ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
14 mai 2014 (*)
« Fonction publique – Concours général – Avis de concours EPSO/AD/231/12 – Non-admission à participer aux épreuves d’évaluation – Accès aux documents »
Dans l’affaire F‑34/13,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Christodoulos Alexandrou, fonctionnaire de la Cour des comptes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par M^e R. Duta, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M^me B. Eggers et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, R. Barents (rapporteur) et K. Bradley, juges,
greffier : M. J. Tomac, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 décembre 2013,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 16 avril 2013, M. Alexandrou demande l’annulation des décisions de ne pas l’admettre aux épreuves d’évaluation du concours EPSO/AD/231/12, communiquées par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) les 28 juin et 16 juillet 2012, et de la décision du 31 janvier 2013 portant rejet de sa réclamation du 25 septembre 2012 contre lesdites décisions.
Cadre juridique
2 Le cadre juridique est constitué de l’article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») selon lequel « [t]oute décision faisant grief doit être motivée ».
3 Le point 6.2 du guide applicable aux concours généraux (JO C 315 A, p. 1), qui faisait partie intégrante de l’avis de concours litigieux, prévoyait ce qui suit :
« 6.2. A[ccès aux informations]
Dans le contexte des procédures de concours, un droit spécifique est reconnu aux candidats d’accéder, dans les conditions décrites ci-après, à certaines informations les concernant directement et individuellement.
Dans ce cadre, les informations suivantes vous sont communiquées d’office.
1) Phase des tests d’accès sur ordinateur
Vos résultats aux tests. Ceux-ci ne feront apparaître ni les énoncés des questions, ni ceux des réponses, mais uniquement la référence des réponses que vous avez cochées ainsi que la référence des bonnes réponses.
2) Phase du centre d’évaluation
Sauf abandon lors des épreuves, vos notes globales par compétence évaluée (compétences spécifiques dans le domaine et compétences générales) ainsi que votre passeport de compétences. »
Faits à l’origine du litige
4 En mai 2012, le requérant a participé aux tests d’accès sur ordinateur du concours EPSO/AD/231/12 (ci-après le « concours »).
5 Par courrier du 28 juin 2012, via son compte EPSO, le requérant a été informé, au nom du président du jury, de ses résultats aux tests d’accès par le biais d’un tableau avec, sous forme d’une lettre A, B, C ou D, la réponse qu’il avait donnée et la bonne réponse selon l’EPSO. Il avait obtenu un total de 65,5/80 points auxdits tests d’accès.
6 Par courrier électronique du 3 juillet 2012, le requérant a demandé à l’EPSO de lui communiquer sept des questions à choix multiple posées dans le cadre des tests d’accès. L’EPSO a rejeté sa demande par courrier électronique du même jour.
7 Le 4 juillet 2012, le requérant a envoyé une lettre au secrétaire général de la Commission, réitérant sa demande et indiquant que ces questions à choix multiple entraient dans la définition du « document » de l’article 3, sous a), du règlement n^o 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43) et que l’EPSO n’avait pas donné de motivation quant au refus de
communication de ces questions.
8 Le 16 juillet 2012, l’EPSO a informé le requérant qu’il n’avait pas obtenu aux tests d’accès le score lui permettant d’être invité au centre d’évaluation, phase suivante du concours (ci-après la « décision du 16 juillet 2012 »).
9 Par lettre du 20 juillet 2012, le directeur de l’EPSO a, à nouveau, rejeté la demande du requérant visant à obtenir communication de sept questions à choix multiple posées dans les tests d’accès.
10 Le 27 juillet 2012, le requérant a introduit une demande confirmative sur base de l’article 8 du règlement n^o 1049/2001 afin d’obtenir l’accès aux questions demandées.
11 Le 25 septembre 2012, la Commission a informé le requérant que sa demande d’accès aux documents avait été rejetée.
12 Ce même 25 septembre 2012, le requérant a introduit une réclamation contre les décisions des 28 juin et 16 juillet 2012 (ci-après les « décisions des 28 juin et 16 juillet 2012 »), ne l’admettant pas à participer aux épreuves d’évaluation pour la suite du concours.
13 Le 16 novembre 2012, le requérant a introduit un premier recours, qui a été enregistré sous la référence F‑140/12, demandant l’annulation de la décision de la Commission du 25 septembre 2012 lui refusant l’accès aux documents.
14 Le 31 janvier 2013, la réclamation contre les décisions des 28 juin et 16 juillet 2012 a été rejetée.
Conclusions des parties et procédure
15 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– « voir recevoir le présent recours en la forme » ;
– « ordonner la jonction du présent recours avec l’affaire connexe F‑140/12 » ;
– « donner acte au requérant qu’il réitère intégralement ses arguments, demandes et moyens invoqués dans le cadre de sa requête introduite sous le numéro de rôle F‑140/12 » ;
– « au fond, dire le recours fondé et justifié » ;
– « annuler la décision rendue en date du 31 janvier 2013 […] sur réclamation du requérant datée du 25 septembre 2012 » ;
– « annuler les décisions d[es] 28 juin et 16 juillet 2012 » ;
– « ordonner tous devoirs de droits » ;
– « condamner la [Commission] à l’intégralité des frais et dépens de l’instance » ;
– « réserver au requérant tous droits, moyens et actions ».
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– se déclarer incompétent ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
17 Par ordonnance du 4 novembre 2013, le président de la troisième chambre du Tribunal a, en raison de leur connexité et aux fins de la procédure orale, joint la présente affaire et l’affaire F‑140/12, Alexandrou/Commission.
18 Par lettre du 23 août 2013, la Commission a déposé un corrigendum à son mémoire en défense, en raison de la substitution, suite à une erreur de ses agents, de la requête de l’affaire F‑140/12 à la présente requête. Dans ce corrigendum, la Commission déclare retirer les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées et apporte des modifications concernant le premier moyen.
19 Le Tribunal estime que son règlement de procédure ne permet pas à une partie d’apporter, après l’expiration des délais prévus par celui-ci pour la présentation d’observations, par voie d’un corrigendum, des modifications matérielles à ses observations. Il y a donc lieu de ne pas prendre en compte le corrigendum déposé par la Commission.
20 Le Tribunal prend toutefois acte de ce que la Commission, dans sa lettre du 23 août 2013, a déclaré renoncer aux exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité.
En droit
Sur les septième et neuvième chefs de conclusions
21 Selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union est incompétent pour adresser des injonctions aux institutions ou pour faire des déclarations en droit.
22 Dès lors qu’il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de faire des déclarations en droit, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, les conclusions qui visent à faire adresser par le Tribunal des injonctions à l’administration ou à faire reconnaître par celui-ci le bien-fondé de certains des moyens invoqués à l’appui de conclusions en annulation sont manifestement irrecevables (ordonnance du Tribunal du
29 juin 2010, Palou Martínez/Commission, F‑11/10, point 29, et la jurisprudence citée).
23 Par conséquent, les septième et neuvième chefs de conclusions, par lesquels le requérant demande que soient ordonnés tous devoirs de droit et que lui soient réservés tous droits, moyens et actions, doivent être rejetés comme irrecevables.
Sur les conclusions tendant à annuler la décision du 31 janvier 2013
24 Il y a lieu de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal des actes contre lesquels la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8).
25 La décision du 31 janvier 2013 portant rejet de la réclamation introduite par le requérant le 25 septembre 2012 à l’encontre des décisions des 28 juin et 16 juillet 2012 étant dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme dirigé contre ces seules décisions.
Sur les conclusions tendant à annuler les décisions des 28 juin et 16 juillet 2012
26 À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens tirés, premièrement, du défaut de motivation, deuxièmement, de la violation du principe de transparence, troisièmement, de la violation du principe de confiance légitime, « sinon » de la violation d’un droit acquis, « sinon » de la violation du principe de l’égalité de traitement, et, quatrièmement, de la violation du droit à un procès équitable, « sinon » de la violation du droit à un recours effectif.
27 S’agissant des moyens et arguments invoqués contre les décisions des 28 juin et 16 juillet 2012, le requérant fait valoir dans sa requête qu’il renvoie et réitère dans leur intégralité ses arguments, demandes et moyens invoqués dans sa requête introduite dans l’affaire F‑140/12.
Sur le premier moyen, tiré du défaut de motivation
– Arguments des parties
28 Selon le requérant, la décision du 16 juillet 2012 n’est pas suffisamment motivée au regard des textes et de la jurisprudence en vigueur.
29 La Commission conclut au rejet de ce moyen.
– Appréciation du Tribunal
30 Il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, toute décision individuelle prise en application du statut et faisant grief doit être motivée. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation d’une décision faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est fondée ou non et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêts du Tribunal de première instance
du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, point 67, et du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, point 43 ; arrêt du Tribunal du 29 juin 2011, Angioi/Commission, F‑7/07, point 136).
31 Il y a également lieu de rappeler que, dans des affaires où des requérants, candidats à des concours, avaient échoué à des épreuves organisées sous la forme de questions à choix multiple, il a été jugé que l’administration avait satisfait à son obligation de motivation en ayant communiqué à ceux-ci les notes obtenues à ces épreuves (arrêt Angioi/Commission, précité, point 137).
32 S’agissant de l’argument du requérant tiré de sa situation spécifique qui serait constitutive d’une « circonstance particulière » au sens de l’arrêt Angioi/Commission, précité, le Tribunal a en effet jugé au point 138 de cet arrêt qu’« en l’absence de circonstances particulières, une administration qui organise des épreuves de recrutement sous la forme de questions à choix multiple satisfait à son obligation de motivation en communiquant aux candidats ayant échoué à ces épreuves la
proportion, en pourcentage, des réponses correctes et en transmettant à ceux-ci, en cas de demande en ce sens, la réponse qu’il convenait de donner à chacune des questions posées ».
33 Or, il est constant que le 28 juin 2012, en application du point 6.2 du guide applicable aux concours généraux, le requérant a obtenu la communication de ses résultats aux tests d’accès par le biais d’un tableau avec, sous forme d’une lettre A, B, C ou D, la réponse qu’il avait donnée et la bonne réponse selon l’EPSO, ainsi que le total de ses points auxdits tests d’accès. Il est également constant que la décision du 16 juillet 2012 informe le requérant qu’il n’est pas admis au centre
d’évaluation pour la suite du concours au motif qu’il n’avait pas atteint le score minimal requis de 69 points.
34 Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être rejeté.
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
35 S’agissant des autres moyens, tirés respectivement de la violation du principe de transparence, du principe de confiance légitime, « sinon » d’un droit acquis, « sinon » du principe de l’égalité de traitement, et du droit à un procès équitable, « sinon » du droit à un recours effectif, force est de constater que, compte tenu de leur contenu, ceux-ci sont en réalité dirigés contre la décision de la Commission, du 25 septembre 2012, rejetant la demande d’accès aux documents, laquelle a fait
l’objet du recours distinct F‑140/12 sur lequel le Tribunal a statué par arrêt du 14 mai 2014.
36 Le présent recours ayant pour objet l’annulation des décisions des 28 juin et 16 juillet 2012, il y a lieu de rejeter, faute de pertinence, les deuxième, troisième et quatrième moyens.
37 Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les conclusions tendant à ordonner la jonction du présent recours avec l’affaire F‑140/12
38 Compte tenu de ce qui précède, les conclusions susmentionnées sont devenues sans objet et il n’y a donc pas lieu d’y statuer.
Sur les dépens
39 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
40 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Alexandrou supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Van Raepenbusch Barents Bradley
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2014.
Le greffier Le président
W. Hakenberg S. Van Raepenbusch
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* Langue de procédure : le français.