ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUEDE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)
19 mars 2013 ( *1 ) ( 1 )
« Fonction publique – Rémunération – Indemnité journalière – Mutation – Octroi de l’indemnité journalière – Fonctionnaire propriétaire d’un logement situé au nouveau lieu d’affectation – Preuve d’avoir supporté des frais occasionnés par l’installation provisoire au nouveau lieu d’affectation »
Dans l’affaire F‑10/12,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
SF, fonctionnaire de la Commission européenne, représenté par Me S. Pappas, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),
composé de M. E. Perillo (rapporteur), faisant fonction de président, Mme M. I. Rofes i Pujol et M. R. Barents, juges,
greffier : M. J. Tomac, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2012,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 janvier 2012, SF demande, en substance, l’annulation de la décision du 24 mai 2011 par laquelle la Commission européenne lui a refusé le bénéfice de l’indemnité journalière.
Cadre juridique
2 L’article 20 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :
« Le fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions. Il informe l’autorité investie du pouvoir de nomination de son adresse et l’avise immédiatement de tout changement de celle-ci. »
3 Aux termes de l’article 71 du statut :
« Dans les conditions fixées à l’annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu’il a exposés à l’occasion de son entrée en fonctions, de sa mutation ou de la cessation de ses fonctions, ainsi que des frais qu’il a exposés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. »
4 L’article 10 de l’annexe VII du statut, relevant de la section 3 intitulée « R[emboursement de frais] », est ainsi libellé :
« 1. Le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière […]
2. La durée d’octroi de l’indemnité journalière est déterminée comme suit :
a) pour le fonctionnaire n’ayant pas droit à l’allocation de foyer : à 120 jours ;
b) pour le fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer : à 180 jours ou – si le fonctionnaire intéressé a la qualité de fonctionnaire stagiaire – à la durée du stage augmentée d’un mois.
[…]
En aucun cas l’indemnité journalière n’est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement en vue de satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut. »
Faits à l’origine du litige
5 Fonctionnaire de la Commission, le requérant a été affecté à Luxembourg (Luxembourg) d’octobre 2000 à octobre 2006 et ensuite à Bruxelles (Belgique) de novembre 2006 à avril 2011. Le 16 avril 2011, le requérant a été affecté à nouveau à Luxembourg et s’est installé dans un appartement dont il est propriétaire depuis le mois de mai 2004. Au moment des faits, le requérant était, par ailleurs, propriétaire d’une maison à Bruxelles, dans laquelle il résidait avec sa famille avant d’être affecté à
nouveau à Luxembourg.
6 Par courriel du 18 mai 2011, l’Office pour la gestion et la liquidation des droits individuels (PMO) a estimé que, du moment que le requérant était propriétaire d’un logement tant à Bruxelles qu’à Luxembourg, il ne supportait pas de « double dépense » et qu’il n’y avait donc pas lieu de lui octroyer le bénéfice de l’indemnité journalière.
7 Par note du 24 mai 2011, le PMO a fixé les droits financiers du requérant, lui accordant notamment le droit au remboursement des frais de déménagement et à l’indemnité d’installation, à condition de démontrer son changement de résidence, et lui refusant, en revanche, le bénéfice de l’indemnité journalière (ci-après la « décision du 24 mai 2011 » ou la « décision attaquée »).
8 La moitié de l’indemnité d’installation a été versée au requérant. L’autre moitié devait lui être versée si sa famille s’installait avec lui à Luxembourg dans les délais prévus par le statut. Au moment de l’introduction de la requête, aucune demande en ce sens n’avait été effectuée par le requérant. Le requérant n’avait pas non plus demandé le remboursement des frais de déménagement de Bruxelles vers Luxembourg.
9 Le 28 juin 2011, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 24 mai 2011 en ce que le PMO lui avait refusé le bénéfice de l’indemnité journalière.
10 La Commission a rejeté la réclamation le 24 octobre 2011 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
Conclusions des parties
11 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner la Commission à payer l’indemnité journalière ;
– condamner la Commission aux dépens, quelle que soit l’issue de la procédure.
12 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur l’objet du recours
13 Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8).
14 En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation confirme la décision attaquée en précisant les motifs venant au soutien de celle-ci. En pareille hypothèse, c’est bien la légalité de l’acte initial faisant grief qui doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec cet acte (arrêt du Tribunal du 18 avril 2012, Buxton/Parlement, F‑50/11, point 21, et la jurisprudence citée).
15 Par conséquent, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et le recours doit être regardé comme dirigé contre la décision attaquée dont la motivation est précisée par la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, points 31 et 32).
Sur les conclusions en annulation
16 À l’appui de ses conclusions à fin d’annulation de la décision attaquée, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 71 du statut et de l’article 10 de l’annexe VII du statut.
Arguments des parties
17 Le requérant soutient que l’octroi de l’indemnité journalière est soumis, d’une part, à la condition que le changement de résidence soit effectif et, d’autre part, à ce que l’obligation de s’installer provisoirement au lieu de la nouvelle affectation, tout en gardant à titre provisoire sa résidence au lieu de son affectation antérieure, entraîne des frais réels.
18 Quant à la première condition, le requérant indique qu’il a effectivement changé de résidence afin de satisfaire aux conditions de l’article 20 du statut et que son installation dans un studio dont il est propriétaire à Luxembourg ne constituerait pas une réinstallation dans son ancienne résidence.
19 Le requérant estime que la seconde condition, tenant, en substance, à l’existence d’une double dépense, est également remplie. Il fait valoir qu’il s’est installé de manière provisoire dans le studio à Luxembourg puisque celui-ci serait trop petit pour accueillir les membres de sa famille, tout en gardant, de manière également provisoire, la maison à Bruxelles, avant de la vendre. À l’audience, le requérant a précisé que la maison avait été vendue. Cette situation aurait engendré des frais. Le
requérant aurait ainsi dû supporter les mensualités de l’emprunt immobilier contracté pour acquérir l’appartement de Luxembourg, ainsi que les frais de syndic et d’électricité, qui étaient auparavant couverts par les loyers perçus du fait de la mise en location de cet appartement. L’appartement n’étant plus loué, le paiement de ces sommes par le requérant s’apparenterait au paiement d’un loyer. En outre, le requérant aurait supporté des frais en raison des nombreux déplacements entre les deux
domiciles, dont la Commission n’aurait pas tenu compte.
20 Le requérant conteste que les frais ainsi supportés puissent être compensés par l’indemnité d’installation. En effet, ces deux indemnités ayant des finalités différentes, l’indemnité d’installation ne pourrait pas servir à compenser des frais qui devraient être couverts par l’indemnité journalière.
21 Par ailleurs, le requérant fait grief à la Commission d’avoir commis une discrimination fondée sur des considérations de fortune et de propriété, en violation de l’article 1er quinquies du statut. En effet, si le requérant avait logé à Luxembourg dans un hôtel ou dans un appartement pris en location, tout en continuant à percevoir les loyers résultant de la location de son appartement, il aurait pu bénéficier des indemnités journalières.
22 En réponse aux arguments de la Commission sur le fait que ses résidences à Luxembourg et à Bruxelles ne seraient pas provisoires, le requérant estime que la Commission s’immisce de manière disproportionnée dans sa vie privée, en violation de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lorsqu’elle affirme que ses enfants sont adultes et ne viendront pas nécessairement vivre avec lui à Luxembourg. S’agissant de la résidence à Bruxelles, le requérant soutient que la vente
de sa maison demandait du temps et que rien n’empêchait l’un de ses enfants d’y résider pendant ce temps.
23 La Commission estime que, pour bénéficier de l’indemnité journalière, l’intéressé doit démontrer la réalité des frais résultant de l’obligation de s’installer au lieu d’affectation, l’existence simultanée de deux résidences et le caractère provisoire de celles-ci. La jurisprudence exigerait également, dans certains cas, un lien entre le caractère provisoire desdites résidences et la précarité du lien d’emploi.
24 La Commission considère que la présente affaire est similaire à celle ayant donné lieu à l’arrêt du 2 mai 2001, Cubeta/Commission (T‑104/00), dans laquelle le Tribunal de première instance a jugé que le requérant n’avait pas droit à l’indemnité journalière. Par ailleurs, le requérant n’avancerait aucun argument de nature à distinguer sa situation de celle du requérant dans l’affaire Cubeta et se limiterait à soutenir, sans le démontrer, que son occupation du studio serait provisoire.
25 La Commission ajoute que le fait que le requérant ait deux résidences serait le résultat d’un choix personnel qui ne devrait pas être financé par les deniers publics.
26 En outre, la Commission estime que le requérant, sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas la réalité des frais. Le paiement de mensualités d’un emprunt, et/ou des frais d’entretien de son studio, de frais d’électricité ou de syndic ne serait pas un coût pouvant être pris en considération mais la conséquence d’un choix d’investissement personnel. En outre, l’administration ne pourrait être tenue de compenser le manque à gagner représenté par l’impossibilité de continuer à mettre ce
studio en location. L’indemnité d’installation couvrirait les frais immédiats, liés à la nécessité de remettre le bien en l’état après sa mise en location.
Appréciation du Tribunal
27 Il convient tout d’abord de rappeler que l’objectif de l’article 71 du statut, qui prévoit que le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu’il a exposés à l’occasion, notamment, de sa mutation, est d’éviter que le fonctionnaire ne supporte seul les frais exposés et qui sont liés à l’exercice de ses fonctions (voir, en ce qui concerne le remboursement des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine pour les personnes assimilées à des enfants à charge, arrêt du Tribunal de
première instance du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T‑48/89, point 28).
28 C’est au regard de cet objectif qu’il y a lieu d’appliquer l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, figurant dans la section 3 intitulée « R[emboursement de frais] », qui prévoit l’octroi d’une indemnité journalière « au fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut », à savoir celles de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses
fonctions.
29 L’octroi de l’indemnité journalière, qui, en tout état de cause, n’est pas versée – précise encore l’article 10, dernier alinéa, de l’annexe VII – « au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement [au lieu d’affectation] » est donc subordonné à deux conditions : d’une part, à la condition de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut et, d’autre part, à la condition de supporter des frais ou des inconvénients occasionnés par la
nécessité de se déplacer ou de s’installer provisoirement au lieu d’affectation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 février 1987, Mouzourakis/Parlement, 280/85, point 9 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T‑63/91, point 20). Ces deux conditions étant cumulatives, l’indemnité journalière ne saurait, en particulier, être accordée au fonctionnaire qui ne justifie pas avoir supporté de tels frais ou de tels inconvénients (arrêt Mouzourakis/Parlement,
précité, point 12 ; arrêt Benzler/Commission, précité, point 21).
30 S’il appartient donc au fonctionnaire concerné de fournir la preuve d’avoir supporté de tels frais ou de tels inconvénients directement liés à son obligation de résider, dès la prise de fonctions, au lieu de son affectation et qui peuvent être occasionnés notamment par le fait de disposer d’un mode de logement provisoire pendant le temps nécessaire à la recherche d’une installation stable dans ledit lieu, il incombe à l’administration de respecter le choix de l’intéressé, à savoir sa libre
détermination de se loger, pendant cette période, comme il l’entend. Dès lors, sauf en cas de soupçons graves et d’indices manifestes quant au manque de correspondance effective des frais invoqués avec la situation réelle de l’intéressé, il n’appartient pas à l’administration de remettre en question le choix du fonctionnaire, qui peut consister à se loger provisoirement en exposant des frais, par exemple dans une chambre d’hôtel ou dans un appartement meublé pris en location, ou sans encourir de
tels frais, par exemple auprès d’un membre de sa famille ou d’un ami ou encore, comme en l’espèce, dans un appartement dont il est propriétaire.
31 Or, en l’occurrence, par rapport au choix qui a été le sien, à savoir de se loger provisoirement dans le studio dont il est propriétaire à Luxembourg, le requérant invoque l’existence de frais, comme ceux tenant au remboursement de l’emprunt contracté plusieurs années auparavant, pour l’acquisition dudit studio à Luxembourg, lesquels équivaudraient au paiement d’un loyer, ou encore les frais d’entretien et de gestion dudit studio, ainsi que les frais liés aux déplacements entre Bruxelles et
Luxembourg. Le requérant considère que ces frais ont été directement occasionnés par son affectation à Luxembourg.
32 À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que le requérant ne conteste pas le fait que, à l’occasion de sa nouvelle affectation à Luxembourg, il a occupé le studio dont il est propriétaire et qui était, à ce moment là, disponible.
33 Ensuite, il convient de constater que les frais que le requérant a dû supporter ne sont pas directement occasionnés par la nécessité de s’installer provisoirement au lieu d’affectation. En effet, les obligations de payer les frais dont il s’agit naissent exclusivement en raison du fait que le requérant est propriétaire d’un appartement, situé à Luxembourg, qui se trouve être aussi le lieu de sa nouvelle affectation. Or, les frais qu’un fonctionnaire doit en tout état de cause assumer en tant que
propriétaire d’un immeuble situé au lieu d’affectation, tels que les frais de remboursement d’un prêt hypothécaire contracté pour acheter ledit appartement, les frais de syndic, d’entretien ou d’électricité, ne sauraient être considérés comme des frais occasionnés par l’obligation de résidence établie à l’article 20 du statut.
34 Par conséquent, la circonstance que les frais en question puissent être payés directement par le requérant lorsqu’il occupe lui-même son appartement – ou qu’il en garde la disponibilité sans cependant l’occuper personnellement ‑ ou que ces frais puissent, en revanche, être répercutés, en tout ou partie, sur le montant du loyer que le requérant pourrait percevoir en vertu d’un contrat de location de cet immeuble, est sans incidence quant à l’octroi de l’indemnité journalière. Pour bénéficier de
cette indemnité, l’intéressé doit justifier avoir supporté des frais occasionnés par l’obligation de résider au lieu de son affectation et non occasionnés par des obligations découlant de sa qualité de propriétaire d’un immeuble situé dans ce même lieu.
35 Il s’ensuit qu’en l’espèce, le requérant n’a pas fourni à l’administration la preuve d’avoir dû supporter des frais ou des inconvénients occasionnés par la nécessité de se déplacer et de s’installer provisoirement à Luxembourg, à la suite de sa réaffectation.
36 Quant aux frais liés aux aller et retour entre Bruxelles et Luxembourg, il convient de rappeler que les indemnités journalières visent à compenser les frais occasionnés par la nécessité de se déplacer et de s’installer provisoirement au lieu d’affectation ou à une distance de celui-ci compatible avec l’exercice régulier de ses fonctions et non à compenser les frais encourus pour se déplacer, à la convenance du fonctionnaire concerné et pendant la durée de la période prévue par l’article 10 de
l’annexe VII du statut, entre ce lieu et le précédent lieu d’affectation. Or, dans le cas d’espèce, il est constant que le requérant, pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, s’est déplacé à Luxembourg et s’est ainsi installé provisoirement dans cette ville, précisément dans le studio dont il est propriétaire. Dans ces circonstances, les frais relatifs aux déplacements qu’il a décidé de faire entre Luxembourg et Bruxelles, après son installation provisoire à Luxembourg, ne
peuvent pas être considérés comme occasionnés par ladite installation.
37 Le requérant reproche encore à la Commission de s’immiscer de manière disproportionnée dans sa vie privée, en violation de l’article 7 de la Charte. Toutefois, même à le supposer fondé, ce grief ne serait pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée et doit, dès lors, être rejeté comme inopérant.
38 Quant à l’incidence éventuelle du fait que le requérant est un fonctionnaire titulaire et que, par conséquent, le rapport d’emploi le liant aux institutions n’est pas précaire, il convient de préciser que, même si, dans le passé, la notion de précarité a été évoquée dans plusieurs affaires dont a eu à connaître le juge de l’Union et dans lesquelles les requérants se trouvaient effectivement dans une situation d’emploi précaire en raison de leur condition de fonctionnaire stagiaire, d’agent
temporaire ou contractuel ou d’expert national détaché (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93 ; arrêt du Tribunal du 2 décembre 2008, Baniel-Kubinova e.a./Parlement, F‑131/07), il ressort clairement de l’article 71 du statut que le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu’il a exposés non seulement à l’occasion de son entrée en fonctions mais également à l’occasion « de sa mutation ». Il s’ensuit que, sur la base de
cette disposition, peuvent également avoir droit à l’indemnité journalière les fonctionnaires titulaires. En tout état de cause, il y a lieu de constater que, au cours du présent litige, la Commission n’a jamais soutenu que la qualité de fonctionnaire titulaire du requérant était une condition pouvant interdire, en tant que telle, l’octroi de l’indemnité journalière.
39 Partant, sauf à exclure automatiquement, en violation du statut, les fonctionnaires titulaires du bénéfice de l’indemnité journalière, il ne saurait être considéré que seules les personnes liées aux institutions par un rapport d’emploi précaire (fonctionnaires stagiaires, agents temporaires ou contractuels, experts nationaux détachés) pourraient être regardées comme s’installant provisoirement au lieu d’affectation aussi longtemps que le déménagement n’a pas eu lieu. En effet, ce qui est décisif
à cet égard n’est pas le caractère précaire du rapport d’emploi, mais la situation précaire du logement dans laquelle se trouve la personne tenue, par le statut, de résider dans le lieu d’affectation où elle a été appelée à exercer ses fonctions auprès d’une institution, organe ou organisme de l’Union. La précarité de logement est en effet une notion distincte de la précarité de l’emploi. Un fonctionnaire titulaire qui change d’affectation, comme c’est le cas en l’espèce, doit donc pouvoir être
considéré comme s’installant à titre provisoire au lieu de sa nouvelle affectation.
40 En outre, il convient d’examiner l’argument de la Commission qui, sans être contredite, soutient que l’octroi de l’indemnité journalière serait subordonné au respect d’une condition supplémentaire, à savoir l’existence d’une « seconde » dépense supposant nécessairement le maintien, aussi à titre provisoire, d’une résidence au lieu d’origine du requérant, entraînant également des frais, selon la thèse dite de la « double dépense ».
41 À cet égard, il est exact que, dans plusieurs affaires, la jurisprudence du juge de l’Union a précisé que l’indemnité journalière visait à compenser les frais et les inconvénients occasionnés par la nécessité de se déplacer et de s’installer provisoirement au lieu de la nouvelle affectation « tout en gardant, également à titre provisoire, sa résidence antérieure » (arrêt Mouzourakis/Parlement, précité, point 9 ; arrêt Benzler/Commission, précité, point 20). Or, il importe de rappeler à ce sujet
que cette ligne jurisprudentielle trouve son origine dans l’arrêt du 30 janvier 1974, Louwage/Commission (148/73), dans lequel la Cour a précisé que l’indemnité journalière trouvait « entre autres » sa justification dans l’obligation pour le fonctionnaire de s’installer dans une résidence autre que celle qu’il occupait précédemment, sans cependant pouvoir abandonner cette dernière (arrêt Louwage/Commission, précité, point 25).
42 Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de mentionner d’autres affaires dans lesquelles le fait pour le fonctionnaire concerné de continuer à occuper également son ancienne résidence n’a, en revanche, pas été pris en considération (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Monteiro da Silva/Commission, T‑74/95, point 47), il convient de considérer que la formule « tout en gardant, également à titre provisoire, la résidence antérieure » figurant dans la
jurisprudence citée au point 41 du présent arrêt, loin de fixer une nouvelle condition juridique devant se cumuler avec celle d’exposer des frais liés à l’installation provisoire dans le lieu d’affectation laquelle est la seule condition prévue, ratione loci, par le statut, ne fait que prendre acte de la situation factuelle des affaires en cause, dans lesquelles les requérants étaient effectivement dans la nécessité personnelle de conserver, également à titre provisoire, leur résidence
antérieure.
43 Il convient d’ailleurs de relever que l’application de la condition dite de la « double dépense » pourrait, dans certains cas, donner lieu à des résultats contraires à l’objectif de l’article 10 de l’annexe VII du statut, lu en combinaison avec l’article 71 du statut. Ainsi, par exemple, la Commission a confirmé lors de l’audience qu’en application d’une telle condition, il y aurait lieu de refuser le bénéfice de l’indemnité journalière à une personne qui, ayant quitté sa résidence d’origine lors
de son entrée au service de l’Union ou ne supportant pas, en tout cas, de frais liés au maintien de cette résidence, a néanmoins exposé, au moment de changer de résidence pour satisfaire à l’obligation de l’article 20 du statut, des frais liés précisément à l’occupation provisoire d’un logement au lieu de son affectation.
44 Enfin, il importe de souligner que, lors des différentes modifications du statut, le législateur de l’Union n’a jamais soumis l’octroi de l’indemnité journalière à la condition, pour le fonctionnaire concerné, de justifier avoir été dans l’obligation de maintenir provisoirement une résidence dans son lieu d’origine ou dans le lieu d’affectation antérieure et qui soit aussi, provisoirement, source de frais. Ce serait donc au mépris du principe fondamental de la sécurité juridique ainsi que du
libellé de l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, que la condition additionnelle d’une « seconde » dépense serait imposée par la Commission pour que les intéressés puissent bénéficier de l’indemnité journalière.
45 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas démontré que, lors de sa nouvelle prise de fonctions à Luxembourg, il aurait supporté des frais occasionnés par la nécessité de s’installer provisoirement dans ce lieu d’affectation et que, pour cette raison, la Commission a, à bon droit, refusé de lui octroyer l’indemnité journalière.
46 Il y a lieu par conséquent de rejeter le moyen unique soulevé au soutien des conclusions à fin de l’annulation de la décision attaquée.
Sur le chef de conclusions tendant à la condamnation de la Commission à payer l’indemnité journalière
47 S’agissant en l’espèce d’un litige de caractère pécuniaire dans lequel le juge de l’Union dispose d’une compétence de pleine juridiction, conformément à l’article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut, les conclusions tendant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de verser au requérant les indemnités journalières litigieuses doivent être déclarées recevables (arrêt Vienne/Parlement, précité, point 41).
48 Toutefois, étant donné qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle refuse au requérant le bénéfice de l’indemnité journalière, il n’y a pas davantage lieu de faire droit au présent chef de conclusions.
49 Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
50 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Aux termes de l’article 88 du règlement
de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement, voire totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude.
51 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens.
52 Toutefois, l’attitude de la Commission a pu susciter, chez le requérant, des interrogations tout à fait légitimes. Il ressort, en effet, de la décision de rejet de la réclamation que la Commission a utilisé des informations sur la situation familiale du requérant dont elle disposait uniquement en raison du fait que la fille de ce dernier effectuait un stage auprès de ses services. En outre, ladite décision contient plusieurs considérations relatives à la vie personnelle et familiale du requérant
qui relèvent de la pure spéculation et qui sont inopportunes. Ainsi, à titre d’exemple, la Commission expose qu’il était loisible à l’épouse du requérant de s’installer avec son mari dans le studio à Luxembourg et qu’il était peu probable que leurs enfants, adultes, les rejoignent, étant donné qu’ils avaient eu l’occasion de poursuivre leur scolarité dans plusieurs grandes villes d’Europe.
53 En réponse à l’attitude de la Commission décrite au point précédent, le requérant a dû invoquer, dans le cadre du présent recours, plusieurs arguments et griefs supplémentaires, qui se sont, de surcroît, révélés non pertinents, voire inopérants (voir les points 22, 24 et 37 du présent arrêt).
54 Dans ces conditions, et par application des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure, il sera fait une juste appréciation des circonstances du litige en décidant que la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter la moitié des dépens exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter la moitié des dépens exposés par SF.
3) SF supporte la moitié de ses propres dépens.
Perillo
Rofes i Pujol
Barents
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2013.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
H. Kreppel
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( *1 ) Langue de procédure : le français.
( 1 ) Conformément à la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel dans le cadre des fonctions juridictionnelles du Tribunal, des données tenant à l’identité des parties ont été occultées dans la version publique de l’arrêt par décision du greffier.