CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PEDRO CRUZ VILLALÓN
présentées le 22 septembre 2015 ( 1 )
Affaire C‑398/14
Commission européenne
contre
République portugaise
«Manquement d’État — Directive 91/271/CEE — Eaux urbaines résiduaires — Traitement — Moment à prendre en considération pour apprécier si l’obligation imposée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271 est remplie — Annexe I, D, de la directive 91/271 — Procédure de surveillance de la qualité des eaux traitées»
1. Au moyen du présent recours, la Commission européenne reproche à la République portugaise de ne pas se conformer à l’article 4 de la directive 91/271/CEE ( 2 ), en affirmant notamment qu’il ne suffit pas pour satisfaire aux exigences de cette disposition que les stations d’épuration soient installées, mais que les contrôles prévus à l’annexe I, D, de ladite directive doivent également être effectués de manière satisfaisante. Elle donne ainsi l’occasion à la Cour de justice d’analyser de manière
expresse la problématique du lien entre l’article 4 et l’annexe I, D de la directive, au-delà de l’existence d’arrêts rendus isolément par cette dernière.
2. Au cours de la procédure précontentieuse ainsi que dans le cadre de leurs observations écrites devant la Cour de justice, la Commission et la République portugaise ont toutes deux centré le débat sur l’identification concrète des agglomérations qui n’auraient pas satisfait à la condition requise à l’article 4 de la directive 91/271 invoquée par la Commission.
3. Toutefois, la Cour de justice a invité les parties, au titre de l’article 61, paragraphe 1, de son règlement de procédure, à présenter lors de l’audience leur position en ce qui concerne les conditions à remplir pour se conformer à cette disposition; elle leur a notamment demandé s’il convenait de se baser sur la date d’entrée en fonction de la station ou bien si, en application de l’annexe I, D, de la directive 91/271 – qui exige que les États membres veillent à ce que soit appliquée une
méthode de surveillance de la qualité des rejets –, il était nécessaire qu’une année se soit écoulée depuis l’entrée en fonction de la station, de sorte que s’est posée la question du lien possible entre l’article 4, paragraphes 1 et 3, et l’annexe I, D, de la directive 91/271.
I – Cadre juridique
A – Droit de l’Union
4. Il est ainsi disposé aux premier, troisième, quatrième et huitième considérants de la directive 91/271:
«considérant que la résolution du Conseil du 28 juin 1988 sur la protection de la mer du Nord et d’autres eaux de la Communauté [ ( 3 )] a invité la Commission à présenter des propositions portant sur les mesures nécessaires au niveau de la Communauté en matière de traitement des eaux urbaines résiduaires;
[…]
considérant que, pour éviter que l’environnement ne soit altéré par l’évacuation d’eaux urbaines résiduaires insuffisamment traitées, il est en général nécessaire de soumettre ces eaux à un traitement secondaire;
considérant qu’il est nécessaire d’exiger un traitement plus rigoureux dans les zones sensibles, tandis qu’un traitement primaire peut être jugé approprié dans des zones moins sensibles;
[…]
considérant qu’il est nécessaire de surveiller les stations de traitement, les eaux réceptrices et l’évacuation des boues pour faire en sorte que l’environnement soit protégé des effets négatifs du déversement des eaux résiduaires;
[…]»
5. L’article 1er de la directive 91/271 dispose comme suit:
«La présente directive concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels.
La présente directive a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées.»
6. En vertu de l’article 2 de cette même directive:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
1) ‘eaux urbaines résiduaires’: les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement;
[…]
5) ‘système de collecte’: un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires;
6) ‘un équivalent habitant (EH)’: la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour;
[…]
8) ‘traitement secondaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I;
[…].»
7. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/271:
«Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:
— au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15000
et
— au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2000 et 15000.
[…]»
8. L’article 4 de la même directive établit comme suit:
«1. Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:
— au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15000,
— au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10000 et 15000,
— au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2000 et 10000.
[…]
3. Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I point B. […]
4. La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations.»
9. Conformément à l’article 15, paragraphe 1, de cette directive:
«Les autorités compétentes ou les organes appropriés surveillent:
— les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, afin d’en vérifier la conformité avec les prescriptions de l’annexe I point B suivant les procédures de contrôle fixées à l’annexe I point D,
[…].»
10. L’annexe I de la directive 91/271, intitulée «Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires», se compose des quatre lettres suivantes: A. Systèmes de collecte; B. Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices; C. Eaux industrielles usées; D. Méthodes de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats.
11. En vertu de l’annexe I, B:
«1. Les stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices.
2. Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1.
[…]»
12. L’annexe I, D, de la directive dispose:
«1. Les États membres veillent à ce que soit appliquée une méthode de surveillance qui corresponde au moins aux exigences décrites ci-dessous.
Des méthodes autres que celles prévues aux points 2, 3 et 4 peuvent être utilisées, à condition qu’il puisse être prouvé qu’elles permettent d’obtenir des résultats équivalents.
Les États membres fournissent à la Commission toutes les informations pertinentes concernant les méthodes appliquées. Si la Commission estime que les conditions énoncées aux points 2, 3 et 4 ne sont pas remplies, elle soumet au Conseil une proposition appropriée.
2. Des échantillons sont prélevés sur une période de 24 heures, proportionnellement au débit ou à intervalles réguliers, en un point bien déterminé à la sortie et, en cas de nécessité, à l’entrée de la station d’épuration, afin de vérifier si les prescriptions de la présente directive en matière de rejets d’eaux usées sont respectées.
De saines pratiques internationales de laboratoire seront appliquées pour que la dégradation des échantillons soit la plus faible possible entre le moment de la collecte et celui de l’analyse.
3. Le nombre minimum d’échantillons à prélever à intervalles réguliers au cours d’une année entière est fixé en fonction de la taille de la station d’épuration:
– EH compris entre 12 échantillons au cours de la première année.
2 000 et 9 999: 4 échantillons les années suivantes s’il peut être démontré que les eaux respectent les dispositions de la présente directive pendant la première année; si l’un des 4 échantillons ne correspond pas aux normes, 12 échantillons sont prélevés l’année suivante.
– EH compris entre 12 échantillons
10 000 et 49 999:
– EH de 50 000 ou plus: 24 échantillons.
[…]»
13. Le tableau 1 de l’annexe I de la directive 91/271 contient les «[p]rescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et soumises aux dispositions des articles 4 et 5 de la présente directive […]».
B – Droit portugais
14. La directive 91/271 a été transposée en droit portugais par le décret-loi no 152/97, du 19 juin 1997 ( 4 ).
15. L’article 5, paragraphe 2, du décret-loi no 152/97 précité dispose certains délais dans lesquels les entités mentionnées à l’article 4 de ce dernier doivent adopter les méthodes nécessaires pour que les rejets actuels ou prévus à la date de son entrée en vigueur soient précédés d’un traitement secondaire. Il a notamment été fixé au 31 décembre 2005 pour les agglomérations ayant un EH supérieur à 10000 et inférieur ou égal à 15000 et pour les agglomérations ayant un EH supérieur à 2000 et
inférieur ou égal à 10000, en cas de rejets dans des eaux douces ou des estuaires.
16. En vertu de l’article 14 du décret-loi no 152/97, la non-application des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, constitue une infraction passible d’une amende.
II – Procédure précontentieuse
17. La procédure préalable au présent recours a été ouverte en 2009 et avait pour objet la possible violation par la République portugaise des articles 3, 4 et 10 de la directive 91/271 pour 186 agglomérations.
18. Au cours de la procédure préalable, la République portugaise a partiellement répondu aux exigences de la Commission, de sorte que le recours de cette dernière est finalement centré sur la violation par celle-ci de l’article 4 de la directive 91/271 pour 52 agglomérations.
III – Recours de la Commission et procédure devant la Cour de justice
19. Dans sa requête, la Commission a soutenu que pour se conformer à la disposition en cause, il ne suffisait pas que soient installées des stations d’épuration (obligation imposée par l’article 3 de la directive 91/271), mais qu’il était nécessaire que ces stations fonctionnent de manière à ce que les effluents soient effectivement conformes aux paramètres qui sont fixés à l’annexe I de cette directive.
20. Selon elle, pour déterminer si les effluents sont conformes aux exigences de l’annexe I, il est nécessaire qu’ils fassent l’objet du suivi prescrit à l’annexe I, D, au cours de la première année.
21. Le gouvernement portugais n’a pas contesté ce qui précède dans son mémoire en défense, qu’il a centré sur le fait que les agglomérations concernées étaient en réalité 26 et que les travaux nécessaires pour se conformer aux exigences en cause étaient très avancés.
22. Ainsi que je l’ai déjà dit, la Cour de justice a invité les parties à donner leur avis sur les conditions de mise en œuvre de l’article 4 de la directive 91/271, en les enjoignant à prendre position sur la question concrète de savoir s’il suffisait que la station d’épuration soit entrée en fonction ou s’il était en outre nécessaire qu’en vertu de l’annexe I, D, de la directive, qui exige que les États membres veillent à l’application d’une méthode de surveillance de la qualité des rejets, ces
contrôles aient été effectués avec succès au cours de la première année de fonctionnement.
23. Au cours de l’audience, la Commission a affirmé qu’il ne suffisait pas qu’une station d’épuration soit construite mais qu’il était nécessaire qu’elle fonctionne correctement, l’objectif de la directive 91/271 étant de garantir la qualité des rejets et non la simple construction de stations d’épuration. Pour la Commission, le bon fonctionnement de la station ne peut être établi que par la réalisation des contrôles prévus à l’annexe I, D, de la directive 91/271, aux fins desquels il est nécessaire
de prélever un nombre minimal annuel d’échantillons selon les dimensions de la station de traitement, notamment au cours de la première année de fonctionnement.
24. La République portugaise estime pour sa part que le moment pertinent pour juger du respect de l’article 4 de la directive est celui de l’entrée en fonction de la station d’épuration; plus concrètement, c’est le moment où, avec l’entrée en fonction de la station, a lieu le premier contrôle de la qualité des rejets.
IV – Appréciation
A – À titre préliminaire
25. Comme chacun sait, le fait qu’un État membre ne conteste pas l’existence du manquement reproché par la Commission n’empêche pas la Cour de vérifier la justesse de l’interprétation du droit de l’Union qui a conduit la Commission à introduire son recours. Aux termes de l’arrêt Commission/Suède, «dans le cadre d’un recours en manquement, il appartient à la Cour de constater si le manquement reproché existe ou non, même dans la mesure où l’État concerné ne conteste pas le manquement» ( 5 ).
26. En l’espèce, la République portugaise a initialement contesté, dans ses observations écrites, l’appréciation de la Commission relative à la violation de l’article 4 de la directive 91/271 pour plusieurs agglomérations, sans toutefois remettre en cause l’interprétation de ladite disposition sur laquelle s’était fondée la Commission pour estimer que la République portugaise avait manqué à l’une des obligations qui lui incombaient en vertu des traités (article 258 TFUE).
27. Dans la mesure où, quelle que soit la stratégie de défense adoptée par la République portugaise, «il appartient à la Cour de constater si le manquement reproché existe ou non», les parties ont été invitées, ainsi que je l’ai déjà dit, à se prononcer sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 91/271 et sur son lien avec l’annexe I, D, de la même directive. Sur cette base, dès l’audience, la République portugaise a contesté l’interprétation par la Commission de cette disposition, en
soutenant qu’elle ne pouvait être considérée comme violée que si la station d’épuration n’était pas entrée en fonction à la date requise par celle-ci, sans qu’il soit besoin que le temps nécessaire à la réalisation des contrôles prévus à l’annexe I, D, soit écoulé.
28. Il convient par conséquent de déterminer si l’interprétation par la Commission de l’article 4 de la directive 91/271 est ou non conforme au droit, dès lors que c’est de cela que doit dépendre, en dernier lieu, l’existence du manquement invoqué dans le recours objet de la présente procédure.
B – Les arrêts de la Cour de justice relatifs au lien existant entre l’article 4 et l’annexe I, D, de la directive 91/271
29. Il est disposé à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271 que «[l]es États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent». Il doit être satisfait à cette obligation, selon le type d’agglomération, avant le 31 décembre 2000 ou avant le 31 décembre 2005.
30. Par ailleurs, et en vertu du paragraphe 3 de l’article 4, «[l]es rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I point B. […]».
31. L’annexe I, B, paragraphe 1, de la directive 91/271 établit pour sa part que «[l]es stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices», le paragraphe 2 disposant à son tour que «[l]es rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive,
répondent aux prescriptions figurant au tableau 1».
32. L’article 4 de la directive 91/271 ne fait toutefois pas mention de l’annexe I, D, paragraphe 1, selon lequel «[l]es États membres veillent à ce que soit appliquée une méthode de surveillance qui corresponde au moins aux exigences décrites ci-dessous». S’ajoute à cela, en vertu de l’annexe I, D, paragraphe 2, l’obligation de prélever des échantillons «sur une période de 24 heures, proportionnellement au débit ou à intervalles réguliers, en un point bien déterminé à la sortie et, en cas de
nécessité, à l’entrée de la station d’épuration, afin de vérifier si les prescriptions de la présente directive en matière de rejets d’eaux usées sont respectées». En outre, le paragraphe 3 prévoit un «nombre minimum d’échantillons […] en fonction de la taille de la station d’épuration» et l’obligation de les prélever «à intervalles réguliers au cours d’une année entière».
33. La Cour de justice a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question du lien existant éventuellement entre l’article 4 et l’annexe I, D, de la directive 91/271. Ainsi, dans l’affaire Commission/Italie ( 6 ), la Cour de justice a entériné l’existence du lien soulevé par la Commission entre l’article 4 et l’annexe I, D, de la directive 91/271 en concluant que le fait que la procédure de prélèvement d’échantillons prévue à l’annexe I, D, de la directive 91/271 ait été respectée permettait
d’affirmer que l’article 4 avait été correctement mis en œuvre.
34. Dans l’affaire Commission/Belgique ( 7 ), le Royaume de Belgique a affirmé qu’il n’était pas nécessaire de mettre en œuvre la procédure prévue à l’annexe I, D, de la directive 91/271 si les premiers résultats suivant l’entrée en fonction de la station d’épuration satisfaisaient aux conditions de qualité prévue au tableau 1 de la même annexe I. La Commission considère que la Cour a rejeté cette approche en statuant sur le fond de l’affaire. Toutefois, la Cour n’a en réalité pas réellement eu
l’occasion de se prononcer sur ce détail concret dans cette affaire, de sorte qu’il a été déterminant que le gouvernement belge ait reconnu que les deux agglomérations concernées ne disposaient même pas de stations d’épuration ( 8 ), raison pour laquelle l’on ne saurait dire que ce deuxième arrêt a confirmé le critère affirmé dans l’arrêt Commission/Italie ( 9 ).
35. Ainsi, l’on peut conclure qu’en réalité, la Cour de justice n’a eu la possibilité de se prononcer sur le lien existant entre l’article 4 et l’annexe I, D, de la directive 91/271 qu’en une occasion, et ce de manière très circonstancielle. Cela explique que la Cour de justice ait aujourd’hui invité les parties à prendre position sur ce point.
C – L’interprétation de l’article 4 dans le système de la directive 91/271
36. Il ressort d’une première analyse de l’ensemble de la directive 91/271 que le lien entre l’article 4 et l’annexe I, D débouche sur une contradiction avec l’article 3 de la même directive.
37. En effet, si, pour se conformer à l’article 4, il est nécessaire d’appliquer la procédure prévue à l’annexe I, D, de la directive 91/271, alors les stations d’épuration auraient dues être installées un an avant la date fixée à l’article 3 pour que les eaux résiduaires urbaines fassent l’objet de traitements, dans la mesure où la procédure prévue à l’annexe I, D, dans les termes rappelés par la Commission, doit être mise en œuvre pendant une année.
38. Toutefois les dates imposées à l’article 3 de la directive 91/271 pour que toutes les agglomérations urbaines disposent de stations d’épuration sont les mêmes que celles fixées à l’article 4, paragraphe 1, pour l’application du traitement dans les conditions posées au paragraphe 3 de l’article 4. Le fait d’interpréter l’article 4 dans les termes proposés par la Commission – qui sont ceux utilisés par la Cour de justice dans l’affaire Commission/Italie ( 10 ) – reviendrait inévitablement à ôter
tout effet à l’article 3.
39. L’interprétation littérale des articles 3 et 4 de la directive 91/271 permet selon moi d’éviter la contradiction indiquée et d’offrir une solution en harmonie avec le système de la directive.
40. À cet égard, il convient de noter d’abord que l’article 4 ne cite aucunement l’annexe I, D. L’annexe en question n’est mentionnée de manière expresse qu’au paragraphe 3 de l’article, dans lequel il est disposé que «[l]es rejets […] visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I point B». Ces conditions font référence à la qualité des rejets.
41. L’annexe I, D, de la directive 91/271 cite pour sa part les «[m]éthodes de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats». Il s’agit des procédures devant être mises en œuvre pour établir que les rejets satisfont par la suite aux conditions de qualité requises par la directive 91/271.
42. Ces «méthodes de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats» doivent être appliquées tant que les installations fonctionnent, c’est-à-dire pour une durée indéterminée. De fait, il est disposé à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 91/271 que les autorités doivent surveiller les rejets «afin d’en vérifier la conformité avec les prescriptions de l’annexe I point B suivant les procédures de contrôle fixées à l’annexe I point D» ( 11 ).
43. Il semble par conséquent clair que l’annexe I, D, de la directive 91/271 fait référence à une obligation continue, ayant pour objectif de garantir que les rejets remplissent au fil du temps les conditions de qualité qui étaient requises dès la mise en fonctionnement de l’installation. Le fait de considérer qu’une installation ne peut commencer à fonctionner au sens de l’article 4 de la directive 91/271 que s’il a été établi que ces rejets ont atteint une certaine qualité pendant toute une
année – ce qui est la position de la Commission lorsqu’elle affirme que l’article 4 n’a été respecté que si la procédure de l’annexe I, D, a été appliquée – ne me paraît pas concluant.
44. Le fait, ainsi que l’a soutenu la Commission lors de l’audience, que l’expérience puisse montrer qu’il n’est pas rare qu’une station d’épuration commence à fonctionner dans des conditions qui ne permettent pas d’assurer les niveaux de qualité exigés par la directive 91/271 ne saurait justifier que l’on considère que les installations construites dans les délais de l’article 3 de la directive n’ont en pratique été mises en fonctionnement qu’à partir du moment où il a été constaté que les
échantillons examinés pendant toute une année conformément à la procédure prévue à l’annexe I, D, respectaient les niveaux indiqués à l’annexe I, B. Face à cette éventualité, la solution qui doit s’imposer est plutôt celle qui conduit à vérifier d’emblée si l’installation réunit les conditions nécessaires pour être mise en fonctionnement, c’est-à-dire si elle satisfait, à ce moment-là, aux exigences prévues à l’annexe I, B. Afin d’établir cette circonstance, il n’est pas nécessaire de mettre en
œuvre la procédure d’échantillonnage prévue à l’annexe I, D, dont la raison d’être, ainsi que je l’ai déjà dit, est de veiller à ce que la qualité des rejets soit toujours celle qui était requise depuis la première mise en fonctionnement de l’installation.
D – Application de l’interprétation proposée de l’article 4 de la directive 91/271 aux circonstances de l’espèce
45. En vertu de ce qui précède, le recours de la Commission ne saurait être accueilli que pour les agglomérations qui ne disposaient pas de stations d’épuration en fonction à la date établie à l’article 4 de la directive 91/271 et conformément aux exigences prévues à l’annexe I, B, de la même directive. Le recours doit au contraire être rejeté en ce qui concerne les agglomérations qui disposaient déjà à cette date d’une station d’épuration en fonction, conforme aux conditions visées à l’annexe I, B,
sans qu’il soit besoin que les contrôles prévus à l’annexe I, D, pour la première année de fonctionnement aient été effectués avec succès.
V – Sur les dépens
46. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, je propose à la Cour de condamner chacune des parties à ses propres dépens.
VI – Conclusion
47. En vertu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit:
1) Déclarer que la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires pour les agglomérations qui ne possédaient pas de stations d’épuration en fonction à la date prévue par ce dernier et conformément aux exigences prévues à l’annexe I, B, de la même directive.
2) Rejeter le recours pour les agglomérations qui, à cette date, étaient déjà dotées de stations d’épuration en fonction conformément aux conditions prévues à l’annexe I, B, sans qu’il soit besoin que les contrôles prévus à l’annexe I, D, pour la première année de fonctionnement aient été effectués avec succès.
3) Condamner chacune des parties à ses propres dépens.
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( 1 ) Langue originale: l’espagnol.
( 2 ) Directive du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40).
( 3 ) JO C 209, p. 3.
( 4 ) Diário da República, série A, no 139, du 19 juin 1997, p. 2959.
( 5 ) Arrêt Commission/Suède, C‑438/07, EU:C:2009:613, point 53.
( 6 ) C‑565/10, EU:C:2012:476, points 37 à 39.
( 7 ) C‑395/13, EU:C:2014:2347.
( 8 ) Ibidem, point 48.
( 9 ) C‑565/10, EU:C:2012:476.
( 10 ) C‑565/10, EU:C:2012:476, points 37 à 39.
( 11 ) Italique ajouté par mes soins.