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09/12/2014 | CJUE | N°C-261/13

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Peter Schönberger contre Parlement européen., 09/12/2014, C-261/13


ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

9 décembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Pétition adressée au Parlement européen — Décision de classer la pétition — Recours en annulation — Notion d’‘acte attaquable’»

Dans l’affaire C‑261/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 mai 2013,

Peter Schönberger, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me O. Mader, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre par

tie à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par M. U. Rösslein et Mme E. Waldherr, en qualité d’agents,

partie déf...

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

9 décembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Pétition adressée au Parlement européen — Décision de classer la pétition — Recours en annulation — Notion d’‘acte attaquable’»

Dans l’affaire C‑261/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 mai 2013,

Peter Schönberger, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me O. Mader, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par M. U. Rösslein et Mme E. Waldherr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano, T. von Danwitz, A. Ó Caoimh, J.‑C. Bonichot (rapporteur), présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J. Malenovský, E. Levits, Mme A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juillet 2014,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, M. Schönberger demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, Schönberger/Parlement (T‑186/11, EU:T:2013:111, ci‑après l’«arrêt attaqué») par lequel le Tribunal a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision du 25 janvier 2011 (ci-après la «décision litigieuse»), par laquelle la commission des pétitions du Parlement européen (ci-après la «commission des pétitions») a mis fin à l’examen de la pétition qu’il avait présentée.

Les antécédents du litige

2 Le 2 octobre 2010, M. Schönberger, ancien fonctionnaire du Parlement, a adressé à celui-ci, sur le fondement de l’article 227 TFUE, une pétition par laquelle il lui demandait de prendre des mesures concernant sa situation personnelle en tant que fonctionnaire du Parlement pour faire suite à une recommandation du Médiateur européen.

3 Par la décision litigieuse, la commission des pétitions a informé le requérant que sa pétition avait été déclarée recevable, conformément au règlement intérieur du Parlement, qu’elle serait transmise au directeur général chargé du personnel et que la procédure de pétition était ainsi clôturée.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

4 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2011, M. Schönberger a demandé l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de son recours, il a fait valoir que le contenu de sa pétition n’avait pas été examiné bien que la commission des pétitions ait conclu à sa recevabilité. Le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité. À titre subsidiaire, il a demandé le rejet du recours comme non fondé.

5 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable au motif que la décision litigieuse ne constituait pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

6 Il a considéré, aux points 16 et 19 de l’arrêt attaqué, que, si la décision de classement d’une pétition comme irrecevable affecte le droit des intéressés de présenter une pétition, il n’en va pas de même de la décision prise, après qu’une pétition a été déclarée recevable, sur les suites à y donner, qui relève d’une appréciation d’ordre politique soustraite au contrôle du juge de l’Union.

7 Le Tribunal en a déduit, au point 23 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, la pétition ayant été déclarée recevable, la décision litigieuse ne pouvait ni modifier de façon caractérisée la situation juridique du requérant ni porter atteinte aux intérêts de ce dernier. Il a, dès lors, sans statuer sur les autres moyens, conclu à l’irrecevabilité du recours et a condamné le requérant à supporter ses propres dépens et ceux exposés par le Parlement.

Les conclusions des parties

8 M. Schönberger demande à la Cour:

— d’annuler l’arrêt attaqué;

— de faire droit à son recours introduit en première instance tendant à l’annulation de la décision litigieuse, et

— de condamner le Parlement aux dépens.

9 Le Parlement demande à la Cour:

— de rejeter le pourvoi et

— de condamner le requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

10 Au soutien de son pourvoi, le requérant invoque quatre moyens. Le premier est tiré d’une dénaturation des faits. Le Tribunal, dans son résumé du contenu de la décision litigieuse, se serait abstenu de constater que le contenu de la pétition n’avait pas été examiné par le Parlement. Par son deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit en jugeant que seul le rejet d’une pétition comme irrecevable aurait été susceptible de restreindre son droit de pétition et,
partant, de nature à affecter sa position juridique. Le troisième moyen est tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal aurait omis de se prononcer sur le défaut de motivation de la décision litigieuse. Enfin, par son quatrième moyen, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à son moyen relatif à l’impossibilité d’exposer son cas devant la commission des pétitions.

11 Le Parlement conclut au rejet des moyens du requérant comme irrecevables ou manifestement non fondés.

12 Par son deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le requérant soutient que c’est à tort que le Tribunal a rejeté comme irrecevable son recours en annulation. Il fait valoir qu’une décision par laquelle la commission des pétitions, après avoir accepté d’en connaître, donne à la pétition une suite consistant, comme en l’espèce, à la transmettre au directeur général chargé du personnel du Parlement, est une décision qui fait grief à l’intéressé et qui est, dès lors, susceptible de
faire l’objet d’un recours en annulation.

13 À cet égard il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 263, premier alinéa, TFUE que la Cour contrôle la légalité des actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, notamment, arrêt IBM/Commission, 60/81,
EU:C:1981:264).

14 Le droit de pétition figure aux articles 20, paragraphe 2, sous d), TFUE, 24, deuxième alinéa, TFUE et 227 TFUE ainsi qu’à l’article 44 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que ce droit fait partie des droits fondamentaux et s’exerce dans les conditions prévues à l’article 227 TFUE.

15 En vertu de cette dernière disposition, le droit de pétition est ouvert non seulement aux citoyens de l’Union, mais, plus généralement, à toute personne physique ou morale qui réside dans un État membre ou y a son siège. Il peut être exercé individuellement ou collectivement. La pétition doit porter sur l’un des «domaines d’activité de l’Union» et concerner «directement» celui ou ceux qui la présentent.

16 S’agissant de la question de savoir si l’une ou l’autre des décisions prises, à la suite d’une pétition, par la commission des pétitions ou par le Parlement lui-même peut faire l’objet d’un recours en annulation, il doit être relevé, en premier lieu, qu’aucune des dispositions du traité FUE mentionnées au point 14 du présent arrêt ne prévoit, en matière de pétitions, de pouvoir décisionnel du Parlement.

17 Le droit de pétition constitue un instrument de participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union. Il s’agit de l’une des voies du dialogue direct entre les citoyens de l’Union et leurs représentants.

18 La nature des rapports entre le Parlement et ceux qui s’adressent à lui par la voie de pétitions est confirmée par les règles consacrées par le Parlement à l’examen des pétitions aux articles 215 à 217 du règlement intérieur du Parlement, dans sa version actuellement en vigueur (règlement du Parlement européen, 8e législature – juillet 2014, non encore publié au JO). Nonobstant quelques précisions qu’elles apportent, elles sont, en substance, identiques aux règles pertinentes en vigueur à
l’époque des faits à l’origine du litige (règlement du Parlement européen, 16e édition – juillet 2004, JO 2005, L 44, p. 1).

19 C’est ainsi que le Parlement a fixé, à l’article 215 de ce règlement, différentes règles supplémentaires relatives aux conditions formelles et à la langue de présentation des pétitions ainsi qu’à l’exigence d’un représentant désigné par les pétitionnaires dans le cas d’une pétition collective. Les pétitions qui remplissent les conditions formelles sont inscrites à un «rôle général», alors que les autres sont classées et le pétitionnaire est informé des motifs de ce classement. Les pétitions
inscrites au rôle général sont renvoyées par le président du Parlement à la commission des pétitions qui établit «si elles sont recevables ou non au titre de l’article 227 [TFUE]», cette «recevabilité» étant acquise si au moins un quart des membres de la commission des pétitions vote dans ce sens. Les pétitions considérées comme non recevables font l’objet d’une décision motivée notifiée au pétitionnaire à qui peuvent être recommandées «d’autres voies de recours».

20 Enfin, doit être relevée la possibilité que s’est reconnu le Parlement au paragraphe 13 dudit article 215 de prendre connaissance des pétitions présentées par des personnes qui ne sont pas des citoyens de l’Union ou qui n’y résident pas et n’y ont pas leur siège, que la commission des pétitions «juge opportun d’examiner».

21 L’article 216 du règlement intérieur du Parlement, dans sa version actuellement en vigueur, prévoit les suites à donner aux pétitions qui sont examinées par la commission des pétitions «dans le cours de ses activités ordinaires», le cas échéant en présence du pétitionnaire auquel le président de cette commission décide d’accorder ou non le droit de parole. La commission des pétitions peut décider d’élaborer un rapport d’initiative ou, avec l’accord de la conférence des présidents, une proposition
de résolution succincte. Elle est, dans certains cas, tenue de coopérer avec d’autres commissions, peut demander à la Commission européenne de l’assister et de décider d’organiser une mission d’information dans l’État membre ou la région concernés par la pétition en question. Elle peut demander au président du Parlement de transmettre son avis ou sa recommandation à la Commission, au Conseil de l’Union européenne ou à l’État membre concerné en vue de faire entreprendre une action ou de recevoir
une réponse. La commission des pétitions informe tous les semestres le Parlement du résultat de ses délibérations et, en particulier, des suites qui ont été données par le Conseil ou la Commission aux pétitions qui leur ont été transmises. Les pétitionnaires sont informés de la décision prise par la commission des pétitions et des motifs qui la soutiennent. Une fois achevé l’examen d’une pétition recevable, celle‑ci est déclarée close et le pétitionnaire en est informé.

22 Dans ces conditions, une décision par laquelle le Parlement, saisi d’une pétition, considère que celle-ci ne satisfait pas aux conditions énoncées à l’article 227 TFUE doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, étant donné qu’elle est de nature à affecter le droit de pétition de l’intéressé. Il en va de même de la décision par laquelle le Parlement, méconnaissant la substance même du droit de pétition, refuserait ou s’abstiendrait de prendre connaissance d’une pétition qui lui est
adressée et, par conséquent, de vérifier si celle-ci satisfait aux conditions énoncées à l’article 227 TFUE.

23 Une décision négative du Parlement, pour ce qui concerne la question de savoir si les conditions énoncées à l’article 227 TFUE sont satisfaites, doit être motivée de façon à permettre au pétitionnaire de connaître laquelle parmi lesdites conditions n’est pas remplie dans son cas. À cet égard, contrairement à l’appréciation faite par le Tribunal au point 28 de son arrêt Tegebauer/Parlement (T‑308/07, EU:T:2011:466), une motivation sommaire, telle que celle qui figurait dans la décision du
Parlement en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, répond à cette exigence.

24 En revanche, il découle des dispositions du traité FUE, comme des règles adoptées par le Parlement pour l’organisation du droit de pétition, que, s’agissant d’une pétition dont il a, comme en l’espèce, estimé qu’elle satisfait aux conditions énoncées à l’article 227 TFUE, le Parlement dispose d’un large pouvoir d’appréciation, de nature politique, quant aux suites à donner à cette pétition. Il s’ensuit qu’une décision prise à cet égard échappe au contrôle juridictionnel, peu importe que, par une
telle décision, le Parlement prenne lui-même les mesures indiquées ou qu’il estime ne pas être en mesure de le faire et transmette la pétition à l’institution ou au service compétent pour que celle-ci ou celui-ci prenne ces mesures.

25 En l’occurrence, il ressort des énonciations même de l’arrêt attaqué que le Parlement, loin de méconnaître le droit du requérant de s’adresser à lui par la voie d’une pétition, a examiné la pétition qu’il a reçue, s’est prononcé sur sa recevabilité et a décidé de la transmettre pour traitement ultérieur au directeur général chargé du personnel du Parlement, lui donnant ainsi la suite qu’il jugeait opportune.

26 Compte tenu des motifs qui précèdent, et les autres moyens étant, dans ces conditions, inopérants, il convient de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

27 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu
de condamner ce dernier aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) M. Peter Schönberger est condamné aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-261/13
Date de la décision : 09/12/2014
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Pétition adressée au Parlement européen – Décision de classer la pétition – Recours en annulation – Notion d’‘acte attaquable’.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Peter Schönberger
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jääskinen
Rapporteur ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2423

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