ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
10 octobre 2013 ( *1 )
«Sécurité sociale — Règlement (CEE) no 1408/71 — Article 28, paragraphe 2, sous b) — Prestations de l’assurance maladie — Titulaires de pensions de vieillesse dans plusieurs États membres — Résidence dans un autre État membre — Fourniture de prestations en nature dans l’État de résidence — Charge des prestations — État membre à la ‘législation’ duquel le titulaire a été soumis le plus longtemps — Notion»
Dans l’affaire C‑321/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas), par décision du 27 juin 2012, parvenue à la Cour le 2 juillet 2012, dans la procédure
F. van der Helder,
D. Farrington
contre
College voor zorgverzekeringen,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. N. Wahl,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2013,
considérant les observations présentées:
— pour M. van der Helder, par lui-même et Me W. Wehmeijer, advocaat,
— pour M. Farrington, par lui-même,
— pour le College voor zorgverzekeringen, par M. M. Mulder et Me K. Siemeling, advocaat,
— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et C. Wissels, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement estonien, par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,
— pour le gouvernement finlandais, par M. S. Hartikainen, en qualité d’agent,
— pour le gouvernement suédois, par Mmes S. Johannesson et C. Meyer-Seitz, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes H. Walker et C. Murrell, en qualité d’agents, assistées de MM. R. Palmer et J. Coppel, barristers,
— pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 juin 2013,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par
le règlement (CE) no 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 392, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MM. van der Helder et Farrington au College voor zorgverzekeringen (Conseil des assurances soins de santé, ci-après le «CVZ») au sujet du paiement de cotisations au régime légal obligatoire d’assurance maladie applicable aux Pays-Bas.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 1er du règlement no 1408/71, dispose, sous l’intitulé «Définitions»:
«Aux fins de l’application du présent règlement:
[…]
j) le terme ‘législation’ désigne, pour chaque État membre, les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes autres mesures d’application, existants ou futurs, qui concernent les branches et régimes de sécurité sociale visés à l’article 4 paragraphes 1 et 2 ou les prestations spéciales à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis;
[…]
r) le terme ‘périodes d’assurance’ désigne les périodes de cotisation, d’emploi ou d’activité non-salariée telles qu’elles sont définies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes les périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalentes aux périodes d’assurance […]»
4 L’article 4 de ce règlement, intitulé «Champ d’application matériel», dispose à son paragraphe 1:
«Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:
a) les prestations de maladie et de maternité;
b) les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;
c) les prestations de vieillesse;
d) les prestations de survivants;
e) les prestations d’accident du travail et de maladie professionnelle;
f) les allocations de décès;
g) les prestations de chômage;
h) les prestations familiales.»
5 Le titre III dudit règlement contient les dispositions particulières à ces différentes catégories de prestations. Le chapitre 1 du titre III du même règlement traite des prestations de maladie et de maternité. La section 5 de ce chapitre, intitulée «Titulaires de pensions ou de rentes et membres de leur famille», comprend les articles 27 à 34 du règlement no 1408/71.
6 L’article 27 de ce règlement, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation de plusieurs États membres, un droit aux prestations existant dans le pays de résidence», est ainsi rédigé:
«Le titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres, dont celle de l’État membre sur le territoire duquel il réside, et qui a droit aux prestations au titre de la législation de ce dernier État membre, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et de l’annexe VI, ainsi que les membres de sa famille obtiennent ces prestations de l’institution du lieu de résidence et à la charge de cette institution, comme si l’intéressé était
titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la seule législation de ce dernier État membre.»
7 L’article 28 dudit règlement, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d’un seul ou de plusieurs États, un droit aux prestations n’existant pas dans le pays de résidence», dispose:
«1. Le titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres qui n’a pas droit aux prestations au titre de la législation de l’État membre sur le territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure où il y aurait droit en vertu de la législation de l’État membre ou de l’un au moins des États
membres compétents en matière de pension, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et de l’annexe VI, s’il résidait sur le territoire de l’État concerné. Le service des prestations est assuré dans les conditions suivantes:
a) les prestations en nature sont servies pour le compte de l’institution visée au paragraphe 2 par l’institution du lieu de résidence, comme si l’intéressé était titulaire d’une pension ou d’une rente en vertu de la législation de l’État sur le territoire duquel il réside et avait droit aux prestations en nature;
[…]
2. Dans les cas visés au paragraphe 1, la charge des prestations en nature incombe à l’institution déterminée selon les règles suivantes:
[…]
b) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu des législations de deux ou plusieurs États membres, la charge en incombe à l’institution compétente de l’État membre à la législation duquel le titulaire a été soumis le plus longtemps; au cas où l’application de cette règle aurait pour effet d’attribuer la charge des prestations à plusieurs institutions, la charge en incombe à celle de ces institutions qui applique la législation à laquelle le titulaire a été soumis en dernier lieu.»
8 L’article 28 bis du même règlement, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d’un seul ou de plusieurs États membres autres que le pays de résidence, un droit aux prestations en nature existant dans ce dernier pays», prévoit:
«En cas de résidence du titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre ou de pensions ou rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres, sur le territoire d’un État membre, selon la législation duquel le droit aux prestations en nature n’est pas subordonné à des conditions d’assurance ou d’emploi et au titre de la législation duquel aucune pension ou rente n’est due, la charge des prestations en nature qui sont servies à ce titre
ainsi qu’aux membres de sa famille incombe à l’institution de l’un des États membres compétents en matière de pensions, déterminée selon les règles fixées à l’article 28 paragraphe 2, pour autant que ledit titulaire et les membres de sa famille auraient droit à ces prestations en nature en vertu de la législation appliquée par ladite institution s’ils résidaient sur le territoire de l’État membre où se trouve cette institution.»
9 L’article 33 du règlement no 1408/71, intitulé «Cotisations à charge des titulaires de pensions ou de rentes», énonce:
«1. L’institution d’un État membre débitrice d’une pension ou d’une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire d’une pension ou d’une rente, pour la couverture des prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la rente dues par elle, dans la mesure où les prestations servies en vertu des articles 27, 28, 28 bis, 29, 31 et 32 sont à la charge d’une
institution dudit État membre.
2. Lorsque, dans les cas visés à l’article 28 bis, le titulaire d’une pension ou d’une rente est soumis, du fait de sa résidence, à cotisations ou retenues équivalentes pour la couverture des prestations de maladie et de maternité en vertu de la législation de l’État membre sur le territoire duquel il réside, ces cotisations ne sont pas exigibles.»
10 Conformément à l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement, les prestations en nature servies par l’institution d’un État membre pour le compte de l’institution d’un autre État membre, en vertu notamment des dispositions des articles 28, 28 bis et 33 dudit règlement, donnent lieu à remboursement intégral.
11 L’article 95 du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement (CE) no 1223/98 du Conseil, du 4 juin 1998 (JO L 168, p. 1), prévoit que le montant des prestations en nature servies en vertu des articles 28 et 28 bis du règlement no 1408/71 est remboursé par les institutions compétentes aux institutions qui ont servi lesdites
prestations, sur la base d’un forfait aussi proche que possible des dépenses réelles, dont les modalités de calcul sont définies par cette disposition.
Le droit néerlandais
12 Avant le 1er janvier 2006, la loi sur les caisses de maladie (Ziekenfondswet, ci-après la «ZFW») prévoyait un régime légal obligatoire d’assurance maladie pour les seuls travailleurs salariés dont le revenu était inférieur à un certain seuil. Les personnes ne relevant pas de ce régime devaient, en revanche, pour bénéficier d’une couverture du risque de maladie, conclure à titre privé un contrat d’assurance auprès d’une compagnie d’assurances.
13 Ce régime légal obligatoire était également applicable, sous certaines conditions, aux non-résidents titulaires d’une pension au titre de la loi portant régime général d’assurance vieillesse (Algemene Ouderdomswet, ci-après l’«AOW») ou d’une rente au titre de la loi relative à l’assurance contre l’incapacité de travail (Wet op de arbeidsongeschiktheidsverzekering).
14 Depuis le 1er janvier 2006, la loi sur l’assurance soins de santé (Zorgverzekeringswet, ci-après la «ZVW», dont la version applicable en l’espèce est celle du 1er août 2008) institue un régime légal obligatoire d’assurance maladie pour toutes les personnes résidant ou travaillant aux Pays-Bas.
15 L’article 69 de cette loi est libellé comme suit:
«1. Les personnes résidant à l’étranger qui, par application d’un règlement du Conseil des communautés européennes ou par application d’un règlement adopté en vertu de l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un traité en matière de sécurité sociale, ont droit, en cas de besoin, aux soins ou au remboursement de ceux-ci, comme le prévoit la législation sur l’assurance des soins dans leur pays de résidence, se font connaître auprès du [CVZ], à moins qu’elles ne relèvent, en vertu de la
présente loi, de l’assurance obligatoire.
2. Les personnes visées au [paragraphe 1] sont redevables d’une cotisation qui sera fixée par arrêté ministériel. Pour une partie qui sera fixée par cet arrêté, ladite cotisation est considérée, pour l’application de la loi sur les allocations de soins de santé [(Wet op de zorgtoeslag)] comme une prime d’assurance soins de santé.
[…].
4. Le [CVZ] est chargé de la mise en œuvre des dispositions du [paragraphe 1] et des règlements internationaux qui y sont mentionnés, ainsi que des décisions concernant le prélèvement et la perception de la cotisation mentionnée au [paragraphe 2] […]»
16 Par ailleurs, tant avant qu’après le 1er janvier 2006, la loi générale sur les frais médicaux spéciaux (Algemene wet bijzondere ziektekosten) assure l’ensemble de la population contre le risque de frais exceptionnels de maladie, tels que, en particulier, les risques qui ne sont pas couverts par la ZFW et la ZVW ou par une assurance privée.
Le litige au principal et la question préjudicielle
17 M. van der Helder est un ressortissant néerlandais retraité qui réside en France depuis 1991. Au cours de sa carrière professionnelle, il a résidé et travaillé dans différents États membres. Depuis le mois d’août 1997, il perçoit, en vertu de la législation néerlandaise, une pension au titre de l’AOW. Le montant de cette pension correspond à celui octroyé pour 43 années complètes d’assurance dans cet État membre. Ces droits ont été acquis au titre, d’une part, de la résidence et, d’autre part,
d’une affiliation volontaire au régime d’assurance. En outre, M. van der Helder perçoit une pension de retraite versée au titre de la législation de la République de Finlande, où il a été assuré entre 1980 et 1987. Il est également allocataire d’une pension de retraite en vertu de la législation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
18 M. Farrington est un ressortissant britannique retraité qui réside en Espagne depuis le mois de mai 2004. Il a résidé et travaillé, au cours de sa carrière professionnelle, dans plusieurs États membres, en l’occurrence au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Depuis le mois d’avril 2006, il perçoit, en vertu de la législation néerlandaise, une retraite au titre de l’AOW. Le montant de cette pension correspond à celui octroyé pour 35 années complètes d’affiliation au régime d’assurance dans cet État
membre. En outre, M. Farrington perçoit une pension de retraite au titre de la législation du Royaume-Uni, où il a travaillé entre 1957 et 1972.
19 Jusqu’au 1er janvier 2006, ni M. van der Helder ni M. Farrington n’étaient obligés d’être affiliés au régime légal néerlandais d’assurance maladie. Ils étaient couverts par une assurance maladie privée. En revanche, tant M. van der Helder que M. Farrington ont été assurés au titre de la loi générale sur les frais médicaux spéciaux lorsqu’ils résidaient aux Pays-Bas.
20 À la suite de l’entrée en vigueur de la ZVW, le 1er janvier 2006, le CVZ a considéré que, dès lors que MM. van der Helder et Farrington auraient relevé, s’ils avaient résidé aux Pays-Bas, du régime légal obligatoire d’assurance maladie prévu par la ZVW et dès lors qu’ils n’ont pas droit à une pension de retraite dans l’État membre de leur résidence et qu’ils ont été le plus longtemps assurés, au cours de leur carrière professionnelle, au titre de la législation néerlandaise en matière de sécurité
sociale, ils bénéficient des prestations en nature dans l’État membre de leur résidence à la charge des Pays-Bas, conformément aux articles 28 et 28 bis du règlement no 1408/71.
21 Aussi, le CVZ a décidé de retenir sur les pensions et les rentes servies à MM. van der Helder et Farrington le montant de la cotisation, prévue à l’article 69 de la ZVW, au régime légal obligatoire d’assurance maladie institué par cette loi.
22 Saisi par MM. van der Helder et Farrington de l’appel introduit contre les jugements rendus en première instance par le Rechtbank Amsterdam, le Centrale Raad van Beroep observe que, les requérants au principal ayant droit à des pensions dans au moins deux États membres, la charge des prestations en nature incombe, en vertu de l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71, à l’institution compétente de l’État membre à la «législation» duquel ils ont, en tant que titulaires de ces
pensions, été soumis le plus longtemps.
23 Cette juridiction considère que cette notion de «législation» peut faire l’objet d’au moins trois interprétations différentes.
24 Selon la première interprétation, soutenue par MM. van der Helder et Farrington, ladite notion recouvrirait la législation relative aux prestations de maladie et de maternité. Or, si MM. van der Helder et Farrington ne contestent pas avoir travaillé le plus longtemps aux Pays-Bas et avoir été soumis le plus longtemps à la législation néerlandaise en matière de sécurité sociale, ils n’auraient, en revanche, jamais été affiliés au régime légal de l’assurance maladie aux Pays-Bas ou, en tout état de
cause, ils y auraient été affiliés pour une période plus courte que celle durant laquelle ils ont été couverts au titre de l’assurance maladie dans d’autres États membres. En l’occurrence, les États membres auxquels incomberait la charge des prestations en nature dans l’État de résidence seraient donc, respectivement, la Finlande et le Royaume-Uni. Cette interprétation aurait été accueillie par le Regeringsrätten (Cour suprême administrative, Suède) dans l’arrêt no 4381-10, du 14 décembre 2011,
Wehmeyer. Dans le cas où ce raisonnement serait suivi, il conviendrait de savoir si doit être prise en compte, pour déterminer la «législation» de l’État membre à laquelle les requérants au principal ont été soumis le plus longtemps, la seule assurance maladie légale ou également l’assurance maladie et maternité dans son ensemble.
25 Selon la deuxième interprétation, retenue par le Rechtbank Amsterdam et privilégiée par la juridiction de renvoi, la notion de «législation» viserait l’assurance pension qui constitue la base de la retraite actuelle des intéressés. Cette interprétation ressortirait de l’arrêt du 10 mai 2001, Rundgren (C-389/99, Rec. p. I-3731, points 44 à 49). Elle serait également cohérente avec le mode de financement des régimes d’assurance maladie par des cotisations basées sur les revenus perçus par les
intéressés, lesquelles, dans le cas de titulaires de pension, prennent la forme d’une retenue sur la pension. Si cette interprétation était retenue, il conviendrait encore de déterminer s’il y a lieu de prendre en considération la totalité de la période d’affiliation au régime d’assurance retraite indépendamment de son fondement et du paiement effectif des cotisations. La question se poserait, en outre, de savoir si les périodes d’affiliation volontaire au régime d’assurance doivent être
décomptées.
26 Enfin, selon la troisième interprétation, soutenue par le CVZ, la notion de «législation» viserait la législation relative à la sécurité sociale dans son ensemble. Selon le CVZ, l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 a pour finalité de faire supporter à l’État membre au régime de sécurité sociale duquel une personne a cotisé le plus longtemps la charge des frais des soins engagés lors de la retraite. Cette interprétation serait étayée par l’article 1er, sous j), de ce règlement, qui
définit le terme «législation» en renvoyant à l’article 4 de celui-ci. Si ce raisonnement était suivi, il conviendrait de s’interroger sur la prise en compte des périodes d’affiliation volontaire au régime d’assurance.
27 Dans ces conditions, le Centrale Raad van Beroep a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«La législation à laquelle le titulaire a été soumis le plus longtemps, au sens de l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement […] no 1408/71, vise-t-elle la législation relative aux prestations de maladie et de maternité, la législation relative aux pensions de vieillesse, ou toutes les législations relatives aux branches de la sécurité sociale énumérées à l’article 4 de ce règlement ayant été applicables sur le fondement de son titre II?»
28 À la demande de la juridiction de renvoi, le président de la Cour a décidé que cette affaire devait être jugée par priorité en vertu de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour.
Sur la question préjudicielle
29 Par sa question, la juridiction de renvoi demande si l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que la «législation» à laquelle le titulaire a été soumis le plus longtemps, visée à cette disposition, est celle relative aux prestations de maladie et de maternité, celle relative aux pensions ou rentes, ou toutes celles relatives aux branches de la sécurité sociale énumérées à l’article 4 de ce règlement qui ont été applicables.
30 Il ressort de la décision de renvoi que cette question est posée dans le cadre d’un litige portant sur la légalité de décisions des autorités néerlandaises de prélèvements de cotisations sur les pensions qu’elles servent à un ressortissant néerlandais et à un ressortissant britannique, bénéficiaires de pensions en vertu de la législation de plusieurs États membres autres que la République française et le Royaume d’Espagne où ils résident, au titre des prestations de maladie en nature servies, en
vertu de l’article 28 du règlement no 1408/71, dans l’État membre de leur résidence où ils n’ont pas droit à ces prestations. Ces décisions font suite à l’entrée en vigueur aux Pays-Bas, le 1er janvier 2006, du nouveau régime obligatoire d’assurance maladie institué par la ZVW, qui, remplaçant celui prévu avant cette date par la ZFW pour les seuls travailleurs salariés dont les revenus étaient inférieurs à certains seuils, s’applique désormais à l’ensemble des personnes résidant ou travaillant
dans cet État membre.
31 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 28 du règlement no 1408/71 énonce une «règle de conflit» permettant de déterminer, notamment, pour les titulaires de pensions ou de rentes dues au titre des législations de plusieurs États membres qui résident dans un autre État membre dans lequel ils n’ont pas droit aux prestations de maladie et de maternité, l’institution chargée du service desdites prestations, ainsi que la législation applicable (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 1980,
Jordens-Vosters, 69/79, Rec. p. 75, point 12; Rundgren, précité, points 43 et 44; du 3 juillet 2003, van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen, C-156/01, Rec. p. I-7045 point 39, ainsi que du 14 octobre 2010, van Delft e.a., C-345/09, Rec. p. I-9879, point 38).
32 Conformément à l’article 28, paragraphe 1, de ce règlement, ces titulaires de pensions ou de rentes bénéficient de telles prestations de maladie et de maternité servies par l’institution compétente de leur État membre de résidence, dans la mesure où ils auraient droit à celles-ci en vertu de la législation de l’État débiteur de la pension ou de la rente s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts précités van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen, points 40, 47 et 53,
ainsi que van Delft e.a., point 39).
33 En vertu de l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71, lorsque plusieurs États membres sont compétents en matière de pensions, la charge des prestations de maladie et de maternité en nature est attribuée à l’un d’entre eux en fonction de la durée pendant laquelle celui-ci a été soumis à la législation de chacun de ces États membres, cette charge incombant à l’institution compétente de l’État membre «à la législation duquel le titulaire a été soumis le plus longtemps».
34 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le CVZ s’estime compétent pour réclamer aux requérants au principal le paiement de cotisations au titre des prestations de maladie en nature servies, conformément à l’article 28 du règlement no 1408/71, dans l’État membre de leur résidence, au motif que, en vertu du paragraphe 2, sous b), de cette disposition, ils ont été soumis le plus longtemps au régime de sécurité sociale néerlandais. Cette interprétation est partagée, dans la présente
procédure, par les gouvernements néerlandais et suédois.
35 En revanche, les requérants au principal, dans leurs observations, réitèrent que ladite disposition se rapporte à la législation relative aux prestations de maladie et de maternité. Les gouvernements estonien, finlandais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne considèrent, pour leur part, qu’il convient de se référer à la législation nationale relatives aux pensions et aux rentes.
36 Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses objectifs (voir, notamment, arrêt Rundgren, précité, point 41 et jurisprudence citée).
37 En ce qui concerne les termes de l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71, il est exact que, comme l’a fait valoir M. van der Helder, cette disposition, dans la première partie de sa première phrase, renvoie à la législation relative aux prestations de maladie et de maternité.
38 Toutefois, une telle circonstance ne saurait nécessairement être décisive aux fins de la réponse à apporter à la juridiction nationale. En effet, cette partie de la première phrase vise uniquement à rappeler la nature des prestations faisant l’objet du titre III du règlement no 1408/71, alors que le terme «législation» figurant dans la seconde partie de cette phrase, qui fait l’objet de la présente question, se rapporte à la détermination de l’État membre ayant la charge de ces prestations dans
le cas particulier des titulaires de pensions ou de rentes dues en vertu de la «législation» d’un seul ou de plusieurs États membres.
39 Par ailleurs, s’il est vrai que l’article 1er, sous j), du règlement no 1408/71 définit le terme «législation» comme visant, en substance, les réglementations nationales qui concernent les branches et les régimes de sécurité sociale visés à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, ainsi que les prestations spéciales à caractère non contributif visées à l’article 4, paragraphe 2 bis, de celui-ci, il ne saurait en être déduit que l’emploi de ce terme dans d’autres dispositions dudit
règlement renvoie systématiquement à l’ensemble des branches et régimes de sécurité sociale.
40 En effet, ainsi que le gouvernement finlandais l’a fait valoir à juste titre, les articles 1er, sous j), et 4, paragraphes 1 à 2 bis, du règlement no 1408/71 ont uniquement pour objet de délimiter le champ d’application matériel de ce règlement, en excluant, notamment, les dispositions conventionnelles. Ces dispositions n’ont, en revanche, nullement pour vocation de définir les règles particulières applicables aux différentes catégories de prestations qui composent le titre III du même règlement.
41 Dans ces conditions, il convient, pour déterminer la portée de la notion de «législation» à laquelle le titulaire a été soumis le plus longtemps, figurant à l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71, de se référer au contexte et à l’objectif de cette disposition.
42 À cet égard, il convient de relever que l’article 28 du règlement no 1408/71 fait partie, à l’instar des articles 27 et 28 bis, du titre III, chapitre 1er, section 5, dudit règlement, relatif aux droits des titulaires de pensions ou de rentes aux prestations de maladie et de maternité.
43 L’article 27 du règlement no 1408/71 traite de la situation du titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations de plusieurs États membres, dont celle de l’État membre sur le territoire duquel il réside, et qui a droit aux prestations dans ce dernier. L’article 28 de ce règlement, ainsi qu’il ressort déjà des points 31 et 32 du présent arrêt, se rapporte à la situation du titulaire de pensions ou de rentes dues au titre des législations d’un seul ou de plusieurs États membres,
autres que l’État de résidence, et qui n’a pas droit aux prestations dans ce dernier État. Quant à l’article 28 bis dudit règlement, il régit une situation comparable à celle visée par son article 28, mais avec cette différence qu’un droit aux prestations en nature existe dans l’État de résidence (arrêt Rundgren, précité, point 43).
44 Or, dans le système ainsi mis en place par lesdits articles 27, 28 et 28 bis, l’institution à laquelle incombe la charge des prestations de maladie et de maternité en nature est toujours une institution d’un État membre compétent en matière de pensions, dans la mesure où le titulaire de la pension ou de la rente aurait droit à ces prestations en vertu de la législation de cet État membre s’il résidait sur son territoire (voir, en ce sens, arrêt Rundgren, précité, point 46).
45 À cet égard, l’article 28 bis du règlement no 1408/71, qui vise la situation dans laquelle l’État de résidence du titulaire d’une pension ou d’une rente ne subordonne pas le droit aux prestations en nature à des conditions d’assurance ou d’emploi, prévoit d’ailleurs explicitement que «la charge [de ces prestations] incombe à l’institution de l’un des États membres compétents en matière de pensions», de telle sorte qu’elle ne soit pas supportée par l’État membre sur le territoire duquel réside
l’intéressé du seul fait qu’il y réside. L’objectif de cette disposition est ainsi de ne pas pénaliser les États membres dont la législation ouvre un droit aux prestations en nature sur l’unique fondement de la résidence sur leur territoire, en déterminant l’institution qui supporte la charge des prestations en nature servies dans ces États selon des règles identiques à celles qui s’appliquent, en vertu de l’article 28 dudit règlement, dans le cas des États membres qui ne reconnaissent pas un tel
droit (voir, en ce sens, arrêt Rundgren, précité, point 45).
46 Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, en vertu de ces règles, l’institution du lieu de résidence sert les prestations en nature aux titulaires de pensions ou de rentes pour le compte et à la charge de l’institution de l’un des États membres compétents en matière de pensions (voir arrêts précités Rundgren, point 45, ainsi que van Delft e.a., point 39).
47 Il en ressort que le système institué par les articles 27, 28 et 28 bis du règlement no 1408/71 établit un lien entre la compétence pour servir les pensions ou rentes et l’obligation d’assumer la charge des prestations de maladie et de maternité en nature, cette obligation étant accessoire à une compétence effective en matière de pensions ou de rentes (voir arrêt Rundgren, précité, point 47).
48 Ainsi que M. l’avocat général l’a en substance indiqué aux points 48 à 51 de ses conclusions, un tel système est de nature à éviter, conformément à l’objectif poursuivi par l’article 28 bis du règlement no 1408/71, tel que rappelé au point 45 du présent arrêt, de pénaliser les États membres dont la législation ouvre un droit aux prestations de maladie et de maternité sur le seul fondement de la résidence sur leur territoire.
49 Il s’ensuit que la «législation» à laquelle le titulaire a été soumis le plus longtemps, visée à l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71, est la législation relative aux pensions ou aux rentes.
50 En conséquence, lorsque les intéressés sont, comme dans l’affaire au principal, titulaires de pensions ou de rentes dues au titre de la législation de plusieurs États membres et qu’ils résident dans un autre État membre dans lequel ils n’ont pas droit aux prestations de maladie et de maternité en nature, la charge de ces prestations incombe, en vertu de cette disposition, à l’État membre compétent en matière de pensions ou de rentes à la législation duquel ces intéressés ont été soumis à cet
égard pour la période la plus longue.
51 Cette interprétation est corroborée par l’article 33 du règlement no 1408/71, en ce que cette disposition permet précisément à l’État membre débiteur d’une pension ou d’une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations pour la couverture des prestations de maladie et de maternité d’opérer ces retenues sur les pensions ou les rentes dues par lui lorsque ces prestations sont servies à sa charge dans l’État de résidence dudit titulaire, en vertu des articles 27, 28 et 28
bis de ce règlement.
52 Elle est également confirmée par l’article 95 du règlement no 574/72, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1223/98, duquel il ressort que, conformément à l’article 36 du règlement no 1408/71, les prestations de maladie et de maternité en nature servies aux titulaires de pensions ou de rentes dans leur État de résidence sont, en tout état de cause, remboursées par un État membre débiteur de pension, lequel supporte ainsi
l’essentiel du risque lié au service des prestations de maladie en nature dans l’État membre dans lequel réside le titulaire d’une pension ou d’une rente (voir, en ce sens, arrêts précités van der Duin et ANOZ Zorgverzekeringen, point 44, ainsi que van Delft e.a., point 79).
53 Dans les motifs de sa décision, la juridiction de renvoi s’interroge, par ailleurs, sur le point de savoir si seules les périodes d’assurance obligatoire et celles ayant donné lieu au paiement de cotisations doivent être prises en compte aux fins de l’application de l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 14018/71, à l’exclusion, partant, des périodes d’assurance facultative et de celles n’ayant donné lieu au paiement d’aucune cotisation.
54 Cependant, il ne ressort pas des éléments fournis à la Cour que la réponse à cette interrogation soit, ainsi que l’ont confirmé tant M. van der Helder que le gouvernement néerlandais et la Commission lors de l’audience en réponse à une question de la Cour, de nature à exercer une incidence sur la détermination, dans l’affaire au principal, de l’État membre auquel incombe la charge des prestations en cause, la législation relative aux pensions ou aux rentes à laquelle les requérants au principal
ont été soumis le plus longtemps étant, en tout état de cause, la législation néerlandaise.
55 Dans ces conditions, cette interrogation étant de nature hypothétique, il n’y a pas lieu d’y répondre (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C-188/10 et C-189/10, Rec. p. I-5667, point 27).
56 Il convient, dès lors, de répondre à la question posée que l’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens que la «législation» à laquelle le titulaire a été soumis le plus longtemps, visée à cette disposition, est celle relative aux pensions ou aux rentes.
Sur les dépens
57 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
L’article 28, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006,
doit être interprété en ce sens que la «législation» à laquelle le titulaire a été soumis le plus longtemps, visée à cette disposition, est celle relative aux pensions ou aux rentes.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.