CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 10 avril 2014 ( 1 )
Affaire C‑19/13
Ministero dell’Interno
contre
Fastweb SpA
[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]
«Marchés publics — Directive 89/665/CEE — Procédure de recours en matière de passation des marchés publics — Absence des conditions requises pour une procédure négociée sans publication d’un avis de marché — Pouvoir de l’instance responsable des procédures de recours de déclarer le contrat d’attribution dépourvu d’effets — Portée de l’exception visée à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 selon lequel cette instance doit maintenir les effets du contrat — Principe d’égalité de
traitement — Droit à un recours effectif»
1. Par le présent renvoi préjudiciel, la Cour est invitée à préciser l’étendue des pouvoirs d’annulation et de sanction reconnus au juge national par l’article 2 quinquies de la directive 89/665/CEE ( 2 ), lorsque celui-ci constate qu’un marché public a été attribué en violation des règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18/CE ( 3 ).
2. La directive 89/665 a pour objectif d’assurer une application effective des règles relatives à la passation des marchés publics en garantissant l’existence dans l’ensemble des États membres de procédures de recours efficaces et rapides ( 4 ). Par la modification introduite par la directive 2007/66, le législateur de l’Union a souhaité améliorer l’efficacité de ces procédures en renforçant les garanties de transparence et de non-discrimination. Dans cette optique, celui-ci a introduit, à
l’article 2 quinquies de la directive 89/665, des sanctions qui se veulent efficaces et dissuasives ( 5 ) de façon à garantir une protection juridictionnelle effective des soumissionnaires potentiels et des opérateurs économiques lésés et à lutter contre les violations les plus graves du droit des marchés publics, à savoir la passation illégale des marchés de gré à gré.
3. Ainsi, conformément à l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665, les États membres veillent à ce qu’un marché soit déclaré dépourvu d’effets par une instance de recours indépendante du pouvoir adjudicateur si le pouvoir adjudicateur a passé un marché sans avoir préalablement publié un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive 2004/18.
4. Ce principe connaît, néanmoins, une exception visée à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, dont la portée doit être ici examinée.
5. Cette disposition est rédigée dans les termes suivants:
«Les États membres prévoient que le paragraphe 1, point a), du présent article ne s’applique pas si:
— le pouvoir adjudicateur estime que la passation du marché sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée en vertu des dispositions de la directive 2004/18[...],
— le pouvoir adjudicateur a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché, tel que décrit à l’article 3 bis de la présente directive, et
— le marché n’a pas été conclu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de publication de cet avis.»
6. Conformément à l’article 3 bis de la directive 89/665, le pouvoir adjudicateur doit indiquer, dans son avis exprimant son intention de conclure le marché, son nom ainsi que ses coordonnées. Il doit également décrire l’objet du marché et justifier sa décision de l’attribuer sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne. Il doit, en outre, indiquer le nom et les coordonnées de l’opérateur économique auquel il a été décidé d’attribuer le marché et, le cas
échéant, il doit ajouter toute autre information qu’il juge utile à cette fin.
7. L’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 tend à faciliter le recours précontractuel, dans la mesure où, par la publication d’un avis exprimant une intention de conclure un marché ( 6 ) et par la suspension de la signature du contrat pendant un délai minimal de dix jours, le juge peut corriger en temps utile la violation des règles de passation des marchés publics ( 7 ).
8. Par son renvoi préjudiciel, le Consiglio di Stato (Italie) interroge la Cour sur l’interprétation et la validité de cette disposition au regard du principe d’égalité de traitement consacré par la jurisprudence comme un principe fondamental du droit de l’Union et du droit à un recours effectif consacré, quant à lui, à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).
9. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministero dell’Interno (ministre de l’Intérieur) à Fastweb SpA (ci-après «Fastweb»). Ce litige a pour objet l’attribution à Telecom Italia SpA (ci-après «Telecom Italia») d’un marché public relatif à la fourniture de services de communication électronique pour une durée de sept ans et d’une valeur de 521500000 euros.
10. Il est constant, dans la présente affaire, que le Ministero dell’Interno n’a pas respecté les règles relatives à la passation des marchés publics en procédant à l’attribution de ce marché par la voie d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne.
11. Par une décision du 8 janvier 2013, le Consiglio di Stato a jugé cette attribution illégale et a annulé cette dernière.
12. Néanmoins, le Consiglio di Stato a constaté que le Ministero dell’Interno a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché avec Telecom Italia, conforme aux prescriptions visées à l’article 3 bis de la directive 89/665. Il a également reconnu que celui-ci a respecté le délai de suspension minimale de dix jours entre l’attribution du marché et la signature du contrat. En application de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de cette
directive, le juge national serait donc tenu de maintenir les effets de ce contrat, malgré l’illégalité de celui-ci.
13. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi s’est interrogée quant à l’étendue des pouvoirs d’annulation et de sanction reconnus au juge national.
14. Le Consiglio di Stato a, par conséquent, sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive [89/665] doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu’un pouvoir adjudicateur – avant d’attribuer le marché directement à un opérateur économique déterminé, choisi sans publication d’un avis de marché – a publié l’avis en cas de transparence ex ante volontaire au Journal officiel de l’Union européenne et a attendu au moins dix jours pour la conclusion du contrat, il est automatiquement interdit – toujours et en toute hypothèse – au juge
national de prononcer l’absence d’effet du contrat, même s’il constate la violation des normes qui permettent, à certaines conditions, d’attribuer le marché sans passer par une procédure d’appel d’offres?
2) À titre subsidiaire, si on l’interprète comme excluant toute possibilité de prononcer l’absence d’effet du contrat en application du droit national (article 122 du code de procédure administrative), nonobstant le fait que le juge a constaté la violation des normes qui permettent, à certaines conditions, d’attribuer le marché sans passer par une procédure d’appel d’offres, l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive [89/665] est-il conforme aux principes d’égalité entre les parties,
de non-discrimination et de protection de la concurrence et assure-t-il le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte [...]?»
15. Les parties au principal, les gouvernements italien, autrichien et polonais ainsi que le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ont déposé des observations.
16. Dans les présentes conclusions, nous considérerons que ni la finalité de la directive 89/665 ni les termes de son article 2 quinquies ne s’opposent à ce qu’un État membre reconnaisse, dans le chef de l’instance responsable de la procédure de recours, la liberté d’apprécier la mesure dans laquelle un contrat conclu sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne doit être privé de ses effets, lorsque cette instance constate que, malgré la publication d’un
avis exprimant son intention de conclure le marché au Journal officiel de l’Union européenne et le respect d’un délai de suspension minimale de dix jours entre l’attribution de ce marché et la signature du contrat, le pouvoir adjudicateur a violé les règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18 d’une façon délibérée et intentionnelle.
I – Les faits du litige au principal
17. Le département de sécurité publique du Ministero dell’Interno a conclu, en 2003, une convention avec Telecom Italia pour la gestion et le développement des services de télécommunication, laquelle devait expirer le 31 décembre 2011.
18. Confronté à l’expiration de cette convention, le Ministero dell’Interno a donc désigné, par une décision du 15 décembre 2011, Telecom Italia comme étant de nouveau son fournisseur et son partenaire technologique pour la gestion et le développement de ces services.
19. En vue de l’attribution du marché, celui-ci a estimé pouvoir recourir à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché en se fondant sur les termes de l’article 57, paragraphe 2, sous b), du décret législatif no 163, portant le code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (decreto legislativo n. 163 – Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle
direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE), du 12 avril 2006 ( 8 ), lequel transpose, dans l’ordre juridique italien, l’article 28, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/81/CE ( 9 ).
20. Conformément à cette dernière disposition, le pouvoir adjudicateur peut passer un marché en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché «lorsque, pour des raisons techniques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé».
21. En l’occurrence, le Ministero dell’Interno a considéré que Telecom Italia était le seul opérateur économique en mesure d’exécuter le marché de services, pour des raisons techniques et de protection de (certains) droits exclusifs.
22. Cette décision a été soumise à l’Avvocatura Generale dello Stato, lequel a rendu un avis favorable, le 20 décembre 2011, quant à la légalité de la procédure envisagée.
23. Le même jour, le Ministero dell’Interno a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention d’attribuer à Telecom Italia le marché relatif à «la fourniture au département de sécurité publique et au corps des carabinieri, de services de communication électronique, en particulier de phonie vocale, de phonie mobile et de transmission de données, dans le respect de toutes les conditions de confidentialité et de sécurité des informations dans l’intérêt de la sécurité
nationale».
24. Le 22 décembre 2011, le Ministero dell’Interno a adopté la décision administrative invitant Telecom Italia à participer à la négociation prévue le 23 décembre 2011.
25. Les parties ont signé la convention-cadre le 31 décembre 2011, soit après l’expiration d’un délai de dix jours calculé à partir de la date de publication de l’avis au Journal officiel de l’Union européenne, pour une durée de sept ans et pour un montant de 521500000 euros.
26. L’avis d’attribution du marché a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 16 février 2012.
27. Fastweb a introduit un recours en annulation devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio qui est l’instance responsable des procédures de recours engagés contre l’attribution d’un marché public en Italie. Fastweb a demandé à ce que cette attribution soit déclarée nulle et privée d’effets au motif que les conditions visées à l’article 28, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/81 pour recourir à une procédure négociée sans publication d’un avis de marché n’étaient pas réunies.
28. Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a accueilli ce recours. Il a considéré que les données et les circonstances invoquées par le Ministero dell’Interno ne constituaient pas des «raisons techniques», au sens de l’article 57, paragraphe 2, sous b), du décret législatif no 163/2006, mais se fondaient sur des motifs liés à l’opportunité et aux difficultés qui pourraient découler de l’attribution du marché à un autre opérateur économique. Après avoir annulé l’attribution du marché, le
Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a considéré qu’il ne pouvait pas priver le contrat de ses effets dans la mesure où le Ministero dell’Interno avait satisfait à l’obligation de transparence et avait respecté le délai de suspension minimale requis par l’article 121, paragraphe 5, du code de procédure administrative, lequel transpose l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 dans l’ordre juridique italien.
29. En revanche, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a considéré que ces dispositions ne s’opposaient pas à ce qu’il déclare le contrat de nul effet à compter du 31 décembre 2013, en se fondant sur les termes de l’article 122 du code de procédure administrative.
30. Le Ministero dell’Interno ainsi que Telecom Italia ont interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato.
31. Ce dernier a confirmé l’annulation de l’attribution en cause. Il a également jugé que le pouvoir adjudicateur n’avait pas démontré à suffisance que les conditions requises pour recourir à une procédure négociée sans publication d’un avis de marché étaient satisfaites. À cet égard, il a considéré que l’ensemble des observations et des pièces produites, y compris le rapport technique, faisait apparaître non pas tant une impossibilité objective de confier ces services à des opérateurs économiques
différents, mais plutôt le caractère inopportun d’une telle solution, essentiellement parce que, selon le Ministero dell’Interno, cette solution entraînerait des changements et des coûts et nécessiterait des temps d’adaptation.
32. En revanche, le Consiglio di Stato s’est interrogé sur les conséquences qu’il convient de tirer d’une telle annulation s’agissant des effets du contrat en cause, compte tenu des principes fixés par le législateur de l’Union à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665.
II – Le droit italien
33. La directive 89/665 a été transposée dans l’ordre juridique italien par le décret législatif no 53, du 20 mars 2010, dont le contenu a été intégré par la suite aux articles 120 et suivants du code de procédure administrative.
34. L’article 121, paragraphe 1, du code de procédure administrative transpose, dans l’ordre juridique italien, l’article 2 quinquies, paragraphe 1, de la directive 89/665. Il dispose que la juridiction qui annule l’attribution définitive déclare l’absence d’effets du marché dans les cas suivants, en précisant en fonction des conclusions des parties et de l’appréciation de la gravité du comportement de l’entité adjudicatrice et de la situation de fait si la déclaration d’absence d’effets se limite
aux prestations restant à exécuter à la date de la publication de la décision ou si elle est rétroactive:
— si l’attribution définitive a eu lieu sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne ou à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana, quand cette publication est prescrite par le décret législatif no 163/2006;
— si l’attribution définitive a eu lieu par une procédure négociée sans publication d’un avis ou par une attribution en régie sans que cela soit autorisé et que cela ait pour conséquence l’omission de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne ou à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana, quand cette publication est prescrite par le décret législatif no 163/2006.
35. L’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 a été transposé par l’article 121, paragraphe 5, du code de procédure administrative, lequel prévoit que l’absence d’effets du marché prévue au paragraphe 1, sous a) et b), de cet article 121 ne s’applique pas lorsque l’entité adjudicatrice a:
— par acte motivé antérieur au lancement de la procédure d’attribution, déclaré que la procédure sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne ou à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana est permise par le décret législatif no 163/2006;
— publié un avis, pour les marchés de dimension communautaire et pour ceux inférieurs au seuil, respectivement, au Journal officiel de l’Union européenne et à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana, en cas de transparence ex ante volontaire au sens de l’article 79 bis du décret législatif no 163/2006, dans lequel elle manifeste son intention de conclure le marché, et
— conclu le marché au plus tôt dix jours à compter du lendemain du jour de la publication de l’avis visé audit point b).
36. L’article 122 du code de procédure administrative ajoute que, à l’exception des cas visés à l’article 121, paragraphe 1, de ce code, le juge qui annule l’attribution définitive établit s’il convient de déclarer le marché dépourvu d’effet, en indiquant à compter de quelle date, en tenant compte, en particulier, des intérêts des parties, de la possibilité effective pour le requérant d’obtenir l’adjudication à la lumière des vices constatés, de l’état d’exécution du contrat et de la possibilité de
le reprendre, dans les cas où le vice qui entache l’attribution n’implique pas l’obligation de recommencer la procédure et où la demande de reprise du contrat a été présentée.
37. L’article 3 bis de la directive 89/665 relatif au contenu et à la forme de l’avis en cas de transparence ex ante volontaire est transposé par l’article 79 bis du décret législatif no 163/2006.
III – Notre analyse
38. Nous avons fait le choix d’examiner ensemble les deux questions posées par le Consiglio di Stato.
39. Par ces questions, celui-ci interroge, en substance, la Cour sur le point de savoir si, aux termes de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement et du droit à un recours effectif, le juge national est tenu, quelles que soient les circonstances, de maintenir les effets d’un contrat conclu sans publication préalable d’un avis de marché lorsque le pouvoir adjudicateur a publié un avis exprimant son intention de conclure le marché
au Journal officiel de l’Union européenne et a respecté le délai de suspension minimale de dix jours prévu par ladite disposition entre l’attribution de ce marché et la signature du contrat.
40. Nous ne le pensons pas. En effet, nous estimons que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 ne peut pas instituer un tel automatisme, au risque de compromettre l’effet utile des dispositions introduites par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 2007/66 et de violer certains des principes fondamentaux que ce législateur reconnaît dans le chef de l’opérateur économique lésé.
41. L’article 2 de la directive 2004/18, intitulé «Principes de passation des marchés», contraint le pouvoir adjudicateur à traiter les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et à agir avec transparence.
42. Dans ce cadre, la Cour a jugé que le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires ou des candidats constitue un principe fondamental du droit de l’Union en matière de marchés publics ( 10 ). Le respect dudit principe doit permettre d’assurer la libre circulation des services dans l’Union européenne et a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les opérateurs économiques intéressés dans tous les États membres ( 11 ). Comme l’a Cour l’a
rappelé, il s’oppose, par conséquent, à toute négociation entre le pouvoir adjudicateur et un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché. Le respect du principe d’égalité de traitement implique non seulement une absence de discrimination en raison de la nationalité, mais également une obligation de transparence de la procédure de passation des marchés publics ( 12 ). Cette transparence a essentiellement pour but de garantir, en faveur de tous les soumissionnaires
potentiels, un degré de publicité adéquat de la procédure d’adjudication permettant ainsi une ouverture à la concurrence et le contrôle de l’impartialité de la procédure ( 13 ). Elle vise donc à éviter le risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur de façon à ce que ces soumissionnaires puissent disposer des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres ( 14 ).
43. De telles obligations créent dans le chef des opérateurs économiques des droits qui doivent pouvoir faire l’objet d’une protection juridictionnelle effective de la part du juge national. Ce dernier doit donc être en mesure de garantir la pleine exécution de sa décision de justice et doit pouvoir adopter des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives afin d’assurer la pleine efficacité des règles relatives à la passation des marchés publics.
44. C’est pour garantir une application effective de ces principes ainsi qu’une protection juridictionnelle effective des soumissionnaires concernés contre les risques de favoritisme et d’arbitraire du pouvoir adjudicateur que le législateur de l’Union a fait le choix de renforcer, dans la directive 2007/66, l’efficacité des procédures de recours introduites dans les États membres par les personnes ayant un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été lésée par une violation alléguée ( 15 ).
45. La directive 89/665 n’établit, en principe, que les conditions minimales auxquelles doivent répondre les procédures de recours instaurées dans les ordres juridiques nationaux ( 16 ) et n’exclut pas, conformément au considérant 20 de la directive 2007/66, l’application de sanctions plus sévères en vertu de la législation nationale, respectant ainsi, conformément au considérant 34 de celle-ci, le principe d’autonomie procédurale des États membres.
46. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 exige ainsi des États membres qu’ils garantissent à tout opérateur économique lésé la possibilité d’introduire un recours efficace et aussi rapide que possible contre les décisions illégales des pouvoirs adjudicateurs, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de cette directive ( 17 ).
47. À cette fin et conformément à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, ces derniers sont tenus de reconnaître dans le chef de l’instance responsable des procédures de recours les pouvoirs suivants:
— le pouvoir d’adopter des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés;
— le pouvoir d’annuler les décisions illégales, et
— le pouvoir d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées.
48. À l’article 2, paragraphe 7, de la directive 89/665, le législateur de l’Union reconnaît dans le chef des États membres la liberté de déterminer dans leur droit national les effets qui doivent s’attacher à l’exercice de ces pouvoirs quant à la poursuite du contrat en cause.
49. Néanmoins, le législateur de l’Union exclut de cette liberté les hypothèses prévues aux articles 2 quinquies à 2 septies de cette directive et, en particulier, les cas dans lesquels le juge national a annulé le contrat en raison de la violation des règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18. Dans cette hypothèse, il a donc fait le choix d’encadrer les pouvoirs de l’instance responsable de la procédure de recours en fixant expressément les effets qui doivent
s’attacher à l’annulation d’un tel contrat.
50. Ainsi, l’article 2 quinquies de la directive 89/665, intitulé «Absence d’effets», exige, à son paragraphe 1, sous a), que l’instance responsable de la procédure de recours prive le contrat de ses effets lorsque le pouvoir adjudicateur a attribué un marché sans avoir préalablement publié un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, et ce contrairement aux prescriptions de la directive 2004/18. Les termes sont clairs, la marge de manœuvre reconnue aux États membres est, en
principe, inexistante.
51. Le législateur de l’Union justifie cet encadrement au considérant 13 de la directive 2007/66, au motif que la passation illégale d’un marché de gré à gré constitue, selon la jurisprudence de la Cour, la violation la plus importante du droit de l’Union en matière de marchés publics ( 18 ). Il estime qu’il convient, par conséquent, de prévoir une sanction effective, proportionnée et dissuasive, ce qui exige de priver un tel contrat de ses effets.
52. Dans ces conditions, lorsque l’instance responsable de la procédure de recours constate que l’attribution d’un marché public par la voie d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché est illégale, celle-ci doit annuler le marché et priver celui-ci de ses effets de façon à rétablir la concurrence et à créer de nouvelles perspectives commerciales pour l’opérateur économique lésé ( 19 ).
53. La rigueur de ce principe est, néanmoins, atténuée à l’article 2 quinquies, paragraphe 2, de la directive 89/665, puisque le législateur de l’Union reconnaît dans le chef des États membres la liberté de déterminer les conséquences qui doivent s’attacher à la déclaration d’absence d’effets du marché.
54. En outre, ledit principe connaît une exception visée à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de cette directive – dont nous devons, ici, interpréter les termes et la portée.
55. Nous rappelons que, aux termes de cette disposition, les «États membres prévoient que le paragraphe 1, point a), du présent article ne s’applique pas si»:
— le pouvoir adjudicateur a estimé que la conclusion du marché sans publication préalable était autorisée en vertu des dispositions de la directive 2004/18;
— il a satisfait à une obligation de transparence préalablement à la signature du contrat en publiant un avis en cas de transparence ex ante volontaire au Journal officiel de l’Union européenne, et
— il a respecté le délai de suspension minimale de dix jours entre la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis exprimant son intention de conclure le marché et la conclusion de ce dernier.
56. Le Parlement et la Commission ont confirmé lors de l’audience que ces conditions sont bien cumulatives.
57. Il ressort très clairement des considérants 13, 14 et 26 de la directive 2007/66 que, en introduisant cette exception à la règle, le législateur de l’Union tend à concilier les différents intérêts en cause, à savoir ceux de l’entreprise lésée dont la satisfaction implique la possibilité d’introduire un référé précontractuel et l’annulation du contrat illégalement conclu ainsi que ceux du pouvoir adjudicateur et de l’entreprise sélectionnée qui impliquent d’éviter l’incertitude juridique
susceptible de découler de l’absence d’effets du contrat.
58. À l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, le législateur de l’Union emploie des termes impératifs et, en l’absence de toute autre indication dans le texte, cette disposition exige de l’instance responsable de la procédure de recours qu’elle maintienne les effets d’un contrat, dont l’annulation a pourtant été prononcée, lorsque chacune des trois conditions est satisfaite, et ce afin de préserver l’équilibre recherché entre les différentes parties concernées.
59. En ajoutant à la directive 89/665, dans sa version initiale, une disposition distincte et aussi spécifique que celle de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, nous pensons que le législateur de l’Union a entendu dégager une règle commune et impérative à l’ensemble des États membres. Contrairement à d’autres dispositions dans lesquelles il reconnaît expressément aux États membres le soin de déterminer, dans le cadre de leur autonomie procédurale, les conséquences qu’il convient de tirer de
l’annulation du contrat et de la privation de ses effets ( 20 ), l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 ne semble pas permettre à ces États d’adopter une sanction plus sévère au sens du considérant 20 de la directive 2007/66, et en particulier de prononcer l’absence d’effets du contrat.
60. Pour autant, cela signifie-t-il, comme nous le demande expressément la juridiction de renvoi, qu’«il est automatiquement interdit – toujours et en toute hypothèse» – à l’instance responsable de la procédure de recours de prononcer l’absence d’effets du contrat?
61. Nous pensons que la marge de manœuvre dont dispose cette instance réside dans le contrôle juridictionnel que celle-ci doit exercer quant à la satisfaction des conditions visées à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, et en particulier de la première condition.
62. En effet, si ladite instance constate que les conditions visées à cette disposition sont réunies, celle-ci est alors tenue de maintenir les effets du contrat conformément aux termes et à la finalité de ladite disposition. En revanche, si, à l’issue de son contrôle juridictionnel, l’instance responsable de la procédure de recours constate que ces conditions ne sont pas satisfaites, celle-ci doit alors déclarer l’absence d’effets du contrat conformément à la règle visée à l’article 2 quinquies,
paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665 et dispose, dans ce cadre, de la marge de manœuvre que lui confère cette directive à son article 2 quinquies, paragraphe 2.
63. La marge d’appréciation dont dispose l’instance responsable de la procédure de recours dépend donc de l’issue de son contrôle juridictionnel.
64. Nous insistons sur la portée de ce contrôle pour deux raisons.
65. La première est liée à la réalisation des objectifs que le législateur de l’Union entend poursuivre à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665, et en particulier à l’établissement de voies de recours efficaces contre les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs en violation du droit des marchés publics.
66. Le contrôle juridictionnel s’impose pour garantir le respect du principe d’égalité de traitement ainsi que de l’obligation de transparence en découlant et pour prononcer, le cas échéant, une sanction effective et dissuasive.
67. Ce contrôle s’impose également si nous voulons garantir l’effectivité du recours introduit par l’entreprise lésée conformément à l’article 47 de la Charte. Rappelons que, aux termes du considérant 36 de la directive 2007/66, le législateur de l’Union s’engage à ce que cette «directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus notamment par la [C]harte» et, en particulier, à ce qu’elle assure le plein respect du droit à un recours effectif tel qu’il est consacré à
l’article 47 de la Charte. Or, le respect du droit à un recours juridictionnel effectif suppose que le juge national dispose d’un pouvoir d’appréciation quant au respect du droit applicable et, en l’occurrence, quant à la satisfaction des conditions énoncées à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665.
68. La seconde raison est liée aux termes que le législateur de l’Union emploie dans la rédaction de la première condition visée à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, premier tiret, de cette directive.
69. Nous rappelons, en effet, que, conformément à cette disposition, le juge national est tenu de maintenir les effets du contrat conclu illégalement, lorsque «le pouvoir adjudicateur estime que la passation du marché sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée en vertu des dispositions de la directive 2004/18» ( 21 ).
70. Or, il nous semble extrêmement difficile de poursuivre les objectifs susmentionnés en reconnaissant, dans le chef du pouvoir adjudicateur, une marge de manœuvre aussi importante que celle dont il dispose dans le cadre de ladite disposition, sans que celle-ci soit soumise à un quelconque contrôle juridictionnel.
71. En effet, en l’état, cette condition est purement potestative et la protection juridique de l’opérateur économique lésé viciée ( 22 ).
72. Premièrement, elle revient à reconnaître au pouvoir adjudicateur, au mépris des termes, du contexte et de l’objectif des dispositions de la directive 89/665, la liberté de décider ou non de procéder à un appel d’offres et, par conséquent, de respecter ou non les principes de transparence et de non-discrimination consacrés à l’article 2 de la directive 2004/18 tout en lui garantissant que le contrat conclu en violation des règles de publicité ne sera pas privé d’effets, s’il a néanmoins publié au
Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché et a respecté le délai de suspension minimale de dix jours. L’opérateur économique évincé ne disposera, en fait, que de la possibilité d’engager un recours en dommages et intérêts, lequel ne permettra pas la remise en concurrence du marché illégalement attribué.
73. Or, il y a manifestement un paradoxe.
74. En effet, nous rappelons que la directive 89/665 vise expressément à accroître les garanties de transparence et de non-discrimination dans le cadre des procédures de passation des marchés publics de façon à garantir à l’opérateur économique lésé une protection juridique complète ( 23 ). Par ailleurs, nous rappelons également que c’est pour lutter contre la passation illégale des marchés de gré à gré et pour protéger les soumissionnaires potentiels contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur que
le législateur de l’Union a fait le choix de renforcer, dans la directive 2007/66, l’efficacité des procédures de recours ( 24 ).
75. Deuxièmement, ladite condition permet, en l’état, au pouvoir adjudicateur d’attribuer un marché public de gré à gré contraire aux exigences visées à la directive 2004/18, en procédant à des formalités minimales et en s’exposant à une sanction minimale, de sorte que celui-ci pourrait abuser des droits qui lui sont reconnus.
76. Comme le relève Fastweb dans ses observations, il est ainsi plus aisé de conclure un marché public avec l’entreprise de son choix plutôt que de procéder à un appel d’offres régulier respectueux des règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18.
77. Tout d’abord, le calendrier de l’appel d’offres est effectivement évité et le marché public peut être attribué plus rapidement. La présente affaire illustre parfaitement bien ce point, puisque la procédure liée à l’attribution du marché en cause, d’une durée de sept ans et d’un montant de 521500000 euros, a été entamée le 15 décembre 2011 et a été achevée le 31 décembre 2011, soit quinze jours plus tard.
78. Ensuite, le régime de publicité est différent. Dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres régulière, le pouvoir adjudicateur est, en effet, tenu de publier un avis de marché et de notifier à chacun des soumissionnaires les décisions prises. La publicité préalable et la mise en concurrence sont donc formalisées. Dans le cadre de la procédure négociée sans publication d’un avis de marché, le pouvoir adjudicateur est tenu par une simple obligation de publicité au Journal officiel de l’Union
européenne, l’entreprise intéressée disposant alors de dix jours pour introduire un recours précontractuel. Il est évident que cette publicité n’assure pas l’information de l’intéressé comme peut le garantir la publication d’un appel d’offres au Journal officiel de l’Union européenne ou la notification individuelle des décisions adoptées par le pouvoir adjudicateur et limite, par conséquent, les procédures de recours.
79. Enfin, lorsque l’attribution du marché est illégale, en raison notamment d’un vice affectant la procédure d’appel d’offres, le contrat peut être privé d’effets. En revanche, dans le cadre de la procédure visée à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, l’instance responsable de la procédure de recours est tenue de maintenir les effets d’un contrat conclu en violation des règles de publicité et de mise en concurrence si le pouvoir adjudicateur a publié un avis en cas de
transparence ex ante volontaire et a respecté le délai de suspension minimale de dix jours entre cette publication et la conclusion du contrat. Elle peut, certes, condamner ce dernier à des dommages et intérêts. Or, l’octroi de dommages et intérêts ne permet pas la remise en concurrence du marché illégalement attribué.
80. Par conséquent, il nous semble indispensable que, dans le cadre de son contrôle juridictionnel des conditions visées à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, l’instance responsable de la procédure de recours apprécie le comportement du pouvoir adjudicateur. À notre sens, elle doit, en particulier, examiner si celui-ci a agi de bonne foi et avec la diligence requise dans le cadre de la conclusion du contrat et si les motifs avancés par celui-ci pour procéder à une
attribution de marché par la voie d’une procédure négociée sans publication d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne sont ou étaient légitimes.
81. Telle est l’opinion exprimée également par les gouvernements italien et polonais ainsi que par le Conseil et la Commission dans leurs observations ( 25 ).
82. En effet, il ne faut pas perdre de vue que le maintien des effets du contrat visé à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 repose sur la bonne foi du pouvoir adjudicateur et tend à préserver la sécurité juridique des cocontractants. Le législateur de l’Union le reconnaît expressément au considérant 26 de la directive 2007/66, insistant sur la nécessité d’«éviter l’incertitude juridique susceptible de découler de l’absence d’effets» du contrat. La Cour l’a, en outre,
expressément admis dans l’arrêt Commission/Allemagne ( 26 ).
83. Or, il ne peut y avoir de sécurité juridique ni de confiance légitime lorsque le pouvoir adjudicateur a agi de mauvaise foi dans l’application de la règle de droit et qu’il a manqué d’une façon délibérée et intentionnelle aux règles de passation des marchés publics.
84. Lors de l’audience, Telecom Italia a exposé l’idée selon laquelle l’article 2 quinquies, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 89/665 n’imposerait nullement au pouvoir adjudicateur d’agir de bonne foi et avec diligence, estimant que la seule obligation pesant sur ce dernier est une obligation de motivation. Nous rejetons fermement cette interprétation, car la bonne foi de l’administration est consubstantielle à sa fonction et fonde la confiance légitime que les administrés doivent pouvoir
placer à l’égard de son action. Il s’agit donc de l’un des principes fondamentaux gouvernant au quotidien son activité. Par conséquent, il nous semble évident que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, premier tiret, de ladite directive présuppose, aux fins de son application, que le pouvoir adjudicateur ait agi de bonne foi.
85. Il est donc indispensable que le juge national examine les raisons qui, logiquement et honnêtement, ont pu conduire le pouvoir adjudicateur à considérer qu’il était en droit de procéder à une attribution de marché par la voie d’une procédure négociée, sans publication d’un avis de marché, et distingue l’erreur commise de bonne foi d’une méconnaissance intentionnelle des règles de passation des marchés publics. C’est après cet examen que le juge national sera en mesure de déterminer la sanction
la plus appropriée.
86. Il existe donc deux hypothèses.
87. La première est celle dans laquelle le juge national constate que l’erreur de droit commise par le pouvoir adjudicateur est excusable, car il a fait preuve de bonne foi. Dans ces conditions, celui-ci est tenu de maintenir les effets du contrat conformément aux termes de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 de façon à préserver l’équilibre recherché entre les intérêts des différentes parties.
88. À cet égard, rien n’indique que l’instance responsable de la procédure de recours peut alors adopter des sanctions de substitution telles que celles visées à l’article 2 sexies, paragraphe 2, de ladite directive.
89. Premièrement, l’instance responsable de la procédure de recours ne peut procéder à une substitution de sanction que s’il existe une sanction à substituer. En d’autres termes, il doit exister une base juridique pour que cette instance puisse prononcer une sanction. Or, dans l’hypothèse où l’ensemble des conditions visées à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 seraient réunies, nous avons vu que le législateur de l’Union exige de ladite instance qu’elle maintienne les effets
du contrat, privant ainsi cette dernière de la possibilité de sanctionner le pouvoir adjudicateur en privant le contrat de ses effets. La «sanction», au sens entendu par ladite directive, fait donc défaut.
90. Deuxièmement, s’agissant des sanctions de substitution visées à l’article 2 sexies de la directive 89/665, le législateur de l’Union vise expressément les hypothèses dans lesquelles l’instance responsable de la procédure de recours peut substituer à l’absence d’effets du contrat une pénalité financière ou un raccourcissement de la durée du marché et aucune mention n’est faite de la situation couverte par l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de ladite directive ( 27 ).
91. Dans ces conditions, nous pouvons effectivement nous demander s’il convient d’étendre la portée matérielle de l’article 2 sexies de la directive 89/665. Nous ne le pensons pas, car une telle interprétation méconnaîtrait les termes mêmes de l’article 2, paragraphe 7, de ladite directive ainsi que l’intention du législateur de l’Union. En effet, dans cette dernière disposition, celui-ci a expressément exclu les situations visées audit article 2 sexies du champ de la liberté reconnue aux États
membres pour déterminer les effets qui doivent s’attacher à l’exercice de leur pouvoir de sanction.
92. La seconde hypothèse est celle dans laquelle le juge national estime que l’erreur de droit est inexcusable, que le pouvoir adjudicateur a délibérément et volontairement méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence préalables. Dans ce cas, un tel manquement doit, évidemment, être sanctionné. Il n’existe, en effet, aucun motif légitime justifiant le maintien des effets d’un contrat dont la conclusion constitue, au sens de la jurisprudence de la Cour, la violation la plus importante du
droit des marchés publics.
93. Dans ces conditions, l’instance responsable de la procédure de recours est alors tenue de priver le contrat de ses effets conformément au principe visé à l’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665 et de rétablir dans ses droits l’opérateur économique lésé par cet acte frauduleux.
94. Dans une telle hypothèse, les États membres ne peuvent être privés de la possibilité de déclarer le contrat dépourvu d’effets, car, si tel était le cas, le pouvoir adjudicateur serait alors libre de méconnaître les règles de publicité et de mise en concurrence requises par la loi, sous réserve de devoir payer, le cas échéant, des dommages et intérêts à l’opérateur économique lésé. Or, une telle interprétation compromettrait assurément les objectifs que le législateur de l’Union a entendu
poursuivre en adoptant la directive 2007/66 ( 28 ).
95. Rappelons que le but est d’assurer l’efficacité de la sanction. Or, dans une situation où le pouvoir adjudicateur a manifestement agi dans l’intention de contourner les règles applicables, seule l’absence d’effets du contrat permet de garantir une sanction dissuasive et efficace.
96. Rappelons également que la finalité de la directive 89/665 est de garantir le respect du principe d’égalité de traitement. Or, seules l’annulation du contrat illégalement conclu et la privation des effets de celui-ci permettent de rétablir la concurrence sur le marché et de créer de nouvelles perspectives commerciales pour l’opérateur économique qui a été illégalement privé de la possibilité de participer à la procédure de passation du marché.
97. Cela étant dit, il faut, à présent, préciser que l’instance responsable de la procédure de recours reste libre d’apprécier la mesure dans laquelle le contrat doit être privé de ses effets, et ce conformément à l’article 2 quinquies, paragraphe 2, de la directive 89/665.
98. En effet, nous avons vu que cette disposition reconnaît aux États membres la liberté de déterminer dans leur droit national les conséquences qui doivent s’attacher à la déclaration d’absence d’effets d’un marché. Selon le législateur de l’Union, les États membres peuvent ainsi conférer à l’instance responsable de la procédure de recours le pouvoir d’annuler rétroactivement toutes les obligations contractuelles ou de limiter la portée de l’annulation du contrat aux obligations qui doivent encore
être exécutées. Néanmoins, le législateur de l’Union entend, dans ce dernier cas, conférer un large pouvoir d’appréciation à l’instance responsable de la procédure de recours. En effet, celui-ci renvoie expressément aux termes de l’article 2 sexies, paragraphe 2, de la directive 89/665. Conformément à cette disposition, les États membres peuvent conférer à cette instance un pouvoir d’appréciation important pour examiner, au regard de tous les facteurs pertinents, y compris la gravité de la
violation, le comportement du pouvoir adjudicateur et, dans les cas visés à l’article 2 quinquies, paragraphe 2, de cette directive, la mesure dans laquelle le contrat doit continuer à produire des effets pour déterminer, le cas échéant, s’il convient d’abréger la durée du marché ou d’imposer des pénalités financières.
99. C’est donc ici, dans une lecture combinée des articles 2 quinquies, paragraphe 2, et 2 sexies, paragraphe 2, de la directive 89/665, que réside la marge de manœuvre dont l’instance responsable de la procédure de recours peut disposer lorsqu’elle doit déclarer l’absence d’effets d’un contrat illégalement conclu.
100. Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous avons donc le sentiment que ni la finalité de la directive 89/665 ni les termes de son article 2 quinquies ne s’opposent à ce qu’un État membre reconnaisse, dans le chef de cette instance, la liberté d’apprécier la mesure dans laquelle un contrat conclu sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne doit être privé de ses effets, lorsqu’elle constate que, malgré la publication d’un avis exprimant son intention
de conclure le marché au Journal officiel de l’Union européenne et le respect d’un délai de suspension minimale de dix jours entre l’attribution de ce marché et la signature du contrat, le pouvoir adjudicateur a violé les règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18 d’une façon délibérée et intentionnelle.
101. Bien au contraire, il nous semble qu’une telle interprétation s’impose si nous voulons garantir l’effet utile de la directive 89/665 et assurer la protection des droits fondamentaux reconnus à l’opérateur économique illégalement privé de la possibilité de participer à la procédure de passation du marché.
102. Dans le cadre de l’affaire au principal, nous pensons qu’il appartiendra donc à la juridiction nationale compétente d’apprécier la légitimité des motifs sur lesquels le Ministero dell’Interno s’est fondé pour attribuer le marché en cause par la voie d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne.
103. À cet égard, nous souhaitons formuler les observations suivantes.
104. Dans la présente affaire, nous rappelons que le Ministero dell’Interno a estimé pouvoir recourir à cette procédure en se fondant sur les termes de l’article 57, paragraphe 2, sous b), du décret législatif no 163/2006, lequel transpose, dans l’ordre juridique italien, l’article 28, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/81.
105. Nous rappelons que, en vertu de cette disposition, ladite procédure est autorisée «lorsque, pour des raisons techniques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé».
106. En l’occurrence, le Ministero dell’Interno a considéré que Telecom Italia était le seul opérateur économique en mesure d’exécuter le marché de services, pour des raisons techniques et de protection de (certains) droits exclusifs.
107. Or, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a considéré que les données et les circonstances invoquées par le Ministero dell’Interno ne constituaient pas des «raisons techniques», au sens de l’article 57, paragraphe 2, sous b), du décret législatif no 163/2006, mais se fondaient sur des motifs liés à l’opportunité et aux difficultés qui pourraient découler de l’attribution du marché à un autre opérateur économique.
108. De la même façon, le Consiglio di Stato a jugé que le pouvoir adjudicateur n’avait pas démontré à suffisance de droit que les conditions requises pour recourir à une procédure négociée sans publication d’un avis de marché étaient satisfaites. À cet égard, il a considéré que l’ensemble des observations et des pièces produites, y compris le rapport technique, faisait apparaître non pas tant une impossibilité objective de confier ces services à des opérateurs économiques différents, mais plutôt le
caractère inopportun d’une telle solution, essentiellement parce que, selon le Ministero dell’Interno, cette solution entraînerait des changements et des coûts et nécessiterait des temps d’adaptation.
109. Il est vrai que, au vu des éléments dont nous disposons, le Ministero dell’Interno ne semble pas faire valoir de raisons techniques particulières ni même d’exigences relatives à la particularité des équipements en cause ou à la sensibilité du marché.
110. Nous comprenons que, dans le domaine de la sécurité ou de la défense, il puisse être légitime que certaines dispositions du droit des marchés publics ne s’appliquent pas, certains marchés étant à ce point sensibles qu’il serait inapproprié de recourir à une publicité et à une mise en concurrence préalables des opérateurs économiques. C’est le cas des marchés passés par les services de renseignement ou des marchés destinés à des activités de contre-espionnage par exemple. C’est également le cas
pour des achats particulièrement sensibles, nécessitant une confidentialité extrêmement élevée, tels que ceux liés à la lutte contre le terrorisme ou destinés spécifiquement à des activités sensibles menées par les forces de l’ordre et de sécurité.
111. Or, dans la présente affaire, le Ministero dell’Interno ne semble pas évoquer de telles circonstances. Certes, celui-ci précise que le marché est relatif à «la fourniture au département de sécurité publique et au corps des carabinieri, de services de communication électronique, en particulier de phonie vocale, de phonie mobile et de transmission de données, dans le respect de toutes les conditions de confidentialité et de sécurité des informations dans l’intérêt de la sécurité nationale» ( 29
). Il semble, néanmoins, au vu notamment des constatations opérées par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio et par le Consiglio di Stato, que le Ministero dell’Interno n’a pas justifié du caractère sensible du marché et des équipements en cause ni même évoqué des exigences particulières liées, par exemple, à la sécurité de l’information ou à la protection d’informations confidentielles ou classifiées qui, dans l’intérêt de la sécurité nationale, pourraient effectivement requérir
une protection spécifique et impliquer une sélection particulière du candidat.
112. Par ailleurs, nous sommes surpris par la chronologie des faits, et notamment par la rapidité avec laquelle le marché a été attribué. Nous partageons donc, sur ce point, les réserves exprimées par la Commission lors de l’audience. En effet, il ressort des éléments du dossier que le Ministero dell’Interno a décidé de renouveler le contrat de téléphonie conclu en 2003 avec Telecom Italia quinze jours seulement avant l’expiration de la précédente convention, soit le 15 décembre 2011. Par ailleurs,
il ressort également des pièces du dossier que le contrat a été signé le 31 décembre 2011, soit quinze jours plus tard. Une telle attitude nous surprend compte tenu de l’importance de ce contrat aux fins du fonctionnement de l’administration, de la durée dudit contrat (sept ans) et de son montant (521500000 euros), à moins de considérer qu’il était entendu entre le Ministero dell’Interno et Telecom Italia que la convention serait renouvelée.
113. Enfin, nous pensons qu’il faut évidemment tenir compte du fait que le Ministero dell’Interno est une autorité publique disposant de conseils juridiques suffisamment avisés pour ne pas commettre une erreur d’appréciation quant aux conditions dans lesquelles un marché public peut être attribué en l’absence de publicité et de mise en concurrence préalables.
114. Cela étant dit, c’est à la juridiction nationale compétente qu’il appartiendra d’examiner, au vu de l’ensemble des éléments dont elle dispose, si une telle erreur est excusable ou si celle-ci relève d’une méconnaissance délibérée et intentionnelle des règles de passation des marchés publics.
115. Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous estimons, par conséquent, que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement et du droit à un recours effectif, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre reconnaisse, dans le chef de l’instance responsable de la procédure de recours, la liberté d’apprécier la mesure dans laquelle un contrat conclu sans publication préalable d’un avis de marché au Journal
officiel de l’Union européenne doit être privé de ses effets, lorsque cette instance constate que, malgré la publication d’un avis exprimant son intention de conclure le marché au Journal officiel de l’Union européenne et le respect d’un délai de suspension minimale de dix jours entre l’attribution de ce marché et la signature du contrat, le pouvoir adjudicateur a violé les règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18 d’une façon délibérée et intentionnelle.
IV – Conclusion
116. À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre à la question posée à titre préjudiciel par le Consiglio di Stato comme suit:
L’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, lu à la lumière du principe d’égalité de traitement et du droit à un recours
effectif, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre reconnaisse, dans le chef de l’instance responsable de la procédure de recours, la liberté d’apprécier la mesure dans laquelle un contrat conclu sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne doit être privé de ses effets, lorsque cette instance constate que, malgré la publication d’un avis exprimant son intention de conclure le marché au Journal officiel de l’Union
européenne et le respect d’un délai de suspension minimale de dix jours entre l’attribution de ce marché et la signature du contrat, le pouvoir adjudicateur a violé les règles de publicité et de mise en concurrence requises par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, d’une façon délibérée et intentionnelle.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) Directive du Conseil du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO L 335, p. 31, ci-après la «directive 89/665»).
( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).
( 4 ) Voir troisième considérant ainsi que article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 89/665. Voir, également, arrêt Commission/Allemagne (C‑503/04, EU:C:2007:432, point 35 et jurisprudence citée).
( 5 ) Voir considérants 27 et 28 de la directive 2007/66.
( 6 ) Cet avis est également dénommé «avis en cas de transparence ex ante volontaire».
( 7 ) Voir considérant 28 de la directive 2007/66.
( 8 ) Supplément ordinaire à la GURI no 100, du 2 mai 2006. Décret tel que modifié par le décret législatif no 152, du 11 septembre 2008 (supplément ordinaire à la GURI no 231, du 2 octobre 2008, ci-après le «décret législatif no 163/2006»).
( 9 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (JO L 216, p. 76), telle que modifiée par le règlement (UE) no 1251/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011 (JO L 319, p. 43, ci-après la «directive
2009/81»). L’article 28, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/81 reprend, en des termes en substance identiques, ceux de l’article 31, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/18.
( 10 ) Voir nos développements consacrés à ce principe aux points 34 et suiv. de nos conclusions dans l’affaire Wall (C‑91/08, EU:C:2009:659).
( 11 ) Voir, notamment, arrêt Manova (C‑336/12, EU:C:2013:647, point 28). Voir, également, arrêt Wall (C‑91/08, EU:C:2010:182), dans lequel la Cour a précisé que les «[articles 43 CE et 49 CE] et les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité, ainsi que l’obligation de transparence qui en découle, poursuivent des objectifs identiques à ceux visés par [la] directive [92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des
marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 2001/78/CE de la Commission, du 13 septembre 2001 (JO L 285, p. 1)], notamment visant la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans les États membres» (point 48).
( 12 ) Voir arrêts Commission/CAS Succhi di Frutta (C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 109 et jurisprudence citée) ainsi que Parking Brixen (C‑458/03, EU:C:2005:605, point 49 et jurisprudence citée).
( 13 ) Voir arrêt Wall (EU:C:2010:182, point 36 et jurisprudence citée).
( 14 ) Voir arrêt Commission/Belgique (C‑87/94, EU:C:1996:161, points 54 à 56).
( 15 ) Voir, notamment, considérants 3 et 4 de cette directive. Voir, également, arrêt Commission/Autriche (C‑212/02, EU:C:2004:386, points 20 à 22).
( 16 ) Voir arrêt Strabag e.a. (C‑314/09, EU:C:2010:567, point 33 et jurisprudence citée).
( 17 ) Voir, également, arrêt GAT (C‑315/01, EU:C:2003:360, point 44 et jurisprudence citée).
( 18 ) Voir arrêt Stadt Halle et RPL Lochau (C‑26/03, EU:C:2005:5, point 37).
( 19 ) Considérant 14 de la directive 2007/66.
( 20 ) Voir, notamment, article 2 quinquies, paragraphe 3, de la directive 89/665 qui introduit un tempérament au principe visé au paragraphe 1 de cet article en énonçant que les «États membres peuvent prévoir que l’instance de recours [...] a la faculté de ne pas considérer un marché comme étant dépourvu d’effets, même s’il a été passé illégalement [...], si elle constate [...] que des raisons impérieuses d’intérêt général imposent que les effets du marché soient maintenus». Les termes de cette
disposition sont clairs, le législateur de l’Union reconnaissant manifestement dans le chef du juge national un pouvoir d’appréciation quant à la détermination de la sanction la plus appropriée lorsqu’il existe des raisons impérieuses d’intérêt général.
( 21 ) Italique ajouté par nos soins. Nous retrouvons ce terme à l’article 2 sexies, paragraphe 2, de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics [COM(2006) 195 final] et un terme similaire au point 3 de l’exposé des motifs de cette proposition qui dispose que, «[l]orsqu’une autorité adjudicatrice
considère qu’elle est en droit d’attribuer de gré à gré un marché [...], elle devra [...] suspendre la conclusion du contrat pendant un délai minimum de 10 jours, après avoir procédé à une publicité adéquate via un avis d’attribution simplifié» (italique ajouté par nos soins).
( 22 ) Une condition est «potestative» lorsque la naissance ou l’exécution de l’obligation dépend de la seule volonté d’un seul des contractants.
( 23 ) Voir troisième considérant de cette directive.
( 24 ) Arrêt Commission/Autriche (EU:C:2004:386, points 20 à 22).
( 25 ) Voir points 22 et 27 des observations soumises par le gouvernement italien, point 12 de celles déposées par le gouvernement polonais, point 33 de celles soumises par le Conseil et point 48 de celles déposées par la Commission.
( 26 ) EU:C:2007:432, point 33 et jurisprudence citée. Voir également, par analogie, arrêt Strabag e.a. (EU:C:2010:567), dans lequel la Cour a précisé que des délais s’imposent «pour éviter que les candidats et les soumissionnaires puissent à tout moment invoquer des infractions à [la] réglementation [relative aux marchés publics], obligeant ainsi le pouvoir adjudicateur à reprendre la totalité de la procédure afin de corriger ces infractions» (point 37 et jurisprudence citée).
( 27 ) Ces hypothèses sont les suivantes. La première, visée à l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 89/665, est celle dans laquelle le marché est conclu alors même que l’opérateur économique lésé a introduit son recours auprès du pouvoir adjudicateur. La deuxième, visée à l’article 2, paragraphe 3, de cette directive, est celle dans laquelle le pouvoir adjudicateur conclut le marché avant que le juge national ne statue sur la demande de mesures provisoires ou sur le recours. La troisième,
visée à l’article 2 bis, paragraphe 2, de ladite directive, est celle dans laquelle la conclusion du contrat qui suit la décision d’attribution du marché a lieu avant l’expiration du délai minimale de dix jours qui suit la notification aux soumissionnaires et aux candidats concernés de la décision d’attribution. La quatrième, enfin, est celle dans laquelle le contrat a été dépourvu d’effets pour les motifs expressément visés à l’article 2 quinquies, paragraphe 1, de la même directive.
( 28 ) Il ressort d’une jurisprudence constante que, pour assurer une interprétation et une application uniformes d’une disposition, dont la version dans une langue de l’Union diverge de celles établies dans les autres langues, il convient d’interpréter celle-ci à la lumière non seulement de l’économie générale du texte dans lequel elle s’inscrit, mais également de la finalité poursuivie par le législateur de l’Union [voir, notamment, arrêt Endendijk (C‑187/07, EU:C:2008:197, points 22 et suiv.)].
( 29 ) Italique ajouté par nos soins.