ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)
14 janvier 2016 ( *1 )
«Pourvoi — Fonction publique — Fonctionnaires — Mesures disciplinaires — Révocation avec réduction de l’allocation d’invalidité — Rejet du recours en première instance — Erreur de droit — Obligation de motivation»
Dans l’affaire T‑297/15 P,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 26 mars 2015, Coedo Suárez/Conseil (F‑38/14, RecFP, EU:F:2015:25), et tendant à l’annulation de cet arrêt,
Ángel Coedo Suárez, ancien fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et C. Bernard‑Glanz, avocats,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme M. Veiga, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),
composé de MM. M. Jaeger, président, S. Papasavvas (rapporteur) et S. Frimodt Nielsen, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Ángel Coedo Suárez, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 26 mars 2015, Coedo Suárez/Conseil (F‑38/14, RecFP, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:F:2015:25), rejetant son recours tendant à l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne du 11 juin 2013 lui infligeant la sanction de
la révocation avec réduction de l’allocation d’invalidité de 15 % jusqu’à l’âge de la retraite à compter du 1er juillet 2013 (ci‑après la « décision litigieuse »).
Faits à l’origine du litige
2 Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 3, 4, 14 et 17 à 31 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :
Procédure en première instance et arrêt attaqué
3 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 21 avril 2014, le requérant a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑38/14, tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
4 À l’appui de son recours, le requérant soulevait deux moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation et, le second, d’une violation du principe de proportionnalité.
5 S’agissant du second moyen, qu’il a examiné en premier lieu, le Tribunal de la fonction publique a estimé, en se référant à l’avis du conseil de discipline, à la décision litigieuse et à la décision de rejet de la réclamation, que le choix de la sanction retenue par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») à l’encontre du requérant ne saurait être considéré comme n’étant pas conforme au principe de proportionnalité et aux autres conditions prévues par l’article 10 de
l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »).
6 S’agissant du premier moyen, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les deux griefs soulevés par le requérant, relatifs, d’une part, à l’appréciation du critère de la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière et, d’autre part, à l’appréciation des circonstances atténuantes.
7 Le Tribunal de la fonction publique a donc rejeté le recours et a condamné le requérant aux dépens.
Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties
Procédure
8 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 8 juin 2015, le requérant a formé le présent pourvoi.
9 Le Conseil a déposé un mémoire en réponse le 31 août 2015.
10 Par décision du président du Tribunal (chambre des pourvois) du 14 septembre 2015, il a été décidé de ne pas faire droit à la demande du requérant d’être autorisé à déposer une réplique. La phase écrite de la procédure a été close le même jour.
11 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2015, le requérant a formulé une demande au titre de l’article 207, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.
12 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) s’est estimé suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire et a décidé de statuer sur le pourvoi sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 207, paragraphe 2, du règlement de procédure.
Conclusions des parties
13 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— déclarer le pourvoi recevable ;
— annuler l’arrêt attaqué ;
— faire droit à ses conclusions présentées en première instance ;
— condamner le Conseil aux dépens afférents aux deux instances.
14 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le pourvoi ;
— condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur le pourvoi
15 À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une dénaturation des éléments de fait et de preuve ainsi que d’une erreur de droit et, le second, d’une violation de l’obligation de motivation.
16 Le Tribunal estime opportun d’examiner ces moyens de manière conjointe.
17 Par le premier moyen, le requérant soutient que, en jugeant que l’AIPN n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que son mauvais état de santé ne constituait pas une circonstance atténuante, au motif qu’il avait été considéré comme apte au travail, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le constat d’aptitude au travail, au sens de l’article 78 du statut, en lui conférant une portée qu’il n’avait pas, a dénaturé les pièces médicales qu’il avait soumises en les
excluant de son analyse et a, en conséquence, commis une erreur de droit.
18 Le Conseil reconnaît que le Tribunal de la fonction publique n’a pas repris les termes exacts de l’article 78 du statut, mais estime que cela n’est pas susceptible d’invalider les conclusions dudit Tribunal. En effet, d’une part, la conclusion selon laquelle, pour la plus grande partie des périodes prises en considération par le conseil de discipline, le requérant était apte au travail ne serait pas fondée uniquement sur la conclusion de la commission d’invalidité. D’autre part, le requérant
méconnaîtrait que le reproche qui lui a été fait n’était pas uniquement d’avoir violé les règles relatives à l’horaire de travail, mais surtout de ne pas avoir accompli le travail qui lui avait été confié lorsqu’il était présent sur son lieu de travail.
19 Par le second moyen, le requérant fait valoir que, en omettant d’expliquer pourquoi son mauvais état de santé n’était pas de nature à relativiser le grief retenu à son endroit concernant le non‑respect de l’horaire de travail et à atténuer la sanction prononcée à son égard, le Tribunal de la fonction publique a manqué à son obligation de motivation.
20 Le Conseil objecte que la motivation de l’arrêt attaqué est suffisante.
21 À cet égard, il est à rappeler que, selon une jurisprudence constante, les arrêts du Tribunal de la fonction publique doivent être suffisamment motivés afin que le Tribunal soit en mesure d’exercer son contrôle juridictionnel. Cependant, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que le Tribunal de la fonction publique fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par la partie requérante, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et
précis et ne reposait pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir arrêt du 6 février 2015, BQ/Cour des comptes,T‑7/14 P, RecFP, EU:T:2015:79, point 54 et jurisprudence citée). La motivation peut être implicite, à condition qu’elle permette à la partie concernée de connaître les raisons pour lesquelles le juge de première instance n’a pas fait droit à ses arguments et au juge du pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir arrêt du 1er septembre 2010,
Skareby/Commission,T‑91/09 P, RecFP, EU:T:2010:338, point 36 et jurisprudence citée).
22 Il convient aussi de souligner que, selon une jurisprudence également constante, le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit
soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du 8 septembre 2009, ETF/Landgren,T‑404/06 P, Rec, EU:T:2009:313, points 191 à 193 et jurisprudence citée).
23 En l’espèce, il ressort de l’arrêt attaqué que, dans le cadre du second grief du premier moyen soulevé en première instance, relatif à l’appréciation des circonstances atténuantes, le requérant a critiqué, en substance, la manière dont avaient été prises en compte les conclusions successives de la commission d’invalidité. Il a reproché par ailleurs l’absence de prise en compte de son état de santé et de son traitement médicamenteux lourd, lesquels auraient été à l’origine de ses difficultés à se
conformer à son horaire de travail.
24 Afin de répondre à ces deux allégations, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 69 de l’arrêt attaqué, qu’il était constant que le requérant avait été considéré comme étant apte au travail par la commission d’invalidité dans ses conclusions du 23 mars 2011. Il a estimé, également au point 69 dudit arrêt, qu’il s’ensuivait que, pour la plus grande partie des périodes prises en considération par le conseil de discipline, à savoir entre le 1er février et le 31 juillet 2009 et entre
le 1er avril 2010 et le 31 mai 2011, périodes pendant lesquelles les infractions avaient été commises, le requérant était apte au travail. Il a considéré, au point 70 du même arrêt, qu’il s’ensuivait également que les conclusions de la commission d’invalidité du 13 février 2013, constatant l’invalidité permanente du requérant, ne permettaient pas de faire des déductions quant à l’évolution de son état de santé et aux éventuelles répercussions de celui‑ci sur son comportement et sa conduite
pendant les périodes prises en compte par les enquêtes administratives.
25 À cet égard, il doit être relevé que la commission d’invalidité a considéré, dans ses conclusions du 23 mars 2011, que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions et, par conséquent, qu’il était tenu de poursuivre ses fonctions.
26 Force est de constater que le Tribunal de la fonction publique n’a pas dénaturé lesdites conclusions en prenant appui sur celles‑ci pour établir, de manière générale, l’aptitude du requérant au travail. En effet, en reconnaissant que ce dernier devait poursuivre ses fonctions, la commission d’invalidité a admis, implicitement mais nécessairement, qu’il était, en principe, apte au travail. Il est d’ailleurs à noter que, dans le cadre du pourvoi, le requérant ne prétend pas que les conclusions de
la commission d’invalidité ne permettent pas de déduire un tel constat d’aptitude au travail, mais, plus précisément, qu’il ne peut en être inféré qu’il ne souffre d’aucun problème de santé.
27 Aussi, le Tribunal de la fonction publique pouvait, à bon droit, relever, sur le fondement des conclusions de la commission d’invalidité du 23 mars 2011, que le requérant avait été considéré comme étant apte au travail par ladite commission et en déduire, nonobstant le caractère tautologique d’un tel constat, que, « pour la plus grande partie des périodes prises en considération par le conseil de discipline, à savoir entre le 1er février et le 31 juillet 2009 et entre le 1er avril 2010 et le
31 mai 2011, périodes [pendant] lesquelles […] les infractions [avaient été] commises, [le requérant] était apte au travail ».
28 Cependant, c’est en commettant une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a pris appui sur le constat d’aptitude du requérant pour écarter le grief pris d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant des circonstances atténuantes et, plus particulièrement, l’allégation par laquelle le requérant a reproché l’absence de prise en compte de son état de santé et de son traitement médicamenteux lourd, lesquels auraient été à l’origine de ses difficultés à se conformer à son horaire
de travail.
29 En effet, le seul constat d’aptitude au travail du requérant ne permettait pas de déterminer si l’état de santé de celui‑ci et le traitement qu’il suivait pouvaient constituer une circonstance atténuante que le conseil de discipline et, par suite, l’AIPN auraient dû prendre en compte aux fins de déterminer la sanction qui lui a été infligée dans le cadre de la procédure disciplinaire dont il a fait l’objet.
30 Le fait qu’un fonctionnaire soit, en principe, apte au travail ne permet en effet pas d’exclure que, lors de sa présence sur le lieu de travail, ses prestations puissent être affectées, notamment, par une pathologie et le traitement s’y rapportant. Ce fait ne permet pas davantage d’exclure que le fonctionnaire en cause puisse être placé en congé de maladie, de sorte qu’il ne saurait être présent sur le lieu de travail et en mesure d’effectuer les tâches qui lui sont confiées.
31 Il est d’ailleurs à noter que, dans son avis du 11 avril 2013, le conseil de discipline a déduit du constat d’aptitude au travail découlant des conclusions de la commission d’invalidité du 23 mars 2011, non pas, comme le Tribunal de la fonction publique l’a fait, que, pour la plus grande partie des périodes prises en considération par le conseil de discipline, à savoir entre le 1er février et le 31 juillet 2009 et entre le 1er avril 2010 et le 31 mai 2011, le requérant était apte au travail, mais
que, pour cette partie des périodes en cause, seuls les congés de maladie certifiés pouvaient être pris en compte lors de l’appréciation de la suffisance de ses prestations, et a, ensuite, estimé que ses prestations étaient très insuffisantes par rapport au nombre de jours de présence déclarés au bureau.
32 À cet égard, il convient d’écarter l’argument du Conseil tiré de ce que l’appréciation visée au point 27 ci‑dessus, selon laquelle, « pour la plus grande partie des périodes prises en considération par le conseil de discipline […], [le requérant] était apte au travail », n’est pas fondée uniquement sur la conclusion de la commission d’invalidité. En effet, il découle clairement du libellé de l’arrêt attaqué et, notamment, de l’utilisation de l’expression « [i]l s’ensuit donc » que ladite
constatation est fondée sur le seul fait que le requérant aurait été considéré comme étant apte au travail par la commission d’invalidité. En outre, aucun élément ne permet de considérer que cette appréciation serait, comme le Conseil le prétend, également fondée, implicitement, mais nécessairement, sur « le fait que les infractions reprochées [au requérant] dans le rapport d’enquête administrative […] du 25 mars 2010, le rapport sur le complément de cette enquête du 3 avril 2012 et l’avis du
conseil de discipline du 9 avril 2013 [ont été] commises pendant des périodes dans lesquelles [le requérant] n’était pas en congé de maladie ». En effet, le constat d’aptitude au travail du requérant effectué par le Tribunal de la fonction publique n’entretient aucun lien logique direct avec le fait évoqué par le Conseil, dès lors que le fait que l’intéressé était apte au travail ne permet pas à lui seul de conclure que les infractions en cause ont été commises pendant les périodes durant
lesquelles l’intéressé était présent sur son lieu de travail. Au demeurant, l’interprétation du Conseil se heurte au texte de l’arrêt attaqué et ne trouve aucun soutien dans la motivation de celui‑ci.
33 Il convient donc également d’écarter l’argument du Conseil selon lequel, en l’absence d’un certificat médical, l’AIPN pouvait légitimement considérer que l’état de santé du requérant ne l’empêchait pas d’exécuter ses tâches et ne constituait pas une circonstance atténuante, dès lors qu’il repose sur la prémisse erronée selon laquelle le Tribunal de la fonction publique aurait porté une appréciation à cet égard. Ledit argument devrait, en tout état de cause, être écarté, dès lors qu’il a trait au
fond du litige devant le Tribunal de la fonction publique et échappe donc à l’appréciation du juge du pourvoi.
34 Il y a lieu, pour les mêmes motifs, d’écarter l’argument du Conseil selon lequel le requérant méconnaîtrait le fait que le reproche qui lui était fait n’était pas d’avoir violé les règles relatives à l’horaire de travail, mais aussi et surtout de ne pas avoir accompli le travail qui lui avait été confié, ainsi que celui pris de ce que le requérant, s’il avait des difficultés à se conformer à l’horaire de travail standard en raison de la prise de médicaments, aurait pu introduire une demande
d’horaire individuel, mieux adapté à ses besoins personnels. En effet, ces arguments sont étrangers aux appréciations portées par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, lequel ne se prononce pas à cet égard. Lesdits arguments ont, de surcroît et en tout état de cause, trait au fond du litige devant ce Tribunal et échappe donc à l’appréciation du juge du pourvoi.
35 Dans ce contexte, il convient de souligner que, contrairement à ce que fait valoir le Conseil, le fait que les éléments sur lesquels le conseil de discipline s’est fondé dans son avis ont été résumés au point 41 de l’arrêt attaqué est sans influence. En effet, d’une part, ledit point ne concerne pas les appréciations portées par le conseil de discipline s’agissant des circonstances atténuantes invoquées par le requérant. D’autre part, ainsi qu’il a été souligné, rien ne permet de considérer que
le Tribunal de la fonction publique a examiné lesdites appréciations.
36 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en rejetant le second grief du premier moyen soulevé devant lui, en se fondant sur le constat d’aptitude au travail du requérant découlant des conclusions de la commission d’invalidité.
37 Il en résulte également que le Tribunal de la fonction publique a violé l’obligation de motivation. En effet, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, ledit Tribunal ne s’est pas prononcé, même implicitement, sur l’argument soulevé par le requérant, dans le cadre du second grief du premier moyen soulevé devant lui, par lequel il reprochait l’absence de prise en compte de son état de santé et de son traitement médicamenteux lourd, lesquels auraient été à l’origine de ses difficultés à se conformer à
son horaire de travail. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas exposé les motifs permettant de justifier que le conseil de discipline et, par suite, le Conseil avaient estimé, à bon droit, que le mauvais état de santé du requérant n’était pas susceptible d’atténuer la sanction qui lui avait été infligée.
38 À cet égard, il convient de rejeter l’argument du Conseil selon lequel la motivation succincte de l’arrêt attaqué, lue dans son contexte, y compris au regard des points 95 et 96 de l’avis du conseil de discipline, est suffisante. En effet, ladite motivation, même lue dans son contexte, ne permet pas de justifier, à suffisance de droit, le rejet de l’argumentation développée par le requérant. S’agissant particulièrement des points 95 et 96 de l’avis du conseil de discipline, il est à noter que
ceux‑ci ne sont pas cités dans l’arrêt attaqué. De plus, si une partie de la substance dudit point 95 est reprise au point 69 de l’arrêt attaqué, c’est uniquement en tant que ce point a trait au constat d’aptitude du requérant, mais pas en tant qu’il concerne le caractère suffisant des prestations de celui‑ci pendant ces jours de présence, l’appréciation du conseil de discipline ne faisant l’objet, y compris implicitement, d’aucune référence dans ledit arrêt. Enfin, il est à souligner que n’est
pas évoquée dans l’arrêt attaqué, même implicitement, l’appréciation figurant au point 96 de l’avis du conseil de discipline, selon laquelle toute fragilité de la santé du requérant ne justifiait nullement le fait qu’il ne s’était guère acquitté des tâches qui lui avaient été confiées, avec son accord, ni la lenteur extrême avec laquelle il s’en était acquitté, pas plus que son comportement dans les différents services dans lesquels il avait été affecté, ni les abus du système d’horaire flexible.
À cet égard, s’agissant du fait que, au point 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique évoque les circonstances atténuantes, il suffit de remarquer que, ce faisant, ledit Tribunal se borne à rappeler un des éléments pris en compte par le conseil de discipline dans le cadre de son avis. Il n’en tire aucune conséquence, ni ne procède à un examen du bien‑fondé des appréciations de ce conseil. Aussi, contrairement à ce que prétend le Conseil, il ne saurait en être déduit que,
implicitement, le Tribunal de la fonction publique a fait sienne la conclusion du conseil de discipline, figurant au point 96 de son avis, ni qu’il a considéré que le mauvais état de santé du requérant ne pouvait pas constituer une circonstance atténuante. Une telle analyse ne découle en effet ni explicitement ni implicitement de l’arrêt attaqué.
39 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les deux moyens du pourvoi soulevés par le requérant doivent être accueillis et que l’arrêt attaqué doit, par voie de conséquence, être annulé en tant qu’il est vicié par les erreurs constatées aux points 36 et 37 ci‑dessus.
Sur le recours introduit en première instance
40 Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui‑même sur le litige. Toutefois, il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.
41 En l’espèce, le Tribunal dispose des éléments nécessaires pour statuer sur le recours de première instance.
42 Eu égard au fait que l’arrêt attaqué n’est annulé que dans la mesure où il est vicié par les erreurs constatées aux points 36 et 37 ci‑dessus, lesquelles concernent l’allégation, évoquée dans le second grief du premier moyen soulevé en première instance, relatif à l’appréciation des circonstances atténuantes, par laquelle le requérant reprochait au Conseil de ne pas avoir pris en compte son état de santé et son traitement médicamenteux lourd, les autres appréciations du Tribunal de la fonction
publique sont devenues définitives. À cet égard, il convient de préciser que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique figurant au point 70 de l’arrêt attaqué (voir point 24 ci‑dessus), par laquelle il répond, en substance, à la critique du requérant concernant la manière dont le conseil de discipline a pris en compte les conclusions successives de la commission d’invalidité, n’a pas explicitement été remise en cause dans le cadre du présent pourvoi.
43 Il appartient donc au Tribunal d’examiner uniquement l’allégation par laquelle le requérant a reproché au Conseil de ne pas avoir pris en compte son état de santé et son traitement médicamenteux lourd.
44 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient le requérant, le conseil de discipline et, par suite, le Conseil ont pris en compte les éléments invoqués par ce dernier et, notamment, ceux relatifs à son état de santé. En effet, dans son avis, le conseil de discipline a relevé, à bon droit ainsi qu’il découle des points 25 et 26 ci‑dessus, que le requérant avait été considéré comme apte au travail par une décision de la commission d’invalidité du 23 mars 2011. Il en a
déduit que seuls les congés de maladie certifiés pouvaient être pris en compte pour apprécier les prestations du requérant. Il a cependant constaté que lesdites prestations étaient très insuffisantes par rapport au nombre de jours de présence. Il a ajouté que la fragilité de la santé du requérant ne justifiait nullement le fait qu’il ne s’était guère acquitté des tâches qui lui avaient été confiées, avec son accord, ni la lenteur extrême avec laquelle il s’en était acquitté, pas plus que son
comportement dans les différents services dans lesquels il avait été affecté, ni les abus du système d’horaire flexible.
45 Or, le requérant se borne à rappeler des éléments relatifs à sa situation personnelle, en particulier concernant son état de santé, et à reprocher à l’AIPN de ne pas avoir pris ceux‑ci en compte.
46 Il n’apporte cependant aucun élément permettant de remettre en cause les appréciations spécifiquement portées par le conseil de discipline à cet égard.
47 En particulier, aucun élément avancé par le requérant ne démontre que son état de santé et le traitement qu’il suivait permettaient de justifier, ou d’atténuer, les griefs particulièrement graves retenus à son endroit et, notamment, le fait de ne pas s’être acquitté des tâches qui lui avaient été confiées, le fait que des périodes déclarées comme temps de travail ne correspondaient en réalité à aucune prestation de sa part, l’absence aux convocations de ses supérieurs, l’utilisation de son
adresse de courrier électronique privée à des fins professionnelles. Par ailleurs, s’agissant des prétendues difficultés du requérant à se conformer à son horaire de travail, il est à noter que, à supposer même qu’elles puissent être expliquées par la prise de médicaments, ce qui n’est pas établi, le requérant n’a pas demandé d’aménagement à cet égard, ainsi qu’il ressort en substance de l’avis du conseil de discipline.
48 Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas démontré que, en considérant que son état de santé ne constituait pas une circonstance atténuante, l’AIPN aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.
49 Il s’ensuit que le recours introduit par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑38/14 doit être rejeté.
Sur les dépens
50 Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui‑même le litige, il statue sur les dépens.
51 En application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.
52 Par ailleurs, en vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, de ce règlement, le Tribunal peut, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
53 Enfin, l’article 211, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que le Tribunal peut, dans les pourvois formés par les fonctionnaires, décider de répartir les dépens entre les parties, dans la mesure où l’équité l’exige.
54 En l’espèce, le Conseil ayant succombé quant au premier moyen et au deuxième moyen du pourvoi, le requérant ayant succombé quant au recours en première instance et les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 211, paragraphe 4, du règlement de procédure, il y a lieu de juger que le requérant supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil afférents à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique et qu’il supportera, outre
ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par le Conseil afférents à la présente instance.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)
déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 26 mars 2015, Coedo Suárez/Conseil (F‑38/14), est annulé en tant qu’il rejette le second grief du premier moyen soulevé en première instance, relatif à l’appréciation des circonstances atténuantes.
2) Le recours introduit par M. Ángel Coedo Suárez devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑38/14 est rejeté.
3) M. Coedo Suárez est condamné aux dépens afférents à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique et supportera, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne afférents à la présente instance.
4) Le Conseil supportera la moitié de ses propres dépens afférents à la présente instance.
Jaeger
Papasavvas
Frimodt Nielsen
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 janvier 2016.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le français.