ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
14 janvier 2016 (*)
«Manquement d’État – Libre prestation des services – Véhicules automobiles – Prise en location ou en crédit-bail d’un véhicule automobile par un résident d’un État membre auprès d’un fournisseur établi dans un autre État membre – Taxation de ce véhicule lors de son immatriculation dans le premier État membre – Perception du montant intégral de la taxe d’immatriculation»
Dans l’affaire C‑66/15,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 12 février 2015,
Commission européenne, représentée par MM. M. Wasmeier et D. Triantafyllou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République hellénique, représentée par M. K. Boskovits et M^me V. Karrá, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. E. Levits (rapporteur) et M^me M. Berger, juges,
avocat général: M. M. Bobek,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que la République hellénique, en percevant le montant intégral de la taxe d’immatriculation prévue par sa législation lors de l’immatriculation d’un véhicule pris en location ou en crédit-bail par un client résidant sur son territoire auprès d’un fournisseur établi dans un autre État membre, sans tenir compte de la durée du contrat de location ou du contrat de crédit-bail et de la durée d’utilisation dudit véhicule sur
le territoire grec, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 TFUE à 62 TFUE.
Le cadre juridique
2 L’article 121, paragraphe 1, de la loi 2960/2001 (FEK A’ 265, ci-après le «code des douanes grec») est ainsi libellé:
«Les voitures particulières relevant de la position tarifaire 87.03 de la nomenclature combinée [figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1)] sont soumises à une taxe d’immatriculation sur la valeur imposable telle que formulée sur la base de l’article 126 du présent code et de l’article 4 de la loi 1573/1985 (FEK A’ 201), tels qu’en vigueur.»
3 Aux termes de l’article 133, paragraphe 2, du code des douanes grec, modifié par la loi 3583/2007:
«Les véhicules communautaires peuvent rester temporairement sur le territoire national sans que le versement de la taxe d’immatriculation soit exigé. Pour l’octroi de cette exonération temporaire de la taxe d’immatriculation, les termes et conditions prévus par les dispositions du régime douanier de l’admission temporaire des véhicules en provenance de pays tiers importés temporairement sont applicables mutatis mutandis, à condition que ces véhicules soient réexportés.»
4 L’article 136, paragraphe 1, du code des douanes grec dispose:
«Sans préjudice des dispositions de l’article 133 du présent code, les personnes résidant sur le territoire national n’ont pas le droit de posséder, au-delà du délai prévu à l’article 130, paragraphe 2, ou de mettre en circulation, au-delà du délai prévu à l’article 129 du présent code, des véhicules communautaires pour lesquels ils n’ont pas acquitté la taxe d’immatriculation.»
5 L’article 130, paragraphe 2, dudit code fait référence à la présentation d’une déclaration spéciale avant l’octroi d’un permis de circulation et jusqu’à la date d’exigibilité de la taxe en cause, fixée par l’article 128, paragraphes 1 et 2, du même code au quinzième jour du mois suivant celui de l’entrée du véhicule sur le territoire grec, tandis que l’article 129 du code des douanes grec est relatif au délai de transfert vers la destination finale.
La procédure précontentieuse
6 Par lettres des 14 août 2003, 3 janvier 2006 et 31 mai 2011, la Commission a demandé à la République hellénique des informations concernant les mesures d’exécution prises en droit national au regard des principes définis dans l’arrêt Cura Anlagen (C‑451/99, EU:C:2002:195).
7 Par lettre du 2 septembre 2011, la République hellénique a répondu que l’article 130 du code des douanes grec prévoyait le versement de la taxe d’immatriculation par le propriétaire du véhicule ou par son représentant légal et que, pour les véhicules sous contrat de crédit-bail, le redevable de cette taxe était la société de crédit-bail ou son représentant légal. Le mode de calcul de ladite taxe n’étant nullement lié à la durée d’utilisation du véhicule en Grèce, la législation grecque ne
prévoyait en aucun cas le remboursement de la taxe d’immatriculation.
8 Par une lettre de mise en demeure du 28 octobre 2011, la Commission a demandé à la République hellénique de veiller à ce que la législation et la pratique en vigueur en Grèce, qui exigent le versement intégral de la taxe d’immatriculation pour les véhicules donnés en location ou en crédit-bail à un client résidant en Grèce, par un fournisseur établi dans un autre État membre, sans qu’il soit possible de tenir compte de la durée du contrat de crédit-bail ou de location, soient rendues
conformes à l’article 56 TFUE.
9 Dans sa réponse du 17 janvier 2012 à ladite lettre de mise en demeure, la République hellénique a de nouveau relevé que le calcul de la taxe d’immatriculation n’était pas en rapport avec la durée d’utilisation du véhicule en Grèce, étant donné que le montant de la taxe était toujours versé intégralement, en réitérant l’affirmation selon laquelle le régime de taxation des véhicules automobiles en location ou en crédit-bail en Grèce ne violait pas le principe de libre prestation des services.
10 N’étant pas convaincue par les arguments présentés par la République hellénique, la Commission a émis, le 22 novembre 2012, un avis motivé, en confirmant l’analyse exposée dans la lettre de mise en demeure. La Commission a invité la République hellénique à se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.
11 Dans sa réponse du 18 février 2013, la République hellénique a reconnu la nécessité de modifier la législation grecque et, le 9 avril 2013, cet État membre a fait parvenir à la Commission un projet de loi en ce sens, tout en prévoyant le versement d’une retenue de l’ordre de 5 % par année de taxe due.
12 La Commission ayant fait savoir à la République hellénique, le 9 octobre 2013, que cette retenue n’était pas conforme à la jurisprudence de la Cour, cet État membre a envoyé, le 2 décembre 2013, un projet de loi modifié, dont l’entrée en vigueur était prévue pour la fin du mois de mars 2014. Cet engagement n’a pas été respecté. La République hellénique a transmis, le 21 janvier 2015, un projet de loi modifié qui devait être soumis au vote du Parlement grec à l’issue des élections du 25
janvier 2015. À la suite de ce vote, ladite loi devait entrer en vigueur dix jours après l’adoption d’un arrêté ministériel conjoint, dont le calendrier de l’adoption n’a pas été présenté.
13 La République hellénique n’ayant pas adopté lesdits actes, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
14 La Commission relève que la taxe d’immatriculation est imposée à un véhicule utilisé en Grèce, du fait de l’application combinée des différentes dispositions du code des douanes grec, et en particulier de son article 121, paragraphe 1, qui prévoit que cette taxe s’applique aux véhicules appartenant à la catégorie 87.03 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I règlement n° 2658/87, de son article 136, et notamment du paragraphe 1 de ce dernier, qui interdit aux personnes établies en
Grèce de posséder ou de faire circuler un véhicule provenant d’un autre État membre sans avoir acquitté ladite taxe, sans préjudice de l’application de dérogations spécifiques, ainsi que de son article 133, et notamment du paragraphe 2 de ce dernier, qui prévoit l’exonération ou la suspension du paiement de la même taxe en cas d’importation temporaire d’un véhicule en provenance d’un autre État membre.
15 Selon la Commission, le fait que ni la législation nationale, ni la pratique des autorités grecques ne prévoient de solution en cas d’utilisation pour une durée limitée ou courte de véhicules loués ou pris en crédit-bail par des clients résidant en Grèce auprès de fournisseurs d’un autre État membre rendrait exigible le montant intégral de la taxe d’immatriculation dans de telles hypothèses.
16 La Commission fait référence à l’arrêt Cura Anlagen (C‑451/99, EU:C:2002:195) ainsi qu’aux ordonnances van de Coevering (C‑242/05, EU:C:2006:430); Ilhan (C‑42/08, EU:C:2008:305), et VAV‑Autovermietung (C‑91/10, EU:C:2010:558), dont il découlerait que, si l’imposition d’une taxe d’immatriculation en Grèce n’est pas, en soi, incompatible avec le droit de l’Union, en revanche, la perception du montant intégral de cette taxe lors de la première utilisation dans un État membre d’un véhicule loué
ou pris en crédit-bail par un résident de cet État membre auprès d’un fournisseur établi dans un autre État membre est contraire au principe de la libre prestation des services, au motif que ce régime ne tient pas compte de la durée de l’utilisation dudit véhicule sur le territoire du premier État membre. Dans la mesure où la durée de cette utilisation est limitée, l’obligation de verser le montant intégral de la taxe d’immatriculation excéderait ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif
de cette taxe.
17 La Commission précise en outre que, si, lors de l’envoi, les 9 avril 2013 et 21 janvier 2015, des projets de lois, la République hellénique avait reconnu la nécessité de modifier la législation grecque, ces projets n’ont toutefois pas été adoptés à ce jour. Par ailleurs, la Commission relève que, dans le cadre de la coopération loyale, elle a indiqué les problèmes inhérents au premier projet et que, bien qu’ayant acquiescé à ses observations, la République hellénique lui a soumis, le 21
janvier 2015, un projet qui s’écarte de ce qui a été convenu.
18 La Commission se prévaut des arrêts Commission/Espagne (C‑147/94, EU:C:1995:111, point 5); Commission/Allemagne (C‑298/95, EU:C:1996:501, point 18); Commission/Autriche (C‑358/03, EU:C:2004:824, point 13), et Commission/Italie (C‑119/04, EU:C:2006:489, point 25) pour ajouter que la République hellénique ne saurait invoquer ni les évolutions politiques, telles que la suspension des travaux du Parlement national en raison des élections, ni les difficultés graves et objectives concernant
l’application, en l’absence de législation de l’Union, d’un système de paiement proportionnel de la taxe d’immatriculation, pour justifier la persistance du manquement. En tout état de cause, le délai fixé dans l’avis motivé aurait expiré le 21 janvier 2013.
19 La République hellénique fait valoir, en premier lieu, que la Commission s’est hâtée d’introduire le présent recours le 11 février 2015, alors que les travaux du Parlement grec avaient été interrompus par l’avis d’élections anticipées et que, dans le cadre de l’obligation de coopération loyale, les autorités grecques avaient adressé, le 21 janvier 2015, aux services de la Commission un projet de loi complet prévoyant expressément le paiement proportionnel ou le remboursement des frais
d’immatriculation de véhicules loués ou pris en crédit-bail auprès d’entreprises établies dans un autre État membre, en fonction de leur durée d’utilisation en Grèce.
20 En second lieu, cet État membre observe que l’application du principe de paiement proportionnel de la taxe d’immatriculation nécessite la mise en place préalable d’une procédure d’immatriculation des véhicules. Or, la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte des difficultés graves et objectives qu’auraient rencontrées les autorités grecques dans l’élaboration de la décision ministérielle conjointe relative au processus d’immatriculation des véhicules en cas de crédit-bail ou de
location de véhicules auprès d’entreprises établies dans un autre État membre, du fait de l’absence d’harmonisation des règles d’immatriculation s’appliquant lors du transport d’un véhicule d’un État membre à un autre, notamment en ce qui concerne la détermination du lieu où ce véhicule doit être immatriculé en fonction de la durée de son utilisation dans les situations où le locataire ou le preneur à bail en dispose. L’absence d’un cadre juridique au niveau de l’Union européenne, relatif à ces
règles de procédure, ne saurait être assimilée à des difficultés techniques ou organisationnelles de nature interne.
Appréciation de la Cour
21 À titre liminaire, il convient de rappeler que, sous réserve de certaines exceptions non pertinentes pour la présente affaire, la taxation des véhicules automobiles n’a pas été harmonisée au niveau de l’Union. Les États membres sont donc libres d’exercer leur compétence fiscale dans ce domaine, à condition de l’exercer dans le respect du droit de l’Union (voir arrêt X, C‑302/12, EU:C:2013:756, point 23 et jurisprudence citée).
22 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 56 TFUE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un prestataire de services d’exercer effectivement la liberté de prestation des services (voir, notamment, arrêts Cura Anlagen, C‑451/99, EU:C:2002:195, point 29, et Commission/France, C‑496/01, EU:C:2004:137, point 64).
23 L’article 56 TFUE s’oppose également à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre les États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (voir, notamment, arrêts X et Passenheim-van Schoot, C‑155/08 et C‑157/08, EU:C:2009:368, point 32, ainsi que X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 20).
24 Constituent des restrictions à la libre prestation des services les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (voir, notamment, arrêts Jobra, C‑330/07, EU:C:2008:685, point 19; Tankreederei I, C‑287/10, EU:C:2010:827, point 15, et X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 22).
25 En outre, l’article 56 TFUE confère des droits non seulement au prestataire de services lui-même, mais également au destinataire desdits services (arrêts Eurowings Luftverkehr, C‑294/97, EU:C:1999:524, point 34; FKP Scorpio Konzertproduktionen, C‑290/04, EU:C:2006:630, point 32; Dijkman et Dijkman-Lavaleije, C‑233/09, EU:C:2010:397, point 24, ainsi que X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 23).
26 Il est de jurisprudence constante qu’un État membre peut soumettre à une taxe d’immatriculation un véhicule mis à la disposition d’une personne résidente par une société établie dans un autre État membre, lorsque ce véhicule est destiné à être essentiellement utilisé sur le territoire du premier État membre à titre permanent ou est, en fait, utilisé de cette façon (voir ordonnance van de Coevering, C‑242/05, EU:C:2006:430, point 24 et jurisprudence citée).
27 En revanche, si les conditions énumérées au point précédent du présent arrêt ne sont pas réunies, le rattachement dudit véhicule au territoire du premier État membre est moindre, de sorte qu’une autre justification de ladite taxe est nécessaire (voir, en ce sens, arrêt Commission/Danemark, C‑464/02, EU:C:2005:546, point 79; ordonnance van de Coevering, C‑242/05, EU:C:2006:430, point 26, ainsi que arrêt van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, point 47).
28 À supposer qu’une telle justification, constituant une raison impérieuse d’intérêt général, existe, encore faut-il que la même taxe respecte le principe de proportionnalité (voir ordonnance van de Coevering, C‑242/05, EU:C:2006:430, point 27, ainsi que arrêt van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, point 53).
29 S’agissant des véhicules automobiles pris en crédit-bail ou en location par un résident d’un État membre auprès d’un fournisseur établi dans un autre État, la Cour a déjà jugé, à propos d’une taxe à la consommation autrichienne, liée à une obligation d’immatriculation de véhicules loués dans un autre État membre, qu’une telle taxe est contraire au principe de proportionnalité dans la mesure où l’objectif qu’elle poursuit pourrait être atteint par l’instauration d’une taxe proportionnelle à
la durée de l’immatriculation du véhicule dans l’État où il est utilisé, ce qui permettrait de ne pas opérer de discrimination quant à l’amortissement de la taxe au détriment des entreprises de crédit-bail automobile établies dans d’autres États (voir arrêt Cura Anlagen, C‑451/99, EU:C:2002:195, point 69, et ordonnance van de Coevering, C‑242/05, EU:C:2006:430, point 27).
30 S’agissant d’une taxe sur les véhicules de tourisme et les motos qui, selon la législation néerlandaise, était due à compter de la première utilisation sur le réseau routier néerlandais de ces véhicules de tourisme et motos ne figurant pas au registre national d’immatriculation et mis, en fait, à la disposition de personnes physiques établies aux Pays-Bas, la Cour a également jugé que l’objectif poursuivi par cette législation pouvait être atteint par l’instauration d’une taxe
proportionnelle à la durée de l’utilisation desdits véhicules et motos sur le territoire néerlandais (voir, en ce sens, ordonnance van de Coevering, C‑242/05, EU:C:2006:430, point 30), ce qui permettrait de ne pas opérer de discrimination quant à l’amortissement de cette taxe au détriment des entreprises de location automobile établies dans d’autres États membres (ordonnance Ilhan, C‑42/08, EU:C:2008:305, point 22).
31 En l’espèce, il découle du dossier que, conformément à la législation grecque, une taxe d’immatriculation est imposée à des véhicules pris en location ou en crédit-bail auprès d’une société établie dans un autre État membre, sans prendre en considération la durée des contrats de crédit-bail ou de location, ni la nature de l’utilisation desdits véhicules sur le territoire grec. Le redevable d’une telle taxe est, ainsi qu’il résulte du dossier, la société de location ou de crédit-bail.
32 L’obligation de verser le montant intégral de ladite taxe d’immatriculation, indépendamment de la durée des contrats de crédit-bail ou de location et de la nature de l’utilisation des véhicules sur le territoire grec, vise, dès lors, également les véhicules qui ne sont pas destinés à être essentiellement utilisés sur le territoire grec à titre permanent ou qui ne sont pas, en fait, utilisés de cette façon. Une telle obligation est susceptible de désavantager une société de crédit-bail ou de
location établie dans un autre État membre quant à l’amortissement d’une telle taxe par rapport à une société de crédit-bail ou de location établie sur le territoire grec, et est, dès lors, susceptible de dissuader une société de crédit-bail ou de location établie dans un autre État membre de fournir des services de location ou de crédit-bail en Grèce.
33 Dans la mesure où une telle obligation est susceptible de rendre la location ou le crédit-bail de véhicules automobiles auprès d’une société établie dans un autre État membre plus onéreux, la législation grecque est de nature à dissuader les résidents grecs de louer ou de prendre en crédit-bail un véhicule auprès d’une société établie dans un autre État membre.
34 Il résulte de ce qui précède qu’une législation nationale qui soumet les véhicules pris en crédit-bail ou en location à une taxe d’immatriculation telle que celle en cause, sans prendre en considération, pour la détermination du montant de cette taxe, la durée des contrats de crédit-bail ou de location, ni la nature de l’utilisation desdits véhicules sur le territoire grec, constitue une restriction à la libre prestation des services, prohibée, en principe, par l’article 56 TFUE.
35 Or, la République hellénique n’a pas fait valoir devant la Cour qu’une telle législation relève des mesures dérogatoires prévues à l’article 52 TFUE, applicables à la libre prestation des services en vertu de l’article 62 TFUE, et n’a ni invoqué, ni même allégué l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général qui serait susceptible de justifier, en l’espèce, la restriction à la libre prestation des services.
36 S’agissant des circonstances invoquées par la République hellénique, selon lesquelles, à la date de l’introduction du recours de la Commission, d’une part, un projet de loi complet prévoyant le paiement proportionnel ou le remboursement des frais d’immatriculation de véhicules pris en crédit-bail ou en location auprès d’entreprises établies dans un autre État membre, en fonction de la durée de leur utilisation en Grèce, avait été soumis à la Commission, mais que, d’autre part, les travaux du
Parlement grec avaient été interrompus par l’avis d’élections anticipées, il suffit de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts Commission/Grèce, C‑351/13, EU:C:2014:2150, point 20, et Commission/Belgique, C‑317/14, EU:C:2015:63, point 34).
37 Par ailleurs, un État membre ne saurait exciper de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, C‑109/94, C‑207/94 et C‑225/94, EU:C:1995:210, point 11).
38 En ce qui concerne les difficultés qu’auraient rencontrées les autorités grecques dans l’élaboration de la décision ministérielle conjointe relative au processus d’immatriculation des véhicules en cas de crédit-bail ou de location par des entreprises établies dans un autre État membre du fait de l’absence d’harmonisation des règles d’immatriculation s’appliquant lors du transport d’un véhicule d’un État membre à un autre, il convient d’observer, premièrement, que le recours de la Commission
ne porte pas sur l’obligation d’immatriculation des véhicules automobiles en Grèce.
39 Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’existence de mesures d’harmonisation des règles relatives à l’immatriculation des véhicules ne saurait être érigée en condition préalable pour la mise en œuvre de la libre prestation des services, consacrée par l’article 56 TFUE (voir, par analogie, arrêt SEVIC Systems, C‑411/03, EU:C:2005:762, point 26), de même que l’absence de telles mesures ne saurait justifier une restriction à la liberté de prestation des services (voir, par analogie, arrêt
Commission/France, 270/83, EU:C:1986:37, point 24).
40 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours de la Commission doit être considéré comme fondé.
41 Par conséquent, il y a lieu de constater que la République hellénique, en percevant le montant intégral de la taxe d’immatriculation prévue par sa législation lors de l’immatriculation d’un véhicule pris en location ou en crédit-bail par un client résidant sur son territoire auprès d’un fournisseur établi dans un autre État membre, sans tenir compte de la durée du contrat de location ou du contrat de crédit-bail et de la durée d’utilisation dudit véhicule sur le territoire grec, a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 TFUE à 62 TFUE.
Sur les dépens
42 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête:
1) La République hellénique, en percevant le montant intégral de la taxe d’immatriculation prévue par sa législation lors de l’immatriculation d’un véhicule pris en location ou en crédit-bail par un client résidant sur son territoire auprès d’un fournisseur établi dans un autre État membre, sans tenir compte de la durée du contrat de location ou du contrat de crédit-bail et de la durée d’utilisation dudit véhicule sur le territoire grec, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des
articles 56 TFUE à 62 TFUE.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le grec.