ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
12 mai 2016 ( *1 )
«Fonction publique — Ancien fonctionnaire — Sécurité sociale — Accident — Article 73 du statut — Clôture de la procédure — Fixation du taux d’invalidité permanente partielle — Indemnité complémentaire au capital versé en cas d’invalidité permanente partielle — Exécution d’un arrêt d’annulation — Surdité incurable et totale»
Dans l’affaire F‑92/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Christian Guittet, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Cannes (France), représenté par Mes L. Levi et A. Tymen, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. T. S. Bohr, en qualité d’agent, assisté de Me C. Mélotte, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre),
composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, E. Perillo et J. Svenningsen, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mars 2016,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 juin 2015, M. Christian Guittet demande, notamment, l’annulation de la décision du 6 octobre 2014 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission européenne (ci-après l’« AIPN ») a clôturé la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), et a reconnu au requérant un taux d’invalidité permanente partielle
(ci-après l’« IPP ») de 68,5 %.
Cadre juridique
A – Article 41 de la Charte
2 Aux termes de l’article 41, relatif au « [d]roit à une bonne administration », paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».
B – Dispositions statutaires
3 En vertu de l’article 73, paragraphes 1 et 2, du statut :
« 1. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions [de l’Union] après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […]
2. Les prestations garanties sont les suivantes :
[…]
b) [e]n cas d’invalidité permanente totale :
[p]aiement à l’intéressé d’un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident ;
c) [e]n cas d’[IPP] :
[p]aiement à l’intéressé d’une partie de l’indemnité prévue [sous] b), ci-dessus, calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue au paragraphe 1 ci-dessus.
[…]
Les prestations énumérées ci-dessus peuvent être cumulées avec celles qui sont prévues au chapitre 3 ci-dessous. »
C – Réglementation de couverture prise en application de l’article 73 du statut
1. Champ d’application et mesures transitoires
4 Le 1er janvier 2006 est entrée en vigueur la réglementation commune aux institutions des Communautés européennes relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle (ci-après la « nouvelle réglementation de couverture ») prévue à l’article 73, paragraphe 1, du statut, laquelle a succédé à la précédente réglementation commune de couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle modifiée en dernier lieu le 18 juillet 1997 (ci-après l’« ancienne réglementation
de couverture »).
5 L’article 30 de la nouvelle réglementation de couverture prévoit les dispositions transitoires suivantes :
« L[’ancienne réglementation de couverture] est abrogée.
Toutefois, elle demeure applicable pour tout projet de décision adopté en vertu de l’article 20, paragraphe 1, avant le 1er janvier 2006 […] »
2. Dispositions générales
6 L’article 1er de l’ancienne réglementation de couverture est rédigé comme suit :
« La présente réglementation fixe, en exécution de l’article 73 du [statut], les conditions dans lesquelles le fonctionnaire est couvert dans le monde entier contre les risques d’accident et de maladie professionnelle. »
7 L’article 2, paragraphe 1, de l’ancienne réglementation de couverture précise qu’« [e]st considéré comme accident tout événement ou facteur extérieur et soudain ou violent ou anormal ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique du fonctionnaire ».
8 L’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture prévoit :
« 1. En cas d’invalidité permanente totale du fonctionnaire résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, [sous] b), du statut lui est versé.
2. En cas d’[IPP] du fonctionnaire résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital déterminé en fonction des taux prévus au barème d’invalidité figurant en annexe lui est versé. »
9 L’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture indique :
« Sur avis des médecins-conseils visés à l’article 19 ou de la commission médicale visée à l’article 23, une indemnité est accordée au fonctionnaire pour toute lésion ou défiguration permanente qui, tout en n’affectant pas sa capacité de travail, constitue une atteinte à l’intégrité physique de la personne et crée un préjudice réel à ses relations sociales.
Cette indemnité est déterminée par analogie avec les taux prévus aux barèmes d’invalidité visés à l’article 12. Lorsque les dommages esthétiques sont inhérents à une lésion anatomo-fonctionnelle, une augmentation appropriée de ces taux est accordée. »
10 L’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture a été remplacé par l’article 13 de la nouvelle réglementation de couverture. Cet article 13, intitulé « Indemnité complémentaire », prévoit que, sur avis des médecins désignés par les institutions ou de la commission médicale visée à l’article 22 de la réglementation de couverture, une indemnité complémentaire à l’IPP est accordée à l’assuré pour le préjudice esthétique, le préjudice sexuel (hormis la reproduction), les douleurs
exceptionnelles non objectivées mais médicalement plausibles, l’atteinte aux activités de loisirs spécifiques à l’assuré. Cette indemnité est déterminée en fonction de la grille d’évaluation des préjudices particuliers spécifiques figurant en annexe C à la nouvelle réglementation de couverture (ci-après l’« annexe C de la nouvelle réglementation de couverture »).
11 L’annexe de l’ancienne réglementation de couverture donne le barème des taux d’IPP visés à l’article 12, paragraphe 2, de ladite réglementation (ci-après le « barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture »). Cette même annexe précise que, pour les cas d’IPP qu’elle ne prévoit pas, le degré d’invalidité est déterminé par référence au barème officiel belge des invalidités (ci-après le « BOBI »).
12 La neuvième partie du BOBI, relative à l’« O[to-rhino-laryngologie] » prévoit, à son titre VII, relatif aux « O[reilles] », point B, ce qui suit :
Faits à l’origine du litige
13 Le requérant a été victime d’un grave accident le 8 décembre 2003 (ci-après l’« accident du 8 décembre 2003 »). L’accident du 8 décembre 2003 a eu pour conséquence la mise en invalidité du requérant, sur le fondement de l’article 78 du statut, à compter du 1er juillet 2005.
14 Parallèlement, à la suite de la déclaration d’accident introduite par l’épouse du requérant, la Commission a ouvert une procédure sur le fondement de l’article 73 du statut.
15 Dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut, le requérant a, tout d’abord, bénéficié, suite à une décision de la Commission du 8 août 2005, du versement d’une indemnité provisionnelle, correspondant à la fraction non litigieuse du taux d’IPP, d’un montant 381812,22 euros (ci-après l’« indemnité provisionnelle »). Le requérant a reçu le paiement de l’indemnité provisionnelle le 17 novembre 2005.
16 Dans un second temps, par un projet de décision du 7 novembre 2006, l’AIPN a, sur le fondement du rapport du médecin désigné par l’institution, à savoir le docteur J., octroyé au requérant un capital de 606126,90 euros, correspondant à un taux d’IPP de 63,5 %, capital pour le solde duquel il convenait de déduire le montant de l’indemnité provisionnelle. En fin d’année 2006, le requérant a ainsi perçu un versement de 224314,68 euros, en complément de l’indemnité provisionnelle.
17 En désaccord avec le projet de décision du 7 novembre 2006, le requérant a demandé la saisine de la commission médicale.
18 La commission médicale s’est réunie les 3 janvier et 13 octobre 2008. Elle était composée du docteur J., désigné par la Commission, du docteur B., désigné par le requérant, et du professeur C., troisième médecin désigné, en raison du désaccord intervenu sur sa nomination entre la Commission et le requérant, par le président de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « commission médicale »).
19 À la suite des séances de la commission médicale des 3 janvier et 13 octobre 2008, un rapport a été établi en date du 12 novembre 2008, lequel a été communiqué à l’AIPN le 9 juin 2009 (ci-après le « rapport du 12 novembre 2008 »).
20 Au vu du rapport du 12 novembre 2008, l’AIPN, par décision du 27 juillet 2009, a finalement reconnu au requérant un taux d’IPP atteignant au total 64,5 %, et lui a indiqué que le solde du capital lui étant dû s’élevait à 9543,31 euros et correspondait à un taux d’IPP de 1 % (ci-après la « décision du 27 juillet 2009 »). La somme en cause a été versée au requérant le 9 novembre 2009.
21 Le 23 octobre 2009, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 27 juillet 2009. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 15 février 2010.
22 Par arrêt du 13 juin 2012, Guittet/Commission (F‑31/10, ci-après l’« arrêt Guittet », EU:F:2012:80), le Tribunal a annulé la décision du 27 juillet 2009 au motif, en substance, qu’elle aurait dû être prise sur le fondement du barème des IPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture et non pas, comme il avait été procédé, en fonction du barème des IPP annexé à la nouvelle réglementation de couverture (arrêt Guittet, point 69). Par ce même arrêt, le Tribunal a jugé que la décision du
27 juillet 2009 n’avait pas été adoptée dans un délai déraisonnable (arrêt Guittet, point 93). Toutefois, et après avoir constaté que, par l’effet de son arrêt d’annulation, le requérant se trouvait de nouveau en position d’attente quant au règlement définitif de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut, le Tribunal a estimé qu’un tel prolongement de la situation d’attente et d’incertitude, provoqué par l’illégalité de la décision du 27 juillet 2009, constituait un préjudice moral
et a condamné la Commission à verser au requérant en réparation d’un tel préjudice la somme de 2500 euros (arrêt Guittet, points 111 et 113).
23 Le 19 juillet 2012, en exécution de l’arrêt Guittet, la Commission a saisi de nouveau la commission médicale et lui a confié mandat « de réévaluer le taux de l’[IPP accordé au requérant], sur base des séquelles déterminées dans les conclusions de la commission médicale du 12 novembre 2008, en appliquant le barème annexé à [l’ancienne réglementation de couverture] » (ci-après le « mandat initial du 19 juillet 2012 »). Conformément à la lettre d’accompagnement, la commission médicale devait
remettre son rapport dans un délai de trois mois à compter de la date d’acceptation du mandat initial du 19 juillet 2012.
24 Estimant cependant, et en substance, que les séquelles liées à l’accident du 8 décembre 2003 n’avaient pas « été établies par la commission médicale dans le cadre de son rapport [du 12 novembre 2008] », le requérant, par un courrier du 24 août 2012, a demandé à la Commission que le mandat initial du 19 juillet 2012 soit modifié et que la commission médicale soit chargée, ainsi qu’il l’avait déjà sollicité dans un précédent courrier, daté du 25 juin 2012, « de fixer l’[IPP] sur [la] base du
dossier médical arrêté à la date de consolidation, soit le 28 juin 2005, complété, d’une part, par la constatation des séquelles faite par le [docteur J.] dans son rapport du 21 septembre 2006 et, d’autre part, par le rapport du [docteur B.] du 17 janvier 2007, précisant les questions médicales contestées ».
25 Par le même courrier du 24 août 2012, le requérant a également indiqué, « [a]u besoin [, récuser] le [professeur] C. », dont l’attitude à son égard n’aurait pas répondu à ce que « l’on doit attendre d’un membre d’une commission médicale », après avoir évoqué les « réserves sérieuses » qu’il avait exprimées quant à ce médecin dans son courrier du 25 juin précédent.
26 Par courrier du 21 septembre 2012, la Commission a fait savoir au requérant qu’elle ne donnerait pas suite à sa demande de « récusation » du professeur C., dès lors que l’exécution de l’arrêt Guittet n’impliquait pas la remise en cause de cette désignation, le Tribunal ne s’étant, en tout état de cause, pas prononcé, dans ledit arrêt, sur le moyen tiré de la partialité de ce médecin. La Commission a toutefois indiqué au requérant que, « [a]fin de ne laisser aucun doute quant aux séquelles prises
en considération, un nouveau mandat [serait] transmis aux trois médecins [de la commission médicale] leur demandant de préciser clairement, sur [la] base du dossier médical arrêté à la date de consolidation [du] 13 [août] 2003, les séquelles imputables à l’accident du 8 [décembre] 2003 et ce à la [lumière] du barème annexé à l’ancienne réglementation [de couverture] et, le cas échéant, au [BOBI] ». La Commission a ajouté qu’il « [appartiendrait, dans ce cadre,] à la commission médicale de décider
dans quelle mesure il [conviendrait] de prendre en compte les données médicales en sa possession ». La Commission a conclu son courrier en précisant au requérant que, « [s]ans pouvoir [se] prononcer sur la capacité des membres [de la commission médicale] à conclure leur mandat dans les trois mois, [elle attirait son] attention sur le fait que, tant qu’un consensus sur la composition de la commission médicale – [qu’il contestait –, n’était] pas trouvé, [elle] ne [pouvait] se voir reprocher un
quelconque délai pour la reprise des travaux de la commission médicale ».
27 Par courrier du 8 octobre 2012, le requérant a, en particulier, informé la Commission qu’il saisirait le président de la Cour de justice de l’Union européenne si elle ne revenait pas sur la désignation du professeur C. Il faisait, en outre, remarquer que la date de consolidation des séquelles de l’accident du 8 décembre 2003 remontait au 28 juin 2005 et non au 13 août 2003.
28 Par courrier du 19 octobre 2012, la Commission a confirmé sa position quant à son refus de remettre en cause la désignation du professeur C. et a pris note du « désaccord persistant sur la question de la responsabilité du délai supplémentaire pour finaliser le rapport de la commission médicale au cas où [le requérant] entendait donner suite à son intention de ressaisir le président de la Cour de justice [de l’Union européenne] ». La Commission a indiqué au requérant qu’elle attendait sa réponse
avant de transmettre un nouveau mandat à la commission médicale. Interrogé, à cet égard, à l’audience par le Tribunal, le représentant du requérant n’a pas pu établir si le requérant avait effectivement donné suite à cette demande de la Commission.
29 Le 14 mars 2013, la Commission a adressé un courrier aux trois médecins de la commission médicale, leur précisant qu’elle avait « [désormais] reçu l’accord de l’ensemble de [ses] membres […] sur [la] mission complémentaire [diligentée en exécution de l’arrêt Guittet] ». Par ce même courrier un nouveau mandat était transmis à la commission médicale « afin qu’il ne subsiste aucun doute quant aux séquelles prises en considération à la date de consolidation [des séquelles du requérant] du 28 [juin]
2005 » (ci-après le « nouveau mandat »). Le nouveau mandat était libellé comme suit :
30 Le courrier du 14 mars 2013 mentionné au point précédent précisait que le rapport de la commission médicale devait être remis à l’administration « dans un délai de trois mois, à compter du 1er avril 2013, sauf cas de force majeure ». Il était précisé que le rapport serait rédigé par le professeur C. et signé par chacun des membres de la commission médicale.
31 La commission médicale s’est réunie le 31 mai 2013.
32 Le 6 juin 2013, le professeur C. a adressé, pour signature, au docteur J. et au docteur B. le rapport qu’il avait rédigé à la suite de la réunion du 31 mai 2013 (ci-après le « rapport du 6 juin 2013 »). Dans sa lettre d’accompagnement il précisait que, « [s]i le [docteur B.] ne [pouvait] marquer son accord sur [l]e rapport [du 6 juin 2013], [ils adjoindraient] bien entendu sa note de désaccord au[dit] rapport ». Le rapport du 6 juin 2013 concluait à un taux d’IPP de 65 %, sans indemnité
complémentaire.
33 Par courrier du 13 juin 2013, le docteur B. a fait part à ses deux confrères de son désaccord quant aux conclusions du rapport du 6 juin 2013 (ci-après la « note de désaccord du 13 juin 2013 »). Celui-ci soutenait, en substance et pour l’essentiel, que le barème applicable n’était pas le barème des IPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture, dont la commission médicale avait fait application, mais le BOBI dans la mesure où le cas d’IPP du requérant n’était pas couvert par le barème
annexé à l’ancienne réglementation de couverture. Le barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture ne concernerait, en effet, que les cas de surdité incurable et totale alors que le requérant, qui bénéficiait d’implants cochléaires, était certes atteint d’une surdité totale, mais pas incurable. Par ce même courrier, le docteur B. faisait état d’autres séquelles qui auraient été imputables à l’accident du 8 décembre 2003 et évaluait le taux d’IPP correspondant à chacune de ces séquelles
ainsi identifiées en se référant au BOBI, aboutissant ainsi à taux d’IPP total de plus de 100 %. Le docteur B. faisait également remarquer qu’il convenait d’accorder une indemnité complémentaire au requérant en faisant application, conformément à l’arrêt Guittet, de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture et non pas de l’article 13 de la nouvelle réglementation de couverture. Il ajoutait que le taux d’IPP précédemment retenu pour le calcul de l’indemnité complémentaire devrait en
conséquence être réévalué pour tenir compte des répercussions sociales que les séquelles avaient pu avoir sur la vie du requérant.
34 Par courrier du 20 juin 2013, le docteur B. a demandé au professeur C. qu’un nouveau rapport soit établi et transmis à nouveau pour signature aux membres de la commission médicale. Le docteur B. indiquait que, selon lui, la commission médicale n’avait pas respecté le cadre que celle-ci s’était fixé pour l’organisation de ses travaux, estimant, en substance, que le professeur C. aurait dû rédiger son rapport non pas avant, mais après réception de la note de désaccord du 13 juin 2013 ainsi que des
observations écrites du docteur J. La note de désaccord du 13 juin 2013 ne pouvait donc être regardée comme un « rapport dissident », à joindre au rapport du 6 juin 2013, mais devait être prise en compte dans le rapport de la commission médicale lui-même.
35 Par courriel du 24 juin 2013, la Commission, à laquelle le rapport du 6 juin 2013 avait été transmis, a fait remarquer au professeur C. que la commission médicale avait omis de se prononcer sur l’attribution d’une indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture alors qu’une telle indemnité avait été précédemment proposée au titre de l’article 13 de la nouvelle réglementation de couverture. La Commission demandait au professeur C. que le rapport
du 6 juin 2013 soit rectifié en ce sens.
36 Les observations du docteur B. du 20 juin 2013 ont été communiquées au docteur J., lequel a fait savoir au professeur C., par un courrier du 4 juillet 2013, également transmis au docteur B., que la commission médicale devait se prononcer sur l’application de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture à l’égard du requérant.
37 Après différents échanges intervenus entre juillet 2013 et avril 2014 entre les trois membres de la commission médicale à propos de la détermination du taux d’IPP tant pour le calcul de l’indemnité complémentaire qu’en compensation des séquelles corporelles du requérant, notamment au titre de la déficience de son acuité auditive, et non sans que ne persiste un désaccord sur ces différents points entre, d’une part, le docteur B. et, d’autre part, le docteur J. et le professeur C., la commission
médicale s’est finalement réunie le 7 juillet 2014.
38 Entre-temps, la Commission avait de nouveau demandé au professeur C., par un courrier du 15 octobre 2013, de lui faire parvenir le rapport définitif de la commission médicale.
39 Le 10 juillet 2014 le professeur C. a, au nom de la commission médicale et en exécution du nouveau mandat, établi un second rapport (ci-après le « rapport final ») qui concluait comme suit :
40 Le 22 septembre 2014, le docteur B. a signé le rapport final tout en marquant son désaccord et en y annexant une note par laquelle il contestait les conclusions dudit rapport et notamment l’affirmation selon laquelle il demandait un taux d’IPP de 129,5 % sur le plan de l’incapacité physique (ci-après la « note de désaccord du 22 septembre 2014 »).
41 Par décision du 6 octobre 2014, l’AIPN a reconnu au requérant un taux d’IPP atteignant au total 68,5 % et lui a indiqué que « étant donné qu’un capital de 615672,90 [euros] équivalent à un taux [d’IPP] de 64,5 % [lui avait] déjà été versé fin 2009, le montant complémentaire de 38180,53 [euros lui serait] versé sur [son] compte [bancaire] » (ci-après la « décision du 6 octobre 2014 »). À l’audience, les parties ont confirmé le versement de cette somme.
42 Le requérant a introduit le 13 janvier 2015 une réclamation contre la décision du 6 octobre 2014, dont il n’est pas contesté qu’il en a reçu notification le 14 octobre suivant.
43 Par décision du 13 mars 2015, prise en réponse à la réclamation dirigée contre la décision du 6 octobre 2014 et après avoir constaté que la commission médicale avait « évalué l’indemnité complémentaire au titre de l’article 14 de l[’ancienne] réglementation [de couverture], faisant référence à des fractions comprises dans une échelle de [sept] échelons, échelle reprise à l’annexe C [de la nouvelle réglementation de couverture] relative à l’article 13 de la[dite] réglementation […] », la
Commission a estimé que celle-ci n’avait pas respecté le nouveau mandat et avait commis une irrégularité dans la procédure qu’elle était tenue de suivre (ci-après la « décision du 13 mars 2015 »). En conséquence, la Commission, « [p]ar ce motif, [décidait] d’annuler la décision du 6 octobre 2014 » et « [demandait] au service compétent de transmettre, à nouveau, le dossier à la commission médicale afin qu’elle se prononce en tenant compte de la présente décision ».
44 La décision du 13 mars 2015 concluait ainsi :
45 Par courrier du 1er avril 2015, la Commission a donné un nouveau mandat à la commission médicale afin que celle-ci évalue le dommage causé au requérant sur le fondement de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture (ci-après le « nouveau mandat du 1er avril 2015 »).
Conclusions des parties
46 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler la décision du 6 octobre 2014 ;
— annuler la décision du 13 mars 2015 en tant qu’elle rejette partiellement la réclamation dirigée contre la décision du 6 octobre 2014 ;
— ordonner la réparation du préjudice financier subi ;
— ordonner la réparation du préjudice moral subi évalué à la somme de 110000 euros ;
— condamner la Commission aux dépens.
47 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé ;
— condamner le requérant aux dépens.
En droit
A – Sur les conclusions en annulation
1. Sur la recevabilité et l’objet des conclusions en annulation
a) Arguments des parties
48 La Commission fait valoir, tout d’abord, que, la décision du 6 octobre 2014 ayant été retirée par la décision du 13 mars 2015, prise en réponse à la réclamation du requérant, les conclusions dirigées contre la décision du 6 octobre 2014 sont irrecevables.
49 La Commission estime, ensuite, que « les conclusions en annulation dirigées contre [la décision du 13 mars 2015] sont, en l’espèce, dépourvues de [caractère] autonome ». Des lors, les conclusions en annulation devraient donc être regardées comme dirigées contre la seule décision du 6 octobre 2014. Or, les conclusions en annulation dirigées contre cette décision étant irrecevables, il conviendrait de conclure que le recours est irrecevable dans son ensemble.
50 La Commission ajoute que la décision du 13 mars 2015 ne saurait être regardée comme contenant une décision implicite de rejet de la réclamation, ce qui est soutenu par le requérant au motif qu’elle « [aurait] omis de répondre aux griefs portant sur la fixation de son taux d’invalidité-incapacité », puisqu’en tout état de cause « la décision du 13 mars 2015 [aurait fait] droit à la réclamation du 13 janvier 2015 [et] ne produi[rait donc] pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter
directement et immédiatement les intérêts du requérant ».
51 En outre, la Commission considère que le requérant, compte tenu de l’argumentation développée à l’appui de sa requête, aurait entendu contester non pas la décision du 13 mars 2015 en tant que telle, mais, en réalité, le nouveau mandat du 1er avril 2015 confié à la commission médicale après le retrait de la décision du 6 octobre 2014. Or, un tel mandat étant un acte préparatoire, il ne saurait faire grief au requérant et faire l’objet, à ce stade, d’un recours contentieux.
52 Il appartiendrait, en effet, au requérant, « à la suite de la décision qui sera prise ultérieurement [à l’issue de la procédure rouverte au titre de l’article 73 du statut et] fixant définitivement le taux d’incapacité, [d’]attaquer de manière incidente […] le mandat donné à la commission médicale », en contestant la décision ultérieure, laquelle « se substituera[it] à la décision du 6 octobre 2014 ». Une telle décision pourrait en effet faire l’objet d’un recours puisqu’elle aurait été prise à
la suite d’un nouvel examen et qu’elle ne serait donc pas purement confirmative, contrairement à ce que soutient le requérant, de la décision du 6 octobre 2014. En conséquence, le recours serait, en tout état de cause, prématuré.
53 Enfin, si le requérant soutient que son recours serait recevable au motif que la Commission, en ne répondant pas à l’ensemble des griefs soulevés dans la réclamation, aurait méconnu son devoir de sollicitude et la procédure précontentieuse, il n’assortirait pas un tel moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, de sorte qu’un tel moyen serait irrecevable. Au demeurant, une telle argumentation ne porterait pas sur la recevabilité du recours, mais uniquement sur son
bien-fondé.
54 Le requérant conclut à la recevabilité de son recours dans son ensemble.
55 Il soutient, pour l’essentiel, que la décision du 6 octobre 2014 n’a été que partiellement annulée par la décision du 13 mars 2015, l’annulation n’ayant porté que sur l’indemnité complémentaire. Dans ces conditions, la décision du 6 octobre 2014 aurait bien modifié sa situation juridique dans la mesure où celle-ci aurait fixé « immédiatement et définitivement le taux d’invalidité-incapacité […] à 65 % », un tel taux n’ayant pas été annulé par la décision du 13 mars 2015. À cet égard, le requérant
fait observer que la décision du 13 mars 2015, par laquelle la Commission « a omis de répondre aux griefs [relatifs] à la fixation du taux d’invalidité-incapacité », doit également être regardée comme un acte faisant grief en ce sens qu’elle aurait rejeté implicitement ladite réclamation, « laquelle pouvait [donc également] faire l’objet d’un recours ».
b) Appréciation du Tribunal
56 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, conformément aux dispositions combinées de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphes 1 et 2, du statut, un fonctionnaire n’est recevable à introduire un recours devant le Tribunal que s’il a préalablement saisi l’AIPN d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut (ordonnance du 30 avril 2015,
Maraoud/SEAE,F‑71/14, EU:F:2015:44, point 28).
57 La réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font ainsi partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement,293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de
la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission,T‑281/04, EU:T:2006:334, point 26).
58 Il a été jugé, à plusieurs reprises, qu’une décision explicite de rejet d’une réclamation pouvait, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par le requérant. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation du requérant, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au
contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté (arrêts du 10 juin 2004, Eveillard/Commission,T‑258/01, EU:T:2004:177, point 31, et du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission,T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32), voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission,33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 9 ; du 14 octobre 2004, Sandini/Cour de justice,T‑389/02,
EU:T:2004:308, point 49, et du 18 mai 2015, Dupré/SEAE,F‑11/14, EU:F:2015:47, point 31).
59 En l’espèce, il convient, tout d’abord, d’observer que le taux global d’IPP reconnu au requérant, fixé à 68,5 % par la décision du 6 octobre 2014, est, conformément aux conclusions du rapport final, rappelées au point 39 du présent arrêt, composé, d’une part, d’un taux d’IPP de 65 % accordé au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’ancienne réglementation de couverture et à partir duquel a été déterminé le montant du capital dû en raison de l’IPP résultant de l’accident du 8 décembre 2003 et,
d’autre part, d’un taux d’IPP de 3,5 % reconnu au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture, à partir duquel a été déterminé le montant de l’indemnité complémentaire au capital versé au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’ancienne réglementation de couverture.
60 À cet égard, il y a lieu de préciser que, si l’indemnité complémentaire versée au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture est déterminée par analogie avec les taux prévus aux barèmes d’invalidité visés à l’article 12 de cette même réglementation, la fixation de son montant, et donc du taux d’IPP correspondant, est indépendante de la fixation du montant du capital versé au titre de ce même article 12, et donc du taux d’IPP déterminant le montant dudit capital. En effet,
l’indemnité complémentaire versée au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture vient compenser non pas l’IPP dont est atteint le fonctionnaire, laquelle fait l’objet du versement du capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, sous c), du statut, mais, conformément aux dispositions de ce même article 14, « toute lésion ou défiguration permanente qui, tout en n’affectant pas sa capacité de travail, constitue une atteinte à l’intégrité physique de la personne et crée un
préjudice réel à ses relations sociales ». Étant ainsi versée pour des lésions autres que les séquelles pour lesquelles est versé le capital prévu à l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture en cas d’IPP, il convient de conclure que la décision fixant le taux d’IPP au titre dudit article 12 est indépendante de la décision fixant le taux d’IPP au titre de l’article 14 de cette même réglementation.
61 Cela étant précisé, il convient de constater que la décision du 13 mars 2015, dont le contenu a été rappelé aux points 43 et 44 du présent arrêt, retire la décision du 6 octobre 2014 dans la mesure où la commission médicale a évalué l’indemnité complémentaire due au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture en se référant au barème annexé à la nouvelle réglementation de couverture et non au barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture. En se bornant à demander à
la commission médicale « de se prononcer uniquement sur la partie de ses conclusions relatives à la réévaluation de l’indemnité [complémentaire], prévue à l’article 14 de [l’ancienne réglementation de couverture] », la décision du 13 mars 2015 confirme indubitablement la décision du 6 octobre 2014 en tant qu’elle fixe le taux d’IPP accordé au requérant au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture et retire cette même décision en tant seulement qu’elle fixe le taux d’IPP au
titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture. Contrairement à ce que soutient la Commission, la décision du 6 octobre 2014 n’a donc pas été entièrement retirée de l’ordonnancement juridique par la décision du 13 mars 2015, de sorte que le recours ne saurait être irrecevable dans sa totalité.
62 La circonstance que la décision du 6 octobre 2014 ne fait pas apparaître formellement les taux d’IPP reconnus respectivement au titre de l’article 12 et de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture et ne reprend que le taux global finalement reconnu au requérant ne saurait d’ailleurs remettre en cause une telle conclusion, dès lors qu’il ressort clairement du libellé de ladite décision que l’AIPN a repris à son compte les conclusions du rapport final qu’elle a joint en annexe à sa
décision, laquelle distingue expressément le taux d’IPP retenu au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture de celui reconnu au titre de l’indemnité complémentaire. Au demeurant, force est de relever que la Commission a repris elle-même une telle distinction puisqu’elle a identifié la décision du 6 octobre 2014, ainsi qu’il ressort de la formulation de l’objet de sa décision du 13 mars 2015, comme « concernant la détermination du taux d’invalidité partielle dont [le
requérant] est atteint et de l’indemnité [complémentaire] dont il a droit au titre de l’article 14 [de l’ancienne réglementation de couverture] ».
63 Il convient, en conséquence, de distinguer le sort des conclusions en annulation dirigées contre les décisions du 6 octobre 2014 et du 13 mars 2015 selon que ces décisions concernent la fixation du taux d’IPP reconnu au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture ou celle du taux d’IPP accordé au titre de l’article 14 de cette même réglementation.
64 S’agissant du taux d’IPP reconnu au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture, la décision du 13 mars 2015 est sur ce point dépourvue de caractère autonome par rapport à la décision du 6 octobre 2014. Dans ces conditions, les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 13 mars 2015 en tant qu’elle confirme le taux d’IPP reconnu au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture ont pour seul effet de saisir le Tribunal des conclusions en
annulation de la décision du 6 octobre 2014 en tant qu’elle fixe ledit taux à 65 %. De telles conclusions, dirigées contre un acte qui fait grief au requérant, sont donc recevables.
65 Par ailleurs, la Commission ne saurait valablement soutenir que le requérant a entendu par ses écritures contester non pas la décision du 13 mars 2015 en ce qu’elle confirmerait en partie la décision du 6 octobre 2014, mais, en réalité, le nouveau mandat du 1er avril 2015, lequel, étant un acte préparatoire, serait insusceptible de recours. Il ressort, en effet, clairement de la requête, éclairée par le mémoire en réplique, que le requérant a entendu contester la décision du 13 mars 2015 en ce
qu’elle « ne saurait être considérée comme ayant “essentiellement fait droit” à [sa] demande » dans la mesure où, par cette décision, la Commission aurait décidé de ne pas revenir sur le taux d’IPP accordé au titre de son invalidité permanente partielle. Il en va notamment ainsi alors que le requérant a, en particulier, contesté le fait que la Commission, par la décision du 13 mars 2015, n’a demandé à la commission médicale de ne se prononcer que sur l’application de l’article 14 de l’ancienne
réglementation de couverture et aurait donc « interdit à la commission médicale de revoir les autres éléments de ses conclusions, contestés par [sa] réclamation » ; une telle argumentation indique à suffisance que le requérant, qui a demandé expressément l’annulation de la décision du 13 mars 2015« rejetant partiellement » sa réclamation, a bien entendu contester la position prise par la Commission sur sa réclamation et non le nouveau mandat du 1er avril 2015, lequel n’a d’ailleurs pas été
produit au dossier.
66 S’agissant du taux d’IPP accordé au requérant au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture, il est constant, en revanche, que la décision du 6 octobre 2014 a été retirée sur ce point par la décision du 13 mars 2015, laquelle a rouvert la procédure à cet égard en demandant à nouveau à la commission médicale de se prononcer sur l’application dudit article. En conséquence, les conclusions dirigées contre la décision du 6 octobre 2014 en tant que celle-ci fixe le taux d’IPP
accordé au requérant au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture sont irrecevables, une telle décision ayant disparu de l’ordonnancement juridique avant l’introduction du recours, étant entendu que le requérant ne conteste pas la décision du 13 mars 2015 en tant qu’elle invite la commission médicale à se prononcer à nouveau sur l’application de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture en tenant compte du barème annexé à ladite réglementation.
67 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les conclusions en annulation du présent recours sont recevables uniquement en ce qu’elles sont dirigées contre la décision du 6 octobre 2014 dans la mesure où elle fixe le taux d’IPP du requérant à 65 % au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture (ci-après la « décision attaquée »).
2. Sur le bien-fondé des conclusions en annulation de la décision attaquée
68 Le requérant soulève, en substance, trois moyens, tirés, le premier, d’un vice de procédure pour violation du principe du délai raisonnable, le deuxième, d’un vice de procédure pour irrégularité de l’avis de la commission médicale et, le troisième, de l’erreur manifeste dans l’appréciation du taux d’IPP reconnu au requérant.
a) Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable
Arguments des parties
69 Le requérant soutient que le délai pour adopter la décision attaquée a été manifestement déraisonnable, en violation de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte. En substance, le requérant observe que la procédure administrative a duré pendant plus de deux ans après le prononcé de l’arrêt Guittet, ce qui n’a pas été, en particulier, conforme au délai de trois mois qui avait pourtant été imparti à la commission médicale, conformément à son nouveau mandat, pour rendre son rapport.
70 Un tel retard serait tout d’abord imputable à la Commission, qui aurait attendu le 14 mars 2013 pour rectifier le mandat initial du 19 juillet 2012 irrégulièrement émis, puis n’aurait pas réagi de manière efficace pour relancer les travaux de la commission médicale. Par ce comportement, la Commission, qui aurait dû s’assurer avec diligence du bon déroulement des travaux de la commission médicale, aurait ainsi méconnu son devoir de sollicitude envers le requérant eu égard en particulier à son âge
et à son état de grande fragilité, de telles circonstances devant être prises en compte pour apprécier le caractère déraisonnable de la procédure ouverte à l’égard du requérant.
71 Le retard pris dans la procédure tiendrait également au comportement de la commission médicale elle-même, laquelle aurait notamment mis plus d’un an à se prononcer sur l’application de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture, malgré les observations répétés du docteur B. sur ce point, ce qui aurait retardé l’adoption du rapport final.
72 Enfin, le retard pris dans l’adoption de la décision attaquée serait d’autant plus manifeste qu’elle serait intervenue, en définitive, près de onze ans après l’accident du 8 décembre 2003.
73 La Commission fait valoir, tout d’abord, que le moyen tiré de la violation du délai raisonnable n’est pas de nature, en tout état de cause, à affecter la légalité de la décision attaquée, le requérant n’établissant, ni même n’alléguant, que l’écoulement du temps aurait eu, en l’espèce, une quelconque incidence sur le contenu même de ladite décision.
74 Au surplus, la Commission estime que le premier moyen est non fondé et considère que la durée de la procédure est essentiellement due au comportement du requérant lui-même et à celui du médecin qu’il avait désigné pour le représenter au sein de la commission médicale, compte tenu de leurs nombreuses demandes et contestations formulées tout au long de la procédure.
Appréciation du Tribunal
75 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2011, Grèce/Commission,C‑321/09 P, EU:C:2011:218, point 32 et jurisprudence citée, et, en matière de fonction
publique, arrêt du 6 décembre 2012, Füller-Tomlinson/Parlement,T‑390/10 P, EU:T:2012:652, point 115).
76 Toutefois, la violation du principe du respect du délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, ce n’est que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative (voir, en ce sens et par analogie,
ordonnance du 13 décembre 2000, SGA/Commission,C‑39/00 P, EU:C:2000:685, point 44, et arrêt du 6 décembre 2012, Füller-Tomlinson/Parlement,T‑390/10 P, EU:T:2012:652, point 116 et jurisprudence citée).
77 En l’espèce, le requérant se borne à faire valoir que les délais qui ont conduit à la fixation de son taux d’IPP ne « sont manifestement pas qualifiables de délais raisonnables » sans établir ni même alléguer que de tels délais ont été susceptibles d’avoir une incidence sur la fixation du taux d’IPP qui lui a été finalement reconnu par la décision attaquée. Dans ces conditions, à supposer même établi le caractère excessif du temps écoulé, un tel constat ne saurait conduire, par lui-même, à
l’annulation de la décision attaquée.
78 Au surplus, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission aurait violé son obligation d’adopter la décision attaquée dans un délai raisonnable.
79 À cet égard, il doit, tout d’abord, être rappelé que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que l’institution a suivies, du comportement des parties au cours de la procédure, de la complexité ainsi que de l’enjeu du litige pour les différentes parties intéressées (arrêt du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et
T‑18/96, EU:T:1997:157, point 57, et ordonnance du 30 juin 2011, Marcuccio/Commission,F‑14/10, EU:F:2011:99, point 49).
80 Il a ainsi été jugé, en matière de fonction publique, que l’institution est responsable de la célérité des travaux des médecins composant la commission médicale chargée de se prononcer sur la fixation du taux d’invalidité reconnu au fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 2006, Angeletti/Commission,T‑394/03, EU:T:2006:111, points 152 et 153, et du 1er juillet 2010, Füller-Tomlinson/Parlement,F‑97/08, EU:F:2010:73, point 167). Néanmoins, dans la mesure où il est établi qu’un
retard est attribuable au comportement dilatoire, voire obstructionniste, du fonctionnaire ou du médecin que celui-ci désigne pour le représenter, l’institution ne doit pas être réputée responsable de ce retard (arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission,T‑394/03, EU:T:2006:111, point 154).
81 En outre, pour apprécier l’éventuelle violation par la Commission de son obligation de statuer sur la situation du requérant dans un délai raisonnable, il convient de se placer dans le cadre de l’exécution de l’arrêt Guittet et d’apprécier la durée de la procédure à compter du prononcé de cet arrêt, soit à compter du 13 juin 2012, et non depuis la date de l’accident du 8 décembre 2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 décembre 2015, Clarke e.a./OHMI,F‑101/14 à F‑103/14,
EU:F:2015:151, point 75), étant relevé que l’appréciation du caractère raisonnable ou non de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut ayant conduit à l’adoption de la première décision fixant le taux d’IPP du requérant, en l’occurrence la décision du 27 juillet 2009, a précisément fait l’objet dudit arrêt, lequel a conclu à l’absence de violation de l’obligation en cause (arrêt Guittet, point 93).
82 En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée a été adoptée le 6 octobre 2014, soit un peu plus de deux ans après le prononcé de l’arrêt Guittet.
83 Il convient, toutefois, et tout d’abord, de relever que la Commission a adressé le mandat initial du 19 juillet 2012 environ un mois après le prononcé de l’arrêt Guittet, attestant ainsi de sa volonté d’exécuter ledit arrêt dans un délai raisonnable (voir point 23 du présent arrêt).
84 Si le requérant a contesté le mandat initial du 19 juillet 2012 au motif que la commission médicale était saisie « sur base des séquelles déterminées dans les conclusions [de son rapport] du 12 novembre 2008 » alors qu’elle aurait dû l’être sur le fondement d’autres rapports et « du dossier médical arrêté à la date de consolidation », ainsi qu’il ressort du point 24 du présent arrêt, ledit rapport de la commission médicale n’a toutefois, et en tout état de cause, pas été invalidé par l’arrêt
Guittet au motif que l’appréciation des séquelles telle qu’elle aurait résulté de ce rapport aurait été erronée, mais au seul motif que la commission médicale avait fait application du barème annexé à la nouvelle réglementation de couverture et non du barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture (arrêt Guittet, point 69). Dans ces conditions, la Commission n’avait pas à faire droit à une telle demande du requérant pour exécuter correctement ledit arrêt. Dans cette mesure, et alors même
qu’une telle demande lui aurait été présentée dès le 25 juin 2012, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir attendu le 21 septembre 2012 pour préciser, dans le sens souhaité par le requérant, le contenu du mandat qu’elle allait transmettre à la commission médicale dans le cadre de l’exécution de l’arrêt Guittet. D’une part, la Commission a, ce faisant, tenu compte, dans un souci de diligence à l’égard du requérant, des observations que celui-ci lui avait adressées et, d’autre part, le
mandat initial du 19 juillet 2012 se conformait en tout état de cause à la seule exigence à laquelle la Commission était tenue en exécution de l’arrêt Guittet, à savoir celle de demander à la commission médicale de tenir compte du barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture pour calculer le taux d’IPP susceptible d’être reconnu au requérant.
85 Ensuite, il convient d’observer que le requérant, en manifestant son intention de saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne, a entendu obtenir la récusation du troisième médecin de la commission médicale par trois courriers adressés à la Commission les 25 juin, 24 août et 8 octobre 2012, alors même que la désignation du troisième médecin n’avait pas été remise en cause par l’arrêt Guittet, que, par conséquent, la Commission n’était pas tenue de faire droit à la demande de
récusation du requérant dans le cadre de l’exécution de cet arrêt et qu’elle avait accepté, comme il vient d’être rappelé, de redéfinir le contenu du mandat initial du 19 juillet 2012.
86 En outre, il y a également lieu de constater que, si la Commission, à la suite du courrier du requérant du 8 octobre 2012, a confirmé à celui-ci, dans un courrier du 19 octobre suivant, ainsi qu’il a été exposé au point 28 du présent arrêt, qu’elle ne reviendrait pas sur la désignation du troisième médecin et indiqué qu’elle attendait en retour qu’il lui confirme ou non son intention de saisir le président de la Cour de justice de l’Union européenne avant de transmettre un nouveau mandat à la
commission médicale, il ne ressort pas du dossier que le requérant a répondu à cette demande de la Commission.
87 Dans ces conditions, le retard pris dans le déclenchement de la procédure et la convocation de la commission médicale ne saurait être imputable à la Commission, et cela indépendamment du fait que le mandat initial du 19 juillet 2012« [aurait] été irrégulièrement défini », ainsi que le prétend le requérant. Il ne saurait être, en particulier, reproché à la Commission d’avoir attendu le 14 mars 2013 pour saisir à nouveau, en lui adressant le nouveau mandat, la commission médicale dans le cadre de
l’exécution de l’arrêt Guittet, alors qu’elle n’avait toujours pas, à cette date, connaissance des intentions réelles du requérant quant à la suite de la procédure.
88 S’agissant de la conduite des travaux de la commission médicale, il y a lieu de noter que celle-ci s’est réunie environ deux mois après avoir reçu le nouveau mandat, soit le 31 mai 2013, et qu’un premier rapport a été établi dès le 6 juin 2013. Si le rapport final n’a été établi par le professeur C., à qui il appartenait, conformément au nouveau mandat, de rédiger ledit rapport à l’issue de la réunion de la commission médicale, que le 10 juillet 2014, soit environ seize mois après la réception du
nouveau mandat par la commission médicale, il ressort du dossier que ce délai est essentiellement dû aux contestations émises par le docteur B., médecin désigné par le requérant, et aux divergences d’appréciation médicale entre, d’une part, le docteur B. et, d’autre part, les deux autres médecins composant la commission médicale. Le docteur B. a ainsi fait part de son désaccord quant aux conclusions du rapport du 6 juin 2013 et sollicité, en conséquence, l’établissement d’un nouveau projet de
rapport avant que la commission médicale ne se réunisse à nouveau, et ce à sept reprises, par la note de désaccord du 13 juin 2013 et par les courriers des 20 juin, 17 juillet, 16 octobre et 26 novembre 2013 et des 7 mars et 14 avril 2014, alors même qu’il avait eu connaissance, dès juillet 2013, de ce que la suite des discussions ne porterait que sur le montant de l’indemnité complémentaire à verser au requérant et non sur l’ensemble des contestations relatives au taux d’IPP. Un tel délai
résulte ainsi de la persistance d’un désaccord d’ordre médical au sein de la commission médicale et des développements mêmes de la procédure suite aux échanges intervenus entre les trois membres de ladite commission, en grande partie initiés et relancés par le docteur B., nonobstant la position, plusieurs fois confirmée, des deux autres membres de la commission médicale et, par suite, de la commission médicale statuant à la majorité.
89 Il ne saurait, certes, être reproché à un assuré, dans le cadre d’une procédure diligentée au titre de l’article 73 du statut, de faire parvenir, par l’intermédiaire du médecin qu’il désigne, toute remarque qu’il estime nécessaire pour permettre à celle-ci de se prononcer. Toutefois, il est clair que la communication de nouvelles remarques portant sur des questions abordées antérieurement participe à l’allongement du délai d’adoption d’une décision clôturant la procédure diligentée au titre de
l’article 73 du statut et acquiert un caractère dilatoire lorsque, comme en l’espèce, de telles remarques perdurent alors qu’il apparaît manifeste que l’opinion majoritaire s’est exprimée de manière définitive au sein de la commission médicale. Dans ces conditions, le délai pris dans la conduite des travaux de la commission médicale ne saurait être imputable à l’inaction de la Commission, laquelle, au demeurant, n’a pas manqué de relancer la commission médicale à deux reprises, les 23 juin
et 15 octobre 2013.
90 En outre, s’il s’est écoulé environ trois mois entre le moment où, en avril 2014, le docteur B. a finalement accepté que la commission médicale se réunisse à nouveau, tout en regrettant que le désaccord n’ait pas été résolu en amont, et la date à laquelle celle-ci s’est effectivement réunie, à savoir le 7 juillet 2014, un tel délai ne paraît pas déraisonnable au regard des contraintes de calendrier pesant sur les trois membres de la commission médicale pour convenir d’une date commune de réunion.
91 Enfin, si la décision attaquée n’est intervenue que le 6 octobre 2014, soit près de trois mois après l’établissement du rapport final, il convient d’observer que ce délai est essentiellement dû au docteur B., lequel n’a signé le rapport final que le 22 septembre 2014.
92 Compte tenu des considérations qui précèdent, et nonobstant le dépassement du délai de trois mois fixé initialement à la commission médicale dans le nouveau mandat pour rendre son rapport à l’AIPN, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué à son obligation de statuer dans un délai raisonnable sur la situation du requérant dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut dans le cadre de l’exécution de l’arrêt Guittet.
93 Le premier moyen doit donc être écarté.
b) Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure pour irrégularité de l’avis de la commission médicale
Arguments des parties
94 Le requérant articule son moyen en trois griefs. Il soutient que l’avis de la commission médicale a été rendu dans des conditions irrégulières tenant, d’une part, au manque d’impartialité et d’indépendance des membres de la commission médicale ainsi, d’autre part, qu’à la violation du principe de collégialité lors de la conduite de ses travaux. Il ajoute que l’avis rendu est également entaché d’un défaut de motivation.
– Sur le premier grief, tiré du manque d’indépendance et d’impartialité de la commission médicale
95 S’agissant du premier grief, le requérant dénonce, tout d’abord, la proximité qui aurait existé selon lui, d’une part, entre le docteur J. et le professeur C. et, d’autre part, entre ceux-ci et certains assureurs à travers leur participation commune aux travaux menés par l’Observatoire des préjudices extrapatrimoniaux (ci-après l’« OPE »).Le manque d’impartialité de ces deux médecins, membres de la commission médicale, dans le cadre du présent litige serait d’autant plus évident que les travaux
de l’OPE auraient visé précisément à « [élaborer] une nouvelle arborescence du dommage corporel pour remplacer le [BOBI] » que la commission médicale aurait été en charge d’appliquer dans le cas du requérant. Le manque d’impartialité de ces deux médecins serait, en outre, corroboré par la circonstance que deux autres personnes, également hostiles à l’application du BOBI, à savoir le professeur L. et le conseil choisi par la Commission pour la représenter dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt
Guittet ont été citées dans le rapport final et ont participé aux travaux de l’OPE. De tels faits démontreraient à l’évidence l’existence de « relations étroites » entre le professeur C., censé être impartial, et « la partie adverse ». À cet égard, le requérant observe que le professeur C. aurait présenté le rapport final comme émanant des « médecins[-] conseils des parties et membres de la Commission » alors qu’aucun des trois médecins ne serait membre de la Commission.
96 S’agissant de la partialité du docteur J., médecin désigné par la Commission, le requérant invoque l’utilisation systématique par celui-ci du papier à en-tête de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) pour ses correspondances, ce qui révélerait le parti pris du docteur J. en faveur de l’institution qu’il représente, sa volonté d’influencer les autres membres de la commission médicale en utilisant à son profit l’« autorité morale inattaquable » dont bénéficie
l’institution et, enfin, sa propension à vouloir se substituer à l’AIPN. Un tel comportement constituerait un abus de pouvoir que le PMO aurait laissé perdurer.
97 À ces manquements à l’impartialité subjective s’ajouterait une violation de l’impartialité objective, en ce sens que la Commission, à travers le PMO, lequel « représente[rait] les intérêts de l’assureur », n’offrirait pas de garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à l’indépendance de la commission médicale.
98 À cet égard, le requérant fait valoir, en substance, que la circonstance que le docteur J. et le professeur C. interviendraient « quasiment à vie » au sein des commissions médicales les conduirait à manquer d’indépendance vis-à-vis de l’assureur choisi par la Commission dans le cadre de l’application de l’article 73 du statut, et cela nonobstant le renouvellement de l’assureur à la suite de la publication d’appels d’offres réguliers. Seul un « roulement » effectif des médecins au sein desdites
commissions serait susceptible de garantir l’indépendance de celle-ci. Ainsi, en l’espèce, l’AIPN aurait pu exclure tout doute légitime quant à l’indépendance de la commission médicale en désignant un autre médecin que le docteur J. pour la représenter et en acceptant, ainsi que le requérant demandait, de remplacer le docteur C. L’AIPN aurait néanmoins refusé de faire droit à cette demande sans même motiver son refus, ce qui constituerait également une violation de son obligation de motivation.
99 En définitive, le choix fait par la Commission de recourir à un régime d’assurance pour couvrir l’application de l’article 73 du statut placerait les médecins dans une « situation qui p[ourrait] être de nature conflictuelle » avec, d’une part, « les obligations qui leur incombent au titre du statut » et, d’autre part, « l’exécution du contrat d’assurance » qui lie la Commission à son assureur. Une telle situation conduirait à un possible « conflit d’intérêts », puisque la Commission serait
susceptible de vouloir limiter l’indemnisation accordée au titre de l’article 73 du statut dans le seul but de faire baisser sa prime d’assurance, au détriment de ses obligations statutaires au titre dudit article.
100 Le requérant conclut que la Commission a méconnu ses devoirs d’impartialité et d’indépendance, en violation de l’article 41 de la Charte, lequel garantit à toute personne de voir ses affaires traitées de façon impartiale par les institutions de l’Union.
101 La Commission conclut au rejet du premier grief. Elle soutient, pour l’essentiel, que l’argumentation du requérant est « purement hypothétique » et en ce sens irrecevable. En tout état de cause, le grief ne serait pas fondé, le requérant n’apportant aucun élément probant à son soutien.
– Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de collégialité dans la conduite des travaux de la commission médicale
102 Le requérant soutient, en substance, que le médecin qu’il avait désigné pour le représenter au sein de la commission médicale, le docteur B., n’a pas été pleinement associé aux travaux de la commission médicale, qu’il n’a pu faire utilement faire valoir son point de vue et que ses observations n’ont pas été prises en compte, car, si tel avait été le cas, de telles observations auraient eu pour « effet de modifier la position des deux autres confrères afin de faire converger l’avis de la
commission médicale ».
103 Le requérant dénonce ainsi la circonstance que le rapport du 6 juin 2013 a été rédigé avant que le docteur B. ait fait parvenir ses observations écrites à ses confrères et déplore, d’une manière générale, l’« absence manifeste de dialogue » entre, d’une part, le professeur C. et le docteur J. et, d’autre part, le docteur B. Le professeur C. n’aurait ainsi jamais répondu aux observations de ce dernier. Quant au docteur J., il aurait refusé de revoir le taux d’IPP et estimé qu’un tel taux avait
été arrêté de manière définitive dès la première réunion de la commission médicale. En outre, le professeur C. et le docteur J. n’auraient nullement tenu compte des observations du docteur B. concernant l’applicabilité de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture.
104 Le requérant conclut que le docteur B. a été « ostracisé » par ses confrères. Ceux-ci auraient, notamment, prétendu à tort qu’il avait proposé un taux d’IPP de 129,5 % et auraient fixé la réunion de la commission médicale le 7 juillet 2014 sans tenir le moindre compte de ses disponibilités.
105 Un tel comportement de la part de ses confrères à l’égard du docteur B. ne ferait que confirmer celui que ces derniers avaient déjà eu à son égard lors des premières réunions de la commission médicale tenues en 2008.
106 La Commission conclut au rejet du deuxième grief. Elle fait valoir, en substance, que le principe de collégialité a été pleinement respecté comme en attesteraient, en particulier, les nombreux échanges entre les trois médecins de la commission médicale dont ressortirait la prise en compte, contrairement à ce que prétend le requérant, des disponibilités du docteur B. pour fixer la réunion de la commission médicale et de la nécessité, qu’il avait soulevée, de se prononcer sur l’application de
l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture. En tout état de cause, le requérant n’avancerait aucun élément probant à l’appui de son grief.
– Sur le troisième grief, tiré de l’insuffisance de motivation de l’avis de la commission médicale
107 Le requérant estime que le rapport final ne contient pas une motivation lui permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles il se fonde et n’établit pas un lien compréhensible entre les constatations médicales qu’il comporte et les conclusions auxquelles la commission médicale est parvenue.
108 À l’appui de son grief, le requérant se réfère aux notes de désaccord du 13 juin 2013 et du 22 septembre 2014. Dans la note de désaccord du 13 juin 2013, en particulier, le docteur B. propose, pour l’évaluation des troubles auditifs du requérant, de prendre en compte la moyenne entre le taux retenu par le BOBI en cas de surdité totale (80 %) et celui correspondant à la capacité auditive obtenue « avec le port d’implants cochléaires, dans les conditions de test d’une cabine audiométrique »
(15 %), soit le taux de 47,5 %. Cette évaluation permettrait, selon la note de désaccord du 22 septembre 2014, de tenir compte des circonstances dans lesquelles les prothèses auditives ne sont pas utilisables et du fait qu’elles « ne rendent malheureusement pas [au requérant] une audition naturelle ». Le requérant fait également valoir ce qui suit.
109 Tout d’abord, dans son rapport du 21 septembre 2006, le docteur J. aurait évalué la « surdité totale sans appareillage » du requérant sur la base de l’article 18, paragraphe 2, sous a), de la nouvelle réglementation de couverture, alors que cet article ne concernerait que les surdités partielles.
110 Ensuite, dans le rapport final, la motivation adoptée par le docteur J. et le professeur C. pour justifier le taux d’IPP de 15 % retenu pour l’évaluation des séquelles de sa perte d’acuité auditive serait « pour le moins laconique » et ne correspondrait pas « à ce que [serait] une surdité bilatérale totale ». Une telle motivation serait d’autant plus déficiente que, d’une part, l’article 712 du BOBI sur lequel se fondent exclusivement les deux médecins pour fixer un tel taux traite de « tous les
degrés de déficiences auditives, avec des pertes allant de 0 [décibel, pour un taux associé de 0 %,] à 90 [décibels et au-delà, s’agissant d’une] surdité totale[, avec un taux d’IPP associé de 80 %] » ; d’autre part, l’article 712 du BOBI serait complété par l’article 713 du BOBI que la commission médicale aurait pourtant choisi de ne pas appliquer, sans justifier d’ailleurs sa position, laquelle divergerait de celle exprimée clairement par le docteur B., notamment dans la note de désaccord du
22 septembre 2014.
111 Le requérant ajoute qu’alors que la surdité bilatérale totale lui aurait été reconnue par le docteur J., dans son rapport du 30 janvier 2004, ainsi que par l’ensemble des « médecins consultés » la commission médicale aurait refusé de la lui reconnaître, et « ce sans explication », ladite commission ayant simplement considéré qu’« il y [avait] surdité partielle en raison d’appareillages auditifs ».
112 Le requérant estime, par ailleurs et de manière générale, que la commission médicale n’a pas tenu compte des « rapports médicaux qui [lui] étaient plus favorables », sans jamais expliquer sa position sur ce point. Ainsi, elle n’aurait pas tenu compte, notamment :
— de l’expertise médicale établie le 28 novembre 2008 par le professeur F., expert près la cour d’appel de Paris (France), le docteur J. ayant simplement indiqué à cet égard que la commission médicale siégeait en toute indépendance et que les conclusions d’une telle expertise judiciaire ne lui étaient pas opposables ;
— du rapport du docteur B. du 17 janvier 2007 ;
— du rapport de son hospitalisation à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, du 8 décembre 2003 au 12 février 2004, lequel aurait déjà fait état non seulement d’une surdité bilatérale totale, mais aussi d’une « rhinorrhée cérébrospinale importante » ;
— du rapport du docteur V. G. du 20 août 2006 ;
— ou encore du rapport du professeur A. du 26 janvier 2006.
113 Le requérant indique, ensuite, que la motivation est insuffisante, car, en substance, elle ne permettrait pas de comprendre pourquoi, « en dépit de différences très importantes » entre le barème annexé à la nouvelle réglementation de couverture, utilisé pour le rapport du 12 novembre 2008, et le BOBI, utilisé pour le rapport du 10 juillet 2014, le taux d’IPP finalement retenu serait resté quasiment identique, une telle conclusion laissant ainsi supposer « une […] amélioration de [son] état de
santé […] aussi soudaine qu’inexpliquée ». Ainsi, s’agissant par exemple du taux d’IPP retenu pour la déficience auditive, ce taux passerait « de 12 % pour un maximum de 60 % [selon le barème annexé à la nouvelle réglementation de couverture] à 15 % seulement pour un maximum de 80 % selon le BOBI », ainsi que le docteur B. l’aurait fait observer dans la note de désaccord du 22 septembre 2014. De semblables interrogations concerneraient également le taux d’IPP retenu pour évaluer les acouphènes
dont souffrirait le requérant, ou encore ses troubles de l’équilibre.
114 Enfin, en se bornant constamment à justifier sa position par l’affirmation selon laquelle « l’approche [du docteur J. serait] cohérente, pertinente, et conforme à la réalité médico-légale » ou par une formulation équivalente, le professeur C., en rédigeant le rapport final, n’aurait pas permis au requérant de comprendre les conclusions auxquelles la commission médicale était arrivée.
115 La Commission conclut au rejet du troisième grief. Elle fait valoir qu’il n’appartient pas au requérant de remettre en cause les appréciations médicales et que le rapport final est suffisamment motivé. En particulier, ce rapport expliquerait clairement le taux d’IPP de 15 % retenu pour l’évaluation des séquelles du requérant liées à sa déficience auditive. Ce taux correspondrait, par application de l’article 712 du BOBI, à une déficience bilatérale de 40 à 50 décibels avec appareillage. En
revanche, le docteur B. n’expliquerait pas, « avec des documents médicaux probants », les raisons pour lesquels il entendait réclamer également l’application de l’article 713 du BOBI.
116 Le rapport final exposerait aussi les raisons retenues par la commission médicale pour s’écarter des conclusions du professeur A. et pour refuser de reconnaître l’existence d’une rhinorrhée céphalo rachidienne au titre des séquelles liées à l’accident du 8 décembre 2003.
Appréciation du Tribunal
117 À titre liminaire, il convient de rappeler que les appréciations médicales proprement dites formulées par la commission médicale prévue par la règlementation de couverture en exécution de l’article 73 du statut doivent être considérées comme définitives lorsqu’elles ont été émises dans des conditions régulières. Le juge est uniquement habilité à vérifier, d’une part, si ladite commission a été constituée et a fonctionné régulièrement et, d’autre part, si son avis est régulier, notamment s’il
contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s’il établit un lien compréhensible entre les constatations médicales qu’il comporte et les conclusions auxquelles il parvient (arrêt du 14 septembre 2010, AE/Commission,F‑79/09, EU:F:2010:99, point 64 et jurisprudence citée).
118 Lorsque la commission médicale est saisie de questions d’ordre médical complexes se rapportant à un diagnostic difficile ou au lien de causalité entre l’affection dont est atteint l’intéressé et l’exercice de son activité professionnelle auprès d’une institution, il lui appartient notamment d’indiquer dans son avis les éléments du dossier sur lesquels elle s’appuie et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles elle s’écarte de certains rapports médicaux,
antérieurs et pertinents, plus favorables à l’intéressé (arrêt du 14 septembre 2010, AE/Commission,F‑79/09, EU:F:2010:99, point 65 et jurisprudence citée).
119 De plus, si les garanties procédurales de l’assuré devant la commission médicale doivent être contrôlées strictement par le juge, ce contrôle doit tenir compte de la nature même des travaux de la commission médicale, lesquels, selon la jurisprudence, ne visent pas à trancher un débat contradictoire, mais seulement à établir des constatations médicales (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes,2/87, EU:C:1988:17, point 16).
120 L’exercice du contrôle juridictionnel de la régularité de la constitution et du fonctionnement des commissions médicale et d’invalidité, ainsi que de celle des avis qu’elles émettent, est ainsi un corollaire de l’absence de contrôle juridictionnel sur les appréciations médicales proprement dites (arrêts du 4 octobre 1991, Commission/Gill,C‑185/90 P, EU:C:1991:380, point 24, et du 16 juin 2000, C/Conseil,T‑84/98, EU:T:2000:156, point 43 et jurisprudence citée).
121 C’est à la lumière des principes qui viennent d’être rappelés qu’il convient d’examiner les trois griefs du requérant soulevés à l’appui de son deuxième moyen.
– Sur le premier grief, tiré du manque d’indépendance et d’impartialité des membres de la commission médicale
122 S’agissant de ce premier grief, il convient, tout d’abord, d’observer que la simple circonstance, à supposer même qu’elle soit avérée, que le docteur J. et le professeur C. aient activement participé au même groupe de travail au sein de l’OPE, lequel aurait été un organisme « très proche des assureurs », ne saurait suffire, en l’absence de tout autre élément, à établir un quelconque manque d’indépendance dans leur chef à l’égard de tels assureurs, lesquels au demeurant, ainsi qu’il ressort du
dossier, étaient au nombre de trois, dans un groupe composé de douze personnes, dont trois magistrats et trois avocats. Une telle circonstance ne saurait davantage être de nature à établir que, dans l’examen concret du cas du requérant, lesdits médecins, membres de la commission médicale, auraient manqué à leur devoir d’impartialité, quand bien même le groupe de travail susmentionné aurait mené une réflexion ayant abouti à « l’élaboration d’une nouvelle arborescence du dommage corporel », le
requérant n’apportant aucun commencement de preuve qu’une telle arborescence aurait, en l’espèce, guidé les travaux de la commission médicale dans l’application du BOBI. Il en va de même de la circonstance que les noms du conseil de la Commission dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Guittet et du professeur L., lesquels auraient également participé aux travaux de l’OPE, auraient été cités dans le rapport final. Il suffit de constater, à cet égard, que leurs noms figurent en référence à des
citations concernant la définition donnée par ces deux auteurs du « préjudice sexuel », dont l’évaluation ne fait pas l’objet d’une contestation spécifique dans le présent litige et ne concerne pas la décision attaquée, telle que définie au point 67 du présent arrêt, un quelconque lien ne pouvant être tiré de cette simple référence entre leur hostilité supposée envers l’application du BOBI, laquelle n’est d’ailleurs pas démontrée, et l’application par la commission médicale de ce même BOBI au
cas du requérant. À cela il convient d’ajouter que la Commission, sans être contestée sur ce point, a indiqué que le professeur L. n’avait aucune connaissance du dossier du requérant.
123 Ensuite, les circonstances selon lesquelles le professeur C. aurait présenté les signataires du rapport de la commission médicale comme « membres de la Commission […] » et le docteur J. aurait systématiquement utilisé du papier à en-tête du PMO pour sa correspondance avec les autres membres de la commission médicale ne sauraient, en tant que telles, révéler un manque d’impartialité de ces deux médecins et un quelconque parti pris en faveur de la Commission aux dépens du requérant.
124 À cet égard, contrairement à ce que laisse entendre le requérant, le fait que le docteur J. et le professeur C. travaillent depuis plusieurs années avec le service médical de la Commission ne permet pas d’établir que ces médecins ne pouvaient conduire leur mission de manière impartiale (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2009, V/Commission,F‑33/08, EU:F:2009:141, point 179). En particulier, un tel fait ne saurait suffire, en l’absence de toute démonstration sur ce point, et sauf à supposer
que le caractère pérenne d’une collaboration nuise, par principe, à la neutralité, à prouver l’existence d’un lien de dépendance de ces mêmes médecins à l’égard de l’assureur de la Commission et qu’ils auraient agi en l’espèce, lors de l’examen de la situation particulière du requérant, au mépris des obligations déontologiques de tout expert médical.
125 Doivent également être regardées comme des allégations non étayées par le moindre commencement de preuve les affirmations du requérant selon lesquelles la Commission privilégierait son intérêt financier par rapport à celui de ses agents au mépris de ses obligations statutaires en s’efforçant de limiter l’indemnisation qu’elle accorde au titre de l’article 73 du statut afin de diminuer le montant de sa prime d’assurance contractée dans ce cadre. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon
une jurisprudence constante, le fait que le médecin désigné par l’institution est également agréé par l’assureur ne peut en rien porter préjudice au fonctionnaire (arrêt du 18 février 1993, Tallarico/Parlement,T‑1/92, EU:T:1993:12, point 32).
126 Enfin, le requérant n’ayant étayé ses allégations d’aucun élément permettant au Tribunal de conclure en l’espèce à un manque d’impartialité de la part du docteur J. et du professeur C., ce dernier ayant au demeurant été désigné par le président de la Cour de justice de l’Union européenne en qualité de troisième médecin à la suite du désaccord persistant entre le requérant et la Commission sur cette désignation, le fait d’avoir refusé de récuser ou de remplacer ces deux médecins ne saurait
révéler un manque d’indépendance et d’impartialité de la Commission. Il en va de même de la circonstance qu’un tel refus n’aurait pas été motivé en l’espèce.
127 Compte tenu de tout ce qui précède, le premier grief du deuxième moyen doit être écarté.
– Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de collégialité dans la conduite des travaux de la commission médicale
128 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon le principe de collégialité, lequel est applicable dans les mêmes conditions sous l’empire de l’ancienne réglementation de couverture comme de la nouvelle, les dispositions étant de portée équivalente sur ce point (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Camacho-Fernandes/Commission,F‑16/13, EU:F:2014:51, point 63), chacun des membres de la commission médicale doit avoir l’occasion de faire valoir utilement son point de vue devant les
autres membres (voir, s’agissant de la commission d’invalidité, arrêt du 7 mai 2013, McCoy/Comité des régions,F‑86/11, EU:F:2013:56, point 61).
129 Ce principe permet de garantir la sauvegarde des intérêts du fonctionnaire ou de ses ayants droit par la présence, au sein de la commission médicale, d’un médecin ayant leur confiance ainsi que par la désignation du troisième médecin d’un commun accord par les deux membres nommés par chaque partie (arrêt du 15 novembre 2000, Camacho-Fernandes/Commission,T‑20/00, EU:T:2000:266, point 31).
130 C’est ainsi qu’il a été jugé que, lorsque deux des trois membres de la commission médicale se réunissent, en l’absence du médecin désigné par le fonctionnaire ou ses ayants droit, afin de débattre, pour la première fois, de l’origine de la maladie de l’intéressé et que ceux-ci rédigent leur rapport final à ce sujet avant même d’avoir reçu communication du rapport exposant le point de vue du médecin désigné par l’intéressé, le principe de collégialité est méconnu et l’avis de la commission
médicale est entaché d’un vice de procédure (arrêts du 27 février 2003, Camacho-Fernandes/Commission,T‑20/00, EU:T:2003:47, points 47 à 52, et du 10 avril 2014, Camacho-Fernandes/Commission,F‑16/13, EU:F:2014:51, point 64).
131 Par ailleurs, en prévoyant une commission médicale composée de trois membres, l’économie des dispositions réglementaires implique que, en cas de désaccord entre ses membres, celle-ci puisse statuer à la majorité (arrêt du 10 décembre 1987, Jänsch/Commission,277/84, EU:C:1987:540, point 14).
132 Ainsi, le principe de collégialité ne signifie pas que la commission médicale ne peut pas valablement décider à la majorité, ni que la responsabilité principale de la rédaction du rapport de la commission médicale ne peut pas être assurée par les deux médecins représentant la majorité au sein de celle-ci.
133 En outre, il importe de rappeler que, si les garanties procédurales de l’assuré devant la commission médicale doivent certes être contrôlées strictement par le juge, ce contrôle doit tenir compte de la nature même des travaux de cette commission, lesquels, selon la jurisprudence, ne visent pas, ainsi qu’il a été rappelé au point 119 du présent arrêt, à trancher un débat contradictoire, mais à établir des constatations médicales.
134 Enfin, il a déjà été jugé que le rapport de la commission médicale n’est pas entaché d’un vice de forme du simple fait que l’un de ses membres a refusé de le signer. Cependant, afin de respecter le principe de la collégialité des travaux de la commission médicale, il doit être établi que le membre qui s’est abstenu de signer le rapport a eu l’occasion de présenter utilement son point de vue devant les deux autres membres (arrêt du 12 décembre 2012, BS/Commission,F‑90/11, EU:F:2012:188, point 38
et jurisprudence citée).
135 En l’espèce, force est de constater que le médecin représentant le requérant au sein de la commission médicale a pu faire part de son point de vue tant tout au long de la procédure, comme en attestent les nombreux échanges intervenus entre les membres de la commission médicale entre juillet et avril 2014, que lors de la réunion de la commission médicale du 7 juillet 2014 ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. Il est constant que le docteur B. était effectivement présent lors de
cette réunion et qu’il a signé le rapport final. Il ressort expressément du rapport final que le médecin désigné par le requérant a fait connaître à cette occasion ses réserves sur les conclusions auxquelles parvenaient les deux autres membres de la commission médicale. Il n’est pas non plus contesté, ainsi que le soutient le requérant lui-même, que le rapport final a été rédigé alors que le professeur C. et le docteur J. « disposaient des rapports du docteur [B.] et de ses observations écrites
(en particulier celles soumises à compter [de la note de désaccord] du 13 juin 2013) ». Dans ces conditions, le grief tiré de la violation du principe de collégialité ne saurait prospérer.
136 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que l’avis du docteur B. n’a pas été suivi par les deux autres membres de la commission médicale. En effet, que l’avis du docteur B. n’ait pas été suivi par ses deux confrères au sein de la commission médicale ne saurait suffire à démontrer que le docteur B. n’a pas été régulièrement entendu dans le cadre de cette instance, le principe de collégialité n’impliquant pas que les conclusions auxquelles arrivent la commission
médicale soient adoptées à l’unanimité. Le seul fait que le docteur B. n’ait pas été du même avis que ses deux confrères n’enlève rien au constat que la commission médicale, laquelle, ainsi qu’il a été dit au point précédent, était en mesure de se prononcer au vu des documents et des éléments susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations, a pu fonctionner d’une manière qui respecte les exigences en matière de collégialité (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014,
Camacho-Fernandes/Commission,F‑16/13, EU:F:2014:51, point 76).
137 Il en va de même de l’allégation supposée « mensongère » des deux autres membres de la commission médicale, selon laquelle le docteur B. aurait sollicité pour le requérant la reconnaissance d’un taux d’IPP de « 129,5 % », alors qu’il est constant que le rapport final s’est référé à la note de désaccord du 13 juin 2013 (voir point 33 du présent arrêt), dans laquelle ce dernier avait sollicité pour le requérant un taux d’IPP de 105,5 % pour la « problématique O. R. L », de 20 % pour la
« problématique psychiatrique et neuropsychiatrique » et de 4 % pour l’hémispasme, soit un taux d’IPP supérieur à 100 %, ainsi que le constatait le docteur B. lui-même, même si ce dernier a pris soin de rappeler dans la note de désaccord en cause les dispositions de la réglementation applicable selon laquelle le capital octroyé au titre de l’article 73 du statut ne peut dépasser le capital perçu en cas d’invalidité permanente totale ou la somme partielle accordée pour la perte totale ou la perte
complète de l’usage du membre ou de l’organe lésé. La mention, dans le rapport final, de la note de désaccord du 13 juin 2013 ne saurait dans ces conditions révéler un manque d’attention pour les positions exprimées par le docteur B. lors de la réunion de la commission médicale du 7 juillet 2014, ni une dénaturation de ses propositions.
138 En outre, si le requérant affirme que la date du 8 juillet 2014, retenue pour la réunion de la commission médicale, a été fixée sans tenir compte des disponibilités du docteur B., il suffit de constater que ce dernier était en tout état de cause présent lors de ladite réunion, de sorte qu’à le supposer avéré un tel argument serait sans incidence sur l’appréciation du respect du principe de collégialité, étant souligné qu’il n’est même pas allégué que la date ainsi retenue aurait eu une
quelconque incidence sur les informations susceptibles d’être disponibles et débattues lors de ladite réunion.
139 S’agissant du rapport du 6 juin 2013 établi à la suite de la réunion de la commission médicale du 31 mai 2013, il convient d’observer d’emblée que la décision attaquée n’a pas été prise sur le fondement dudit rapport. En tout état de cause, d’une part, il est constant que le docteur B. était présent à la réunion de la commission médicale du 31 mai 2013 et, d’autre part, il ne ressort pas du dossier qu’il n’était pas en mesure, dès cette date, de faire valoir utilement son point de vue. La
circonstance qu’il ait rédigé, après l’établissement du rapport du 6 juin 2013, de sa propre initiative, la note de désaccord du 13 juin 2013, loin de démontrer l’existence d’une atteinte au principe de collégialité, témoigne, par son contenu, des échanges intervenus entre les membres de la commission médicale concernant le désaccord qui les opposait.
140 Enfin, s’agissant des arguments présentés par le requérant concernant le fonctionnement de la commission médicale lors de ses réunions de janvier et octobre 2008, ils sont sans incidence sur le présent litige, puisqu’ils ne concernent pas, de toute évidence, la décision attaquée et se rapportent à la décision du 27 juillet 2009, annulée par l’arrêt Guittet.
141 Compte tenu des considérations qui précèdent, le deuxième grief du deuxième moyen doit être écarté.
– Sur le troisième grief, tiré de l’insuffisance de motivation de l’avis de la commission médicale
142 À l’appui de son grief, ainsi qu’il a été exposé aux points 107 à 114, le requérant fait, pour l’essentiel, valoir que la motivation adoptée pour justifier la reconnaissance d’un taux d’IPP de 15 % au titre de sa perte d’acuité auditive ne lui permet pas de comprendre les motifs d’une telle appréciation.
143 À cet égard, il convient, tout d’abord, de noter qu’il ressort des pièces du dossier que l’évaluation du taux d’IPP accordé au requérant au titre de sa déficience auditive constitue un élément essentiel de divergence entre les trois médecins de la commission médicale.
144 En effet, le docteur B. avait proposé de reconnaître à ce titre un taux d’IPP situé entre 47 et 48 %, cependant que le docteur J. et le professeur C. estimaient ce même taux à 15 %. Or, pour justifier d’une telle différence, portant sur un élément essentiel de l’appréciation du bilan séquellaire de l’accident du 8 décembre 2003, le rapport final se borne à indiquer les deux éléments suivants : d’une part, que l’évaluation de la réduction et de la déficience de l’acuité auditive du requérant
tient « évidemment » compte du fait que « cette acuité auditive est améliorée par l’utilisation des implants cochléaires », sans préciser ni justifier la méthode utilisée pour évaluer, au titre de l’article 712 du BOBI, la déficience auditive du requérant ; et, d’autre part, que « la position du docteur [B., proposant un taux de 47,5 %,] est totalement démesurée et que celle du docteur [J., proposant un taux de 15 %,] apparaît conforme à la jurisprudence médic[ol]égale ».
145 Par ailleurs, alors que le docteur B. a expressément demandé l’application de l’article 713 du BOBI en complément de l’application de l’article 712 dudit barème pour évaluer la perte auditive du requérant dans certaines situations courantes de la vie sociale, force est de constater que le rapport final ne contient aucune explication quant au refus des deux autres membres de la commission médicale de faire application de l’article 713 du BOBI. Ces derniers se bornent à affirmer, en termes
généraux, que l’approche retenue est « cohérente, pertinente et conforme à la réalité médic[ol]égale ». En particulier, le rapport final n’apporte aucune explication sur la question de savoir pourquoi la commission médicale a estimé, contrairement à ce que faisait valoir le docteur B., qu’il n’y avait pas lieu de reconnaître, pour reprendre les termes de l’article 713 du BOBI, « une audition sociale inférieure à celle que la perte moyenne tonale ne le laissait prévoir ».
146 Une telle motivation, lapidaire et imprécise, ne saurait être regardée comme suffisante pour permettre au requérant de comprendre et d’apprécier utilement les considérations sur lesquelles la commission médicale, statuant à la majorité, s’est fondée pour retenir le taux de 15 % au titre de sa perte d’acuité auditive, tout en excluant le bénéfice de l’application de l’article 713 du BOBI.
147 Certes, une lecture attentive de l’article 712 du BOBI, auquel le rapport final fait expressément référence, permet de comprendre qu’un taux de 15 % au titre de la perte d’acuité auditive est précisément retenu pour une déficience de 40 à 50 décibels pour les deux oreilles. Or, il n’est pas contesté, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de la note de désaccord du 22 septembre 2014 et ainsi que cela a également été confirmé à l’audience, que les divers bilans audiométriques ont établi que le requérant,
compte tenu de ses deux implants cochléaires, garde un seuil auditif efficace évalué aux environs de 45 à 50 décibels pour ses deux oreilles.
148 Toutefois, le rapport final garde le silence sur la question cruciale de l’articulation entre l’absence de toute acuité auditive constatée chez le requérant, en l’absence de prothèses auditives, et l’évaluation auditive obtenue avec l’aide de telles prothèses. Or, c’est précisément la question de cette articulation qui a conduit le docteur B., en se fondant notamment sur un rapport d’expertise, de proposer un taux d’IPP tenant compte de la perte auditive avec et sans utilisation des implants
cochléaires.
149 À cet égard, il ressort du dossier que la perte auditive dont souffre le requérant, pour les deux oreilles, est de 120 décibels sans prothèses auditives, ce qui correspond à une surdité bilatérale complète, laquelle, si elle était considérée comme incurable, donnerait lieu à la reconnaissance d’un taux d’IPP de 40 % conformément à l’ancienne réglementation de couverture. Selon le rapport final, une telle surdité ne saurait être considérée comme incurable dès lors que le port d’implants auditifs
permet de recouvrer une certaine acuité auditive, la perte auditive n’étant plus que de 45 à 50 décibels, ce qui resterait toutefois invalidant selon la commission médicale. Il n’en demeure pas moins que, selon le docteur B., aussi sophistiqués que soient les implants cochléaires, ils ne permettent pas au requérant de recouvrer une audition naturelle, ces outils étant inefficaces, voire inutilisables, en certaines circonstances, ce qui suffit à rendre plausible une perte d’audition sociale,
rendant applicable l’article 713 du BOBI. Il incombait à la commission médicale dans son rapport final de répondre explicitement et de manière motivée à cet argument crucial ayant justifié une forte divergence d’appréciation entre ses membres, tant au titre de l’article 712 que de l’article 713 du BOBI.
150 Une telle conclusion ne saurait être remise en cause, ainsi que semble le suggérer la Commission, par la circonstance que la position du docteur B. ne serait pas davantage motivée que celle de ses deux confrères de la commission médicale puisqu’il appartenait, en tout état de cause, à la commission médicale elle-même de motiver les conclusions auxquelles elle était parvenue, lesquelles n’étaient pas celles du docteur B., et de les consigner dans son rapport final, dont la rédaction, de surcroît,
conformément au nouveau mandat, avait été confiée non au docteur B., mais au professeur C.
151 En outre, la circonstance, alléguée en défense par la Commission, selon laquelle la prise en compte de l’appareillage auditif pour mesurer la perte d’acuité auditive du requérant n’aurait pas été contestée par le docteur B., ne saurait démontrer que la motivation adoptée par la commission médicale aurait sur ce point été suffisante pour permettre au requérant de comprendre les raisons pour lesquelles le taux d’IPP avait été fixé uniquement avec le port d’un tel appareillage et la différence de
près de 30 % qui en avait résulté par rapport à l’appréciation effectuée par le docteur B. au regard du barème applicable. En tout état de cause, force est de constater que le requérant a formellement contesté la prise en compte de ses implants cochléaires dans l’évaluation de sa déficience auditive dès lors qu’il a soutenu que la mesure de cette déficience aurait également dû être faite sans l’utilisation de tels implants.
152 Par ailleurs, ainsi que le fait, à juste titre, observer le requérant, la motivation des taux d’IPP qui ont été retenus au titre des acouphènes et des troubles vestibulaires dont il souffre suite à l’accident du 8 décembre 2003 ne permet pas de comprendre les raisons ayant conduit la commission médicale à lui reconnaître, pour les premiers, un taux de 5 % au titre de l’article 714 du BOBI, alors que le docteur B. proposait le double de ce taux, et, pour les seconds, un taux de 20 % au titre de
l’article 717 du BOBI, alors que le docteur B. proposait de retenir sur ce point un taux de 25 %.
153 Il apparaît ainsi que, sur un élément essentiel sur lequel a porté l’appréciation de la commission médicale dans le cadre de la fixation du taux global d’IPP reconnu au requérant au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture, taux sur le fondement duquel est calculé le montant de l’indemnité susceptible d’être accordée au requérant au titre des séquelles de l’accident du 8 décembre 2003 portant atteinte à sa capacité de travail, l’avis de la commission médicale est
insuffisamment motivé et ne permet pas au requérant d’établir sur ce point un lien compréhensible entre les constatations médicales qu’il comporte et les conclusions auxquelles il parvient.
154 Dans ces conditions, et alors même que l’avis de la commission médicale apparaîtrait suffisamment motivé sur tel ou tel autre point de l’évaluation des séquelles de l’accident du 8 décembre 2003 présentées par le requérant, il doit être conclu que la motivation adoptée par la commission médicale dans le rapport final ne permet pas au requérant de comprendre le taux d’IPP que la commission médicale lui a reconnu au titre de l’article 12 de l’ancienne réglementation de couverture, lequel taux ne
saurait être apprécié que dans sa globalité.
155 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a donc lieu d’accueillir le troisième grief soulevé dans le cadre du deuxième moyen et de rejeter les deux autres griefs soulevés dans le même cadre.
c) Sur le troisième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du taux d’IPP
Arguments des parties
156 Le requérant estime, en substance, qu’en ne reprenant pas à son compte les nombreuses observations faites par le docteur B., lesquelles auraient été corroborées par d’autres confrères, la commission médicale aurait entaché son avis d’une erreur manifeste d’appréciation.
157 En particulier, pour évaluer le taux d’IPP correspondant à sa perte d’audition, la commission médicale aurait dû « apprécier ses performances auditives [en réalisant] une moyenne de ses seuils auditifs avec et sans [les] implant[s] cochléaire[s] », ainsi que l’aurait souligné le professeur D., otorhinolaryngologiste, lequel aurait estimé que le taux d’IPP de 15 % retenu par la commission médicale était « très nettement insuffisant ». La commission médicale aurait ainsi dû, comme en attesterait
la note de désaccord du 22 septembre 2014, « tenir compte […] de la perte auditive avec et sans utilisation des prothèses, de façon à tenir compte des circonstances dans lesquelles elles ne s[eraient] pas utilisables », ce qui aurait également dû conduire ladite commission « à appliquer l’article 713 du BOBI ».
158 La commission médicale aurait également « [dénaturé] les propos et opinions exprimés […] par les médecins qui ne partageaient pas ses conclusions », notamment ceux des docteurs B. et V. G. ainsi que la position exprimée par le professeur A. à laquelle elle aurait donné « une portée manifestement erronée […] en prétendant qu’il n’était pas au courant de l’importance de [l’état rhumatologique antérieur du requérant,] ce qui [aurait été] à l’opposé de ce qu’il [avait] écrit ».
159 En outre, le requérant, contrairement aux conclusions de la commission médicale sur ce point, aurait « manifestement présenté une rhinorrhée cérébro-spinale importante » correspondant « très précisément à l’article 695[, sous] b)[,] du BOBI », dont la commission médicale aurait dû faire application afin de lui reconnaître un taux d’IPP associé compris entre 10 et 30 %.
160 Enfin, l’avis de la commission médicale serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au motif que, nonobstant un changement de barème entre l’ancienne et la nouvelle réglementation de couverture, le taux d’IPP finalement reconnu au requérant serait resté quasiment identique, passant de 64,5 % à 68,5 %.
161 La Commission conclut au rejet du troisième moyen en faisant valoir, en substance, qu’il n’appartiendrait pas au requérant de remettre en cause des appréciations d’ordre médical, ni d’ailleurs non plus au Tribunal, puisque celui-ci n’aurait pas davantage compétence pour en connaître.
Appréciation du Tribunal
162 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler (voir point 117 du présent arrêt) que les appréciations médicales doivent être considérées comme définitives lorsqu’elles ont été émises dans des conditions régulières et qu’il ne saurait s’agir pour le juge de l’Union de substituer sa propre appréciation à celle des médecins de la commission médicale sur des questions relevant spécifiquement de la médecine (voir, en ce sens et par analogie, s’agissant des conditions d’aptitude physique pour l’exercice
des fonctions de fonctionnaire, arrêt du 21 octobre 2009, V/Commission,F‑33/08, EU:F:2009:141, point 129 et jurisprudence citée).
163 En l’absence de contrôle juridictionnel sur les appréciations médicales proprement dites (arrêt du 6 février 2015, BQ/Cour des comptes,T‑7/14 P, EU:T:2015:79, point 45), une critique tirée de l’erreur manifeste d’appréciation dont seraient entachées les appréciations médicales figurant dans l’avis de la commission médicale ne saurait prospérer (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2011, Hecq/Commission,F‑47/10, EU:F:2011:137, point 45). En revanche, une appréciation qui ne serait pas une
appréciation médicale proprement dite serait susceptible d’être soumise au contrôle juridictionnel quant à sa portée sur le plan administratif (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2013, McCoy/Comité des régions,F‑86/11, EU:F:2013:56, point 105).
164 S’agissant, en premier lieu, de la fixation du taux d’IPP pour sa déficience auditive, le requérant n’a pas soutenu que les constatations médicales proprement dites du rapport final auraient été erronées, mais a fait valoir, en substance, que la commission médicale avait commis une erreur manifeste en tenant compte exclusivement de son appareillage auditif pour mesurer sa perte d’acuité auditive aux fins de l’application de l’article 712 du BOBI, alors qu’elle aurait dû évaluer la déficience
avec et sans l’utilisation d’un tel appareillage, celui-ci ne pouvant être porté en toutes circonstances, et ce en réalisant une moyenne des taux obtenus avec et sans implants cochléaires. Une telle erreur aurait, en outre, conduit la commission médicale à ne pas faire application à son cas de l’article 713 du BOBI, alors que cet article aurait dû lui être appliqué pour tenir compte des répercussions sociales engendrées par l’utilisation dudit appareillage.
165 Le requérant ne conteste donc pas l’applicabilité à son égard de l’article 712 du BOBI, mais estime que la commission médicale a commis une erreur de droit dans l’interprétation qu’elle en a faite, en considérant, à tort, que l’évaluation de l’incapacité auditive à ce titre requérait le port d’implants auditifs, ainsi qu’une erreur d’appréciation pour ne pas avoir fait application à sa situation de l’article 713 du BOBI.
166 Pour ce qui est, d’une part, de l’erreur de droit dans l’interprétation de l’article 712 du BOBI, il convient de souligner, à titre liminaire, que le renvoi, en l’espèce, à cette disposition, conformément à l’annexe de l’ancienne réglementation de couverture, requiert la constatation médicale de l’absence de caractère incurable et total de la surdité bilatérale permanente dont souffre le requérant, la commission médicale ayant considéré que le port d’implants cochléaires permettait précisément
de diminuer la déficience auditive du requérant de façon pour lui à recouvrer partiellement une capacité auditive. Ce renvoi n’a pas été contesté en l’espèce. Force est, donc, de constater que le recouvrement par le requérant d’une capacité auditive partielle, passant d’une déficience bilatérale de 120 décibels, soit une surdité totale, à une déficience bilatérale de quelque 45 décibels requiert le port de prothèses auditives, de telle sorte que l’évaluation de l’acuité auditive en résultant au
titre de l’article 712 du BOBI doit nécessairement se faire avec appareillage, ce que, d’ailleurs, cette disposition n’interdit pas, puisqu’elle ne fait nullement référence à l’utilisation, lors des différentes épreuves de mesure qu’elle prévoit, de prothèses auditives dont le patient pourrait bénéficier pour pallier sa déficience auditive.
167 Cela étant, selon l’opinion du docteur B., telle qu’exprimée dans ses notes de désaccord des 13 juin 2013 et 22 septembre 2014, dont s’est prévalu le requérant dans ses écrits comme à l’audience, dès lors que « les prothèses auditives ne sont que des outils certes sophistiqués, mais imparfaits et inefficaces, voire inutilisables dans certaines circonstances (bruit ambiant, vent, piscine, [etc.]) et qu’elles ne rendent malheureusement pas [au requérant] une audition naturelle », il y aurait lieu
de « prendre en compte un état se situant entre la surdité (cophose évaluée à 80 %[, selon l’article 712 du BOBI]) », et la réduction de la déficience auditive « avec le port d’implants cochléaires dans les conditions de test d’une cabine audiométrique » (évaluée à 15 %), ce qui en moyenne correspond à un taux situé entre 47 et 48 %. À cet égard, il ressort des développements du présent arrêt consacrés à l’examen du grief tiré du défaut de motivation de l’avis de la commission médicale que le
rapport final et la décision attaquée ne comportent aucune réponse à cet égard, de nature à expliquer le taux d’IPP retenu de 15 % pour la déficience auditive. Or, il convient de souligner que la motivation a comme première fonction de diminuer le risque d’arbitraire en contraignant l’auteur de l’acte litigieux à organiser son raisonnement en un tout cohérent (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2010, AE/Commission,F‑79/09, EU:F:2010:99, point 65, et du 18 novembre 2015,
Diamantopoulos/SEAE,F‑30/15, EU:F:2015:138, point 25 et jurisprudence citée).
168 Dans ces conditions, le Tribunal ne saurait utilement examiner le moyen tiré de l’erreur manifeste dans l’appréciation de la déficience auditive du requérant avant que la commission médicale ne motive, comme il se doit, ses conclusions, au regard des objections du docteur B., de façon à justifier l’écart considérable des taux retenus respectivement par la commission et par le docteur B.
169 Il convient encore d’ajouter que l’application du BOBI se fait à titre supplétif, s’agissant des fonctionnaires et agents de l’Union, dès lors que le barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture n’y renvoie que pour les seuls cas qu’il ne prévoit pas expressément. Il convient donc, en particulier, de faire application de l’article 712 du BOBI, dans le cas d’un fonctionnaire ou agent de l’Union, comme le requérant, en les conciliant avec les règles pertinentes découlant du barème
annexé à l’ancienne réglementation de couverture, ce qui s’oppose notamment à la reconnaissance pour un tel fonctionnaire ou agent, en cas de surdité curable ou partielle, d’un taux d’IPP supérieur au taux maximal reconnu au titre du barème annexé à l’ancienne réglementation de couverture en cas de surdité incurable et totale.
170 S’agissant, d’autre part, de la non-application de l’article 713 du BOBI au cas du requérant, il convient de souligner que, conformément à cette disposition, l’évaluation de l’incapacité auditive obtenue au titre de l’article 712 du BOBI est complétée par l’évaluation des résultats que l’intéressé obtient à des épreuves tonales spéciales et vocales, le taux d’invalidité obtenu au titre de l’article 712 du BOBI étant majoré lorsque les résultats obtenus auxdites épreuves rendent compte d’une
audition sociale inférieure à celle que la perte moyenne tonale ne laissait prévoir. S’il n’appartient pas au juge de l’Union de contrôler l’évaluation, purement médicale, des résultats que l’intéressé obtient à de telles épreuves, il est toutefois habilité à contrôler, dans le cadre de l’évaluation de l’incapacité auditive de l’intéressé, le respect de l’application de l’article 713 du BOBI en ce qu’il tend à soumettre l’intéressé à des épreuves complémentaires à celles subies au titre de
l’article 712 du BOBI afin de déterminer sa capacité auditive totale.
171 En l’espèce, il suffit de constater que, dans la note de désaccord du 22 septembre 2014, le docteur B., faisant état des imperfections des implants auditifs, lesquels ne peuvent permettre une audition naturelle, a mis en évidence, dans le chef du requérant, « une audition sociale inférieure à celle que la perte moyenne tonale ne […] laissait prévoir » et a proposé l’octroi d’une majoration de taux en application de l’article 713 du BOBI. Or, il ressort des développements consacrés à l’examen du
grief tiré du défaut de motivation de l’avis de la commission médicale que le rapport final et la décision attaquée ne comportent aucune réponse à cet égard, de nature à expliquer la non-application de l’article 713 du BOBI.
172 Dans ces conditions, de même que pour le grief concernant spécifiquement la détermination du taux d’IPP afférent à la perte auditive proprement dite, le Tribunal ne saurait utilement examiner le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation avant que la commission médicale ne motive, comme elle en a l’obligation, les conclusions du rapport final, au regard des objections formulées par le docteur B., de façon à justifier la non-application, à l’égard du requérant, de l’article 713 du BOBI.
173 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que l’examen par le juge de l’Union du moyen tiré de l’erreur manifeste dans l’appréciation de la déficience auditive du requérant conduirait le Tribunal à anticiper sur la nouvelle appréciation à laquelle la commission médicale sera amenée à se livrer en exécution du présent arrêt, tant au titre de l’article 712 qu’à celui de l’article 713 du BOBI, afin d’anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui constituerait
une méconnaissance de l’article 266 TFUE. Il n’y a, par conséquent, pas lieu d’examiner le troisième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du taux d’IPP, en ce qu’il se rapporte à l’application des articles 712 et 713 du BOBI (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2014, CP/Parlement,F‑8/13, EU:F:2014:44, points 91 et 92).
174 S’agissant, en second lieu, des autres branches du présent moyen, force est, tout d’abord, de constater que l’appréciation de la commission médicale figurant dans le rapport final selon laquelle l’existence d’une rhinorrhée cérébrospinale chez le requérant n’aurait pas été démontrée est une appréciation d’ordre purement médical, que le requérant se borne à contester en se prévalant d’appréciations contenues dans d’autres rapports médicaux. L’appréciation en cause de la commission médicale,
relevant spécifiquement de la médecine, doit donc être considérée comme définitive.
175 S’agissant, ensuite, du caractère « manifestement erroné », selon le requérant, de l’appréciation de la commission médicale figurant dans le rapport final selon laquelle le professeur A. « n’était pas au courant de l’importance de [son état rhumatologique antérieur] » puisque cette appréciation était « à l’opposé de ce qu’il [avait] écrit », il suffit d’observer que cette appréciation de la commission médicale se rapporte, en tout état de cause, à l’évaluation du quantum doloris, dont la
réparation entre dans le cadre de l’application de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture et est donc sans incidence sur la décision attaquée, prise sur le fondement de l’article 12 de ladite réglementation.
176 Enfin, la simple constatation de ce que l’évaluation du taux d’IPP sur le fondement de l’ancienne réglementation de couverture n’aurait pas conduit à modifier sensiblement le taux précédemment reconnu sur le fondement de la nouvelle réglementation de couverture ne saurait, par elle-même et à elle seule, être susceptible d’établir une erreur manifeste dans l’appréciation faite par la commission médicale des séquelles, pour le requérant, de l’accident du 8 décembre 2003, au regard de l’ancienne
réglementation de couverture, alors notamment, et en tout état de cause, qu’il n’est pas établi à ce stade que le requérant pouvait bénéficier d’un taux d’IPP sensiblement différent de celui qui lui avait été précédemment reconnu sous l’empire de la nouvelle réglementation de couverture. À cet égard, il ne saurait suffire d’alléguer, comme le fait le requérant, que les taux d’indemnisation maximale auraient été supérieurs sous l’empire de l’ancienne réglementation de couverture pour établir
avoir effectivement droit à la reconnaissance d’un taux supérieur à celui reconnu sous l’empire de la nouvelle réglementation.
177 Compte tenu des considérations qui précèdent, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation ne saurait être accueilli dans le cadre du présent litige.
178 Pour conclure et compte tenu de tout ce qui vient d’être exposé, il convient d’accueillir uniquement le grief, soulevé dans le cadre du deuxième moyen, tiré du vice de procédure, en l’absence de motivation suffisante de l’avis de la commission médicale.
179 Par suite, le requérant est fondé à demander l’annulation de la décision attaquée.
B – Sur les conclusions indemnitaires
1. Arguments des parties
180 Le requérant soutient que les illégalités dont seraient entachées la décision attaquée et la décision du 13 mars 2015 lui ont causé un préjudice moral qu’il évalue « à titre provisionnel et ex æquo et bono » à la somme de 110000 euros.
181 Pour établir son préjudice, le requérant se prévaut « notamment, mais non exclusivement », de « l’état d’incertitude sur l’issue de la procédure dans lequel il [serait] laissé », d’un manque d’« attention utile » dont la commission médicale aurait fait montre à son égard, ainsi qu’à l’égard du médecin qu’il avait désigné, ce qui serait « d’autant moins acceptable » qu’il est « en souffrance [et] particulièrement vulnérable à la suite d’un grave accident », du caractère « indigne » de cette
« bataille sans fin et épuisante » à laquelle il doit se livrer pour faire valoir ses droits, de l’atteinte portée à sa qualité de vie pour ne pas avoir pu profiter en temps utile, notamment tant que son épouse était en vie, de l’indemnisation à laquelle il aurait pourtant eu droit depuis longtemps.
182 Le requérant soutient, en outre, que le refus de la Commission, dans la décision du 13 mars 2015, d’examiner l’intégralité des griefs qu’il avait présentés dans sa réclamation contre la décision attaquée lui a fait perdre « un temps précieux » et lui a causé un préjudice moral distinct qu’il évalue à la somme de 10000 euros.
183 Le requérant soutient également avoir subi un préjudice matériel en raison de l’absence de versement des intérêts de retard sur le capital qui lui est dû au titre de l’article 73 du statut, incluant non seulement ceux à verser sur les sommes déjà reçues au titre de la décision attaquée, mais également ceux à verser sur les « montants payés et à devoir au titre [dudit article] », de tels intérêts devant être versés au taux prévu au contrat d’assurance liant la Commission à son assureur, soit
12 %.
184 Le requérant inclut également dans son préjudice matériel des frais « annexes » liés à l’intervention d’un médecin-conseil, qu’il évalue à hauteur de 12004,47 euros, somme à parfaire ; des frais exposés par son conseil, pour un montant de 4000 euros, somme à parfaire ; enfin des « frais de succession, au cas où [il] n’aurait pas pu placer la totalité des sommes qui lui sont dues sur des assurances-vie, soit qu’il décède avant de les avoir reçues, soit qu’il les reçoive après avoir atteint l’âge
de 70 ans ».
185 La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires comme étant irrecevables au motif, d’une part, qu’elles le seraient par voie de conséquence de l’irrecevabilité des conclusions en annulation et, d’autre part, qu’elles seraient prématurées, la procédure ayant été rouverte à la suite de la décision du 13 mars 2015. En tout état de cause, lesdites conclusions seraient non fondées. À cet égard, la Commission fait valoir que le requérant ne saurait se prévaloir d’un préjudice moral
puisque, par la décision du 13 mars 2015, laquelle aurait retiré la décision attaquée, il aurait été fait droit à sa demande. Au demeurant, le préjudice moral invoqué serait imprécis et incertain et ne saurait dès lors ouvrir droit à réparation. Le préjudice matériel ne serait pas davantage établi, qu’il s’agisse des intérêts de retard sollicités, du remboursement de certains frais engagés durant la procédure ou des « frais de succession ».
2. Appréciation du Tribunal
a) Sur le préjudice moral
186 À titre liminaire, il convient de préciser que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (arrêts du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, EU:C:1987:348, point 22 ; du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil,T‑116/03, EU:T:2004:325, point 127, et du 8 mai 2008, Suvikas/Conseil,F‑6/07,
EU:F:2008:55, point 151), à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêts du 14 juillet 2011, Petrilli/Commission,F‑98/07, EU:F:2011:119, point 28 et jurisprudence citée, et du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission,F‑107/13, EU:F:2014:232, point 141).
187 En l’espèce, il convient, tout d’abord, de rappeler que la décision du 13 mars 2015 a, d’une part, retiré la décision du 6 octobre 2014 en ce qu’elle avait, à tort, fixé le taux d’IPP au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture en fonction, non pas du barème annexé à ladite réglementation, mais de l’annexe C de la nouvelle réglementation de couverture et, d’autre part, confirmé cette même décision en ce qu’elle fixait le taux d’IPP au titre de l’article 12 de l’ancienne
réglementation de couverture. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, si la décision du 13 mars 2015 a fait disparaître de l’ordonnancement juridique la décision du 6 octobre 2014 en ce qu’elle fixait le taux d’IPP au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture, rendant ainsi irrecevables les conclusions en annulation dirigées contre ce volet de ladite décision, la décision du 13 mars 2015 n’a pas supprimé les conséquences de l’illégalité ainsi rappelée, sur le
retard pris dans la procédure de fixation du taux d’IPP au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture, rouverte à la suite de la décision du 13 mars 2015. La décision du 13 mars 2015 ne saurait donc avoir suffi, par elle-même, à réparer l’éventuel dommage qu’une telle illégalité aurait causé à ce titre dans le chef du requérant.
188 À cet égard il convient de constater que, par l’effet du retrait, par la décision du 13 mars 2015, de la décision du 6 octobre 2014 en ce qu’elle fixait le taux d’IPP au titre de l’article 14 de l’ancienne réglementation de couverture, mais aussi par l’effet du présent arrêt d’annulation de la décision attaquée, le requérant, ainsi qu’il le fait valoir à bon droit, se retrouve à nouveau dans une position d’attente quant au règlement définitif et complet de la procédure ouverte au titre de
l’article 73 du statut. Un tel prolongement de la situation d’attente et d’incertitude, provoquée par l’illégalité de la décision du 6 octobre 2014 dans son ensemble, constitue un préjudice moral qu’il appartient à la Commission de compenser par une réparation adéquate (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, A/Commission,F‑142/12, EU:F:2013:193, point 92). Contrairement à ce que fait valoir la Commission en défense, la prématurité d’une demande de dommages et intérêts ne saurait en effet
être déduite, par principe, de la réouverture de la procédure suivie au titre de l’article 73 du statut, dès lors qu’un préjudice réel et certain est, comme en l’espèce, d’ores et déjà indemnisable (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2008, Nardone/Commission,T‑57/99, EU:T:2008:555, point 56).
189 Dans les circonstances de l’espèce, alors que la situation d’attente et d’incertitude dans laquelle se trouve le requérant prolonge celle dans laquelle le requérant s’était déjà retrouvé à la suite de l’arrêt Guittet, en raison de l’annulation de la décision du 27 juillet 2009, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant la Commission à verser au requérant à ce titre la somme de 5000 euros.
190 En revanche, le requérant n’établit pas que les autres chefs de préjudice moral qu’il invoque au soutien de sa requête seraient insusceptibles d’être intégralement réparés par l’annulation de la décision attaquée et des mesures que la Commission sera tenue de prendre à la suite de cette annulation par le présent arrêt.
191 S’agissant de la manière « indigne » dont le requérant, selon ses affirmations, aurait été traité par la Commission lors de la procédure suivie au titre de l’article 73 du statut, il suffit de constater que ni la décision attaquée ni la décision du 13 mars 2015 ne comportent des appréciations négatives relatives à sa personne et susceptibles de le blesser. En tout état de cause, il ne ressort pas davantage du dossier que le requérant aurait fait l’objet de telles remarques lors des travaux de la
commission médicale, travaux dont il ne ressort pas non plus du dossier que le médecin qu’il avait désigné n’y aurait pas été régulièrement associé, ainsi qu’il a été dit au point 138 du présent arrêt, ou qu’ils auraient été menés sans impartialité ni indépendance, ainsi qu’il a également été conclu au point 126 du présent arrêt.
192 Pour ce qui concerne le préjudice allégué en raison de l’atteinte portée à sa qualité de vie, notamment avec feu son épouse, pour ne pas avoir pu disposer en temps utile du capital qui lui aurait été dû, le requérant n’apporte aucun élément précis susceptible d’établir la réalité d’un tel préjudice.
193 Enfin, lorsque le requérant se prévaut d’un préjudice moral « distinct », en violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, pour le temps perdu dans la procédure en raison du refus de la Commission d’examiner dans la décision du 13 mars 2015 l’intégralité des griefs qu’il avait présentés dans sa réclamation contre la décision du 6 octobre 2014, « au détriment […] de la célérité de la procédure », il se place dans l’hypothèse où l’examen de l’ensemble des griefs
contenus dans sa réclamation aurait conduit nécessairement la Commission à annuler d’emblée dans sa totalité la décision du 6 octobre 2014 en convoquant une nouvelle commission médicale dans une composition différente de celle de la précédente et, par suite, à lui faire gagner du temps sur la procédure. Or, il ne ressort pas du dossier, et notamment pas du mémoire en défense, qu’un examen de l’intégralité des griefs présentés dans la réclamation contre la décision du 6 octobre 2014 aurait
nécessairement conduit la Commission à revenir, par elle-même, sur sa position et à faire droit, à ce stade, à la demande du requérant. La prémisse sur laquelle se fonde le raisonnement du requérant n’étant pas démontrée, il ne saurait être fait droit à la demande de réparation de ce chef de préjudice.
194 Compte-tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de condamner la Commission à verser au requérant la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral.
b) Sur les préjudices matériels
Sur le préjudice pour dépassement d’un délai raisonnable et le paiement d’intérêts de retard
195 À titre liminaire, il convient d’observer qu’en sollicitant le versement d’intérêts de retard sur le capital qui lui serait dû au titre de l’article 73 du statut, il est clair, au regard de l’économie générale de la requête et des moyens qu’il invoque, que le requérant entend solliciter le versement d’intérêts compensatoires en réparation d’un préjudice allégué pour dépassement d’un délai raisonnable dans la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut (voir, en ce sens, arrêt Guittet,
point 73).
196 Cela étant précisé, s’agissant, tout d’abord, de la demande d’intérêts de retard sur le capital versé sur le fondement de la décision attaquée, il suffit de rappeler, ainsi qu’il a été dit au point 92 du présent arrêt, que la décision attaquée n’a pas été, en tout état de cause, adoptée dans un délai déraisonnable.
197 S’agissant, ensuite, de la demande concernant, « plus généralement, [l]es montants payés » au titre de l’article 73 du statut, et à supposer que de tels montants, non précisés, aient été ceux perçus sur le fondement de la décision du 27 juillet 2009, il suffit de constater que cette demande a été rejetée par l’arrêt Guittet.
198 S’agissant, enfin, de la demande de versement d’intérêts sur les « montants à devoir », le requérant entend par une telle demande obtenir la condamnation de la Commission à lui verser des intérêts de retard sur un capital qui lui serait dû sur le fondement d’une décision qui n’a pas encore été prise et alors que rien au dossier ne permet d’établir que la décision à venir, prise en exécution du présent arrêt d’annulation, impliquera avec certitude que le requérant bénéficiera d’un taux d’IPP
finalement supérieur à celui qui lui a été reconnu et qu’un tel taux puisse déjà, à ce stade, être fixé. Dès lors, une telle demande est en tout état de cause prématurée (voir, en ce sens, arrêt Guittet, point 97)
199 Compte tenu de ce qui précède, les conclusions tendant au versement d’intérêts compensatoires sur le capital dû au titre de l’article 73 du statut ne peuvent être accueillies.
Sur le préjudice pour « frais annexes »
200 Le requérant entend également inclure au titre de son préjudice matériel le montant des frais liés à l’intervention d’un médecin conseil pour une somme de 12004,47 euros. En tout état de cause, un tel préjudice n’est nullement établi par les pièces versées au dossier, le requérant se bornant sur ce point à fournir deux quittances attestant de frais de taxi à hauteur de 77 et 85 euros, lesquelles quittances ne sont toutefois établies à aucun nom et portent expressément la mention selon laquelle
il ne s’agit pas de factures.
201 Le requérant entend également obtenir le remboursement des frais d’avocat rendus nécessaires « en raison de l’examen et du contrôle de la correcte exécution de l’arrêt [Guittet] et des difficultés liées aux travaux de la commission médicale » pour un montant estimé à la somme de 4000 euros. Or, là encore, le requérant, à qui il appartient d’apporter la preuve de son préjudice, n’apporte aucun élément susceptible de justifier du montant de la réparation qu’il entend obtenir à ce titre.
202 Au demeurant, s’agissant de tels frais d’avocat, qui doivent être regardés comme relatifs à la phase préalable au recours, il y a lieu de rappeler que le déroulement de la procédure précontentieuse, telle qu’organisée par le statut, n’implique pas qu’un fonctionnaire soit représenté à ce stade, la contrepartie de cette situation étant que, selon une jurisprudence constante, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations ou les demandes de façon restrictive, mais doit, au contraire,
les examiner dans un esprit d’ouverture. Par suite, il y a lieu de constater que, sauf circonstances exceptionnelles, un fonctionnaire ne peut obtenir le remboursement des frais et des honoraires de ses conseils pour la phase précontentieuse dans le cadre d’un recours en indemnité. Or, rien dans le dossier ne permet d’établir l’existence de telles circonstances exceptionnelles (arrêt Guittet, point 105 et jurisprudence citée).
203 Enfin, le requérant entend également obtenir réparation d’un préjudice pour « frais de succession, au cas où [il] n’aurait pas pu placer la totalité des sommes qui lui sont dues sur des assurances vie, soit qu’il déc[éderait] avant de les avoir reçues, soit qu’il les rec[evrait] après avoir atteint l’âge de 70 ans ». Un tel préjudice, purement hypothétique, ne saurait, en tout état de cause, avoir le caractère d’un préjudice indemnisable, lequel doit être, selon une jurisprudence constante, réel
et certain (voir, par exemple, arrêts du 27 janvier 1982, De Franceschi/Conseil et Commission, 51/81, EU:C:1982:20 point 9, et du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil,T‑108/94, EU:T:1996:5, point 54).
204 Compte tenu de ce qui précède, les conclusions indemnitaires en réparation des frais annexes doivent être rejetées.
205 Compte tenu de tout ce qui précède, la Commission doit être condamnée à verser au requérant uniquement la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral.
Sur les dépens
206 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux
dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
207 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du 6 octobre 2014 clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne à la suite de l’accident du 8 décembre 2003 dont a été victime M. Christian Guittet, dans la mesure où elle a fixé à 65 % le taux d’invalidité permanente partielle reconnu à celui-ci au titre de l’article 12 de la réglementation commune aux institutions de l’Union européenne relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle, dans sa
version en vigueur avant le 1er janvier 2006, est annulée.
2) La Commission européenne est condamnée à verser à M. Guittet la somme de 5000 euros.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Guittet.
Van Raepenbusch
Perillo
Svenningsen
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2016.
Le greffier
W. Hakenberg
Le président
S. Van Raepenbusch
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( *1 ) Langue de procédure : le français.