ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
19 juin 2013 ( *1 )
«Fonction publique — Fonctionnaires — Responsabilité non contractuelle — Recours en indemnité — Recevabilité — Point de départ du délai pour agir — Enquête de l’OLAF — Enquête administrative — Procédure disciplinaire devant le conseil de discipline — Obligation pour l’administration d’agir avec diligence — Durée d’une procédure disciplinaire — Responsabilité du fait de l’ouverture d’une procédure disciplinaire clôturée sans sanction»
Dans l’affaire F‑89/11,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Charles Dieter Goetz, ancien fonctionnaire du Comité des régions de l’Union européenne, demeurant à Linkebeek (Belgique), représenté par Mes N. Lhoëst et A.‑A. Minet, avocats,
partie requérante,
contre
Comité des régions de l’Union européenne représenté par M. J. C. Cañoto Argüelles, en qualité d’agent, assisté de Me B. Cambier, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),
composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. K. Bradley, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2012,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 septembre 2011, M. Goetz sollicite, en substance, la condamnation du Comité des régions de l’Union européenne à réparer, premièrement, le préjudice moral qu’il aurait subi du fait de la prolongation excessive de l’état d’incertitude dans lequel il s’est trouvé depuis que des accusations ont été formulées contre lui, deuxièmement, le préjudice moral qu’il aurait subi du fait des erreurs et des négligences commises par le Comité des régions dans le
déroulement des procédures administratives et disciplinaire le concernant, troisièmement, le préjudice matériel qu’il aurait subi du fait de son départ forcé et anticipé à la retraite.
Cadre juridique
Dispositions relatives au transfert par un fonctionnaire d’une partie de ses émoluments avec application d’un coefficient correcteur
2 L’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après l’«ancien statut») conférait à tout fonctionnaire le droit de transférer, par l’entremise de l’institution dont il relevait, une partie de ses émoluments vers l’État dont il était le ressortissant, ou dans lequel se trouvait son domicile propre ou la résidence d’un membre de sa famille à charge ou vers un État dans lequel il devait assumer
des charges régulières et prouvées. Afin d’établir une équivalence du pouvoir d’achat, la somme transférée pouvait être affectée d’un coefficient correcteur. Dans la pratique, un fonctionnaire originaire d’un État membre considéré comme ayant un coût de la vie inférieur à celui de son État d’affectation, ou ayant son domicile propre ou assumant des charges régulières et prouvées dans un tel État, avait un intérêt à faire usage de cette faculté, puisque la partie des émoluments transférée se
retrouvait bonifiée par application du coefficient correcteur.
3 Dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2004, l’article 17, paragraphe 2 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut» ou le «nouveau statut») limite les possibilités pour un fonctionnaire de transférer une partie de ses émoluments vers son État d’origine avec application d’un coefficient correcteur.
4 Néanmoins, des mesures transitoires ont permis aux fonctionnaires de transférer, pendant la période allant du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, un montant supplémentaire, sous réserve notamment qu’un tel montant ait été déjà transféré régulièrement avant le 1er mai 2004 et que les conditions requises avant la date d’entrée en vigueur du nouveau statut soient toujours remplies.
Dispositions concernant la procédure disciplinaire
5 L’article 86 du statut prévoit :
«1. Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.
2. L’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’Office européen de lutte antifraude peuvent ouvrir une enquête administrative, en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à leur connaissance.
3. Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX.»
6 L’annexe IX du statut, relative à la procédure disciplinaire, dispose :
«Section 1 : [d]ispositions générales
Article premier
1. Dès qu’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire d’une institution est personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En toute circonstance, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure de présenter ses
observations sur les faits le concernant. Les conclusions font état de ces observations.
[…]
3. Si, à la suite d’une enquête de l’OLAF, aucune charge ne peut être retenue contre un fonctionnaire faisant l’objet d’allégations, l’enquête le concernant est classée sans suite par décision du directeur de l’O[LAF], qui en informe par écrit le fonctionnaire et son institution. Le fonctionnaire peut demander que cette décision figure dans son dossier personnel.
Article 2
1. Les règles définies à l’article 1er de la présente annexe s’appliquent mutatis mutandis aux autres enquêtes administratives effectuées par l’autorité investie du pouvoir de nomination.
2. L’autorité investie du pouvoir de nomination informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur sa demande et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre.
3. Chaque institution arrête les dispositions générales d’exécution du présent article, conformément à l’article 110 du statut.
Article 3
Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut :
[…]
c) en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut,
i) décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe, ou
ii) décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline.
[…]
Article 5
1. Un conseil de discipline, ci-après dénommé «conseil», est mis en place dans chaque institution. Un membre du conseil au moins, qui peut être le président, est choisi en dehors de l’institution.
2. Le conseil est composé d’un président et de quatre membres permanents, qui peuvent être remplacés par des suppléants ; pour les cas mettant en cause un fonctionnaire d’un grade jusqu’à AD 13, le conseil siège avec deux membres supplémentaires appartenant au même groupe de fonctions et au même grade que le fonctionnaire faisant l’objet de la procédure disciplinaire.
3. Les membres permanents du conseil et leurs suppléants sont désignés parmi les fonctionnaires en activité qui ont au moins le grade AD 14 pour tous les cas autres que ceux concernant les fonctionnaires de grade AD 16 ou AD 15.
[…]
Article 6
[…]
4. Les deux membres du conseil élargi aux termes de l’article 5, paragraphe 2, de la présente annexe sont désignés de la façon suivante :
a) l’autorité investie du pouvoir de nomination établit une liste comprenant, dans toute la mesure du possible, les noms de deux fonctionnaires de chaque grade dans chaque groupe de fonctions. Simultanément, le comité du personnel transmet à l’autorité investie du pouvoir de nomination une liste établie de la même façon ;
b) dans les dix jours qui suivent la communication du rapport sur lequel est fondé[e] la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire ou de la procédure visée à l’article 22 du statut, le président du conseil, en présence de l’intéressé, procède au tirage au sort d’un membre du conseil dans chacune des listes susmentionnées. Le président peut décider de se faire remplacer par le secrétaire pour cette procédure. Le président communique au fonctionnaire concerné et à chacun des membres la
composition du conseil.
[…]
Section 4 : [p]rocédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline
Article 11
L’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de la sanction d’avertissement par écrit ou de blâme sans consultation du conseil [de discipline]. Le fonctionnaire concerné est préalablement entendu par l’autorité investie du pouvoir de nomination.
Section 5 : [p]rocédure disciplinaire devant le conseil de discipline
Article 12
1. Le conseil [de discipline] est saisi d’un rapport émanant de l’autorité investie du pouvoir de nomination, qui doit indiquer clairement les faits reprochés et, s’il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes.
2. Ce rapport est transmis au fonctionnaire concerné et au président du conseil [de discipline], qui le porte à la connaissance des membres du conseil [de discipline].
[…]
Article 18
Au vu des pièces produites devant le conseil [de discipline] et compte tenu des déclarations écrites ou verbales éventuelles, ainsi que des résultats de l’enquête à laquelle il a pu être procédé, le conseil [de discipline] émet à la majorité un avis motivé quant à la réalité des faits incriminés et, le cas échéant, quant à la sanction que les faits reprochés devraient selon lui entraîner. Cet avis est signé par tous les membres du conseil [de discipline]. Chaque membre [dudit] conseil peut joindre
à l’avis une opinion divergente. Le conseil [de discipline] transmet l’avis à l’autorité investie du pouvoir de nomination et au fonctionnaire concerné dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du rapport de l’autorité investie du pouvoir de nomination, pour autant que ce délai soit adapté à la complexité du dossier. Lorsqu’une enquête a été effectuée à l’initiative du conseil [de discipline], le délai est de quatre mois pour autant qu’il soit adapté à la complexité du dossier.
[…]
Article 22
1. Après avoir entendu le fonctionnaire, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend sa décision conformément aux articles 9 et 10 de la présente annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil [de discipline]. Cette décision doit être motivée.
2. Si l’autorité investie du pouvoir de nomination décide de classer l’affaire sans prononcer de sanction disciplinaire, elle en informe le fonctionnaire concerné par écrit et sans délai. Le fonctionnaire concerné peut demander que cette décision figure dans son dossier individuel.
[…]
Section 7 : [p]oursuites pénales parallèles
Article 25
Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive.»
7 L’article 3 de la décision de la Commission 1999/352/CE, CECA, Euratom, du 28 avril 1999, instituant l’OLAF, (JO L 136 p. 20), dispose :
«Indépendance dans la fonction d’enquête
L’O[LAF] exerce les compétences d’enquête, visées à l’article 2, paragraphe 1, en toute indépendance. Dans l’exercice de ces compétences, le directeur de l’O[LAF] ne sollicite ni n’accepte d’instructions de la Commission [européenne], d’aucun gouvernement ni d’aucune autre institution, organe ou organisme.»
Faits à l’origine du litige
La transmission au secrétaire général du Comité des régions d’informations mettant en cause le requérant
8 À la suite d’une réorganisation structurelle du secrétariat général du Comité des régions, le requérant, qui y était affecté depuis le 1er août 1995, a été appelé à occuper, à partir du 1er janvier 2000, la fonction de responsable du secteur «Régime pécuniaire», relevant de l’unité du personnel de la direction de l’administration, et était, à ce titre, en charge des transferts d’émoluments avec coefficient correcteur vers un autre État membre que l’État d’affectation (ci-après les «transferts
d’émoluments»).
9 Selon le requérant, entre 2003 et 2004, le secteur «Régime pécuniaire» aurait fait face à des difficultés liées à l’utilisation du nouveau logiciel de gestion administrative et de paiement des salaires commun à toutes les institutions de l’Union européenne, dénommé «Nouvelle application de paie» (ci-après la «NAP») dont la mise en œuvre, bien qu’initialement prévue pour le 1er septembre 2003, n’aurait été effective qu’au 1er mai 2004. La mise en œuvre de la NAP l’aurait notamment obligé à opérer
certaines vérifications comptables manuellement et, par suite, à effectuer de nombreuses heures supplémentaires. Le requérant en a informé sa hiérarchie et se serait également plaint de ce que les postes de son service étaient principalement pourvus par le recrutement d’agents sous contrat à durée déterminée. Toujours selon le requérant, son supérieur hiérarchique direct, le chef de l’unité du personnel, M. Tsirimiagos, aurait également souligné à plusieurs reprises l’importance de nommer un
fonctionnaire de catégorie A pour encadrer le secteur «Régime pécuniaire». Son travail durant cette période aurait également souffert de l’absence de règles internes en matière de transfert d’émoluments.
10 Suite à un rapport de la Cour de comptes des Communautés européennes du 2 juillet 2004 concernant l’année fiscale 2003, le secrétaire général du Comité des régions (ci-après le «secrétaire général») a ordonné un audit interne du secteur «Régime pécuniaire».
11 Entre les mois de février et d’avril 2005, un audit a été réalisé par le responsable de l’audit interne, relevant du secrétariat général du Comité des régions, lequel responsable a décidé de concentrer ses investigations sur l’examen des transferts d’émoluments.
12 Le responsable de l’audit interne a rédigé un projet de rapport d’audit qui a été notamment transmis, le 11 mars 2005, à M. Giaprakis, vérificateur du secteur «Régime pécuniaire» et au directeur de la direction de l’administration du Comité des régions (ci-après le «directeur de l’administration»), lequel l’a transmis à son tour au président du Comité des régions.
13 Le 21 mars 2005, le directeur de l’administration a rédigé une note au secrétaire général dans laquelle il relevait notamment que le projet de rapport d’audit comportait des conclusions accusatrices à l’égard du requérant, en sa qualité de responsable du secteur «Régime pécuniaire», du chef de l’unité du personnel, dont relevait ce secteur, M. Tsirimiagos, ainsi que du vérificateur du même secteur, M. Giaprakis, et ce, alors que le dialogue avec le secteur audité aurait été insuffisant et que
certaines affirmations étaient manifestement inexactes. Selon le directeur de l’administration, la procédure et les règles internes en vigueur au Comité des régions en ce qui concerne les transferts d’émoluments seraient parfaitement légales et conformes à la pratique des institutions, telle que définie dans un accord interinstitutionnel daté du 19 avril 2004. Une copie de cette note a été adressée au requérant, à M. Tsirimiagos, à M. Giaprakis et au président du Comité des régions.
14 Le 29 mars 2005, le vérificateur du secteur «Régime pécuniaire», M. Giaprakis, a adressé un courrier au secrétaire général au sujet du projet de rapport d’audit du secteur «Régime pécuniaire». Dans ce courrier, il soutenait que le responsable de l’audit interne, auteur dudit projet, se serait rendu coupable lors de la rédaction dudit projet de graves manquements professionnels et de violations du règlement financier ainsi que de divers textes d’application du statut. En outre, M. Giaprakis
sollicitait l’assistance du Comité des régions sur la base de l’article 24 du statut. Enfin, M. Giaprakis alléguait l’existence d’un conflit d’intérêts dans le chef du responsable de l’audit interne.
15 Le 7 avril 2005, le requérant a adressé une note à l’attention du secrétaire général, lequel exerçait à l’égard du requérant les pouvoirs dévolus en matière disciplinaire à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN»). Dans cette note, il se plaignait notamment de ne pas avoir reçu le projet de rapport d’audit et rappelait les difficultés qu’avait suscitées, pour son service, la mise en œuvre de la NAP ainsi que le changement fréquent du personnel.
16 Le 31 mai 2005, le responsable de l’audit interne a finalisé son rapport d’audit (ci-après le «premier rapport d’audit») et l’a transmis au secrétaire général, au chef de cabinet de celui-ci et au directeur de l’administration. Dans ce rapport, le responsable de l’audit interne pointait du doigt certains dysfonctionnements dans la gestion des demandes de transfert d’émoluments ainsi que la faiblesse du contrôle interne. Notamment, il relevait que cinq demandes avaient été enregistrées alors que
celles-ci ne remplissaient pas les conditions statutaires, car aucune pièce justificative n’avait été fournie au moment de leur introduction. Les comptes d’épargne-logement ayant servi à démontrer l’existence de charges régulières assumées en dehors de l’État d’affectation avaient été ouverts postérieurement aux dates d’introduction des demandes. S’agissant de deux de ces demandes, dont une émanait du requérant, le responsable de l’audit interne relevait que celles-ci avaient été introduites sans
preuve de l’existence de charges régulières assumées en dehors de l’État d’affectation, puisque la copie d’une demande d’ouverture de compte, de surcroît postérieure à la demande de transfert d’émoluments ne pouvait constituer une telle preuve. Cependant, il était noté que dans le cas du requérant, la demande de transfert avait finalement été retirée par l’intéressé lui-même. Les quatre autres demandes avaient été acceptées par le requérant et pour certaines, approuvées par M. Tsirimiagos et par
M. Giaprakis. Or, ces deux derniers avaient, pour leur propre compte, introduit des demandes de transfert qui, si elles n’avaient pas été validées par eux-mêmes, comptaient néanmoins parmi les demandes évoquées ci-dessus considérées comme irrégulières. Le premier rapport d’audit indiquait qu’il appartenait au secrétaire général de décider des suites à donner à ces investigations. Sur la base du premier rapport d’audit, le secrétaire général a décidé de commander un second audit.
17 Suite au départ du responsable de l’audit interne, une nouvelle responsable a été nommée et chargée de contrôler l’intégralité des dossiers de transfert d’émoluments en cours ainsi que de porter un jugement sur la pertinence de l’organisation du secteur «Régime pécuniaire» et sur les procédures de contrôle interne suivies.
18 Suite à une réorganisation des services du Comité des régions, le requérant a été affecté avec son poste à l’unité «Budget/Finances» de la direction de l’administration par décision du 29 septembre 2005, prenant effet le 1er novembre suivant.
L’ouverture de l’enquête «Last Call»
19 Le 8 novembre 2005, l’OLAF a décidé d’ouvrir, sous le nom de «Last Call», une enquête concernant notamment le requérant. Les faits allégués concernant plus spécifiquement le requérant étaient d’avoir indûment autorisé des transferts d’émoluments de certains fonctionnaires ou agents du Comité des régions. Le requérant a été informé de l’ouverture de cette enquête le 15 novembre 2005.
20 Le 11 janvier 2006, le directeur de l’administration a adressé le projet de second rapport d’audit réalisé par la nouvelle responsable de l’audit interne, pour remarques et observations à un certain nombre de personnes dont le requérant, M. Tsirimiagos et M. Giaprakis.
21 Le 19 janvier 2006, M. Tsirimiagos a présenté ses observations sur ce projet de second rapport d’audit. Selon lui, ledit projet contenait des inexactitudes et des imprécisions. En outre, M. Tsirimiagos affirmait que les erreurs décelées par la nouvelle responsable de l’audit interne relevaient «d’une marge d’erreur inhérente au fonctionnement de tout service administratif [mais que] les transferts du mois d’avril 2004 en particulier, comme l’a confirmé la Cour des comptes dans son rapport annuel
de juillet 2005, ont quant à eux été gérés dans la droite ligne de la pratique inte[ri]nstitutionnelle et en pleine légalité, sans irrégularités ‘majeures’ ni mêmes ‘mineures’ ».
22 Le 31 janvier 2006, M. Giaprakis a adressé à son tour ses observations sur le second projet de rapport d’audit, aux termes desquelles il estimait que les faits constatés étaient conformes à la réglementation existante et correspondaient à la pratique interinstitutionnelle. Il concluait que le «projet d’audit présent[ait] trop de lacunes et ne comport[ait] pas le degré d’impartialité qu’on est en droit d’attendre de la part [de l’audit interne et qu’un] audit cohérent [devait] tenir compte de tous
les aspects de la gestion et notamment des spécificités de taille propres aux petites institutions comme le C[omité des régions], surtout en ce qui concerne les moyens humains et matériels alloués au bon fonctionnement des services [; a]insi, toute recommandation de l’auditeur devrait être nuancée en fonction de ces spécificités [; l]’auditeur tire trop de conclusions qu’elle n’étaye pas par des documents certifiant leur validité».
23 Le 20 février 2006, la responsable de l’audit interne a transmis son rapport d’audit définitif au secrétaire général (ci-après le «second rapport d’audit»), lequel l’a visé «pour acceptation» le 22 février suivant. Dans ce rapport, la responsable de l’audit interne concluait que l’interprétation de la réglementation pouvait varier selon les versions linguistiques, que les activités de contrôle interne étaient insuffisantes et qu’au total, au cours de l’année 2005, seulement 18 transferts sur les
123 autorisés avaient été supprimés pour cause d’irrégularité. Le 14 mars 2006, une copie du second rapport d’audit a été envoyée au requérant.
24 Les 19 mars, 19 avril et 20 avril 2006, le requérant a été auditionné par l’OLAF dans le cadre de l’enquête «Last Call».
25 Par décision du 23 mars 2006, le requérant a été affecté à l’unité «Administration générale» de la direction de l’administration à compter du 1er avril suivant. Selon le requérant, il serait alors resté sans instructions et sans occupation jusqu’au 15 juin 2006.
26 À compter du 2 mai 2006 et jusqu’à sa mise à la retraite, le 31 décembre 2006, le requérant a été en congé de maladie.
27 Le 24 octobre 2006, soit près d’un an après l’ouverture de l’enquête «Last Call», l’OLAF a rédigé un rapport final d’enquête. Le 31 octobre 2006, ce rapport a été transmis au Comité des régions. Dans son rapport, l’OLAF indiquait suspecter huit demandes de transfert d’être irrégulières, et recommandait l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant. L’OLAF ajoutait que les déclarations effectuées par certains fonctionnaires dans leurs demandes de transfert étant susceptibles
d’avoir des conséquences pénales, les dossiers des personnes impliquées, dont le requérant, avaient été transmis aux autorités judiciaires belges.
28 Le 7 novembre 2006, l’OLAF a informé le requérant de la clôture de l’enquête «Last Call» et l’a averti, par le même courrier, que les faits établis à l’occasion de l’enquête avaient été transmis aux autorités judiciaires belges, car susceptibles de poursuites pénales, et qu’il avait recommandé au président du Comité des régions d’ouvrir une procédure disciplinaire à son égard.
29 Le 16 novembre 2006, le requérant a demandé à l’administration d’accepter son départ à la retraite à compter du 1er janvier 2007. Par décision du 20 décembre 2006, le secrétaire général a fait droit à cette demande de départ anticipé à la retraite. Lors de son départ à la retraite, le requérant était assistant de grade 10.
30 Par lettre du 21 novembre 2006, le secrétaire général a communiqué au requérant la partie du rapport final d’enquête de l’OLAF qui le concernait directement et lui a demandé de lui faire parvenir par écrit, dans un délai de dix jours à partir de la réception de cette lettre, tout élément qu’il jugerait utile.
L’enquête «Old Call»
31 Le 27 novembre 2006, l’OLAF a décidé d’ouvrir une nouvelle enquête, portant le nom de «Old Call», au motif que l’enquête «Last Call» aurait mis en évidence un cas suspect relatif au transfert d’émoluments nécessitant une évaluation distincte. Le 13 décembre 2006, le requérant a été informé de ce qu’il figurait parmi les fonctionnaires visés par cette nouvelle enquête.
32 À la date d’introduction du présent recours, l’enquête «Old Call» n’était pas clôturée.
L’ouverture de l’enquête administrative interne du Comité des régions
33 Le 5 décembre 2006, compte tenu des faits relevés dans le rapport d’enquête «Last Call», le bureau du Comité des régions a chargé le secrétaire général de mener une enquête administrative interne. À la suite de cette décision, à une date indéterminée du mois de janvier 2007, le secrétaire général a donné mandat à un ancien fonctionnaire de la Commission européenne (ci-après l’«enquêteur interne») de mener ladite enquête administrative interne.
34 Le 12 février 2007, l’OLAF a convoqué le requérant à une audition afin qu’il puisse apporter des précisions complémentaires au sujet des déclarations qu’il avait formulées dans le cadre de l’enquête «Last Call», lesquelles seraient utilisées dans le cadre de l’enquête «Old Call».
35 Le 15 février 2007, le secrétaire général a écrit aux autorités judiciaires belges pour les informer des suites données au rapport final de l’OLAF dans l’enquête «Last Call».
36 Le 20 février 2007, le requérant a demandé par courrier à l’OLAF que lui soient communiqués, préalablement à son audition, les griefs dont il faisait l’objet dans le cadre de l’enquête «Old Call». L’OLAF a répondu à cette lettre le 1er mars 2007.
37 Le 30 mai 2007, dans le cadre de la procédure judiciaire belge ouverte à la suite de l’enquête «Last Call», les autorités judiciaires belges ont demandé la levée de l’immunité du requérant et de plusieurs autres fonctionnaires prévue par le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne.
38 Le 6 juillet 2007, le secrétaire général a décidé de lever l’immunité du requérant et, par lettre du même jour, en a informé celui-ci ainsi que les autorités judiciaires belges.
39 Le 5 août 2007, l’enquêteur interne a envoyé au requérant, par lettre recommandée, la partie de son projet de rapport d’enquête le concernant pour observations avant le 10 septembre suivant.
40 Le 5 septembre 2007, le requérant a fait savoir à l’enquêteur interne qu’il n’avait pas pu retirer la lettre recommandée avant l’expiration du délai de garde par les services postaux et le retour à l’expéditeur de ladite lettre, car il était en vacances. Le jour même, l’enquêteur interne a réexpédié au requérant la partie de son projet de rapport d’enquête le concernant fixant au 21 septembre 2007 le nouveau délai pour présenter ses observations.
41 Le 18 septembre 2007, le requérant a demandé un délai supplémentaire pour présenter ses observations sur la partie du projet de rapport d’enquête le concernant. Par courrier du 24 septembre suivant, ce délai lui a été accordé par l’enquêteur interne.
42 Le 1er octobre 2007, le requérant a présenté ses observations sur la partie du projet de rapport d’enquête le concernant. Ce même jour, M. Tsirimiagos a introduit un recours devant le Tribunal visant, à titre principal, à obtenir l’annulation d’une décision du Comité des régions ordonnant la récupération des montants qui lui avaient été versés au titre des transferts d’émoluments. Ce recours a été enregistré sous la référence F‑100/07.
43 Le 5 octobre 2007, M. Giaprakis a introduit devant le Tribunal un recours similaire à celui introduit par M. Tsirimiagos, qui a été enregistré sous la référence F‑106/07.
44 Le 12 octobre 2007, l’enquêteur interne a déposé son rapport final d’enquête (ci-après le «rapport de l’enquêteur interne») dans lequel il conclut au sujet du requérant dans les termes suivants : «Par son comportement [celui-ci] pourrait avoir manqué à ses obligations découlant de l’article 11, [premier alinéa], de l’article 12, [premier alinéa] et de l’article 21, [premier alinéa] de l’ancien [s]tatut. En outre, il a appliqué l’article 17, paragraphe 2 sous b) de l’annexe VII de l’ancien
[s]tatut de manière incorrecte. Dans ces conditions, [l’enquêteur interne] recommande le passage à la phase prévue par l’article 3 de l’annexe IX du [s]tatut. L’AIPN pourrait examiner dans ce cadre s’il convient d’adresser une mise en garde [au requérant] ou d’ouvrir une procédure disciplinaire sans saisine du [c]onseil de discipline en vue de prononcer un blâme». Les conclusions définitives concernant le requérant ainsi que les pièces du dossier de l’enquête administrative interne s’y
rapportant, lui ont été communiquées.
45 Le 22 octobre 2007, le secrétaire général a informé le requérant que l’enquête administrative interne était clôturée et l’a convoqué, pour le 14 novembre 2007, à l’audition prévue par l’article 3 de l’annexe IX du statut.
46 Le 25 octobre 2007, le rapport de l’enquêteur interne a été communiqué aux autorités judiciaires belges.
47 Le 14 novembre 2007, le requérant a été auditionné par le secrétaire général au sujet du rapport de l’enquêteur interne. Lors de cette audition, le requérant a transmis des observations écrites sur la partie du rapport d’enquête le concernant.
48 Le 19 décembre 2007, le secrétaire général a transmis au requérant, pour observations éventuelles avant le 15 janvier 2008, un projet de procès-verbal de son audition par le secrétaire général du 14 novembre précédent.
49 Le 7 janvier 2008, le requérant a demandé au chef de cabinet du secrétaire général un délai supplémentaire afin de faire valoir ses observations.
50 Le 10 janvier 2008, le chef de cabinet du secrétaire général a transmis au requérant l’enregistrement sonore de son audition par le secrétaire général du 14 novembre 2007 et a refusé de lui accorder un délai supplémentaire afin de faire valoir ses observations sur le projet de procès-verbal de l’audition.
51 Le 11 janvier 2008, le requérant a demandé une nouvelle fois un délai supplémentaire afin de faire valoir ses observations sur le projet de procès-verbal de l’audition.
L’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline
52 Le 17 janvier 2008, le secrétaire général a informé le requérant que, suite à son audition, il avait décidé d’ouvrir à son égard la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, telle que prévue à la section 5 de l’annexe IX du statut. Une procédure disciplinaire similaire a également été ouverte à l’encontre de M. Tsirimiagos.
53 Le 23 janvier 2008, le requérant a été entendu par les autorités judiciaires belges.
54 Le 17 mars 2008, le secrétaire général, en sa qualité d’AIPN, a établi et transmis, au titre de l’article 12 de l’annexe IX du statut, un rapport à l’attention du président du conseil de discipline, M. G. V., dans lequel il concluait que le requérant avait manqué, par négligence, à ses obligations découlant de l’article 11, premier alinéa, de l’article 12, premier alinéa, et de l’article 21, premier alinéa, de l’ancien statut.
55 Par lettre du 19 mars 2008, le secrétaire général a transmis au requérant une copie du rapport établi à l’attention du président du conseil de discipline.
56 Le 26 mars 2008, le président du conseil de discipline a informé le requérant des dispositions générales régissant la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline.
57 Le 7 avril 2008, le conseil de discipline a notifié au requérant les noms des membres du conseil de discipline composant la formation du conseil de discipline appelée à émettre un avis motivé sur les faits qui lui étaient reprochés. Il était prévu que cette formation soit présidée par M. G. V. en sa qualité de président du conseil de discipline.
58 Par lettre du 14 avril 2008, le requérant a demandé la récusation de l’un des membres de la formation du conseil de discipline saisie de son cas et a émis des doutes quant à la partialité d’un autre membre. Dans cette même lettre, le requérant a demandé à ce que la procédure disciplinaire soit suspendue dans l’attente d’une décision définitive sur le plan pénal des autorités judiciaires belges.
59 Par lettre du 24 avril 2008, le président du conseil de discipline a répondu au requérant et l’a informé de la composition finale de la formation du conseil de discipline saisie de son cas. Il ressortait de cette composition que la demande de récusation formulée par le requérant avait été acceptée, mais que le membre de la formation du conseil de discipline saisie de son cas, dont la partialité avait été également mise en cause par le requérant, n’avait pas été écarté. Dans ce même courrier, le
président du conseil de discipline a rejeté la demande de suspension de la procédure disciplinaire présentée par le requérant au motif qu’en cas de poursuites pénales, l’article 25 de l’annexe IX du statut fait uniquement obstacle à ce que l’AIPN prenne sa décision finale avant que la décision adoptée par la juridiction pénale saisie ne soit devenue définitive.
60 Le 13 mai 2008, le président du conseil de discipline a convoqué le requérant à une première audition devant la formation du conseil de discipline saisie de son cas prévue pour le 26 mai 2008 et lui a demandé de communiquer, dans les cinq jours suivants, la liste des témoins qu’il souhaitait faire citer devant le conseil de discipline.
61 Entre le 16 et le 21 mai 2008, un échange de correspondances a eu lieu entre le président du conseil de discipline et le requérant quant au déroulement de la procédure disciplinaire et à la liste des témoins qu’il souhaitait voir entendus.
62 Le 26 mai 2008, en début de matinée, le président du conseil de discipline a informé le secrétaire général qu’il se désisterait de ses mandats de président de la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant et de président de la formation du conseil de discipline appelée à se prononcer sur les faits reprochés à M. Tsirimiagos après l’audition du requérant prévue pour cette même matinée, au motif que son impartialité avait été mise en cause lors de l’audition de M. Tsirimiagos
intervenue le 23 mai 2008 et que des divergences étaient apparues entre les membres de ces formations quant aux mesures d’instruction à adopter. Plus tard dans la matinée, le requérant a été entendu par le conseil de discipline.
63 Le 2 juin 2008, le requérant a adressé au conseil de discipline la liste des témoins supplémentaires qu’il souhaitait voir cités.
64 Le 10 juin 2008, le secrétaire du conseil de discipline a informé le requérant de ce que les travaux de la formation saisie de son cas étaient suspendus non seulement en raison de la complexité du dossier, du nombre de témoignages à recueillir, des autres mesures d’instruction envisagées et des difficultés pratiques liées au calendrier estival, mais également dans le souci de donner une suite favorable à sa demande de suspension dans l’attente de la décision des autorités judiciaires belges.
65 Le 2 juillet 2008, l’OLAF, agissant pour le compte de la police fédérale belge, elle-même mandatée par le Procureur du Roi de Bruxelles (Belgique), a demandé au secrétaire général si le Comité des régions estimait avoir été indemnisé et, dans le cas contraire, quel était le montant du préjudice financier.
66 Le 18 juillet 2008, le secrétaire général a répondu, en substance, à l’OLAF que les sommes indûment perçues par les fonctionnaires concernés avaient été récupérées.
67 Le 28 octobre 2008, le secrétaire général a écrit au Procureur du Roi de Bruxelles pour savoir si des poursuites pénales avaient été formellement engagées à l’encontre, notamment, du requérant et ce, afin de permettre à l’AIPN de décider des suites à donner aux procédures disciplinaires, en cours ou encore à ouvrir, à l’encontre des fonctionnaires concernés.
68 Par décision du 9 janvier 2009, le secrétaire général, en sa qualité d’AIPN, a renouvelé la composition du conseil de discipline. Notamment, il a reconduit dans ses fonctions le président du conseil de discipline et a nommé un nouveau président suppléant (ci-après le «président suppléant»). En outre, eu égard à ce que, conformément à l’article 5, paragraphe 2 et à l’article 6, paragraphe 4 de l’annexe IX du statut, l’AIPN et le comité du personnel établissent chacun une liste comprenant, dans
toute la mesure du possible, les noms de deux fonctionnaires de chaque grade dans chaque groupe de fonctions pouvant être désignés membres supplémentaires du conseil de discipline pour les cas mettant en cause un fonctionnaire jusqu’au grade AD 13, et pour tenir compte des résultats de l’exercice de promotion 2008, le secrétaire général a modifié la liste des membres supplémentaires du conseil de discipline.
69 Le 13 janvier 2009, le Procureur du Roi de Bruxelles a répondu au secrétaire général que le dossier du requérant «[était] actuellement en information au sein du [p]arquet de Bruxelles, section financière, et [que] des devoirs d’enquête [étaient] susceptibles d’être encore demandés». Le Procureur du Roi a cependant indiqué qu’il était notamment loisible au secrétaire général de solliciter par écrit l’autorisation de prendre connaissance du dossier.
70 Le 3 février 2009, le secrétaire général a sollicité formellement l’autorisation, auprès du Procureur du Roi de Bruxelles, de consulter le dossier des fonctionnaires mis en cause devant la justice pénale belge, dont celui du requérant.
71 Le 10 mars 2009, le Tribunal a rendu les arrêts dans les affaires F‑100/07 et F‑106/07 (arrêts du Tribunal du 10 mars 2009, Tsirimiagos/Comité des régions, F‑100/07, et Giaprakis/Comité des régions, F‑106/07). Le Tribunal a annulé les décisions du Comité des régions ordonnant la récupération de sommes indûment perçues dans le cadre de transferts d’émoluments à l’étranger, au motif que le libellé des textes applicables ne permettait pas de donner une réponse claire et non équivoque à la question
de savoir si lesdits transferts avaient été réguliers et qu’à supposer que les transferts litigieux l’aient été, cette irrégularité était loin de présenter le caractère évident qui permettrait de conclure, comme exigé par l’article 85 du statut pour opérer une répétition de l’indû, que les personnes concernées la connaissaient ou ne pouvaient manquer d’en avoir connaissance (arrêt Tsirimiagos/Comité des régions, précité, points 61 et suivants, et Giaprakis/Comité des régions, précité, points 69
et suivants).
72 Le 26 mars 2009, à défaut de réponse à sa demande du 3 février précédent sur la question de savoir quand une décision serait prise par la justice pénale belge, le secrétaire général a réitéré sa demande ainsi que celle de pouvoir consulter les dossiers des fonctionnaires mis en cause auprès du Procureur du Roi de Bruxelles. Il a indiqué qu’«[u]ne telle information [lui] appara[issait] nécessaire pour permettre à l’[AIPN] du Comité des régions de décider des suites à donner à ces affaires».
73 Le 8 avril 2009, le secrétaire général a sollicité le soutien de l’OLAF en vue d’une éventuelle intervention auprès du Procureur du Roi de Bruxelles afin d’être mieux informé quant à la suite réservée à ces dossiers par le parquet de Bruxelles.
74 Le 8 septembre 2009, la formation du conseil de discipline saisie du cas de M. Tsirimiagos a rendu son avis. Cet avis a été transmis au secrétaire général le 9 novembre 2009.
75 Par lettre du 17 septembre 2009, le président suppléant a informé le requérant que, suite au désistement par M. G. V. de ses fonctions de président de la formation du conseil de discipline saisie de son cas et en application de la décision du secrétaire général du 9 janvier 2009 renouvelant la composition du conseil de discipline, il avait été désigné par l’AIPN comme nouveau président de la formation du conseil de discipline saisie de son cas. Dans cette même lettre, le président suppléant a
fait état de ce que, eu égard au prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions, et Giaprakis/Comité des régions, précités, et à l’indication par les autorités judiciaires belges de ce qu’aucune poursuite pénale n’avait été lancée ou n’était actuellement envisagée à l’encontre du requérant, la formation du conseil de discipline avait décidé de reprendre ses travaux. En outre, dans ce courrier, le président suppléant a indiqué que le conseil de discipline avait acquis une «connaissance
approfondie du cadre et des modalités pratiques concernant les transferts de rémunérations» à l’occasion de la procédure disciplinaire diligentée à l’encontre de M. Tsirimiagos.
76 Le 30 septembre 2009, le président suppléant a informé le requérant que la formation du conseil de discipline saisie de son cas envisageait de se réunir, soit le jeudi 22 octobre, soit le vendredi 23 octobre 2009, pour procéder à l’audition des témoins.
77 Le 6 octobre 2009, le requérant a répondu qu’il était uniquement disponible le 23 octobre 2009. Il a également demandé à connaître la composition exacte de la formation du conseil de discipline saisie de son cas, à ce que lui soit transmis l’enregistrement sonore de son audition du 26 mai 2008 et à ce que lui soient communiqués les documents attestant qu’aucune poursuite judiciaire n’était envisagée contre lui. Par ailleurs, le requérant a demandé à ce que soient ajoutés deux noms à la liste des
témoins qu’il souhaitait voir cités devant le conseil de discipline, ainsi qu’à être informé de la manière dont la formation du conseil de discipline saisie de son cas serait informée des informations recueillies par la formation du conseil de discipline saisie du cas de M. Tsirimiagos.
78 Par courrier du 14 octobre 2009, le président suppléant a informé le requérant de ce que, en substance, hormis le président, tous les autres membres de la formation du conseil de discipline saisie de son cas étaient demeurés les mêmes. Il a également précisé que la formation du conseil de discipline allait se réunir le 22 octobre suivant pour statuer sur ses demandes d’auditions additionnelles de témoins et qu’il serait informé de la décision de la formation du conseil de discipline sur lesdites
demandes et qu’une audition des témoins serait ensuite programmée dans le courant du mois de janvier 2010. Dans ce même courrier, le président suppléant a indiqué au requérant que la bande sonore de l’enregistrement de son audition du 26 mai 2008 lui serait communiquée prochainement. Il a ajouté avoir reçu un courrier des autorités judiciaires belges au sujet de la procédure pénale engagée contre le requérant mais que ce courrier étant confidentiel, il ne pouvait le lui communiquer, précisant
cependant que la procédure pénale était en réalité toujours ouverte. Enfin, le président suppléant a précisé que «la description détaillée du cadre réglementaire [et] des pratiques relatives aux transferts de rémunération» dont il avait fait précédemment état, avait été acquise notamment grâce aux arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, et que, pour les membres de la formation saisie de son cas qui n’étaient pas membres de la formation saisie du cas de
M. Tsirimiagos, la réunion de la formation du conseil de discipline prévue le 22 octobre 2009 servirait à s’assurer que lesdits membres aient une bonne compréhension du contexte factuel.
79 Le 28 octobre 2009, le président suppléant a indiqué au requérant que la formation du conseil de discipline saisie de son cas souhaitait l’entendre avant de se prononcer sur ses demandes additionnelles de témoignages. Le président suppléant a proposé plusieurs dates au requérant à cet effet.
80 Le 10 novembre 2009, le requérant a informé le président suppléant de ce qu’il n’était pas disponible aux dates indiquées et lui a proposé d’être entendu à «une date ultérieure en janvier 2010». À une date postérieure non précisée dans le dossier, il a été convenu entre le président suppléant et le requérant que l’audition de ce dernier aurait lieu dans le courant du mois de janvier 2010.
81 Par lettre du 11 janvier 2010, le secrétaire général a informé le requérant de ce que, au vu des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, ainsi que de l’avis rendu par le conseil de discipline «dans une affaire parallèle», le 9 novembre 2009, il était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait plus lieu de retenir les charges formulées à son égard et qu’il avait l’intention de «retirer l’affaire du [c]onseil de discipline».
82 Le 21 janvier 2010, le requérant a marqué son accord quant à la clôture de la procédure disciplinaire, telle que proposée par le secrétaire général, moyennant le respect de plusieurs conditions, tenant à l’adoption d’une décision explicite selon laquelle aucune charge ne pouvait être retenue à son égard justifiant une quelconque sanction disciplinaire, à ce que les autorités judiciaires belges soient informées de ce qu’aucune charge sur le plan disciplinaire n’avait été retenue contre lui, à ce
que les frais exposés pour sa défense dans la procédure disciplinaire soient pris en charge par le Comité des régions et à ce que le préjudice moral dont il prétendait avoir souffert en raison de la durée excessive de la procédure et des accusations portées contre lui soit réparé.
83 Le 12 avril 2010, le secrétaire général a répondu au requérant, premièrement, qu’une décision explicite clôturant la procédure disciplinaire lui serait envoyée, deuxièmement, qu’il n’appartenait pas au Comité des régions d’informer les autorités judiciaires belges de cette décision, car la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, troisièmement, que sa demande de prise en charge des frais exposés pour sa défense était rejetée au motif que l’article 21 de l’annexe IX du
statut relatif à la prise en charge des frais de défense ne concerne que les frais exposés dans le cadre de la procédure disciplinaire et non les frais occasionnés antérieurement et quatrièmement, qu’il n’y avait pas lieu de l’indemniser, car la durée de la procédure disciplinaire n’aurait pas été déraisonnable au regard des circonstances particulières de l’affaire et qu’en tout état de cause, il devait introduire une demande séparée.
84 Le 14 juillet 2010, le requérant a déposé auprès de l’AIPN du Comité des régions une demande au titre de l’article 90, paragraphe l, du statut (ci-après la «demande en indemnité»), visant à :
— «obtenir une indemnisation évaluée à 15 000 euros dans la mesure où la longueur excessive des procédures administratives et disciplinaire diligentées à son encontre ont entraîné la violation du principe du délai raisonnable lui causant un grave préjudice moral ;
— [o]btenir une indemnisation évaluée à 15 000 euros dans la mesure où il considère que le [Comité des régions] a engagé la responsabilité extracontractuelle de l’Union européenne en commettant une faute de service, lui causant un grave préjudice moral ;
— [o]btenir une indemnisation évaluée à 41 888,68 euros dans la mesure où suite aux erreurs commises par le [Comité des régions], engageant la responsabilité extracontractuelle de l’Union européenne, [il] s’est vu contraint de partir à la retraite de manière anticipée, lui causant ainsi un important préjudice financier lié à la perte de revenus.»
85 Le 23 juillet 2010, le secrétaire général, en sa qualité d’AIPN, a décidé de «retirer l’affaire du [c]onseil de [d]iscipline et de la classer sans prononcer de sanction disciplinaire à l’encontre [du requérant]».
86 Le 12 novembre 2010, l’AIPN a adopté une décision portant rejet de la demande en indemnité introduite par le requérant le 14 juillet 2010 (ci-après la «décision de rejet de la demande en indemnité»).
87 Le 10 février 2011, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de rejet de la demande en indemnité.
88 Le 31 mai 2011, l’AIPN a rejeté la réclamation (ci-après la «décision de rejet de la réclamation»). Cette décision a été notifiée au requérant le 8 juin 2011.
Procédure et conclusions des parties
89 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision de rejet de la demande en indemnité ;
— pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;
— faire droit à la demande en indemnité du requérant et ;
— condamner le Comité des régions à lui payer une somme de 15000 euros à titre d’indemnisation pour le préjudice moral subi du fait de la longueur excessive des procédures administratives et disciplinaire diligentées à son encontre ;
— condamner le Comité des régions à lui payer une somme de 15000 euros à titre d’indemnisation pour le préjudice moral subi du fait des erreurs et des négligences commises dans le déroulement des procédures administratives et disciplinaire ;
— condamner le Comité des régions à lui payer une somme de 41888,68 euros à titre d’indemnisation pour le préjudice matériel subi du fait de son départ forcé et anticipé à la retraite ;
— condamner le Comité des régions à payer des intérêts moratoires sur les montants susmentionnés au taux de la Banque centrale européenne, majoré de deux points ;
— condamner le Comité des régions aux entiers dépens de l’instance.
90 En défense, le Comité des régions conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme non fondé ;
— condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur l’objet des conclusions
91 S’agissant des conclusions en annulation de la décision de rejet de la demande en indemnité, ainsi que de celles en annulation de la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité et la décision portant rejet de la réclamation qui s’en est suivie font partie intégrante de la procédure administrative qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que,
par conséquent, les conclusions en annulation de ces décisions ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions indemnitaires du recours. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (voir, arrêt du Tribunal du 11 mai 2010, Maxwell/Commission, F‑55/09, point 48).
92 Il s’ensuit qu’il convient d’examiner uniquement les conclusions indemnitaires visant à la réparation, premièrement, du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de la prolongation excessive de l’état d’incertitude dans lequel il s’est trouvé depuis le moment où des accusations ont été formulées contre lui, deuxièmement, du préjudice moral qu’il aurait subi du fait des erreurs et des négligences commises par le Comité des régions dans le déroulement des procédures administratives et
disciplinaire, troisièmement, du préjudice matériel qu’il aurait subi du fait de son départ forcé et anticipé à la retraite, ainsi que, le cas échéant, celles relatives aux intérêts moratoires susceptibles d’être appliqués sur les sommes octroyées en réparation des préjudices susmentionnés.
Sur les conclusions indemnitaires
93 À titre liminaire, il convient de souligner que les conditions de recevabilité de conclusions étant d’ordre public, le juge de l’Union peut les examiner d’office (arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, point 22). En outre, s’agissant des conditions de recevabilité de conclusions indemnitaires, il y a lieu de relever que celles-ci diffèrent selon que la faute alléguée résulte de l’illégalité d’un acte faisant grief au sens de l’article 90,
paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel.
94 Dans le premier cas, lorsque la faute alléguée consiste dans l’illégalité d’un acte faisant grief au requérant, le recours indemnitaire n’est recevable que si celui-ci a été précédé d’une réclamation ayant été introduite dans le délai de trois mois, prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, à compter de la notification ou de la prise de connaissance de l’acte faisant grief (arrêt du Tribunal du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI, F‑13/10, point 97, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant
le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑618/11 P). En effet, un requérant ne saurait, par le biais d’une demande en indemnité, chercher à obtenir un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès d’un recours en annulation qu’il a omis d’intenter en temps utile contre une décision (arrêts de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission de la CEEA, 59/65, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87).
95 Dans le second cas, lorsque le chef de préjudice est strictement indemnitaire en ce sens qu’il tend à la réparation d’un préjudice prétendument causé par une faute ou une omission qui, en l’absence de tout effet juridique, ne peut être qualifiée d’acte faisant grief, les conclusions ne sont recevables que si le requérant les a préalablement soulevées à l’occasion d’une demande en indemnité introduite devant l’administration dans un délai raisonnable, lequel doit être considéré comme courant à
compter de la réalisation effective du dommage allégué [arrêts de la Cour du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, point 33, et du 17 juillet 2008, Commission/Cantina sociale di Dolianova e.a., C‑51/05 P, point 63], puis à l’occasion d’une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande en indemnité dans les délais prévus à l’article 90 paragraphe 2, du statut (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 2 mai 2007, Giraudy/Commission, F‑23/05, point 69).
96 À cet égard, il y a lieu de relever qu’il est constant que, même si le délai raisonnable doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence, un point de comparaison peut être fait avec le délai de prescription de cinq ans prévu en matière d’action en responsabilité non contractuelle par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union
européenne et ce, même si ce dernier délai ne trouve pas à s’appliquer dans les litiges entre l’Union et ses agents (arrêt du Tribunal de première instance du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission, T‑144/02, point 71).
97 S’agissant des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, il doit être rappelé que celles-ci sont au nombre de trois, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité reprochée et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, point 52). Ces trois
conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire.
98 S’agissant de l’illégalité du comportement reproché aux institutions, il a été jugé que les recours visant à la réparation d’un dommage causé par une institution à un fonctionnaire ou à un agent, introduits sur le fondement de l’article 236 CE (devenu article 270 TFUE) et des articles 90 et 91 du statut, obéissent à des règles particulières et spéciales par rapport à celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre de l’article 235 CE
et de l’article 288, deuxième alinéa, CE (devenus respectivement article 268 TFUE et article 340, deuxième alinéa, TFUE) (voir arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, point 46, et la jurisprudence citée). En effet, il ressort du statut que, à la différence de tout autre particulier, le fonctionnaire ou l’agent de l’Union est lié à l’institution dont il dépend par une relation d’emploi comportant un équilibre de droits et d’obligations
réciproques spécifiques, lequel est reflété par le devoir de sollicitude de l’institution à l’égard de l’intéressé. Il s’ensuit que, lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, l’Union est soumise à une responsabilité accrue, se manifestant par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur sans qu’il soit nécessaire pour établir la responsabilité non contractuelle d’une institution dans le contentieux de la fonction publique
européenne, de démontrer l’existence d’une «violation suffisamment caractérisée» (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, points 103 et 104) ou d’une «méconnaissance manifeste et grave» par l’institution des limites de son pouvoir d’appréciation (arrêt Commission/Petrilli, précité, point 46).
99 En l’espèce, par ses conclusions indemnitaires, le requérant demande réparation de quatre chefs de préjudice, prétendument causés, le premier, par le manque de diligence du Comité des régions, lequel aurait conduit à ce que l’état d’incertitude dans lequel il s’est trouvé depuis que son intégrité a été mise en cause a été prolongé de manière excessive, le deuxième, par les graves irrégularités dont serait entaché le premier rapport d’audit, le troisième, par sa réaffectation abusive à l’unité
«Administration générale» de la direction de l’administration par la décision du 23 mars 2006 et, le quatrième, par les accusations graves formulées à son égard lors des différentes enquêtes et lors de la procédure disciplinaire et par la circonstance que, sur le fondement de ces accusations, dont il aurait été manifeste qu’elles étaient fausses, l’OLAF et l’AIPN ont diligenté à son égard des enquêtes ainsi que, pour l’AIPN, une procédure disciplinaire.
100 Il conviendra donc de déterminer pour chacun de ces chefs de préjudice si les demandes en indemnité ont été présentées à l’administration dans les délais rappelés aux points 95 et 96 du présent arrêt, et si ces comportements illégaux sont établis. Ce n’est qu’une fois la réalité de l’un de ces comportements illégaux établie qu’il y aura lieu d’examiner si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à l’existence d’un lien de causalité et d’un préjudice
sont remplies.
Sur le premier chef de préjudice causé par le manque de diligence du Comité des régions, lequel aurait conduit à ce que l’état d’incertitude dans lequel le requérant s’est trouvé depuis que son intégrité a été mise en cause a été prolongé de manière excessive
– Arguments du requérant
101 En substance, le requérant fait grief au Comité des régions d’avoir manqué de diligence. En effet, il relève que les faits qui lui ont été reprochés à tort ont eu lieu entre mars et mai 2004 et que les premières accusations portées contre lui l’ont été le 21 mars 2005, à l’occasion de la note du directeur de l’administration adressée au secrétaire général au sujet du projet de premier rapport d’audit. Or, il n’aurait été blanchi de ces accusations que le 23 juillet 2010, soit six ans après les
faits, cinq ans après les premières accusations portées contre lui, quatre ans après le début de l’enquête administrative interne et deux ans après l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. Or, selon le requérant, les circonstances de l’espèce ne justifieraient pas de tels délais, lesquels caractériseraient un manque de diligence.
102 Premièrement, un second audit du secteur «Régime pécuniaire» n’aurait pas été nécessaire et, en tout état de cause, le secrétaire général aurait tardé à l’ordonner. En outre, l’administration aurait tardé à effectuer ce second audit, près de dix mois s’étant écoulés entre le 21 mars 2005, date à laquelle le directeur de l’administration a adressé au secrétaire général sa note l’alertant de ce que le projet de premier rapport d’audit comportait des inexactitudes, et le 11 janvier 2006, date à
laquelle une copie du projet de second rapport d’audit a été adressée au requérant.
103 Deuxièmement, l’enquête «Last Call» de l’OLAF a duré du 8 novembre 2005 au 7 novembre 2006, soit un an, ce qui serait excessif.
104 Troisièmement, l’enquête administrative interne, confiée le 5 décembre 2006 au secrétaire général, n’aurait pas été nécessaire, car l’AIPN disposait déjà lorsqu’elle l’a ordonnée du rapport d’enquête de l’OLAF ainsi que des premier et second rapports d’audit. En tout état de cause, l’enquête administrative interne a duré du 5 décembre 2006 au 12 octobre 2007, soit dix mois, alors qu’elle avait uniquement pour but d’apprécier si les faits mis en lumière lors de l’enquête «Last Call» de l’OLAF
justifiaient que soit ouverte la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline prévue à la section 5 de l’annexe IX du statut.
105 Quatrièmement, cinq mois se sont écoulés entre la date à laquelle l’enquêteur interne a déposé son rapport, le 12 octobre 2007, et la date à laquelle le secrétaire général a, en sa qualité d’AIPN, établi son propre rapport à l’attention du président du conseil de discipline, le 17 mars 2008, dont deux mois d’attente, à savoir entre le 14 novembre 2007, date à laquelle le requérant a été auditionné par le secrétaire général au sujet du rapport de l’enquêteur interne, et le 17 janvier 2008, date à
laquelle le requérant a été informé de l’ouverture de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline.
106 Cinquièmement, la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a attendu plus de six mois après que, le 10 mars 2009, le Tribunal a prononcé les arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, pour reprendre, le 17 septembre 2009, la procédure disciplinaire qui avait été suspendue dans l’attente du prononcé des arrêts, et le secrétaire général a, de son côté, attendu, dix mois après le prononcé desdits arrêts avant d’annoncer, le 11 janvier 2010,
qu’il avait l’intention de classer l’affaire sans prononcer de sanction.
107 Pour le requérant, aucune des explications avancées par le Comité des régions pour justifier la durée de la procédure disciplinaire, tenant notamment à ce que l’AIPN a été obligée de procéder, le 13 janvier 2009, à un renouvellement partiel de la composition du conseil de discipline et à ce que la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a dû suspendre ses travaux entre le 10 juin 2008 et le 17 septembre 2009, ne peut justifier le manque de diligence du Comité des régions.
108 D’une part, la composition de la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a été modifiée uniquement en ce qui concerne son président. Or, ce dernier s’est désisté de ses fonctions le 26 mai 2008, soit plus de quinze mois avant que, le 17 septembre 2009, la procédure disciplinaire ne reprenne.
109 D’autre part, la suspension de la procédure disciplinaire entre le 10 juin 2008 et le 17 septembre 2009 n’aurait pas été justifiée ou, du moins, pas pour une durée aussi longue. Certes, le requérant admet avoir demandé cette suspension dans l’attente d’une décision des autorités judiciaires belges, mais sa demande n’aurait été valable que pour autant que l’AIPN n’ouvre pas l’une des procédures disciplinaires prévues à l’annexe IX du statut. En effet, une fois l’une de ces procédures ouverte, la
procédure disciplinaire ne pourrait plus être suspendue et ce, afin de ne pas allonger l’état d’incertitude et d’angoisse dans lequel se trouverait la personne concernée, sauf à y être tenu. Or, en l’espèce, la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant n’était pas obligée d’attendre une décision des autorités judiciaires belges pour poursuivre ses travaux, ce dont témoignerait la circonstance que ladite formation a finalement repris ses travaux sans attendre que lesdites
autorités terminent leur enquête. Quant à l’argument selon lequel la suspension de la procédure disciplinaire aurait été motivée par la nécessité d’attendre le prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, un tel motif ne justifierait pas les quinze mois qu’a duré ladite suspension. En effet, après le prononcé desdits arrêts, six mois se sont encore écoulés avant que la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant ne décide de
reprendre la procédure.
110 Selon le requérant, le manque de diligence du Comité des régions aurait eu pour effet de le maintenir excessivement longtemps dans un état permanent d’incertitude, d’angoisse et de stress, ce qui aurait eu des conséquences particulièrement néfastes sur sa santé, sur sa vie familiale et professionnelle ainsi que sur son image et sa réputation professionnelle. Le requérant évalue à 15 000 euros le préjudice moral qu’il aurait ainsi subi.
– Arguments du Comité des régions
111 En défense, le Comité des régions fait valoir que, pour apprécier si une institution a manqué à son obligation de diligence, le point de départ à retenir serait la date à partir de laquelle l’AIPN a disposé de tous les éléments pertinents, à savoir, en l’espèce, le rapport de l’OLAF, celui de l’enquêteur interne, ainsi que les observations du requérant à leur sujet, puisque ce serait à partir de cette date que l’AIPN pouvait décider s’il y avait lieu ou non d’agir à l’encontre du requérant. En
conséquence, la procédure devant le conseil de discipline, telle que prévue à la section 5 de l’annexe IX du statut, aurait uniquement duré du 24 octobre 2006 au 21 janvier 2010, soit un peu plus de trois ans, ce qui, en l’occurrence, ne constituerait pas une durée excessive.
112 En toute hypothèse, indépendamment de la question de savoir à partir de quelle date le Comité des régions a disposé de tous les éléments pertinents pour décider s’il y avait lieu d’agir ou non à l’encontre du requérant, celui-ci estime ne pas avoir violé son obligation de diligence eu égard aux circonstances propres de l’affaire et, notamment, à l’enjeu du litige, à la complexité de l’affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités judiciaires belges.
113 Tout d’abord, l’enjeu du litige n’aurait pas été tel que le Comité des régions devait faire preuve d’une célérité particulière. D’une part, l’ouverture de la procédure disciplinaire n’aurait pu affecter l’image ou la réputation du requérant que dans une faible mesure, car celui-ci était alors parti à la retraite. D’autre part, le requérant n’aurait pas encouru de sanction disciplinaire importante. En effet, le rapport de l’enquêteur interne avait conclu à ce que le requérant soit sanctionné par
une mise en garde ou un blâme et le secrétaire général, dans son rapport établi en sa qualité d’AIPN à l’attention du conseil de discipline en date du 17 mars 2008, n’avait retenu aucune fraude caractérisée à son égard mais simplement estimé qu’il avait manqué par négligence à ses obligations, tout en relevant plusieurs circonstances atténuantes.
114 En revanche, le litige aurait été complexe, de sorte que deux audits du secteur «Régime pécuniaire» et une enquête administrative interne ont été nécessaires. Notamment, un second audit du secteur «Régime pécuniaire» a été nécessaire afin d’élargir le champ des investigations et de vérifier les allégations formulées dans le premier rapport d’audit dès lors qu’il était manifeste que celui-ci contenait des inexactitudes. En outre, le respect des principes de transparence et du contradictoire
aurait engendré des délais supplémentaires, car de nombreuses personnes étaient impliquées. La circonstance que le requérant ait été admis à la retraite aurait eu pour effet que celui-ci était difficile à contacter. Enfin, le fait que le dossier du requérant soit étroitement lié à celui de M. Tsirimiagos aurait encore ajouté à la complexité du litige, le conseil discipline ayant dû suspendre ses travaux dans l’attente de l’issue de la procédure concernant cet autre fonctionnaire.
115 Ensuite, le requérant aurait, par son comportement, rallongé la durée des différentes procédures. En effet, il n’aurait présenté ses observations ni sur les premier et second rapports d’audit, ni sur le rapport de l’OLAF et ce, alors qu’il avait été invité à le faire par l’administration. De même, le requérant a sollicité des délais supplémentaires pour faire valoir ses observations sur le projet de rapport de l’enquêteur interne et sur le projet de procès-verbal de son audition du 14 novembre
2007, lui ayant été communiqué le 19 décembre 2007, et a également demandé la suspension de la procédure disciplinaire dans l’attente d’une décision des autorités judiciaires belges. En tout état de cause, le Comité des régions souligne que le requérant n’a pas critiqué les délais qui ont affecté la procédure disciplinaire lorsque celle-ci était en cours et aurait même implicitement admis qu’il n’était pas de son intérêt que la procédure disciplinaire soit accélérée, puisqu’il a lui-même
sollicité des délais.
116 La saisine des autorités judiciaires belges aurait également fortement compliqué les choses et ce, indépendamment de la volonté du Comité des régions. En effet, cette saisine aurait obligé le secrétaire général à s’informer continuellement auprès desdites autorités des suites qu’elles entendaient donner à leurs investigations. En outre, cette saisine constituerait l’une des raisons ayant conduit à ce que les travaux de la formation saisie du cas du requérant soient suspendus. Ce ne serait
qu’après plusieurs tentatives pour obtenir une réponse et après avoir appris que le dossier ouvert par les autorités judiciaires belges était toujours en cours d’instruction que ladite formation a décidé de reprendre et de clôturer la procédure disciplinaire.
117 En ce qui concerne l’enquête administrative interne, le Comité des régions soutient que l’objectif d’un audit étant différent de celui d’une enquête administrative, une telle enquête en sus des deux rapports d’audit était nécessaire. De plus, dans la mesure où l’enquête de l’OLAF avait fait l’impasse sur le contexte juridique ainsi que sur la pratique administrative pertinente, une enquête administrative aurait été nécessaire afin de replacer les éventuelles irrégularités relevées par l’OLAF
dans leur contexte. Par ailleurs, le requérant n’aurait aucun intérêt à se plaindre de la réalisation de l’enquête administrative interne, car celle-ci aurait permis d’atténuer sa responsabilité.
118 Enfin, s’agissant de la durée de la procédure disciplinaire, le Comité des régions ne l’estime pas excessive dès lors que la formation du conseil de discipline a dû suspendre ladite procédure et que durant cette suspension, le secrétaire général a dû renouveler la composition du conseil de discipline à la suite de l’exercice de promotion 2008, comme il a été expliqué au point 68 du présent arrêt. En outre, le secrétaire général a dû s’informer auprès des autorités judiciaires belges des suites
que lesdites autorités entendaient donner à leurs investigations et celui-ci, ainsi que la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant ont dû attendre de connaître les suites réservées à la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de M. Tsirimiagos. Quant au délai de six mois qui s’est écoulé après le prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités et avant que la procédure disciplinaire ne reprenne, le Comité des régions fait
valoir que ces arrêts ne concernaient pas directement le requérant et devaient donc être analysés en détail afin d’apprécier les conséquences à en tirer sur la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de celui-ci. Ce ne serait qu’après la dernière réunion du conseil de discipline saisi du cas de M. Tsirimiagos, laquelle a eu lieu le 8 septembre 2009, que la procédure disciplinaire aurait pu reprendre.
– Appréciation du Tribunal
119 À titre liminaire, il doit être constaté que, lorsqu’il soutient d’une manière générale que le Comité des régions a manqué de diligence, le requérant fait l’amalgame entre les faits ayant donné lieu à l’ouverture par l’OLAF de l’enquête «Last Call», tenant à la circonstance qu’il aurait indûment autorisé des transferts d’émoluments, et ceux ayant donné lieu à l’ouverture par l’OLAF de l’enquête «Old Call», liée à un cas suspect de transfert d’émoluments n’ayant pas été immédiatement décelé par
l’OLAF. Ces faits ayant donné lieu à des enquêtes distinctes, il y a lieu d’examiner si, pour chacune d’elles ainsi que pour la procédure disciplinaire qui s’en est suivie, les autorités en charge ont agi avec diligence.
120 À considérer que le requérant fasse également grief au Comité des régions d’avoir manqué de diligence dans le traitement de la demande d’indemnité et de la réclamation dirigée contre le rejet de la demande d’indemnité, il doit être relevé que la durée de la procédure précontentieuse ne peut, par principe, être excessive, dès lors qu’en raison des différents délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, elle ne peut excéder, lorsqu’elle a débuté par une demande au titre de l’article 90,
paragraphe 1 du statut, quatorze mois et dix jours (voir, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2012, Strack/Commission, F‑44/05 RENV, point 89).
Sur le manque de diligence dans l’instruction des faits ayant donné lieu à l’enquête «Old Call» depuis leur prise de connaissance par l’administration
121 S’agissant de la recevabilité du présent chef de conclusions indemnitaires, il suffit de relever, pour constater que le requérant n’est pas tardif à agir, que celui-ci a introduit sa demande indemnitaire le 14 juillet 2010, soit six mois, et trois jours après que, le 11 janvier 2010, le secrétaire général lui a annoncé qu’en sa qualité d’AIPN, il avait l’intention de mettre fin à la procédure disciplinaire engagée contre lui sans prononcer de sanction.
122 Certes, ce n’est que le 23 juillet 2010 que ledit secrétaire général a formellement adopté la décision de mettre fin à la procédure disciplinaire sans prononcer de sanction, mais la circonstance que le préjudice dont le requérant se prévaut n’était pas entièrement constitué à la date à laquelle celui-ci a introduit sa demande indemnitaire, ne constitue pas une condition de recevabilité d’un chef de conclusions indemnitaires relatif à la durée excessive d’une procédure (pour un exemple de
conclusions indemnitaires présentées en cours de procédure dont la durée était considérée comme excessive par le requérant, voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03). En effet, si tel n’était pas le cas, l’administration pourrait retarder indéfiniment la clôture d’une procédure afin de faire obstacle à l’engagement de sa responsabilité pour la durée excessive de celle-ci.
123 En ce qui concerne le bien-fondé de ce premier chef des conclusions indemnitaires, il y a lieu de rappeler que l’administration a l’obligation d’agir avec diligence lorsqu’elle traite de la situation d’une personne. Cette obligation constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont le
non-respect est de nature à engager la responsabilité de l’Union (arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, point 35 et, en matière de fonction publique, arrêt Angeletti/Commission, précité, point 162).
124 Pour apprécier si l’administration a agi avec diligence, il résulte de la jurisprudence qu’il convient de tenir compte des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire, ainsi que de son comportement et de celui de l’administration (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, point 393, et la jurisprudence citée) et ce, sans préjudice des délais éventuellement prévus
par le statut.
125 Lorsqu’à l’issue de cet examen, il apparaît que l’administration a manqué de diligence, il incombe à celle-ci d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier son comportement (arrêt A et G/Commission, précité, point 395). Aucun facteur particulier n’étant déterminant, il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulatif, car certains retards imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés
isolément, mais être déraisonnables s’ils sont pris ensemble (arrêt A et G/Commission, précité, point 394).
126 En matière disciplinaire, l’AIPN ou, selon les cas, l’OLAF a l’obligation d’agir avec diligence, dès le moment où elle prend connaissance de faits et conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations statutaires d’un fonctionnaire afin d’apprécier s’il convient d’ouvrir une enquête, ainsi que, le cas échéant, dans la conduite de cette enquête et, s’agissant de l’AIPN, dans la conduite de la procédure disciplinaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 mars 2012,
Kerstens/Commission, F‑12/10, point 125). Notamment, en ce qui concerne la procédure disciplinaire, l’AIPN doit veiller à ce que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent (arrêt Kerstens/Commission, précité, point 124).
127 Il doit également être souligné que pour apprécier si le manque de diligence de l’administration a rendu difficile, pour le fonctionnaire concerné, l’exercice de ses droits de la défense justifiant ainsi, à l’instar d’une règle de prescription, l’annulation de la sanction adoptée à l’issue de cette procédure, il convient de prendre en compte le délai qui sépare la date à laquelle les faits litigieux ont été commis de celle à laquelle l’AIPN ou l’OLAF en a pris connaissance (voir en ce sens,
arrêt Kerstens/Commission, précité, point 126). En revanche, ce délai est dépourvu de pertinence pour apprécier si, comme en l’espèce, l’AIPN et l’OLAF ont occasionné à une personne, en la maintenant pendant une durée excessive dans une situation d’angoisse liée au fait d’être suspectée de manquement à ses obligations statutaires, un dommage qui doit être réparé puisque, dans cette hypothèse, tant qu’aucun fait susceptible d’établir l’existence d’un manquement dans le chef du fonctionnaire
concerné n’a été porté à la connaissance de l’AIPN ou de l’OLAF, il ne peut être reproché à l’une ou à l’autre d’avoir maintenu ledit fonctionnaire excessivement longtemps dans un état d’incertitude en raison d’un manque de diligence.
128 Il résulte de ce qui précède que, dans la présente affaire, afin de déterminer si l’AIPN et l’OLAF ont agi avec diligence en matière disciplinaire, il y a lieu de vérifier si la période comprise entre le moment où l’AIPN a pris connaissance de ce que certaines demandes de transfert d’émoluments présentées par des membres du personnel du Comité des régions auraient été à tort acceptées par le requérant et la date à laquelle le secrétaire général, en sa qualité d’AIPN, a informé ce dernier de ce
que toute charge contre lui était abandonnée a eu une durée raisonnable (ci-après la «période litigieuse dans son ensemble»).
129 Si tel devait ne pas être le cas, il conviendra d’examiner si la durée excessive de la période litigieuse dans son ensemble peut s’expliquer par les circonstances propres à l’affaire et notamment si, eu égard à ces circonstances, premièrement, la période comprise entre le moment où l’AIPN a pris connaissance de ce que certaines demandes de transfert d’émoluments présentées par des membres du personnel du Comité des régions auraient été à tort acceptées par le requérant et la date à laquelle une
enquête a été ouverte pour la première fois, en l’occurrence par l’OLAF sous l’appellation «Last Call» (ci-après la«période préliminaire»), deuxièmement, la période pendant laquelle l’enquête de l’OALF «Last Call» et l’enquête administrative interne ont été menées (ci-après la «période d’enquête») et, troisièmement, la période durant laquelle la procédure disciplinaire a été ouverte (ci-après la «période disciplinaire»), peuvent être considérées comme ayant eu, chacune, une durée raisonnable.
130 S’agissant de la durée de la période litigieuse dans son ensemble, celle-ci a pris place entre le 11 mars 2005, date à laquelle le premier projet de rapport d’audit a été communiqué par son auteur à son supérieur hiérarchique, lequel l’a transmis à son tour au président du Comité des régions, et le 23 juillet 2010, date à laquelle la procédure disciplinaire a été formellement clôturée, soit une durée de cinq ans, quatre mois et douze jours, durée qui peut sembler, à première vue, excessive. Par
suite, il convient d’examiner si les circonstances propres à l’affaire peuvent justifier une telle durée et notamment si, eu égard à ces circonstances, la période préliminaire, la période d’enquête et la période disciplinaire peuvent être considérées comme ayant eu, chacune, une durée raisonnable.
131 S’agissant tout d’abord de la durée de la période préliminaire, celle-ci a débuté le 11 mars 2005, lorsque le secrétaire général et le directeur de l’administration ont pris connaissance, par le projet de premier rapport d’audit, des faits qui justifieront plus tard l’ouverture par l’OLAF de l’enquête «Last Call». Cette période préliminaire a pris fin le 8 novembre 2005, lorsque l’OLAF a pris la décision d’ouvrir ladite enquête. En effet, bien que le second audit du secteur «Régime pécuniaire»
n’était pas encore achevé à cette date, il ressort de l’annexe IX du statut que, lorsque l’OLAF décide d’ouvrir une enquête, cette décision marque l’ouverture de la période d’enquête et ce, indépendamment des actes entrepris par l’AIPN. Par suite, il doit être constaté que la période préliminaire a duré environ huit mois, délai qui n’apparaît pas, en l’espèce, comme excessif.
132 Cette constatation n’est pas remise en cause par la circonstance que le secrétaire général aurait pu décider, en sa qualité d’AIPN, dès le 31 mai 2005, date à laquelle le premier rapport d’audit lui a été remis, d’ouvrir une enquête administrative interne. En effet, le premier rapport d’audit avait une tonalité polémique de sorte qu’il ne saurait être reproché au secrétaire général d’avoir estimé qu’un second audit du secteur «Régime pécuniaire» était nécessaire afin de s’assurer de la véracité
des faits allégués. Certes, l’OLAF n’est pas parvenu à la même conclusion, puisque celui-ci a ouvert une enquête sur la seule base du premier audit du secteur «Régime pécuniaire», mais dès lors que l’OLAF et l’AIPN disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des suites à donner à un rapport d’audit interne, la circonstance qu’en l’espèce, ils n’aient pas exercé ce pouvoir d’appréciation à l’unisson ne saurait signifier que le choix de faire procéder à un second audit du secteur
«Régime pécuniaire» plutôt qu’à une enquête administrative interne n’était pas légitime.
133 En deuxième lieu, s’agissant de la durée de la période d’enquête, il doit être relevé que celle-ci a duré deux ans, deux mois et neuf jours, soit du 8 novembre 2005, date à laquelle l’OLAF a ouvert l’enquête «Last Call», au 17 janvier 2008, date à laquelle le secrétaire général a informé le requérant qu’en sa qualité d’AIPN, il avait décidé d’ouvrir à son égard la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline prévue à la section 5 de l’annexe IX du statut.
134 L’OLAF a mené l’enquête «Last Call», établi son rapport final d’enquête et transmis celui-ci au secrétaire général durant la période allant du 8 novembre 2005 au 31 octobre 2006, soit pendant un peu moins d’un an, durée qui doit être regardée comme n’étant pas excessive.
135 Le 5 décembre 2006, soit un mois et cinq jours après que l’OLAF a transmis son rapport final d’enquête au secrétaire général, l’AIPN, a décidé d’ouvrir une enquête administrative interne, laquelle a duré jusqu’au 12 octobre 2007, soit un peu plus de dix mois. S’il est exact que l’AIPN aurait pu décider qu’il convenait d’ouvrir directement la procédure disciplinaire, il doit être souligné que ni le statut, ni la décision du Comité des régions du 10 février 2004 no 26/2004 relative aux conditions
et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés, n’interdisaient à l’AIPN de procéder, en sus de l’enquête de l’OLAF, à une enquête administrative interne.
136 Il est vrai qu’un tel choix conduit nécessairement à allonger la durée de la période disciplinaire, mais, pour autant, il ne saurait être considéré que, par principe, la réalisation par l’AIPN d’une enquête administrative interne en sus de celle de l’OLAF rend la durée de cette période excessive. En effet, lorsque les faits litigieux présentent une certaine complexité ou lorsque l’administration ne dispose pas de l’expertise suffisante pour apprécier si certaines pratiques, notamment en matière
financière, constituent des irrégularités, il peut s’avérer nécessaire pour l’AIPN d’avoir recours aux services de tiers afin de l’éclairer sur la portée des actes ayant été relevés par l’OLAF dans son rapport d’enquête.
137 Sachant qu’en l’espèce les faits reprochés au requérant avaient trait au fonctionnement de l’ensemble d’un secteur et que ces faits concernaient la régularité de certaines pratiques financières au regard notamment de mesures transitoires prévues par le statut avec lesquelles l’AIPN n’était pas encore familiarisée, il ne saurait lui être reproché d’avoir demandé à ce qu’il soit procédé à une enquête administrative interne.
138 Quant à la durée de l’enquête administrative interne, celle-ci n’apparaît pas excessive au regard des faits reprochés au requérant dès lors qu’elle peut s’expliquer par la nécessité pour l’AIPN de trouver une personne expérimentée susceptible de mener ladite enquête, puis, pour cette personne, celle de se familiariser avec le dossier qui lui était soumis, lequel, comme il a été constaté précédemment, présentait un certain niveau de complexité.
139 Un peu plus de trois mois se sont encore écoulés entre la date à laquelle l’enquêteur interne a rendu son rapport, à savoir le 12 octobre 2007, et celle à laquelle le secrétaire général, en sa qualité d’AIPN, a informé le requérant de sa décision d’ouvrir une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, à savoir le 17 janvier 2008. Cependant, cette durée n’apparaît pas comme excessive dès lors qu’elle a été utilisée pour, d’une part, procéder à l’audition du requérant, le 14 novembre
2007, audition imposée tant par les dispositions de l’article 3 de l’annexe IX du statut que par le respect des droits de la défense et, d’autre part, pour transmettre au requérant, pour commentaires éventuels avant le 15 janvier 2008, le projet de procès-verbal de son audition.
140 En troisième lieu, pour ce qui est de la durée de la période disciplinaire, il y a lieu de relever que selon l’annexe IX du statut, quatre mois maximum doivent en principe s’écouler, entre la transmission de l’avis de l’AIPN au conseil de discipline et la date à laquelle l’AIPN doit rendre sa décision. En effet, aux termes de l’article 18 de cette annexe, le conseil de discipline doit rendre son avis et le transmettre à l’AIPN dans un délai de deux mois à compter de la réception du rapport de
l’AIPN et, selon l’article 22 de l’annexe IX du statut, l’AIPN doit prendre sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline.
141 Cependant, il doit être constaté que l’annexe IX du statut ne fait état d’aucun délai dans lequel, une fois que l’AIPN a adopté sa décision d’ouvrir la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, celle-ci doit transmettre son rapport au conseil de discipline. En tout état de cause, il a été jugé que les délais figurant à l’annexe IX du statut ne sont pas péremptoires (arrêt du Tribunal de première instance du 18 décembre 1997, Daffix/Commission, T‑12/94, point 130 et du 10 juin
2004, François/Commission, T‑307/01, point 47) et que des délais plus longs que ceux prévus à ladite annexe peuvent être nécessaires pour procéder à une appréciation suffisamment complète des faits et présentant pour l’intéressé toutes les garanties voulues par le statut (voir, en ce sens, arrêt Daffix/Commission, précité, points 130 et 131).
142 En l’espèce, il peut être considéré que la période disciplinaire a débuté le 17 janvier 2008, puisque c’est à cette date que le requérant a été informé de l’ouverture de la procédure disciplinaire. L’AIPN a ensuite établi et transmis son rapport au conseil de discipline le 17 mars 2008, soit deux mois plus tard, ce qui ne saurait constituer un délai excessif.
143 Par la suite, deux mois, trois semaines et trois jours se sont écoulés entre, respectivement, la date à laquelle le conseil de discipline a reçu le rapport de l’AIPN le saisissant et celle à laquelle la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a suspendu ses travaux, à savoir le 10 juin 2008, délai qui n’apparaît pas comme excessif. En effet, celui-ci a été utilisé afin, d’une part, de déterminer la composition de la formation du conseil de discipline appelée à statuer sur
la situation du requérant, et d’autre part, de procéder à une audition du requérant, audition dont la tenue a, en outre, nécessité des échanges de correspondance entre le requérant et le président suppléant afin d’en définir les modalités ainsi que la liste des témoins qui seraient entendus.
144 Puis, la procédure disciplinaire a été suspendue, du 10 juin 2008 jusqu’au 17 septembre 2009, soit une période d’un an, trois mois et sept jours.
145 Pour déterminer si cette suspension de la procédure disciplinaire ne s’est pas traduite par un allongement inutile de la période disciplinaire, il convient d’examiner si elle pouvait se justifier et si la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant n’a pas excessivement tardé à reprendre la procédure disciplinaire après que les motifs de la suspension avaient disparus.
146 À cet égard, il a lieu de relever que, dans la lettre du 10 juin 2008 adressée au requérant par le secrétaire du conseil de discipline, ce dernier a indiqué que la formation du conseil de discipline saisie de son cas avait décidé de suspendre la procédure disciplinaire non seulement en raison de la complexité du dossier, du nombre de témoignages à recueillir, des autres mesures d’instruction envisagées et des difficultés pratiques liées au calendrier estival mais également par souci de donner
une suite favorable à sa demande d’attendre une décision des autorités judiciaires belges à son sujet. Dans son mémoire en défense, le Comité des régions a ajouté comme motif de cette suspension de la procédure disciplinaire, la nécessité pour le conseil de discipline d’attendre le prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités.
147 Parmi ces motifs, ceux liés à la complexité du dossier, au nombre de témoignages à recueillir et aux autres mesures d’instruction envisagées par le conseil de discipline apparaissent comme ne permettant pas de justifier la suspension de la procédure disciplinaire et, par suite, l’allongement de la période disciplinaire, mais tout au plus, ils auraient dû conduire le conseil de discipline à investir davantage de ressources dans le traitement du dossier du requérant. De même, s’agissant du
calendrier estival, celui-ci ne peut justifier la suspension de la procédure disciplinaire.
148 Pour ce qui est du motif tiré de ce que la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant aurait dû attendre le prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, il doit être relevé que celui-ci a été avancé, pour la première fois, par le Comité des régions dans son mémoire en défense. En effet, dans le rejet de la demande en indemnité ainsi que dans la décision de rejet de la réclamation, le Comité des régions a soutenu, non pas que la
suspension de la procédure disciplinaire avait été motivée par la nécessité, pour le conseil de discipline, d’attendre le prononcé des arrêts susmentionnés, mais que le conseil de discipline avait décidé de reprendre la procédure disciplinaire après que ces arrêts avaient été prononcés. Or, outre que seul l’auteur d’une décision peut y ajouter des motifs, il doit être rappelé que, sauf lorsque l’administration agit en situation de compétence liée, celle-ci ne peut pas substituer ou ajouter un
motif à une décision en cours de procédure (arrêt du Tribunal du 14 avril 2011, Šimonis/Commission, F‑113/07, point 93). Par suite, le motif avancé par le Comité des régions dans son mémoire en défense et tiré de ce que la formation du conseil de discipline aurait dû attendre le prononcé des arrêts dans les affaires Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précitées, ne saurait être retenu.
149 En tout état de cause, à considérer même que ce motif aurait été avancé avant l’introduction par le requérant du présent recours, il y aurait lieu de relever que si la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant avait réellement estimé opportun de suspendre la procédure disciplinaire dans l’attente du prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, il en aurait été fait état dans la lettre susmentionnée du 10 juin 2008.
150 En revanche, parmi les motifs avancés par la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant, celui lié au souci d’accéder favorablement à la demande du requérant d’attendre une décision des autorités judiciaires belges au sujet du requérant apparaît comme ayant pu valablement justifier une suspension de la procédure disciplinaire et ainsi un allongement de la durée de la période disciplinaire.
151 Il est vrai que l’article 25 de l’annexe IX du statut n’imposait pas au conseil de discipline de suspendre ses travaux. D’une part, aux termes de cet article, des poursuites pénales parallèles n’empêchent pas la procédure disciplinaire de suivre son cours mais uniquement l’AIPN d’adopter sa décision. D’autre part, l’administration n’est tenue de suspendre une procédure disciplinaire que si le fonctionnaire démontre que des poursuites pénales ont été engagées à son égard, notion qui, du fait
qu’elle implique la mise en mouvement de l’action publique pour l’application des peines, ne saurait inclure l’existence d’une enquête, d’une information ou d’une instruction, mais suppose que des poursuites pénales aient été engagées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 juillet 2012, BG/Médiateur, F‑54/11, point 70). Or, la procédure pénale engagée en l’espèce par les autorités judiciaires belges en était uniquement au stade de l’instruction lorsque le conseil de discipline a suspendu la
procédure disciplinaire et non à celui de l’engagement de poursuites pénales.
152 Toutefois, la circonstance que la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant n’était pas tenue de suspendre la procédure disciplinaire ne signifie pas que la suspension de la procédure disciplinaire qu’elle a décidée n’était pas justifiée. En effet, il doit être relevé que c’est le requérant lui-même qui avait demandé, le 14 avril 2008, à ce que la procédure disciplinaire soit suspendue dans l’attente d’une décision définitive sur le plan pénal des autorités judiciaires
belges. Par suite, la formation du conseil de discipline a pu estimer, après avoir mis en balance l’intérêt que revêtait, aux dires mêmes du requérant, la suspension de la procédure disciplinaire avec la nécessité de respecter un délai raisonnable et le fait que la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline n’avait été entamée que depuis environ six mois, qu’il convenait de faire droit à la demande de suspension de la procédure présentée par le requérant.
153 Certes, la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a finalement repris ses travaux sans attendre le résultat de la procédure ouverte par les autorités judiciaires belges, mais cette circonstance ne saurait démontrer, rétrospectivement, que la suspension de la procédure disciplinaire, lorsqu’elle a été décidée, n’était pas justifiée. En effet, pour déterminer si la suspension d’une procédure disciplinaire est opportune, il convient de tenir compte des seuls éléments à la
disposition de l’autorité ou de l’organe disciplinaire qui l’a prononcée lorsqu’il a adopté sa décision. Or, en l’espèce, lorsque la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a décidé de suspendre la procédure disciplinaire, celle-ci a pu considérer que la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline n’ayant été ouverte que peu de temps auparavant, il convenait de faire droit à la demande du requérant par souci de sollicitude.
154 En revanche, lorsque le requérant a été informé de la reprise de la procédure, le 17 septembre 2009, la période disciplinaire avait déjà duré un an et huit mois. Partant, au vu des conclusions auxquelles la formation du conseil de discipline saisie du cas de M. Tsirimiagos était parvenue à la suite du prononcé des arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, et au vu de la circonstance que la procédure disciplinaire concernant le requérant avait déjà été
suspendue pendant plus d’un an sans que les autorités judiciaires belges avancent dans leurs investigations, la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant a pu alors légitimement estimer qu’il convenait de reprendre la procédure disciplinaire afin de ne pas allonger davantage la durée de la période disciplinaire.
155 Enfin, après que le requérant a été informé de la reprise de la procédure, le 17 septembre 2009, la formation du conseil de discipline saisie du cas du requérant est entrée en contact avec celui-ci pour définir les modalités d’une nouvelle audition et de celles des témoins qu’il avait proposés.
156 Sachant que seulement trois mois, trois semaines et quatre jours se sont écoulés avant que, le 11 janvier 2010, l’AIPN n’informe le requérant de ce qu’elle entendait clôturer la procédure disciplinaire, un tel délai n’apparaît pas excessif.
157 Aussi et au vu des circonstances propres à la présente affaire, il doit être considéré que la période disciplinaire n’a pas eu une durée excessive.
158 Certes, le requérant a dû patienter encore six mois, une semaine et cinq jours avant que le secrétaire général n’adopte, le 23 juillet 2010, une décision mettant formellement fin à la procédure disciplinaire sans prononcer de sanction, mais dès lors que le requérant avait été informé, le 11 janvier 2010, de ce que toute charge contre lui était abandonnée, il ne saurait être tiré argument de ce délai pour considérer que le requérant aurait souffert d’un préjudice tenant à la prolongation
excessive d’un état d’incertitude. Par conséquent, il convient de rejeter le premier chef des conclusions indemnitaires pour autant que celui-ci tend à la réparation d’un prétendu préjudice qui aurait résulté d’un manque de diligence dans l’instruction des faits ayant donné lieu à l’enquête «Old Call», dans la conduite de cette enquête, de l’enquête administrative interne, ainsi que dans la conduite de la procédure disciplinaire qui s’en est suivie.
Sur le manque de diligence dans l’instruction des faits ayant donné lieu à l’enquête «Last Call» depuis leur prise de connaissance par l’administration
159 S’agissant du chef de préjudice résultant d’un prétendu manque de diligence dans l’instruction des faits ayant donné lieu à l’enquête «Last Call», il doit être constaté que la décision de l’AIPN, du 23 juillet 2010, de dessaisir le conseil de discipline du dossier du requérant et de le classer sans prononcer de sanction n’a pas mis fin à l’enquête susmentionnée de l’OLAF et, par suite, à l’état d’angoisse et d’incertitude dont le requérant se prévaut. En effet, l’AIPN n’avait pas compétence pour
clôturer l’enquête de l’OLAF et d’ailleurs, dans sa lettre du 11 janvier 2010, à l’occasion de laquelle le secrétaire général a informé le requérant de ce qu’il était parvenu à la conclusion qu’il n’y avait plus lieu de retenir les charges formulées à son égard, dans sa lettre du 12 avril 2010 adressée au requérant au sujet des conditions auxquelles le requérant avait assujetti son accord quant à la clôture de la procédure, ainsi que dans la décision susmentionnée du 23 juillet 2010, le
secrétaire général, agissant en sa qualité d’AIPN, s’est uniquement référé aux faits ayant donné lieu à l’enquête «Old Call» et dans la conduite de la procédure disciplinaire qui s’en est suivie. En outre, si l’article 3 de l’annexe IX du statut prévoit qu’à l’issue de l’enquête de l’OLAF, il revient à l’AIPN et non à l’OLAF de décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire et, par suite, de l’opportunité d’adopter une sanction, il ne saurait être déduit de ces dispositions, sauf à
remettre en cause le principe d’indépendance des enquêtes de l’OLAF, tel qu’énoncé par l’article 3 de la décision 1999/352, que l’AIPN peut mettre un terme à une enquête de l’OLAF.
160 L’enquête «Old Call» de l’OLAF étant toujours ouverte à la date à laquelle le requérant a introduit le présent recours, les conclusions indemnitaires, pour autant qu’elles tendent à la réparation du préjudice prétendument causé par le manque de diligence dans l’instruction des faits ayant donné lieu à l’enquête «Last Call», doivent être regardées comme étant prématurées.
Sur les deuxième, troisième et quatrième chefs de conclusions indemnitaires, tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par, respectivement, les graves irrégularités dont serait entaché le premier rapport d’audit, la réaffectation abusive du requérant à l’unité «Administration générale» de la direction de l’administration par décision du 23 mars 2006 et les accusations graves formulées à son égard lors des différentes enquêtes et de la procédure disciplinaire et par la circonstance
que sur la base de ces accusations, l’OLAF et l’AIPN ont diligenté des enquêtes ainsi que, pour l’AIPN, une procédure disciplinaire, alors qu’il aurait été manifeste que ces accusations étaient fausses
– Arguments du requérant
161 Au soutien de son deuxième chef de conclusions indemnitaires, le requérant affirme que le premier rapport d’audit était entaché de graves irrégularités tenant à ce que le responsable de l’audit interne serait sorti du rôle et de la mission qui lui étaient impartis, à ce qu’il n’y aurait pas eu de véritable procédure contradictoire avec les services concernés et à ce qu’il contenait des inexactitudes et des conclusions tendancieuses, ce que l’administration elle-même aurait reconnu. Selon le
requérant, le Comité des régions serait responsable de ces irrégularités en tant que commanditaire de l’audit ayant donné lieu au premier rapport d’audit. Or, ces irrégularités constitueraient une faute de service susceptible d’ouvrir droit à indemnisation.
162 Pour fonder son troisième chef de conclusions indemnitaires, le requérant prétend que la décision du 23 mars 2006 prononçant sa réaffectation à l’unité «Administration générale» de la direction de l’administration serait fautive. Tout d’abord, il n’aurait pas été averti, préalablement à l’adoption de cette décision, de ce que l’administration envisageait de le réaffecter. Ensuite, il se serait retrouvé pendant plusieurs semaines sans même connaître la nature de ses nouvelles fonctions. Enfin,
cette réaffectation s’apparenterait à une sanction déguisée et ce, d’autant que cette décision a été publiée au sein du Comité des régions, plaçant ainsi le requérant dans une situation particulièrement embarrassante vis-à-vis de ses collègues, lesquels ont pu croire que les faits qui lui étaient reprochés étaient avérés.
163 Le requérant ajoute que ce troisième chef de conclusions indemnitaires serait recevable, car le préjudice allégué ne se fonderait pas sur l’illégalité de la décision le réaffectant, mais sur la manière dont cette décision a été adoptée, communiquée et mise en œuvre.
164 Dans le cadre de son quatrième chef de conclusions indemnitaires, le requérant affirme que l’administration aurait manqué à son devoir de sollicitude, non en faisant durer excessivement longtemps les différentes procédures, mais en formulant à son égard des accusations graves. Or, celle-ci aurait dû savoir que ces accusations étaient fausses, puisque dans les arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, respectivement aux points 61 et 69 desdits arrêts, le
Tribunal a considéré que le libellé des textes applicables ne permettait pas de donner une réponse claire et non équivoque à la question de savoir si les transferts d’émoluments avaient été réguliers, qu’à supposer que les transferts litigieux aient été irréguliers, cette irrégularité était loin de présenter le caractère évident qui permettrait de conclure que les personnes concernées la connaissaient ou ne pouvaient manquer d’en avoir connaissance, et que l’interprétation que ces textes ont
reçue de la part des personnes responsables de leur application tendait à considérer ces transferts comme étant réguliers. En outre, dès lors qu’il était manifeste que de telles accusations étaient fausses, l’OLAF et l’AIPN n’auraient pas dû diligenter d’enquêtes ni, pour l’AIPN, ouvrir de procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.
165 Selon le requérant, les différents manquements, irrégularités et fautes de service susmentionnés auraient occasionné chez lui un dommage moral qu’il évalue à 15 000 euros. En effet, les accusations graves et infondées formulées à son encontre, de même que sa réaffectation dans une autre unité de la direction de l’administration sans la moindre consultation, sans la moindre attribution d’une quelconque tâche et sans la moindre explication sur ses nouvelles fonctions durant plusieurs semaines,
auraient été pour lui extrêmement humiliantes et sources de stress et ce d’autant qu’il était un fonctionnaire irréprochable et très apprécié. D’ailleurs, il ressortirait de plusieurs attestations médicales qu’il aurait énormément souffert sur le plan psychologique des différentes procédures dirigées contre lui et notamment des nombreuses auditions par l’OLAF, par les autorités judiciaires belges et par le conseil de discipline. Ce préjudice moral n’aurait pas été réparé par l’adoption de la
décision de classement sans suite prise par l’AIPN le 23 juillet 2010.
166 Le requérant estime également avoir souffert d’un préjudice matériel, car selon lui, ce serait en raison des accusations formulées à tort contre lui qu’il aurait demandé sa retraite anticipée. Par suite, le requérant demande à être indemnisé pour le préjudice matériel lié à la perte de rémunération ayant résulté de ce qu’il a quitté ses fonctions seize mois avant la date normale de mise à la retraite, laquelle perte de rémunération équivaut à la différence entre la pension qu’il a touchée depuis
son départ à la retraite et le salaire auquel il aurait eu droit à compter du 1er janvier 2007 s’il était resté en activité jusqu’à 65 ans ainsi qu’aux conséquences pécuniaires de cette différence de montants sur ces droits à pension, soit un montant total de 41888,68 euros.
– Arguments du Comité des régions
167 En défense, le Comité des régions fait valoir, s’agissant du deuxième chef des conclusions indemnitaires fondé sur le caractère fautif du premier rapport d’audit, car entaché de graves irrégularités, que le requérant n’a pas contesté dans les délais ledit rapport. En tout état de cause, le Comité des régions estime que les conclusions contenues dans le premier rapport d’audit n’étaient pas complètement infondées. En outre, le Comité des régions affirme avoir fait preuve de prudence au sujet du
premier rapport d’audit, puisqu’il a commandé un second rapport d’audit avant d’examiner si d’éventuelles responsabilités individuelles pourraient être mises en cause. Quant à la circonstance que le responsable de l’audit interne aurait modifié d’initiative sa mission d’audit en se concentrant essentiellement sur la question du transfert des émoluments, le Comité des régions rétorque que le responsable de l’audit interne jouissait d’une totale indépendance dans l’exercice de ses fonctions.
168 En ce qui concerne le troisième chef des conclusions indemnitaires fondé sur la décision de réaffecter le requérant à l’unité «Administration générale» de la direction de l’administration, le Comité des régions relève que le requérant n’a pas contesté cette décision lorsque cette dernière a été adoptée. Partant, il ne serait plus recevable à s’en plaindre dans le cadre d’un recours en indemnité. En tout état de cause, le Comité des régions fait valoir, tout d’abord, que le maintien du requérant
à son poste au sein du secteur «Régime pécuniaire» aurait été préjudiciable au bon fonctionnement de ladite unité et aurait affecté le bon déroulement de l’enquête de l’OLAF. En outre, cette mesure aurait été prise dans l’intérêt du requérant, car s’il n’avait pas été changé de poste, il aurait pu être suspecté par ses collègues de profiter de ses fonctions pour nuire à l’enquête de l’OLAF. S’agissant de l’allégation selon laquelle le requérant s’est retrouvé pendant plusieurs semaines sans même
connaître la nature de ses nouvelles fonctions, le Comité des régions fait valoir que le requérant n’est resté en poste à l’unité «Administration générale» que peu temps, puisqu’il a été en congé personnel du 4 au 12 avril 2006 et en congé de maladie le 21 avril 2006, puis jusqu’à sa mise à la retraite, le 31 décembre 2006. De plus, le requérant ne se serait jamais plaint à cette époque de ce qu’il aurait été laissé sans rien à faire. Pour ce qui est de la publication de la décision de
réaffecter le requérant à l’unité «Administration générale», le Comité des régions estime que l’article 25 du statut lui faisait obligation de publier une telle décision et souligne que la décision publiée ne contenait aucun terme susceptible d’avoir une connotation disciplinaire.
169 En ce qui concerne le quatrième chef des conclusions indemnitaires, fondé sur les accusations graves ayant été formulées à l’encontre du requérant lors des différentes enquêtes et de la procédure disciplinaire, alors que l’AIPN et l’OLAF auraient dû savoir que celles-ci étaient fausses, le Comité des régions soutient que ce serait la finalité même d’une procédure disciplinaire que de vérifier si les suspicions initiales à l’égard d’un fonctionnaire ou agent sont ou non fondées. Par suite, le
simple fait qu’une procédure disciplinaire ait été ouverte à l’encontre du requérant ou que des accusations à l’encontre du requérant aient été émises ne permettrait pas d’engager la responsabilité de l’Union. Ce ne serait que dans l’hypothèse où l’AIPN ne disposait pas de suffisamment d’éléments à charge lorsqu’elle a ouvert la procédure disciplinaire que la personne concernée pourrait demander réparation. Or, en l’espèce, lorsqu’elle a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire, l’AIPN
disposait d’éléments de fait et de droit, tels que ceux mis en lumière dans le rapport de l’enquêteur interne, justifiant l’ouverture de cette procédure.
– Appréciation du Tribunal
170 En ce qui concerne le deuxième chef des conclusions indemnitaires, fondé sur de prétendues irrégularités ayant entaché le premier rapport d’audit, il y a lieu de relever que celui-ci n’est pas lié à l’illégalité d’un acte faisant grief au requérant à l’égard duquel ce dernier aurait dû, pour être recevable, introduire une réclamation dans le délai de trois mois prévu à l’article 90 paragraphe 2 du statut, puisqu’un rapport d’audit vise à analyser le fonctionnement d’un service et non les
agissements d’une personne. Pour autant, ainsi qu’il a été rappelé au point 94 du présent arrêt, lorsqu’un chef de conclusions est strictement indemnitaire, celui-ci n’est recevable que si le requérant a introduit une demande en indemnité dans un délai raisonnable à compter de la réalisation effective du dommage allégué, puis une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande en indemnité dans les délais prévus à l’article 90 paragraphe 2, du statut. Or, en l’espèce, le préjudice
dont le requérant allègue l’existence, à savoir qu’il aurait été humilié et placé dans une situation de stress du fait de la diffusion du premier rapport d’audit, doit être regardé comme consolidé le 31 mai 2005, date à laquelle le premier rapport d’audit a été communiqué au Comité des régions. Par conséquent, lorsque le 14 juillet 2010, soit plus de cinq ans après la consolidation du dommage, le requérant a introduit une demande en indemnité, il y a lieu de considérer que celle-ci n’a pas été
introduite dans un délai raisonnable.
171 En tout état de cause, il doit être relevé que pour soutenir que le deuxième chef des conclusions indemnitaires serait fondé, c’est-à-dire que le premier rapport d’audit serait entaché d’irrégularités qui lui auraient occasionné un préjudice, le requérant allègue que le responsable de l’audit interne ayant rédigé ce rapport serait sorti du rôle et de la mission qui lui étaient impartis, qu’il n’y aurait pas eu de «véritable» procédure contradictoire et que ledit rapport contiendrait des
inexactitudes et des conclusions tendancieuses. Or, à supposer même que ces allégations soient avérées, il doit être constaté qu’un rapport d’audit visant à analyser le fonctionnement d’un service, l’absence de procédure contradictoire ou la présence d’inexactitudes et de conclusions tendancieuses dans le premier rapport d’audit ne constitueraient pas des irrégularités susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union. Ainsi, en l’espèce, le premier rapport d’audit concernait avant tout les
supérieurs hiérarchiques du requérant et ne reprochait à ce dernier que d’avoir approuvé les transferts litigieux d’émoluments et, indirectement, en sa qualité de responsable du secteur «Régime pécuniaire», de ne pas avoir mis en place les contrôles internes adéquats. De tels reproches devant être regardés comme mesurés, ils ne sont pas susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union.
172 Il en est d’autant plus ainsi que le premier rapport d’audit n’a été communiqué qu’à un nombre limité de personnes. En effet, celui-ci a été uniquement transmis au secrétaire général, au directeur de l’administration, au chef de cabinet du secrétaire général et aux personnes à l’égard desquelles des reproches avaient été adressés dans ledit rapport. La commission des affaires financières et administratives du Comité des régions a également été informée de l’existence du premier rapport d’audit
mais sans qu’une copie soit remise à ses huit membres et en dehors de ces personnes, il est uniquement établi que l’OLAF en a eu connaissance.
173 Par suite, il convient de rejeter le deuxième chef des conclusions indemnitaires comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
174 S’agissant du troisième chef des conclusions indemnitaires, fondé sur la décision du 23 mars 2006 de réaffecter le requérant à l’unité «Administration générale» de la direction de l’administration, il doit être rappelé qu’un fonctionnaire ne peut réclamer réparation du préjudice que lui aurait occasionné une décision lui faisant grief lorsqu’il aurait pu introduire un recours en annulation contre ladite décision dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, lequel lui aurait procuré un
résultat identique à un recours indemnitaire (arrêt Commission/Nanopoulos, précité, point 62).
175 Or, il doit être constaté, en l’espèce, que la décision du 23 mars 2006 de réaffecter le requérant à l’unité «Administration générale» constituait un acte lui faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission, F‑30/08, point 104) et que celui-ci aurait donc pu introduire un recours en annulation contre cette décision. Le requérant ayant omis d’introduire un tel recours dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, il ne peut plus demander à être
indemnisé pour le préjudice qu’il prétend avoir subi à cause de l’adoption de cette décision.
176 Le requérant tente néanmoins d’établir que le troisième chef des conclusions indemnitaires serait recevable au motif qu’il n’est pas fondé sur l’illégalité de la décision du 23 mars 2006 de le réaffecter à l’unité «Administration générale», mais sur la manière dont cette décision a été adoptée, communiquée et mise en œuvre.
177 Toutefois, il doit être relevé que les conditions dans lesquelles une décision est adoptée et communiquée à son destinataire participent de la légalité de cette décision et que, partant, si le requérant avait introduit un recours en annulation dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut et que son recours avait été accueilli, il aurait pu obtenir réparation du préjudice dont il demande réparation dans le cadre du présent chef de conclusions indemnitaires. Par suite, il doit être
constaté que le requérant est tardif à demander à être indemnisé pour les conditions dans lesquelles la décision de réaffectation a été adoptée et communiquée.
178 En revanche, s’agissant de la manière dont la décision de réaffectation a été mise en œuvre, le Tribunal observe que le requérant fait état de trois circonstances qu’il considère comme relevant d’un comportement fautif du Comité des régions, à savoir que celui-ci ne l’aurait pas informé préalablement à l’adoption de la décision de réaffectation des nouvelles fonctions qui lui seraient confiées, que la décision de réaffectation aurait reçu une large publicité et que cette réaffectation aurait
conduit à ce qu’il n’ait aucune tâche à effectuer. Or, à les considérer avérées, le requérant n’aurait pas pu se prévaloir des deux dernières circonstances dans le cadre d’un recours en annulation qu’il a omis d’intenter contre la décision du 23 mars 2006 de le réaffecter à l’unité «Administration générale», car celles-ci sont postérieures à l’adoption de cette décision. De telles circonstances n’étant pas liées à l’adoption de la décision de réaffectation du requérant à l’unité «Administration
générale», le troisième chef des conclusions indemnitaires doit être considéré comme recevable pour autant qu’il est fondé sur les prétendus comportements du Comité des régions qui aurait donné une large publicité à ladite décision et n’aurait attribué aucune tâche à effectuer au requérant après sa réaffectation au sein de l’unité «Administration générale».
179 Toutefois, le Tribunal constate qu’aucun de ces deux prétendus comportements n’est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.
180 Pour ce qui est de la publicité ayant entouré la décision de réaffectation, il doit être relevé que l’article 25 du statut fait obligation aux institutions de publier toute décision individuelle relative à la fixation de la position administrative d’un fonctionnaire et, à ce titre, des décisions de réaffectation. Or, le requérant n’apporte aucun indice susceptible de démontrer que la décision de réaffectation aurait fait l’objet d’une publicité allant au-delà de ce qui est prévu par le statut.
181 S’agissant de l’absence de tâche à effectuer depuis sa réaffectation, le Tribunal relève que le requérant a été réaffecté à compter du 1er avril 2006 mais qu’à compter du 2 mai 2006, jusqu’à sa mise à la retraite, le 31 décembre 2006, il a été en congé de maladie et ce, de façon ininterrompue. Or, durant la période allant du 1er avril 2006 au 2 mai 2006, le requérant a été en congé personnel du 4 au 12 avril 2006 et en congé de maladie le 21 avril 2006. Par suite, le Tribunal estime que le
requérant n’est pas resté suffisamment longtemps en exercice au sein de l’unité «Administration générale» pour que le comportement du Comité des régions, à le considérer avéré, ayant consisté à le laisser sans tâches à effectuer, ait pu lui occasionner un préjudice, puisque la courte période d’inactivité dont il aurait eu à souffrir aurait pu lui permettre de se familiariser avec son nouvel environnement de travail et de se former aux méthodes de travail de l’unité «Administration générale».
182 Aussi, il convient de rejeter le troisième chef des conclusions indemnitaires comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.
183 Au sujet du quatrième chef des conclusions indemnitaires, en ce que celui-ci a trait à l’engagement à tort d’une enquête diligentée soit par l’OLAF soit par l’AIPN, puis, à l’ouverture par l’AIPN d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant, celui-ci doit être considéré comme recevable, le requérant ayant introduit une demande en indemnité dans un délai raisonnable à compter de la consolidation du dommage allégué, puis, une réclamation, dans les délais prévus à l’article 91 du statut.
184 S’agissant du bien-fondé de ces conclusions indemnitaires, il convient de relever que l’OLAF et l’AIPN disposent réciproquement d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider si, au vu des éléments en leur possession, il convient d’ouvrir la phase d’enquête, puis, le cas échéant, l’une des procédures disciplinaires prévues aux sections 4 et 5 de l’annexe IX du statut (voir, en ce sens, s’agissant de la décision d’ouvrir une enquête, arrêt Giraudy/Commission, précité, point 99 ; s’agissant de
la décision d’ouvrir une procédure disciplinaire, arrêt Commission/Nanopoulos, précité, point 150).
185 Cependant, le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration pour décider s’il convient d’ouvrir une enquête, puis l’une des procédures disciplinaires prévues aux sections 4 et 5 de l’annexe IX du statut ne saurait justifier que, selon les cas, l’OLAF ou l’AIPN, diligente une procédure sans même disposer d’un commencement de preuve à l’égard des personnes concernées. Par conséquent, afin de protéger les droits du fonctionnaire concerné, tant l’OLAF que l’AIPN doivent s’assurer qu’ils
disposent, avant d’ouvrir une enquête, d’indices laissant présager dans le chef de la personne concernée un manquement à ses obligations statutaires, et avant d’ouvrir la procédure disciplinaire, d’éléments suffisamment précis et pertinents pour étayer leurs suspicions (voir, en ce sens, arrêt Commission/Nanopoulos, précité, point 152). En outre, l’OLAF et l’AIPN doivent tenir compte du principe de la présomption d’innocence, lequel requiert d’elles que durant l’ensemble de la procédure
disciplinaire, elles restent mesurées dans leurs propos. En conséquence, il convient d’examiner si lorsqu’ils ont réciproquement décidé d’ouvrir une enquête, l’OLAF et l’AIPN disposaient d’indices susceptibles d’étayer les faits ayant été portés à leur connaissance, puis lorsque l’AIPN a pris la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire, si celle-ci disposait d’éléments suffisamment précis et pertinents, et, enfin si l’OLAF et l’AIPN ont fait preuve de retenue dans les accusations qu’ils ont
formulées à l’encontre du requérant durant la procédure.
186 S’agissant de savoir si l’OLAF disposait d’indices laissant présager dans le chef du requérant un manquement à ses obligations statutaires lorsqu’il a ouvert une enquête, il y a lieu de relever, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner si un acte de l’OLAF peut être invoqué dans le cadre d’un recours visant à obtenir l’engagement de la responsabilité de l’Union mais dirigé contre le Comité des régions, que le premier rapport d’audit contenait des éléments susceptibles de justifier l’adoption
par celui-ci dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui est le sien, d’une telle décision. Certes, le premier rapport d’audit comportait également des accusations et insinuations susceptibles d’avoir porté atteinte à la dignité de certaines personnes, mais cette circonstance ne signifie pas que l’OLAF aurait été tenu d’ignorer entièrement les constatations relevées dans ce rapport. Au contraire, l’OLAF a pu considérer qu’il était nécessaire d’ouvrir une enquête afin de vérifier si ces
accusations et insinuations ne comportaient pas un fond de vérité ou au contraire s’il convenait de disculper les personnes ainsi visées.
187 Pour ce qui est de la décision de l’AIPN d’ouvrir une enquête administrative interne, ladite AIPN disposait nécessairement d’indices suffisants puisque, comme il a été constaté, le premier rapport d’audit suffisait à lui seul pour justifier une enquête.
188 Pour ce qui est de la décision de l’AIPN d’ouvrir la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline prévue à la section 5 de l’annexe IX du statut, il doit être également relevé que celle-ci disposait de suffisamment d’éléments pour étayer ses suspicions. En effet, outre les premier et second rapports d’audit, l’AIPN disposait du rapport final d’enquête de l’OLAF dans l’enquête «Last Call», lequel recommandait l’ouverture de procédures disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires
n’ayant pas assuré le principe de bonne gestion financière dans l’exécution de leurs fonctions de gestionnaire ou d’ordonnateur subdélégué et notamment à l’encontre du requérant au motif que, «contrairement à ses obligations de gestionnaire[, ce dernier avait] soumis aux ordonnateurs subdélégués les dossiers présentés par les fonctionnaires […] alors que ces dossiers ne présentaient pas les conditions statutaires et règlementaires pour bénéficier des transferts [d’émoluments]». Ce rapport
contenait également une description des dossiers litigieux ayant été approuvés par le requérant, ainsi que des explications détaillées quant aux violations des règles de gestion financière imputées au requérant. Enfin, l’AIPN avait reçu le rapport de l’enquêteur interne. Or, bien que celui-ci estimait qu’il existait certaines circonstances atténuantes en faveur du requérant, il n’en concluait pas moins à une faute du requérant tenant à ce que ce dernier avait admis des demandes de transfert
d’émoluments à l’étranger incomplètes ou entachées d’irrégularités.
189 En conséquence, il doit être constaté que l’OLAF et l’AIPN disposaient d’indices suffisants lorsqu’ils ont adopté leurs décisions respectives d’ouvrir une enquête et qu’il en va de même lorsque l’AIPN a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire.
190 Cette constatation n’est pas susceptible d’être infirmée par les éléments ayant conduit le Tribunal, dans les arrêts Tsirimiagos/Comité des régions et Giaprakis/Comité des régions, précités, à considérer que les versements qu’avaient effectués MM. Tsirimiagos et Giaprakis ne présentaient pas un caractère irrégulier tel, qu’il était manifeste que ces fonctionnaires ne pouvaient l’ignorer et, par suite, à annuler des décisions du Comité des régions ordonnant la récupération des montants perçus par
application du coefficient correcteur sur la partie des émoluments transférés. En effet, dans lesdits arrêts, le Tribunal n’a pas exclu que le versement de ces montants puisse être considéré comme irrégulier, mais a considéré que cette question était étrangère au point de savoir si les deux fonctionnaires concernés pouvaient ou non manquer d’avoir eu connaissance de ce que les sommes qu’ils avaient ainsi reçues, leur avaient été versées de façon irrégulière. En outre, dans ces deux arrêts, le
Tribunal ne s’est pas prononcé sur les allégations, concernant spécifiquement le requérant, selon lesquelles ce dernier aurait accepté certaines demandes de transfert d’émoluments sans la moindre pièce justificative.
191 Enfin, pour ce qui est de savoir si l’OLAF et l’AIPN ont fait preuve de réserve dans les accusations qu’ils ont formulées à l’encontre du requérant durant la procédure disciplinaire, le Tribunal estime que les reproches formulés à l’égard du requérant par lesdites autorités sont restés dans les limites du nécessaire lors de la procédure disciplinaire. Quant au premier rapport d’audit, bien que n’ayant pas été adopté par l’OLAF ou l’AIPN, il convient de souligner qu’ainsi qu’il a été constaté,
les accusations et insinuations contenues dans celui-ci n’ont pas porté préjudice au requérant.
192 En conséquence, il convient de rejeter le quatrième chef des conclusions indemnitaires du requérant.
193 Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires doivent être rejetées sans qu’il soit besoin d’examiner la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité, ainsi que, par suite, les conclusions relatives aux intérêts moratoires susceptibles d’être appliqués, ces dernières étant fondées sur la prémisse que le Tribunal ferait droit à l’un des chefs des conclusions indemnitaires.
194 En conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
195 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
196 Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, le Comité des régions a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le Comité des régions.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Goetz supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le Comité des régions de l’Union européenne.
Rofes i Pujol
Boruta
Bradley
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2013.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
M. I. Rofes i Pujol
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( *1 ) Langue de procédure : le français.