ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
28 septembre 2016 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Questions préjudicielles identiques – Articles 49 et 56 TFUE – Liberté d’établissement – Libre prestation de services – Jeux de hasard – Restrictions – Raisons impérieuses d’intérêt général – Proportionnalité – Conditions de participation à un appel d’offres et évaluation de la capacité économique et financière – Exclusion du soumissionnaire pour défaut de présentation d’attestations de sa capacité économique et financière,
délivrées par deux établissements bancaires distincts »
Dans l’affaire C‑438/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Taranto (tribunal de Taranto, Italie), par décision du 9 juillet 2015, parvenue à la Cour le 10 août 2015, dans la procédure pénale contre
Davide Durante,
LA COUR (septième chambre),
composée de M^me C. Toader (rapporteur), président de chambre, M. A. Rosas et M^me A. Prechal, juges,
avocat général : M. N. Wahl,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49, 56 et 63 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre M. Davide Durante en raison d’une infraction à la législation italienne régissant la collecte de paris.
Le litige au principal et la question préjudicielle
3 L’affaire au principal s’inscrit dans un cadre juridique et factuel pour l’essentiel analogue à celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C‑225/15, EU:C:2016:645).
4 Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, un contrôle effectué le 12 juin 2014 par la Guardia di Finanza di Taranto (police douanière et financière de Taranto, Italie) dans les locaux d’un centre de transmission de données géré par M. Durante et affilié à UniqGroup ltd., une société de droit maltais, a permis de mettre à jour l’existence, dans ce centre, d’une activité non autorisée de collecte de paris. À la suite de ce contrôle, il a été procédé à la saisie conservatoire de
certains équipements utilisés pour la collecte de paris.
5 Une procédure pénale a été également engagée à l’encontre de M. Durante.
6 Dans ces conditions, le Tribunale di Taranto (tribunal de Taranto) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante, qui est partiellement identique à celle posée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C‑225/15, EU:C:2016:645).
«Les articles [49, 56, 63 et suivants TFUE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale en matière de jeux de hasard qui, pour mettre en place une nouvelle procédure d’appel d’offres en vue de l’octroi de concessions [...], considère comme un motif d’exclusion de la procédure sélective le défaut de capacité économique et financière du contractant, sans prévoir, aux fins de cette démonstration, d’autres critères appropriés que la condition tenant à la
présentation de deux attestations différentes émises par deux établissements de crédit différents, alors que les attestations proviennent d’une seule entité sujet ? »
Sur la question préjudicielle
7 Conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, cette dernière peut, à tout moment, après avoir entendu l’avocat général, statuer par voie d’ordonnance motivée.
8 Il convient de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.
9 Par sa question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si les articles 49, 56 et 63 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d’offres visant à l’octroi de concessions en matière de jeux et de paris, l’obligation d’apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux
établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être autrement établie.
10 Dans la mesure où, au point 50 de l’arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C‑225/15, EU:C:2016:645), la Cour a répondu, s’agissant de l’article 49 TFUE, à une question identique à celle posée dans la présente affaire, la réponse apportée par la Cour dans ledit arrêt est pleinement transposable à la question posée par la juridiction de renvoi dans l’affaire au principal en ce qui concerne l’article 49 TFUE.
11 Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a rappelé au point 37 de l’arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C‑225/15 EU:C:2016:645), doivent être considérées comme des restrictions à la liberté d’établissement et/ou à la libre prestation de services toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice des libertés garanties par les articles 49 et 56 TFUE.
12 Une disposition d’un État membre, telle que celle en cause au principal, est susceptible de dissuader les opérateurs économiques de participer à une procédure d’appel d’offres et est, dès lors, susceptible de constituer également une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 56 TFUE.
13 S’agissant de la justification d’une telle restriction, les considérations évoquées aux points 39 à 49 de l’arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C‑225/15 EU:C:2016:645) dans le contexte de la liberté d’établissement apparaissent pleinement transposables à la libre prestation de services.
14 En ce qui concerne l’applicabilité en l’espèce de l’article 63 TFUE, il convient de constater que les éventuels effets restrictifs de la réglementation nationale en cause au principal sur la libre circulation des capitaux ne seraient que la conséquence inéluctable des éventuelles restrictions imposées à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services et ne justifieraient pas, dès lors, un examen autonome de ladite réglementation au regard de ladite disposition (voir, en ce
sens, arrêts du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 47, ainsi que du 11 mars 2010, Attanasio Group, C‑384/08, EU:C:2010:133, point 40).
15 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que les article 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d’offres visant à l’octroi de concessions en matière de jeux et de paris l’obligation d’apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux
établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être autrement établie, dès lors qu’une telle disposition est susceptible de satisfaire aux conditions de proportionnalité établies par la jurisprudence de la Cour, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
Les article 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d’offres visant à l’octroi de concessions en matière de jeux et de paris l’obligation d’apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être
autrement établie, dès lors qu’une telle disposition est susceptible de satisfaire aux conditions de proportionnalité établies par la jurisprudence de la Cour, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Signatures
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* Langue de procédure : l’italien.