ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
14 mai 2014 (*)
« Fonction publique – Agent contractuel – Recrutement – Appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/02/2010 »
Dans l’affaire F‑17/13,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Patricia Cocco, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Hunting (France), représentée par M^es A. Salerno et B. Cortese, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M^me C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, R. Barents (rapporteur) et K. Bradley, juges,
greffier : M^me X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 décembre 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 15 février 2013, M^me Cocco demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 25 avril 2012 rejetant sa demande d’engagement comme agent contractuel du groupe de fonctions III, ainsi que la réparation de son préjudice.
Cadre juridique
2 L’article 80 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « RAA »), prévoit :
« 1. Les agents contractuels sont répartis en quatre groupes de fonctions correspondant aux tâches qu’ils sont appelés à exercer. Chaque groupe de fonctions est subdivisé en grades et en échelons.
2. La correspondance entre les types de tâches et les groupes de fonctions est établie selon le tableau ci-après :
+------------------------------------------------------------------------------+
|Groupe de|Grades | Tâches |
|fonctions| | |
|---------+-------+------------------------------------------------------------|
| IV |13 à 18|Tâches administratives, de conseil, linguistiques et tâches |
| | |techniques équivalentes, exécutées sous la supervision de |
| | |fonctionnaires ou d’agents temporaires. |
|---------+-------+------------------------------------------------------------|
| III |8 à 12 |Tâches d’exécution, de rédaction, de comptabilité et autres |
| | |tâches techniques équivalentes, exécutées sous la |
| | |supervision de fonctionnaires ou d’agents temporaires |
|---------+-------+------------------------------------------------------------|
| II | 4 à 7 |Tâches de bureau et de secrétariat, direction de bureau et |
| | |autres tâches équivalentes, exécutées sous la supervision de|
| | |fonctionnaires ou d’agents temporaires |
|---------+-------+------------------------------------------------------------|
| I | 1 à 3 |Tâches manuelles et d’appui administratif effectuées sous le|
| | |contrôle de fonctionnaires ou d’agents temporaires |
+------------------------------------------------------------------------------+
[…] »
3 L’article 82, paragraphe 2, du RAA prévoit :
« […]
2. Le recrutement en tant qu’agent contractuel requiert au minimum :
a) dans le groupe de fonctions I, l’achèvement de la scolarité obligatoire ;
b) dans les groupes de fonctions II et III :
i) un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou
ii) un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins, ou
iii) lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle ou une expérience professionnelle de niveau équivalent ;
c) dans le groupe de fonctions IV :
i) un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins sanctionné par un diplôme, ou
ii) lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle de niveau équivalent.
[…] »
4 L’article 4, intitulé « Qualifications minimales », des dispositions générales d’exécution, du 2 mars 2011, de l’article 79, paragraphe 2, du RAA régissant les conditions d’emploi des agents contractuels engagés par la Commission en vertu des articles 3 bis et 3 ter dudit régime, publiées aux Informations administratives n^o 33‑2011 (ci-après les « DGE 2011 »), prévoit en son paragraphe 1 :
« 1. L’engagement en tant qu’agent contractuel ou agent contractuel auxiliaire requiert les qualifications minimales prévues à l’annexe I. »
5 L’article 14 des DGE 2011, qui concerne les dispositions transitoires, prévoit au paragraphe 1 :
« 1. Les personnes ayant réussi une sélection complète précédant l’entrée en vigueur [des DGE 2011] sont réputées avoir satisfait aux modalités de sélection définies à l’annexe II et III [des DGE 2011] pour autant que la liste de résultats de ladite sélection reste valable. »
6 L’article 14 des DGE 2011 est complété par une note de bas de page :
« Les candidats ayant réussi la sélection [EPSO/CAST/2010] partielle sont réputés avoir réussi l’équivalent du volet Al décrit dans l’annexe III. »
7 L’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011, relative aux qualifications minimales pour l’engagement d’un agent contractuel ou d’un agent contractuel auxiliaire, prévoit :
« dans le groupe de fonctions III :
i) un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou
ii) un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois ans. Dans ce contexte, une expérience professionnelle est considérée comme appropriée si elle est obtenue dans un des domaines d’activité de la Commission européenne après le diplôme donnant accès à ce groupe de fonctions, ou
iii) à titre exceptionnel et lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle ou une expérience professionnelle équivalente ; la [c]ommission [p]aritaire est informée annuellement de l’usage fait de cette disposition. »
8 Le 17 mai 2010, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a lancé l’appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/02/2010 pour la constitution d’une base de données de candidats en vue de recruter des agents contractuels pour des profils de secrétaire (groupe de fonctions II), de gestionnaire financier (groupe de fonctions II) et d’assistant financier (groupe de fonctions III) au sein de la Commission (ci-après l’« AMI »).
9 Selon le paragraphe 3, relatif aux critères d’admission et conditions générales devant être remplies par les candidats, du point A de l’AMI « Conditions et admissibilité » :
« Pour présenter votre candidature à un poste d’agent contractuel, vous devez, à la date limite d’inscription (14/06/2010), satisfaire aux critères d’admission énumérés ci-après pour chaque groupe de fonctions, ainsi qu’aux conditions générales.
a) Formation requise
[…]
Pour le groupe de fonctions III :
[–] un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme, ou
[–] un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins.
[…] »
Faits à l’origine du litige
10 La requérante, qui a obtenu son diplôme d’enseignement secondaire le 7 juillet 1992, a travaillé comme secrétaire chargée des relations avec la clientèle de la société « DuPont Teijin Films » du 10 août 1998 au 30 mai 1999. Le 23 août 1999, elle est entrée au service de la Commission en tant qu’agent intérimaire de catégorie C. Son contrat a été prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 15 juin 2000. Entre le 16 juin 2000 et le 31 juillet 2002, elle a bénéficié de plusieurs contrats d’agent
auxiliaire de catégorie C et d’agent intérimaire de catégorie C.
11 Le 1^er août 2002, la requérante a été recrutée en tant qu’agent temporaire de catégorie B, au grade B 5, au titre de l’article 2, sous b), du RAA. Son contrat a pris fin le 31 juillet 2003. Entre le 18 avril 2005 et le 15 novembre 2006, elle a été à nouveau engagée par la Commission en tant qu’agent intérimaire de catégorie C. Du 16 novembre 2006 au 15 mars 2007, elle a bénéficié d’un contrat d’agent contractuel auxiliaire du groupe de fonctions II au titre de l’article 3 ter du RAA.
12 Enfin, le 16 mars 2007, la requérante a été engagée en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions II au titre de l’article 3 bis du RAA. Elle a été affectée à Luxembourg (Luxembourg), auprès de l’Office « Infrastructures et logistique » (OIL) où elle a exercé des fonctions budgétaires et financières dans un emploi de « commis – initiateur financier ». Après deux renouvellements de son contrat, elle bénéficie depuis le 1^er janvier 2010 d’un contrat à durée indéterminée.
13 Le 30 juillet 2010, la requérante a réussi les épreuves de sélection prévues par l’AMI pour le profil d’assistant financier. Le 30 mai 2011, l’EPSO a lancé une phase supplémentaire dans la procédure de sélection prévue par l’AMI, uniquement pour les lauréats de la procédure initiale, consistant en un test supplémentaire de compétences relatives au profil professionnel. Le 14 septembre 2011, la requérante a réussi les tests complémentaires pour le groupe de fonctions III. Elle a ensuite été
invitée à un entretien avec le comité de sélection institué au sein de l’OIL qui a eu lieu le 24 octobre 2011. À la suite de cet entretien, le comité de sélection a proposé son engagement comme assistant financier, agent contractuel du groupe de fonctions III.
14 Le 28 mars 2012, l’OIL, suivant la proposition du comité de sélection, a adressé à la direction générale (DG) « Ressources humaines et sécurité » de la Commission une demande d’engagement de la requérante comme agent contractuel du groupe de fonctions III.
15 Le 25 avril 2012, le chef de l’unité « Recrutement et fin de service » de la direction « Processus RH centraux 1 : carrière » de la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, agissant en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a rejeté la demande de l’OIL en faisant valoir que l’analyse des expériences professionnelles de la requérante « n’a[vait] pas permis de démontrer qu’elle avait acquis en date du 14 juin 2010, trois années
d’expérience professionnelle équivalente à un [groupe de fonctions] III » (ci-après la « décision attaquée »). Le 24 mai 2012, la requérante a reçu une copie électronique de la décision attaquée.
16 Le 25 juillet 2012, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), par laquelle elle demande l’annulation de la décision attaquée. Le 9 novembre 2012, la réclamation a été rejetée.
Conclusions des parties
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission à réparer le préjudice matériel équivalent à la différence entre la rémunération correspondant au groupe de fonctions III et celle qu’elle a continué à percevoir en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions II, et ce pour la période allant d’octobre 2011 jusqu’au moment où elle sera engagée dans le groupe de fonctions III ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur les conclusions en annulation
19 À l’appui de son recours, la requérante invoque à titre principal deux moyens, le premier tiré de la violation ensemble de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, de l’article 2, point 1, sous b), des dispositions générales d’exécution, du 7 avril 2004, relatives aux procédures régissant l’engagement et l’emploi des agents contractuels à la Commission, publiées aux Informations administratives n^o 49‑2004 (ci-après les « DGE 2004 ») et/ou de l’article 1^er, point 3, sous c), de
l’annexe I des DGE 2011, ainsi que des dispositions de l’AMI, et le deuxième, tiré à lui seul de la violation de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA. Elle invoque en outre, à titre subsidiaire, un troisième moyen, tiré d’une erreur dans l’appréciation de son expérience professionnelle.
20 Les deux premiers moyens soulevés à titre principal se confondant, il y a lieu de les examiner ensemble.
Arguments des parties
21 S’agissant de la prétendue violation de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, la requérante fait valoir, premièrement, que cette disposition, sous ii), ne requiert qu’une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins. C’est seulement dans l’hypothèse prévue sous iii), de la même disposition que l’AHCC peut prévoir la nécessité d’une expérience professionnelle supplémentaire dans le but de compenser une formation inférieure.
22 Deuxièmement, toujours dans le cadre du premier moyen, la requérante observe que lors de la modification des DGE 2004 en 2011 il n’a pas été ajouté de nouvelles conditions minimales d’expérience professionnelle appropriée et il n’a pas non plus été spécifié que cette expérience devait être d’un niveau équivalent au groupe de fonctions auquel on prétend avoir accès.
23 Troisièmement, la requérante observe que le paragraphe 3, intitulé « Critères d’admission et conditions générales », du point A de l’AMI, ne fait référence qu’à « une expérience professionnelle appropriée de trois années aux moins », sans prévoir que cette expérience doive être d’un niveau équivalent à celui du groupe de fonctions auquel le candidat prétend accéder. La requérante ajoute que les indications contenues dans la partie finale de l’AMI sur la nature des fonctions du profil
assistant financier ne constituent pas des conditions d’expérience pour l’engagement pour un emploi de ce profil, étant donné que, selon l’AMI, ces profils seraient des versions simplifiées des profils génériques qui seront utilisés pour l’établissement des contrats. La requérante en conclut que l’AHCC confond les conditions minimales d’expérience exigées pour l’engagement des agents contractuels dans le groupe de fonctions III, avec les conditions d’expérience professionnelle requises pour le
classement en grade des agents contractuels.
24 Dans son deuxième moyen, pour soutenir que l’AHCC aurait commis une erreur dans l’interprétation et l’application de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, la requérante soutient que, lorsqu’un candidat se prévaut, comme en l’espèce, d’une formation d’un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur, l’expérience professionnelle requise pour l’accès au groupe de fonctions III serait identique à l’expérience professionnelle requise
pour l’accès au groupe de fonctions II.
25 La Commission conclut au rejet des deux premiers moyens.
Appréciation du Tribunal
26 À cet égard, le Tribunal rappelle que si l’administration bénéficie d’une large marge d’appréciation pour déterminer si l’expérience professionnelle antérieure d’un candidat peut être prise en compte en vue de son recrutement en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III, l’exercice de ce large pouvoir d’appréciation doit notamment se faire dans le respect de l’ensemble des dispositions applicables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Fares/Commission, F‑6/09,
points 38 et 39).
27 S’agissant des dispositions applicables, dès lors que la requérante fonde son recours tant sur les DGE 2004 que sur les DGE 2011, il importe de déterminer lesquelles, de 2004 ou de 2011, sont applicables au cas d’espèce, car, si elles ont le même objet, des nuances existent entre elles, notamment en ce qui concerne la notion d’« expérience professionnelle appropriée » que précisent les DGE 2011.
28 Il convient de rappeler, à cet égard, que la légalité d’un acte s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant au moment de son adoption (arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, point 151 ; arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Mische/Commission, F‑70/05, point 70). Or, les DGE 2011 ont été adoptées et sont entrées en vigueur le 2 mars 2011 et étaient ainsi applicables lorsque la décision attaquée a été
prise, à savoir le 25 avril 2012. À cette date, les DGE 2011 avaient abrogé les DGE 2004. Certes, les DGE 2004 étaient applicables lors de la publication de l’AMI et à la date du 14 juin 2010, à laquelle les conditions d’admission devaient être réunies. Toutefois, l’AHCC n’a pris, à ce moment, aucune décision définitive concernant le point de savoir si la requérante pouvait se prévaloir de l’expérience appropriée requise pour être recrutée dans le groupe de fonctions III. De plus, les dispositions
transitoires, figurant à l’article 14 des DGE 2011, règlent le problème de la réussite des épreuves de sélection avant l’entrée en vigueur desdites DGE, la question des contrats en cours, la difficulté résultant des engagements sur la base d’une disposition dérogatoire figurant dans les DGE 2004, la situation des jeunes experts en délégation et le recours à des boursiers.
29 Les dispositions transitoires prévues à l’article 14 des DGE 2011 ne concernent pas, en revanche, la question de l’appréciation des qualifications minimales d’engagement requises pour postuler à un emploi d’agent contractuel dans les divers groupes de fonctions et spécialement dans le groupe de fonctions III. Or, une disposition transitoire fait, en principe, l’objet d’une interprétation stricte, dès lors qu’elle déroge aux règles et aux principes de valeur permanente qui s’appliqueraient
immédiatement aux situations en cause en l’absence dudit régime (ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2012, Mische/Commission, T‑641/11 P, point 45 ; arrêts du Tribunal du 30 septembre 2010, Vivier/Commission, F‑29/05, points 67 et 68, et la jurisprudence citée, et Toth/Commission, F‑107/05, points 71 et 72, et la jurisprudence citée). À défaut de circonstances particulières justifiant une interprétation extensive de l’article 14 des DGE 2011, il découle de ce qui précède que,
au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’AHCC devait apprécier l’expérience que la requérante avait acquise à la date du 14 juin 2010 au regard des DGE 2011 (voir arrêt du Tribunal du 25 septembre 2013, Marques/Commission, F‑158/12, points 21 à 23).
30 Selon une jurisprudence constante, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et de son contexte, mais aussi des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, point 12 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer, T‑160/08 P, point 70 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 2011, Begue
e.a./Commission, F‑27/10, point 40).
31 En l’espèce, il importe de relever d’emblée qu’en précisant que les candidats devaient avoir « une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins », l’AMI reproduit la terminologie figurant tant à l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA qu’à l’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011.
32 À défaut de diplôme sanctionnant un niveau d’enseignement supérieur, l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA exige soit « une expérience professionnelle appropriée », quand l’intéressé a suivi « un niveau d’enseignement secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur », soit, si tel n’est pas le cas, « une formation professionnelle ou une expérience professionnelle de niveau équivalent ». L’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 reprend
la même distinction et celle-ci se retrouve dans les différentes versions linguistiques du RAA et des DGE 2011 (par exemple, en allemand « einschlägige Berufserfahrung » et « gleichwertige [...] Berufserfahrung », en anglais « appropriate professional experience » et « professional experience of an equivalent level », en italien « esperienza professionale adeguata » et « esperienza professionale di livello equivalente », ainsi qu’en néerlandais « relevante beroepservaring » et « gelijkwaardige
beroepservaring »).
33 Or, il y a lieu de considérer que, lorsque le législateur et l’autorité administrative emploient, dans un même texte de portée générale, deux termes distincts, des raisons de cohérence et de sécurité juridique s’opposent à ce que ceux-ci se voient attribuer la même portée. Il en va a fortiori ainsi lorsque ces termes recouvrent des sens différents dans le langage courant. Tel est précisément le cas des adjectifs « approprié » et « équivalent ». Dans son sens usuel, l’adjectif « approprié »
signifie « adapté à un usage déterminé », ce que corrobore la deuxième phrase de l’article 1^er, point 3, sous c), ii), de l’annexe I des DGE 2011. Par contre, l’adjectif « équivalent » signifie « de même valeur » et a donc un sens plus restreint.
34 De plus, il ressort de l’arrêt Fares/Commission, précité, que l’article 82, paragraphe 2, sous b), iii), du RAA doit se comprendre en ce sens que, lorsque l’intérêt du service le justifie, l’institution peut permettre l’accès à un emploi du groupe de fonctions III à un candidat qui n’est titulaire ni d’un diplôme d’enseignement supérieur ni d’un diplôme d’enseignement secondaire donnant accès à l’enseignement supérieur, mais qui peut se prévaloir d’une formation professionnelle ou d’une
expérience professionnelle, qui ne répondrait pas aux critères énoncés à l’article 82, paragraphe 2, sous b), i) et ii), mais dont le niveau serait équivalent à ceux-ci (arrêt Fares/Commission, précité, point 50).
35 En d’autres termes, dans l’article 82, paragraphe 2, sous b), iii), du RAA, ainsi que dans l’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 et dans l’AMI qui en reprennent les dispositions, l’exigence d’une équivalence renvoie aux critères relatifs au niveau d’enseignement et le cas échéant à l’expérience professionnelle mentionnés à l’article 82, paragraphe 2, sous b), i) et ii), et non directement aux tâches relevant du groupe de fonctions III, comme l’a soutenu la Commission
dans la décision attaquée et dans le rejet de la réclamation.
36 Enfin, l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA est issu du règlement (CE, Euratom) n^o 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1). Or, si ce règlement met l’accent, en son deuxième considérant, sur la nécessité pour « [l]es Communautés [de] disposer d’une administration publique européenne d’un niveau de qualité élevé », il n’est pas possible
d’inférer de cet objectif général que l’exigence d’une expérience professionnelle appropriée pour accéder aux postes du groupe de fonctions III devrait se comprendre comme imposant plus strictement une expérience de niveau équivalent à celle susceptible d’être acquise dans ce seul groupe de fonctions.
37 Il découle de ce qui précède que l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, l’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011, ainsi que l’AMI doivent être interprétés en ce sens que le candidat à un recrutement en qualité d’agent contractuel dans le groupe de fonctions III doit pouvoir se prévaloir d’une expérience de trois années qui soit adaptée aux fonctions à pourvoir sans pour autant être équivalente à celles-ci (voir arrêt Marques/Commission, précité, points 25 à 32).
38 Cette interprétation n’est pas remise en cause par l’article 7, paragraphe 3, des DGE 2004. Non seulement, l’article 7, paragraphe 3, des DGE 2004 n’était plus en vigueur lors de l’adoption de la décision attaquée, mais, de plus, il se limitait à préciser que, pour être prise en considération en vue du classement en grade des agents contractuels, l’expérience professionnelle devait avoir été acquise dans une activité correspondant au minimum au niveau de qualifications requis pour accéder au
groupe de fonctions concerné, c’est-à-dire dans une activité correspondant à l’« expérience professionnelle appropriée » visée à l’article 2, paragraphe 1, point b), des DGE 2004.
39 En l’espèce, la question qui se posait à l’AHCC était donc de savoir si, au vu d’un examen in concreto des tâches effectuées dans son activité antérieure, la requérante avait acquis, au 14 juin 2010, une expérience de trois ans adaptée à l’exercice de fonctions d’assistant financier du groupe de fonctions III, telles qu’elles étaient définies dans l’AMI, mais non de rechercher si elle pouvait déjà se prévaloir d’une expérience de même valeur que les fonctions ainsi décrites (voir arrêt
Marques/Commission, précité, point 35).
40 Il s’ensuit qu’en refusant de recruter la requérante en qualité d’assistant financier du groupe de fonctions III au motif qu’elle n’avait pas « acquis, en date du 14 juin 2010, trois années d’expérience professionnelle équivalente à [des tâches relevant du groupe de fonctions] III », l’AHCC a méconnu l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, l’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 et l’AMI.
41 Partant, le premier moyen est fondé et, sans qu’il y ait besoin d’examiner le moyen subsidiaire, la décision attaquée doit être annulée.
Sur les conclusions en indemnité
42 La requérante soutient que la décision attaquée lui a causé un préjudice économique et de carrière professionnelle, car, en l’absence de ladite décision, elle aurait été engagée en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III en octobre 2011, avec une rémunération plus élevée que celle qu’elle a continué à percevoir dans son emploi dans le groupe de fonctions II.
43 Il importe cependant de relever que la décision attaquée doit être annulée parce que l’AHCC a refusé d’engager la requérante en qualité d’assistant financier du groupe de fonctions III sur la base d’une interprétation erronée de l’article 82, paragraphe 2, sous b), du RAA, de l’article 1^er, point 3, sous c), de l’annexe I des DGE 2011 et de l’AMI. De plus, conformément à l’article 266 TFUE, il incombe à l’institution dont émane l’acte annulé « de prendre les mesures que comporte l’exécution
de l’arrêt » dont elle est destinataire. Enfin, l’AHCC dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée à vérifier si les activités effectivement accomplies par le candidat à un recrutement comme agent contractuel dans un emploi du groupe de fonctions III peuvent constituer une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins.
44 Dans ces conditions, dès lors que la Commission est appelée à exercer à nouveau, à la lumière des motifs du présent arrêt, son pouvoir d’appréciation concernant l’expérience professionnelle dont se prévaut la requérante, le Tribunal ne saurait, sans substituer son appréciation à celle de la Commission, la condamner à payer à cette dernière un montant équivalent à la différence entre ce qu’elle a continué à percevoir dans son emploi dans le groupe de fonctions II et le traitement qui lui
aurait été alloué dans le groupe de fonctions III.
Sur les dépens
45 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
46 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission succombe pour l’essentiel. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission européenne, du 25 avril 2012, refusant d’engager M^me Cocco en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M^me Cocco.
Van Raepenbusch Barents Bradley
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2014.
Le greffier Le président
W. Hakenberg S. Van Raepenbusch
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* Langue de procédure : le français.