ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
18 avril 2013 ( *1 )
«Marques — Règlement (CE) no 40/94 — Article 15, paragraphe 1 — Notion d’‘usage sérieux’ — Marque utilisée uniquement en tant qu’élément d’une marque complexe ou en combinaison avec une autre marque»
Dans l’affaire C‑12/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 24 novembre 2011, parvenue à la Cour le 9 janvier 2012, dans la procédure
Colloseum Holding AG
contre
Levi Strauss & Co.,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász (rapporteur), D. Šváby et C. Vajda, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2012,
considérant les observations présentées:
— pour Colloseum Holding AG, par Me M. Klette, Rechtsanwalt,
— pour Levi Strauss & Co., par Mes H. Harte-Bavendamm et M. Goldmann, Rechtsanwälte,
— pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Santoro, avvocato dello Stato,
— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murrell, en qualité d’agent, assistée de Mme S. Ford, barrister,
— pour la Commission européenne, par MM. F. Bulst et F. Wilman, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), disposition qui a été reprise sans modification à l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Colloseum Holding AG (ci-après «Colloseum») à Levi Strauss & Co. (ci-après «Levi Strauss») au sujet de l’interprétation de la notion d’«usage sérieux», figurant à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94, lorsqu’une marque enregistrée n’est utilisée que par l’intermédiaire d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, ou lorsqu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, la combinaison des
deux marques étant elle-même enregistrée comme marque.
Le cadre juridique
Le droit international
3 L’article 5, C, points 1 et 2, de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305), stipule:
«(1) Si, dans un pays, l’utilisation de la marque enregistrée est obligatoire, l’enregistrement ne pourra être annulé qu’après un délai équitable et si l’intéressé ne justifie pas des causes de son inaction.
(2) L’emploi d’une marque de fabrique ou de commerce, par le propriétaire, sous une forme qui diffère, par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée dans l’un des pays de l’Union [créée par cette convention], n’entraînera pas l’invalidation de l’enregistrement et ne diminuera pas la protection accordée à la marque.»
Le droit de l’Union
4 Le neuvième considérant du règlement no 40/94 énonce:
«considérant qu’il n’est justifié de protéger les marques communautaires et, contre celles-ci, toute marque enregistrée qui leur est antérieure, que dans la mesure où ces marques sont effectivement utilisées».
5 L’article 7 de ce règlement, intitulé «Motifs absolus de refus», prévoit à son paragraphe 1:
«Sont refusés à l’enregistrement:
[...]
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux ci;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;
[...]»
6 L’article 7, paragraphe 3, du même règlement est libellé comme suit:
«Le paragraphe 1 points b), c) et d) n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.»
7 L’article 9 du règlement no 40/94, intitulé «Droit conféré par la marque communautaire», dispose à son paragraphe 1:
«La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:
[...]
b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;
[...]»
8 L’article 15 dudit règlement, intitulé «Usage de la marque communautaire», prévoit:
«1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.
2. Sont également considérés comme usage au sens du paragraphe 1:
a) l’emploi de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle ci a été enregistrée;
[...]»
9 L’article 98 du règlement no 40/94 énonce à son paragraphe 1:
«Lorsqu’un tribunal des marques communautaires constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque communautaire, il rend, sauf s’il y a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément à la loi nationale, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction.»
Le droit allemand
10 L’article 14, paragraphe 2, point 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes (Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen, BGBl. 1994 I, p. 3082), telle que modifiée par loi du 7 juillet 2008 (BGBl. 2008 I, p. 1191), disposition qui correspond à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, prévoit le droit du titulaire d’une marque d’interdire l’usage:
«[...] d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, risque comprenant celui d’association entre le signe et la marque, [...]»
11 L’article 14, paragraphe 5, de cette loi dispose:
«Quiconque utilise un signe en violation des paragraphes 2 à 4 peut être poursuivi par le titulaire de la marque dans le cadre d’une action en cessation, en cas de risque de récidive. Le droit à interdiction peut être revendiqué même lorsqu’une infraction menace de se produire pour la première fois.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Levi Strauss est titulaire de plusieurs marques et, notamment, de la marque verbale communautaire LEVI’S, entre autres, pour des vêtements, et de la marque verbale et figurative allemande no DD 641 687, enregistrée le 12 janvier 1977, pour des pantalons, des chemises, des blouses, et des vestes pour hommes, femmes et enfants (ci-après la «marque no 3»). Cette dernière marque, qui comporte dans un élément rectangulaire rouge situé au bord supérieur gauche d’une poche l’élément verbal «LEVI’S», se
présente comme suit:
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13 Levi Strauss est également titulaire de la marque figurative communautaire no 2 292 373 en couleurs, à savoir rouge et bleu, enregistrée le 10 février 2005 pour des pantalons (ci-après la «marque no 6»). Selon sa description au registre, elle constitue une marque de position et est composée d’une étiquette rectangulaire rouge, en textile, cousue dans et ressortant de la partie supérieure de la couture gauche de la poche arrière de pantalons, de shorts ou de jupes. Elle se présente comme suit:
Image
14 L’inscription au registre de la marque no 6 comporte une déclaration de renonciation, en vertu de laquelle ladite marque n’ouvre aucun droit d’exclusivité quant à la forme et à la couleur de la poche en soi. La marque no 6 a été enregistrée sur la base d’un caractère distinctif acquis par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94.
15 Colloseum exploite un commerce de détail de vêtements de dessus. Dans le cadre de cette activité, elle a mis sur le marché des pantalons, à savoir des jeans, des marques COLLOSEUM, S. MALIK et EURGIULIO. Ces pantalons comportent, au niveau de la poche arrière droite, de petits fanions rectangulaires rouges, en textile, qui sont cousus dans la partie supérieure de la couture extérieure droite de la poche et sur lesquels sont reproduites les marques concernées ou la dénomination «SM JEANS».
16 Levi Strauss a saisi la juridiction compétente de première instance d’un recours visant notamment à ce qu’il soit interdit à Colloseum de proposer, de commercialiser ou de détenir à ces fins de tels pantalons. Cette dernière a notamment soulevé un moyen de défense tiré de l’usage insuffisant de la marque no 6.
17 La juridiction de première instance a fait droit à la demande de Levi Strauss et la juridiction d’appel a rejeté l’appel introduit par Colloseum contre la décision rendue en première instance.
18 Saisie d’un recours en «Revision» introduit par Colloseum, la juridiction de renvoi a annulé la décision de la juridiction d’appel et a renvoyé l’affaire devant celle-ci. La juridiction d’appel ayant à nouveau rejeté l’appel de Colloseum, cette dernière a introduit un nouveau recours en «Revision» devant la juridiction de renvoi.
19 Celle-ci relève que l’issue de ce second recours en «Revision» dépend de l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94. En effet, elle retiendrait un risque de confusion, sur la base de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, entre la marque no 6 et les modèles de pantalon commercialisés par Colloseum, à condition que la marque no 6 soit toujours valable.
20 La juridiction de renvoi souligne qu’elle a donc besoin de savoir si la marque no 6 a fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94. Elle fait observer que, selon les constatations de la juridiction d’appel, par lesquelles elle est liée, conformément aux dispositions procédurales du droit allemand, la marque no 6 a été enregistrée le 10 février 2005. Son titulaire serait donc déchu de ses droits si ladite marque n’a pas fait l’objet, avant la clôture
de l’audience qui s’est tenue devant la juridiction d’appel le 18 février 2010, d’un usage sérieux au sens de ladite disposition.
21 La juridiction de renvoi relève ensuite que, selon les constatations de la juridiction d’appel, Levi Strauss n’a utilisé la marque no 6 que sous la forme de la marque no 3. L’issue du litige dépendrait donc notamment du point de savoir si une marque enregistrée, qui constitue un des éléments d’une autre marque, et qui a acquis un caractère distinctif par l’usage de l’autre marque, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, peut également faire l’objet d’un usage sérieux au
sens de l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement, en raison de l’usage de cette autre marque.
22 La juridiction de renvoi fait observer que cette question ne peut pas être considérée comme ayant déjà été tranchée. Elle souligne également que les marques no 3 et no 6 ne diffèrent pas uniquement par des éléments qui n’altèrent pas le caractère distinctif des marques et que, par conséquent, les conditions de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement no 40/94 ne sont pas remplies en l’occurrence, ce qui distingue l’affaire au principal des faits à l’origine de la demande préjudicielle
ayant donné lieu à l’arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch (C‑553/11).
23 La juridiction de renvoi relève, en outre, qu’il est également envisageable que l’utilisation du fanion rectangulaire rouge par Levi Strauss lors de la commercialisation de pantalons avec la mention «LEVI’S» implique un usage sérieux à la fois de la marque no 6 et de la marque verbale LEVI’S, la combinaison de ces deux marques étant elle-même enregistrée également en tant que marque no 3. Elle s’interroge donc sur le point de savoir si une marque peut faire l’objet d’un usage sérieux, au sens de
l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94, alors qu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, que le public considère les deux marques comme des signes distinctifs indépendants et que la combinaison des deux marques est, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque.
24 C’est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«L’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94 doit-il être interprété en ce sens
1) qu’une marque qui constitue un des éléments d’une marque complexe et qui n’a acquis de caractère distinctif que par suite de l’usage de la marque complexe peut faire l’objet d’un usage propre à assurer le maintien des droits de son titulaire lorsque seule la marque complexe est utilisée,
2) et qu’une marque fait l’objet d’un usage propre à assurer le maintien des droits de son titulaire, alors qu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, que le public considère les deux marques comme des signes distinctifs indépendants, et que la combinaison des deux marques est, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque?»
Sur les questions préjudicielles
25 Par ces questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la condition d’usage sérieux d’une marque, à savoir un usage propre à assurer le maintien des droits du titulaire de celle-ci, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94, est remplie lorsqu’une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l’usage d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n’est utilisée que par
l’intermédiaire de cette autre marque complexe, ou lorsqu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, la combinaison des deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque.
26 Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7 du règlement no 40/94 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, point 23 et jurisprudence citée). La fonction essentielle de la marque est d’identifier, aux yeux
des consommateurs, l’entreprise dont provient le produit (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2004, Anheuser-Busch, C-245/02, Rec. p. I-10989, point 59 et jurisprudence citée).
27 En ce qui concerne l’acquisition du caractère distinctif d’une marque, en vue de son enregistrement, par l’usage qui en a été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, la Cour a jugé, dans le cadre de l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), cette dernière disposition correspondant, en substance, à ladite disposition du règlement
no 40/94, que l’acquisition d’un tel caractère peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (arrêt du 7 juillet
2005, Nestlé, C-353/03, Rec. p. I-6135, point 30).
28 Par conséquent, indépendamment de la question de savoir si l’usage concerne un signe en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, la condition essentielle est que, en conséquence de cet usage, le signe dont l’enregistrement est demandé en tant que marque puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il porte comme provenant d’une entreprise déterminée.
29 En outre, la Cour a déjà jugé que la constatation effectuée au point 30 de l’arrêt Nestlé, précité, est de portée générale et s’applique également lorsqu’il s’agit d’établir le caractère distinctif particulier d’une marque antérieure afin de déterminer l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C-488/06 P, Rec. p. I-5725, points 50 à 52).
30 Au vu de l’économie et de l’objectif du règlement no 40/94, ainsi que du libellé de l’article 15, paragraphe 1, de ce dernier, il convient de considérer que la conclusion à laquelle est parvenue la Cour au point 30 de l’arrêt Nestlé, précité, doit également être retenue s’agissant de la notion d’«usage sérieux» en vue du maintien des droits du titulaire d’une marque enregistrée, au sens de cette disposition.
31 Certes, l’usage par lequel un signe acquiert un caractère distinctif conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94 concerne la période avant son enregistrement en tant que marque, tandis que l’usage sérieux au sens de l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement concerne une période quinquennale postérieure à l’enregistrement, de sorte que l’usage au sens dudit article 7, paragraphe 3, en vue de l’enregistrement ne saurait être invoqué en tant que tel pour établir l’usage au sens
dudit article 15, paragraphe 1, aux fins du maintien des droits du titulaire de la marque enregistrée.
32 Toutefois, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 27 à 30 de l’arrêt Nestlé, précité, de manière générale, la notion d’«usage» d’une marque englobe, de par le sens de ce terme, aussi bien l’usage indépendant de cette marque que son usage en tant que composante d’une autre marque prise dans son ensemble ou en combinaison avec celle-ci.
33 Ainsi que l’ont fait observer pertinemment les gouvernements allemand et du Royaume-Uni lors de l’audience tenue devant la Cour, le critère de l’usage, qui est toujours essentiel, ne peut être jugé à l’aune d’éléments différents selon qu’il s’agit de déterminer si ce critère est propre à faire naître des droits concernant une marque ou à assurer le maintien de tels droits. En effet, s’il est possible d’acquérir la protection en tant que marque pour un signe à travers un certain usage qui en est
fait, cette même forme d’usage doit être susceptible d’assurer le maintien de cette protection.
34 Dès lors, il y a lieu de considérer que les exigences prévalant en ce qui concerne la vérification de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94, sont analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage en vue de son enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.
35 Il importe toutefois de souligner à cet égard que, ainsi que le relèvent le gouvernement allemand, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission européenne, une marque enregistrée qui est uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque doit continuer d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause afin que cet usage satisfasse à la notion d’«usage sérieux» au sens dudit article 15, paragraphe 1.
36 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que la condition d’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94, peut être remplie lorsqu’une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l’usage d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n’est utilisée que par l’intermédiaire de cette autre marque complexe, ou lorsqu’elle n’est utilisée que conjointement avec une
autre marque, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque.
Sur les dépens
37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:
La condition d’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, peut être remplie lorsqu’une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l’usage d’une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n’est utilisée que par l’intermédiaire de cette autre marque complexe, ou lorsqu’elle n’est utilisée que conjointement avec une autre marque, la combinaison
de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.