclaration de 2002. De plus, elle prétend que les autorités helléniques avaient déjà appliqué une correction à la suite desdites irrégularités et que la correction appliquée par la Commission serait par conséquent superflue.
61 L’argument tiré de ce que les autorités grecques avaient déjà appliqué la correction nécessaire ne saurait prospérer. Dans ce contexte, il importe de relever que la déclaration de 2002 faisait état de l’existence, d’une part, de dépenses non éligibles à concurrence de 282 millions de drachmes grecques (GRD) et, d’autre part, dans le cadre des dépenses éligibles, de nombreuses irrégularités qui ont généré de graves difficultés dans le cadre de la procédure de contrôle.
62 Il ressort du dossier que la correction appliquée par les autorités helléniques et communiquée à la Commission dans la déclaration de 2003 ne faisait que rectifier l’erreur concernant les dépenses non éligibles, en déduisant le montant de 282 millions de GRD des dépenses éligibles. En revanche, il ne ressort pas des déclarations de 2002 et de 2003, ainsi que l’a confirmé la République hellénique au cours de l’audience, que les autorités grecques auraient procédé à des corrections en ce qui
concerne les montants éligibles afin de prendre en compte les irrégularités s’y rapportant.
63 S’agissant de l’argument tiré du principe de proportionnalité, il convient, à titre liminaire, de rappeler la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées en conformité avec les règles communautaires sont à la charge du budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec. p. I‑8027, point 26). Par conséquent, dès que la Commission décèle l’existence d’une violation des dispositions communautaires dans les paiements effectués
par un État membre, elle est tenue de procéder à la rectification des comptes présentés par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 67).
64 Cependant, lorsque la Commission procède à une telle rectification, elle dispose, en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, d’une marge d’appréciation quant à l’étendue de la correction financière, qu’elle doit exercer dans les limites du respect du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 mars 2010, Sviluppo Italia Basilicata/Commission, C‑414/08 P, [Rec. p. I‑2559], point 129).
65 En l’occurrence, les irrégularités constatées par les autorités grecques dans la déclaration de 2002 sont loin d’être futiles. Au contraire, il s’agit de défaillances sérieuses, notamment les irrégularités concernant l’approbation des états récapitulatifs des travaux, l’absence de piste d’audit et l’absence de respect des procédures de publicité. De telles défaillances impliquent un risque flagrant de perte de ressources de l’Union, dès lors qu’elles rendent difficile la vérification de la
correspondance exacte entre les dépenses effectivement réalisées dans le cadre des projets éligibles et les demandes de concours financier communautaire qui y sont relatives.
66 De plus, il convient de relever que, au cours de la procédure devant le Tribunal, la République hellénique n’a avancé aucun élément démontrant que la constatation des défaillances exposées dans la déclaration de 2002 aurait été erronée. Sa tentative de minimiser l’importance desdites défaillances ne saurait prospérer, dès lors que la République hellénique fait référence aux circonstances propres à une période postérieure à celle visée par la décision [litigieuse].
67 Partant, l’affirmation de la République hellénique selon laquelle il n’y aurait pas eu de problème dans d’application de la législation communautaire ou nationale quant au projet ‘Axe routier septentrional de Crète’ ne saurait être retenue, dès lors qu’elle est en contradiction avec la constatation des autorités helléniques mentionnée dans la déclaration de 2002 selon laquelle ‘des défaillances sont signalées dans le respect de la légalité/régularité, et concrètement dans le respect des
procédures de publicité, dans l’imputation illégale aux candidats des frais de production des documents relatifs à l’appel d’offres, dans l’application injustifiée d’un montant minoré (par rapport au budget de l’étude) dans la formule mathématique pour la désignation de l’adjudicataire’.
68 En outre, il convient de constater que l’argument selon lequel il n’y a pas eu de défaillance ayant conduit à l’absence de réalisation du projet est inopérant, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence que le fait que le bénéficiaire d’un financement ne respecte pas toutes ses obligations justifie, d’une manière générale, la révision de la contribution communautaire et le simple fait que le projet ait été réalisé ne suffit pas à justifier le versement de la contribution communautaire (arrêt
du Tribunal du 9 septembre 2008, Allemagne/Commission, T‑349/06, T‑371/06, T‑14/07, T‑15/07 et T‑332/07, Rec. p. II‑2181, point 77).
69 Eu égard aux défaillances sérieuses constatées dans la déclaration de 2002 et en tenant compte du fait que l’article 24 du règlement n° 4253/88 n’opère aucune distinction d’ordre quantitatif ou qualitatif en ce qui concerne les irrégularités pouvant donner lieu à la réduction d’un concours, le Tribunal considère que le taux de correction forfaitaire appliqué par la Commission, à savoir 25 %, n’est pas disproportionné.
70 Enfin, il convient de rejeter comme manifestement dépourvu de fondement l’argument selon lequel il faut appliquer un taux de correction de 25 % au montant qui a été dépensé après la date à laquelle avait été instaurée l’autorité au sein de laquelle les problèmes de gestion ont été constatés. En effet, rien ne permet de conclure que les défaillances constatées dans la déclaration de 2002 auraient été moins sérieuses pour la période ayant précédé la mise en place du service responsable.
71 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.»
15 Pour ce qui est du cinquième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 1 906 887 euros au titre du projet «Kakia Skala», le Tribunal a jugé, notamment, ce qui suit:
«92 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’exigence d’une piste d’audit sert à permettre à des tiers de vérifier la correspondance entre les données de départ d’un projet et le résultat final dudit projet. Cet exercice doit nécessairement comprendre tant des éléments quantitatifs (correspondance entre les fonds attribués et les dépenses exécutées) que des éléments qualitatifs (correspondance entre les objectifs fixés et les résultats obtenus).
93 En l’espèce, l’argumentation de la République hellénique est centrée sur la vérification des éléments quantitatifs, dans la mesure où celle-ci fait valoir, en substance, que les défauts relevés dans la décision [litigieuse] n’excluent pas l’établissement d’un lien avec l’ensemble des dépenses et paiements pour le projet en question’. Pourtant, elle ne conteste pas la matérialité des faits exposés au considérant 21 de la décision [litigieuse] et aux points 8.5.1.7 et 8.5.1.8 du rapport
d’audit. Parmi ces faits, figurent notamment plusieurs procédures de passation de marché sans qu’il y ait eu d’études ou d’études complètes ou encore d’études dûment approuvées par l’autorité compétente.
94 Il va de soi que, en l’absence d’études préalables exposant les objectifs et les spécifications techniques d’un projet, il est difficile, voire impossible, d’examiner dans quelle mesure le projet finalisé correspond aux conditions et aux solutions préalablement fixées. De plus, l’absence d’études rend également difficile la vérification ultérieure concernant la question de savoir si le pouvoir adjudicateur a effectivement choisi l’offre la plus concurrentielle.
95 Au vu de ce qui précède et en tenant compte du fait que la République hellénique ne conteste pas l’absence d’études satisfaisantes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir réduit la contribution financière liée au projet ‘Kakia Skala’ au motif que ce projet était entaché d’une absence de piste d’audit.»
16 S’agissant du sixième moyen, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 1 385 318 euros au titre du projet «K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1», le Tribunal a jugé ce qui suit:
«104 Le Tribunal rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie que, en ce qui concerne les marchés publics, le pouvoir adjudicateur est tenu au respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires. Il ressort également de la jurisprudence que ledit principe implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, points 108 à 109).
105 Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs. Quant au principe de transparence, qui en constitue le corollaire, il a
essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et,
d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 104 supra, points 110 à 111).
106 Il s’ensuit qu’il n’est pas admis pour le pouvoir adjudicateur de modifier les conditions et modalités d’attribution du marché au cours de la procédure, à moins que cette possibilité n’ait été prévue dès le début dans l’avis d’adjudication (voir, en ce sens, arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 104 supra, points 118 à 121).
107 En l’espèce, force est de constater que les affirmations de la Commission, exposées au considérant 22 de la décision [litigieuse], sont confirmées par les éléments contenus dans le dossier. En effet, par la décision ministérielle du 2 août 1988, les conditions et modalités d’attribution ont été modifiées au cours de la procédure, à savoir après la phase de présélection.
108 Une de ces modifications permettait aux entreprises qui n’avaient pas été présélectionnées lors de la première phase de néanmoins participer à la seconde en tant que membres d’un consortium. Cela constitue une violation des principes énoncés aux points 104 à 106 ci-dessus. En effet, cette modification constitue une violation du principe d’égalité de traitement dans le sens où certaines entreprises ont effectivement été exemptées des charges et de l’effort de se soumettre, au titre de
l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37 [...], à la phase de présélection et du contrôle de leur capacité technique et financière.
109 La décision ministérielle de 2 août 1988 a également introduit une nouvelle règle selon laquelle chaque entreprise ayant passé la phase de présélection ne pouvait soumettre plus de deux offres pour les quatre projets qui étaient menés en parallèle. Force est de constater que cette règle modifie incontestablement les conditions de mise en concurrence par rapport à la situation lors de la publication de l’avis initial et enfreint donc les principes énoncés aux points 104 à 106 ci-dessus, dès
lors que cette modification contraint les soumissionnaires à limiter a posteriori leurs ambitions à deux projets au profit d’autres concurrents.
110 De même, il ne peut être exclu que, si cette condition avait été prévue dans l’avis initial, la composition des candidats et le contenu de leurs offres auraient été différents, dans la mesure où il est possible que certaines entreprises, en calculant la rentabilité potentielle de leurs soumissions, aient pris en compte la possibilité de pouvoir emporter les quatre projets.
111 Enfin, il convient de constater que la Commission ne saurait être sanctionnée pour avoir reproché aux autorités grecques de ne pas avoir suffisamment réagi à la suite de la constatation d’une entente frappant deux projets menés en parallèle avec le projet ‘K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1’. Bien que les procédures d’attribution des projets faisant l’objet d’une entente aient été annulées à la suite de la révélation de ladite entente, il ne ressort pas du dossier que
l’autorité compétente aurait pris les mesures nécessaires afin de vérifier l’impact éventuel de l’entente sur le projet ‘K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1’.
112 Or, c’est ce qu’elle aurait dû faire au titre du principe de bonne gestion financière, puisque les entreprises étant en concurrence pour les deux projets faisant l’objet d’une entente l’étaient également pour obtenir le projet ‘K. Varibobis-Bogiati & Afidnes-K. Markopoulou – Section 1’, qui, rappelons-le, était mené en parallèle avec les deux projets entachés.
113 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le sixième moyen.»
17 En ce qui concerne le dixième moyen de la République hellénique, tiré d’une correction prétendument erronée d’un montant de 10 139 020 euros au titre des projets «Aerino-M. monastère», «M. monastère – Début de la déviation Larissa» et «Déviation Larissa», le Tribunal a jugé ce qui suit:
«150 S’agissant de la condition excluant la possibilité pour un adjudicataire d’emporter plus d’un projet parmi les trois menés en parallèle, il convient de constater que, dans la mesure où cette condition ne faisait pas partie de l’avis initial, mais avait été imposée ultérieurement, elle modifie incontestablement les conditions de mise en concurrence par rapport à la situation existant à la date de la publication de l’avis initial et enfreint donc les principes énoncés aux points 104 à 106
ci-dessus. En effet, cette modification a contraint les soumissionnaires à limiter a posteriori leurs ambitions.
151 De même, il ne peut pas être exclu que, si cette condition avait été prévue dans l’avis initial, la composition des candidats et le contenu de leurs offres auraient été différents, dans la mesure où il est possible que certaines entreprises, en calculant la rentabilité potentielle de leurs soumissions, aient pris en compte la possibilité de pouvoir emporter les trois projets. Il conviendrait donc d’écarter ce grief.
152 Enfin, il convient de constater que les éléments présents dans le dossier ne permettent pas de conclure que la Commission a commis une erreur de fait en constatant que les provisions applicables aux projets ‘Aerino-M. monastère’, ‘M. monastère – Début de la déviation Larissa’ et ‘Déviation Larissa’ faisaient état du souhait de recourir à des bureaux d’études grecs, enfreignant ainsi le principe de non-discrimination. En effet, il en ressort que le recours aux services de bureaux d’études
grecs était ‘souhaitable’ et constituait un critère qui était, et qui devait, être évalué par les autorités compétentes.
153 Il s’ensuit que ce dernier moyen doit également être rejeté.»
Les conclusions des parties
18 La République hellénique conclut à ce que la Cour:
– accueille le pourvoi et annule l’arrêt attaqué;
– accueille le recours introduit en première instance, et
– condamne la Commission aux dépens.
19 La Commission demande à la Cour:
– de rejeter le pourvoi comme étant non fondé, et
– de condamner la République hellénique aux dépens.
Sur le pourvoi
20 À l’appui de son pourvoi, la République hellénique invoque cinq moyens.
21 Le premier moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, de l’article 12 du règlement n° 2064/97 ainsi que des articles 54 et 57 du règlement n° 1605/02.
22 Par son deuxième moyen, la République hellénique invoque une violation du principe de proportionnalité, une contradiction des motifs ainsi qu’un défaut de motivation en ce qui concerne le projet intitulé «Axe routier septentrional de Crète».
23 Le troisième moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 2 du règlement n° 2064/97 en ce qui concerne le projet «Kakia Scala».
24 Le quatrième moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées du principe de l’égalité de traitement ainsi que de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 93/37 en ce qui concerne les projets «Échangeur de Varympompi – Bogiati et Afidnes – Échangeur de Markopoulou – Section 1».
25 Par son cinquième moyen, la République hellénique invoque une interprétation et une application erronées du principe de l’égalité de traitement ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37, une violation des droits de la défense et du droit à être entendu ainsi qu’un défaut de motivation en ce qui concerne les projets «Aerino-M. monastère», «M. monastère – Début de la déviation Larissa» et «Déviation Larissa».
26 En vertu de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter, par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.
27 En l’espèce, la Cour s’estime suffisamment éclairée par les pièces du dossier et décide, en application dudit article, de statuer par voie d’ordonnance motivée.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
28 La République hellénique fait valoir que le Tribunal a fait une interprétation et une application erronées de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, de l’article 12 du règlement n° 2064/97 ainsi que des articles 54 et 57 du règlement n° 1605/2002, en jugeant, au point 27 de l’arrêt attaqué, qu’il fallait examiner si, en recourant aux services de la société M., la Commission a confié à cette dernière l’exercice de prérogatives de puissance publique, alors qu’il aurait dû
vérifier si l’exercice, par une société privée, de pouvoirs de contrôle attribués à la Commission est conforme à ces dispositions.
29 Or, ainsi qu’il résulterait des clauses du contrat liant la Commission et la société M., les tâches des employés de cette société concernaient la substance ainsi que les conclusions du contrôle et allaient jusqu’à l’imposition de corrections financières, ce qui implique, par nature, l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans le cadre des évaluations requises. L’exercice de tels pouvoirs par des employés privés ne serait conforme ni à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 ni à
l’article 12 du règlement n° 2064/1997, dans la mesure où cette dernière disposition prévoirait simplement la possibilité de fournir des documents à des personnes habilitées exclusivement aux fins de l’accomplissement de tâches de nature auxiliaire.
30 De surcroît, l’attribution de pouvoirs, tels que ceux donnés à la société M., comportant l’exercice d’un très large pouvoir discrétionnaire d’appréciation, serait contraire à l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 1605/2002 aux termes duquel «[l]es tâches susceptibles d’être confiées, par voie contractuelle, à des entités ou des organismes extérieurs de droit privé autres que ceux investis d’une mission de service public, sont des tâches d’expertise technique et des tâches
administratives, préparatoires ou accessoires qui n’impliquent ni mission de puissance publique ni exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation».
31 La Commission considère que le premier moyen soulève clairement une question de fait qui a été examinée en première instance et que, partant, ce moyen est irrecevable dans le cadre du pourvoi. À titre subsidiaire, la Commission relève que les contrôleurs privés devaient uniquement l’aider à déterminer quels étaient les données et les documents essentiels, afin que ses fonctionnaires puissent valablement évaluer si les dépenses en question étaient ou non éligibles et approuver, ou non, leur
cofinancement. La qualification finale des dépenses en tant que dépenses non éligibles et l’application des corrections correspondantes auraient été exclusivement le résultat de la décision de la Commission.
Appréciation de la Cour
32 S’agissant de la première branche du premier moyen, il y a lieu de relever qu’il ressort de la première phrase du point 25 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que, en l’espèce, la Commission avait eu recours, au cours des contrôles, à une société agissant sous sa supervision. Dans la mesure où cette appréciation a été corroborée par la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au point 30 dudit arrêt, à savoir que la société M. n’a effectué que des tâches de nature auxiliaire,
le Tribunal, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, a jugé que la société M. n’avait pas exercé des pouvoirs de contrôle attribués à la Commission.
33 Il s’ensuit que cette première branche selon laquelle le Tribunal n’aurait pas examiné le point de savoir si la société M. a exercé des pouvoirs de contrôle attribués à la Commission résulte d’une lecture erronée des points 25 à 30 de l’arrêt attaqué et doit donc être écartée comme étant manifestement non fondée.
34 En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, il convient de constater que, en fondant l’argumentation avancée à l’appui de cette branche sur la prémisse selon laquelle il résulterait des clauses du contrat liant la Commission et la société M. que les tâches attribuées à cette dernière comportaient l’«exercice d’un très large pouvoir discrétionnaire d’appréciation», alors même que le Tribunal a rejeté cette prémisse, la République hellénique remet en cause l’appréciation des faits
effectuée par le Tribunal.
35 À cet égard, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient
d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, non encore publié au Recueil, point 58).
36 Par ailleurs, il importe de rappeler qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., précité, point 59).
37 Dès lors que, en l’espèce, la République hellénique ne reproche pas au Tribunal d’avoir commis une telle dénaturation, la seconde branche du premier moyen est manifestement irrecevable.
38 Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, manifestement irrecevable.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
39 Par la première branche du deuxième moyen, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir, au point 43 de l’arrêt attaqué, rejeté le moyen tiré de l’absence de motivation de la correction financière relative au projet «BOAK» au motif que la décision litigieuse contenait une motivation à son considérant 17. Or, ce considérant 17 ne ferait pas référence au projet «BOAK» et la correction en rapport avec ce projet ne serait évoquée que dans le tableau B de l’annexe de la décision
litigieuse. Il conviendrait dès lors d’annuler l’arrêt attaqué sur ce point pour défaut de motivation.
40 De surcroît, le Tribunal aurait commis une erreur en considérant, au point 43 de l’arrêt attaqué, que la mention d’un pourcentage de correction sans autre précision est susceptible de constituer une motivation suffisante. En outre, en explicitant, au point 44 de cet arrêt, la motivation contenue aux considérants 21 à 27 de la décision litigieuse, le Tribunal reconnaîtrait l’absence de motivation de la correction correspondant au projet «BOAK» et, ce faisant, entrerait en contradiction avec
la motivation contenue au point 43 de l’arrêt attaqué.
41 Par la deuxième branche du deuxième moyen, la République hellénique fait grief au Tribunal de ne pas avoir suffisamment examiné si, en appliquant une correction financière de 25 %, la Commission a dépassé les limites de son pouvoir discrétionnaire et a violé le principe de proportionnalité. La motivation de l’arrêt attaqué, et en particulier celle contenue au point 69 de cet arrêt, serait insuffisante à cet égard. D’ailleurs, la référence, aux points 64 et 69 dudit arrêt, au très large
pouvoir discrétionnaire de la Commission lorsqu’elle procède à des corrections financières au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, renforcerait la nécessité d’une motivation suffisante de ces corrections pour permettre de contrôler le respect du principe de proportionnalité. Ainsi, la Commission devrait donner une motivation particulière lorsqu’elle procède à une correction financière appliquée à l’ensemble des dépenses du projet. Or, son contrôle n’aurait porté que sur une
partie seulement de ces dépenses.
42 Par la troisième branche du deuxième moyen, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation et à une application erronées des règles en matière de charge de la preuve en rejetant, au point 70 de l’arrêt attaqué, comme étant manifestement dépourvu de fondement, en dépit du principe de proportionnalité et de l’obligation de motivation, l’argument selon lequel il convient d’appliquer un taux de correction de 25 % au montant dépensé après la date à laquelle
avait été instaurée l’autorité au sein de laquelle les problèmes de gestion ont été constatés en se basant sur une présomption, avancée par la Commission.
43 La Commission considère que le deuxième moyen doit être rejeté tant en ce qui concerne le volet relatif à la motivation des points visés de l’arrêt attaqué qu’en ce qui concerne le volet relatif au fond, à savoir la proportionnalité de la correction appliquée.
Appréciation de la Cour
44 S’agissant de la première branche du deuxième moyen, il convient, d’une part, de relever que, ainsi que la République hellénique le reconnaît elle-même, le Tribunal a considéré, au point 43 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait motivé son choix au considérant 17 de la décision litigieuse. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal de ne pas avoir motivé le rejet de l’argument avancé par la République hellénique en première instance, selon lequel la Commission n’aurait pas justifié la
correction financière relative au projet «BOAK». Cette partie de la première branche du deuxième moyen doit donc être écartée comme étant manifestement non fondée.
45 Il importe, d’autre part, de relever que l’argumentation avancée, pour le surplus, à l’appui de cette branche ne vise, en fait, qu’à faire constater que la motivation contenue au considérant 17 de la décision litigieuse n’est pas suffisante et ne constitue donc qu’une simple répétition de l’argumentation déjà avancée devant le Tribunal et doit, partant, être écartée comme étant manifestement irrecevable.
46 En effet, selon une jurisprudence constante, un moyen qui se limite à reproduire des arguments déjà présentés devant le Tribunal constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen d’un moyen présenté devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, non encore publié au Recueil, point 55 et jurisprudence citée).
47 Il importe, également, de constater que la République hellénique n’a pas précisé en quoi la motivation figurant au point 44 de l’arrêt attaqué serait en contradiction avec celle contenue au point 43 du même arrêt, alors qu’il ressort clairement de ces points que le Tribunal s’est référé à des considérants de la décision litigieuse différents et n’a établi aucun lien entre ceux-ci. Dans la mesure où le Tribunal a uniquement jugé que les considérants en question contenaient une motivation
suffisante pour imposer les corrections financières correspondantes, l’argument avancé par la République hellénique doit donc également être écarté comme étant manifestement non fondé.
48 Pour ce qui est de la deuxième branche du deuxième moyen, il suffit de constater que, contrairement à ce que laisse entendre la République hellénique, la motivation retenue par le Tribunal pour rejeter l’argument tiré de la prétendue violation du principe de proportionnalité ne se limite pas au point 69 de l’arrêt attaqué, mais s’étend du point 63 au point 69 dudit arrêt. Ledit point 69 ne constitue dès lors que la conclusion du raisonnement que la République hellénique reproche au Tribunal
de ne pas avoir mené.
49 Cette branche résulte donc d’une lecture erronée des points 63 à 69 de l’arrêt attaqué et doit, partant, être écartée comme étant manifestement non recevable.
50 En ce qui concerne la troisième branche du deuxième moyen, il convient de relever, d’une part, que, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne se réfère pas à une quelconque position adoptée par la Commission. D’autre part, dans la mesure où la déclaration de 2002 à laquelle se réfère le Tribunal au point 70 de l’arrêt attaqué portait, ainsi qu’il ressort du point 55 du même arrêt, sur la période allant de 1994 à 1999, c’est à bon droit que le Tribunal a pu considérer qu’il appartenait à
la République hellénique de rapporter la preuve que les défaillances relevées dans ladite déclaration n’étaient pas relatives à la période antérieure à la date à laquelle cet État membre se réfère, à savoir le 1^er janvier 2001.
51 Dès lors que la République hellénique ne reproche pas au Tribunal d’avoir commis une dénaturation de l’élément de preuve que constitue la déclaration de 2002, l’argument tiré d’une interprétation et d’une application erronées des règles en matière de charge de la preuve doit être écarté comme étant manifestement non fondé.
52 Le deuxième moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
53 Par son troisième moyen, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir fait une interprétation et une application erronées de l’article 2 du règlement n° 2064/97. À cet égard, la République hellénique rappelle qu’une piste d’audit devrait permettre d’effectuer un contrôle quantitatif. Or, son argumentation en première instance aurait été centrée sur un contrôle des éléments quantitatifs et non sur celui des éléments qualitatifs, comme le Tribunal l’affirmerait par erreur au point 93
de l’arrêt attaqué. Partant, la piste d’audit en question aurait été suffisante au sens de l’article 2 du règlement n° 2064/97.
54 Selon la Commission, le troisième moyen, qui se fonde sur une interprétation littérale étroite de la notion de «piste d’audit», doit être rejeté comme étant non fondé, puisque le contrôle était matériellement impossible, ou, en tout état de cause, dépourvu de pertinence. En effet, indépendamment de l’interprétation de cette notion, la gestion du projet en cause était entachée de multiples irrégularités, erreurs et pratiques opaques, qui justifiaient la correction financière appliquée et qui
figuraient dans les motifs de l’arrêt attaqué.
Appréciation de la Cour
55 Par son troisième moyen, la République hellénique reproche, en substance, au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation et à une application erronées de l’article 2 du règlement n° 2064/97 et de la notion de «piste d’audit» en ayant jugé, au point 93 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation de la République hellénique était basée sur la vérification des éléments «qualitatifs» alors que cette argumentation était, en fait, fondée sur des éléments quantitatifs.
56 À cet égard, force est de constater que, s’il est vrai que le Tribunal a utilisé le terme «qualitatif» dans la première phrase du point 93 de l’arrêt attaqué, dans sa version en langue hellénique, il n’en demeure pas moins qu’il se réfère, dans la même phrase, aux éléments avancés par la République hellénique à l’appui de son argumentation et qui constituent clairement des éléments «quantitatifs» au regard de la définition retenue par le Tribunal au point 92 dudit arrêt.
57 C’est d’ailleurs en vue de répondre à cette argumentation que le Tribunal a constaté, à ce même point 93 de l’arrêt attaqué, que la République hellénique n’a pas contesté la matérialité des faits exposés dans la décision litigieuse et le rapport d’audit dont il ressortirait que certaines procédures de passation de marché n’ont été précédées d’aucune étude préalable, d’aucune étude préalable complète ou d’aucune étude dûment approuvée par l’autorité compétente.
58 Ainsi qu’il ressort du point 95 de l’arrêt attaqué, c’est donc au regard de ce défaut, non contesté, d’études satisfaisantes, et non sur base d’une qualification erronée des éléments avancés par la République hellénique, que le Tribunal a jugé que la correction financière visée à ce point était justifiée pour absence de piste d’audit.
59 Dès lors, le troisième moyen doit être écarté comme étant manifestement non fondé.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
60 La République hellénique reproche au Tribunal d’avoir méconnu la logique ainsi que la systématique particulières de la procédure restreinte qui se déroule en deux étapes et dans le cadre de laquelle la publication de documents sur la procédure de marché est prévue à la fois au stade de la présélection et à celui de l’attribution en ayant jugé que l’adoption de la décision ministérielle du 2 août 1988 était contraire au principe d’égalité de traitement. Cette décision ministérielle aurait été
adoptée après le premier stade de la présélection et avant l’adoption du cahier des charges spécial et des autres documents de la deuxième phase concernant l’invitation à soumissionner adressée aux entreprises présélectionnées. Par conséquent, ladite décision ne soulèverait pas de question de traitement de faveur pour certains candidats, puisque les conditions particulières qu’elle prévoit en ce qui concerne le déroulement de la procédure d’attribution auraient été communiquées aux quarante
entreprises invitées à soumissionner.
61 Le Tribunal aurait fait une mauvaise application du principe résultant de l’arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, précité, selon lequel le pouvoir adjudicateur peut modifier les conditions du marché si cette possibilité est prévue dans les dispositions pertinentes applicables. En effet, en l’espèce, les dispositions législatives pertinentes prévoiraient une habilitation expresse à modifier les conditions de l’adjudication.
62 Le Tribunal aurait, par ailleurs, méconnu l’article 22, paragraphe 2, de la directive 93/37, lors de l’évaluation, aux points 109 et 110 de l’arrêt attaqué, de la restriction consistant à exiger des quarante entreprises de ne soumissionner que pour deux des quatre projets concernés. En effet, eu égard à l’importance de ces projets et de leur mise en œuvre simultanée, cette restriction aurait été justifiée par des considérations de faisabilité et de réalisme dans l’exécution desdits projets
suivant un calendrier déterminé, compte tenu des ressources de chaque société de travaux publics. La raison d’être de cette mesure aurait été de respecter l’économie de l’avis de marché, compte tenu des conditions particulières de l’exécution des quatre projets en parallèle, afin de garantir l’intérêt public. Partant, l’adoption de cette règle par décision ministérielle au moment de l’achèvement de la phase de présélection ne violerait ni le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires ni
les règles de concurrence, car elle était conforme à la spécificité de la procédure de marché public et à la systématique des projets concernés.
63 Enfin, le Tribunal aurait fait une interprétation et une application erronées du principe d’égalité de traitement en ayant jugé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que la possibilité pour une entreprise présélectionnée dans le cadre de la première phase du concours de former un consortium avec une entreprise non retenue est contraire à ce principe. En effet, ainsi qu’il ressortirait, notamment, de l’arrêt du 23 janvier 2003, Makedoniko Metro et Michaniki (C‑57/01, Rec. p. I‑1091, points 60 et
61), le droit de l’Union ne contiendrait pas de disposition interdisant la formation de consortiums à ce stade d’une adjudication.
64 La Commission considère que l’argumentation avancée à l’appui du quatrième moyen par la République hellénique ne tient compte ni de la jurisprudence de la Cour sur la fixation à l’avance des conditions de l’adjudication ni de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 93/37, qui exige d’inscrire les limitations concernées dans l’avis de marché. Ce moyen devrait dès lors être rejeté comme étant dénué de fondement.
Appréciation de la Cour
65 S’agissant de la première branche du quatrième moyen, il suffit de constater que le point de savoir à quel moment de la procédure est intervenue la décision ministérielle du 2 août 1988 constitue une appréciation de faits qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 de la présente ordonnance, ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.
66 La première branche du quatrième moyen doit, dès lors, être écartée comme étant manifestement irrecevable.
67 En ce qui concerne la deuxième branche du quatrième moyen, il convient de relever qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la République hellénique ait fait valoir devant le Tribunal que les dispositions nationales pertinentes accordaient la possibilité au pouvoir adjudicateur de déroger aux conditions d’adjudication en cours de procédure ou d’apporter des changements à des modalités substantielles de ces conditions.
68 Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les
premiers juges (voir, notamment, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, Rec. p. I‑8533, point 126 ainsi que jurisprudence citée).
69 Partant, cette branche du quatrième moyen doit être écartée comme étant manifestement irrecevable.
70 Pour ce qui est de la troisième branche du quatrième moyen, il y a lieu de relever que, au point 60 de l’arrêt Makedoniko Metro et Michaniki, précité, la Cour a simplement rappelé que l’article 21 de la directive 93/37 se borne à prévoir que des groupements d’entrepreneurs sont autorisés à soumissionner, c’est-à-dire qu’ils peuvent répondre à un avis de marché public en soumettant leur offre.
71 Dès lors que le Tribunal a jugé que la procédure d’adjudication était déjà en cours et que les consortiums, qui ne constituent rien d’autre que des groupements d’entreprises, pouvaient se constituer avec la participation d’entreprises qui n’avaient pas été retenues ou qui n’avaient pas soumis d’offres lors de la première phase de ladite procédure, la situation en cause en l’espèce se distingue fondamentalement de celle à l’origine du litige au principal ayant donné lieu à l’arrêt Makedoniko
Metro et Michaniki, précité.
72 Cette branche du quatrième moyen repose ainsi sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit, partant, être rejetée comme étant manifestement non fondée.
73 S’agissant de la quatrième branche de ce moyen, il convient de relever que, si l’article 22, paragraphe 2, de la directive 93/37 permet au pouvoir adjudicateur de prévoir une fourchette à l’intérieur de laquelle se situera le nombre d’entreprises que ledit pouvoir envisage d’inviter à soumettre une offre, cette disposition prévoit explicitement que ladite fourchette doit être indiquée dans l’avis de marché lui-même.
74 L’article 22, paragraphe 2, de la directive 93/37 ne permet dès lors pas, contrairement à ce que prétend la République hellénique, à un pouvoir adjudicateur d’établir, a posteriori, de nouvelles conditions d’adjudication.
75 La quatrième branche du quatrième moyen doit, partant, également être écartée comme étant manifestement non fondée.
76 Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur le cinquième moyen
Argumentation des parties
77 Par son cinquième moyen, d’une part, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir, au point 150 de l’arrêt attaqué, interprété et appliqué de manière erronée le principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires et l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37. En effet, il ressortirait des conclusions de l’avocat général Mischo relatives aux affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juillet 1987, CEI et Bellini (27/86 à 29/86, Rec. p. 3347), que le montant total des
travaux à réaliser par une entreprise à un moment donné est une composante qui entre logiquement dans l’évaluation de sa capacité à prendre en charge un projet supplémentaire d’une certaine envergure. En conséquence, les pouvoirs adjudicateurs pourraient légitimement considérer qu’une entreprise d’une capacité économique et financière déterminée ne peut, sans danger, prendre en charge l’exécution de la plus grande partie des projets en cause. Dans ces conditions, le fait de ne pas retenir dans le
cadre d’une procédure de passation de marché un candidat présélectionné dans le cadre d’une procédure parallèle pour un ou deux projets supplémentaires, qui seront réalisés en même temps, serait non seulement conforme à l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37, mais également compatible avec l’économie du projet et contribuerait ainsi à la protection de l’intérêt public.
78 D’autre part, la République hellénique fait grief au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé, au point 152 de l’arrêt attaqué, l’appréciation selon laquelle elle n’avait pas rapporté les éléments permettant de conclure que la Commission avait commis une erreur de fait en constatant que les provisions applicables aux projets «Aerino-M. monastère», «M. monastère – Début de la déviation Larissa» et «Déviation Larissa» faisaient état du souhait de recourir à des bureaux d’études grecs,
enfreignant ainsi le principe de non-discrimination.
79 La Commission considère que le cinquième moyen est manifestement non fondé. D’une part, en l’espèce, il ne saurait être question d’une prise en compte de l’attribution d’un projet connexe au regard de la capacité générale des consortiums à s’acquitter de leurs obligations, alors qu’il s’agirait d’une exclusion automatique des adjudications connexes, pour la seule raison que les entreprises exclues avaient été sélectionnées pour un autre projet. De surcroît, cette condition n’aurait pas été
prévue dans l’avis initial, mais aurait été introduite a posteriori de sorte que les conditions de mise en concurrence ont été modifiées en violation des principes d’égalité et de transparence. Il ressortirait d’ailleurs du point 151 de l’arrêt attaqué que cet aspect a été un élément déterminant dans la motivation retenue par le Tribunal.
80 D’autre part, s’agissant de la constatation, faite par la Tribunal au point 152 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’application de la préférence donnée au fait de recourir à des bureaux d’études grecs constituait un critère d’évaluation des offres, la Commission relève que cette constatation constitue une question de fait et que sa contestation est donc irrecevable au stade du pourvoi.
Appréciation de la Cour
81 Par la première branche du cinquième moyen, la République hellénique reproche, en substance, au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation et à une application erronées de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 93/37 en ayant jugé que le pouvoir adjudicateur n’était pas autorisé à limiter le nombre maximal de projets parallèles qu’un soumissionnaire pouvait remporter.
82 À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal, au point 150 de l’arrêt attaqué, n’a pas jugé que le pouvoir adjudicateur n’avait pas le droit de prévoir une telle limitation, mais que le moment auquel le pouvoir adjudicateur avait, en l’occurrence, introduit cette limitation n’était pas adapté et entraînait une violation du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires ainsi que du principe de transparence.
83 Cette branche repose donc sur une lecture erronée des points 150 et 151 de l’arrêt attaqué et doit être écartée comme étant manifestement non fondée.
84 En ce qui concerne la seconde branche du cinquième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense et du droit à être entendu ainsi que d’un défaut de motivation, il y a lieu de constater que cette branche n’est étayée par aucune argumentation.
85 Dans ces conditions, force est de constater que l’argument tiré de la prétendue violation des droits de la défense et du droit à être entendu est manifestement non fondé.
86 En outre, en jugeant, au point 152 de l’arrêt attaqué, que, au regard des éléments de preuve qui lui avaient été fournis, il ne lui était pas possible de conclure que la Commission avait commis une erreur de fait en constatant que les provisions applicables aux projets «Aerino-M. monastère», «M. monastère – Début de la déviation Larissa» et «Déviation Larissa» faisaient état du souhait de recourir à des bureaux d’études grecs, le Tribunal a explicitement motivé sa décision de rejeter
l’argument soulevé par la République hellénique. Cette partie de la seconde branche du cinquième moyen doit dès lors également être écartée comme étant manifestement non fondée.
87 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant manifestement non fondé.
88 Aucun des cinq moyens invoqués par la République hellénique au soutien de son pourvoi n’étant susceptible d’être accueilli, il y a lieu, en application de l’article 119 du règlement de procédure, de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
89 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le grec.