CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 10 avril 2014 ( 1 )
Affaire C‑21/13
Simon, Evers & Co. GmbH
contre
Hauptzollamt Hamburg-Hafen
[demande de décision préjudicielle
formée par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne)]
«Politique commerciale — Règlement (CE) no 384/96 — Droits antidumping — Contournement — Règlement (CE) no 499/2009 — Extension du droit antidumping sur les importations de transpalettes à main originaires de Chine aux importations des mêmes produits expédiés de Thaïlande — Validité»
1. Par la présente demande de décision préjudicielle, le Finanzgericht Hamburg (Allemagne) interroge la Cour sur la validité du règlement (CE) no 499/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, étendant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 1174/2005 sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine aux importations des mêmes produits expédiés de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce
pays ( 2 ), à la suite d’une enquête de contournement au sens de l’article 13 du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne ( 3 ), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 ( 4 ).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Simon, Evers & Co. GmbH ( 5 ) au Hauptzollamt Hamburg-Hafen (bureau principal des douanes du port de Hambourg) ( 6 ), au sujet d’une décision de celui-ci d’imposer à SECO le paiement de droits antidumping.
3. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser les exigences relatives à la caractérisation et à la preuve des éléments constitutifs du contournement des droits antidumping, en particulier dans l’hypothèse où les institutions de l’Union se heurteraient à un refus de coopération des parties intéressées.
4. Dans les présentes conclusions, nous indiquerons que, s’il incombe aux institutions de l’Union, lorsqu’elles décident d’étendre les droits antidumping, d’établir que tous les éléments constitutifs du contournement de ces droits sont réunis, le refus de coopération des parties intéressées autorise ces institutions à se fonder sur les seules données disponibles et à déduire de ces données des présomptions reposant sur une vraisemblance raisonnable.
5. Nous exposerons, en outre, que, en présence d’un refus de coopération des parties intéressées, le contrôle du juge de l’Union sur la décision prise par le Conseil de l’Union européenne doit être limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans la sélection et l’utilisation des données disponibles et dans la constatation de l’existence d’un lien logique et vraisemblable entre les faits établis à partir de ces données et les faits présumés.
6. Nous soutiendrons, dans le cas présent, que, ayant constaté une croissance exponentielle des importations de transpalettes à main en provenance de Thaïlande après l’instauration des droits antidumping sur les mêmes produits en provenance de Chine, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en en déduisant l’existence d’une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers concernés et l’Union européenne, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de
base, la constatation d’une hausse concomitante des importations en provenance de Chine n’étant pas de nature à remettre en cause cette appréciation, dès lors, en particulier, que cette hausse est demeurée sans proportion avec celle des importations en provenance de Thaïlande.
7. Nous ferons valoir, de même, que la coïncidence temporelle constatée entre la modification de la configuration des échanges et l’institution des droits antidumping ainsi que l’absence de tout élément de preuve de l’exercice d’activités de fabrication du produit faisant l’objet de l’enquête dans le pays tiers concerné ont induit raisonnablement la vraisemblance de l’existence de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons dépourvues de motivation ou de justification économique autre que l’institution
du droit antidumping.
8. Nous en conclurons que l’examen du règlement litigieux, à la lumière des motifs de la décision de renvoi, n’a pas révélé l’existence d’éléments de nature à affecter sa validité.
I – Le cadre juridique
A – La réglementation de base anticontournement
9. La première mesure communautaire en matière de réglementation anticontournement a été le règlement (CEE) no 1761/87 ( 7 ). Afin de lutter contre la pratique consistant à substituer à l’exportation de produits finis celle de pièces détachées assemblées ensuite sur le territoire d’un État membre dans des «usines tournevis», l’article 1er du règlement no 1761/87 a incorporé à l’article 13 du règlement (CEE) no 2176/84 ( 8 ) un paragraphe 10 prévoyant, à certaines conditions, l’instauration d’un
droit antidumping définitif pour les produits introduits sur le marché de la Communauté européenne après avoir été assemblés ou fabriqués dans la Communauté. Cette disposition a été reprise à l’identique par le règlement (CEE) no 2423/88 ( 9 ), qui a remplacé le règlement no 2176/84.
10. Par la suite, la question du contournement a été discutée dans le cadre des négociations préalables à l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (OMC-GATT 1994) ( 10 ), mais, aucun accord n’ayant pu être trouvé ( 11 ), le code antidumping de 1994 ne contient finalement aucune disposition sur ce point ( 12 ).
11. Dans ces conditions, la Communauté a décidé d’adopter unilatéralement de nouvelles mesures, qui se distinguent des précédentes en ce que, d’une part, elles s’étendent à d’autres formes de contournement que le contournement dit «classique», constitué par les opérations d’assemblage et, d’autre part, elles visent, s’agissant des opérations d’assemblage, tant celles qui sont réalisées dans les pays tiers que celles qui sont réalisées dans un État membre.
12. Les dispositions anticontournement étaient énoncées à l’article 13 du règlement de base, qui prévoyait:
«1.   Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires [...] en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées. [...] Le contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et la Communauté ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et la Communauté, découlant de
pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies
pour les produits similaires.
[...]
2.   Une opération d’assemblage dans la Communauté ou dans un pays tiers est considérée comme contournant les mesures en vigueur lorsque:
a) l’opération a commencé ou s’est sensiblement intensifiée depuis ou juste avant l’ouverture de l’enquête antidumping et que les pièces concernées proviennent du pays soumis aux mesures;
[...]
et
c) les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produit similaire assemblé et qu’il y a la preuve d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.
3.   Une enquête est ouverte, en vertu du présent article, à l’initiative de la Commission ou à la demande d’un État membre ou de toute partie intéressée, sur la base d’éléments de preuve suffisants relatifs aux facteurs énumérés au paragraphe 1. L’enquête est ouverte, après consultation du comité consultatif, par un règlement de la Commission qui peut également enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5,
ou d’exiger des garanties. L’enquête est effectuée par la Commission avec l’aide éventuelle des autorités douanières et doit être conclue dans les neuf mois. Lorsque les faits définitivement établis justifient l’extension des mesures, celle-ci est décidée par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, après consultation du comité consultatif. [...]
[...]»
13. En outre, l’article 14 du règlement de base, intitulé «Dispositions générales», disposait, à son paragraphe 6:
«Les États membres font mensuellement rapport à la Commission sur les importations de produits soumis à des enquêtes ou à des mesures et sur le montant des droits perçus en application du présent règlement.»
14. Enfin, l’article 18 du règlement de base, intitulé «Défaut de coopération», énonçait:
«1.   Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. S’il est constaté qu’une partie concernée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données
disponibles. Les parties intéressées doivent être informées des conséquences d’un refus de coopération.
[...]
5.   Si les conclusions, y compris celles qui concernent la valeur normale, sont fondées sur les dispositions du paragraphe 1, notamment sur les renseignements fournis dans la plainte, il faut, lorsque cela est possible et compte tenu des délais impartis pour l’enquête, vérifier ces renseignements par référence à d’autres sources indépendantes disponibles [...]
6.   Si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré.»
B – La réglementation antidumping sur les importations de transpalettes à main originaires de Chine
15. À la suite d’une plainte déposée par certains producteurs communautaires et d’une enquête préliminaire qui couvrait la période comprise entre le 1er avril 2003 et le 31 mars 2004, la Commission a publié, le 29 avril 2004, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine ( 13 ).
16. À l’issue de cette procédure, la Commission a adopté le règlement (CE) no 128/2005, du 27 janvier 2005, instituant un droit antidumping provisoire sur les transpalettes à main et leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine ( 14 ).
17. Le Conseil a, par la suite, adopté le règlement (CE) no 1174/2005 ( 15 ), qui a fixé un droit antidumping définitif sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles, à savoir les châssis et les systèmes hydrauliques, relevant des codes NC ex 8427 90 00 et ex 8431 20 00 (codes TARIC 8427 90 00 10 et 8431 20 00 10) originaires de Chine ( 16 ).
18. Le Conseil a ultérieurement adopté le règlement (CE) no 684/2008, du 17 juillet 2008, précisant le champ d’application des mesures antidumping instituées par le règlement no 1174/2005 ( 17 ).
C – L’extension de la réglementation aux importations de transpalettes à main expédiés de Thaïlande
19. Sur la base d’éléments de preuve qui, selon la Commission, indiquaient, à première vue, que les mesures antidumping appliquées aux importations de transpalettes à main originaires de Chine étaient contournées par des opérations d’assemblage du produit en cause en Thaïlande, cette institution a adopté le règlement (CE) no 923/2008 ( 18 ).
20. À la suite de l’enquête menée sur cet éventuel contournement, qui couvrait la période comprise entre le 1er septembre 2007 et le 31 août 2008, la Commission a proposé au Conseil l’adoption du règlement litigieux, qui a étendu le droit antidumping définitif institué par le règlement no 1174/2005 aux importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles expédiés de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays.
21. S’agissant du déroulement et de l’enquête, les considérants 6 à  9 du règlement litigieux indiquent:
«(6) La Commission a officiellement informé les autorités chinoises et thaïlandaises, les producteurs-exportateurs chinois et thaïlandais, les importateurs communautaires notoirement concernés, ainsi que l’industrie communautaire de l’ouverture de l’enquête. Des questionnaires ont été adressés aux producteurs-exportateurs chinois et thaïlandais connus, aux importateurs communautaires connus de la Commission à la suite de l’enquête initiale, ainsi qu’aux parties qui se sont fait connaître dans le
délai fixé à l’article 3 du règlement [no 923/2008]. Les parties intéressées ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues dans le délai fixé par [ce] règlement [...]. Toutes les parties ont été informées du fait que l’absence de coopération pouvait conduire à l’application de l’article 18 du règlement de base et à l’établissement de conclusions sur la base des données disponibles.
(7) Aucune réponse aux questionnaires n’a été reçue de la part des producteurs-exportateurs thaïlandais, et la Commission n’a reçu aucune observation de la part des autorités thaïlandaises. Un seul producteur-exportateur thaïlandais de [transpalettes à main et de leurs parties essentielles], qui, selon les informations dont disposait la Commission au moment de l’ouverture de l’enquête, exportait des [transpalettes à main et leurs parties essentielles] vers la Communauté au cours de la période
comprise entre 2005 et la période d’enquête (telle que définie au considérant 10) et effectuait des opérations d’assemblage de [transpalettes à main et de leurs parties essentielles] en Thaïlande, a fait savoir qu’il avait cessé d’exister à compter d’avril 2008.
(8) Un producteur-exportateur chinois a répondu au questionnaire en déclarant ses ventes à l’exportation vers la Communauté ainsi que des exportations très limitées du produit concerné vers la Thaïlande. Aucune observation n’a été reçue de la part des autorités chinoises.
(9) Enfin, neuf importateurs communautaires ont répondu au questionnaire et ont déclaré leurs importations en provenance de la Chine et de la Thaïlande. D’une manière générale, leurs réponses permettent de conclure que les importations en provenance de Thaïlande se sont accrues et qu’une diminution soudaine des importations en provenance de la [République populaire de Chine] a été enregistrée en 2006, c’est-à -dire l’année suivant l’entrée en vigueur des droits antidumping définitifs. Au cours
des années suivantes, les importations en provenance de la [République populaire de Chine] ont à nouveau augmenté, tandis que celles en provenance de Thaïlande ont légèrement diminué, tout en restant largement supérieures à leurs niveaux de 2005.»
22. En ce qui concerne la modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et la Communauté, les considérants 16 à  20 du règlement litigieux sont libellés comme suit:
«(16) En raison de l’absence de coopération de la part de toutes les sociétés thaïlandaises, le volume et la valeur des exportations thaïlandaises du produit concerné vers la Communauté ont été déterminés sur la base des informations disponibles, à savoir, en l’occurrence, des données statistiques collectées par les États membres et collationnées par la Commission conformément à l’article 14, paragraphe 6, du règlement de base, ainsi que des données d’Eurostat. En ce qui concerne les données
communiquées dans les réponses des importateurs communautaires, l’enquête a révélé qu’au cours de la [période d’enquête], le nombre des exportations en provenance de Thaïlande déclarées par les importateurs communautaires ne représentait qu’une très faible partie (moins de 5 %) des exportations thaïlandaises totales de [transpalettes à main et de leurs parties essentielles]. Dans ces conditions, il a été considéré que les données statistiques dont disposait la Commission donnaient un
aperçu plus fidèle de la situation en ce qui concerne le volume et la valeur des exportations thaïlandaises que les informations limitées qui ont été communiquées par les importateurs communautaires.
(17) Après l’institution des mesures antidumping, les importations de [transpalettes à main et de leurs parties essentielles] en provenance de Thaïlande sont passées de 7458 transpalettes, en 2005, à  64 706 transpalettes en 2007, avant de retomber à  42 056 transpalettes au cours de la [période d’enquête].
(18) En ce qui concerne les importations communautaires de [transpalettes à main et de leurs parties essentielles] en provenance de la Chine, elles sont passées de 240639 transpalettes, en 2005, à  538 271 en 2007 et à  584 786 au cours de la [période d’enquête]. Sur la base des informations disponibles, cet accroissement s’explique surtout par une augmentation des exportations de l’unique producteur-exportateur chinois auquel le taux de droit antidumping le plus faible est appliqué. En effet, les
exportations en provenance de cet exportateur chinois représentent de très loin la plus grande partie de l’accroissement des importations communautaires de [transpalettes à main et de leurs parties essentielles] en provenance de la [République populaire de Chine] entre 2005 et la fin de la [période d’enquête].
(19) Compte tenu de la situation décrite ci-dessus, il est conclu qu’un changement est intervenu dans la configuration des échanges entre la Communauté, la [République populaire de Chine] et la Thaïlande. Les importations en provenance de la [République populaire de Chine] ont continué à croître, mais cet accroissement peut s’expliquer directement par la performance à l’exportation de l’un des producteurs-exportateurs chinois qui ont coopéré à l’enquête initiale et auquel le droit antidumping le
plus faible était appliqué. Par ailleurs, les importations en provenance de Thaïlande se sont accrues de 868 % entre 2005 et 2007 et se sont stabilisées au cours de la [période d’enquête] pour afficher un accroissement de 564 % par rapport à  2005.
(20) En résumé, la configuration des échanges qui a été observée révèle certes une stabilité des exportations en provenance de la [République populaire de Chine], mais fait également apparaître un accroissement notable des exportations provenant de Thaïlande. La stabilité ou la poursuite de l’accroissement, bien que nettement moins marqué entre 2007 et la [période d’enquête] que celui observé lors de l’enquête initiale, des exportations provenant de la [République populaire de Chine] peuvent
s’expliquer par le fait que la grande majorité des exportations provenait de la société chinoise à laquelle le taux antidumping le plus faible était appliqué. Par ailleurs, la configuration relative à la Thaïlande ne pouvait s’expliquer que par des actions visant à contourner les mesures.»
II – Les faits du litige au principal et la question préjudicielle
23. Le 6 octobre 2008, SECO a importé de Thaïlande des transpalettes à main.
24. Considérant que l’importation de ces produits était soumise au droit antidumping prévu par le règlement litigieux, le Hauptzollamt a, par avis du 12 août 2009, imposé à SECO un droit antidumping de 9666,90 euros.
25. Le Hauptzollamt ayant, par décision du 21 février 2011, rejeté comme non fondé le recours introduit contre cet avis, SECO a saisi la juridiction de renvoi.
26. Cette juridiction doute que les conditions prévues à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base relatives à la détermination d’un contournement des droits antidumping soient remplies en l’espèce.
27. Plus particulièrement, le Finanzgericht Hamburg estime que des explications auraient dû être données concernant l’évolution des importations en provenance de Thaïlande, puisque celles-ci, après avoir considérablement augmenté en 2007, ont diminué de manière notable au cours de la période d’enquête. Or, selon le Finanzgericht Hamburg, lorsqu’une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union est due au contournement de mesures antidumping, les exportations en
provenance du pays tiers utilisé pour le contournement augmentent généralement de manière continue ou restent constantes après une augmentation sensible.
28. La juridiction de renvoi doute également que la modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union puisse être imputée à l’introduction des droits antidumping sur les transpalettes originaires de Chine alors que, au cours de la période de référence, les importations en provenance de Chine ont elles-mêmes considérablement augmenté. En effet, pendant la période allant de l’année 2005 à l’année 2007, les exportations chinoises ont elles aussi connu une forte augmentation,
tandis que, au cours de la période d’enquête postérieure, les exportations en provenance de Thaïlande, qui ne représentaient que 7,19 % du nombre de transpalettes produits en Chine pour l’exportation, ont diminué d’environ 35 %, contrairement aux exportations originaires de Chine, qui n’ont pas cessé d’augmenter.
29. Enfin, le Finanzgericht Hamburg se demande quelles pratiques, opérations ou ouvraisons ont pu entraîner une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union, en constatant qu’aucune précision n’est apportée à ce sujet par les considérants du règlement litigieux.
30. C’est dans ces conditions que le Finanzgericht Hamburg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Le règlement [litigieux] est-il invalide du fait que, en méconnaissant les conditions relatives à la détermination du contournement de mesures antidumping, telles qu’elles résultent de l’article 13 du règlement [de base], la Commission a conclu à l’existence d’un contournement pour la simple raison que le volume des exportations correspondantes en provenance de Thaïlande a considérablement augmenté après l’introduction des mesures, alors que la Commission n’a effectué aucune autre constatation
concrète en l’absence de coopération des exportateurs thaïlandais?»
III – Notre analyse
31. Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement litigieux est invalide en raison du fait qu’il n’aurait pas suffisamment relevé l’existence d’un contournement, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, faute d’avoir caractérisé, d’une part, la modification de la configuration des échanges entre les pays tiers concernés et l’Union et, d’autre part, l’existence de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de
motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition des droits antidumping sur les transpalettes à main originaires de Chine.
A – Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité du règlement litigieux
32. Avant d’apprécier la validité du règlement litigieux, il nous paraît nécessaire d’examiner le point de savoir si SECO pouvait valablement invoquer, par voie d’exception, son illégalité devant le juge national.
33. Il découle, en effet, de la jurisprudence initiée avec l’arrêt TWD Textilwerke Deggendorf ( 19 ) qu’une personne physique ou morale ne peut pas remettre utilement en cause devant une juridiction nationale, par voie d’exception, la légalité d’un acte de l’Union lorsqu’elle aurait pu attaquer cet acte par la voie du recours direct en annulation et qu’elle a laissé s’écouler le délai impératif prévu à cet égard ( 20 ). Cette déchéance est, toutefois, subordonnée à la constatation que la
recevabilité du recours en annulation s’impose avec la force de l’évidence, sans laisser place à aucun doute ( 21 ).
34. Il ressort également d’une jurisprudence itérative que les règlements instituant des droits antidumping, bien qu’ils aient, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, peuvent concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques et, entre autres, celles des entreprises importatrices qui sont associées avec des entreprises exportatrices de pays tiers et dont les prix de revente des
produits en cause ont été pris en compte pour la construction du prix à l’exportation ( 22 ).
35. Or, il ne ressort pas des éléments du dossier que SECO, qui agit en tant qu’importateur établi dans l’Union, devrait être considérée comme directement et individuellement concernée par le règlement litigieux et, partant, qu’elle aurait été sans aucun doute recevable à introduire un recours direct en annulation contre ledit acte.
36. En conséquence, SECO, qui n’est concernée par le règlement litigieux qu’en tant qu’elle «relève, objectivement, du champ d’application» ( 23 ) des normes fixées par celui-ci en sa qualité d’opérateur économique dans le secteur en cause, est recevable à exciper, par voie d’exception, l’illégalité de cet acte devant la juridiction nationale, laquelle peut, dès lors, déférer cette question à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle.
B – Sur le fond
1. Les observations des parties
37. SECO soutient que la Cour doit répondre par l’affirmative à la question posée en avançant plusieurs motifs qui peuvent être brièvement résumés comme suit.
38. La modification de la configuration des échanges au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base impliquerait une diminution des importations originaires du pays tiers soumis au droit antidumping et une augmentation corrélative des importations en provenance du pays de contournement, les premières étant substituées par les secondes ( 24 ). Or, en l’espèce, il serait manifeste que les importations de transpalettes à main originaires de Chine n’ont pas été remplacées par des
importations correspondantes en provenance de Thaïlande, étant donné que les premières ont doublé entre la période couverte par l’enquête initiale et celle couverte par l’enquête anticontournement.
39. De même, l’extension d’un droit antidumping supposerait qu’un acte de contournement existe au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base et, en cas de constatation d’opérations d’assemblage, que les conditions énoncées à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement soient remplies. Or, le règlement litigieux ne contiendrait aucune explication détaillée sur un quelconque acte de contournement ni, à supposer que l’acte de contournement soit constitué par les opérations d’assemblage
constatées au moment de l’ouverture de l’enquête, sur la réunion des conditions exigées par l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base.
40. En outre, les institutions de l’Union n’auraient pas prouvé que la modification de la configuration des échanges était suffisamment motivée ou économiquement justifiée par la seule imposition du droit antidumping.
41. Enfin, ces institutions n’auraient pas établi que les effets correctifs du droit avaient été compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires.
42. Les gouvernements intervenants ainsi que le Conseil et la Commission contestent que le règlement litigieux soit invalide et fondent leur position sur les arguments suivants.
43. Le gouvernement grec soutient que l’article 18 du règlement de base instaure une présomption en vue d’aider les institutions de l’Union dans la conduite de l’enquête anticontournement, de sorte que, en l’absence de coopération des parties intéressées, les institutions de l’Union peuvent qualifier la modification de la configuration des échanges survenue immédiatement après l’institution du droit antidumping de contournement, sauf si les parties intéressées apportent la preuve contraire.
44. Le gouvernement portugais considère, dans le même sens, que l’article 13 du règlement de base doit être interprété de manière suffisamment souple, lorsqu’il n’existe pas de coopération de la part des parties intéressées, de manière à ce que l’absence de coopération ne puisse pas, à elle seule, empêcher l’adoption de mesures de défense commerciale. Selon lui, compte tenu de la présomption tirée de l’absence de coopération des parties intéressées établie tant par l’article 18 du règlement de base
que par l’article VI et l’annexe II du code antidumping de 1994, le contournement peut se déduire de l’augmentation importante observée dans les exportations de transpalettes à main de Thaïlande vers l’Union et de la coïncidence dans le temps entre cette augmentation et l’entrée en vigueur des mesures antidumping applicables aux exportations des mêmes produits en provenance de Chine. D’ailleurs, la pratique d’application du règlement de base par la Commission démontrerait que les principaux
indices du contournement résultent toujours d’augmentations soudaines et importantes des importations d’un produit déterminé d’une ou de plusieurs origines non habituelles et d’une coïncidence dans le temps entre cette augmentation et l’application de mesures antidumping ( 25 ).
45. Le Conseil et la Commission soulignent que, en raison de l’absence de coopération des producteurs-exportateurs thaïlandais, le volume et la valeur des exportations thaïlandaises de transpalettes à main ont été déterminés sur la base des seules informations disponibles, c’est-à -dire des données statistiques collectées par les États membres et collationnées par la Commission conformément à l’article 14, paragraphe 6, du règlement de base ainsi que des données d’Eurostat.
46. Ces institutions estiment avoir établi, après avoir constaté, sur la base des données disponibles, une modification de la configuration des échanges, que les importations en provenance de Thaïlande ont commencé à s’accroître peu après l’institution des droits sur les importations en provenance de Chine et expliquent n’avoir reçu aucun élément de preuve susceptible d’expliquer cet accroissement important et, en particulier, aucun élément donnant à penser qu’il existait en Thaïlande de véritables
activités de fabrication de transpalettes à main.
47. Selon elles, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, c’est aux parties concernées qu’incombe la charge de prouver qu’il existe une motivation suffisante ou une justification économique pour la modification de la configuration des échanges. La Cour aurait, d’ailleurs, confirmé cette approche dans son arrêt Brother International ( 26 ).
48. Le Conseil et la Commission font valoir, par ailleurs, que le règlement de base ne leur confère aucun pouvoir permettant de contraindre les entreprises visées par une enquête de participer à l’enquête ou de produire des renseignements.
49. Tout en reconnaissant que, dans une configuration classique, le contournement se caractérise par une diminution des exportations en provenance du pays soumis aux mesures antidumping et par un accroissement correspondant des exportations en provenance du pays visé par la procédure de contournement, ces institutions font valoir qu’une telle configuration ne constitue pas une condition indispensable pour introduire des mesures destinées à lutter contre le contournement, ni l’article 13,
paragraphe 1, du règlement de base ni la jurisprudence n’exigeant la preuve d’une substitution.
50. La Commission précise qu’elle disposait de statistiques commerciales officielles émanant du gouvernement thaïlandais dont il ressortait que les importations d’éléments essentiels de transpalettes à main de Chine vers la Thaïlande avaient brusquement augmenté au cours de la période comprise entre l’année 2005 et l’année 2007, à savoir qu’elles étaient passées de 77 tonnes pendant la période des mois d’août à décembre 2004 à  1 271 tonnes pendant la période des mois d’août à décembre 2007.
51. Elle ajoute que, compte tenu de l’absence de coopération des entreprises intéressées, il lui était impossible d’obtenir des informations plus précises sur la manière dont le passage d’éléments essentiels de transpalettes à des transpalettes à main finis s’opérait en Thaïlande.
52. La Commission soutient également que les termes «pratiques», «opérations» ou «ouvraisons» figurant à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base ne constituent pas un critère autonome du contournement, du moins en cas de défaut de coopération, et qu’il appartenait aux exportateurs thaïlandais de démontrer que l’augmentation soudaine des importations d’éléments essentiels de Chine et la brusque augmentation parallèle des exportations de transpalettes vers l’Union s’expliquent par une
motivation suffisante ou par une justification économique autre que l’imposition du droit antidumping. Cette règle relative à la charge de la preuve serait, d’ailleurs, corroborée par l’arrêt Brother International ( 27 ), même si la Commission souligne que cet arrêt ne concerne pas la légalité d’un règlement d’extension des droits antidumping.
2. Notre appréciation
a) Sur l’étendue de l’appréciation de validité
53. Il convient de relever que, par sa question, le Finanzgericht Hamburg a uniquement considéré comme nécessaire, ainsi que cela ressort de la décision de renvoi, de demander à la Cour un contrôle de validité du règlement litigieux au regard de deux des quatre éléments constitutifs du contournement, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, à savoir, d’une part, la modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union et, d’autre part, l’existence de
pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons dépourvues de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’institution du droit antidumping. SECO invite cependant la Cour à étendre son contrôle à l’examen de la question de savoir si les institutions de l’Union ont établi que les effets correctifs du droit avaient été compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires.
54. Selon une jurisprudence itérative, fondée sur le principe selon lequel il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, l’examen de la validité d’un acte de l’Union ne doit pas être étendu au regard des
motifs non visés par la juridiction de renvoi, tels ceux soulevés par les parties dans la procédure au principal ( 28 ).
55. Dans ces conditions, lorsque le juge national limite les motifs au regard desquels il entend soumettre une disposition du droit de l’Union à un contrôle de validité, le contrôle exercé par la Cour dans le cadre du renvoi préjudiciel en appréciation de validité doit être limité à l’examen de ces motifs, sauf l’éventuel relevé d’office d’un moyen d’ordre public.
56. Aussi la Cour ne devrait-elle pas apprécier les motifs d’invalidité du règlement litigieux, invoqués par SECO dans ses observations, tirés de la violation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base et de l’obligation de motivation, faute pour les institutions de l’Union d’être parvenues à démontrer que les effets correctifs du droit antidumping institué à l’encontre des importations originaires de Chine étaient compromis en termes de prix et/ou de quantités par les importations en
provenance de Thaïlande.
b) Sur la validité du règlement litigieux
i) Les considérations générales sur les conséquences d’un refus de coopération des parties intéressées
57. Avant d’aborder plus en détail les motifs pour lesquels la juridiction de renvoi doute de la validité du règlement litigieux, il y a lieu de s’interroger sur les conséquences qui peuvent être tirées du défaut de coopération des parties intéressées, dont les gouvernements grec et portugais ainsi que le Conseil et la Commission prennent argument pour soutenir, en particulier, qu’il peut être fait usage des seules données disponibles et que les éléments constitutifs du contournement exigés par
l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base doivent, dans cette hypothèse, recevoir une interprétation plus souple.
58. Le règlement de base consacre un article spécifique au défaut de coopération, à savoir l’article 18, qui constitue la transposition en droit de l’Union du contenu du point 6.8 ainsi que de l’annexe II du code antidumping de 1994, à la lumière desquels il doit être interprété, dans toute la mesure du possible ( 29 ).
59. L’article 18 du règlement de base comporte six paragraphes traitant, respectivement, des cas dans lesquels les données disponibles peuvent être utilisées, au détriment des données propres à une ou à plusieurs parties intéressées, de l’absence de fourniture d’une réponse sur support informatique, des cas dans lesquels les informations ont été fournies, mais ne sont pas les meilleures à tous égards, des cas dans lesquels des éléments communiqués par une partie ne sont pas acceptés, des
vérifications nécessaires lorsque les conclusions sont fondées sur les données disponibles et, enfin, de l’hypothèse dans laquelle une partie concernée ne coopère pas.
60. Deux paragraphes doivent retenir plus particulièrement l’attention.
61. En premier lieu, l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base prévoit expressément que, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires, ne les fournit pas dans les délais prévus ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles.
62. En second lieu, l’article 18, paragraphe 6, du règlement de base dispose que, si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré.
63. Si la première disposition affirme une solution claire, la seconde se prête plus difficilement à une interprétation univoque. À notre sens, par application de ces dispositions combinées, trois conséquences peuvent être tirées du refus de coopération des parties intéressées ou concernées. La première a trait à la possibilité pour les institutions de l’Union de se fonder sur les seules données disponibles, tandis que la deuxième porte sur la faculté pour ces institutions de déduire de ces données
des présomptions reposant sur une vraisemblance raisonnable. La troisième conséquence pouvant être déduite du refus de coopération concerne, enfin, la limitation de l’intensité du contrôle juridictionnel.
– La possibilité pour les institutions de l’Union de se fonder sur les seules données disponibles
64. Il importe de constater que, si, en vertu du dispositif anticontournement prévu à l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, il incombe à la Commission d’ouvrir, puis d’effectuer, dans un délai de neuf mois, une enquête afin de déterminer si les faits dénoncés dans la plainte sont définitivement établis, le règlement de base ne confère à la Commission aucun pouvoir d’investigation lui permettant de contraindre les producteurs ou les exportateurs visés par la plainte à participer Ã
l’enquête ou à produire des renseignements, de sorte que le Conseil et la Commission dépendent de la coopération volontaire des entreprises intéressées pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis ( 30 ).
65. Dans ce contexte, l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, en autorisant l’établissement de conclusions sur la base des données disponibles, traduit indubitablement l’intention du législateur de l’Union de simplifier la tâche probatoire du Conseil et de la Commission lorsqu’ils se heurtent à des obstacles matériels dus à la mauvaise volonté des entreprises intéressées.
66. Il importe, toutefois, de relever que la faculté pour les institutions de l’Union de recourir aux données disponibles lorsqu’une entreprise refuse de coopérer ou lorsqu’elle fournit un renseignement faux ou trompeur est tempérée par l’obligation, prévue à l’article 18, paragraphe 5, du règlement de base, de vérifier ces renseignements par référence à d’autres sources d’information disponibles.
67. Cette exigence de circonspection dans l’utilisation de ces données, qui peut être considérée comme découlant du principe de bonne administration ( 31 ), est d’autant plus importante que le refus de coopération des entreprises intéressées nous paraît autoriser les institutions de l’Union non seulement à procéder à des constatations factuelles sur la base de données incomplètes, mais aussi à déduire de ces constatations des présomptions de fait permettant d’établir la matérialité des faits
constitutifs du contournement au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.
– La faculté pour les institutions de l’Union de déduire des données disponibles des présomptions reposant sur une vraisemblance raisonnable
68. Il ressort incontestablement des termes mêmes de l’article 18 du règlement de base que le législateur de l’Union n’a pas entendu établir une présomption légale permettant de déduire directement du défaut de coopération des parties intéressées ou concernées l’existence d’un contournement et, partant, dispensant les institutions de l’Union de toute exigence de preuve.
69. Toutefois, compte tenu de la possibilité d’établir des conclusions, même définitives, sur la base des données disponibles et de traiter la partie qui ne coopère pas ou qui ne coopère que partiellement de façon moins favorable que si elle avait coopéré, il est, à notre sens, tout aussi évident que les institutions de l’Union sont autorisées à déduire de la preuve directe des faits qu’elles ont pu établir à partir des données en leur possession la preuve indirecte des faits qui demeurent inconnus
par suite du défaut de coopération des parties. En d’autres termes, l’article 18 du règlement de base permet aux institutions de l’Union de se fonder sur des présomptions, dès lors qu’il existe un lien logique et raisonnable entre les faits établis et les faits demeurant inconnus. Interdire à ces institutions de se prévaloir de telles présomptions reviendrait à créer un obstacle insurmontable à l’adoption de mesures anticontournement lorsque les entreprises concernées par l’enquête refusent de
coopérer.
70. La pratique des institutions de l’Union consistant à se fonder sur des présomptions en cas de refus de coopération des parties intéressées ou concernées nous semble donc parfaitement conforme à la réglementation.
71. Cette pratique s’exerce, bien entendu, sous le contrôle du juge de l’Union, même si ce contrôle comporte certaines limites.
– La limitation de l’intensité du contrôle juridictionnel sur les actes pris par les institutions de l’Union
72. La présente demande en appréciation de validité place la Cour dans la nécessité de contrôler la légalité du règlement litigieux au regard des motifs visés par la juridiction de renvoi, ce qui pose la question de l’étendue du contrôle juridictionnel sur les mesures antidumping adoptées par le Conseil et, plus particulièrement, sur les règlements d’extension.
73. Dans un cas de figure tel que celui en cause au principal, deux raisons justifient une limitation du contrôle juridictionnel.
74. La première limitation a trait à la matière concernée.
75. À cet égard, il ressort d’une jurisprudence itérative que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Dès lors, le contrôle juridictionnel des appréciations effectuées par ces institutions est limité à la vérification du respect des règles
de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir ( 32 ).
76. La Cour a ainsi jugé que le choix entre différentes méthodes de calcul de la marge de dumping ou du droit antidumping ( 33 ), l’appréciation de la valeur normale d’un produit ou le choix du pays de référence devant servir à la détermination de cette valeur lorsque les produits proviennent d’un pays n’ayant pas une économie de marché ( 34 ), l’évaluation de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur la situation de l’industrie de l’Union ( 35 ), la détermination de la période Ã
prendre en considération aux fins de la constatation du préjudice ( 36 ), ou encore la question de savoir si les intérêts de l’Union nécessitent une action de l’Union ( 37 ) supposent l’appréciation de situations économiques complexes.
77. La seconde limitation résulte du comportement des parties intéressées.
78. Selon nous, en présence d’un refus de coopération des parties intéressées, le contrôle du juge de l’Union sur la décision prise par le Conseil doit être limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans la sélection et l’utilisation des données disponibles et dans le recours à des présomptions reposant sur une vraisemblance raisonnable.
79. En d’autres termes, le refus de coopération autorisant les institutions de l’Union, à défaut d’une réelle certitude, impossible à recueillir, à se fonder sur une forte vraisemblance, il en résulte un déplacement de l’objet du contrôle juridictionnel qui doit porter sur le caractère vraisemblable des présomptions que les institutions de l’Union ont tirées des données en leur possession.
80. Conformément à sa jurisprudence classique selon laquelle une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés ( 38 ), le juge de l’Union est, en définitive, appelé à mettre en œuvre un contrôle de proportionnalité portant sur le recours raisonnable à des présomptions.
81. Tel est le contrôle que nous proposons d’exercer sur le règlement litigieux au regard des motifs d’invalidité relevés par la juridiction de renvoi.
ii) L’examen des motifs d’invalidité
82. Il y a lieu de vérifier si le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en relevant l’existence d’une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existait pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’institution du droit antidumping.
83. En premier lieu, nous estimons que le Conseil n’a pas violé l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base ou commis une erreur manifeste d’appréciation en relevant l’existence d’une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers concernés et l’Union.
84. Il ressortait des données disponibles que les importations de transpalettes à main en provenance de Thaïlande étaient passées de 7 458 en 2005 à  64 706 en 2007, ce qui représentait une augmentation de 868 %, avant de retomber à  42 056 au cours de la procédure d’enquête, ce qui représentait toutefois un accroissement de 564 % par rapport à  2005.
85. Partant, nous estimons que le Conseil a caractérisé la modification de la configuration des échanges par la seule constatation de l’existence d’une croissance exponentielle des importations en provenance de Thaïlande après l’instauration des droits antidumping, qui s’est maintenue au cours de la période d’enquête, fût-ce à un niveau inférieur, puisque le nombre de transpalettes à main importés de Thaïlande est demeuré au cours de cette période hors de proportion avec le nombre de transpalettes Ã
main importés avant l’instauration des droits.
86. Nous ne pensons pas que le constat d’une hausse concomitante des importations de transpalettes en provenance de Chine soit de nature à remettre en cause cette appréciation. Si, ainsi que le relève à juste titre la juridiction de renvoi, la constatation, figurant au considérant 20 du règlement litigieux, d’une «stabilité» des exportations en provenance de Chine apparaît inexacte, puisque ces exportations ont, au contraire, augmenté entre l’année 2005 et la période d’enquête, il n’en reste pas
moins que cette hausse, bien qu’importante, est sans commune mesure avec la hausse exponentielle qu’ont connue les importations de transpalettes à main en provenance de Thaïlande immédiatement après l’instauration des droits antidumping.
87. Il importe de souligner, à cet égard, que la définition du contournement est formulée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base en des termes très généraux qui laissent une large marge de manœuvre aux institutions de l’Union et que, en particulier, aucune précision n’est donnée quant à la nature et aux modalités de la «modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et [l’Union]» ( 39 ). Ainsi que le relèvent à juste titre le Conseil et la Commission, cette définition
large n’implique pas qu’il y ait substitution des importations en provenance du pays soumis au droit antidumping par les importations en provenance du pays visé par la procédure anticontournement.
88. En second lieu, nous considérons que, en l’absence de coopération des parties intéressées, la coïncidence dans le temps constatée entre la modification de la configuration des échanges et l’institution des droits antidumping ainsi que l’absence de tout élément de preuve de l’exercice d’activités de fabrication du produit faisant l’objet de l’enquête dans le pays tiers concerné ont induit raisonnablement la vraisemblance de l’existence de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons dépourvues de
motivation ou de justification économique autre que l’institution des droits antidumping.
89. Cette coïncidence temporelle fonde à elle seule une présomption, de sorte qu’il ne peut être reproché au Conseil de n’avoir pas caractérisé plus précisément les pratiques, les opérations ou les ouvraisons qui avaient entraîné une modification de la configuration des échanges, quand bien même il peut être regretté que celui-ci n’ait pas repris, dans les motifs du règlement litigieux, certaines données disponibles relatives, notamment, aux importations d’éléments essentiels de transpalettes à main
de la République populaire de Chine vers la Thaïlande ( 40 ).
90. Bien que l’arrêt Brother International ( 41 ) concerne un autre domaine que celui des mesures anticontournement des droits antidumping, le raisonnement que nous proposons à la Cour de suivre nous semble confirmé par l’approche retenue dans cet arrêt, duquel il peut être déduit, a contrario, que le transfert de l’assemblage du pays de fabrication de composants dans un autre pays suffit à lui seul à justifier la présomption selon laquelle ce transfert a eu pour seul objet de contourner les
dispositions applicables, dès lors qu’il existe une coïncidence temporelle entre l’entrée en vigueur de la réglementation pertinente et le transfert de l’assemblage ( 42 ).
91. De surcroît, contrairement à ce que soutient SECO, nous ne pensons pas qu’il puisse être fait grief au Conseil d’avoir relevé l’existence d’opérations d’assemblage sans constater qu’elles répondaient aux exigences de l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base. S’il est rappelé, aux considérants 4 et 21 du règlement litigieux, que, au moment de l’ouverture de l’enquête, les informations dont disposaient la Commission semblaient indiquer que d’importantes opérations d’assemblage avaient lieu
en Thaïlande, il est précisé, au considérant 11 du règlement litigieux, que, en raison du refus de coopération des exportateurs-producteurs thaïlandais de transpalettes à main, la Commission n’a pas été en mesure de déterminer la nature des importations expédiées de Thaïlande. Partant, l’hypothèse de départ, relative à des opérations d’assemblage, n’a pu être vérifiée. À supposer que cette hypothèse se soit vérifiée, il n’en demeurerait pas moins que l’impossibilité d’établir les faits en raison
du refus de coopération des parties intéressées justifierait, en tout état de cause, l’application d’une présomption portant sur la réunion des conditions prévues à l’article 13, paragraphe 2, du règlement de base ( 43 ).
92. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le Conseil, en adoptant le règlement litigieux, ait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits.
93. Il convient d’ajouter que rien n’indique que les institutions de l’Union auraient manqué aux obligations procédurales qui s’imposent à elles dans le cadre de l’examen de l’existence d’un contournement des droits antidumping.
94. En particulier, il convient de relever que la Commission a laissé aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues et que toutes les parties ont été informées du fait que l’absence de coopération pouvait conduire à l’application de l’article 18 du règlement de base et à l’établissement de conclusions sur la base des données disponibles.
95. Par ailleurs, la Commission ne s’est pas limitée aux éléments de preuve à première vue dont elle disposait au moment de l’ouverture de l’enquête initiale. Elle a également tenu compte des données statistiques collectées par les États membres et qu’elle a collationnées conformément à l’article 14, paragraphe 6, du règlement de base ainsi que des statistiques d’Eurostat.
96. En conséquence, nous sommes d’avis que l’examen du règlement litigieux, à la lumière des motifs de la décision de renvoi, n’a pas révélé l’existence d’éléments de nature à affecter sa validité.
IV – Conclusion
97. Pour les raisons précédemment exposées, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le Finanzgericht Hamburg:
L’examen du règlement (CE) no 499/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, étendant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 1174/2005 sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine aux importations des mêmes produits expédiés de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, à la lumière des motifs de la décision de renvoi, n’a pas révélé l’existence d’éléments de nature Ã
affecter sa validité.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) JO L 151, p. 1, ci-après le «règlement litigieux».
( 3 ) JO 1996, L 56, p. 1.
( 4 ) JO L 77, p. 12, ci-après le «règlement de base». Ce règlement a été remplacé et codifié par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22). Toutefois, compte tenu de la date de l’adoption du règlement litigieux, le litige doit être examiné sur le fondement du règlement de base. Il importe de
relever que, si la juridiction de renvoi n’a pas pris en compte, dans sa décision de renvoi, les modifications apportées à la définition du contournement par le règlement no 461/2004, ces modifications n’ont pas d’incidence pour la réponse à la question posée.
( 5 ) Ci-après «SECO».
( 6 ) Ci-après le «Hauptzollamt».
( 7 ) Règlement du Conseil du 22 juin 1987 modifiant le règlement (CEE) no 2176/84 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 167, p. 9).
( 8 ) Règlement du Conseil du 23 juillet 1984 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1).
( 9 ) Règlement du Conseil du 11 juillet 1988 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1).
( 10 ) JO 1994, L 336, p. 103, ci-après le «code antidumping de 1994».
( 11 ) Cette question a même constitué un objectif central des discussions dans le cadre des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay. Voir, en ce sens, Holmes, S., «Anti-circumvention under the European Union’s new anti-dumping rules», Journal of World Trade, 1995, p. 161.
( 12 ) Les négociations n’ont abouti qu’à l’adoption d’une déclaration ministérielle intitulée «Décision sur l’anticontournement», par laquelle les ministres, «[c]onscients du fait qu’il est souhaitable que des règles uniformes puissent être applicables dans [le] domaine [du contournement des mesures antidumping] aussitôt que possible, [d]écident de porter cette question devant le Comité des pratiques antidumping».
( 13 ) JO 2004, C 103, p. 85.
( 14 ) JO L 25, p. 16.
( 15 ) Règlement du 18 juillet 2005 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de chine (JO L 189, p. 1).
( 16 ) Voir article 1er du règlement no 1174/2005.
( 17 ) JO L 192, p. 1. Alors que les produits concernés dans l’enquête initiale étaient, sans autre précision, les «transpalettes à main, non autopropulsés, utilisés pour la manutention de marchandises normalement placées sur des palettes, et leurs parties essentielles, à savoir les châssis et les systèmes hydrauliques» (considérant 9 du règlement no 684/2008), ce règlement a précisé ce qu’il y avait lieu d’entendre par «transpalettes à main». Il s’agit de «chariots à roues supportant des bras de
fourche mobiles destinés à la manutention des palettes, conçus pour être poussés, tirés et guidés manuellement sur des surfaces régulières, planes et dures, par un opérateur piéton utilisant un timon articulé» (article 1er dudit règlement). Il est ajouté que ces transpalettes «sont uniquement conçus pour soulever une charge, en actionnant le timon comme une pompe, jusqu’à une hauteur suffisante pour en permettre le transport, et n’ont aucune fonction ou utilisation additionnelle» (idem).
( 18 ) Règlement du 12 septembre 2008 portant ouverture d’une enquête sur un éventuel contournement des mesures antidumping instituées par le règlement (CE) no 1174/2005 du Conseil, modifié par le règlement (CE) no 684/2008, sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine par des importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles expédiés de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce
pays, et soumettant ces importations à enregistrement (JO L 252, p. 3).
( 19 ) C‑188/92, EU:C:1994:90.
( 20 ) Points 17 et 18.
( 21 ) Voir, notamment, arrêt Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, points 41 et 42).
( 22 ) Voir, notamment, arrêt Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, point 21).
( 23 ) Cette expression est reprise de l’arrêt Allied Corporation e.a./Commission (239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, point 15).
( 24 ) SECO cite, à l’appui de son argumentation, plusieurs règlements portant extension de droits antidumping, dans lesquels l’existence d’une substitution serait constatée.
( 25 ) Le gouvernement portugais se réfère, à titre d’exemple, au règlement d’exécution (UE) no 14/2012 du Conseil, du 9 janvier 2012, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution (UE) no 511/2010 sur les importations de certains fils en molybdène originaires de la République populaire de Chine aux importations de certains fils en molybdène expédiés à partir de la Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de la Malaisie, et clôturant l’enquête
en ce qui concerne les importations expédiées à partir de la Suisse (JO L 8, p. 22).
( 26 ) C‑26/88, EU:C:1989:637.
( 27 ) EU:C:1989:637.
( 28 ) Voir, en ce sens, arrêt Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C‑305/05, EU:C:2007:383, points 17 à  19); Nuova Agricast (C‑390/06, EU:C:2008:224, points 43 et 44), ainsi que Hoesch Metals and Alloys (C‑373/08, EU:C:2010:68, points 59 et 60). Cette limitation du contrôle de validité s’explique non seulement par la finalité même du système de coopération entre la Cour et les juridictions nationales institué par l’article 267 TFUE, mais également, ainsi que le relevait l’avocat
général Poiares Maduro au point 23 de ses conclusions dans l’affaire Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:292), par le respect de la mission exercée en tant que juge de l’Union par le juge national, lequel a le pouvoir d’examiner la légalité des actes de l’Union, seule la constatation de l’invalidité étant réservée à la Cour.
( 29 ) Voir sur cette règle d’interprétation, notamment, arrêt Petrotub et Republica (C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 56). Voir également, pour une application de cette règle dans le cas particulier de l’interprétation de l’article 18 du règlement de base, arrêt du Tribunal Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil (T‑409/06, EU:T:2010:69, point 103).
( 30 ) Voir, en ce sens, arrêt Transnational Company «Kazchrome» et ENRC Marketing/Conseil (T‑192/08, EU:T:2011:619, point 272).
( 31 ) Voir, en ce sens, Stanbrook, C., et Bentley, P., Dumping and subsidies – The Law and Procedures Governing the Imposition of Anti-dumping and Countervailing Duties in the European Community, 3e éd., Kluwer Law International, Londres, 1996, p. 168.
( 32 ) Voir arrêt Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 63 et jurisprudence citée).
( 33 ) Voir arrêt Minolta Camera/Conseil (C‑178/87, EU:C:1992:112, point 41).
( 34 ) Voir arrêt Nölle (C‑16/90, EU:C:1991:402, point 11).
( 35 ) Voir arrêt Ikea Wholesale (C‑351/04, EU:C:2007:547, points 61 à  63).
( 36 ) Voir arrêt Nakajima/Conseil (C‑69/89, EU:C:1991:186, point 86).
( 37 ) Voir arrêt Sharp Corporation/Conseil (C‑179/87, EU:C:1992:113, point 58).
( 38 ) Voir arrêt Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 62 et jurisprudence citée).
( 39 ) Plusieurs commentateurs ont souligné le caractère particulièrement large des termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base. Voir, notamment, Van Bael & Bellis, Anti-Dumping and other Trade Protection Laws of the EC, 4e éd., Kluwer Law International, La Haye, 2004, qui remarquent que cette disposition «is intended to catch all forms of circumvention» (p. 485). Voir, également, Yu, Y., «Circumvention and anti-circumvention measures – The impact on anti-dumping practice in
international trade», Kluwer Law International, 2008, qui qualifie la définition du contournement en droit de l’Union de «catchall definition» (p. 22).
( 40 ) Voir observations de la Commission (point 12 et annexe K.1).
( 41 ) EU:C:1989:637.
( 42 ) Point 28.
( 43 ) Voir, pour une application d’une telle présomption, règlement (CE) no 866/2005 du Conseil, du 6 juin 2005, portant extension des mesures antidumping définitives instituées par le règlement (CE) no 1470/2001 sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré (CFL-i) originaires de la République populaire de Chine, aux importations du même produit expédié de la République socialiste du Viêt Nam, de la République islamique du Pakistan et de la République des
Philippines (JO L 145, p. 1).