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19/03/2013 | CJUE | N°F-13/12

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de la fonction publique, BR contre Commission européenne., 19/03/2013, F-13/12


ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

19 mars 2013 (*)

« Fonction publique – Agent temporaire – Non-renouvellement d’un contrat »

Dans l’affaire F‑13/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

BR, ancien agent temporaire de la Commission européenne, demeurant à Wezembeek-Oppem (Belgique), représenté par M^es S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requé

rante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,
...

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

19 mars 2013 (*)

« Fonction publique – Agent temporaire – Non-renouvellement d’un contrat »

Dans l’affaire F‑13/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

BR, ancien agent temporaire de la Commission européenne, demeurant à Wezembeek-Oppem (Belgique), représenté par M^es S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, E. Perillo et R. Barents, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 octobre 2012,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 février 2012, BR demande au Tribunal d’annuler la décision par laquelle la Commission européenne a refusé de renouveler son contrat d’agent temporaire et de condamner celle-ci à réparer son préjudice.

Cadre juridique

2 Aux termes de l’article 2 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

[…]

b) [l]’agent engagé en vue d’occuper, à titre temporaire, un emploi permanent compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution ;

[…] »

3 L’article 8, deuxième alinéa, du RAA prévoit :

« L’engagement d’un agent visé à l’article 2, [sous] b) ou d), ne peut excéder quatre ans, mais il peut être limité à toute durée inférieure. Son contrat ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée de deux ans au plus, à condition que la possibilité de renouvellement ait été prévue dans le contrat initial, dans les limites fixées dans ce contrat. À l’issue de cette période, il est obligatoirement mis fin aux fonctions de l’agent en qualité d’agent temporaire au sens des présentes dispositions.
À l’expiration de son contrat, l’agent ne peut occuper un emploi permanent de l’institution que s’il fait l’objet d’une nomination en qualité de fonctionnaire dans les conditions fixées par le statut [des fonctionnaires de l’Union européenne]. »

4 Aux termes de l’article 1^er, paragraphe 1, de la décision de la Commission, du 28 avril 2004, relative à la durée maximale du recours au personnel non permanent dans les services de la Commission, publiée aux Informations administratives n^o 75‑2004 du 24 juin 2004 (ci-après la « décision du 28 avril 2004 ») :

« La présente décision s’applique :

– aux directions générales et autres services de la Commission,

[…] »

5 L’article 3, paragraphe 1, de la décision du 28 avril 2004 dispose quant à lui :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 2 établissant une durée maximale d’engagement, dans les entités visées à l’article 1^[er], paragraphe 1, la durée totale cumulée de prestation de services d’un agent non permanent, tous types de contrats ou d’affectations confondus, est limité à six années décomptées sur une période de douze ans. […] »

6 Enfin, selon l’annexe, section II, deuxième alinéa, de la décision du 28 avril 2004 :

« La période de six ans est achevée lorsque l’intéressé totalise 1 320 jours de service pris en compte selon les principes décrits ci-dessus à la section I. »

Faits à l’origine du litige

7 La partie requérante a été recrutée par la Commission en qualité d’agent contractuel auxiliaire au sens de l’article 3 ter du RAA pour la période allant du 1^er décembre 2005 au 30 avril 2006. Son contrat a été renouvelé pour la période allant du 1^er mai 2006 au 30 avril 2007 puis pour la période allant du 1^er mai 2007 au 30 septembre 2007.

8 Le 14 septembre 2007, la partie requérante a conclu avec la Commission un contrat d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous b), du RAA pour exercer, du 1^er octobre 2007 au 30 septembre 2011, soit pour une durée de quatre ans, des fonctions d’administrateur de grade AD 8 au sein de la direction générale (DG) « Informatique ».

9 L’article 4 du contrat d’agent temporaire contenait la stipulation suivante :

« La prolongation du présent contrat ne serait possible que dans l’intérêt du service et dans les limites prévues [à] l’article 8 du RAA. »

10 Le 27 janvier 2011, alors que la partie requérante achevait la dernière année de son contrat d’agent temporaire, le chef de l’unité dans laquelle elle était affectée a rédigé une note à l’attention du chef de l’unité « Planification et ressources », relevant de la direction « Ressources et logistique » de la DG « Informatique ». Dans cette note, il était indiqué que la partie requérante exerçait ses fonctions « à la grande satisfaction de sa hiérarchie et des services » et que son contrat
« [était] prolongeable en conformité avec l’article 8 du RAA ». Le chef de l’unité de la partie requérante concluait en demandant au chef de l’unité « Planification et ressources » de bien vouloir solliciter la DG « Ressources humaines et sécurité » « de prolonger le contrat d’agent temporaire de [la partie requérante] pour une durée de [deux] ans à la lumière du récent arrêt du Tribunal [de l’Union européenne, Commission/Petrilli, T‑143/09 P] […] contre l’arrêt rendu par le [T]ribunal
[Petrilli/Commission, F‑98/07] rejetant l’application mécanique de la décision [du 28 avril 2004] (‘règle des six ans’ […]) ».

11 Le 20 avril 2011, le chef de l’unité de la partie requérante a déposé une note au dossier de celle-ci afin de demander la prolongation du contrat d’agent temporaire de l’intéressée. Il soulignait en particulier la haute qualité de ses prestations et concluait qu’il était dans l’intérêt du service de renouveler son contrat.

12 Le 29 avril 2011, le chef de l’unité « Planification et ressources » a rédigé une note à l’attention du chef de l’unité « Recrutement et fin du service », de la DG « Ressources humaines et sécurité ». Cette note était ainsi rédigée :

« [La partie requérante] occupe actuellement un poste d’agent temporaire de grade AD 8 à la DG [‛Informatique’]. Elle a été recrutée en tant que lauréate d’une sélection pour agent temporaire et aurait dû, de ce fait, avoir un contrat de [quatre] ans renouvelable pour [deux] ans.

[La partie requérante] atteindra le 30 septembre prochain la limite des [six] ans autorisés et ne pourra donc pas se voir proposer la prolongation de deux ans à son contrat actuel.

Nous vous demandons de bien vouloir, au regard de l’arrêt Petrilli, réexaminer la situation de [la partie requérante] et lui octroyer une prolongation de deux ans à compter du 1^er octobre [2011].

[À] toutes fins utiles, je joins à la présente une note de l’unité d’affectation justifiant du réel intérêt pour le service pour cette prolongation. »

13 Par décision du 20 juin 2011, adressée au chef de l’unité « Planification et ressources », le chef de l’unité « Recrutement et fin de service » a rejeté la demande de prolongation sollicitée (ci-après la « décision litigieuse »).

14 La décision litigieuse était ainsi motivée :

« […]

Le contrat a [débuté] le 1^er octobre 2007 pour une période de quatre ans avec une prolongation possible de deux ans. [La partie requérante] ayant déjà exercé ses fonctions pendant cinq ans et dix mois, cette prolongation nécessiterait une dérogation à la règle des six ans.

Dans le cadre de l’affaire Petrilli, chaque dérogation est étudiée en prenant en compte l’intérêt du service.

Au vu des informations versées au dossier, l’intérêt du service qui soutient cette demande ne justifie pas cette dérogation.

Sur ces bases, j’ai le regret de vous informer que nous ne pouvons accéder à votre demande. Merci d’informer [la partie requérante] de cette décision. »

15 Par note du 24 juin 2011, la partie requérante a demandé à sa hiérarchie de bien vouloir prolonger son contrat d’agent temporaire, faisant valoir qu’une telle prolongation était justifiée par l’intérêt du service.

16 Par ailleurs, par note du 5 juillet 2011 adressée au directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité », la partie requérante a, une nouvelle fois, sollicité le renouvellement de son contrat, soulignant, entre autres arguments, que, en ce qui la concernait, « il n’y aurait nul besoin d’une dérogation à la ‘règle de[s] six ans’, car [elle n’avait] exercé [ses] fonctions en tant qu’[a]gent [t]emporaire que pour une période de [quatre] ans » et que « [s]es prestations antérieures
sous le couvert d’un contrat d’[a]gent [c]ontractuel ne seraient en effet pas cumulables, selon [l’arrêt du Tribunal du 29 janvier 2009, Petrilli/Commission, F‑98/07], avec celles sous le régime d’[a]gent [t]emporaire, et ce conformément aux dispositions statutaires ».

17 La Commission a considéré que cette note du 5 juillet 2011 valait réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne contre la décision litigieuse.

18 Le 19 septembre 2011, le chef de l’unité de la partie requérante a diffusé une note indiquant qu’un nouvel agent avait été nommé sur le poste de la partie requérante à compter du 1^er octobre 2011.

19 Le 28 septembre 2011, la partie requérante a pris contact avec la médiatrice adjointe de la Commission et a demandé à celle-ci si le non-renouvellement de son contrat était dû à la « règle de[s] six ans » et non pas à ses « qualifications ». Le lendemain, la médiatrice adjointe lui a répondu que « les personnes qui [avaient] été prolongées n’[avaient] pas atteint les [six] ans » et que « [ce] n’[était] pas [sa] personne qui [était] visée, ni [ses] compétences, mais c’[était] l’application du
système ».

20 Par note du 19 octobre 2011, envoyée par voie postale le 24 octobre suivant, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») a rejeté ce qu’elle a qualifié de « réclamation », c’est-à-dire la demande de renouvellement du contrat, figurant dans la note du 5 juillet 2011. L’AHCC a fait observer qu’il n’était pas établi que « la prolongation [du] contrat [de la partie requérante] présentait un intérêt pour le service, en termes par exemple de continuité [du]
service, de profil professionnel spécifique et unique sur le marché du travail, d’une particularité telle qui pourrait justifier la décision de prolonger son contrat en dérogation à la règle des six ans ».

Procédure et conclusions des parties

21 Le présent recours a été introduit le 3 février 2012.

22 La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision litigieuse ;

– pour autant que de besoin, annuler la décision du 19 octobre 2011 rejetant la réclamation ;

– la réintégrer dans les fonctions qu’elle occupait au sein de la DG « Informatique » dans le cadre d’une prolongation de son contrat conforme aux exigences statutaires ;

– à titre subsidiaire, dans le cas où il ne serait pas fait droit à la demande de réintégration formulée ci-dessus, condamner la Commission à réparer le préjudice matériel subi, évalué provisoirement et ex æquo et bono à la différence entre la rémunération qu’elle aurait perçue en tant qu’agent temporaire au sein de la Commission si son contrat avait été renouvelé, et les indemnités de chômage qu’elle perçoit actuellement, ce pendant une durée de deux ans (correspondant à la durée de
renouvellement prévue aux termes de l’article 8 du RAA), à augmenter des intérêts de retard au taux légal durant la période concernée ;

– en tout état de cause, condamner la Commission à lui payer une somme fixée provisoirement et ex æquo et bono à 5 000 euros, en réparation du préjudice moral, à augmenter des intérêts de retard au taux légal à dater de l’arrêt à intervenir ;

– condamner la Commission aux dépens.

23 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la partie requérante aux dépens.

En droit

Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de réintégrer la partie requérante en son sein

24 Il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (arrêt du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, point 63). Il s’ensuit que les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de réintégrer la partie requérante en son sein ne peuvent qu’être rejetées comme
irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 19 octobre 2011 rejetant la réclamation

25 Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8).

26 La décision de rejet de la réclamation introduite à l’encontre de la décision litigieuse étant, en l’espèce, dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme dirigé contre la seule décision litigieuse.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse

27 La partie requérante soulève deux moyens, tirés, pour le premier, de la violation de l’article 8 du RAA, pour le second, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8 du RAA

– Arguments des parties

28 La partie requérante rappelle que l’article 8, deuxième alinéa, du RAA autoriserait une administration à renouveler une fois un contrat d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous b), du RAA pour une durée de deux ans au plus, si l’intérêt du service le justifie.

29 Or, dans le cas d’espèce, pour refuser le renouvellement de son contrat d’agent temporaire, la partie requérante soutient que la Commission se serait fondée non sur l’intérêt du service, mais sur une application mécanique de la règle figurant à l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 28 avril 2004, selon laquelle la durée totale cumulée de prestation de services d’un agent non permanent, tous types de contrats ou d’affectations confondus, serait limitée à six années décomptées sur une
période de douze ans (ci-après la « règle des six ans »). Ainsi, selon la partie requérante, la Commission n’aurait procédé à aucun examen individualisé de sa situation particulière, en particulier de ses capacités professionnelles et du profil du poste, et aurait violé l’article 8 du RAA.

30 La partie requérante ajoute que la Commission se serait abstenue d’examiner la possibilité de renouveler son contrat d’agent temporaire sur un autre poste, en violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

31 En défense, la Commission conteste avoir pris la décision litigieuse en se fondant sur une application mécanique de la règle des six ans. Elle explique que, au contraire, elle aurait examiné si l’intérêt du service justifiait le renouvellement du contrat de la partie requérante, précisant toutefois que, pour procéder à cet examen, elle aurait considéré que ce n’est qu’à « titre exceptionnel » qu’il pourrait être justifié de renouveler, dans l’intérêt du service, un contrat d’agent temporaire
au sens de l’article 2, sous d), du RAA, au-delà de la règle des six ans.

– Appréciation du Tribunal

32 Il convient à titre liminaire de rappeler que l’article 8, deuxième alinéa, du RAA dispose que « [l]’engagement d’un agent visé à l’article 2, [sous] b) ou d), ne peut excéder quatre ans, mais il peut être limité à toute durée inférieure » et que « [l’engagement d’un agent sous un tel] contrat ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée de deux ans au plus, à condition que la possibilité de renouvellement ait été prévue dans le contrat initial, dans les limites fixées dans ce
contrat ».

33 L’article 8, deuxième alinéa, du RAA ne crée pas un droit pour un agent à être engagé pour la période maximale de six ans, compte tenu du pouvoir de l’institution de conclure ou de renouveler de tels contrats pour une durée plus courte que la durée maximale autorisée, et ce en vertu du large pouvoir d’appréciation dont, conformément à une jurisprudence constante, cette institution dispose dans l’organisation de ses services en fonction des missions qui lui sont confiées et dans
l’affectation, en vue de ces missions, du personnel qui se trouve à sa disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, point 34).

34 Par ailleurs, l’institution dispose de ce large pouvoir d’appréciation non seulement dans des cas individuels, mais également dans le cadre d’une politique générale, établie, le cas échéant, par voie d’une décision interne de portée générale, telle que les dispositions générales d’exécution, par laquelle elle s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il n’en demeure pas moins qu’une telle décision interne ne saurait avoir pour conséquence que l’institution renonce
intégralement au pouvoir qui lui est conféré par l’article 8, premier alinéa, du RAA de conclure ou de renouveler, selon les circonstances du cas d’espèce, un contrat d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous b) ou d), du RAA jusqu’à la période maximale de six ans. Par ailleurs, l’institution est toujours tenue de respecter les principes généraux de droit, tels que le principe d’égalité de traitement et celui de la protection de la confiance légitime (voir, par analogie, arrêt
Commission/Petrilli, précité, point 35).

35 Eu égard aux principes généraux de droit, l’AHCC ne saurait renoncer au pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par l’article 8, deuxième alinéa, du RAA par une application mécanique de la règle des six ans – c’est-à-dire sans examiner le dossier de candidature de l’agent et l’intérêt du service à l’engager – pour justifier de limiter son engagement pour une période plus courte que celle autorisée par l’article 8, deuxième alinéa, du RAA. En effet, en renonçant ainsi à ce pouvoir
d’appréciation, l’AHCC violerait le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lequel droit exige que l’institution examine, de manière diligente, complète et impartiale, chaque dossier de candidature au regard des mérites et des aptitudes propres du candidat concerné et des exigences du poste à pouvoir (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal de première instance du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P,
point 215, et Commission/Petrilli, précité, point 35). Une telle renonciation emporterait également la violation du devoir de sollicitude et du principe d’égalité de traitement.

36 C’est à la lumière des éléments exposés ci-dessus qu’il convient d’examiner le moyen soulevé par la partie requérante.

37 En l’espèce, il est constant que, pour justifier le rejet de la demande de renouvellement du contrat d’agent temporaire de la partie requérante, la Commission s’est fondée, dans la décision litigieuse, sur le fait que la partie requérante avait déjà accompli, en son sein, cinq années et dix mois, tous types de contrats ou d’affectations confondus, et que, au regard des éléments figurant dans son dossier, l’intérêt du service ne justifiait pas qu’il soit dérogé à la règle des six ans.

38 Par ailleurs, dans la décision de rejet de la réclamation dirigée contre la décision litigieuse, l’AHCC a confirmé que, de son point du vue, il n’était pas établi que « la prolongation [du] contrat [de la partie requérante] présentait un intérêt pour le service, en termes par exemple de continuité [du] service, de profil professionnel spécifique et unique sur le marché du travail, d’une particularité telle qui pourrait justifier la décision de prolonger son contrat en dérogation à la règle
des six ans ».

39 Ainsi, et contrairement à ce que la partie requérante prétend, pour refuser le renouvellement de son contrat d’agent temporaire, la Commission ne s’est pas bornée à procéder à une « application mécanique » de la règle des six ans, mais a examiné si un tel renouvellement était conforme, en particulier, à l’intérêt du service.

40 Enfin, et alors que, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude, ainsi que le principe de bonne administration, impliquent que, lorsqu’elle statue sur la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, et ce même dans le cadre de l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation, il incombe à l’autorité compétente de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire ou de l’agent concerné (arrêt de la Cour du 28 mai 1980, Kuhner/Commission,
33/79 et 75/79, point 22), il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission se serait abstenue de prendre en considération, en sus de l’intérêt du service, celui de la partie requérante.

41 Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté.

Sur le second moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation

– Arguments des parties

42 La partie requérante soutient que, en tout état de cause, la Commission aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service.

43 La partie requérante explique en effet que l’emploi budgétaire qu’elle occupait n’aurait pas disparu et que cet emploi aurait été attribué à un nouvel agent, alors qu’elle aurait disposé à la fois des compétences et de l’expérience nécessaires pour occuper ledit emploi. Par ailleurs, outre que sa hiérarchie aurait insisté, à plusieurs reprises, pour qu’un tel renouvellement ait lieu, il ressortirait de son rapport d’évaluation pour l’année 2010 qu’elle aurait disposé de toutes les
compétences nécessaires à l’exercice des fonctions. Ainsi, de l’avis de la partie requérante, l’expertise dont elle disposait l’aurait rendue indispensable au bon fonctionnement du service, et il aurait été dès lors dans l’intérêt du service de la reconduire dans ses fonctions.

44 En défense, la Commission conclut au rejet du moyen.

– Appréciation du Tribunal

45 Il a été jugé que le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée relève du large pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente, le contrôle du juge de l’Union devant, dès lors, se limiter à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Gheysens/Conseil, F‑8/10, point 75).

46 En l’espèce, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir à suffisance de droit que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en adoptant la décision litigieuse.

47 En effet, s’il est vrai que la partie requérante a reçu des commentaires très élogieux de sa hiérarchie, en particulier de son chef d’unité, sur la qualité de son travail, de tels commentaires ne permettent pas de conclure que ses mérites et son expérience professionnels auraient été à ce point exceptionnels qu’ils auraient supplanté ceux de tout autre candidat potentiel ou, à tout le moins, que ses mérites et son expérience professionnels auraient été supérieurs à ceux de la personne
finalement recrutée sur l’emploi précédemment occupé par la partie requérante. Au demeurant, il importe de souligner que la hiérarchie de la partie requérante, quoique ayant souligné la haute qualité des prestations de celle-ci, n’en a pas pour autant indiqué que le renouvellement de son contrat aurait été indispensable au bon fonctionnement du service.

48 Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l’emploi auparavant occupé par la partie requérante a été attribuée à un fonctionnaire. Or, ainsi qu’il découle de la jurisprudence, le fait que les états de service d’un agent temporaire au sens de l’article 2, sous b), du RAA soient excellents ne saurait faire obstacle au droit de cette institution de nommer, par priorité, un fonctionnaire satisfaisant aux conditions requises (arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 2002,
Cocchi et Hainz/Commission, T‑330/00 et T‑114/01, points 67 à 69).

49 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit également être écarté.

50 L’ensemble des moyens soulevés contre la décision litigieuse ayant été écarté, les conclusions tendant à l’annulation de celle-ci doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires

51 La partie requérante demande au Tribunal de condamner la Commission à réparer le préjudice que lui a causé l’illégalité de la décision litigieuse.

52 À cet égard, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice en matière de fonction publique doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées (voir arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, point 69).

53 En l’espèce, il existe indubitablement un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation. Par ailleurs, l’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation n’a révélé aucune illégalité et, donc, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’institution.

54 Il s’ensuit que les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.

Sur les dépens

55 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

56 Il résulte des motifs du présent arrêt que la partie requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie requérante doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) BR supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Kreppel Perillo Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mars 2013.

Le greffier Le président

W. Hakenberg H. Kreppel

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* Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : F-13/12
Date de la décision : 19/03/2013
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours en responsabilité - non fondé, Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonction publique - Agent temporaire - Non-renouvellement d’un contrat.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : BR
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kreppel

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:F:2013:39

Source

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