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04/02/2016 | CJUE | N°C-211/15

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 4 février 2016., Orange contre Commission européenne., 04/02/2016, C-211/15


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 4 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑211/15 P

Orange SA, anciennement France Télécom,

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Aide mise à exécution par la République française en faveur de France Télécom portant sur la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à France Télécom — Réduction de la contrepartie à verser à l’État par France Télécom — Décision déclarant l’aide compatible av

ec le marché intérieur sous certaines conditions — Existence d’un avantage — Cadre de référence pertinent — Prise en compte d’un ‘désavan...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 4 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑211/15 P

Orange SA, anciennement France Télécom,

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Aide mise à exécution par la République française en faveur de France Télécom portant sur la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à France Télécom — Réduction de la contrepartie à verser à l’État par France Télécom — Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur sous certaines conditions — Existence d’un avantage — Cadre de référence pertinent — Prise en compte d’un ‘désavantage structurel’»

1.  Par le présent pourvoi, Orange SA (ci-après «Orange»), anciennement France Télécom, entend obtenir l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, du 26 février 2015, Orange/Commission ( 2 ), par lequel celui-ci a rejeté sa demande d’annulation de la décision 2012/540/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, concernant l’aide d’État C 25/08 (ex NN 23/08) – Réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à France Télécom mise à exécution par la
République française en faveur de France Télécom ( 3 ).

2.  Parmi les questions soulevées par le pourvoi, la Cour est notamment amenée à déterminer si c’est à bon droit que le Tribunal a confirmé la décision litigieuse quant à l’existence d’un avantage économique en faveur de France Télécom. Il conviendra en particulier d’examiner si le «cadre de référence» choisi par la Commission européenne, aux fins d’identifier un tel avantage, a, s’agissant des mesures dites «de compensation» litigieuses, adoptées dans le contexte particulier de la réforme du mode
de financement des retraites des fonctionnaires de l’État anciennement rattachés à France Télécom, correctement été défini.

3.  À mon sens, l’affaire offre une occasion toute particulière de préciser que, à l’exception de l’hypothèse répondant aux critères dégagés dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg ( 4 ), le fait qu’une mesure étatique ait pour objectif de libérer une entreprise d’un supposé désavantage structurel ou compétitif ne saurait faire échapper cette mesure à la qualification d’aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

I – Les antécédents du litige

4. Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être décrits de la manière suivante:

«1 Les mesures faisant l’objet de la présente affaire consistent dans les changements introduits en 1996 dans le régime des charges supportées par la requérante, Orange, alors dénommée France Télécom, en ce qui concerne le paiement des retraites de son personnel ayant le statut de fonctionnaire.

2 Ce régime, qui avait été établi lors de la création, en 1990, de France Télécom en tant qu’entreprise distincte de l’administration de l’État, par la loi no 90-568, du 2 juillet 1990, relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications (JORF du 8 juillet 1990, p. 8069, ci‑après la ‘loi de 1990’), a été modifié par la loi no 96-660, du 26 juillet 1996, relative à l’entreprise nationale France Télécom (JORF du 26 juillet 1996, p. 11398, ci-après la ‘loi de 1996’). Le
nouveau régime a été instauré à l’occasion, d’une part, de la constitution de France Télécom en société anonyme ainsi que de la cotation en Bourse et de l’ouverture d’une partie croissante de son capital, et, d’autre part, de l’ouverture totale à la concurrence des marchés où elle opérait, en France et dans les autres États membres de l’Union européenne.

3 Pour ce qui concerne les responsabilités afférentes au financement des prestations sociales du personnel ayant le statut de fonctionnaire public, la loi de 1996 a modifié la contrepartie que l’article 30 de la loi de 1990 imposait à France Télécom de verser au Trésor public pour la liquidation et le service des pensions de ses fonctionnaires effectués par l’État (ci‑après la ‘mesure litigieuse’).

4 La loi de 1990 prévoyait que France Télécom était astreinte à verser au Trésor public, en contrepartie de la liquidation et du service des pensions allouées à ses fonctionnaires, le montant de la retenue effectuée sur le traitement de l’agent, dont le taux était fixé par l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite français et une contribution complémentaire permettant la prise en charge intégrale des dépenses de pensions concédées et à concéder à ses agents retraités.

5 France Télécom participait aussi aux régimes dits de ‘compensation’ et de ‘surcompensation’, prévoyant des transferts visant à assurer l’équilibre entre les régimes de retraite des fonctionnaires d’autres entités publiques.

6 La loi de 1996 a modifié la contrepartie prévue à l’article 30 de la loi de 1990 selon les modalités exposées ci-après. Premièrement, France Télécom était astreinte à verser la retenue effectuée sur le traitement de l’agent, dont le montant restait inchangé par rapport à la loi de 1990. Deuxièmement, elle était soumise à une ‘contribution employeur à caractère libératoire’ remplaçant la contribution employeur précédente. Cette nouvelle contribution était fondée sur un ‘taux d’équité
concurrentielle’ lui-même fondé sur une égalisation du niveau des cotisations sociales et fiscales obligatoires, assises sur les salaires, entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l’État et excluant les risques non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l’État (notamment le chômage et les
créances des salariés en cas de redressement judiciaire ou de liquidation de l’entreprise). Troisièmement, France Télécom était soumise à une ‘contribution forfaitaire exceptionnelle’, qui a été fixée par la loi no 96-1181, du 31 décembre 1996, portant loi de finances pour 1997 (JORF du 31 décembre 1996, p. 19490), à 37,5 milliards de francs français (équivalant à 5,7 milliards d’euros). Cette dernière contribution incluait, d’une part, le montant des provisions annuelles (3,6 milliards
d’euros) que France Télécom avait constituées jusqu’en 1996 afin de faire face à la charge des retraites futures des fonctionnaires alors prévues et, d’autre part, un montant complémentaire (2,1 milliards d’euros).

7 La loi de 1996 a, en outre, exclu France Télécom du champ d’application des régimes de compensation et de surcompensation.

[…]

9 Par lettre du 20 mai 2008, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la ‘décision d’ouverture’) à l’encontre de l’aide en cause. La République française a présenté ses observations le 18 juillet 2008.

[…]

12 Le 20 décembre 2011, la Commission a adopté la décision [litigieuse], qui déclare l’aide en cause compatible avec le marché intérieur sous certaines conditions.

13 Dans la décision [litigieuse], la Commission a constaté que la mesure litigieuse constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

14 En ce qui concerne, notamment, l’appréciation de l’avantage économique, la Commission a établi que la mesure litigieuse octroyait un avantage économique à France Télécom, en ce qu’elle imposait une charge nouvelle et lourde pour l’État concernant la liquidation et le service des pensions allouées aux fonctionnaires de France Télécom, en réduisant la contrepartie que France Télécom avait versée auparavant.

15 À cet égard, la Commission, d’une part, au considérant 105 de la décision [litigieuse], a calculé le montant de l’aide en question comme étant la différence annuelle entre la contribution employeur à caractère libératoire versée par France Télécom en application de la loi de 1996 et les charges qu’elle aurait versées en application de la loi de 1990, et, d’autre part, au considérant 113 de la décision [litigieuse], a considéré que le versement de la contribution forfaitaire exceptionnelle
avait réduit le montant de l’aide dont bénéficiait France Télécom.

16 La Commission a également établi que la mesure litigieuse était sélective du fait qu’elle concernait uniquement France Télécom et qu’elle faussait ou menaçait de fausser la concurrence parce qu’elle permettait à France Télécom de disposer d’un bilan comptable allégé, qui lui permettait de se développer sur les marchés de services de télécommunications qui étaient graduellement ouverts à la concurrence, en France et dans d’autres États membres.

17 La Commission a ensuite procédé à une évaluation de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et a conclu que celle-ci ne respectait pas le principe de proportionnalité, en ce qu’elle ne permettait pas une égalisation des conditions de concurrence. Selon la Commission, la contrepartie financière versée par France Télécom en faveur de l’État n’égalait pas toutes les charges sociales qui grevaient le budget des
concurrents de France Télécom.

18 Partant, la Commission a établi que, pour satisfaire au critère de conformité avec l’intérêt commun prévu à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause requérait que la contribution employeur à caractère libératoire à verser par France Télécom soit calculée et prélevée de manière à égaliser les niveaux de l’ensemble des charges sociales et fiscales obligatoires, assises sur les salaires, entre France Télécom et les autres entreprises du
secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, en prenant en compte aussi les risques non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires employés par France Télécom. Cette contribution devait être prélevée sur France Télécom à partir du jour où le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle, capitalisé au taux d’actualisation résultant de l’application de la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de
référence et d’actualisation (JO 1996, C 232, p. 10, ci-après la ‘communication sur les taux de référence’), aurait atteint le montant des contributions et charges que France Télécom aurait dû payer au titre de l’article 30 de la loi de 1990.

19 Le dispositif de la décision [litigieuse] est libellé comme suit:

‘Article premier

L’aide d’État résultant de la réduction de la contrepartie à verser à l’État pour la liquidation et le service des pensions allouées, en application du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux fonctionnaires de France Télécom en application de la [loi de 1996] modifiant la [loi de 1990] est compatible avec le marché intérieur, aux conditions prévues à l’article 2.

Article 2

La contribution employeur à caractère libératoire, due par France Télécom au titre de l’article 30, point c), de la [loi de 1990], est calculée et prélevée de manière à égaliser les niveaux de l’ensemble des charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales.

Pour remplir cette condition, au plus tard dans les sept mois suivant la notification de la présente décision, la République française:

a) modifie l’article 30 de la [loi de 1990] et les textes réglementaires ou autres pris pour son application de sorte que l’assiette de calcul et le prélèvement de la contribution employeur à caractère libératoire, due par France Télécom, ne soient pas limités aux seuls risques communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l’État mais incluent également les risques non communs;

b) prélève sur France Télécom, à partir du jour où les montants de la contribution exceptionnelle instaurée par la [loi de 1996] capitalisés au taux d’actualisation résultant de l’application de la [communication sur les taux de référence] applicable en l’espèce égalent le montant des contributions et charges que France Télécom aurait continué de payer au titre de l’article 30 de la [loi de 1990] dans sa rédaction initiale, une contribution employeur à caractère libératoire calculée selon les
modalités précisées au point a), en prenant en considération les risques communs et non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l’État.’»

II – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5. Par requête déposée le 22 août 2012 au greffe du Tribunal, Orange a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

6. À l’appui de son recours, Orange a avancé quatre moyens. Le premier moyen était tiré d’erreurs de droit et d’appréciation ainsi que de la violation de l’obligation de motivation, en ce que la Commission a considéré que la mesure litigieuse était constitutive d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le deuxième moyen, invoqué à titre subsidiaire, était tiré d’erreurs de droit et d’appréciation dans l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure
litigieuse. Le troisième moyen, invoqué également à titre subsidiaire, était tiré d’une erreur d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation dans l’appréciation de la période pendant laquelle l’aide définie par la décision litigieuse se trouve neutralisée par la contribution forfaitaire exceptionnelle. Le quatrième moyen était tiré d’une violation des droits procéduraux.

7. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné Orange aux dépens.

8. La décision attaquée a également fait l’objet d’un recours déposé au greffe du Tribunal le 2 mars 2012 par la République française dans l’affaire T‑135/12. L’arrêt rendu dans cette dernière affaire ( 5 ), qui a également rejeté ledit recours et condamné la République française aux dépens, n’a, en revanche, pas fait l’objet d’un pourvoi.

III – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

9. Orange conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler l’arrêt attaqué;

— statuer définitivement sur le fond et faire droit à ses conclusions présentées en première instance;

— subsidiairement, renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

— condamner la Commission aux entiers dépens.

10. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— rejeter le pourvoi et

— condamner la requérante aux dépens.

11. Les parties ont exposé leurs positions par écrit et oralement lors de l’audience du 3 décembre 2015.

IV – Analyse du pourvoi

12. À l’appui de son pourvoi, la requérante avance trois moyens, tirés d’erreurs de droit commises par le Tribunal dans son appréciation, respectivement, de l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de la compatibilité de la mesure litigieuse avec le marché intérieur et de la période pendant laquelle l’aide définie dans la décision litigieuse se trouverait neutralisée par la contribution forfaitaire exceptionnelle.

13. Les questions soulevées dans le cadre du premier moyen étant d’appréhension délicate, je concentrerai mon analyse sur celui-ci, étant précisé que les autres moyens invoqués ne me semblent pas poser de difficultés particulières.

A – Considérations liminaires sur le contexte d’élaboration et sur la nature des mesures litigieuses

14. Ainsi que je l’annonçais en introduction des présentes conclusions, la présente affaire se rapporte à des mesures nationales de compensation très particulières accordées dans le contexte de la réforme du statut de France Télécom à la suite de la privatisation de cette dernière.

15. Pour bien aborder les questions qui nous sont soumises, il me semble utile de procéder à quelques rappels et de fournir certaines précisions sur la nature des mesures litigieuses et sur le contexte de leur élaboration.

16. En vertu de la loi de 1990, France Télécom a été constituée en exploitant public doté de la personnalité juridique, alors que, auparavant, elle formait, avec La Poste, une direction générale du ministère des Postes et Télécommunications français.

17. Nonobstant ce changement de statut, elle a continué à recruter des personnes ayant le statut de fonctionnaires d’État, et ce jusqu’en 1997.

18. Dans la continuité de la pratique budgétaire antérieure en ce qui concerne le financement des retraites des anciens fonctionnaires de France Télécom, la loi de 1990 prévoyait dans son article 30, d’une part, que la liquidation et le service des pensions allouées aux fonctionnaires de France Télécom étaient effectués par l’État et, d’autre part, que, en contrepartie, France Télécom était astreinte à verser au Trésor public non seulement le montant de la retenue effectuée sur le traitement de ses
agents, mais également une «contribution complémentaire» permettant la prise en charge intégrale des dépenses de pensions liées à ses agents retraités.

19. La contribution complémentaire, dite «employeur», qu’il incombait à France Télécom de verser, était fixée sur la base de la différence entre le montant total des pensions versées par l’État français et la part acquittée par les fonctionnaires actifs sur leurs traitements.

20. En d’autres termes, France Télécom devait assumer la totalité des coûts de pension de son personnel fonctionnaire retraité (y compris les anciens fonctionnaires du ministère des Postes et Télécommunications), déduction faite de la retenue pratiquée sur le traitement de son personnel fonctionnaire actif.

21. Il est à noter que, dans les faits, France Télécom comptabilisait les dépenses liées aux retraites sur la base des contributions versées. Du fait du caractère certain de l’accroissement des dépenses, compte tenu de l’évolution prévisible des pensions de retraite à verser à ses anciens fonctionnaires, France Télécom enregistrait aussi dans ses comptes une provision annuelle destinée à étaler l’effet estimé des augmentations futures de versements sur une période de 30 ans. Le montant de la
provision ainsi constituée jusqu’en 1996 était d’environ 3,6 milliards d’euros ( 6 ).

22. Par la loi de 1996, France Télécom a été constituée en société anonyme de droit français. Si France Télécom a mis fin au recrutement des fonctionnaires à compter de 1997, le corps des fonctionnaires de cette société d’ores et déjà constitué demeurait toutefois rattaché à celle-ci, tout en conservant son statut ainsi que ses garanties, en ce compris des conditions d’emploi identiques à celles des fonctionnaires de l’État.

23. Or, le montant résultant de la retenue effectuée sur le traitement des fonctionnaires actifs de France Télécom se réduisait au fur et à mesure de leurs départs à la retraite, alors que ces départs augmentaient, à la fois, les dépenses liées auxdites retraites, de telle sorte que la contribution complémentaire était destinée à une augmentation constante (jusqu’à ce que le taux de mortalité des retraités dépasse celui des nouveaux retraités).

24. C’est dans ces conditions que le législateur français a décidé de modifier le régime de financement des retraites des fonctionnaires de France Télécom.

25. En vertu de la loi de 1996, cette dernière n’est désormais soumise qu’au paiement d’une contribution libératoire permettant d’égaliser les charges sociales assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l’État. Cela implique que la charge financière imposée à France Télécom est limitée au paiement d’une contribution, mais que les coûts liés au
paiement des retraites de ses anciens fonctionnaires sont mis à la charge de l’État. Cela induit également que France Télécom n’est pas soumise au paiement de certaines contributions versées par les concurrents de France Télécom pour assurer les risques non communs aux salariés et aux fonctionnaires, notamment le chômage et les créances des salariés en cas de redressement judiciaire ou de liquidation de l’entreprise.

26. Enfin, il importe de relever que la réforme du financement des retraites de France Télécom est intervenue dans le contexte de la libéralisation accrue des marchés de télécommunications au niveau européen et a donc potentiellement déployé ses effets sur un marché progressivement ouvert à la concurrence. La Commission a ainsi relevé, au considérant 49 de la décision litigieuse, que «le souhait de favoriser l’expansion de France Télécom sur des marchés européens autres que la France apparaît en
toile de fond de la loi de 1996 et de l’ouverture de l’entreprise au capital privé, comme il ressort des déclarations lors de la discussion du projet».

B – Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation des conditions devant être réunies pour qualifier la mesure litigieuse d’«aide d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

27. Par son premier moyen, la requérante conteste la qualification d’«aide d’État» de la mesure litigieuse sous plusieurs aspects, qui se recoupent en partie. Je relève notamment que la problématique de l’identification d’un avantage économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, objet de la première branche du premier moyen, est intimement liée à celle de la sélectivité de la mesure en cause, visée par la deuxième branche de ce moyen et qu’un examen d’ensemble de ces questions aurait pu
être envisageable.

28. En dépit de ce constat, il m’a semblé préférable, dans un souci de lisibilité, de répondre au premier moyen en suivant, pour autant que faire se peut, la structure de l’argumentation avancée par la requérante.

1. Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de son appréciation relative à l’existence d’un avantage

a) Argumentation de la requérante

29. Orange fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’appréciation de l’existence d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au profit de France Télécom. Selon elle, la mesure litigieuse, à savoir l’allégement, induit par la loi de 1996, des cotisations retraites devant être versées par France Télécom, visait à compenser ce qu’elle qualifie de «désavantage structurel». Ce désavantage résulterait de la loi de 1990 qui a causé d’importants
coûts en ce qui concerne le financement des retraites de ses anciens agents fonctionnaires par rapport aux coûts supportés par d’autres opérateurs économiques concurrents. La mesure litigieuse n’aurait donc pas pour effet de la placer dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises concurrentes.

30. Son argumentation s’articule schématiquement en trois points.

31. En premier lieu, elle fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 42 et 43 de l’arrêt attaqué, que le caractère compensatoire de la mesure litigieuse ne permet pas d’écarter la qualification d’aide d’État, à la seule exception des cas dans lesquels l’intervention étatique en cause doit être considérée comme étant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général en vue d’exécuter des obligations de service
public, en conformité avec les principes établis par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg ( 7 ). À cet égard, elle estime que l’interprétation de certains arrêts de la Cour ( 8 ) et du Tribunal ( 9 ) retenue dans l’arrêt attaqué est erronée.

32. En deuxième lieu, Orange estime que sa position, fondée sur l’existence d’un désavantage structurel, trouve un appui solide sur l’arrêt Enirisorse ( 10 ), contrairement à ce que le Tribunal a considéré aux points 39 et 41 de l’arrêt attaqué.

33. En troisième et dernier lieu, Orange soutient que le Tribunal a mal défini, au point 41 de l’arrêt attaqué, le cadre de référence, à savoir la situation «type» permettant de déterminer la situation normalement applicable. En l’espèce, il y aurait eu lieu de retenir comme point de référence le régime applicable aux entreprises concurrentes pour les contributions au financement des pensions de retraite de leur personnel et non celui résultant de la situation qui aurait été celle de France Télécom
si la loi de 1990 était toujours en vigueur.

b) Appréciation

34. Avant d’aborder plus précisément les différents aspects de l’argumentation défendue par la requérante – qui se rattachent en définitive à la même problématique –, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, sont notamment considérées comme des aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là même, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont
des effets identiques ( 11 ). La Cour a, en particulier, précisé que les coûts liés à la rémunération de leurs employés grèvent, par leur nature, le budget des entreprises, indépendamment de la question de savoir si ces coûts découlent ou non d’obligations légales ou d’accords collectifs ( 12 ).

35. Selon une jurisprudence tout aussi constante, la notion d’«avantage» inhérente à la qualification d’une mesure comme aide d’État revêt un caractère objectif, indépendamment des motivations des auteurs de la mesure dont il s’agit. Ainsi, la nature des objectifs poursuivis par des mesures étatiques et leur justification sont dépourvues de toute incidence sur leur qualification en tant qu’aide d’État. En effet, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des
interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets ( 13 ).

36. Étonnement, la requérante n’a pas explicitement mis en cause dans le cadre de la présente branche ( 14 ), le point de départ de l’appréciation retenue par le Tribunal, tel qu’il a été formulé au point 37 de l’arrêt attaqué. Ce point indique que, «[e]n l’occurrence, il est constant que, en réduisant les charges sociales instaurées au titre de la loi de 1990, la loi de 1996 a amélioré la situation juridique de France Télécom par rapport au régime précédent et a donc généré, en principe, un
avantage au profit de cette dernière».

37. La question se pose toutefois en l’espèce de savoir si le Tribunal s’est, d’une manière ou d’une autre, mépris sur la méthodologie d’identification d’un avantage en entérinant l’approche retenue par la Commission dans la décision litigieuse. En dépit de la relative technicité des mesures en cause, le choix du point de référence pertinent, qui s’avère crucial aux fins d’identifier l’avantage économique dont France Télécom aurait bénéficié et, partant, de qualifier ces mesures d’«aides d’État», au
sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est de nature à être contrôlé dans le cadre d’un pourvoi ( 15 ).

38. À cet égard, je rappelle que la Commission a retenu comme étant le «régime normal», à savoir le régime de référence auquel déroge la mesure litigieuse adoptée en 1996, celui applicable aux retraites des fonctionnaires de France Télécom depuis la privatisation de cette dernière en 1990. Ce choix a été entériné par le Tribunal aux points 37 et suivants de l’arrêt attaqué.

39. Il n’encourt, à mon sens, pas la censure.

40. Premièrement, s’agissant de l’argument pris de l’arrêt Enirisorse ( 16 ), s’il est vrai que, en vertu de cet arrêt, une mesure ne saurait être qualifiée d’aide d’État lorsqu’elle se limite à éviter que le budget du bénéficiaire de celle-ci soit grevé par une charge qui, dans une situation normale, n’aurait pas existé, encore faut-il établir que la mesure litigieuse est en lien avec une mesure étatique précédente et qu’elle vise à annihiler les effets de cette dernière mesure. Cet arrêt ne vise
pas à consacrer une quelconque théorie du désavantage structurel, mais se rapporte, ainsi que le Tribunal l’a justement mentionné, à l’hypothèse, tout à fait particulière, d’un régime doublement dérogatoire du droit commun.

41. En effet, il importe de souligner que l’arrêt Enirisorse (C‑237/04, EU:C:2006:197) avait trait à une mesure étatique très particulière se rapportant à une règle générale de droit civil, qui ne permettait le retrait des actionnaires d’une société avec remboursement de leurs actions que dans des cas limitativement énumérés. Par dérogation à cette règle générale, le législateur italien avait prévu que les actionnaires de la seule entreprise Sotocarbo pouvaient se retirer dans un certain nombre de
cas tout en bénéficiant dudit remboursement. Cette faculté dérogatoire a été aménagée par une loi édictée quelques années après, loi qui prévoyait que, dès lors que les actionnaires de Sotocarbo, parmi lesquels figurait la société Enirisorse, feraient usage de leur faculté de retrait, le montant de leurs actions ne leur serait désormais plus remboursé. Cette dernière mesure visait précisément à annihiler l’avantage que lesdits actionnaires auraient obtenu de l’application dudit régime, en leur
imposant, pour l’exercice de la faculté exceptionnelle de retrait, de renoncer à tout droit sur le patrimoine de la société et de procéder à l’apport des parts encore dues. La mesure évitait ainsi que l’application du régime exceptionnel grève le budget de la société en question d’une charge, à savoir le remboursement des actions des sociétés actionnaires, qui n’était pas prévue par le régime qui lui était normalement applicable.

42. Dans cette affaire, la solution retenue par la Cour, empreinte de pragmatisme, reposait sur le fait que la mesure litigieuse était intimement liée au régime dérogatoire précédemment applicable. Cette mesure, qui se limitait à neutraliser l’avantage précédemment octroyé à Enirisorse sous la forme d’une faculté exceptionnelle de retrait, n’avait donc pas pour effet d’octroyer un avantage économique au profit de l’entreprise Sotacarbo ( 17 ).

43. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

44. En effet, France Télécom était, en vertu de la loi de 1990, redevable d’une charge spécifique qui est clairement distincte de celle qui s’impose en vertu du régime commun du droit des pensions, mais qui ne peut être considérée comme dérogatoire du droit commun, les cotisations concernant les pensions des fonctionnaires n’étant pas soumises, auparavant, au régime commun des contributions de retraite. En effet, le système de financement des retraites des fonctionnaires découle d’un régime
juridiquement distinct et clairement séparé du régime applicable aux salariés de droit privé, tels que les salariés des concurrents de France Télécom.

45. Il n’apparaît pas, en particulier, que les cotisations concernant les coûts des pensions des fonctionnaires de l’État soient soumises au régime commun des contributions de retraite, ce qui permettrait de conclure que ce dernier constitue le régime normalement applicable en l’espèce. Contrairement à ce que prétend Orange, la mesure litigieuse ne vise pas à éviter que France Télécom soit soumise à une charge qui, dans une situation normale, ne devrait pas grever son budget. En l’espèce, il ne
saurait être valablement soutenu que le régime applicable à partir de l’année 1996 a servi à remédier au fait que France Télécom aurait été exposée à des charges supplémentaires résultant d’un régime spécifique auxquelles échappaient les entreprises concurrentes soumises au droit commun dans les conditions normales du marché.

46. Certes, il est bien acquis que relève de la qualification d’«aide d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les mesures accordées au moyen de ressources d’État qui placent l’entreprise bénéficiaire dans une situation financière plus favorable que celle de ses concurrents ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché ( 18 ).

47. La référence aux conditions normales de marché et/ou à la situation d’autres concurrents ne me semble avoir de sens que dans le cas où un examen comparatif est souhaitable compte tenu de la mesure spécifiquement en cause, qui ne saurait, à elle-seule, être analysée comme une «prestation positive» ou comme une mesure équivalente à une telle prestation. En d’autres termes, cette jurisprudence ne peut être considérée comme étant opérante dans l’hypothèse où le caractère ad hoc de la mesure en
cause, qui s’impose en l’espèce compte tenu du changement de statut de France Télécom, est clairement avéré. Je perçois d’ailleurs une certaine incohérence à prétendre, d’un côté, que France Télécom est confrontée, du fait de la loi de 1990, à un désavantage structurel – qui en quelque sorte la place dans une situation toute particulière – et, de l’autre côté, qu’il convient d’évaluer l’existence d’un avantage économique à la lumière des «conditions normales du marché».

48. Deuxièmement, l’argument d’Orange pris, plus généralement, de ce que la mesure litigieuse était destinée à libérer celle-ci d’un désavantage ou handicap structurel n’emporte pas davantage la conviction.

49. La Cour a, en effet, précisé que la circonstance selon laquelle un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aide ( 19 ).

50. Cette jurisprudence s’inscrit dans le prolongement immédiat de la règle selon laquelle il n’y a pas lieu, aux fins de qualifier une mesure d’aide d’État, de s’attacher aux causes ou aux objectifs de cette mesure, puisque seuls importent les effets de celle-ci. Aussi, je suis d’avis que le fait qu’une autorité étatique cherche à compenser par l’édiction de mesures spécifiques l’imposition de charges spécifiques, résultant de la modification du statut d’une entité donnée, mais sans lien avec
l’exécution d’obligations de service public dans les conditions définies par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg ( 20 ), ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’avantage économique de nature à être qualifié d’«aide d’État», au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. S’il ne peut être nié que le Tribunal a pu s’écarter de cette règle à certaines occasions, les cas recensés ( 21 ) restent, à ma connaissance, isolés ( 22 ) et, en tout état de cause, n’ont pas été
confirmés par la Cour ( 23 ).

51. Elle trouve également un appui certain dans le fait que la compensation des désavantages structurels peut le cas échéant être prise en compte dans le cadre de l’examen de la compatibilité d’une mesure d’aide d’État donnée avec le marché commun, conformément à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, telle que celles prenant la forme d’aides régionales ( 24 ) ou environnementales ( 25 ).

52. En tout état de cause et ainsi que je l’ai précédemment relevé s’agissant de la toile de fond de la mesure litigieuse, je ne suis nullement convaincu que France Télécom ait, à proprement parler, subit du fait de l’adoption de la loi de 1990 un désavantage structurel ou compétitif, désavantage auquel la loi de 1996 visait à remédier.

53. La loi de 1990 a, me semble-t-il, eu pour effet de mettre en place un régime de financement tout à fait spécifique des retraites des anciens fonctionnaires de France Télécom. En application de ce régime, l’État est, en définitive, toujours seul redevable du versement des pensions de retraite des fonctionnaires.

54. Ce qu’entend régir cette loi est la contrepartie devant être versée par France Télécom en raison de la mise à disposition des fonctionnaires d’État, contrepartie dont il n’est pas avéré qu’elle aurait été, en elle-même, désavantageuse pour cette dernière.

55. Ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 103 de la décision litigieuse, sans que cela ait été sérieusement mis en cause par la requérante en première instance, la charge dont France Télécom a été libérée n’était ni nouvelle, puisque la loi de 1990 reprenait la pratique budgétaire antérieure, ni imprévisible, puisque l’entreprise constituait des provisions à cet effet, ni dérogatoire du droit commun de la sécurité sociale, puisque celui-ci ne s’applique pas à la contrepartie versée par
France Télécom.

56. Le fait que la charge financière imposée à France Télécom en vertu de la loi de 1990 ait été ressentie par la suite comme désavantageuse, voire exorbitante, du fait du nombre décroissant de fonctionnaires actifs et cotisant qu’elle emploie est sans rapport avec l’existence d’un avantage structurel. Cette situation résulte du choix du législateur de maintenir en fonction un certain nombre de fonctionnaires au sein de l’entité France Télécom, avec les avantages et les inconvénients qui en
découlent, nonobstant la modification de son statut.

57. Troisièmement, je dois souligner, dans le prolongement de ce que j’ai mentionné ci-dessus s’agissant de l’interprétation qu’il convenait de retenir de l’arrêt Enirisorse (C‑237/04, EU:C:2006:197), que le cadre de référence choisi, à savoir la «situation normale» à laquelle il convient de comparer la situation résultant de la mesure en cause, ne peut s’apparenter au «régime applicable aux entreprises concurrentes de France Télécom pour les contributions employeur de retraite prévues par le régime
général de sécurité sociale». L’existence d’un avantage économique ne peut s’analyser en fonction de la charge supportée par les concurrents de France Télécom au titre des cotisations du régime général, pour la simple raison que la charge supportée par France Télécom aux fins du financement des retraites de son personnel anciennement fonctionnaire est sans rapport avec ledit régime général.

58. L’adoption de la loi de 1990 s’inscrit dans le prolongement du système de financement des retraites en vigueur jusqu’alors. La loi de 1996 a, en revanche, profondément modifié la charge financière que France Télécom devait supporter en raison du choix de maintenir l’emploi de fonctionnaires en son sein.

59. Enfin, il y a lieu d’examiner, au titre de l’obligation faite au juge d’examiner l’existence d’une éventuelle contradiction dans la motivation de la décision litigieuse, s’il n’existe pas une contradiction entre, d’une part, le considérant 97 de la décision litigieuse (qui indique que «[l]a mise à disposition des fonctionnaires formés par l’État à France Télécom sans contrepartie aucune quant aux pensions versées ou à verser conférerait un avantage clair à cette dernière») et, d’autre part, le
considérant 102 de cette même décision (qui mentionne que «pour apprécier la situation de France Télécom, la situation de référence est celle d’une entreprise, publique ou privée, qui emploierait du personnel fonctionnaire ayant gardé son statut») ainsi que la référence au taux d’équité concurrentielle dans l’examen de la compatibilité de l’aide au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

60. À cet égard, il est fait observer que, par le considérant 97 de la décision litigieuse, la Commission entendait répondre à l’argumentation selon laquelle France Télécom aurait subi du fait de la loi de 1990 un désavantage structurel.

61. Quant au considérant 102 de cette même décision, il visait à effectuer un rapprochement avec la situation particulière de La Poste, qui concernait une mesure très similaire au cas présent. La Commission a souligné en particulier dans ce considérant que le «régime de retraite des fonctionnaires de France Télécom avant la réforme de 1996 étaient les mêmes que celle du régime comparable appliqué à La Poste à la même époque».

62. S’agissant de la référence au taux d’équité concurrentielle dans le cadre de l’examen de la compatibilité de l’aide, il procède, ainsi que l’a très justement expliqué la Commission lors de l’audience, du fait que la date de référence pour identifier l’avantage constitutif de l’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est différente en l’espèce de celle qui est pertinente pour l’examen de la compatibilité de l’aide au titre du paragraphe 3, sous c), du même article. L’identification de
l’avantage doit se faire en fonction des effets produits dès la date d’adoption de la mesure litigieuse. En revanche, l’examen de compatibilité d’une mesure d’aide a un caractère éminemment prospectif et exige, de se placer, dans une situation de libéralisation optimale des marchés des télécommunications et de disparition des avantages et des contraintes auxquels sont confrontés certains opérateurs historiques en raison de la mise en place d’anciens monopoles d’État.

63. En conséquence, je suis d’avis que la décision litigieuse est exempte de contradictions sur ce point et qu’il convient, dès lors, d’écarter la première branche du premier moyen.

2. Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de son appréciation relative au caractère sélectif de la mesure litigieuse

64. Orange considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 52 et 53 de l’arrêt attaqué, que la mesure litigieuse était sélective du fait qu’elle ne concernait qu’Orange. Elle est d’avis qu’une mesure étatique individuelle n’est sélective que si elle favorise une entreprise donnée par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable. Orange estime que, en l’occurrence, le Tribunal ne pouvait se limiter à présumer que la
condition de sélectivité était remplie du fait du caractère totalement ad hoc de la mesure litigieuse.

65. Je suis fermement d’avis qu’il convient d’écarter cette branche.

66. Ainsi que je l’ai récemment mentionné dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/MOL ( 26 ), l’examen de la condition de sélectivité visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’a de sens que lorsqu’est en cause une mesure étatique d’application générale.

67. L’exigence de sélectivité ne joue, en effet, pas le même rôle selon que la mesure en cause est envisagée comme une aide individuelle ou comme un régime général d’aide. Dans l’appréciation d’une mesure de nature individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa «spécificité» et, partant, de conclure qu’il présente également un caractère sélectif. En revanche, dans le cadre de l’examen d’un régime de nature générale, la sélectivité permet d’identifier
si l’avantage supposé, bien que s’adressant à la généralité des opérateurs économiques, ne profite, en réalité et compte tenu des critères objectifs qu’il retient, qu’à certains types d’entreprises ou de groupes d’entreprises ( 27 ).

68. La Cour a ainsi précisé que, dans le cas où est en cause une aide individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité ( 28 ), et ce, me semble-t-il, indépendamment de la question de savoir s’il existe sur le ou les marchés concernés des opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.

69. Or, la mesure litigieuse en l’espèce, qui consiste en l’allègement des charges liées aux seules retraites des fonctionnaires de France Télécom, tel qu’elle résulte du dispositif mis en place par la loi de 1996, a indéniablement un caractère individuel. L’examen de la sélectivité de la mesure litigieuse préconisé par Orange est, dans un tel contexte, dépourvu de sens.

70. La jurisprudence invoquée par la requérante, qui a trait à des mesures législatives d’application générale, n’est à cet égard d’aucun secours pour la requérante.

71. En effet, s’agissant, tout d’abord, de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt 3M Italia ( 29 ), il y a lieu de relever qu’elle mettait en cause, devant le juge italien, une disposition nationale de nature fiscale ( 30 ), sous l’angle notamment du droit des aides d’État. Amenée à apporter des précisions sur le point de savoir si et dans quelle mesure l’intervention étatique litigieuse était de nature à remplir la condition de sélectivité prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Cour a dit
pour droit que, afin d’apprécier si une mesure, qu’elle a expressément considérée comme étant «générale» ( 31 ), présentait un caractère sélectif, il convenait d’examiner si, dans le cadre d’un régime juridique donné, cette mesure constituait un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable. Loin de soutenir la position défendue par Orange, cette dernière considération confirme l’idée que l’examen de la sélectivité
d’une mesure n’a de sens qu’en présence d’une mesure d’ordre général qui opère une distinction entre entreprises ne résultant pas «de la nature ou de l’économie du système dans lequel [elle s’inscrit]» ( 32 ).

72. De même, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235), étaient en cause les privilèges dont bénéficiait l’organisme bancaire Agrotiki Trapeza tis Ellados AE (ATE), en vertu de la loi 4332/1929 ( 33 ), à savoir l’exonération de certains frais, tels que le droit d’inscrire unilatéralement une hypothèque sur des immeubles appartenant à des agriculteurs ou à d’autres personnes exerçant une activité connexe à l’activité agricole, le droit de diligenter
un recouvrement forcé par un simple document sous seing privé et l’exonération des frais et des droits lors des inscriptions de cette hypothèque et de ce recouvrement forcé. Dans ce contexte, saisie d’une demande de décision préjudicielle visant à déterminer si cette mesure nationale pouvait être qualifiée d’«aide d’État», au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (devenu article 107, paragraphe 1, TFUE), la Cour s’est limitée à indiquer qu’«[il] ne ressort[ait] pas du dossier soumis à la Cour
que les autres banques bénéfici[ai]ent d’une telle exonération, ce qui indiquerait que cette mesure présente un caractère sélectif».

3. Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de son appréciation relative au critère de l’affectation de la concurrence

73. Orange reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et de ne pas avoir satisfait à son obligation de motivation lorsqu’il a estimé, aux points 63 et 64 de l’arrêt attaqué, que le critère de l’affectation de la concurrence était rempli, dès lors que les ressources financières libérées par la mesure litigieuse ont pu favoriser le développement des activités d’Orange sur des marchés nouvellement ouverts à la concurrence et qu’elle aurait reconnu que ladite mesure avait été indispensable
pour lui permettre de participer au développement de la concurrence. Elle soutient notamment que le Tribunal aurait dû, à l’issue de son examen des appréciations retenues par la Commission, conclure que l’existence d’un effet anticoncurrentiel n’avait pas été valablement établie, dès lors que le cadre de référence défini ne comportait qu’Orange et que la Commission aurait elle-même reconnu que la mesure en cause était nécessaire pour assurer une concurrence par les mérites dans un marché en voie
d’ouverture à la concurrence.

74. Cette dernière branche du premier moyen doit selon moi également être écartée.

75. S’agissant du grief pris d’un défaut de motivation, je suis d’avis que l’arrêt attaqué expose clairement les raisons pour lesquelles le Tribunal a entériné l’appréciation de la Commission quant à la condition relative à la distorsion de concurrence. La motivation retenue a, en conformité avec les exigences découlant de la jurisprudence bien établie en la matière ( 34 ), permis aux intéressés de connaître les raisons sur lesquelles se fonde l’arrêt attaqué et à la Cour de disposer des éléments
suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi.

76. Pour le surplus, j’estime que les considérations retenues par le Tribunal ne sont pas entachées d’erreurs. En particulier, le fait, au demeurant reconnu par Orange, que les ressources financières libérées par cette mesure, dont le montant actualisé en 1996 s’élevait à plus de 13 milliards d’euros, aient pu favoriser le développement des activités de la requérante indique précisément que celle-ci a eu un impact, à tout le moins potentiel, sur la concurrence, et ce indépendamment de la question de
savoir quel objectif, le cas échéant d’intérêt commun, cette mesure visait à poursuivre.

77. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère de rejeter le premier moyen du pourvoi.

C – Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de son appréciation relative à la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure litigieuse

1. Sur la première branche, tirée d’une dénaturation des faits et d’une violation de l’obligation de motivation commises par le Tribunal lors de son appréciation de la finalité de la contribution forfaitaire exceptionnelle

78. Orange estime que le Tribunal a dénaturé les faits qui lui étaient soumis et a violé son obligation de motivation lorsqu’il a estimé, aux points 93 et 94 de l’arrêt attaqué, que le libellé de l’article 30 de la loi de 1990, qui a été modifié par l’article 6 de la loi de 1996, ne s’oppose pas à l’interprétation selon laquelle la contribution forfaitaire exceptionnelle ne constitue pas une charge sociale, mais poursuivait d’autres objectifs, et que, partant, la Commission n’a pas commis d’erreur
de droit en considérant que l’absence de prise en compte des risques non communs dans la contribution employeur à caractère libératoire ne pouvait être compensée par ladite contribution.

79. Je suis d’avis que cette branche de l’argumentation de la requérante ne saurait prospérer.

80. À cet égard, il convient de rappeler que le contrôle de la dénaturation des faits, qui, en tant qu’exception au principe selon lequel il n’appartient pas à la Cour, saisie d’un pourvoi, de contrôler les faits, doit être interprété de façon restrictive, conduit en l’occurrence à déterminer s’il ressort de façon manifeste des pièces que le Tribunal a altéré la portée devant être accordée à la loi de 1996 ( 35 ).

81. Il s’agit plus précisément de déterminer si les considérations retenues aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué quant à la nature des contributions litigieuses décrites à l’article 6 de la loi de 1996 sont manifestement erronées.

82. Tel ne me semble pas être le cas.

83. Ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, l’article 30 de la loi de 1990, qui a été modifié par l’article 6 de la loi de 1996, impose à France Télécom de verser au Trésor public en contrepartie de la liquidation de service par l’État des pensions allouées, d’une part, une «contribution employeur à caractère libératoire dont [l]e taux […] est calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres
entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales» [voir point c) de cette disposition]. Cette disposition impose, d’autre part, à son point d), «une contribution forfaitaire exceptionnelle dont les modalités seront fixées en loi de finances».

84. En entérinant, aux points 92 à 94 de l’arrêt attaqué, la conclusion de la Commission selon laquelle, à la différence de la contribution forfaitaire exceptionnelle, la contribution employeur n’avait pas pour objectif d’atteindre le taux d’équité concurrentielle et que, dès lors, l’absence de prise en compte des risques non communs dans la contribution employeur à caractère libératoire ne pouvait être compensée par la contribution forfaitaire exceptionnelle, le Tribunal n’a nullement dénaturé des
faits ni, me semble-t-il, commis une erreur de droit devant être censurée dans le cadre du présent pourvoi.

85. Contrairement à la position défendue par la requérante, le point 93 de l’arrêt attaqué n’aborde pas uniquement la question de savoir si la contribution forfaitaire exceptionnelle prévue à l’article 30 de la loi de 1996 constitue ou non «une charge sociale» pour Orange, mais s’attache à déterminer si cette contribution était, à l’instar de la contribution employeur à caractère libératoire, effectivement destinée à assurer le taux d’équité concurrentielle. Le Tribunal visait ainsi à répondre à une
argumentation, précisément avancée par la requérante et exposée au point 91 de l’arrêt attaqué, quant au lien devant être établi entre le solde de la contribution forfaitaire exceptionnelle et le paiement de la contribution employeur.

86. Par ailleurs, je suis d’avis que les considérations retenues par le Tribunal aux points 92 à 94 de l’arrêt attaqué ne peuvent être considérées comme étant entachées d’un défaut de motivation. Il apparaît, en effet, que le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’argumentation invoquée par la requérante dans ce contexte. Ces considérations sont de nature à permettre à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté cette argumentation ainsi qu’à la Cour de disposer
des éléments suffisants pour exercer son contrôle ( 36 ).

87. Enfin, sous le couvert d’une erreur de droit commise par le Tribunal, il me semble que la requérante entend en réalité remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal. Or, cette appréciation ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour ( 37 ).

2. Sur la deuxième branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation commise par le Tribunal lors de son appréciation du «précédent La Poste» ( 38 )

88. Orange considère que le Tribunal a violé son obligation de motivation en s’étant borné, aux points 99 à 101 de l’arrêt attaqué, à reprendre les appréciations de la Commission, sans procéder à l’analyse des arguments avancés par Orange pour établir que ces considérations étaient erronées. En outre, le Tribunal n’aurait pas examiné les autres arguments avancés par Orange visant à établir que la Commission n’était pas fondée à traiter différemment la réforme des retraites des fonctionnaires
rattachés à Orange et celle des fonctionnaires rattachés à La Poste.

89. Je suis d’avis que l’argumentation développée dans le cadre de la présente branche doit être déclarée inopérante, dès lors qu’elle porte sur des motifs dont l’invalidation ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué ( 39 ).

90. Force est en effet de relever que les considérations exposées par le Tribunal aux points 99 à 101 de l’arrêt attaqué quant à la valeur devant être accordée à la décision 2008/204 ne l’ont été qu’à titre surabondant, ainsi que cela découle clairement de l’emploi, au début du point 99 de cet arrêt, de l’expression «De surcroît».

91. À cet égard, il y a lieu de préciser que, par la seconde branche du deuxième moyen avancé devant le Tribunal, la requérante faisait, en substance, valoir que, en refusant d’appliquer à la présente procédure le même raisonnement que celui appliqué dans la décision 2008/204, concernant une réforme qui était comparable à celle mise en œuvre pour la requérante, la Commission avait commis plusieurs erreurs d’appréciation et violé les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement ( 40 ).

92. En réponse à cette argumentation, le Tribunal a indiqué, ainsi que l’avait souligné la Commission, que c’était dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que devait être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide ne répondait pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non à l’égard d’une prétendue pratique antérieure ( 41 ).

93. Ce n’est qu’à titre complémentaire que le Tribunal a fait observer que, aux considérants 152 à 165 de la décision litigieuse, la Commission a exclu que, à l’époque des réformes respectives les concernant, La Poste et France Télécom se soient trouvées dans une situation factuelle et juridique similaire ( 42 ). S’agissant, notamment, de l’appréciation de la contribution forfaitaire exceptionnelle dans les deux cas de figure, que la requérante conteste en l’espèce, le Tribunal a relevé que la
Commission avait fait valoir que la condition imposant la réattribution de la contribution forfaitaire exceptionnelle de La Poste avait été fixée après qu’elle eut ouvert la procédure formelle d’examen. Une telle situation lui permettait d’apprécier cette contribution à l’égard du taux d’équité concurrentielle, tandis que l’imposition d’une contribution forfaitaire exceptionnelle dans le cas de France Télécom était intervenue bien avant et hors du contexte de la procédure entamée par la
Commission ( 43 ).

94. La seconde branche du deuxième moyen devant être déclarée inopérante, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant pour partie non fondé et pour partie inopérant.

D – Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de son appréciation relative à la période pendant laquelle l’aide se trouve neutralisée par la contribution forfaitaire exceptionnelle

95. Orange soutient que le Tribunal a dénaturé les faits et opéré une substitution de motifs lorsqu’il a estimé, aux points 107 et 108 de l’arrêt attaqué, que la suppression des charges de compensation et de surcompensation faisait partie de l’aide définie à l’article 1er de la décision litigieuse, alors même que le considérant 119 de la décision attaquée se borne à conclure que l’aide litigieuse consiste en la diminution de la contrepartie que constitue la contribution employeur sans mentionner les
charges de compensation et de surcompensation.

96. L’argumentation développée par la requérante vise à reprocher au Tribunal d’avoir erronément procédé à une substitution de motifs s’agissant de la définition précise de l’aide en cause.

97. Cette argumentation ne me convainc guère.

98. Certes, au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il «[était] vrai que, regrettablement, le considérant 119 de la décision [litigieuse], qui [contenait] la conclusion sur l’existence d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, se [bornait] à indiquer que l’aide [consistait] en la diminution de ‘la contrepartie que constitue la contribution employeur’ sans mentionner les charges de compensation et de surcompensation».

99. Le Tribunal a toutefois estimé que, en dépit de cette imprécision dans la définition de la décision litigieuse, «il [ressortait] tant du contexte de la décision [litigieuse] que de l’article 1er de celle-ci que l’aide [consistait], selon la Commission, en la diminution de la contrepartie versée auparavant par la requérante, ce qui [incluait] nécessairement toutes les charges supportées par cette dernière avant l’entrée en vigueur de la mesure litigieuse».

100. Eu égard à cette dernière considération et étant précisé que le Tribunal a expressément fait état de la définition de l’aide contenue à l’article 1er de la décision litigieuse ( 44 ) ainsi que des indications figurant aux considérants 18 (en ce compris le tableau no 1) et 105 de cette décision ( 45 ), c’est à mon sens à juste titre que le Tribunal est parvenu à la conclusion que la Commission n’avait pas failli à son obligation de motivation ( 46 ).

101. Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, je considère qu’il y a lieu d’écarter ce dernier moyen comme étant non fondé et, partant, de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

V – Conclusion

102. Au vu des considérations qui précèdent, il est proposé à la Cour de déclarer et d’arrêter ce qui suit:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Orange SA est condamnée aux dépens.

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) T‑385/12, EU:T:2015:117, ci-après l’«arrêt attaqué».

( 3 ) JO 2012, L 279, p. 1, ci-après la «décision litigieuse».

( 4 ) C‑280/00, EU:C:2003:415.

( 5 ) Arrêt France/Commission (T‑135/12, EU:T:2015:116).

( 6 ) Voir considérant 19 de la décision litigieuse.

( 7 ) C‑280/00, EU:C:2003:415.

( 8 ) Arrêt Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 90 à 92).

( 9 ) Arrêt British Telecommunications et BT Pension Scheme Trustees/Commission (T‑226/09 et T‑230/09, EU:T:2013:466, point 71).

( 10 ) C‑237/04, EU:C:2006:197.

( 11 ) Arrêts France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 16 et jurisprudence citée) ainsi que Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, point 33 et jurisprudence citée).

( 12 ) Arrêt Belgique/Commission (C‑5/01, EU:C:2002:754, point 39).

( 13 ) Arrêts France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 17 et jurisprudence citée) ainsi que BVVG (C‑39/14, EU:C:2015:470, point 52 et jurisprudence citée).

( 14 ) Elle a, en revanche, reproché au Tribunal, dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, de s’être contenté de constater que la loi de 1996 avait amélioré la situation financière de France Télécom «sans analyser l’effet actuel ou potentiel sur le marché en cause».

( 15 ) Cela quand bien même certains pans de l’argumentation d’Orange semblent s’apparenter soit à une simple réitération d’arguments d’ores et déjà avancés devant le Tribunal, soit à l’appréciation et à la qualification des faits qui ont été effectuées par le Tribunal.

( 16 ) C‑237/04, EU:C:2006:197, points 43 à 49.

( 17 ) Conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Enirisorse (C‑237/04, EU:C:2006:21, point 32).

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêts Libert e.a. (C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 83 et jurisprudence citée) ainsi que France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 94 et jurisprudence citée).

( 19 ) Voir arrêt Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 95 et jurisprudence citée), invalidant sur cet aspect l’approche casuistique préconisée par le Tribunal dans l’arrêt Hotel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, EU:T:2008:537).

( 20 ) C‑280/00, EU:C:2003:415.

( 21 ) Arrêts Danske Busvognmænd/Commission (T‑157/01, EU:T:2004:76, points 196 et suiv.) ainsi que Hotel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, EU:T:2008:537, points 86 et suiv.).

( 22 ) En témoignent des jugements plus récents du Tribunal (voir, notamment, arrêt British Telecommunications et BT Pension Scheme Trustees/Commission, T‑226/09 et T‑230/09, EU:T:2013:466, point 71, ainsi que ordonnance Stahlwerk Bous/Commission, T‑172/14 R, EU:T:2014:558, point 59).

( 23 ) Voir arrêt Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 92 et 94 à 96).

( 24 ) Voir, notamment, dans l’affaire dite «des Açores», arrêt Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 77).

( 25 ) Voir arrêt Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 75 et jurisprudence citée).

( 26 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:32, point 47). Voir arrêt Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 60).

( 27 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:32, points 50 à 52).

( 28 ) Voir arrêt Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 60).

( 29 ) C‑417/10, EU:C:2012:184.

( 30 ) À savoir l’article 3, paragraphe 2 bis, sous b), du décret-loi no 40/2010 (GURI no 71, du 26 mars 2010), converti, avec modifications, en loi no 73/2010 (GURI no 120, du 25 mai 2010.

( 31 ) Voir point 39 de cet arrêt.

( 32 ) Voir points 40 à 43 dudit arrêt.

( 33 ) FEK A’ 283.

( 34 ) Voir, parmi de nombreuses affaires, arrêts ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 78); Land Burgenland e.a./Commission (C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 81), ainsi que France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 88).

( 35 ) Pour une illustration relativement récente de la nature du contrôle opéré par la Cour quant à la portée du droit national en cause, voir l’approche retenue dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, points 78 à 83).

( 36 ) Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 33.

( 37 ) Arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 85 et jurisprudence citée).

( 38 ) Décision 2008/204/CE de la Commission, du 10 octobre 2007, concernant les aides d’État accordées par la France en ce qui concerne la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à La Poste (JO 2008, L 63, p. 16).

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêts Aéroports de Paris/Commission (C‑82/01 P, EU:C:2002:617, points 41 et 67 et jurisprudence citée); Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 148 et jurisprudence citée) ainsi que InnoLux/Commission (C‑231/14 P, EU:C:2015:451, point 83).

( 40 ) Voir point 97 de l’arrêt attaqué.

( 41 ) Voir point 98 de l’arrêt attaqué.

( 42 ) Voir point 99 de l’arrêt attaqué.

( 43 ) Voir point 100 de l’arrêt attaqué.

( 44 ) Voit point 104 de l’arrêt attaqué.

( 45 ) Voir point 105 de l’arrêt attaqué.

( 46 ) Voir point 109 de l’arrêt attaqué.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-211/15
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Concurrence – Aides d’État – Aide accordée par la République française à France Télécom – Réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à France Télécom – Réduction de la contrepartie à verser à l’État par France Télécom – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur sous conditions – Notion d’“aide” – Notion d’“avantage économique” ‑ Caractère sélectif – Affectation de la concurrence – Dénaturation des faits – Défaut de motivation – Substitution de motifs.

Concurrence

Aides accordées par les États


Parties
Demandeurs : Orange
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wahl

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2016:78

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