ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
2 mars 2016 ( *1 )
«Fonction publique — Fonctionnaires — Pensions — Réforme du statut — Règlement no 1023/2013 — Article 22 de l’annexe XIII du statut — Relèvement de l’âge de la retraite — Remboursement des contributions au régime de pension de l’Union — Article 26 de l’annexe XIII du statut — Revalorisation de la bonification des droits à pension»
Dans l’affaire F‑3/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Jürgen Frieberger, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Woluwe-Saint-Lambert (Belgique),
Benjamin Vallin, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Saint-Gilles (Belgique),
représentés par Mes J.‑N. Louis et N. de Montigny, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, initialement représentée par MM. J. Currall et G. Gattinara, en qualité d’agents, puis par M. G. Gattinara, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
soutenue par
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme M. Veiga, en qualité d’agents,
et par
Parlement européen, représenté par Mmes M. Ecker et E. Taneva, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, H. Kreppel et E. Perillo, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 janvier 2015, MM. Frieberger et Vallin demandent l’annulation des décisions de la Commission européenne des 13 et 26 mars 2014 rejetant leurs demandes respectives des 9 et 17 décembre 2013 visant à obtenir, d’une part, le remboursement d’une partie des contributions au régime de pension de l’Union européenne qui ont été prélevées sur leurs rémunérations et, d’autre part, un nouveau calcul de la bonification de leurs droits à pension transférés vers
le régime de pension de l’Union. Pour autant que de besoin, ils demandent aussi l’annulation des décisions du 26 septembre 2014 rejetant leurs réclamations des 11 et 23 juin 2014 dirigées contre les décisions des 13 et 26 mars 2014 susmentionnées.
Cadre juridique
2 L’article 52 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le [statut] et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO L 287, p. 15), disposait :
« […] le fonctionnaire est mis à la retraite :
a) soit d’office, le dernier jour du mois durant lequel il atteint l’âge de 65 ans,
b) soit sur sa demande, le dernier jour du mois pour lequel la demande a été présentée lorsqu’il est âgé d’au moins 63 ans […] »
3 Selon l’article 77, cinquième alinéa, du statut, dans sa version antérieure au règlement no 1023/2013, « [l]e droit à pension d’ancienneté [était] acquis à l’âge de 63 ans ».
4 Toutefois, en vertu de l’article 22 de l’annexe XIII du statut, consacrée aux mesures de transition, dans sa version antérieure au règlement no 1023/2013, l’âge du droit à la pension d’ancienneté du fonctionnaire en service avant le 1er mai 2004 et âgé de 30 à 49 ans à cette date variait de 62 ans et 8 mois à 60 ans et 2 mois selon un tableau figurant dans ledit article.
5 Dans les considérants 14 et 15 du préambule du règlement no 1023/2013, le législateur de l’Union a exposé ce qui suit :
6 Depuis la prise d’effet, le 1er janvier 2014, du règlement no 1023/2013, l’article 52 du statut dispose :
« […] le fonctionnaire est mis à la retraite :
a) soit d’office, le dernier jour du mois durant lequel il atteint l’âge de 66 ans,
b) soit à sa demande, le dernier jour du mois pour lequel la demande a été présentée lorsqu’il a atteint l’âge de la retraite […] »
7 En vertu de l’article 77, cinquième alinéa, du statut, dans sa version résultant du règlement no 1023/2013, « [l]e droit à pension d’ancienneté est acquis à l’âge de 66 ans ».
8 Toutefois, l’article 22 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013, prévoit que l’âge de la retraite du fonctionnaire en service avant le 1er janvier 2014 et âgé de 35 ans ou plus au 1er mai 2014 varie de 64 ans et 8 mois à 60 ans selon un tableau figurant à cet article.
9 Par ailleurs, l’article 83, paragraphe 2, du statut, dans sa version applicable depuis l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1240/2010 du Conseil, du 20 décembre 2010, adaptant, à partir du 1er juillet 2010, le taux de la contribution au régime de pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne (JO L 338, p. 7), dispose :
« Les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement [du] régime de pensions [de l’Union européenne]. Cette contribution est fixée à 11,6 % du traitement de base de l’intéressé, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l’article 64 [du statut]. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l’intéressé. La contribution est adaptée selon les règles fixées à l’annexe XII [du statut]. »
10 En outre, l’article 83 bis, paragraphes 1, 3 et 4, du statut, dans sa version résultant du règlement no 1023/2013, prévoit :
« 1. L’équilibre du régime de pensions est assuré selon les modalités prévues à l’annexe XII [du statut].
[…]
3. L’équilibre du régime de pensions est assuré par l’âge de la retraite et le taux de la contribution au régime. Lors de l’évaluation actuarielle quinquennale effectuée conformément à l’annexe XII [du statut], le taux de la contribution au régime de pensions est actualisé afin d’assurer l’équilibre du régime.
4. La Commission présente chaque année une version actualisée de l’évaluation actuarielle visée au paragraphe 3, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XII [du statut]. Lorsqu’il y est démontré un écart d’au moins 0,25 point entre le taux de contribution en vigueur et le taux nécessaire au maintien de l’équilibre actuariel, le taux est actualisé conformément aux modalités fixées à l’annexe XII [du statut]. »
11 Enfin, l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut dispose :
« Le fonctionnaire ayant accepté de transférer ses droits à pension en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII [du statut] avant le 1er mai 2004 peut demander un nouveau calcul de la bonification déjà obtenue dans le régime de pension des institutions de l’Union en application dudit article. Le nouveau calcul est fondé sur les paramètres en vigueur au moment de la bonification adaptés selon l’article 22 de la présente annexe. »
Faits à l’origine du litige
12 M. Frieberger est entré au service de l’Union européenne (alors des Communautés européennes) le 1er octobre 1997 en tant que fonctionnaire. Il a obtenu, le 21 mai 2001, le transfert des droits à pension qu’il avait constitués auprès du régime autrichien de pension vers le régime de pension de l’Union, et cela à concurrence de 1 an, 7 mois et 19 jours. Le 21 janvier 2005, le nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union a fait l’objet d’un nouveau calcul sur la base de
l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut et a été fixé à 1 an, 9 mois et 15 jours.
13 L’âge du droit à la pension d’ancienneté de M. Frieberger était, en outre, fixé à 62 ans et 4 mois en application de l’article 22 de l’annexe XIII du statut dans sa version antérieure au règlement no 1023/2013. À la suite de la modification de cet article par ledit règlement, l’âge de sa retraite est passé à 63 ans et 2 mois.
14 M. Vallin est, pour sa part, entré au service de l’Union le 1er avril 2009 en tant qu’agent contractuel auxiliaire. Il est devenu fonctionnaire le 1er mars 2012. Il n’a formé aucune demande de transfert de ses droits à pension antérieurement constitués dans un régime de pension national.
15 L’âge de la pension de M. Vallin était, en outre, fixé à 63 ans en application de l’article 52 du statut dans sa version antérieure au règlement no 1023/2013. À la suite de la modification de cet article par ledit règlement, l’âge de sa retraite est passé à 64 ans et 6 mois.
16 Depuis leur entrée en service, les requérants contribuent chaque mois au régime de pension de l’Union.
17 Le 9 décembre 2013, M. Vallin a introduit une demande, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir le remboursement d’une partie des contributions au régime de pension de l’Union prélevées sur sa rémunération. Cette demande a été rejetée par une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’« AIPN ») datée du 13 mars 2014 (ci-après la « décision du 13 mars 2014 »).
18 Le 17 décembre 2013, M. Frieberger a également introduit une demande, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir le remboursement d’une partie des contributions au régime de pension prélevées sur sa rémunération ainsi que la réévaluation de la bonification du transfert des droits à pension qu’il avait acquis avant son entrée en service de l’Union. Cette demande a été rejetée par l’AIPN le 26 mars 2014 (ci-après la « décision du 26 mars 2014 »).
19 M. Vallin a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le 11 juin 2014. M. Frieberger a fait de même le 23 juin suivant. L’AIPN a rejeté leurs réclamations respectives le 26 septembre 2014.
Conclusions des parties et procédure
20 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
— déclarer inapplicable l’article 22 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013 ;
— annuler les décisions des 13 et 26 mars 2014, ainsi que, pour autant que de besoin, les décisions du 26 septembre 2014 rejetant leurs réclamations ;
— condamner la Commission aux dépens.
21 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme non fondé ;
— condamner les requérants aux dépens.
22 Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 16 février 2015, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la troisième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par décision du 6 mars 2015.
23 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
24 Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 23 mars 2015, le Parlement européen a lui aussi demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la troisième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par décision du 13 avril 2015.
25 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— déclarer l’exception d’illégalité soulevée par les requérants contre l’article 22 de l’annexe XIII du statut non fondée ;
— rejeter le recours.
26 Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 6 mai 2015, MM. Philippe Colart et Edgar Kinzig, ainsi que Mme Sophie Pirot, tous trois fonctionnaires du Parlement, ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions des requérants. Le président de la troisième chambre du Tribunal a rejeté cette demande par ordonnance du 8 juin 2015.
27 Le rapport préparatoire d’audience a été communiqué aux parties le 10 septembre 2015. Par courrier du 29 septembre suivant, la Commission a communiqué une observation au Tribunal concernant ce rapport. Les autres parties ont été entendues à l’audience sur cette observation. Celle-ci est prise en considération dans le présent arrêt.
En droit
Sur le premier chef de conclusions, tendant à ce que l’article 22 de l’annexe XIII du statut soit déclaré inapplicable
28 Par leur premier chef de conclusions, les requérants demandent au Tribunal de déclarer inapplicable l’article 22 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013.
29 Il y a lieu de rappeler à cet égard que les chefs de conclusions déterminent l’objet du recours et précisent ainsi ce que les parties requérantes demandent au Tribunal de juger dans le dispositif de l’arrêt statuant sur leur recours.
30 Le premier chef de conclusions doit dès lors se comprendre comme une invitation faite au Tribunal de déclarer, dans le dispositif du présent arrêt, que l’article 22 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013, n’est pas applicable.
31 Or, si, dans le cadre d’une demande d’annulation d’un acte individuel faisant grief, le juge de l’Union est effectivement compétent pour constater incidemment l’illégalité d’une disposition de portée générale sur laquelle l’acte attaqué est fondé, le Tribunal n’est, en revanche, pas compétent pour opérer de telles constatations dans le dispositif de ses arrêts (arrêt du 21 octobre 2009, Ramaekers-Jørgensen/Commission,F‑74/08, EU:F:2009:142, point 37).
32 Le premier chef de conclusions doit dès lors être rejeté comme irrecevable.
Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à l’annulation des décisions des 13 et 26 mars 2014 et des décisions de rejet des réclamations du 26 septembre 2014
Sur l’objet du deuxième chef de conclusions
33 Les requérants demandent, outre l’annulation des décisions des 13 et 26 mars 2014, l’annulation, pour autant que de besoin, des décisions de l’AIPN du 26 septembre 2014 rejetant leurs réclamations.
34 Comme ils le relèvent cependant eux-mêmes, les décisions de rejet des réclamations sont en tous points similaires aux décisions des 13 et 26 mars 2014. Or, selon une jurisprudence constante, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable. En effet, la qualité d’acte faisant grief ne saurait être reconnue à
l’égard d’un acte purement confirmatif comme c’est le cas pour un acte qui, comme en l’espèce, ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur faisant grief (arrêt du 14 avril 2011, Šimonis/Commission,F‑113/07, EU:F:2011:44, point 35).
35 Il s’ensuit que les décisions du 26 septembre 2014 rejetant les réclamations des requérants ne constituent pas des actes faisant grief susceptibles de recours. Partant, le présent recours a uniquement pour effet de saisir le Tribunal des conclusions aux fins d’annulation des décisions des 13 et 26 mars 2014.
Sur les mérites du deuxième chef de conclusions
36 À l’appui de leur recours, les requérants :
— invoquent, en premier lieu, un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation découlant de l’article 296 TFUE, de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 25 du statut ;
— tirent, en deuxième lieu, un moyen de la violation des articles 83 et 83 bis du statut et de son annexe XII ;
— soulèvent, en troisième lieu, à l’encontre de l’article 22 de l’annexe XIII du statut, un moyen fondé sur une exception d’illégalité déduite, d’une part, de l’absence de mesures transitoires et, d’autre part, de la méconnaissance de l’article 27 de la Charte ;
— prennent, en quatrième lieu, un moyen tiré de la violation de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation
37 Les requérants reprochent à la Commission d’avoir violé son obligation de motivation dans la mesure où elle n’aurait pas donné une réponse « effective » à leurs réclamations en n’y répondant que par une décision « type » reprenant les motifs figurant déjà dans les réponses à leurs demandes, c’est-à-dire dans les décisions des 13 et 26 mars 2014.
38 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté, qu’il suffit qu’elle fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution et qu’il n’est pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences des dispositions sur lesquelles le moyen
est fondé doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 7 juillet 1999, British Steel/Commission,T‑89/96, EU:T:1999:136, point 149).
39 Il s’ensuit que l’administration n’a pas l’obligation de prendre position sur chacun des arguments avancés dans les réclamations. Par conséquent, lorsque l’AIPN, après examen d’une réclamation, considère que les motifs de l’acte initial, visé par la réclamation, sont, à la fois, bien fondés et suffisants pour répondre aux griefs avancés dans la réclamation, elle n’a pas de raison de s’écarter de cette motivation en lui en substituant une nouvelle. Elle peut, dès lors, dans cette hypothèse,
rejeter la réclamation en reprenant, dans la décision de rejet, les mêmes motifs que ceux figurant dans l’acte initial, sans qu’il puisse lui être reproché une violation de l’obligation de motivation (arrêt du 11 décembre 2014, Faita/CESE,T‑619/13 P, EU:T:2014:1057, point 32).
40 Par ailleurs, si les requérants allèguent avoir avancé dans leurs réclamations des arguments qui auraient nécessité, de la part de l’AIPN, une réponse allant au-delà de ce qui figure dans les décisions du 26 septembre 2014 rejetant leurs réclamations, ils n’expliquent ni quels étaient ces arguments ni pourquoi ils auraient nécessité une réponse spécifique (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Faita/CESE,T‑619/13 P, EU:T:2014:1057, point 33).
41 Enfin, le Tribunal constate que, en ce qui concerne tout au moins la demande commune aux requérants tendant au remboursement d’une partie de leurs contributions au régime de pension de l’Union, leurs réclamations étaient rédigées en des termes similaires. À l’audience, leur conseil a, au demeurant, mentionné que les réclamations avaient été introduites par les intéressés sur la base de modèles préétablis. Partant, les requérants sont singulièrement mal fondés à critiquer le caractère impersonnel
de la motivation des décisions du 26 septembre 2014 rejetant leurs réclamations. Dans la situation particulière de réclamations rédigées dans les mêmes termes, il ne peut, en effet, être fait grief à l’AIPN d’y répondre d’une manière standardisée. Cette manière de procéder est, au contraire, conforme au principe de bonne administration et garante d’une égalité de traitement entre réclamants.
42 Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 83 et 83 bis du statut et de son annexe XII
43 Après avoir rappelé que, selon l’article 83, paragraphe 2, du statut, les fonctionnaires ne doivent contribuer que pour un tiers au financement du régime de pension, les requérants exposent que le montant de leurs contributions audit régime a été calculé, avant l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, en fonction de l’âge légal de la retraite tel qu’il était alors prévu. Comme le relèvement de cet âge par ledit règlement a pour effet d’allonger la période durant laquelle ils sont appelés à
cotiser au régime de pension, les requérants estiment que leurs contributions excèdent la limite du tiers fixée par l’article 83, paragraphe 2, du statut. L’administration serait dès lors tenue de leur rembourser le montant payé en trop par le passé, sur la base des principes que le Tribunal de première instance des Communautés européennes aurait reconnus dans l’arrêt du 10 novembre 1999, Kristensen e.a./Conseil (T‑103/98, T‑104/98, T‑107/98, T‑113/98 et T‑118/98, EU:T:1999:289, ci-après
l’« arrêt Kristensen e.a./Conseil »).
44 Les requérants fondent leur argumentation sur la prémisse selon laquelle il existerait un lien direct entre le taux de contribution des fonctionnaires au régime de pension et l’âge de la retraite.
45 À cet égard, il importe en premier lieu de relever que la règle inscrite à l’article 83, paragraphe 2, du statut, selon laquelle les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement du régime de pension, doit être lue à la lumière de l’article 83 bis, paragraphes 1, 3 et 4, du statut qui impose l’équilibre de ce régime et la vérification de cet équilibre sur la base d’une évaluation actuarielle quinquennale actualisée chaque année, conformément à l’annexe XII du statut, portant
dispositions d’exécution de l’article 83 bis du statut. Dans ces conditions, comme le Tribunal l’a constaté dans son arrêt du 11 juillet 2007, Wils/Parlement (F‑105/05, EU:F:2007:128, ci-après l’« arrêt Wils/Parlement », points 85 et 86), le régime de pension est en équilibre, au sens actuariel de l’annexe XII du statut, si le niveau des contributions à payer chaque année par les fonctionnaires en activité permet de financer le tiers du montant futur des droits que ces fonctionnaires ont acquis
au cours de la même année. L’approche actuarielle retenue par le législateur repose ainsi sur un financement du régime de pension sur le long terme (arrêt Wils/Parlement, point 85). À cette fin, le législateur a pris en compte, ainsi que cela sera exposé ci-dessous, une série d’hypothèses actuarielles.
46 Il s’ensuit que les contributions des fonctionnaires à concurrence d’un tiers de la somme nécessaire au financement du régime de pension doit se comprendre dans la perspective actuarielle susmentionnée et sur le long terme, de sorte que des distorsions de valorisation ne peuvent être exclues.
47 En deuxième lieu, il ressort, il est vrai, de l’article 83 bis, paragraphe 3, du statut que l’équilibre actuariel du régime de pension est assuré par deux éléments, l’âge de la retraite et le taux de contribution des fonctionnaires à ce régime. En effet, si les contributions au régime de pension concourent à assurer son équilibre en ce qu’elles le financent directement, un effet analogue est attendu du relèvement de l’âge légal de la retraite, dans la mesure où il se traduit, en principe, par une
intervention différée dans le temps de ce régime.
48 Ce constat n’est toutefois pas suffisant pour conclure que, par un mécanisme de compensation direct, un relèvement de l’âge légal de la retraite devrait nécessairement conduire à une réduction du taux de contribution des fonctionnaires pour le passé comme le postulent les requérants.
49 En effet, il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe XII du statut que le taux de contribution des fonctionnaires au régime de pension doit être tel que la contribution des fonctionnaires soit suffisante pour financer le tiers du coût dudit régime au sens actuariel rappelé au point 45 ci-dessus, c’est-à-dire sur le long terme. Toujours en vertu de l’article 1er de l’annexe XII du statut, la détermination de la contribution des fonctionnaires au régime de pension procède, plus
précisément, de l’évaluation actuarielle quinquennale complétée par l’actualisation annuelle, toutes deux prévues par l’article 83 bis, paragraphes 3 et 4, du statut. Or, cette évaluation actuarielle quinquennale et son actualisation annuelle reposent sur un certain nombre de paramètres fixés à l’annexe XII du statut.
50 Un premier paramètre entrant dans le calcul de la contribution des fonctionnaires est constitué par l’« évolution démographique », telle que mentionnée à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XII du statut. Cette évolution est elle-même déterminée par l’observation de la population constituée par les affiliés du régime de pension, ainsi que cela ressort de l’article 9 de la même annexe. Selon cet article, l’évolution démographique est, plus précisément, déduite de la structure de cette
population et de l’âge moyen du départ à la retraite. La structure de la population doit, elle-même, être appréciée au vu de la table de mortalité, de l’espérance de vie, du taux d’invalidité et de la répartition par sexe de la population. Quant à l’âge moyen de départ à la retraite, celui-ci se distingue de l’âge légal de la retraite, sur le relèvement duquel les requérants fondent leur prétention, et sa prise en compte s’explique par le fait qu’il détermine plus la charge réelle des pensions
que ce dernier.
51 Un deuxième paramètre entrant dans la détermination de la contribution des fonctionnaires est formé par l’évolution du traitement de base de chacun d’eux jusqu’à l’« âge théorique de la retraite » (articles 4 et 6 de l’annexe XII du statut). Ce paramètre implique donc de procéder à une estimation de la valeur future du traitement de base du fonctionnaire en service (voir, en ce sens, arrêt Wils/Parlement, point 86) en prenant en considération la projection de ce traitement à l’âge de la retraite
(article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de l’annexe XII du statut). À cet égard, il importe de souligner que, si l’âge légal de la retraite est à prendre en considération, des éléments comme la possibilité de rester en service après avoir atteint cet âge ou de cesser toute fonction avant de l’avoir atteint sont également pris en compte, comme le confirme indirectement l’article 6, paragraphe 4, de l’annexe XII du statut. Il s’ensuit, en définitive, comme le relève la Commission, que l’« âge
théorique de la retraite » ici pris en considération est une valeur agrégée.
52 Un troisième paramètre entrant dans la détermination de la contribution des fonctionnaires résulte des taux d’intérêt évalués conformément à l’article 10 de l’annexe XII du statut et un quatrième élément découle, conformément à l’article 11 de la même annexe, du taux de variation annuelle du barème des traitements des fonctionnaires, correspondant à la moyenne sur trente années d’indicateurs spécifiques visés à l’annexe XI du statut.
53 Il apparaît ainsi que l’âge légal de la retraite, que l’article 22 de l’annexe XIII du statut dans sa version résultant du règlement no 1023/2013 fixe en fonction de l’âge de chaque fonctionnaire au 1er mai 2014, est un élément qui interagit avec des estimations de la valeur future de plusieurs paramètres (taux d’intérêt, mortalité, progression salariale, etc.) dans l’évaluation de l’équilibre actuariel du régime de pension de l’Union et donc dans la détermination de la contribution que chaque
fonctionnaire est tenu de verser à ce régime pour assurer le tiers de cet équilibre.
54 Le taux de contribution des fonctionnaires au régime de pension de l’Union peut ainsi connaître une évolution indépendamment de l’âge légal de la retraite comme en témoignent, au demeurant, le règlement no 1240/2010 et le règlement (UE) no 1415/2013 du Conseil, du 17 décembre 2013, adaptant, à partir du 1er juillet 2013, le taux de la contribution au régime de pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne (JO L 353, p. 23).
55 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que les requérants, qui ont fait part de leur intention de faire valoir leur droit à la pension d’ancienneté à l’âge légal de la retraite, n’ont pas établi qu’il existerait une corrélation fixe et immédiate entre cet âge et les contributions versées par chaque fonctionnaire à un moment donné. D’ailleurs, les requérants n’ont apporté aucun élément tendant à prouver qu’ils ont versé une contribution excédant réellement le tiers du financement
nécessaire à l’équilibre du régime de pension de l’Union au sens actuariel rappelé ci-dessus.
56 En troisième lieu, il découle du libellé même de l’article 83, paragraphe 2, du statut que « [l]es fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement [du] régime de pensions [de l’Union européenne] », et non pas que « chaque fonctionnaire » contribue au financement de sa pension individuelle. De plus, il ressort des articles 2 et 3 de l’annexe VIII du statut que les droits à pension sont constitués non pas sur la base des contributions effectivement payées au régime de pension, mais en
considération des années de service. Ces dispositions, lues ensemble avec l’article 83, paragraphe 1, du statut, selon lequel le paiement des prestations prévues au titre du régime de pension constitue une charge du budget, établissent que ledit régime est organisé sur la base du principe de solidarité (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission,T‑135/05, EU:T:2006:366, point 134) et qu’il n’est pas conçu en ce sens que la pension perçue par un fonctionnaire constituerait une
contrepartie exacte de ses contributions versées, avec cette conséquence que celui-ci aurait droit au remboursement de la part de ses contributions non bonifiées en droits à pension.
57 En d’autres termes, les contributions versées par chaque fonctionnaire n’ouvrent pas un droit individuel à une pension représentant leur contrevaleur exacte et à un remboursement pour le surplus éventuel (voir, en ce sens, arrêt Kristensen e.a./Conseil, point 39).
58 En quatrième lieu, il importe de relever que, comme l’a observé le Tribunal au point 158 de son arrêt Wils/Parlement, le statut ne comporte aucune disposition prévoyant le recouvrement des éventuelles différences positives ou négatives dues à des inadéquations du taux de contribution au régime de pension dans le passé. Il ressort au contraire de l’article 83 bis, paragraphes 3 et 4, du statut que le taux de contribution est seulement adapté pour le futur, à compter du 1er juillet de chaque année,
conformément à l’article 2 de l’annexe XII du statut, au vu des évaluations actuarielles quinquennales et, le cas échéant, des actualisations annuelles.
59 Dans ce contexte, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir méconnu les articles 83 et 83 bis du statut en refusant de rembourser aux requérants ce qu’ils avaient, à titre personnel, prétendument trop versé au régime de pension de l’Union avant l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013.
60 La conclusion qui précède n’est pas infirmée par l’arrêt Kristensen e.a./Conseil que les requérants invoquent dans leur requête.
61 Il est vrai que le Tribunal de première instance, après avoir jugé dans cet arrêt qu’il découle notamment de l’article 83 du statut que chaque fonctionnaire ne récupère pas toujours la contre-valeur exacte de ses contributions au régime de pension, a aussi jugé que les institutions ne sauraient pour autant exiger, sur le seul fondement du principe de solidarité, que l’excédent pécuniaire, qui peut éventuellement résulter du transfert des droits à pension acquis dans le cadre d’un régime de
pension national, soit versé au budget de l’Union (arrêt Kristensen e.a./Conseil, point 39).
62 Cette dernière précision ne saurait toutefois conduire à considérer, de manière générale, que les institutions auraient l’obligation de rembourser à chaque fonctionnaire les sommes versées au titre de leur contribution au régime de pension qui ne lui seraient pas bonifiées.
63 En effet, la procédure de transfert des droits à pension en cause dans l’arrêt Kristensen e.a./Conseil est régie par une disposition spécifique, à savoir l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, relative aux modalités du régime de pension. Cette disposition a pour objet, d’une part, de conserver, au profit du fonctionnaire concerné, et dans l’ordre juridique d’origine, le montant des droits à pension qu’il a acquis dans le régime de pension correspondant et, d’autre part, d’assurer
dans l’ordre juridique de l’Union, et sous réserve de la réalisation de certaines conditions supplémentaires, la prise en compte de ces droits dans le régime de pension de l’Union (arrêt du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette, T‑90/07 P et T‑99/07 P, EU:T:2008:605, point 91). En substance, le transfert en question tend à transformer en annuités de service dans le régime de pension de l’Union les droits à pension que le fonctionnaire a constitués par le paiement au régime national de
ses propres cotisations sociales. Le régime du transfert des droits à pension vers le régime de pension de l’Union repose donc, pour chaque fonctionnaire à titre individuel, sur la transformation de ses droits personnels à pension nationaux préalablement capitalisés.
64 Le cadre juridique dans lequel a été rendu l’arrêt Kristensen e.a./Conseil est ainsi différent de celui applicable au régime de pension de l’Union comme tel. Il ne peut donc en être déduit à charge de l’Union une obligation de rembourser la part des contributions des requérants qui excéderait le tiers du financement de ce régime.
65 Le deuxième moyen n’est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, déduit d’une exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 22 de l’annexe XIII du statut
66 Les requérants soutiennent que l’article 22 de l’annexe XIII du statut serait illégal en l’absence de mesures transitoires et parce qu’il aurait été adopté en méconnaissance de l’article 27 de la Charte. L’exception d’illégalité doit cependant se comprendre comme étant dirigée contre l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 qui a remplacé l’article 22 du statut en vigueur avant ledit règlement par la disposition critiquée. En outre, l’exception d’illégalité doit être
regardée comme comportant deux branches.
– Sur la première branche de l’exception d’illégalité, tirée de l’absence de mesures transitoires
67 Les requérants font valoir, comme dans le deuxième moyen, que, selon l’article 83, paragraphe 2, du statut, les fonctionnaires contribuent uniquement pour un tiers au financement du régime de pension. Jusqu’à la prise d’effet du règlement no 1023/2013, ils auraient versé à ce régime des contributions calculées en fonction, notamment, de la longueur de leur carrière déterminée par l’âge légal de la retraite prévu à cette époque. Or, en remplaçant l’article 22 du statut alors en vigueur,
l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 aurait relevé cet âge, faisant ainsi passer l’âge légal de la retraite de M. Frieberger de 62 ans et 4 mois à 63 ans et 2 mois et celui de M. Vallin de 63 ans à 64 ans et 6 mois. Ce relèvement de l’âge légal de la retraite aurait pour conséquence qu’ils verseront plus longtemps des contributions au régime de pension. Par conséquent, lorsqu’il a adopté l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013, le législateur
aurait dû prévoir des mesures transitoires permettant de leur rembourser ce qu’ils avaient versé en trop audit régime. Il en irait d’autant plus ainsi que le législateur aurait constaté, dans les considérants 14 et 15 du règlement no 1023/2013, que des mesures transitoires étaient nécessaires au respect des droits acquis des fonctionnaires qui ont déjà contribué au fonds de pension. Or, les mesures transitoires existantes, à savoir l’instauration d’une majoration de la pension d’ancienneté pour
ceux qui travaillent au-delà de l’âge légal de la retraite et la réduction de la pénalité prévue en cas de départ anticipé à la retraite, ne compenseraient pas le trop versé des fonctionnaires qui, comme les requérants, souhaitent partir à l’âge légal de la retraite. Par conséquent, en ne prévoyant pas de mesures transitoires applicables à la situation des requérants, l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 serait illégal et ne pourrait constituer le fondement des
décisions des 13 et 26 mars 2014.
68 À l’instar de la Commission et des parties intervenantes, force est de constater que, en fondant l’exception d’illégalité sur l’absence de mesures transitoires adéquates qui auraient dû, par hypothèse, compléter l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013, les requérants n’ont pas clairement indiqué quelle règle ou quel principe général aurait été violé. En effet, les requérants ont conçu toute leur argumentation sur les considérants 14 et 15 du préambule du règlement
no 1023/2013 et sur l’intention du législateur que ceux-ci exprimeraient. Lors de l’audience, les requérants ont précisé que les considérants sont essentiels à la compréhension d’un règlement, qu’au considérant 15 du règlement no 1023/2013 le législateur a reconnu que le régime de pension de l’Union était en situation d’équilibre actuariel, que cet équilibre devait être maintenu à court et à long terme, mais aussi que le personnel recruté avant le 1er janvier 2014 devait obtenir une compensation
pour ses contributions au régime de pension au moyen de mesures transitoires. Les requérants ont ajouté que les mesures transitoires mentionnées dans ledit considérant et consistant en l’instauration d’une majoration de la pension d’ancienneté pour ceux qui travaillent au-delà de l’âge légal de la retraite et en la réduction de la pénalité prévue en cas de départ anticipé ne figuraient dans le préambule qu’à titre d’exemple. Ils en ont conclu que le législateur aurait dû compléter l’article 1er,
paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 par d’autres mesures transitoires permettant le remboursement de ce qu’ils avaient versé en trop au régime de pension de l’Union au cours des années précédentes.
69 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la fonction du préambule d’un acte de portée générale consiste à le motiver en indiquant, en règle, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux que celui-ci se propose d’atteindre. Partant, le préambule d’un tel acte n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné (arrêt du 19 novembre 1998, Nilsson e.a.,C‑162/97,
EU:C:1998:554, point 54) ni, a fortiori, pour en fonder l’illégalité.
70 Il y a également lieu de rappeler que l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, entré en vigueur le 1er octobre 2014 et donc applicable à la requête introduite le 9 janvier 2015, a remplacé l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure applicable jusqu’au 30 septembre 2014. L’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure dispose désormais que la requête doit contenir « un exposé distinct, précis et structuré des moyens et arguments de droit
invoqués ». L’objectif poursuivi par cette modification a consisté notamment à renforcer l’obligation, pour les requérants, de présenter clairement leurs moyens en exigeant que ceux-ci reposent sur une identification précise de leur fondement juridique, que l’argumentation présentée sous chaque moyen soit exclusivement en rapport avec ce fondement et que chacun des moyens soit strictement distingué des autres, cela dans l’intérêt de tous les acteurs judiciaires, justiciables, avocats, agents et
magistrats (arrêt du 30 juin 2015, Petsch/Commission,F‑124/14, EU:F:2015:69, point 21).
71 Au vu de ce qui précède, l’exception d’illégalité soulevée doit être déclarée irrecevable.
72 Dans l’hypothèse où une lecture bienveillante de la requête devrait toutefois être retenue, il conviendrait tout au plus de considérer que les requérants fondent leur exception d’illégalité sur une violation des droits acquis. Au vu d’une telle lecture, les requérants semblent en effet baser leur exception d’illégalité sur la circonstance que, en vertu de l’article 83, paragraphe 2, du statut selon lequel les fonctionnaires contribuent uniquement pour un tiers au financement du régime de pension
de l’Union, leurs contributions au régime de pension antérieures à la réforme issue du règlement no 1023/2013 leur auraient fait acquérir un droit à une pension d’ancienneté calculée à due concurrence de ces contributions. Or, ce droit acquis à une pension calculée sur la base de ces contributions aurait été méconnu par le relèvement de l’âge légal de la retraite, dans la mesure où celui-ci les contraindrait à cotiser plus longtemps au régime de pension sans augmentation corrélative de leurs
droits à pension et sans qu’une mesure transitoire leur permette d’obtenir le remboursement des sommes trop perçues de leur part par le régime de pension.
73 Le Tribunal a cependant déjà exposé, au point 56 du présent arrêt, que le régime de pension de l’Union est organisé sur la base du principe de solidarité et qu’il n’est pas conçu en ce sens que la pension perçue par un fonctionnaire constituerait une contrepartie exacte de ses contributions audit régime. Il s’ensuit que les contributions de chaque fonctionnaire ne créent pas, dans le chef de chacun d’eux, un droit individuel, acquis actuellement, à une contrepartie précise sous la forme d’une
pension et à un remboursement pour le surplus éventuel.
74 Dans la même perspective, il convient de rappeler, ainsi que cela a été exposé au point 45 du présent arrêt, que l’équilibre du régime de pension de l’Union, auquel les fonctionnaires ne doivent contribuer que pour un tiers, est un équilibre actuariel et que cet équilibre est atteint si le niveau des contributions à payer chaque année par les fonctionnaires en activité permet de financer le tiers du montant futur des droits que ces fonctionnaires ont acquis au cours de la même année compte tenu
d’un ensemble d’hypothèses actuarielles. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient prétendre avoir acquis, par leurs contributions au régime de pension antérieures à la réforme issue du règlement no 1023/2013, des droits à pension insusceptibles d’être affectés, sans contrepartie, par le relèvement de l’âge légal de la retraite.
75 De surcroît, il convient d’observer que l’argumentation des requérants, telle que le Tribunal l’a comprise au point 72 ci-dessus, revient à prétendre que les droits à pension, que ceux-ci auraient acquis à due concurrence de leurs contributions au titre du régime de pension antérieures à la réforme issue du règlement no 1023/2013, auraient été réduits par l’effet dudit règlement en ce que celui-ci contraindrait les intéressés à cotiser plus longtemps et sans compensation pour des droits à pension
inchangés.
76 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’un fonctionnaire ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de son droit s’est produit sous l’empire d’un régime statutaire antérieur à la modification qui a été apportée à ce régime et qu’il conteste par son recours (arrêt du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission,T‑58/05, EU:T:2007:218, point 58, confirmé par l’arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission,C‑443/07 P, EU:C:2008:767, point 63). Il
importe aussi de relever que, en vertu de l’article 77 du statut et de l’article 22 de l’annexe XIII de celui-ci dans leur version antérieure au règlement no 1023/2013, un fonctionnaire, pour pouvoir prendre sa retraite sans réduction des prestations, devait avoir atteint un âge allant de 60 à 63 ans en fonction de son âge au 1er mai 2004.
77 Il s’ensuit que, avant la réforme issue du règlement no 1023/2013, pour pouvoir se prévaloir d’un droit acquis à une pension d’ancienneté sans réduction des prestations, il fallait que le fait générateur de ce droit se soit produit sous l’empire du statut dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur dudit règlement, ce fait générateur étant d’avoir atteint l’âge légal de la retraite fixé, à titre déjà transitoire en ce qui concerne les requérants, par l’article 22 de l’annexe XIII du statut.
Par conséquent, les requérants, qui n’avaient pas atteint cet âge, à savoir respectivement l’âge de 62 ans et 4 mois et l’âge de 63 ans, à la date du 1er janvier 2014, date d’entrée en application du règlement no 1023/2013, ne détenaient à cette date qu’un droit en cours d’acquisition et nullement un droit acquis à une pension sans réduction des prestations (sur le fait que, avant le départ à la retraite, les droits à pension ne sont qu’en cours d’acquisition, voir arrêt du 11 décembre 2013,
Andres e.a./BCE,F‑15/10, EU:F:2013:194, point 387, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑129/14 P).
78 Par voie de conséquence, les contributions versées par les requérants au régime de pension de l’Union avant la réforme issue du règlement no 1023/2013 ne sauraient avoir constitué, dans leur chef, un droit acquis à une pension calculée à due concurrence de ces contributions qui ne pourrait être affecté par le relèvement de l’âge légal de la retraite. Dès lors, ce relèvement ne devait pas être assorti d’une mesure transitoire, complémentaire à celles déjà prévues, compensant la prétendue atteinte
à ce droit.
79 Il découle de ce qui précède que, même lue avec bienveillance, l’exception d’illégalité en tant que soulevant la violation des droits acquis doit être rejetée.
80 Par ailleurs, durant l’audience, les requérants ont invoqué l’arrêt Wils/Parlement, très précisément le point 73 de cet arrêt, et ont plaidé que, la matière des pensions étant un domaine dans lequel le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les traités lui attribuent, le Tribunal est compétent pour exercer un contrôle de proportionnalité, même si celui-ci est limité à l’examen du seul caractère manifestement inapproprié de la mesure
en cause par rapport à l’objectif poursuivi.
81 À supposer qu’il faille voir un grief dans cet argument, force serait de constater que les requérants n’ont pas fondé, dans la requête, leur exception d’illégalité sur le principe de proportionnalité. Or, l’article 56, paragraphe 1, du règlement de procédure interdit la production de moyens nouveaux après le premier échange de mémoires, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments qui se sont révélés pendant la procédure. En l’absence de tels éléments, l’argument susmentionné, soulevé pour la
première fois à l’audience, constitue un nouveau moyen qui a été invoqué tardivement et qui est dès lors irrecevable.
82 En tout état de cause, les requérants n’ont pas démontré que la disposition transitoire que constituait en lui-même l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013, en ce qu’il prévoit l’augmentation progressive de l’âge de la retraite pour les fonctionnaires entrés en service avant le 1er janvier 2014 et qui ont contribué au régime de pension de l’Union, était manifestement inappropriée par rapport à l’objectif poursuivi par le législateur de maintenir l’équilibre actuariel du
régime de pension à long terme en tenant compte, à cet égard, de l’évolution démographique et de la modification de la structure par âge de la population des fonctionnaires et agents de l’Union européenne.
83 Enfin, toujours durant l’audience, les requérants ont comparé leur situation à celle des anciens agents temporaires devenus fonctionnaires après le 1er mai 2004, lesquels, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, auraient droit, au moment de leur départ à la retraite, à un nouveau calcul de leurs droits à pension pour tenir compte, au vu du relèvement de l’âge légal de la retraite, de la part excédentaire de leurs contributions comme agent temporaire au régime de
pension. Sur la base de cette comparaison, les requérants ont fait valoir que, à défaut de mesures transitoires applicables à leur situation, l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 serait discriminatoire et devrait être écarté.
84 Cependant, force est de constater que, dans la requête introductive d’instance, les requérants n’ont pas fondé leur exception d’illégalité sur le principe de non-discrimination. Aussi, pour les motifs déjà exposés au point 81, le grief doit être jugé irrecevable (arrêt du 8 mai 2003, Josanne e.a./Commission,T‑82/01, EU:T:2003:137, point 69).
85 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la première branche de l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 doit être rejetée.
– Sur la seconde branche de l’exception d’illégalité, tirée de la violation de l’article 27 de la Charte
86 Les requérants font valoir que l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013 aurait dû faire l’objet d’une consultation préalable de « leurs représentants ». À défaut, le nouvel article 22 de l’annexe XIII du statut, introduit par cette disposition, violerait l’article 27 de la Charte et ne pourrait servir de fondement aux décisions des 13 et 26 mars 2014.
87 Il convient de relever, à cet égard, que l’article 27 de la Charte, intitulé « Droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise », prévoit que les travailleurs doivent se voir garantir, à différents niveaux, une information et une consultation dans les cas et les conditions prévus par le droit de l’Union ainsi que par les législations et pratiques nationales. Il ressort donc clairement de son libellé que, afin que cet article produise pleinement ses effets, il
doit être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national (arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale,C‑176/12, EU:C:2014:2, points 44 et 45). Il s’ensuit que, du point de vue de la procédure devant le Tribunal, l’article 27 de la Charte ne peut, à lui seul, fonder un grief. De plus, et ainsi que cela a déjà été exposé au point 70 du présent arrêt, l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure exige que les moyens reposent sur une
identification précise de leur fondement juridique.
88 Au vu de ce qui précède, il ne saurait être fait droit à la seconde branche de l’exception d’illégalité soulevée par les requérants. En effet, ceux-ci basent exclusivement cette exception sur l’article 27 de la Charte, sans mentionner une autre disposition du droit de l’Union venant le compléter, alors, de surcroît, que cette autre disposition aurait permis de déterminer s’ils visent un défaut de consultation des organisations syndicales et professionnelles ou une prétendue absence de saisine du
comité du statut.
89 Il s’ensuit que la seconde branche de l’exception d’illégalité soulevée par les requérants à l’encontre de l’article 1er, paragraphe 73, sous g), du règlement no 1023/2013, et donc à l’encontre de l’article 22 de l’annexe XIII du statut dans sa version issue dudit règlement, doit, elle aussi, être rejetée. Par suite, il en va de même de l’exception d’illégalité dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut
90 Les requérants exposent, pour commencer, que les droits à pension qu’ils avaient acquis avant leur entrée au service des institutions ont été transférés et convertis en annuités de pension dans le régime de pension de l’Union sur la base de paramètres tenant compte de l’âge légal de la retraite tel qu’il était fixé avant l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut […] ainsi que le régime applicable aux autres agents
de[s] Communautés [européennes] (JO L 124, p. 1, ci-après la « réforme de 2004 »). Ils exposent également avoir obtenu un nouveau calcul de la bonification de leurs droits à pension ainsi transférés en application de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut au vu du relèvement de l’âge de la retraite opéré par cette réforme. Ils font ensuite valoir qu’en relevant encore l’âge légal de la retraite par la modification apportée à l’article 22 de l’annexe XIII du statut le règlement
no 1023/2013 aurait de nouveau modifié les paramètres pris en compte pour la bonification des droits à pension transférés, avec cette conséquence que leurs droits à pension bonifiés avant ledit règlement l’auraient été sur une base moins avantageuse que celle à laquelle ils pourraient prétendre sur la base du nouvel âge légal de la retraite. Les requérants estiment dès lors qu’en refusant de procéder à une nouvelle revalorisation de la bonification des droits à pension qu’ils avaient acquis avant
leur entrée en service auprès des institutions et qu’ils avaient transférés au régime de pension de l’Union, sans motiver ce refus, l’AIPN aurait méconnu l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, car celui-ci offrirait précisément à tout fonctionnaire ayant procédé, avant le 1er mai 2004, à un transfert de ses droits à pension la possibilité de demander et d’obtenir une revalorisation tenant compte des nouveaux paramètres en la matière.
91 En réponse à une question posée par le Tribunal durant l’audience, le conseil des requérants a déclaré que le présent moyen n’avait été soulevé que par M. Frieberger. La requête a, toutefois, été introduite au nom des deux requérants. Il apparaît cependant que M. Vallin n’a pas demandé le transfert de ses droits à pension vers le régime de pension de l’Union. A fortiori, il n’a pas demandé de revalorisation de ses droits à pension transférés et la Commission ne s’est pas prononcée sur cette
question dans sa décision du 13 mars 2014. Il s’ensuit que les conclusions imputables à M. Vallin et tendant à l’annulation de la décision du 13 mars 2014 sont dépourvues d’objet, en ce que cette décision aurait prétendument rejeté une demande visant à obtenir un nouveau calcul de la bonification des droits à pension transférés au régime de l’Union. Dans cette mesure, il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur ces conclusions. Par voie de conséquence, le présent moyen étant dirigé contre ce
prétendu rejet, il n’y a pas davantage lieu de l’examiner en tant qu’il est invoqué par M. Vallin.
92 Par ailleurs, il convient de relever que M. Frieberger fonde explicitement son moyen sur l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut et que les développements de celui-ci reposent sur cette disposition. Il est vrai que, au terme de ces développements, M. Frieberger écrit que « [l]’AIPN a […] rejeté [sa] demande en violation de l’article 26[, paragraphe] 5, de l’annexe XIII du statut sans motiver sa décision ». Il y a toutefois lieu de considérer que cette référence à la motivation de
cette décision n’est qu’une disgression que l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure a pour objet de proscrire. Contrairement à ce que soutient la Commission, il convient, par conséquent, d’examiner le quatrième moyen exclusivement en tant qu’il conteste la légalité interne de la décision attaquée par M. Frieberger, en l’espèce celle du 26 mars 2014.
93 Cela étant précisé, il importe d’observer que, selon l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, les fonctionnaires ayant accepté de transférer leurs droits à pension vers le régime de pension de l’Union en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut avant le 1er mai 2004 peuvent demander un nouveau calcul de la bonification déjà obtenue de leurs droits à pension pour tenir compte des dispositions de l’article 22 de l’annexe XIII du statut, c’est-à-dire pour
tenir compte du relèvement de l’âge légal de leur retraite. Aucune limitation dans le temps n’est prévue à cet égard.
94 La Commission fait néanmoins valoir que l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut concerne les fonctionnaires ayant accepté de transférer leurs droits à pension en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Elle fait observer que, en vertu du troisième alinéa de cette dernière disposition, les fonctionnaires ne peuvent faire usage qu’« une seule fois » de la faculté de demander le transfert de leurs droits à pension. Elle en déduit que les fonctionnaires
ne peuvent aussi demander qu’une seule fois la revalorisation de la bonification de leurs droits transférés, et non une seconde fois comme chercherait à l’obtenir M. Frieberger.
95 Toutefois, l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut n’organise pas un transfert des droits à pension, mais seulement un « nouveau calcul de la bonification » desdits droits consécutive à leur transfert. Partant, une seconde revalorisation de la bonification des droits à pension de M. Frieberger ne constituerait pas un nouveau transfert de ses droits à pension.
96 La Commission prétend aussi que la référence faite par l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut à l’acceptation du transfert des droits à pension avant le 1er mai 2004 démontrerait que cette disposition constitue une mesure transitoire qui aurait seulement été applicable à la situation créée par la réforme de 2004. Cependant, cette disposition, telle qu’elle est libellée, permet son application à la situation de tout fonctionnaire, tel le requérant, qui était en fonction tant lors
de la réforme de 2004 que lors de l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013.
97 Par conséquent, rien, dans le libellé de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut, ne s’oppose à ce que, après une première revalorisation de la bonification de ses droits à pension consécutive à la réforme de 2004, un fonctionnaire obtienne une seconde revalorisation tenant compte de la modification de l’article 22 de l’annexe XIII du statut par le règlement no 1023/2013 qui a de nouveau relevé l’âge légal de la retraite.
98 Par ailleurs, le maintien en vigueur de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut n’apparaît pas pouvoir se justifier par la seule circonstance que, à défaut de délai pour introduire une demande de revalorisation de la bonification des droits à pension transférés, des fonctionnaires pourraient encore la demander au vu du relèvement de l’âge de la retraite opéré par la réforme de 2004. En effet, conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de délai expressément prévu, une
demande doit être introduite dans un délai raisonnable, tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2013, BU/EMA,F‑135/11, F‑51/12 et F‑110/12, EU:F:2013:93, point 24, ainsi que la jurisprudence citée). De surcroît, le conseil de M. Frieberger a affirmé, lors de l’audience, que l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) avait procédé d’office à toutes les revalorisations des bonifications des droits à pension transférés dès
l’entrée en vigueur de la réforme de 2004, sans qu’il y ait eu de demande introduite. Une note du21 janvier 2005, adressée par le PMO à l’intéressé et opérant le nouveau calcul de la bonification de ses droits à pension transférés à la suite de la réforme de 2004, corrobore cette affirmation comme l’a concédé la Commission. De surcroît, toujours au cours de l’audience, le Conseil a été d’avis que l’administration avait effectivement opéré d’office l’ajustement en question et la Commission s’est
limitée à évoquer, sans l’étayer, l’éventualité que certains fonctionnaires n’en aient pas bénéficié en raison d’une position administrative particulière. En toute hypothèse, si l’intention du législateur avait été de limiter l’application de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut à cette situation résiduaire, il lui était loisible d’adapter le texte lors de l’adoption du règlement no 1023/2013. Or l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut n’a pas été modifié par le
règlement no 1023/2013.
99 De manière générale, il ne se comprendrait d’ailleurs pas que le législateur ait modifié de nombreuses dispositions de l’annexe XIII du statut, afin de tenir compte des changements apportés par le règlement no 1023/2013, sans en modifier l’article 26, paragraphe 5, s’il avait estimé que celui-ci ne devait pas s’appliquer au vu du nouveau relèvement de l’âge légal de la retraite.
100 Il est vrai que l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut constitue une mesure transitoire qui puise incontestablement son origine dans les modifications introduites par la réforme de 2004. Plus précisément, le Tribunal a observé, dans son arrêt du 14 novembre 2006, Villa e.a./Parlement (F‑4/06, EU:F:2006:114, points 32 et 33), que, lors de la réforme de 2004, le règlement no 723/2004 avait introduit l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut afin d’ouvrir la possibilité
aux fonctionnaires concernés de demander un nouveau calcul de la bonification déjà obtenue lors du transfert vers le régime de pension de l’Union de leurs droits à pension antérieurement acquis, parce que le relèvement de l’âge légal de la retraite, résultant de ladite réforme, avait une incidence sur la valeur actuarielle du montant des droits à pension transférés.
101 Toutefois, même si la modification de l’article 22 de l’annexe XIII du statut par le règlement no 1023/2013 conduit à un nouveau relèvement de l’âge légal de la retraite moins important que celui opéré par l’introduction dudit article lors de la réforme de 2004, l’application de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut au vu de ce nouveau relèvement demeure en accord avec sa ratio legis. Le maintien en vigueur de cette dernière disposition dans des termes inchangés peut ainsi être
regardé comme étant l’expression de l’intention du législateur de laisser celle-ci s’appliquer au nouveau régime. Dans ce contexte, l’application de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut dans le cadre de la réforme issue du règlement no 1023/2013 ne méconnaîtrait pas le caractère transitoire de cette disposition.
102 La Commission a certes fait valoir que, jusqu’à la réforme de 2004, le transfert des droits à pension pouvait s’opérer, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, soit selon la méthode dite de « l’équivalent actuariel » soit selon la méthode dite du « forfait de rachat » et que l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut avait été introduit dans le statut lors de cette réforme afin de tenir compte de la suppression de cette dernière méthode. Toutefois,
l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut n’est pas limité aux fonctionnaires qui avaient opté pour un transfert des droits à pension selon la méthode du forfait de rachat. Il ne saurait, dès lors, être considéré que cette disposition se justifierait exclusivement par la disparition de ladite méthode et que son application au vu du relèvement de l’âge de la retraite par la réforme issue du règlement no 1023/2013 serait en conséquence exclue.
103 Enfin, il découle assurément de la jurisprudence qu’une disposition transitoire doit faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêts du 28 octobre 2010, Commission/Pologne,C‑49/09, EU:C:2010:644, point 41 ; du 28 février 2012, Commission/France,C‑119/11, EU:C:2012:104, point 29 ; ordonnance du 13 décembre 2012, Mische/Commission,T‑641/11 P, EU:T:2012:695, point 45, et arrêt du 25 septembre 2013, Marques/Commission,F‑158/12, EU:F:2013:135, point 23) et qu’il en va de même des dispositions
ouvrant droit à des prestations financières (arrêts du 29 novembre 2011, Birkhoff/Commission,T‑10/11 P, EU:T:2011:699, point 50, et du 10 mars 2011, Begue e.a./Commission,F‑27/10, EU:F:2011:20, point 41). Il ne s’ensuit en revanche pas que de telles dispositions devraient être interprétées d’une manière qui restreigne leur champ d’application contra legem. Or, en l’espèce, il résulte de tout ce qui précède que le libellé de l’article 26, paragraphe 5, de l’annexe XIII du statut permettait son
application à la situation de M. Frieberger dans une perspective toujours transitoire et en accord avec son économie, telle qu’elle a été dégagée par l’arrêt du 14 novembre 2006, Villa e.a./Parlement (F‑4/06, EU:F:2006:114, points 32 et 33).
104 Le quatrième moyen est par conséquent fondé.
105 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision du 26 mars 2014 en tant qu’elle a rejeté la demande de M. Frieberger visant à obtenir un nouveau calcul de la bonification de ses droits à pension transférés au régime de pension de l’Union.
Sur les dépens
106 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 103, paragraphe 2, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Enfin, conformément à
l’article 103, paragraphe 6, dudit règlement, en cas de non-lieu à statuer le Tribunal règle librement les dépens.
107 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que les requérants ont succombé en leurs conclusions en tant que celles-ci tendaient à déclarer inapplicable l’article 22 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013. En outre, les requérants ont succombé en leurs conclusions en tant qu’elles tendaient à l’annulation des décisions des 13 et 26 mars 2014, en ce que ces décisions ont rejeté leurs demandes des 9 et 17 décembre 2013 visant à obtenir le remboursement
d’une partie des contributions au régime de pension de l’Union qui ont été prélevées sur leurs rémunérations. En revanche, le recours de M. Frieberger a été accueilli en tant qu’il visait à l’annulation de la décision du 26 mars 2014 rejetant sa demande du 17 décembre 2013 tendant à obtenir un nouveau calcul de la bonification de ses droits à pension transférés vers le régime de pension de l’Union et, dans cette mesure, la Commission a succombé en ses conclusions tendant au rejet du recours. Il
découle de ce qui précède que tant MM. Frieberger et Vallin que la Commission ont succombé sur un ou plusieurs chefs de conclusions, alors qu’ils ont, dans leurs conclusions respectives, expressément demandé que l’autre partie soit condamnée aux dépens.
108 Il résulte également des motifs du présent arrêt qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en tant qu’il a été introduit par M. Vallin à l’encontre de la décision du 13 mars 2014 en ce qu’elle aurait prétendument rejeté une demande de celui-ci visant à obtenir un nouveau calcul de la bonification de droits à pension transférés, avant le 1er mai 2004, au régime de pension de l’Union.
109 Dans ces circonstances, il convient que M. Frieberger, M. Vallin et la Commission supportent chacun leurs propres dépens.
110 Par ailleurs, en vertu de l’article 103, paragraphe 4, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent également leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la Commission européenne du 26 mars 2014 rejetant la demande de M. Frieberger du 17 décembre 2013 en ce qu’il entendait par celle-ci obtenir un nouveau calcul de la bonification de ses droits à pension transférés au régime de pension de l’Union européenne est annulée.
2) Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en tant qu’il a été introduit par M. Vallin à l’encontre de la décision de la Commission européenne du 13 mars 2014 en ce qu’elle aurait prétendument rejeté une demande visant à obtenir un nouveau calcul de la bonification de droits à pension transférés au régime de pension de l’Union européenne.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Chaque partie supporte ses propres dépens.
Van Raepenbusch
Kreppel
Perillo
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mars 2016.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.