CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES BOT
présentées le 9 décembre 2014 ( 1 )
Affaires jointes C‑226/13, C‑245/13, C‑247/13 et C‑578/13
Stefan Fahnenbrock (C‑226/13),
Holger Priestoph e.a. (C‑245/13),
Rudolf Reznicek (C‑247/13),
Hans‑Jürgen Kickler e.a. (C‑578/13)
contre
Hellenische Republik
[demandes de décision préjudicielle
formées par le Landgericht Wiesbaden et le Landgericht Kiel]
«Règlement (CE) no 1393/2007 — Signification ou notification des actes — Notion de ‘matière civile et commerciale’ — Actions en exécution contractuelle et en indemnité introduites à l’encontre de l’État grec par des détenteurs d’obligations grecques à la suite de la décote, sans leur accord, de la valeur de ces obligations»
1. Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er du règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale («signification ou notification des actes»), et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil ( 2 ).
2. Présentées dans le cadre de litiges opposant à l’État grec, dans l’affaire C‑226/13, M. Fahnenbrock, dans l’affaire C‑245/13, MM. et Mme Priestoph, dans l’affaire C‑247/13, M. Reznicek et, dans l’affaire C‑578/13, MM. Kickler et Wöhlk ainsi que la Zahnärztekammer Schleswig‑Holstein, Versorgungswerk, au sujet d’actions en indemnité ainsi qu’en exécution contractuelle, ces demandes donnent l’occasion à la Cour de définir la notion de «matière civile et commerciale» dans le cadre du règlement
no 1393/2007, dont elle détermine le champ d’application matériel.
3. Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons que la notion de «matière civile et commerciale», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007 ( 3 ), doit être interprétée en ce sens qu’elle ne comprend pas une action par laquelle un particulier détenteur d’obligations émises par un État membre agit à l’encontre de cet État en responsabilité en raison de l’échange de ces obligations contre des obligations d’une valeur moindre, imposé à ce particulier à la suite de
l’adoption, par le législateur national, d’une loi ayant unilatéralement et rétroactivement modifié les conditions applicables aux obligations en y insérant une clause d’action collective permettant à une majorité des détenteurs de celles‑ci d’imposer un tel échange à la minorité.
4. Nous ferons valoir, en ce sens, que l’usage, par un État membre émetteur d’emprunts obligataires, de son pouvoir souverain au moyen d’une intervention législative ayant spécifiquement pour objet de porter une atteinte directe à l’économie des obligations émises en imposant aux détenteurs minoritaires de titres l’obligation de se soumettre à la volonté de la majorité correspond à l’exercice de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers.
5. Nous en déduirons que l’action exercée par les détenteurs minoritaires contre l’État membre à la suite de l’échange des titres met nécessairement en cause la responsabilité de l’État pour un acte commis dans l’exercice de la puissance publique, quand bien même cet échange, destiné à réduire la valeur nominale de ces titres, a supposé un vote à la majorité.
I – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
6. Les considérants 2, 6 et 9 du règlement no 1393/2007 énoncent:
«(2) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer et d’accélérer la transmission entre les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale aux fins de signification ou de notification.
[...]
(6) L’efficacité et la rapidité des procédures judiciaires en matière civile impliquent que la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires soit effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignées par les États membres [...]
[...]
(9) La signification ou la notification d’un acte devraient être effectuées dans les meilleurs délais, et, en tout état de cause, dans un délai d’un mois à compter de la réception par l’entité requise.»
7. L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement en définit le champ d’application comme suit:
«Le présent règlement est applicable en matière civile et commerciale, lorsqu’un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis d’un État membre à un autre pour y être signifié ou notifié. Il ne couvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (‘acta jure imperii’).»
8. L’article 3 du même règlement dispose:
«Chaque État membre désigne une entité centrale chargée:
a) de fournir des informations aux entités d’origine;
b) de rechercher des solutions aux difficultés qui peuvent se présenter à l’occasion de la transmission des actes aux fins de signification ou de notification;
c) de faire parvenir, dans des cas exceptionnels, à la requête de l’entité d’origine, une demande de signification ou de notification à l’entité requise compétente.
[...]»
9. Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, dudit règlement:
«Si la demande de signification ou de notification ne rentre manifestement pas dans le champ d’application du présent règlement ou si le non‑respect des conditions de forme imposées rend impossible la signification ou la notification, la demande et les actes transmis sont retournés, dès leur réception, à l’entité d’origine, accompagnés de l’avis de retour dont le formulaire type figure à l’annexe I.»
10. L’avis de retour dont le formulaire type figure à l’annexe I du règlement no 1393/2007 énonce, au point 9.1, comme motif de retour la circonstance que «[l]a demande ne rentre manifestement pas dans le champ d’application [de ce] règlement», notamment en raison du fait que «[l]’acte n’est de nature ni civile ni commerciale» ( 4 ).
B – Le droit grec
11. La loi no 4050/2012, du 23 février 2012, intitulée «Règles relatives à la modification des titres, émis ou garantis par l’État grec avec l’accord des porteurs d’obligations» ( 5 ), fixe les modalités de la restructuration des obligations de cet État. Cette loi prévoit, en substance, la soumission d’une offre de restructuration aux détenteurs de certaines obligations émises ou garanties par ledit État et l’introduction d’une clause de restructuration permettant d’imposer à tous les détenteurs
d’obligations les conditions de la restructuration proposée dans l’offre dès lors que celles‑ci sont acceptées par une majorité qualifiée.
12. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la loi no 4050/2012, la modification des titres concernés nécessite le respect d’un quorum égal à la moitié du total de l’encours des obligations concernées et l’accord d’une majorité qualifiée représentant au moins les deux tiers du capital.
13. L’article 1er, paragraphe 9, de la loi no 4050/2012 prévoit que la décision adoptée à l’issue de cette procédure s’applique erga omnes, est contraignante pour l’ensemble des créanciers obligataires concernés et abroge toute loi générale ou particulière, toute décision administrative et tout contrat qui s’y opposeraient. Selon cette disposition, en cas d’échange des titres éligibles, l’émission des nouveaux titres entraîne l’annulation des anciens titres.
II – Les litiges au principal et les questions préjudicielles
14. Au mois de février 2012, en application de la loi no 4050/2012, l’État grec a présenté à M. Fahnenbrock, à MM. et à Mme Priestoph, à M. Reznicek, ainsi qu’à MM. Kickler et Wöhlk et à la Zahnärztekammer Schleswig‑Holstein, Versorgungswerk, tous détenteurs d’obligations émises par cet État, une offre d’échange de celles‑ci contre des nouvelles obligations d’une valeur nominale sensiblement réduite.
15. Bien que les requérants au principal n’aient pas accepté cette offre, l’État grec a, néanmoins, procédé à l’échange des titres initialement détenus contre des titres d’une valeur sensiblement inférieure à leur valeur nominale et dont l’échéance a été reportée.
16. Les requérants au principal ont alors introduit des actions visant à obtenir soit la restitution des titres initiaux sur le fondement des articles 858, 861, 869 ( 6 ) et 985 ( 7 ) du code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch) ( 8 ), soit le paiement de dommages‑intérêts sur le fondement des articles 280, paragraphe 3, et 281 du BGB ( 9 ) ou de l’article 826 du BGB ( 10 ). Les requérants au principal dans l’affaire C‑578/13 ont également demandé l’exécution contractuelle des obligations
originaires venues à échéance.
17. Dans le cadre de la procédure de notification des actes introductifs d’instance à l’État grec, la question s’est posée de savoir si la demande des requérants au principal avait pour objet un acte ou une omission de l’État, en l’occurrence l’État grec, commis dans l’exercice de la puissance publique, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007.
18. En particulier, dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, le Bundesamt für Justiz (Office fédéral de la justice) a émis des doutes quant à la possibilité d’englober les recours dans la matière civile et commerciale, au sens dudit règlement, et a subordonné la poursuite de la procédure de notification à la condition que le Landgericht Wiesbaden (Allemagne) statue préalablement sur la nature du litige.
19. Dans l’affaire C‑578/13, le Landgericht Kiel (Allemagne), estimant que le règlement no 1393/2007 n’était pas applicable en l’espèce, a ordonné au Bundesministerium für Justiz (ministère fédéral de la Justice) la signification du recours par la voie diplomatique. Celui‑ci a néanmoins renvoyé la demande de signification sans l’exécuter en se référant aux demandes de décision préjudicielle dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13.
20. Les deux juridictions de renvoi cherchent, dès lors, à savoir si les litiges en cause au principal relèvent de la matière civile et commerciale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007. Dans leur décision de renvoi, elles estiment que la Cour n’a pas encore répondu à la question de savoir si l’interprétation de cette notion dépend exclusivement de la base juridique des prétentions ou bien de ce qui se trouve «au cœur» du litige ou en constitue «l’essence». Faisant
observer que les affaires impliquent l’appréciation de l’efficacité et de la légalité de la loi no 4050/2012, l’une et l’autre inclinent à exclure l’application du règlement no 1393/2007 en considérant qu’elles mettent en cause, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, seconde phrase, de ce règlement, la responsabilité de l’État pour des actes commis dans l’exercice de la puissance publique.
21. Dans ces conditions, le Landgericht Wiesbaden, dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante, qui est formulée dans des termes identiques dans chacune des trois affaires:
«L’article 1er du règlement [...] no 1393/2007 [...] doit‑il être interprété en ce sens qu’il faut considérer comme ‘matière civile [et] commerciale’ au sens de ce règlement un recours par lequel, dans une situation où le requérant n’a pas accepté une proposition faite par la défenderesse à la fin du mois de février 2012 en vue d’échanger des obligations émises par la défenderesse, acquises par le requérant et gardées dans le dépôt titres de celui‑ci auprès de [sa banque], le requérant demande à
être indemnisé pour la différence de valeur apparue à la suite de l’échange économiquement désavantageux qui lui a malgré tout été imposé au mois de mars 2012?»
22. Le Landgericht Kiel, dans l’affaire C‑578/13, a également décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Faut‑il interpréter l’article 1er du règlement [...] no 1393/2007 [...] en ce sens qu’une action, par laquelle l’acquéreur d’obligations d’État de la défenderesse fait valoir à l’encontre de la défenderesse des droits à l’exécution contractuelle et à des dommages‑intérêts, doit être considérée comme de la ‘matière civile [et] commerciale’, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, [de ce] règlement, alors que l’acquéreur n’a pas accepté l’offre d’échange soumise par la
défenderesse à la fin du mois de février 2012, qui a été rendue possible par la loi [...] no 4050/2012 [...]?
2) Une action qui se fonde essentiellement sur l’invalidité ou la nullité de la loi [no 4050/2012] met‑elle en cause la responsabilité d’un État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement [no 1393/2007]?»
23. Par décision du président de la Cour du 5 juin 2013, les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt. Par décision du président de la Cour du 10 décembre 2013, l’affaire C‑578/13 a également été jointe à ces affaires aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.
III – Notre appréciation
A – Sur la recevabilité des questions préjudicielles
24. La Commission européenne soulève, à titre principal, l’irrecevabilité des demandes de décision préjudicielle dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13 en invoquant la description insuffisante du contexte factuel concernant, en particulier, les modalités de l’offre d’échange et les circonstances dans lesquelles cet échange est intervenu. Exposant que le Bundesamt für Justiz, en sa qualité d’entité centrale, aurait refusé de procéder à la transmission des actes introductifs d’instance au
titre du règlement no 1393/2007 en raison des doutes qu’il nourrissait sur le point de savoir si les demandes pouvaient relever de la matière civile, elle soutient, par ailleurs, que les questions posées sont dépourvues de pertinence pour la solution des litiges au principal dès lors qu’il n’appartient pas au Bundesamt für Justiz de bloquer la transmission des actes, ajoutant que, à défaut de pouvoir connaître l’argumentation de la partie défenderesse, la juridiction de renvoi ne dispose pas des
informations nécessaires pour se prononcer sur la nature civile et commerciale des affaires et, donc, sur la question de la compétence.
25. S’agissant, en premier lieu, de l’argument tiré de la description insuffisante du cadre factuel, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui‑ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées ( 11 ). La Cour fait
varier son degré d’exigence en fonction de la complexité des situations de fait et de droit caractérisant les domaines concernés ( 12 ).
26. Les informations fournies par la juridiction de renvoi doivent, en outre, donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ( 13 ).
27. Or, en l’occurrence, les décisions de renvoi dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13 fournissent à la Cour des éléments de fait et de droit suffisants et indiquent les raisons pour lesquelles le Landgericht Wiesbaden a été amené à poser une question préjudicielle, en faisant clairement ressortir le lien qui existe entre les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée et les litiges au principal. Pour regrettable qu’elle puisse être, la description effectivement
succincte des modalités dans lesquelles l’échange des obligations émises par l’État grec est intervenu n’a pas empêché les requérants au principal dans ces affaires, le gouvernement grec et la Commission de prendre utilement position sur les questions posées, ainsi que cela ressort de leurs observations présentées devant la Cour.
28. En ce qui concerne, en second lieu, la pertinence des questions posées, il convient d’observer, à titre liminaire, qu’il ne nous paraît pas exact d’affirmer, ainsi que le fait la Commission, que le Bundesamt für Justiz bloquerait la transmission des actes en sa qualité d’entité centrale. En effet, il ressort des informations communiquées par la République fédérale d’Allemagne à la Commission, en application de l’article 23 du règlement no 1393/2007 ( 14 ), que cet État membre a confié le rôle
d’entité centrale à des instances désignées par le gouvernement de chaque Land. L’argumentation de la Commission reposant sur la circonstance qu’une entité centrale, au sens de l’article 3 de ce règlement, ne pourrait pas s’opposer à la transmission des actes ne nous paraît donc pas fondée.
29. En revanche, à l’instar de la Commission, nous éprouvons quelques doutes sur la possibilité de bloquer, dès l’origine, le processus de notification des actes à l’étranger en raison d’hésitations sur le champ d’application matériel du règlement no 1393/2007. À cet égard, nous nous interrogeons, plus précisément, sur la recevabilité des demandes de décision préjudicielle au regard de l’exigence d’un litige pendant devant la juridiction nationale, statuant dans l’exercice de ses fonctions
juridictionnelles.
30. Il résulte, en effet, d’une jurisprudence constante, initiée par l’arrêt Job Centre ( 15 ), que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel ( 16 ).
31. Ainsi, lorsqu’il fait acte d’autorité administrative sans qu’il soit en même temps appelé à trancher un litige, au sens de la jurisprudence de la Cour, l’organisme de renvoi ne peut être regardé comme exerçant une fonction juridictionnelle. Tel est le cas, notamment, des juridictions, au sens du droit national, qui, sans être en même temps appelées à trancher un litige, sont chargées de la tenue d’un registre, tel le registre du commerce ( 17 ), de l’examen d’une demande d’inscription au livre
foncier ( 18 ) ou d’adopter une décision administrative relative à l’état civil ( 19 ).
32. S’agissant plus particulièrement des demandes de signification ou de notification d’actes judiciaires ou extrajudiciaires, la Cour, dans son arrêt Roda Golf & Beach Resort ( 20 ), s’est déclarée compétente pour répondre à des questions préjudicielles portant sur le champ d’application du règlement (CE) no 1348/2000 ( 21 ) en se fondant sur la circonstance que, à la différence du greffier saisi d’une demande de signification ou de notification en application du règlement no 1348/2000, qui faisait
acte d’autorité administrative sans être en même temps appelé à trancher un litige, le juge chargé de statuer sur le recours formé à l’encontre du refus de ce greffier de procéder à la signification ou à la notification demandée était saisi d’un litige et exerçait une fonction juridictionnelle ( 22 ).
33. La transposition de la jurisprudence initiée par cet arrêt aux demandes de décision préjudicielle présentées dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13 pourrait conduire la Cour à se déclarer incompétente au motif que la juridiction de renvoi, saisie antérieurement à la signification des actes introductifs d’instance, exerce des fonctions purement administratives sans être, à ce stade, saisie de litiges opposant les parties relativement aux modalités de signification.
34. Toutefois, dans son arrêt Weryński ( 23 ), relatif à l’interprétation du règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale ( 24 ), la Cour a jugé que la notion de «rendre son jugement», au sens de l’article 267, paragraphe 2, TFUE, devait faire l’objet d’une interprétation large, en ce sens qu’elle comprend «l’entier processus de création du
jugement» ( 25 ), et a considéré qu’une demande de décision préjudicielle pouvait être jugée recevable même si elle avait trait à une autre question que celle opposant les parties au litige.
35. En outre, il ressort de l’arrêt Corsica Ferries ( 26 ) que la saisine de la Cour n’est pas subordonnée au caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule les questions préjudicielles ( 27 ).
36. En l’occurrence, les questions posées dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, qui sont relatives à la forme que doit revêtir la signification des actes introductifs d’instance à la partie défenderesse, constituent des questions préalables dont la résolution est nécessaire à la résolution des litiges au principal. Contrairement à ce que soutient la Commission dans ses observations écrites, non sans une certaine contradiction avec l’affirmation selon laquelle l’appréciation de la notion
de «matière civile et commerciale» dans le cadre du règlement no 1393/2007 ne préjuge pas de la compétence judiciaire en vertu du règlement (CE) no 44/2001 ( 28 ), il s’agit pour la juridiction de renvoi non pas de statuer sur sa compétence à un moment de la procédure où, par hypothèse, la partie défenderesse est privée de la possibilité de prendre position, mais exclusivement de déterminer comment procéder à la signification des demandes à cette partie.
37. S’il convient de ne pas encourager des blocages administratifs des procédures de notification et de signification des actes judiciaires et extrajudiciaires, il nous paraît, toutefois, conforme aux exigences d’une bonne administration de la justice de pouvoir disposer le plus rapidement possible d’une interprétation, s’imposant erga omnes, permettant de connaître avec précision le champ d’application matériel du règlement no 1393/2007 et de déterminer, par voie de conséquence, sous quelle forme
peut être effectuée la signification. Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme dans les affaires au principal, plusieurs demandes similaires sont présentées devant des juridictions différentes qui s’apprêtent à adopter des solutions contradictoires. En définitive, la possibilité de poser une question préjudicielle à un stade précoce de la procédure nous paraît inhérente à l’objet même des questions, lequel a trait à la détermination des modalités de signification des actes introductifs
d’instance.
38. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons à la Cour de rejeter les exceptions d’irrecevabilité présentées par la Commission et de se déclarer compétente pour statuer sur toutes les demandes de décision préjudicielle.
B – Sur le fond
39. Par leurs questions, les deux juridictions de renvoi demandent, en substance, à la Cour si la notion de «matière civile et commerciale», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007, doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend une action par laquelle un particulier détenteur d’obligations émises par un État membre agit à l’encontre de cet État en responsabilité contractuelle et délictuelle en raison de l’échange de ces obligations contre des obligations d’une valeur
moindre, imposé à ce particulier à la suite de l’adoption, par le législateur national, d’une loi ayant unilatéralement et rétroactivement modifié les conditions applicables à ces titres en y insérant une clause d’action collective permettant à une majorité des détenteurs de ceux‑ci d’imposer un tel échange à la minorité.
40. Les requérants au principal dans l’affaire C‑578/13, le gouvernement grec ainsi que la Commission s’accordent à reconnaître que la notion de «matière civile et commerciale», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007, doit être interprétée de façon autonome, en tenant compte de l’interprétation des mêmes termes employés à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001. De plus, tous les intéressés ayant présenté des observations devant la Cour conviennent qu’une
action exercée à l’encontre d’un État n’est exclue du champ d’application du règlement no 1393/2007 qu’à la condition qu’elle trouve son origine dans des actes de puissance publique. Toutefois, leurs observations divergent quant aux conséquences à tirer du fait que l’État grec, par la loi no 4050/2012, a modifié unilatéralement et rétroactivement les conditions applicables aux titres émis ou garantis par lui en y incluant, a posteriori, une clause de restructuration permettant d’imposer à tous
les détenteurs des décisions prises par une majorité d’entre eux seulement.
41. Les requérants au principal dans les affaires C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13 font valoir que les litiges au principal dans ces affaires relèvent du pur droit privé, l’État grec étant poursuivi non pas pour avoir fait usage de ses prérogatives de puissance publique, mais pour avoir porté atteinte à leur droit de propriété en commettant un trouble de fait. Ils soutiennent qu’il ne ressort pas de la loi no 4050/2012 un contexte de droit public concernant l’objet de leur recours, dans la mesure où
cette loi régit non pas des rapports de droit public, mais des rapports classiques de droit privé et ne réalise pas une expropriation au sens de la jurisprudence allemande, puisqu’elle n’a pas été adoptée dans le but d’exécuter une mission publique définie. À défaut d’action jure imperii, la compétence d’une juridiction d’un autre État membre serait fondée et l’État grec ne pourrait pas se prévaloir de son immunité. Du reste, dans des litiges similaires portés devant les juridictions grecques,
le gouvernement grec aurait explicitement reconnu que les actions n’étaient pas liées à l’exercice de la puissance publique.
42. Les requérants au principal dans l’affaire C‑578/13 soutiennent que leur action est dirigée contre l’État grec en tant que débiteur privé qui s’est placé sous l’empire du droit civil du fait de l’émission d’obligations. Estimant qu’il convient de tenir compte de l’objet du litige et de la source de la prétention, ils estiment que leur action est fondée sur leur droit au remboursement des obligations émises par cet État selon les règles de droit privé et ajoutent que, si, à titre subsidiaire pour
deux d’entre eux, ils ont également fondé leur action sur des dispositions du BGB relatives à la responsabilité délictuelle, il n’en demeure pas moins qu’ils dénoncent non pas une expropriation, mais un comportement intentionnel et dolosif commis par ledit État en tant que débiteur.
43. Au contraire, selon le gouvernement grec, cette mesure législative et les dispositions d’exécution prises ultérieurement par le Conseil des ministres afin de fixer les conditions d’échange des titres existants, dans le cadre de la restructuration de la dette publique approuvée par une décision unanime de ses partenaires de l’Union européenne, constituent des actes de puissance publique émanant des organes compétents de l’État et visant à la protection de l’intérêt général. Or, sous couvert d’un
litige civil, les requérants au principal contesteraient indirectement la validité de ces actes, mettant ainsi en cause la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique.
44. Quant à la Commission, elle soutient, à titre liminaire, pour des raisons tirées tant des exigences d’économie de procédure et de respect des droits de la défense que des objectifs du règlement no 1393/2007, que ce n’est qu’au cas où un examen prima facie permet de conclure que la demande ne relève manifestement pas de la matière civile et commerciale qu’il peut être refusé de procéder à la signification de l’acte introductif d’instance conformément à ce règlement. Après avoir rappelé que,
lorsqu’ils se refinancent sur les marchés financiers, les États agissent comme le ferait une personne morale de droit privé et sont alors soumis aux seules lois du marché, elle fait valoir, sur le fond, que la simple insertion a posteriori d’une clause de restructuration ne constitue pas, en soi, un acte décisif commis dans l’exercice de prérogatives de puissance publique. En effet, une telle clause, fréquemment utilisée dans les transactions commerciales entre parties privées, n’aurait eu que
la fonction accessoire de permettre aux détenteurs d’obligations d’adopter une décision coordonnée et conforme au marché concernant l’offre d’échange. Selon la Commission, en insérant unilatéralement cette clause de restructuration, l’État grec se serait finalement contenté d’aligner les termes du contrat de l’État, qui bénéficiait d’un statut particulier, sur ceux des sujets de droit privé. Le seul fait que, à cette fin, il se soit servi d’instruments de droit public ne suffirait pas en soi à
fonder un acte jure imperii lorsque, par ailleurs, l’ensemble du rapport de droit présente un caractère de droit privé et relève de l’acte jure gestionis.
45. Pour répondre aux questions posées par les juridictions de renvoi, il convient, en premier lieu, de se prononcer sur la question de savoir si les termes «matière civile et commerciale», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1397/2007, doivent recevoir la même interprétation que celle de la même notion figurant à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001. Après avoir répondu par l’affirmative à cette première question, nous examinerons, en deuxième lieu, l’état de la
jurisprudence de la Cour sur l’interprétation de la notion de «matière civile et commerciale», au sens du règlement no 44/2001. Puis, dans un troisième temps, nous appliquerons les critères qui en découlent afin de déterminer si les présents litiges au principal relèvent de cette matière, au sens du règlement no 1393/2007.
1. Les modalités d’interprétation de la notion de «matière civile et commerciale», au sens du règlement no 1393/2007
46. La délimitation du champ d’application du règlement no 1393/2007 par la référence à la matière civile et commerciale puise son origine dans le modèle classique constitué par les conventions de droit international privé élaborées dans le cadre de la Conférence de la Haye de droit international privé et dans celui des Communautés européennes. Il en est ainsi, en particulier, de la convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes
judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, qui ne s’applique pas, ainsi que cela résulte de son intitulé même, en dehors de ce double domaine. Il en est de même de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 29 ), qui a été remplacée par le règlement no 44/2001, auquel se substituera, à compter du 10 janvier 2015, le règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du
12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 30 ).
47. Figurant, désormais, dans de nombreux instruments du droit de l’Union ( 31 ), la notion de matière civile et commerciale ne fait pas l’objet d’une définition positive. Elle doit être appréciée en tenant compte des exceptions expresses formulées non limitativement par ces instruments qui, pour la plupart, excluent de leur champ d’application «les matières fiscales, douanières ou administratives» ( 32 ) ainsi que «la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice
de la puissance publique» ( 33 ).
48. Dès lors que la notion de matière civile et commerciale a été reprise dans des termes identiques à ceux figurant dans la convention de Bruxelles puis dans le règlement no 44/2001, la jurisprudence dégagée à propos de ces instruments fournit un critère d’interprétation particulièrement approprié. S’en inspirer pour l’interprétation de l’article 1er du règlement no 1393/2007 est conforme aux exigences de la sécurité juridique et de la cohérence de l’ordre juridique de l’Union dans le domaine de la
coopération judiciaire en matière civile. D’ailleurs, il convient de relever que les motifs de l’arrêt Lechouritou e.a. ( 34 ) plaident dans le sens d’une interprétation commune des différents instruments relevant de ce domaine, puisque, pour interpréter la notion de «matière civile», au sens de l’article 1er, premier alinéa, première phrase, de la convention de Bruxelles, la Cour a tenu compte de l’exclusion des actes jure imperii qui figurait non pas dans cette convention, mais dans d’autres
réglementations ( 35 ).
49. La construction d’un critère approprié implique donc de s’inspirer des solutions dégagées dans le cadre de l’interprétation de la notion de «matière civile et commerciale», inscrite aux articles 1er, premier alinéa, première phrase, de la convention de Bruxelles et 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, en recourant, conformément à une jurisprudence fermement établie ( 36 ), tant au concept de notion «autonome», qui repose sur des considérations d’effectivité liées à l’exigence d’uniformité
d’application du droit de l’Union, qu’à la technique juridique de l’interprétation téléologique, qui permet de tenir compte des objectifs spécifiques du règlement no 1393/2007 ( 37 ).
2. L’interprétation de la notion de «matière civile et commerciale», au sens de la convention de Bruxelles et du règlement no 44/2001
50. Il ressort d’une jurisprudence constante que la notion de «matière civile et commerciale», au sens des articles 1er de la convention de Bruxelles et du règlement no 44/2001, doit être considérée comme une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant, d’une part, au système de ces instruments et, d’autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l’ensemble des ordres juridiques nationaux ( 38 ).
51. Cette interprétation autonome conduit, selon la Cour, à déterminer le champ d’application de la convention de Bruxelles et du règlement no 44/2001 «en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l’objet de celui‑ci» ( 39 ).
52. En ce qui concerne les litiges opposant une entité publique à une personne de droit privé, plusieurs décisions, traduisant une orientation très nette en faveur du rejet d’un critère purement organique, ont établi un critère de distinction fondé sur l’exercice ou non, par l’autorité publique en cause, de prérogatives de puissance publique. Ainsi, dans ses arrêts LTU ( 40 ) et Rüffer ( 41 ), la Cour a jugé que la matière civile et commerciale ne comprend pas les litiges opposant une autorité
publique à une personne privée, «lorsque l’autorité agit dans l’exercice de la puissance publique» ( 42 ). Ce critère a été repris sous des formulations parfois différentes, mais toujours concordantes sur le fond, dans plusieurs décisions ultérieures, qui ont exclu de la matière civile et commerciale les actions correspondant à «l’exercice de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers» ( 43 ).
53. En outre, afin de déterminer si un litige oppose une personne de droit privé à une autorité publique agissant dans l’exercice de la puissance publique, la Cour a précisé qu’il y avait lieu d’examiner «le fondement et les modalités d’exercice de [l’]action [intentée]» ( 44 ). Sur la base de ce critère, elle a, dans l’arrêt Baten ( 45 ), rangé, dans la matière civile, l’action récursoire exercée par un organisme public d’aide sociale ayant versé des sommes d’argent à une femme divorcée et à son
enfant à l’encontre du conjoint divorcé et père de l’enfant, au titre de l’obligation alimentaire incombant à celui‑ci ( 46 ). Pour parvenir à cette solution, la Cour s’est fondée sur la circonstance que l’action, bien qu’introduite par un organisme public, avait pour fondement une dette légale d’aliments obéissant aux règles du droit civil qui en déterminait les conditions et les limites et qu’elle était portée devant les juridictions civiles en application de règlements de procédure civile (
47 ).
54. Se fondant à nouveau sur la recherche du fondement et des modalités d’exercice de l’action, la Cour, dans son arrêt Préservatrice foncière TIARD ( 48 ), a considéré que relevait de la notion de matière civile et commerciale l’action par laquelle un État contractant poursuivait, auprès d’une personne de droit privé, l’exécution d’un contrat de droit privé de cautionnement qui avait été conclu en vue de permettre à une autre personne de fournir une garantie exigée et définie par cet État, pour
autant que le rapport juridique entre le créancier et la caution, tel qu’il résultait du contrat de cautionnement, ne correspondait pas à l’exercice par l’État de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ( 49 ).
55. Dans la ligne de cette jurisprudence, la Cour a jugé, dans son arrêt Sapir e.a. ( 50 ), que la notion de matière civile et commerciale englobait l’action en répétition de l’indu exercée par un organisme public à la suite d’une procédure administrative visant à la réparation du préjudice causé par la perte d’un bien foncier lors de persécutions sous le régime nazi. La Cour a retenu comme indices pertinents le fait que le droit à réparation à l’origine de l’action intentée était fondé sur des
dispositions nationales identiques pour tous les propriétaires d’immeubles grevés de droits à restitution et la circonstance que la procédure administrative était identique quelle que fût la qualité du propriétaire concerné, lequel ne jouissait d’aucune prérogative de décision en ce qui concernait la détermination des droits à restitution de la personne lésée. Elle a aussi tenu compte de ce que l’action, qui visait la répétition de l’indu, ne faisait pas partie de la procédure administrative,
devait être exercée devant les juridictions civiles et avait pour base juridique les règles du BGB ( 51 ).
56. Enfin, dans son arrêt Sunico e.a. ( 52 ), la Cour a considéré qu’entrait dans le champ d’application du règlement no 44/2001 l’action par laquelle une autorité publique d’un État membre réclamait, à des personnes physiques et morales résidant dans un autre État membre, des dommages‑intérêts en réparation d’un préjudice causé par une association de malfaiteurs ayant pour but une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée due dans le premier État membre. La Cour a examiné le fondement factuel et
juridique de la demande et le rapport juridique existant entre les parties au litige, en recherchant si l’autorité publique exerçait ou non, dans le cadre de ce rapport, des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre personnes de droit privé ( 53 ).
57. Toutefois, le critère relatif au fondement et aux modalités d’exercice de l’action, introduit par l’arrêt Baten ( 54 ) et repris dans les arrêts Préservatrice foncière TIARD ( 55 ), Frahuil ( 56 ), Sapir e.a. ( 57 ) ainsi que Sunico e.a. ( 58 ), n’apparaît que subsidiaire, en ce sens qu’il ne joue que lorsqu’il n’est pas établi que la prétention a sa source matérielle dans un acte de puissance publique.
58. Ainsi, dans son arrêt Rüffer ( 59 ), qui concernait l’action intentée par l’État néerlandais contre le propriétaire d’un bateau qui avait heurté un autre bateau et provoqué son naufrage, en vue de recouvrer les frais d’enlèvement de l’épave, la Cour a relevé que le fait que l’État gestionnaire poursuivait le remboursement de ces frais sur la base d’un droit de créance qui avait sa source dans un acte de puissance publique suffisait pour que son action fût considérée comme exclue du champ
d’application de la convention de Bruxelles, bien que la procédure que lui ouvrait à ces fins le droit national fût non pas une procédure administrative, mais une action récursoire de droit commun ( 60 ).
59. Plus significatif encore est l’arrêt Lechouritou e.a. ( 61 ), par lequel la Cour a dit pour droit que ne relève pas de la matière civile une action en justice intentée à l’encontre d’un État et visant à obtenir réparation du préjudice subi par les ayants droit des victimes des agissements des forces armées dans le cadre d’opérations menées pendant la Seconde Guerre mondiale. S’attachant exclusivement à caractériser le fondement factuel de l’action, la Cour a relevé que de telles opérations
«constituent l’une des émanations caractéristiques de la souveraineté étatique, notamment en ce qu’elles sont décidées de façon unilatérale et contraignante par les autorités publiques compétentes et se présentent comme étant indissociablement liées à la politique étrangère et de défense des États» ( 62 ). La Cour a, en outre, pris soin de relever que la circonstance que le recours était présenté comme revêtant un caractère civil en tant qu’il visait à obtenir la réparation pécuniaire du
préjudice matériel et moral causé aux requérants était dépourvue de pertinence ( 63 ).
60. Il nous paraît significatif, également, de relever que les arrêts qui se sont attachés à rechercher le fondement juridique et les modalités d’exercice de l’action concernent tous, à l’exception de l’arrêt Frahuil ( 64 ), des actions, en particulier récursoires ou subrogatoires, exercées par un organisme public. Dans ce cas, il est logique de s’attacher au fondement et aux modalités d’exercice de l’action pour rechercher si, par l’exercice même de l’action en justice, l’autorité publique utilise
sa position de puissance publique. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une action en indemnisation exercée par un particulier à l’encontre d’une autorité publique, le fait que l’action en justice emprunte, en droit national, les formes classiques du droit civil n’est pas décisif, et ce d’autant plus que la loi applicable n’est pas encore déterminée ( 65 ). Il importe, en revanche, de vérifier si les prétentions trouvent ou non leur source matérielle dans un acte de puissance publique.
3. L’application des critères jurisprudentiels aux affaires au principal
61. L’analyse progressivement développée par la Cour au travers des différents arrêts susmentionnés ne donne pas de réponse évidente à la question qui nous préoccupe. Cela s’explique par la circonstance particulière que les actions exercées à l’encontre de l’État grec par les détenteurs allemands de titres grecs ont, en réalité, un double fondement tiré, d’une part, de l’émission d’emprunts obligataires et, d’autre part, de la modification des conditions d’émission de ces emprunts en cours
d’exécution à la suite de l’intervention du législateur grec.
62. Or, les emprunts obligataires émis par les États sont considérés comme entrant dans la catégorie des actes accomplis jure gestionis, soumis aux règles générales applicables à ce type d’opérations ( 66 ). Force est d’ailleurs de constater que le gouvernement grec ne soutient pas que l’émission de ces emprunts relèverait de l’exercice de prérogatives de puissance publique.
63. Toutefois, si l’émission d’un emprunt obligataire par un État relève de l’accomplissement d’un acte jure gestionis, l’exercice ultérieur par l’État de son pouvoir de législateur, qui relève, en revanche, des actes jure imperii, doit également être pris en compte, puisqu’il est évident que les actions en indemnisation exercées contre l’État grec trouvent leur fondement non seulement dans les titres initiaux, mais aussi et surtout dans la loi no 4050/2012, ayant rendu possible l’échange des titres
et, par voie de conséquence, la réduction de la dette en introduisant dans les conditions d’emprunt des clauses d’action collective. Dans cette situation particulière, comment analyser le rapport juridique qui découle non seulement de l’émission d’obligations d’État, mais également de la modification unilatérale, par voie législative, des conditions liées à ces obligations? Lorsque l’État offre le double visage de partie contractante et de puissance publique, l’action en responsabilité exercée à
l’encontre de celui‑ci est‑elle dirigée contre les actes qu’il a accomplis jure gestionis ou contre ceux accomplis jure imperii? La réponse à cette question appelle, selon nous, une distinction selon les modalités d’exercice par l’État souverain de son pouvoir normatif.
64. Si l’État adopte une norme générale et abstraite qui s’impose aux parties contractantes et peut indirectement aboutir à modifier les conditions du contrat, tel un changement de législation fiscale, cette action normative de l’État peut être distinguée et dissociée de son action en tant que partie contractante, sans modifier la nature des rapports juridiques qui découlent du contrat initial.
65. Si, en revanche, l’État émetteur use de son pouvoir souverain pour adopter non pas une norme générale et abstraite, mais une norme spécifique et concrète qui a pour objet et pour effet de porter une atteinte directe à l’économie des obligations émises, son action en tant que puissance publique ne nous paraît pas dissociable de son action en tant que partie contractante. En effet, dans cette hypothèse, c’est bien l’État contractant qui fait usage de son pouvoir souverain, directement à l’égard du
contrat. Or, l’intervention du législateur grec par la loi no 4050/2012 relève de cette seconde hypothèse. L’État grec est intervenu unilatéralement, rétroactivement et de façon contraignante pour modifier les conditions d’émission des emprunts obligataires en y insérant une clause d’action collective permettant d’imposer aux détenteurs minoritaires de titres l’obligation de se soumettre à la volonté de la majorité. Pour se convaincre que cette action relève bien de la catégorie des actes
jure imperii, il suffit de se demander si les règles normalement applicables dans les relations entre les particuliers autoriseraient une partie à un contrat, une fois celui‑ci conclu, à y introduire une telle clause, rétroactivement et sans l’accord de l’autre. Dans ces circonstances particulières d’une intervention ciblée, il ne nous paraît pas possible de considérer que l’action en responsabilité contre l’État grec pourrait être considérée comme ne mettant pas en cause des actes accomplis
dans l’exercice de la puissance publique.
66. Qui plus est, il convient de souligner que l’intervention du législateur grec a eu lieu dans le contexte exceptionnel d’une opération de restructuration de la dette privée grecque ayant pour objectif d’éviter la défaillance de cet État en faisant accepter, par les créanciers, une réduction de la dette.
67. À cet égard, après un premier sommet extraordinaire de l’Union tenu le 21 juillet 2011, à l’issue duquel avait été arrêté un plan en faveur de la République hellénique comprenant une «participation volontaire exceptionnelle du secteur privé» ( 67 ), les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro ont, à l’issue d’un nouveau sommet tenu les 26 et 27 octobre 2011, invité la République hellénique, les investisseurs privés et toutes les parties concernées à mettre en place un
échange «volontaire» ( 68 ) d’obligations avec une décote nominale de 50 % sur la valeur notionnelle de la dette grecque détenue par les investisseurs privés ( 69 ). C’est à la suite de ces décisions que la loi no 4050/2012 a été adoptée.
68. Ces opérations menées afin d’assurer la sauvegarde de l’organisation financière et économique de la République hellénique et, plus largement, de préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et qui se présentent comme étant indissolublement liées à la politique monétaire de l’Union constituent des émanations caractéristiques de la souveraineté étatique.
69. Il convient, en outre, de préciser que ce n’est pas de l’adoption du mécanisme des clauses d’action collective que nous déduisons l’existence d’une manifestation de la puissance publique. En effet, ces clauses sont de pratique courante dans les relations financières depuis les années 90 et les crises successives des dettes souveraines des États d’Amérique du Sud. Le traité instituant un mécanisme européen de stabilité ( 70 ) atteste, d’ailleurs, de l’importance desdites clauses, qui sont
désormais obligatoirement insérées dans les contrats de créance par les États membres de la zone euro lorsqu’ils empruntent auprès de créanciers privés ( 71 ). L’inclusion rétroactive et contraignante de telles clauses dans les conditions d’émission des emprunts en cours pour des raisons relevant des intérêts supérieurs de l’État grec et de l’ensemble des États membres de la zone euro constitue, en revanche, une manifestation de la puissance publique.
70. Nous en déduisons que l’action exercée par les détenteurs minoritaires contre l’État membre à la suite de l’échange des titres met nécessairement en cause la responsabilité de l’État grec pour des actes commis jure imperii, sans qu’il puisse être tiré argument de ce que cet échange, destiné à réduire la valeur nominale de ces titres, ait supposé un vote à la majorité. À cet égard, le raisonnement de la Commission, qui semble considérer que l’action de l’État grec aurait basculé dans la sphère
des actes commis jure imperii si, au lieu d’insérer une clause de restructuration, l’État grec avait plus brutalement imposé une modification de sa dette sans l’accord des créanciers, nous paraît critiquable en ce qu’il fait dépendre la qualification du rapport juridique de la gravité de l’atteinte portée par l’État aux droits des cocontractants.
71. Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons que l’action intentée par les requérants au principal n’entre pas dans le champ d’application du règlement no 1393/2007.
72. Nous avons déjà exposé, lors de l’examen de la recevabilité des présentes demandes de décision préjudicielle, les raisons qui nous paraissent justifier que le juge national puisse exercer, même à un stade précoce de la procédure, un contrôle du champ d’application matériel du règlement no 1393/2007, au besoin en posant à la Cour une question préjudicielle ( 72 ). Nous nous limiterons donc à ajouter que l’opinion exprimée par la Commission selon laquelle le juge national ne devrait se livrer qu’à
un contrôle prima facie ne repose sur aucun fondement textuel ( 73 ).
IV – Conclusion
73. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le Landgericht Wiesbaden et le Landgericht Kiel:
La notion de «matière civile et commerciale», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale («signification ou notification des actes»), et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne comprend pas une action par
laquelle un particulier détenteur d’obligations émises par un État membre agit à l’encontre de cet État en responsabilité en raison de l’échange de ces obligations contre des obligations d’une valeur moindre, imposé à ce particulier à la suite de l’adoption, par le législateur national, d’une loi ayant unilatéralement et rétroactivement modifié les conditions applicables aux obligations en y insérant une clause d’action collective permettant à une majorité des détenteurs de celles‑ci d’imposer
un tel échange à la minorité.
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) JO L 324, p. 79.
( 3 ) Alors que, dans la version en langue française, l’intitulé de ce règlement utilise la formulation «matière civile ou commerciale», ladite disposition emploie celle de «matière civile et commerciale» (italique ajouté par nos soins). Cette différence dans la conjonction de coordination n’affecte pas, selon nous, le sens et la portée de cette expression.
( 4 ) Point 9.1.1 de cette annexe.
( 5 ) FEK A’ 36/23.2.2012, ci‑après la «loi no 4050/2012».
( 6 ) Action en rétablissement de la possession exercée par le possesseur évincé par un trouble de fait.
( 7 ) Action en restitution fondée sur le droit de propriété.
( 8 ) Ci‑après le «BGB».
( 9 ) Dommages‑intérêts pour violation de l’obligation, en lieu et place de la prestation non fournie.
( 10 ) Indemnisation du dommage causé par un acte illicite.
( 11 ) Voir, notamment, arrêt Woningstichting Sint Servatius (C‑567/07, EU:C:2009:593, point 50 et jurisprudence citée).
( 12 ) Ibidem (point 53).
( 13 ) Voir, notamment, ordonnance 3D I (C‑107/14, EU:C:2014:2117, point 9).
( 14 ) Informations disponibles sur le site Internet de la Commission, dans l’Atlas judiciaire européen en matière civile, à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/justice_home/judicialatlascivil/html/ds_centralbody_de_fr.htm.
( 15 ) C‑111/94, EU:C:1995:340.
( 16 ) Voir arrêt Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 19 et jurisprudence citée).
( 17 ) Voir arrêt Cartesio (C‑210/06, EU:C:2008:723, point 57).
( 18 ) Voir arrêt Salzmann (C‑178/99, EU:C:2001:331, points 15 à 17).
( 19 ) Voir arrêt Standesamt Stadt Niebüll (C‑96/04, EU:C:2006:254, points 14 à 17).
( 20 ) C‑14/08, EU:C:2009:395.
( 21 ) Règlement du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (JO L 160, p. 37).
( 22 ) Arrêt Roda Golf & Beach Resort (EU:C:2009:395, point 37).
( 23 ) C‑283/09, EU:C:2011:85.
( 24 ) JO L 174, p. 1.
( 25 ) Points 41 et 42 de cet arrêt.
( 26 ) C‑18/93, EU:C:1994:195.
( 27 ) Point 12 et jurisprudence citée. Voir également, en ce sens, arrêt Roda Golf & Beach Resort (EU:C:2009:395, point 33).
( 28 ) Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
( 29 ) JO 1972, L 299, p. 32, ci‑après la «convention de Bruxelles».
( 30 ) JO L 351, p. 1. À l’exception des articles 75 et 76 du règlement no 1215/2012 qui sont applicables depuis le 10 janvier 2014.
( 31 ) Voir, notamment, article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15); article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 861/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (JO L 199, p. 1); article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/52/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (JO L 136, p. 3), et article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) no 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale (JO L 189, p. 59).
( 32 ) Introduits par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord à la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu’au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice (voir article 3 de cette convention), ces termes ont été repris à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001.
( 33 ) Cette précision ne figure pas dans la convention de Bruxelles ni dans le règlement no 44/2001. Elle a, en revanche, été introduite dans le règlement no 1215/2012 (voir article 1er, paragraphe 1, seconde phrase, de ce règlement).
( 34 ) C‑292/05, EU:C:2007:102.
( 35 ) Point 45.
( 36 ) Voir point 50 des présentes conclusions.
( 37 ) Tel est d’ailleurs le mode de raisonnement qu’a suivi la Cour dans son arrêt C (C‑435/06, EU:C:2007:714). Dans cet arrêt, après avoir rappelé quelle était l’interprétation de la notion de «matière civile et commerciale», au sens de la convention de Bruxelles, la Cour a interprété la notion de «matières civiles», au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en
matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO L 338, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2116/2004 du Conseil, du 2 décembre 2004 (JO L 367, p. 1), en tenant compte des objectifs spécifiques poursuivis par le règlement no 2201/2003.
( 38 ) Voir, notamment, arrêts Lechouritou e.a. (EU:C:2007:102, point 29) et flyLAL‑Lithuanian Airlines (C‑302/13, EU:C:2014:2319, point 24 et jurisprudence citée).
( 39 ) Ibidem (respectivement points 30 et 26 ainsi que jurisprudence citée). Italique ajouté par nos soins.
( 40 ) 29/76, EU:C:1976:137.
( 41 ) 814/79, EU:C:1980:291.
( 42 ) Voir, respectivement, points 4 et 8 de ces arrêts. Italique ajouté par nos soins.
( 43 ) Voir, notamment, arrêt Préservatrice foncière TIARD (C‑266/01, EU:C:2003:282, point 30).
( 44 ) Voir arrêt Baten (C‑271/00, EU:C:2002:656, point 31). Italique ajouté par nos soins.
( 45 ) EU:C:2002:656.
( 46 ) Point 37.
( 47 ) Point 33.
( 48 ) EU:C:2003:282.
( 49 ) Point 36.
( 50 ) C‑645/11, EU:C:2013:228.
( 51 ) Points 35 à 37.
( 52 ) C‑49/12, EU:C:2013:545.
( 53 ) Points 36 à 40.
( 54 ) EU:C:2002:656.
( 55 ) EU:C:2003:282.
( 56 ) C‑265/02, EU:C:2004:77.
( 57 ) EU:C:2013:228.
( 58 ) EU:C:2013:545.
( 59 ) EU:C:1980:291.
( 60 ) Points 13 et 15.
( 61 ) EU:C:2007:102.
( 62 ) Point 37. Italique ajouté par nos soins.
( 63 ) Point 41.
( 64 ) EU:C:2004:77. Le litige opposait deux personnes de droit privé.
( 65 ) Il y a lieu de relever, en particulier, qu’il n’est nullement établi que les règles de droit international privé désigneraient le droit allemand comme loi applicable dans les affaires au principal.
( 66 ) Voir, en ce sens, O’Keefe, R., Tams, C. J., et Tzanakopoulos, A., The United Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States and Their Property – A Commentary, Oxford University Press, 2013, p. 64, et rapport du Groupe de travail sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, en annexe de l’Annuaire de la Commission du droit international, 1999, vol. II, deuxième partie [A/CN.4/SER.A/1999/Add.1 (Part 2)], p. 157, spéc. p. 170, point 54.
( 67 ) Voir p. 6 et 7 du document intitulé «Le Conseil européen en 2011», disponible à l’adresse http://www.european-council.europa.eu/media/555288/qcao11001frc.pdf.
( 68 ) Un commentateur a qualifié la restructuration de la dette grecque de «volontairement obligatoire». Voir De Vauplane, H, «Le rôle du juge pendant la crise: entre ombre et lumière», Revue des Affaires Européennes – Law & European Affairs 2012/4, p. 773, spéc. p. 775. Elle pourrait aussi être qualifiée d’«obligatoirement volontaire».
( 69 ) Voir document intitulé «Le Conseil européen en 2011», mentionné à la note en bas de page 67, point 12, p. 65, de la «Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro du 26 octobre 2011».
( 70 ) Traité instituant un mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand‑Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays‑Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, conclu à Bruxelles le
2 février 2012.
( 71 ) Voir article 12, paragraphe 3, dudit traité, qui définit les principes auxquels le soutien à la stabilité est soumis. L’inclusion systématique de clauses d’action collective dans les conditions dont sont assorties les obligations d’État libellées en euros figurait parmi les mesures décidées par les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro le 9 décembre 2011 afin de répondre à la crise de la dette souveraine (voir document intitulé «Le Conseil européen en 2011»,
mentionné à la note en bas de page 67, point 15, p. 71, de la «Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro du 9 décembre 2011»).
( 72 ) Voir point 37 des présentes conclusions.
( 73 ) À cet égard, il convient de relever que le règlement no 1393/2007 ne limite que les pouvoirs d’appréciation de l’entité requise, laquelle ne peut retourner la demande de signification à l’entité d’origine que si celle‑ci ne rentre «manifestement pas dans le champ d’application [de ce] règlement». En revanche, le règlement no 1393/2007 ne comporte aucune limitation au pouvoir d’interprétation de l’entité d’origine ni, a fortiori, du juge saisi du litige lorsque, comme c’est le cas selon le
droit allemand, celui‑ci peut être amené à connaître, en amont, du champ d’application de ce règlement.