CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 30 avril 2014 ( 1 )
Affaire C‑152/13
Holger Forstmann Transporte GmbH & Co. KG
contre
Hauptzollamt Münster
[demande de décision préjudicielle
formée par le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne)]
«Taxation des produits énergétiques — Exceptions — Produits énergétiques contenus dans les réservoirs normaux des véhicules automobiles utilitaires et destinés à être utilisés comme carburant par ces mêmes véhicules — Interprétation de la notion de ‘réservoirs normaux’ — Réservoirs montés par des concessionnaires ou des carrossiers»
1. La présente affaire concerne l’interprétation de la notion de «réservoirs de carburant normaux» dans le contexte de la taxation des produits énergétiques. Cette notion, présente dans la législation de l’Union depuis déjà longtemps, fait actuellement l’objet d’une proposition de modification de la part de la Commission européenne, due principalement au changement du contexte technique et économique sur le marché des véhicules utilitaires ( 2 ). La tâche de la Cour dans la présente affaire sera de
vérifier si ce changement de contexte ne devrait pas influencer également l’interprétation de ladite notion dans sa rédaction actuelle.
Le cadre juridique
2. Le cadre juridique de la présente affaire au niveau du droit de l’Union est constitué par les dispositions de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité ( 3 ). Cette directive régit la taxation des produits énergétiques dans l’Union européenne. Elle établit entre autres certaines exonérations à cette taxation.
3. Ainsi, l’article 24 de la directive 2003/96 dispose:
«1. Les produits énergétiques mis à la consommation dans un État membre, contenus dans les réservoirs normaux des véhicules automobiles utilitaires et destinés à être utilisés comme carburant par ces mêmes véhicules, ainsi que contenus dans des conteneurs à usages spéciaux et destinés à être utilisés pour le fonctionnement, pendant le transport, des systèmes dont sont équipés ces mêmes conteneurs, ne sont pas soumis à taxation dans un autre État membre.
2. Aux fins du présent article, on entend par ‘réservoirs normaux’:
— les réservoirs fixés à demeure par le constructeur sur tous les véhicules à moteur du même type que le véhicule concerné et dont l’agencement permanent permet l’utilisation directe du carburant tant pour la propulsion des véhicules que, le cas échéant, pour le fonctionnement, au cours du transport, des systèmes de réfrigération et autres systèmes. Sont également considérés comme réservoirs normaux les réservoirs à gaz adaptés sur des véhicules à moteur qui permettent l’utilisation directe du
gaz comme carburant, ainsi que les réservoirs adaptés aux autres systèmes dont peuvent être équipés les véhicules,
— les réservoirs fixés à demeure par le constructeur sur tous les conteneurs du même type que le conteneur concerné et dont l’agencement permanent permet l’utilisation directe du carburant pour le fonctionnement, au cours du transport, des systèmes de réfrigération et autres systèmes dont sont équipés les conteneurs à usages spéciaux.
Par ‘conteneur à usages spéciaux’, on entend tout conteneur équipé de dispositifs spécialement adaptés pour les systèmes de réfrigération, d’oxygénation, d’isolation thermique ou autres systèmes.»
4. C’est la définition des réservoirs normaux figurant à l’article 24, paragraphe 2, premier tiret, de la directive 2003/96 qui fait l’objet des questions préjudicielles dans la présente affaire.
5. Quant à la législation allemande pertinente, elle se trouve dans la loi du 15 juillet 2006 relative à la taxe sur l’énergie ( 4 ) ainsi que dans le règlement d’application de cette loi, du 31 juillet 2006 ( 5 ). Les dispositions qui transposent l’article 24 de la directive 2003/96 suivent assez fidèlement la formulation dudit article. Comme l’indique la juridiction de renvoi, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) interprète ces dispositions de manière stricte.
Les faits au principal, les questions préjudicielles et le déroulement de la procédure
6. La requérante au principal, Holger Forstmann Transporte GmbH & Co. KG (ci-après «HFT») est une entreprise de transport routier ayant son siège en Allemagne. Elle a acquis, pour les besoins de son activité, un véhicule utilitaire à moteur auprès de Daimler AG, un constructeur de véhicules utilitaires. Ce véhicule était originairement équipé d’un réservoir de carburant de 780 litres. Comme l’utilisation du véhicule prévue par HFT nécessitait l’installation d’équipements spécifiques, cette tâche a
été confiée à R&S Fahrzeugbau, une entreprise de carrosserie. En effectuant cette installation, l’entreprise de carrosserie a dû, pour des raisons techniques, déplacer le réservoir de carburant originairement installé par le constructeur du véhicule (ci-après le «réservoir 1»). Lors de cet aménagement, l’entreprise de carrosserie a également installé un second réservoir de 780 litres, acquis au préalable auprès de Hoppe Truck-Tanks GmbH & Co. KG (ci-après le «réservoir 2»). Un second réservoir
aurait pu être également installé par le constructeur du véhicule, mais cette solution n’était pas économiquement rentable, car ce réservoir aurait alors dû lui aussi être déplacé aux fins de l’aménagement final du véhicule.
7. Les 2 décembre 2009 et 14 février 2011, un chauffeur a ravitaillé en carburant le véhicule en cause aux Pays-Bas puis l’a immédiatement reconduit sur le territoire allemand. Le carburant était utilisé uniquement pour la propulsion du véhicule.
8. Le 28 juin 2012, HFT a déclaré auprès du Hauptzollamt Münster, défenderesse dans l’affaire au principal, les quantités de carburant importées dans le réservoir 2. À la suite de cette déclaration, le Hauptzollamt Münster a exigé, par avis du 3 juillet 2012, le paiement de la somme de 501,22 euros au titre de la taxe sur l’énergie pour le carburant importé dans le réservoir 2 et, par avis du 19 septembre 2012, le paiement de la somme de 291,14 euros au titre de la même taxe pour le carburant
importé dans le réservoir 1. En effet, le Hauptzollamt Münster a considéré que ni le réservoir 1, déplacé par l’entreprise de carrosserie, ni le réservoir 2, installé originairement par cette même entreprise, n’avaient été fixés à demeure par le constructeur du véhicule et qu’ils ne répondaient dès lors pas à la définition de réservoirs normaux au sens des dispositions du droit allemand prises pour la transposition de l’article 24 de la directive 2003/96. Le carburant contenu dans ces réservoirs
ne pouvait donc pas être exonéré conformément à ces mêmes dispositions.
9. Les recours gracieux de HFT ayant été rejetés par le Hauptzollamt Münster, celle-ci a introduit devant la juridiction de renvoi un recours visant à l’annulation desdits avis.
10. Comme l’indique la juridiction de renvoi, selon l’interprétation donnée aux dispositions pertinentes par le Bundesfinanzhof, le recours devrait être rejeté. En effet, en vertu de cette interprétation, les réservoirs installés par des concessionnaires ou des carrossiers ne seraient pas couverts par la notion de réservoirs normaux. Selon la juridiction de renvoi, le Bundesfinanzhof se fonde principalement sur l’interprétation donnée par la Cour, dans l’arrêt Schoonbroodt ( 6 ), de l’article 112,
paragraphe 1, du règlement (CEE) no 918/83 du Conseil, du 28 mars 1983, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières ( 7 ), lequel est formulé, en substance, de manière identique à l’article 24 de la directive 2003/96.
11. La juridiction de renvoi se demande pourtant s’il ne serait pas plus pertinent d’adopter une interprétation plus large de la notion de réservoirs normaux, afin qu’elle couvre également les réservoirs installés par des concessionnaires ou des carrossiers, comme par exemple ceux en question dans l’affaire au principal. La juridiction de renvoi considère qu’une telle interprétation large pourrait s’inspirer de l’approche adoptée par la Cour dans l’arrêt Meiland Azewijn ( 8 ).
12. Dans ces conditions, le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Convient-il d’interpréter la notion de constructeur figurant à l’article 24, paragraphe 2, premier tiret, de la directive [2003/96] en ce sens qu’elle couvre également les carrossiers et concessionnaires qui ont monté le réservoir de carburant au cours du processus de construction du véhicule, étant entendu que, pour des raisons techniques et/ou économiques, plusieurs entreprises indépendantes ont participé à ce processus dans le cadre de la division du travail?
2) En cas de réponse affirmative à la première question: dans quel sens convient-il d’interpréter la condition selon laquelle l’article 24, paragraphe 2, premier tiret, de la directive 2003/96 couvre les véhicules à moteur ‘du même type’?»
13. La décision de renvoi est parvenue à la Cour le 26 mars 2013. Des observations écrites ont été déposées par HFT, le Hauptzollamt Münster, la République tchèque et la Commission. Il n’a pas été tenu d’audience.
Analyse
14. Dans les questions préjudicielles, l’interprétation sollicitée par la juridiction de renvoi porte sur les notions de «constructeur» et de véhicules «du même type». Je pense cependant qu’il serait plus judicieux, comme le propose d’ailleurs le gouvernement tchèque, d’analyser la définition des réservoirs normaux dans son ensemble, et plus précisément de s’interroger sur l’interprétation qu’il convient de donner à cette définition dans le contexte économique et technique actuel afin d’assurer
l’effet utile de l’article 24 de la directive 2003/96.
La genèse de la disposition en cause
15. La définition des réservoirs normaux des véhicules utilitaires aux fins de la franchise des droits et taxes sur le carburant y contenu est apparue pour la première fois, sauf erreur de ma part, à l’article 112, paragraphe 2, sous c), du règlement no 918/83. Cette définition était formulée, en substance, de façon identique à celle figurant actuellement à l’article 24 de la directive 2003/96.
16. La définition ainsi formulée est basée sur la prémisse, sans doute vraie à l’époque de son adoption, selon laquelle les constructeurs de véhicules utilitaires proposent des types de véhicules qui sont standardisés en ce qui concerne la plupart de leurs caractéristiques techniques, y compris le nombre et le type de réservoirs de carburant. Il était alors facile d’identifier un type concret de véhicule et de vérifier si le réservoir de carburant d’un véhicule donné répondait aux caractéristiques
spécifiques du type auquel ce véhicule appartenait. Dans le contexte des relations commerciales avec les États tiers, cela permettait de prévenir l’importation – au détriment des intérêts fiscaux des État membres – de quantités excédentaires de carburant en provenance de pays où son prix, en raison des différences des taux de change et de la politique fiscale, était nettement inférieur à ceux pratiqués sur le marché communautaire.
17. La référence à la notion de réservoirs normaux ainsi définie avait l’avantage d’empêcher non seulement l’importation de carburant dans des réservoirs portatifs (ce qui était permis en ce qui concerne les véhicules de tourisme) et autres récipients divers, mais également dans des réservoirs additionnels spécifiquement installés sur les véhicules utilitaires en vue de l’importation de carburant sur le territoire douanier communautaire. L’existence de contrôles aux frontières extérieures permettait
d’assurer l’efficacité de ces dispositions.
18. En ce qui concerne l’importation, en exonération du droit d’accise, du carburant contenu dans les réservoirs des véhicules utilitaires dans les relations intracommunautaires, la même définition – déjà présente à l’article 2, second tiret, de la directive 68/297/CEE du Conseil, du 19 juillet 1968, concernant l’uniformisation des dispositions relatives à l’admission en franchise du carburant contenu dans les réservoirs des véhicules automobiles utilitaires ( 9 ), telle que modifiée par la
directive 85/347/CEE du Conseil, du 8 juillet 1985 ( 10 ) – avait été reprise pratiquement mot pour mot à l’article 8 bis, paragraphe 2, de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales ( 11 ), introduit en vertu de la directive 94/74/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 ( 12 ).
19. Selon le dix-neuvième considérant de la directive 94/74, l’exonération du droit d’accise dans un État membre du carburant mis à la consommation dans un autre État membre et contenu dans les réservoirs des véhicules utilitaires est accordée «aux fins de ne pas entraver la libre circulation des personnes et des biens et de ne pas conduire à des doubles impositions».
20. La directive 92/81 a été abrogée et remplacée par la directive 2003/96 et son article 8 bis est devenu, sans modifications substantielles, l’article 24 de la directive 2003/96.
La jurisprudence de la Cour
L’arrêt Schoonbroodt
21. La Cour a déjà eu, une fois, l’occasion d’interpréter la définition des réservoirs normaux au sens de la législation de l’Union, dans l’arrêt Schoonbroodt ( 13 ). Bien que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernât, comme en l’espèce, l’admission du carburant contenu dans les réservoirs des véhicules utilitaires en exonération du droit d’accise dans le cadre des relations intracommunautaires, par le jeu de la législation belge, l’interprétation sollicitée par la juridiction de renvoi
portait cependant sur la notion de réservoirs normaux telle que définie à l’article 112 du règlement no 918/83, c’est-à-dire dans le domaine des franchises douanières ( 14 ).
22. Dans cet arrêt, la Cour a retenu une interprétation stricte de la notion de réservoirs normaux. Elle a en particulier exclu du champ de cette notion les réservoirs fixés à demeure par un concessionnaire ou un carrossier ( 15 ).
23. Pour motiver cette solution, la Cour s’est référée aux principes découlant de la jurisprudence en matière de franchises douanières, selon lesquels «lorsqu’il arrête des normes accordant des suspensions de droits de douane, le Conseil doit tenir compte des exigences de la sécurité juridique et des difficultés auxquelles doivent faire face les administrations douanières nationales […]. Il s’ensuit que de telles dispositions sont à interpréter de façon stricte, conformément à leur libellé, de sorte
qu’il n’est pas possible de les appliquer, au-delà de leurs termes, à des produits dont elles ne font pas mention» ( 16 ).
L’arrêt Meiland Azewijn
24. Dans l’arrêt Meiland Azewijn ( 17 ), la Cour s’est prononcée sur l’interprétation de l’article 8 bis de la directive 92/81, disposition par la suite remplacée par celle en cause dans la présente affaire. Cependant, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait non pas la définition des réservoirs normaux, mais la notion de véhicules utilitaires, qui n’est pas définie à cet article, ainsi que le point de savoir si le carburant contenu dans les réservoirs de ces véhicules et admis en
exonération du droit d’accise pouvait uniquement être utilisé pour la propulsion du véhicule ou bien s’il pouvait servir également à faire fonctionner des machines et des systèmes installés sur le véhicule, comme des machines agricoles.
25. Bien que l’objet de l’interprétation donnée dans l’arrêt Meiland Azewijn ( 18 ) soit différent de celui de la présente affaire, certaines solutions dégagées par la Cour peuvent nous intéresser. Premièrement, en ce qui concerne la notion de véhicules utilitaires, la Cour a rejeté les références aux définitions de cette notion figurant – dans le contexte de la franchise du carburant – dans la directive 68/297 et le règlement no 918/83 ( 19 ). Elle a préféré se référer à l’économie et à la finalité
de la disposition en cause, à savoir la protection de la libre circulation des personnes et des biens et le souci d’éviter les doubles impositions ( 20 ). La Cour a conclu qu’il convenait d’interpréter l’article 8 bis de la directive 92/81 de manière large ( 21 ).
26. Deuxièmement, au sujet de l’utilisation du carburant importé en exonération du droit d’accise, la Cour a jugé que celui-ci pouvait être utilisé non seulement pour la propulsion du véhicule mais également à d’autres fins, par exemple pour les travaux agricoles. Cette solution est particulièrement intéressante, vu la formulation de la définition des réservoirs normaux que nous devons analyser dans la présente affaire. En effet, cette définition prévoit explicitement que l’agencement desdits
réservoirs doit permettre «l’utilisation directe du carburant tant pour la propulsion des véhicules que, le cas échéant, pour le fonctionnement, au cours du transport, des systèmes de réfrigération et autres systèmes» ( 22 ). Il me paraît clair que, prise à la lettre, cette définition ne concerne que le carburant utilisé dans le contexte du transport soit pour la propulsion du véhicule, soit pour le fonctionnement, dans le cadre du transport, des systèmes du véhicule. La Cour s’est donc
clairement écartée de la lettre de l’article 8 bis.
Appréciation juridique
27. Après avoir ainsi exposé le contexte historique et jurisprudentiel de la définition des réservoirs normaux au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2003/96, je vais maintenant procéder à l’appréciation de l’interprétation de cette disposition à la lumière des circonstances factuelles de l’affaire au principal. Cette appréciation se fera en deux temps, en distinguant le cas du réservoir 1 et celui du réservoir 2, tels que décrits au point 6 des présentes conclusions, pour parvenir,
pourtant, à une conclusion commune.
Le cas du réservoir 1
28. Pour rappel, le réservoir 1 a été installé sur le véhicule par le constructeur, avant d’être déplacé, dans le cadre d’un aménagement final, par un carrossier.
29. Le Hauptzollamt Münster n’a pas accordé l’exonération du droit d’accise pour le carburant contenu dans ce réservoir, considérant que ce dernier ne relevait pas de la définition des réservoirs normaux au sens de la directive 2003/96. Le Hauptzollamt Münster a considéré que, en raison de son déplacement par un tiers, le réservoir en question n’avait pas été fixé sur le véhicule par le constructeur, comme l’exige, toujours selon cette autorité, l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2003/96.
30. Le Hauptzollamt Münster maintient cette interprétation dans ses observations écrites. Il s’appuie principalement sur une lecture littérale de la disposition en cause, sur l’arrêt Schoonbroodt ( 23 ) ainsi que sur le principe de la sécurité juridique. Cependant, j’éprouve de forts doutes quant au fait que ces trois éléments puissent effectivement fonder l’approche retenue par l’autorité fiscale allemande.
31. Premièrement, en ce qui concerne la lettre de la définition contenue à l’article 24, paragraphe 2, premier tiret, de la directive 2003/96, il n’y est pas fait mention d’un «réservoir fixé par le constructeur» sur un véhicule concret. Au contraire, la formulation retenue emploie le pluriel, en définissant comme réservoirs normaux les «réservoirs fixés à demeure par le constructeur sur tous les véhicules à moteur du même type que le véhicule concerné» ( 24 ). Il s’agit donc, comme l’observe à
juste titre la Commission, d’une catégorie générale de réservoirs, et non pas de la question de savoir si un réservoir concret a été physiquement installé sur le véhicule par le constructeur.
32. Le fait que le législateur a retenu une telle solution s’explique aisément par la finalité de la disposition en cause, qui est de protéger la libre circulation des personnes et des marchandises ainsi que d’éviter des doubles impositions, tout en assurant la protection des intérêts fiscaux légitimes des États membres. Du point de vue de cette finalité, l’élément pertinent est non pas la personne qui a installé le réservoir donné sur un véhicule concret, mais la fonctionnalité du réservoir, à
savoir permettre la propulsion du véhicule et le fonctionnement de ses systèmes dans le cadre d’un usage normal. Une interprétation qui exclut le réservoir du seul fait qu’il a été remplacé ou même seulement déplacé à l’occasion d’une réparation ou d’une modification du véhicule par une autre personne que le constructeur n’est conforme ni à la lettre ni à la finalité de l’article 24 de la directive 2003/96.
33. Une telle interprétation ne découle pas non plus de l’arrêt Schoonbroodt. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il s’agissait non pas d’un réservoir remplacé ou déplacé, mais de réservoirs additionnels, ajoutés sur les véhicules par des concessionnaires ou des carrossiers afin d’accroître leur autonomie ( 25 ). La Cour a dès lors considéré, en se fondant sur l’interprétation littérale de la disposition analysée, qu’il ne s’agissait pas des réservoirs fixés par le constructeur «sur tous
les véhicules à moteur du même type que le véhicule concerné», car le constructeur n’équipait effectivement pas normalement ses véhicules de tels réservoirs.
34. C’est dans ce contexte que la Cour a jugé que la définition des réservoirs normaux figurant à l’article 112, paragraphe 2, sous c), du règlement no 918/83 ne couvrait pas les réservoirs qui «[avaient] été fixés à demeure par un concessionnaire du constructeur ou par un carrossier en vue de réaliser certains objectifs d’ordre économique» ( 26 ). Bien que la lecture du seul dispositif de l’arrêt Schoonbroodt puisse suggérer que sont exclus du champ de la définition des réservoirs normaux tous les
réservoirs installés par des personnes autres que le constructeur, les motifs de cet arrêt conduisent à une conclusion plus nuancée. En particulier, je ne crois pas qu’il puisse être considéré, sur le fondement dudit arrêt, que sont exclus de la définition en cause les réservoirs fixés par des tiers non pas «en vue de réaliser certains objectifs d’ordre économique», mais simplement pour rétablir les fonctionnalités du véhicule ou dans le cadre d’une modification de ces fonctionnalités.
35. Finalement, le principe de la sécurité juridique ne plaide pas non plus, à mon avis, en faveur de la thèse soutenue par le Hauptzollamt Münster. Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de la sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (
27 ). Ce principe vise donc, dans les affaires relevant du domaine fiscal, à protéger en premier lieu les intérêts des contribuables, et non pas ceux des autorités fiscales, en assurant notamment la prévisibilité des conséquences découlant de l’application de la loi.
36. En ce qui concerne l’affaire au principal, il faut observer que, si HFT a déclaré à l’autorité fiscale, «à titre préventif» comme elle le souligne, le carburant importé dans le réservoir 2, elle ne l’a pas fait, même à un tel titre préventif, pour le carburant importé dans le réservoir 1. À mon avis cela est dû au fait que HFT ne pouvait pas prévoir que le carburant importé dans le réservoir 1 pourrait ne pas bénéficier de l’exonération du droit d’accise.
37. Pourtant, la prévisibilité inhérente au principe de sécurité juridique exige que l’interprétation de la règle de droit ne mène pas à des résultats absurdes et contraires au bon sens. Tel serait précisément le cas dans la présente affaire si le bénéfice de l’exonération du droit d’accise dépendait de circonstances fortuites et dépourvues de pertinence du point de vue de la finalité de la disposition en cause, telles que le fait d’avoir remplacé ou déplacé après l’acquisition du véhicule le
réservoir originairement fixé par le constructeur. Si une telle interprétation était retenue, un entrepreneur pourrait bénéficier de l’exonération pour le carburant importé dans le réservoir de son véhicule, tandis qu’un autre entrepreneur, dans la même situation, serait privé de cette possibilité du seul fait d’avoir effectué des réparations ou des modifications de son véhicule. Un tel résultat serait non seulement illogique, mais créerait de plus une différence de traitement injustifiée
pouvant causer des distorsions de concurrence. L’interprétation d’une règle de droit qui conduit à un tel résultat ne saurait, à mon avis, être considérée comme conforme au principe de sécurité juridique.
38. Pour ces raisons, j’estime que la définition des réservoirs normaux figurant à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2003/96, même interprétée littéralement, vise les réservoirs fixés par d’autres personnes que le constructeur du véhicule dans les cas où ces personnes ne font que remplacer ou déplacer le ou les réservoirs fixés originairement par ce constructeur.
Le cas du réservoir 2
39. Pour rappel, le réservoir 2, de la même capacité que le réservoir 1, a été acquis auprès d’un revendeur autonome et installé sur le véhicule par le carrossier qui avait déplacé le réservoir 1. Le réservoir 2 aurait aussi bien pu être monté par le constructeur au cours de la fabrication du véhicule, mais ce n’était pas rentable, car ce réservoir aurait dû lui aussi être ensuite déplacé aux fins de l’aménagement final du véhicule.
40. La situation du réservoir 2 s’apparente à celle des réservoirs en cause dans l’arrêt Schoonbroodt ( 28 ) dans la mesure où, de manière similaire, il n’a jamais été fixé sur le véhicule par le constructeur. Il serait donc facile de conclure, en s’appuyant tant sur l’interprétation littérale de la définition contenue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2003/96 que sur cet arrêt, que, contrairement au réservoir 1, le réservoir 2 n’entre pas dans le champ couvert par cette définition. Je
crois pourtant qu’il serait plus opportun de résister à cette tentation. En effet, une telle solution trop facile ne paraît plus soutenable, au vu tant des circonstances économiques actuelles que des finalités de la disposition analysée de la directive 2003/96.
41. Selon l’affirmation faite par HFT dans ses observations écrites, confirmée par la Commission dans ses observations, il est aujourd’hui courant que la fabrication des véhicules utilitaires se fasse en plusieurs étapes, le constructeur ne produisant que le châssis et la cabine, le reste étant ensuite aménagé par des entreprises spécialisées. Le même principe s’applique aux réservoirs de carburant. Ainsi, les constructeurs proposent non pas un seul type de réservoir pour chaque type de véhicule,
mais différents réservoirs selon l’usage prévu du véhicule, le marché auquel le véhicule est destiné ou encore les souhaits du client. Il se peut aussi, comme cela était le cas dans l’affaire au principal, que le réservoir soit installé non pas par le constructeur, mais par un tiers à une étape ultérieure de la fabrication du véhicule.
42. Dans ces conditions, il devient très difficile, voire impossible, d’apprécier si un réservoir donné fait effectivement partie de la catégorie des réservoirs «fixés à demeure par le constructeur sur tous les véhicules à moteur du même type que le véhicule concerné», ainsi qu’il ressort de la formulation exacte de la définition des réservoirs normaux. Il se pourrait même que, pour un type donné de véhicule, aucun réservoir ne réponde à cette définition et que, en conséquence, les utilisateurs de
ce véhicule soient privés du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 24 de la directive 2003/96.
43. Le Hauptzollamt Münster lui-même ne semble pas effectuer une telle analyse, en se fondant sur la prémisse selon laquelle un réservoir fixé directement par le constructeur relève de la définition des réservoirs normaux, tandis qu’un réservoir fixé par un tiers sort du champ de cette définition. Nous ne sommes alors plus dans le cadre d’une application littérale de la directive 2003/96, mais d’une approximation. Or, une telle approximation conduirait nécessairement à des inégalités de traitement.
Elle aurait aussi pour conséquence de limiter la concurrence, en ce sens qu’elle inciterait les entreprises de transport à s’approvisionner en pièces détachées auprès des constructeurs de véhicules et à les faire monter par ceux-ci plutôt que par des tiers. Dura lex sed lex pourrait-on dire, mais je crois qu’une telle différence de traitement n’a aucune justification ni dans le cadre d’une interprétation littérale ni du point de vue de la finalité de l’article 24 de la directive 2003/96.
44. Pour pallier ce problème, la Commission propose de vérifier, au cas par cas, quels sont les types de réservoirs proposés par le constructeur pour un type donné de véhicule et de considérer tous ces types de réservoirs comme couverts par la définition analysée. Cette solution ne me semble pas convaincante. Comme les constructeurs proposent souvent des variantes de leurs véhicules, qui diffèrent en fonction non seulement de l’utilisation prévue, mais également du marché sur lequel ces véhicules
sont mis en vente, la vérification de toutes les possibilités offertes, ne serait-ce que sur le territoire de l’Union européenne, nécessiterait de la part des autorités administratives et des juridictions d’effectuer des constatations factuelles très complexes et pourrait mener à des résultats divergents dans les différents États membres. Cela irait alors à l’encontre de la raison d’être de la directive 2003/96, qui est d’harmoniser les dispositions nationales concernant la taxation des produits
énergétiques. Par ailleurs, la proposition de la Commission ne tient pas compte des réservoirs qui peuvent être proposés non pas par les constructeurs des véhicules, mais par des tiers. Cependant, comme l’on s’écarte de toute façon d’une interprétation littérale de la disposition en question en admettant les réservoirs proposés en option par les constructeurs, il me paraît d’autant moins justifié d’écarter ceux proposés par des vendeurs indépendants.
45. HFT, pour sa part, propose de recourir à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules ( 29 ), pour interpréter la notion de type de véhicule au sens de l’article 24 de la directive 2003/96. Cependant, mise à part la question de savoir s’il est de bon usage de se servir d’un acte juridique
postérieur adopté dans un domaine de droit donné pour interpréter un acte antérieur relevant d’un domaine différent, je ne pense pas que la directive 2007/46 puisse être vraiment utile en l’espèce. En effet, le nombre, le type et la capacité des réservoirs de carburant ne figurent pas parmi les caractéristiques communes d’un «type de véhicule», énumérées à l’annexe II, partie B, de ladite directive. Autrement dit, les véhicules appartenant au même «type» au sens de la directive 2007/46 peuvent
avoir des réservoirs différents, ce qui nous ramène au point de départ en ce qui concerne l’interprétation de la définition des réservoirs normaux au sens de la directive 2003/96.
46. Je propose plutôt, à l’instar de ce qu’a fait la Cour dans l’arrêt Meiland Azewijn ( 30 ), d’interpréter la définition des réservoirs normaux au sens de l’article 24 de la directive 2003/96 en se référant à la finalité et à l’économie de cette disposition. Cette finalité est, je le rappelle, de protéger la libre circulation des personnes et des marchandises ainsi que d’éviter des doubles impositions ( 31 ). À cette fin, le législateur a prévu non pas une exonération à proprement parler du droit
d’accise, mais seulement une adaptation, en vertu de laquelle, par exception à la règle générale, le produit énergétique sous la forme de carburant contenu dans les réservoirs des véhicules utilitaires est taxé non pas dans l’État membre dans lequel il sera utilisé, mais dans celui où il a été mis à la consommation. En effet, l’obligation de déclarer à chaque passage d’une frontière intérieure la quantité de carburant contenue dans les réservoirs du véhicule et la nécessité de demander ensuite,
afin d’éviter une double imposition, la remise du droit d’accise dans l’État membre d’achat du carburant constituerait un obstacle considérable dans le transport routier entre États membres et, donc, une entrave aux échanges au sein du marché intérieur. C’est pour remédier à ce problème que le législateur a adopté l’article 24 de la directive 2003/96.
47. Du point de vue de cette finalité, l’élément pertinent est non pas l’origine du réservoir de carburant, mais le point de savoir si ce carburant sert à propulser le véhicule ou, éventuellement, à faire fonctionner les systèmes dont ce véhicule est doté. Le réservoir doit donc être installé de manière à permettre l’approvisionnement direct du véhicule en carburant. En revanche, la personne qui l’a installé ainsi que sa provenance n’ont pas d’importance. Il est donc clairement contraire à la
finalité de la directive 2003/96 de subordonner l’octroi de l’exonération à une circonstance qui, du point de vue de cette finalité, n’a aucune pertinence.
48. Cette analyse est corroborée par l’article 24, paragraphe 2, premier tiret, seconde phrase, de la directive 2003/96, selon laquelle «[s]ont également considérés comme réservoirs normaux les réservoirs à gaz adaptés sur des véhicules à moteur». En effet, ces réservoirs à gaz ne sont normalement pas fixés par les constructeurs, et encore moins «sur tous les véhicules à moteur du même type», car les véhicules à moteur sont d’habitude originairement destinés à être propulsés non pas par du gaz, mais
par un carburant dérivé du pétrole. Les réservoirs à gaz sont donc installés par des entreprises spécialisées, indépendantes des constructeurs.
49. Cette mention, déjà présente dans le règlement no 918/83, reflète la volonté du législateur de rendre la définition des réservoirs normaux flexible, afin ne pas exclure, de façon injustifiée, certains contribuables du bénéfice de l’exonération. À une époque où les réservoirs pour essence ou gazole étaient normalement montés en série, cette flexibilité pouvait se limiter aux réservoirs à gaz. Dans le contexte économique actuel de la construction des véhicules par étapes, elle ne serait pas
suffisante. Dès lors, si la directive 2003/96 prévoit expressément l’exonération pour le gaz contenu dans des réservoirs fixés par des tiers, je ne vois pas de raisons permettant d’affirmer que l’essence ou le gazole contenu dans de tels réservoirs ne doit pas bénéficier de la même exonération. Encore une fois, une telle affirmation serait fondée sur des circonstances qui n’ont aucune pertinence au regard des finalités de la disposition en cause.
50. En ce qui concerne la prévention d’éventuels abus, je pense que le risque de tels abus n’est pas lié à l’origine des réservoirs de carburant. Le fait d’utiliser du carburant acquis dans un État membre lors du passage dans un autre État membre ne constitue pas un abus. Le fait d’acheter du carburant dans un État membre où son prix est moins élevé pour l’utiliser dans un autre État membre n’est pas un abus non plus, si la proximité de la frontière rend une telle opération rentable. C’est un
mécanisme économique naturel, inhérent au marché intérieur. Un abus pourrait éventuellement consister à utiliser le carburant importé dans le réservoir d’un véhicule à d’autres fins que la propulsion du même véhicule ou le fonctionnement des systèmes dont il est doté. Or, un tel abus est possible également à l’aide des seuls réservoirs fixés par le constructeur. Les États membres doivent alors combattre ces abus par d’autres moyens que la subordination de l’octroi de l’exonération à l’origine du
réservoir.
51. On pourrait encore opposer à l’interprétation que je propose le fait que la Cour, dans son arrêt Schoonbroodt ( 32 ), n’a pas pris en considération les objectifs qui ont conduit le législateur communautaire à adopter l’article 8 bis de la directive 92/81, en retenant une acception étroite de la définition des réservoirs normaux. Il faut pourtant avoir à l’esprit que, dans cet arrêt, la Cour interprétait non pas la disposition d’une directive concernant l’imposition des produits énergétiques au
sein du marché intérieur, mais, par le jeu de la législation belge ( 33 ), une disposition d’un règlement en matière douanière, à savoir le règlement no 918/83. La Cour a, certes, affirmé dans son arrêt que «les définitions de la notion de ‘réservoirs normaux’ données dans les différentes dispositions susceptibles de se révéler pertinentes ne présentent pas de divergence significative dans le contexte de l’espèce au principal» ( 34 ). Il n’en demeure pas moins que l’argumentation de la Cour est
fondée sur une jurisprudence établie en matière douanière ( 35 ), et non sur la finalité d’une disposition adoptée dans le cadre du marché intérieur. Contrairement à l’avis présenté par M. l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Schoonbroodt ( 36 ), je pense qu’il est permis de prendre en compte d’autres considérations pour interpréter une disposition figurant dans une directive en matière du marché intérieur que celles prises en compte pour interpréter une disposition d’un
règlement en matière douanière, même si, par ailleurs, le libellé de ces dispositions est en substance identique. En particulier, il faut avoir à l’esprit que, si les dispositions des règlements sont d’application directe, celles des directives ne lient qu’en ce qui concerne le résultat à atteindre. En interprétant la disposition d’une directive, c’est donc au but poursuivi qu’il y lieu de s’attacher, plus qu’à son libellé exact. Cela ne préjuge en rien l’interprétation de la même définition
figurant dans le règlement en matière douanière.
52. Il convient encore d’observer que l’argument concernant la pratique de la construction des véhicules en plusieurs étapes avait déjà été soulevé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Schoonbroodt. La Cour y avait répondu en affirmant qu’il appartenait au législateur de l’Union d’en tirer les conséquences ( 37 ). Or, le législateur en a effectivement tiré les conséquences, car, dans sa proposition ( 38 ), la Commission a proposé une modification de la définition des réservoirs normaux au sens
de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2003/96, afin de tenir compte des changements dans le mode de fabrication des véhicules utilitaires ( 39 ). Selon la proposition de la Commission, cette définition devrait couvrir «les réservoirs fixés à demeure sur des véhicules à moteur par le constructeur ou par un tiers» et qui respectent les exigences techniques et permettent l’approvisionnement direct du véhicule en carburant ( 40 ).
53. La proposition de la Commission n’a pas encore été adoptée, mais je suis d’avis que l’interprétation de la disposition en cause dans sa formulation actuelle devrait aller dans le même sens. En outre, je ne partage pas l’argument a contrario avancé par le Hauptzollamt Münster, selon lequel la modification proposée par la Commission signifie que le texte actuel de la disposition a un contenu normatif différent, ce qui ne permet pas de l’interpréter en conformité avec cette proposition. En effet,
la volonté de la Commission est non pas de modifier les effets de l’article 24 de la directive 2003/96, mais précisément de les maintenir, en adaptant le libellé de cette disposition à la réalité économique. Ainsi, il est tout à fait possible d’atteindre cet objectif dès à présent, en adoptant une interprétation de la définition des réservoirs normaux conforme aux exigences actuelles du marché automobile.
Appréciation globale
54. Comme je l’ai déjà indiqué au point 14 des présentes conclusions, je pense qu’il convient d’apporter une réponse commune aux deux questions déférées par le Finanzgericht Düsseldorf, c’est-à-dire de donner une interprétation cohérente de la définition de la notion de réservoirs normaux au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2003/96. Cette définition devrait être comprise de manière à couvrir tous les réservoirs fixés à demeure sur les véhicules utilitaires qui servent à
l’approvisionnement direct desdits véhicules en carburant. Il va de soi que ces réservoirs doivent remplir toutes les exigences techniques.
55. J’admets que cette solution puisse paraître risquée, en ce qu’elle s’écarte tant du libellé exact de la disposition en cause que du seul arrêt dans lequel la Cour a interprété cette disposition. Il me semble pourtant que c’est la seule interprétation qui puisse assurer à la fois l’effet utile de l’article 24 de la directive 2003/96, son application uniforme dans toute l’Union ainsi que la sécurité juridique des contribuables.
Conclusion
56. Compte tenu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Finanzgericht Düsseldorf:
L’article 24, paragraphe 2, premier tiret, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, doit être interprété en ce sens que la notion de réservoirs normaux couvre tous les réservoirs fixés à demeure sur les véhicules utilitaires qui servent à l’approvisionnement direct en carburant de ces véhicules.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, du 13 avril 2011 [COM(2011) 169 final (JO C 189, p. 5, ci-après la «proposition de la Commission»)].
( 3 ) JO L 283, p. 51.
( 4 ) Energiesteuergesetz (BGBl. 2006 I, p. 1534), dans sa version résultant de l’article 1er de la loi du 17 juillet 2009 (BGBl. 2009 I, p. 1979).
( 5 ) Energiesteuer-Durchführungsverordnung (BGBl. 2006 I, p. 1753), dans sa version résultant de l’article 6 du règlement du 5 octobre 2009 (BGBl. 2009 I, p. 3262).
( 6 ) C‑247/97, EU:C:1998:586.
( 7 ) JO L 105, p. 1.
( 8 ) C‑292/02, EU:C:2004:499.
( 9 ) JO L 175, p. 15.
( 10 ) JO L 183, p. 22.
( 11 ) JO L 316, p. 12.
( 12 ) JO L 365, p. 46.
( 13 ) EU:C:1998:586.
( 14 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, points 18 et 20). Bien que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait les dispositions du règlement no 918/83, tel que modifié par le règlement (CEE) no 1315/88 du Conseil, du 3 mai 1988 (JO L 123, p. 2), cette modification n’a pas affecté en substance la définition des réservoirs normaux fixés sur les véhicules.
( 15 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, dispositif).
( 16 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, point 23). Voir aussi conclusions dans l’affaire Schoonbroodt (C‑247/97, EU:C:1998:323, points 38, 41 et 42), dans lesquelles M. l’avocat général Jacobs développe des considérations basées sur la jurisprudence établie en matière de droits de douane.
( 17 ) EU:C:2004:499.
( 18 ) EU:C:2004:499.
( 19 ) Dans cette affaire, il était question du carburant contenu dans les réservoirs d’engins agricoles, tandis que la directive 68/297 et le règlement no 918/83 définissaient le véhicule utilitaire comme destiné au transport des personnes ou des biens.
( 20 ) Arrêt Meiland Azewijn (EU:C:2004:499, points 39 à 41). La Cour s’est référée à la finalité de l’article 8 bis de la directive 92/81, telle que mentionnée au dix-neuvième considérant de la directive 94/74.
( 21 ) Arrêt Meiland Azewijn (EU:C:2004:499, point 41).
( 22 ) C’est moi qui souligne.
( 23 ) EU:C:1998:586.
( 24 ) C’est moi qui souligne. D’autres versions linguistiques de la directive 2003/96 emploient une formulation semblable – «die vom Hersteller für alle Kraftfahrzeuge desselben Typs fest eingebauten Behälter» en allemand, «zbiorniki trwale zamontowane przez wytwórcę we wszystkich pojazdach silnikowych tego samego rodzaju jak dany pojazd» en polonais, «the tanks permanently fixed by the manufacturer to all motor vehicles of the same type as the vehicle in question» en anglais.
( 25 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, points 7, 12 et 19).
( 26 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, dispositif).
( 27 ) Voir, notamment, arrêt Förster (C‑158/07, EU:C:2008:630, point 67).
( 28 ) EU:C:1998:586.
( 29 ) JO L 263, p. 1.
( 30 ) EU:C:2004:499. Voir points 24 à 26 des présentes conclusions.
( 31 ) Dix-neuvième considérant de la directive 94/74, qui a introduit l’article 8 bis de la directive 92/81, devenu article 24 de la directive 2003/96.
( 32 ) EU:C:1998:586.
( 33 ) Voir point 21 des présentes conclusions.
( 34 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, point 20).
( 35 ) Voir point 23 des présentes conclusions.
( 36 ) Voir conclusions dans l’affaire Schoonbroodt (EU:C:1998:323, point 45).
( 37 ) Arrêt Schoonbroodt (EU:C:1998:586, point 27).
( 38 ) Voir note en bas de page 2 des présentes conclusions.
( 39 ) Selon le considérant 26 de la proposition de la Commission: «Afin d’assurer la libre circulation tout en respectant les exigences de sécurité applicables aux véhicules automobiles utilitaires […], il convient d’actualiser la définition des réservoirs normaux de ces véhicules énoncée à l’article 24 de la directive [2003/96] afin [de] tenir compte du fait que les réservoirs ne sont pas installés sur les véhicules utilitaires par le constructeur exclusivement.» (c’est moi qui souligne).
( 40 ) Article 1er, point 18, de la proposition de la Commission.