CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 5 octobre 2016 ( 1 )
Affaire C‑430/15
Secretary of State for Work and Pensions
contre
Tolley (décédée, agissant par son représentant personnel)
[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni)]
«Renvoi préjudiciel — Sécurité sociale des travailleurs migrants — Allocation de subsistance pour handicapés (composante “dépendance”) — Règlement (CEE) no 1408/71 — Article 1er, sous a) — Notion de “travailleur salarié ou non salarié” — Article 4, paragraphe 1, sous a) — Prestation de maladie en espèces — Article 13, paragraphe 2, sous f) — Loi applicable — Article 22, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2 — Caractère exportable — Défaut d’autorisation préalable»
I – Introduction
1. Mme Tolley, une ressortissante britannique, avait commencé à percevoir, lorsqu’elle résidait au Royaume‑Uni, la composante dépendance de la Disability Living Allowance (allocation de subsistance pour handicapés, ci‑après « DLA »). Le bénéfice de cette prestation lui avait été octroyé pour une durée indéterminée. Cinq ans après le transfert de la résidence de l’intéressée vers l’Espagne, les autorités du Royaume‑Uni lui ont dénié le droit de continuer à percevoir ladite prestation à compter de ce
transfert, au motif que la condition de résidence prévue à cet effet par le droit national n’était pas remplie. La Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) demande essentiellement à la Cour de déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une telle condition de résidence.
II – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
2. Le règlement (CEE) no 1408/71 ( 2 ) a été remplacé par le règlement (CE) no 883/2004 ( 3 ), devenu applicable le 1er mai 2010. Toutefois, compte tenu de la date des faits du litige au principal ( 4 ), celui‑ci demeure régi par le règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 ( 5 ), tel que modifié par le règlement (CE) no 1386/2001 ( 6 ) (ci-après le « règlement no 1408/71 »).
3. L’article 1er du règlement no 1408/71 prévoit :
« Aux fins de l’application du présent règlement :
a) les termes “travailleur salarié” et “travailleur non salarié” désignent, respectivement, toute personne :
i) qui est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d’un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés ou par un régime spécial des fonctionnaires ;
ii) qui est assurée à titre obligatoire contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches auxquelles s’applique le présent règlement, dans le cadre d’un régime de sécurité sociale s’appliquant à tous les résidents ou à l’ensemble de la population active :
— lorsque les modes de gestion ou de financement de ce régime permettent de l’identifier comme travailleur salarié ou non salarié
ou
— à défaut de tels critères, lorsqu’elle est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une autre éventualité précisée à l’annexe I, dans le cadre d’un régime organisé au bénéfice des travailleurs salariés ou non salariés, ou d’un régime visé au point iii) ou en l’absence d’un tel régime dans l’État membre concerné, lorsqu’elle répond à la définition donnée à l’annexe I ;
[...]
o) le terme “institution compétente” désigne :
i) l’institution à laquelle l’intéressé est affilié au moment de la demande de prestations
ou
ii) l’institution de la part de laquelle l’intéressé a droit à prestations ou aurait droit à prestations s’il résidait ou si le ou les membres de sa famille résidaient sur le territoire de l’État membre où se trouve cette institution
[...]
q) le terme “État compétent” désigne l’État membre sur le territoire duquel se trouve l’institution compétente ;
[...] »
4. L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 dispose que « [l]e présent règlement s’applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des États membres ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants ».
5. L’article 4 dudit règlement énonce :
« 1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :
a) les prestations de maladie et de maternité ;
b) les prestations d’invalidité [...]
c) les prestations de vieillesse ;
[...] »
6. L’article 10 du même règlement, intitulé « Levée des clauses de résidence – Incidence de l’assurance obligatoire sur le remboursement des cotisations », prévoit, au premier alinéa de son paragraphe 1, qu’« [à] moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou de survivants, les rentes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres
ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ».
7. Selon l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, « [s]ous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre ».
8. L’article 13, paragraphe 2, sous a), de ce règlement prévoit que, sous réserve des articles 14 à 17 dudit règlement, « la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État [...] ».
9. L’article 13, paragraphe 2, sous f), dudit règlement dispose que « la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en conformité avec l’une des règles énoncées aux alinéas précédents ou avec l’une des exceptions ou règles particulières visées aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette seule
législation ».
10. L’article 19, paragraphe 1, du même règlement, figurant sous la section 2, intitulée « Travailleurs salariés ou non salariés et membres de leur famille », du chapitre 1er, portant sur la maladie et la maternité, du titre III de celui-ci, intitulé « Dispositions particulières aux différentes catégories de prestations », énonce :
« Le travailleur salarié ou non salarié qui réside sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent et qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18, bénéficie dans l’État de sa résidence :
[...]
b) des prestations en espèces servies par l’institution compétente selon les dispositions de la législation qu’elle applique [...] »
11. L’article 22, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, figurant sous la même section, est libellé comme suit :
« Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et :
[...]
b) qui, après avoir été admis au bénéfice des prestations à charge de l’institution compétente, est autorisé par cette institution à retourner sur le territoire de l’État membre où il réside ou à transférer sa résidence sur le territoire d’un autre État membre
[...]
a droit :
[...]
ii) aux prestations en espèces servies par l’institution compétente selon les dispositions de la législation qu’elle applique [...] »
12. Aux termes de l’annexe I (intitulée « Champ d’application personnel du règlement »), point I, rubrique « Royaume‑Uni », de ce règlement, « [e]st considérée comme travailleur salarié ou non salarié, au sens de l’article 1er point a), ii), du règlement, toute personne qui a la qualité de travailleur salarié (employed earner) ou de travailleur non salarié (self‑employed earner) au sens de la législation de Grande‑Bretagne ou de la législation d’Irlande du Nord, ainsi que toute personne pour
laquelle des cotisations sont dues en qualité de travailleur salarié (employed person) ou de travailleur non salarié (self‑employed person) au sens de la législation de Gibraltar ».
13. Conformément à l’annexe VI (intitulée « Modalités particulières d’application des législations de certains États membres »), rubrique « Royaume‑Uni », point 19, dudit règlement :
« Sous réserve de toute convention conclue avec les États membres, aux fins de l’article 13 paragraphe 2, point f), du règlement et de l’article 10 ter du règlement d’application, la législation du Royaume‑Uni cessera d’être applicable à l’expiration du dernier en date des trois jours ci‑après à quiconque était antérieurement assujetti à la législation du Royaume‑Uni en tant que travailleur salarié ou non salarié :
a) le jour où la résidence est transférée dans l’autre État membre visé à l’article 13, paragraphe 2, point f) ;
[...]
c) le dernier jour de toute période de service de prestations britanniques en matière de maladie, maternité (y compris les prestations en nature pour lesquelles le Royaume‑Uni est l’État compétent) ou prestation de chômage qui :
i) a pris cours avant la date de transfert de résidence dans un autre État membre [...] »
14. L’annexe VI, rubrique « Royaume‑Uni », point 20, du même règlement dispose :
« Le fait qu’une personne ait acquis la qualité d’assujetti à la législation d’un autre État membre, conformément à l’article 13, paragraphe 2, point f), du règlement, à l’article 10 ter du règlement d’application et au point 19, ne portera pas préjudice :
a) à l’application à cette personne par le Royaume‑Uni, en qualité d’État compétent, des dispositions relatives aux travailleurs salariés ou aux travailleurs non salariés du titre III, chapitre 1er et chapitre 2, section 1, et de l’article 40, paragraphe 2, du règlement si cette personne garde la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non salarié à ces fins et était assuré[e] en dernier lieu à ce titre en vertu de la législation du Royaume‑Uni ;
[...] »
B – Le droit du Royaume‑Uni
15. Il ressort de la décision de renvoi que la DLA est une prestation à caractère non contributif constituée d’une composante « dépendance » et d’une composante « mobilité ». L’octroi de cette prestation n’est pas subordonné à un critère de ressources et ne vise pas à compenser l’absence éventuelle de revenus de ses bénéficiaires. Elle a pour objet de pourvoir aux frais supplémentaires nécessités par certains types de soins ou par l’incapacité ou la quasi‑incapacité de marcher de ses bénéficiaires.
16. Selon l’article 71, paragraphe 6, de la Social Security Contributions and Benefits Act 1992 (loi relative aux cotisations et aux prestations de sécurité sociale de 1992), « [u]ne personne n’a droit à [la DLA] que si elle remplit les conditions de résidence et de présence en Grande‑Bretagne ». Ces conditions sont précisées, notamment, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), du Social Security (Disability Living Allowance) Regulations 1991(règlement de sécurité sociale relatif à l’allocation de
subsistance pour handicapés de 1991).
III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
17. Mme Tolley, une ressortissante britannique née le 17 avril 1952, s’est acquittée de cotisations de sécurité sociale au Royaume‑Uni de l’année 1967 à l’année 1984. Par la suite, cette dernière a été créditée de cotisations jusqu’à l’année 1993‑1994. Si elle avait rempli les conditions de cotisation à l’âge légal de la retraite, elle aurait pu prétendre à une pension de retraite au titre de la législation du Royaume‑Uni. Elle est toutefois décédée le 10 mai 2011, avant d’atteindre cet âge.
18. À partir du 26 juillet 1993, l’intéressée s’est vu attribuer la composante dépendance de la DLA pour une durée indéterminée, au motif qu’elle était incapable de se préparer à manger.
19. Le 5 novembre 2002, son mari et elle‑même ont transféré leur résidence vers l’Espagne. Mme Tolley n’y a exercé aucune activité professionnelle.
20. Au cours de l’année 2007, le Secretary of State for Work and Pension (ministre de l’Emploi et des Pensions, Royaume‑Uni, ci‑après le « ministre ») a décidé que, à partir du 6 novembre 2002, elle n’avait plus droit à cette allocation dès lors qu’elle ne remplissait pas la condition de résidence prévue à cet effet par la législation du Royaume‑Uni.
21. Mme Tolley a introduit un recours contre cette décision devant le First‑tier Tribunal (tribunal de première instance, Royaume‑Uni). Celui‑ci a accueilli ce recours, en considérant qu’elle avait le droit, en vertu de l’article 10 du règlement no 1408/71, de continuer à percevoir ladite allocation après le transfert de sa résidence vers l’Espagne.
22. Le ministre a interjeté appel de ce jugement devant l’Upper Tribunal (tribunal supérieur, Royaume‑Uni). Cette juridiction a, tout d’abord, considéré que, dans la mesure où l’intéressée était assurée contre le risque de vieillesse en raison des cotisations dont elle s’était acquittée dans le passé, elle était un « travailleur salarié », au sens de l’article 1er, sous a), dudit règlement. Ladite juridiction a, ensuite, confirmé le droit de Mme Tolley à percevoir la composante dépendance de la DLA.
Elle a néanmoins fondé cette conclusion non pas sur l’article 10 du règlement no 1408/71, mais – après avoir qualifié cette allocation de prestation de maladie – sur l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
23. Se considérant liée par le précédent que constitue sa décision dans l’affaire The Commissioners for her Majesty’s Revenue and Customs v Ruas ( 7 ), la Court of Appeal (England & Wales) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles), Royaume‑Uni] a rejeté le recours que le ministre a formé contre le jugement de l’Upper Tribunal (tribunal supérieur). Le ministre a alors saisi la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni).
24. Dans ce contexte, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La composante “dépendance” de [la DLA] est‑elle qualifiée à juste titre de prestation d’invalidité plutôt que de prestation de maladie en espèces aux fins du règlement no 1408/71 ?
2) a) Une personne qui cesse d’avoir droit à la [DLA] en vertu du droit national du Royaume‑Uni au motif qu’elle a déménagé pour s’installer dans un autre État membre, et qui a cessé toute activité salariée avant ce déménagement, mais qui demeure assurée contre la vieillesse au titre du régime de sécurité sociale du Royaume‑Uni, cesse‑t‑elle d’être soumise à la législation du Royaume‑Uni aux fins de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71 ?
b) Cette personne reste‑t‑elle, en tout état de cause, soumise à la législation du Royaume‑Uni au regard du point 19, sous c), de [la rubrique “Royaume‑Uni” de l’annexe VI du règlement no 1408/71] ?
c) Si cette personne a cessé d’être soumise à la législation du Royaume Uni au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, le Royaume‑Uni doit‑il, ou peut‑il seulement, sur la base du point 20 de [la rubrique “Royaume‑Uni” de l’annexe VI de ce règlement], lui appliquer les dispositions du chapitre 1er du titre III de ce règlement ?
3) a) La définition large d’un travailleur salarié dans l’arrêt Dodl et Oberhollenzer ([C‑543/03,] EU:C:2005:364) s’applique‑t‑elle, aux fins des articles 19 à 22 du règlement no 1408/71, lorsque la personne a cessé toute activité salariée avant de déménager vers un autre État membre, nonobstant la distinction établie au chapitre 1er du titre III de ce règlement entre, d’une part, les travailleurs salariés et non salariés et, d’autre part, les chômeurs ?
b) Si cette définition s’applique, une telle personne a‑t‑elle le droit d’exporter la prestation sur la base soit de l’article 19, soit de l’article 22 du règlement no 1408/71 ? L’article 22, paragraphe 1, sous b), [de ce règlement] a‑t‑il pour effet d’empêcher une condition de résidence imposée par une législation nationale relativement à un transfert de résidence dans un autre État membre de tenir en échec le droit de la requérante à la composante “dépendance” de la DLA ? »
25. Mme Tolley, les gouvernements du Royaume‑Uni et norvégien ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Ils ont, à l’exception du gouvernement norvégien, également été représentés à l’audience du 8 juin 2016.
IV – Analyse
A – Considérations liminaires
26. Le litige au principal a pour enjeu de déterminer si, à la suite du transfert de sa résidence vers l’Espagne, Mme Tolley avait droit au maintien, à charge de l’institution du Royaume‑Uni, du bénéfice de la composante dépendance de la DLA, qu’elle avait commencé à percevoir avant ce transfert.
27. En premier lieu, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) demande si cette allocation peut être qualifiée de prestation d’invalidité, bien que la Cour l’ait préalablement considérée comme une prestation de maladie ( 8 ). Si tel était le cas, Mme Tolley aurait le droit d’exporter ladite prestation sur la base de l’article 10 du règlement no 1408/71, lequel s’oppose aux conditions de résidence en ce qui concerne le bénéfice des prestations qu’il énumère. Parmi celles‑ci
figurent les prestations d’invalidité, mais non les prestations de maladie.
28. Cette juridiction cherche, en second lieu, à savoir si, à supposer même que la composante dépendance de la DLA constitue une prestation de maladie, Mme Tolley pouvait néanmoins exporter cette allocation à la suite du transfert de sa résidence vers l’Espagne sur la base de l’article 19, paragraphe 1, et/ou de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. Dans cette perspective, ladite juridiction demande, au préalable, certains éclaircissements quant à la détermination, en vertu des
règles de conflit de lois énoncées à l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement, de la législation applicable à l’intéressée à la suite de ce transfert.
29. Avant d’aborder ces questions, je crois utile de vérifier si Mme Tolley relève bien du champ d’application personnel dudit règlement, dans la mesure où, lors de l’audience, le gouvernement du Royaume‑Uni lui a contesté la qualité de « travailleur salarié ou non salarié » (ci‑après « travailleur »), au sens de l’article 1er, sous a), du même règlement.
B – Champ d’application personnel du règlement no 1408/71
30. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, ce règlement s’applique « aux travailleurs salariés ou non salariés […] qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres ».
31. Il n’est pas contesté que Mme Tolley a été soumise à la législation du Royaume‑Uni ( 9 ), dès lors qu’elle a été affiliée au régime de sécurité sociale de cet État membre et y a versé des cotisations dans le passé ( 10 ).
32. En revanche, le gouvernement du Royaume‑Uni fait valoir que Mme Tolley ne revêt pas la qualité de travailleur, telle que définie à l’article 1er, sous a), de ce règlement. D’une part, elle ne relèverait pas du point i) de cette disposition dès lors qu’elle n’était pas, au moment du transfert de sa résidence vers l’Espagne, assurée au titre d’un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs. Elle ne tomberait, d’autre part, pas davantage sous le coup du point ii) de ladite disposition,
dans la mesure où l’annexe I, point I, rubrique « Royaume‑Uni », dudit règlement en restreindrait le champ d’application aux personnes qui exercent une activité rémunérée.
33. J’observe, à cet égard, qu’il ressort de l’arrêt Martínez Sala ( 11 ) et de la jurisprudence subséquente que présente la qualité de travailleur au sens de l’article 1er, sous a), du règlement no 1408/71 toute personne qui « est assurée, ne serait‑ce que contre un seul risque, au titre d’une assurance obligatoire ou facultative auprès d’un régime général ou particulier de sécurité sociale mentionné à l’article 1er, sous a), [de ce] règlement, et ce indépendamment de l’existence d’une relation de
travail ».
34. Une personne est donc susceptible de revêtir cette qualité même lorsqu’elle n’exerce aucune activité professionnelle et que la prestation dont elle cherche à obtenir le bénéfice n’est liée ni à un emploi préalable ni à un risque contre lequel elle est assurée ( 12 ).
35. Dans le cadre du litige au principal, tant l’Upper Tribunal (tribunal supérieur) que la Court of Appeal (England & Wales) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles)] ont estimé que Mme Tolley présentait la qualité de travailleur au sens du règlement no 1408/71, dans la mesure où elle demeurait couverte, au titre de la législation du Royaume‑Uni, contre l’un des risques énumérés à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, à savoir le risque de vieillesse au sens du point c) de cette
disposition.
36. Plus précisément, je constate que ces juridictions ont considéré que l’intéressée relevait du point ii), premier tiret, de l’article 1er, sous a), dudit règlement dès lors qu’elle était assurée dans le cadre d’un régime de sécurité sociale s’appliquant à tous les résidents et que les modes de gestion et de financement de ce régime permettent de l’identifier comme travailleur salarié ( 13 ).
37. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) n’entend pas remettre en cause cette conclusion.
38. Partant, Mme Tolley doit être qualifiée de travailleur, et ce en dépit du fait qu’elle n’était pas encore titulaire d’une pension de retraite.
39. En effet, la Cour a jugé, dans l’arrêt Dumont de Chassart ( 14 ), que, même dans une telle situation, une personne revêt la qualité de travailleur dès lors qu’elle aurait eu droit à une pension si elle avait vécu jusqu’à l’âge de la retraite. De façon plus générale, il ressort de la jurisprudence que la qualité de travailleur au sens du règlement no 1408/71 ne dépend pas de la réalisation du risque assuré ( 15 ).
40. L’annexe I, point I, rubrique « Royaume‑Uni », de ce règlement ne remet pas en cause cette conclusion. À ce propos, il suffit d’observer que cette annexe n’est pertinente qu’aux fins de l’application du second tiret du point ii) de l’article 1er, sous a), dudit règlement. Or, selon les juridictions ayant statué dans le cadre du litige au principal, la situation de Mme Tolley relevait du premier tiret de ce point.
41. En conséquence, mon analyse reposera sur la prémisse selon laquelle l’intéressée relève bien du champ d’application personnel du règlement no 1408/71.
C – Qualification de la composante dépendance de la DLA (première question)
42. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la qualification de la composante dépendance de la DLA en tant que prestation de maladie au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71, qui ressort de l’arrêt Commission/Parlement et Conseil ( 16 ), doit être remise en cause au motif qu’elle a pour objet de couvrir un risque de façon durable et permanente.
1. Sur la recevabilité
43. À titre liminaire, le gouvernement du Royaume‑Uni fait valoir que la réponse à cette question résulte déjà de l’arrêt susmentionné. Les dispositions de droit de l’Union dont l’interprétation est demandée constitueraient donc un acte éclairé au sens de l’arrêt Cilfit e.a. ( 17 ). La première question serait, partant, irrecevable.
44. Cette argumentation me semble procéder d’une confusion entre, d’une part, l’obligation incombant aux juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours de déférer à la Cour une question préjudicielle lorsqu’une question de droit de l’Union se pose devant elles, et, d’autre part, la recevabilité d’une telle question. En effet, la théorie de l’acte éclairé, consacrée par la jurisprudence Cilfit e.a., prévoit uniquement une exception à l’obligation susmentionnée ( 18 ). Elle
n’affecte pas, en revanche, la recevabilité d’une question préjudicielle ( 19 ).
45. Au contraire, même en présence d’une jurisprudence de la Cour résolvant le point de droit en cause, les juridictions nationales conservent l’entière liberté de saisir la Cour ( 20 ). Le fait que la Cour ait déjà interprété les dispositions dont l’interprétation est demandée n’empêche pas celle‑ci de statuer de nouveau ( 21 ). Les juridictions nationales ne sauraient, ainsi, être privées de la possibilité de demander à la Cour, par la voie d’un renvoi préjudiciel, un revirement de sa
jurisprudence.
2. Sur le fond
46. Selon la jurisprudence de la Cour, la distinction entre les différentes catégories de prestations de sécurité sociale repose sur la nature du risque que celles-ci ont pour finalité de couvrir ( 22 ).
47. Dans l’arrêt Commission/Parlement et Conseil ( 23 ), la Cour a qualifié la composante dépendance de la DLA de prestation de maladie au motif, essentiellement, qu’elle a pour objectif d’aider la personne handicapée à surmonter, dans la mesure du possible, son handicap dans les actes de la vie quotidienne. Il n’est pas contesté que cette allocation, à l’époque des faits à l’origine du litige au principal, poursuivait cette même finalité.
48. La juridiction de renvoi met essentiellement en doute une telle qualification au motif que ladite allocation présente des caractéristiques analogues à celles des prestations énumérées à l’article 10 du règlement no 1408/71, en ce que celles‑ci sont octroyées sous la forme de prestations à long terme ou de prestations uniques relatives à des conditions permanentes.
49. Le représentant de Mme Tolley, tout en soulignant qu’il n’a pas remis en cause, dans le contexte du litige au principal, la qualification de la composante dépendance de la DLA en tant que prestation de maladie, invoque également certains arguments plaidant en faveur d’une qualification de celle‑ci en tant que prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. En particulier, cette approche trouverait appui dans l’arrêt Stewart ( 24 ), où la Cour a souligné le
caractère temporaire des prestations de maladie. Le représentant de Mme Tolley relève, en outre, que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Parlement et Conseil ( 25 ) portait sur la ligne de partage entre les prestations de sécurité sociale et les prestations spéciales à caractère non contributif. La Cour n’y aurait donc pas été amenée à démarquer les prestations de maladie des prestations d’invalidité.
50. Ces considérations ne justifient pas, à mes yeux, que la Cour s’écarte de la qualification de la composante dépendance de la DLA retenue dans cet arrêt.
51. Premièrement, il ressort, certes, de l’arrêt Stewart ( 26 ) que, en règle générale, les prestations de maladie couvrent le risque lié à un état morbide entraînant une suspension temporaire des activités d’une personne, tandis que les prestations d’invalidité couvrent le risque d’une inaptitude dont la permanence ou la durabilité s’avère probable.
52. Un tel constat ne saurait toutefois ériger la période que la prestation en cause a vocation à couvrir en critère déterminant aux fins de la qualification de celle‑ci. À cet égard, la Cour a, dans l’arrêt Commission/Parlement et Conseil ( 27 ), nié la pertinence d’un tel critère dans la mesure où la durée de l’inaptitude couverte par une allocation d’invalidité, qu’elle a qualifiée de prestation de maladie, n’était pas de nature à modifier la finalité de celle‑ci.
53. De la même manière, dans l’arrêt da Silva Martins ( 28 ), la Cour a relevé que, « à la différence des prestations de maladie stricto sensu, des prestations portant sur le risque de dépendance – étant généralement de longue durée – n’ont, en principe, pas vocation à être versées à court terme ». Elle n’en a pas moins considéré que, bien que ces dernières prestations puissent à ce titre partager certaines caractéristiques avec les prestations d’invalidité ou de vieillesse, le caractère durable
d’une allocation de dépendance ne remettait pas en cause sa classification en tant que prestation de maladie ( 29 ).
54. Deuxièmement, si la Cour n’a pas expressément examiné la distinction entre les prestations de maladie et d’invalidité dans l’arrêt Commission/Parlement et Conseil ( 30 ), elle s’est prononcée à ce propos dans l’arrêt Molenaar ( 31 ). Elle y a qualifié de prestation de maladie une allocation de dépendance prévue à long terme, notamment au motif qu’elle visait à améliorer globalement le niveau de vie des personnes dépendantes en compensant les surcoûts entraînés par leur état de dépendance ( 32 ).
Sur ce même fondement, la Cour a réservé cette qualification à des prestations comparables, notamment, dans les arrêts Jauch ( 33 ) et Hosse ( 34 ). Or, la composante dépendance de la DLA poursuit également un tel objectif.
55. Par ailleurs, en l’absence de dispositions dans le règlement no 1408/71 traitant spécifiquement des prestations portant sur le risque de dépendance, le choix opéré par la Cour de considérer celles‑ci, même lorsqu’elles sont versées à long terme, comme des prestations de maladie présente, à mon avis, certains avantages en termes de sécurité juridique et de transparence.
56. Je souligne, à cet égard, que les législations nationales des États membres prévoient une grande diversité de prestations de dépendance, certaines partageant des caractéristiques avec les prestations d’invalidité, d’autres ressemblant davantage aux prestations de vieillesse ou encore aux prestations familiales. Dès lors, le rattachement au cas par cas de chaque prestation de dépendance à une branche de la sécurité sociale déterminée risquerait non seulement de compliquer l’exercice de
qualification des prestations de dépendance, mais aussi d’en rendre l’issue imprévisible, portant ainsi atteinte à la sécurité juridique ( 35 ).
57. J’estime donc que la composante dépendance de la DLA constitue une prestation de maladie. Ainsi, elle ne relève pas du champ d’application matériel de l’article 10 du règlement no 1408/71 et ne peut donc pas être exportée à ce titre.
D – Détermination de la loi applicable (deuxième question)
1. Propos introductifs
58. Aux termes de sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir à quelle législation nationale Mme Tolley était soumise, à l’époque des faits à l’origine du litige au principal, en vertu des règles de conflit de lois énoncées à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1408/71. Plus précisément, cette juridiction demande si la législation du Royaume‑Uni a cessé d’être applicable à l’intéressée, au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, à la
suite du transfert de sa résidence vers l’Espagne, en sorte qu’elle était soumise à la législation espagnole.
59. Il me paraît opportun de clarifier d’emblée les implications de la réponse qu’apportera la Cour à cette question.
60. D’une part, dans l’hypothèse où la législation du Royaume‑Uni aurait continué à s’appliquer à Mme Tolley, la règle de conflit de lois énoncée à l’article 13, paragraphe 2, sous f), dudit règlement ne trouverait pas à s’appliquer. Il y aurait dès lors lieu de considérer que l’intéressée est restée soumise à cette législation en vertu de l’une des règles de conflit de lois prévues à l’article 13, paragraphe 2, sous a) à e), du même règlement ( 36 ). Partant, le Royaume‑Uni constituerait
incontestablement l’« État compétent », au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Il lui incomberait, à ce titre, de continuer à verser à Mme Tolley la composante dépendance de la DLA à la suite du transfert de sa résidence vers l’Espagne (pour autant qu’elle ait obtenu une autorisation à cet effet – j’y reviendrai).
61. D’autre part, dans l’hypothèse où la législation du Royaume‑Uni aurait cessé d’être applicable à Mme Tolley, cette dernière aurait été soumise, en application de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, au régime de sécurité sociale espagnol. Encore conviendrait‑il alors de déterminer s’il en découle que le Royaume‑Uni n’est plus l’« État compétent », au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement – de telle sorte que l’intéressée ne pourrait pas s’en
prévaloir –, ou bien si cette disposition peut néanmoins s’appliquer pour autant que le Royaume‑Uni demeure l’« État compétent », au sens de cette disposition, du fait que sa législation était applicable au moment de la demande de la prestation dont l’exportation est sollicitée.
62. Par ailleurs, ni la décision de renvoi ni les observations soumises à la Cour n’indiquent si le droit espagnol prévoyait, à l’époque des faits à l’origine du litige au principal, des prestations portant sur le risque couvert par la composante dépendance de la DLA ( 37 ).
2. Sur la notion de « législation » au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71
63. La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à savoir si la « législation », au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, désigne toute la législation en matière de sécurité sociale ou seulement celle concernant la prestation dont le bénéfice est recherché. Elle demande, en particulier, si, dans le contexte du litige au principal, la conservation d’un droit éventuel à percevoir dans le futur une pension de retraite à charge de l’institution du Royaume‑Uni fait
obstacle à la conclusion selon laquelle la législation de cet État membre a cessé d’être applicable à Mme Tolley au sens de cette disposition.
64. À cet égard, il me semble utile de distinguer d’emblée la question de la désignation de la législation applicable de celle du maintien des droits acquis ( 38 ).
65. La désignation, en tant que législation applicable, de la législation d’un État membre (appelé État compétent ou État d’affiliation) entraîne l’applicabilité du régime de sécurité sociale de cet État membre au travailleur concerné. Le cas échéant, ce travailleur y payera des cotisations sociales et/ou y bénéficiera de prestations si l’un des risques couverts par ce régime se matérialise. Conformément au principe d’unicité de la loi applicable, énoncé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement
no 1408/71, tout travailleur est soumis à une, et à une seule ( 39 ), législation nationale en matière de sécurité sociale. Dans cette optique, l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement vise, d’une part, à éviter l’application simultanée de plusieurs législations nationales et les complications qui s’ensuivent et, d’autre part, à éviter qu’un travailleur soit privé de protection en matière de sécurité sociale, faute de législation qui lui serait applicable ( 40 ).
66. Le maintien des droits acquis renvoie essentiellement à la conservation du bénéfice d’une prestation de sécurité sociale à la suite du transfert de la résidence du travailleur vers un État membre autre que celui sous la législation duquel il a acquis (ou est en train d’acquérir) le droit à une telle prestation ( 41 ).
67. Plusieurs dispositions du règlement no 1408/71 visent ainsi à assurer que les droits acquis ou en cours d’acquisition subsistent même lorsque, à la suite du transfert de la résidence du travailleur, la législation applicable à ce dernier change. En particulier, l’article 10 de ce règlement prévoit le droit au maintien, notamment, des prestations en espèces d’invalidité et de vieillesse. S’agissant des prestations de maladie, l’article 19 et l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement
consacrent, me semble‑t‑il, également un tel droit ( 42 ).
68. Un travailleur peut donc être affilié au régime de sécurité sociale d’un État membre tout en percevant, de la part d’un autre État membre dans lequel il n’est pas affilié, une prestation déterminée sur la base de droits qu’il a antérieurement acquis dans ce dernier État membre. Lorsque le régime de sécurité sociale de l’État membre d’affiliation assure également le risque couvert par cette prestation, les règles anticumul prévues par le droit de l’Union et les législations nationales empêchent
la perception de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance ( 43 ).
69. Le législateur a désormais levé toute ambiguïté à cet égard à la suite de l’adoption du règlement no 883/2004, dont l’article 11, paragraphe 3, sous e), qui reprend la substance de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, prévoit expressément que la règle de conflit qu’il énonce opère « sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui […] garantissent [aux personnes concernées] des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États
membres ».
70. Eu égard à ces considérations, j’estime que la législation d’un État membre « cesse d’être applicable » à un travailleur, au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, lorsque ce travailleur perd son affiliation au régime de sécurité sociale de cet État membre, indépendamment de la question de savoir s’il y conserve des droits acquis ou en cours d’acquisition ( 44 ).
71. Ainsi, le fait que Mme Tolley demeurait assurée contre le risque de vieillesse au Royaume‑Uni ne fait pas obstacle à ce que le droit de cet État membre ait cessé de lui être applicable au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71.
3. Sur le moment à partir duquel le droit du Royaume‑Uni a cessé d’être applicable à Mme Tolley
72. Conformément à l’article 10 ter du règlement no 574/72, la date et les conditions auxquelles la législation d’un État membre cesse d’être applicable sont déterminées par cet État membre ( 45 ).
73. L’annexe VI, rubrique « Royaume‑Uni », point 19, du règlement no 1408/71 déclare, en substance, que la législation de cet État membre cesse d’être applicable à une personne, au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, à l’expiration du dernier en date des événements y énumérés.
74. Selon le gouvernement du Royaume‑Uni, cette législation a cessé d’être applicable à Mme Tolley dès le jour suivant celui du transfert de sa résidence vers l’Espagne, en vertu de ce point 19, sous a) (c’est‑à‑dire au cours de l’année 2002).
75. En revanche, le représentant de Mme Tolley allègue que la date de la cessation d’application de la législation du Royaume‑Uni correspond au jour suivant le dernier jour de la période de service de la composante dépendance de la DLA ayant pris cours avant la date du transfert de sa résidence, au titre dudit point 19, sous c), i) (c’est‑à‑dire au cours de l’année 2007). Il fait valoir, à ce propos, que l’intéressée a continué à percevoir cette allocation entre l’année 2002 et l’année 2007 même si
le ministre a ultérieurement considéré qu’elle n’y avait plus droit pour cette période en vertu de la législation du Royaume‑Uni.
76. À l’instar de la Commission, je considère que, dans la mesure où la date et les conditions auxquelles la législation d’un État membre cesse d’être applicable à une personne relèvent du droit interne de cet État membre, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si la situation de Mme Tolley est régie par le point 19, sous a), ou par le point 19, sous c), i), de la rubrique « Royaume‑Uni » de l’annexe VI du règlement no 1408/71.
E – Maintien du bénéfice de la composante dépendance de la DLA sur la base de l’article 19, paragraphe 1, et/ou de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71 (troisième question)
1. Propos introductifs
77. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, quand bien même la législation du Royaume‑Uni aurait cessé d’être applicable à Mme Tolley au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71 à la suite du transfert de sa résidence, celle‑ci disposait néanmoins du droit de continuer à percevoir la composante dépendance de la DLA sur la base de l’article 19, paragraphe 1, et/ou de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ( 46 ).
78. Les gouvernements du Royaume‑Uni et norvégien ainsi que la Commission font valoir que la situation de l’intéressée ne relève pas du champ d’application de ces dispositions en soulevant, essentiellement, les arguments suivants :
— premièrement, le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission allèguent que Mme Tolley ne revêt pas la qualité de travailleur au sens de ces dispositions, lesquelles ne viseraient que les personnes exerçant une activité professionnelle au moment de la demande du maintien du bénéfice de la prestation en cause, et
— deuxièmement, les gouvernements du Royaume‑Uni et norvégien considèrent que le Royaume‑Uni n’est pas l’« État compétent », au sens desdites dispositions ( 47 ). Cette notion viserait l’État membre dont la législation s’applique en vertu des règles de conflit de lois édictées à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 au cours de la période pour laquelle le maintien de la prestation en cause est demandé – à savoir, selon ces gouvernements, l’Espagne –, et non celui dont la
législation s’appliquait au moment de la demande d’octroi de cette prestation.
79. Dans l’hypothèse où ces arguments devraient être réfutés, il conviendra de déterminer si l’article 19, paragraphe 1, et/ou l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement s’opposent à ce qu’un État membre subordonne le maintien du bénéfice d’une prestation de maladie à une condition de résidence. Devront alors être évaluées, dans l’affirmative, les conséquences s’attachant au défaut d’autorisation préalable au transfert de la résidence de son bénéficiaire.
80. Avant d’analyser ces questions, il me semble utile de souligner que ces dispositions traitent de façon indistincte des prestations de maladie « stricto sensu » et des prestations visant à couvrir le risque de dépendance, lesquelles, à la différence des premières, ont vocation à être versées à long terme ( 48 ). L’interprétation de ces dispositions tiendra donc globalement compte de ces deux types de prestations.
81. Il appartiendrait, le cas échéant, au législateur d’ajouter, dans le règlement no 1408/71, des dispositions couvrant spécifiquement les prestations visant à couvrir le risque de dépendance dans l’hypothèse où il souhaiterait soumettre celles‑ci à un régime particulier au regard, notamment, des enjeux financiers qui s’y attachent.
2. Sur les champs d’application respectifs de l’article 19 et de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71
82. Ainsi que la Cour l’a constaté dans l’arrêt von Chamier‑Glisczinski ( 49 ), l’article 19 et l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71 visent des situations différentes et poursuivent donc des buts distincts.
83. L’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement (figurant sous l’intitulé mentionnant le « [r]etour ou transfert de résidence dans un autre État membre au cours d’une maladie ou d’une maternité »), concerne la situation d’une personne qui transfère sa résidence de l’État membre où elle a commencé à percevoir une prestation de maladie ou de maternité vers un autre État membre. Cette disposition subordonne le maintien de cette prestation à une condition d’autorisation de la part de
l’institution compétente du premier État membre.
84. En revanche, l’article 19 dudit règlement (intitulé « Résidence dans un État membre autre que l’État compétent – Règles générales ») – qui ne prévoit pas une telle condition – permet, selon moi, uniquement à un travailleur qui, déjà au moment où il demande une telle prestation, réside dans un État membre autre que celui où il travaille, d’en bénéficier dans l’État membre où il réside ( 50 ).
85. Cette interprétation découle, en particulier, d’une lecture systématique du même règlement. En effet, si l’article 19 de celui‑ci s’appliquait lorsque le travailleur a commencé à percevoir la prestation en cause avant le transfert de sa résidence – c’est‑à‑dire dans une situation que couvre également l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71 –, la condition d’autorisation prévue par cette dernière disposition serait privée d’effet utile.
86. Dès lors que Mme Tolley a commencé à percevoir la composante dépendance de la DLA lorsqu’elle résidait au Royaume‑Uni, il convient d’examiner sa situation au regard du seul article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
3. Sur la notion de « travailleur » au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71
87. Aux termes de la première partie de la troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une personne se trouvant dans la situation de Mme Tolley revêt la qualité de travailleur au sens de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, de telle sorte qu’elle relève du champ d’application personnel de cette disposition.
88. Selon le représentant de Mme Tolley, la notion de travailleur revêt une portée uniforme dans l’ensemble des dispositions de ce règlement. Ainsi, dès lors qu’elle répond à la définition du travailleur au sens de l’article 1er, sous a), dudit règlement, elle doit également être considérée comme telle aux fins de l’application de l’article 22, paragraphe 1, du même règlement.
89. En revanche, le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission allèguent qu’une signification propre s’attache à la notion de travailleur au sens des articles 19 à 22 du règlement no 1408/71. Cette notion désignerait les seuls travailleurs en activité au moment où ils cherchent à bénéficier des prestations en cause sur la base d’une de ces dispositions.
90. Cette dernière argumentation contrevient, me semble‑t‑il, à l’arrêt Pierik ( 51 ), dont il ressort que la référence au travailleur, figurant à l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, n’a pas pour objet de limiter le champ d’application de cette disposition aux travailleurs actifs par rapport aux travailleurs inactifs.
91. En outre, la notion de travailleur étant définie à l’article 1er, sous a), du même règlement, le législateur entendait, à mon sens, lorsqu’il a utilisé cette expression dans d’autres dispositions du règlement, désigner les personnes couvertes par cette définition. À l’inverse, ainsi que l’a fait remarquer le représentant de Mme Tolley, lorsque le législateur a voulu désigner spécifiquement les travailleurs en activité, il a utilisé une terminologie différente ( 52 ).
92. Par conséquent, j’estime que, si Mme Tolley revêt la qualité de travailleur au sens de l’article 1er, sous a), de ce règlement, il en va ainsi également au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
93. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument soulevé par les gouvernements du Royaume‑Uni et norvégien ainsi que la Commission, selon lequel la distinction entre, d’une part, les travailleurs (dont la situation est régie par les articles 19 à 22 du règlement no 1408/71, figurant sous la section 2 du chapitre 1er du titre III de ce règlement) et, d’autre part, les chômeurs (visés par l’article 25 de ce règlement, figurant sous la section 3 de ce chapitre), perdrait tout son sens si
les personnes ayant définitivement cessé d’exercer une activité professionnelle étaient considérées comme des travailleurs.
94. J’observe, à cet égard, que Mme Tolley, si elle n’était pas considérée comme un travailleur au sens des articles 19 à 22 dudit règlement, ne serait couverte par aucune des dispositions pertinentes du chapitre 1er du titre III du même règlement. Elle ne saurait, en effet, être qualifiée de demandeur ou titulaire de pension ou de rente au sens des dispositions des sections 4 et 5 du chapitre 1er du titre III du règlement no 1408/71. Il convient, selon moi, d’appliquer les articles 19 à 22 de ce
règlement aux situations qui ne sont pas régies par les dispositions spécifiques contenues aux sections 3 à 5 de ce chapitre. Il en va ainsi en dépit du fait qu’une telle application pourrait aboutir à permettre l’exportation d’une prestation de maladie au bénéfice d’une personne se trouvant dans la situation de Mme Tolley, alors que, le cas échéant, d’autres catégories de personnes économiquement inactives n’en bénéficieraient pas.
4. Sur la notion d’« État compétent », au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71
a) Exposé de la problématique
95. L’examen de la seconde partie de la troisième question implique, dans un premier temps, de clarifier la notion d’« État compétent », au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, et de préciser, à cette fin, les interactions entre cette disposition et l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement.
96. La présente affaire soulève la question de savoir si, dans une situation telle que celle en cause au principal, l’État compétent au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement désigne l’État dont la législation est applicable après le transfert de la résidence du travailleur, ou l’État sous la législation duquel les droits aux prestations de maladie ont été acquis.
97. Les gouvernements du Royaume‑Uni et norvégien plaident en faveur de la première de ces alternatives. Dès lors que l’Espagne devrait être considérée comme l’État compétent ( 53 ), l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, qui vise la situation des travailleurs qui résident dans un État membre autre que l’État compétent, ne s’appliquerait pas ( 54 ).
98. Une telle approche reviendrait, en définitive, à considérer que l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ne permet pas à une personne ayant cessé toute activité professionnelle de bénéficier des prestations de maladie acquises dans l’État membre de son dernier emploi après le transfert de sa résidence vers un autre État membre. Ainsi, par le jeu de l’article 13, paragraphe 2, sous f), dudit règlement, l’article 22, paragraphe 1, sous b), de celui‑ci ne s’appliquerait qu’aux
travailleurs en activité au moment du transfert de leur résidence.
99. Le représentant de Mme Tolley défend, quant à lui, la seconde de ces alternatives. L’article 13, paragraphe 1, sous f), de ce règlement ne porterait donc pas préjudice au droit, pour un travailleur ayant cessé toute activité professionnelle, de continuer à bénéficier des prestations de maladie qu’il a commencé à percevoir dans un État membre après qu’il a transféré sa résidence vers un autre État membre.
100. Pour les raisons exposées ci‑après, cette dernière approche emporte ma conviction.
b) Interprétation littérale
101. En vertu des dispositions combinées de l’article 1er, sous o), i), et sous q), du règlement no 1408/71, l’« État compétent » désigne, notamment, l’État membre où se trouve l’institution à laquelle le travailleur est affilié « au moment de la demande de prestations» ( 55 ).
102. Conformément à cette définition, l’« État compétent », auquel l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement fait référence, désigne, à mon avis, celui qui était compétent, sur la base des dispositions du titre II, à l’époque de l’acquisition du droit aux prestations dont l’exportation est sollicitée. Il s’agit, en l’espèce, du Royaume‑Uni, dès lors que Mme Tolley y a introduit sa demande tendant à l’obtention de la prestation en cause au principal plusieurs années avant le transfert de
sa résidence vers l’Espagne.
103. Aux fins d’étayer cette interprétation, j’observe, tout d’abord, qu’un aspect temporel comparable s’attache déjà à la notion d’« État compétent » dans le contexte d’une autre disposition dudit règlement, à savoir son article 71, paragraphe 1, sous a) ( 56 ). Tel qu’il ressort de l’arrêt Adanez‑Vega ( 57 ), cette notion désigne l’État qui était compétent à l’époque du dernier emploi de l’intéressé.
104. Ensuite, c’est, à mon sens, également dans cette optique que l’annexe VI, rubrique « Royaume‑Uni », point 20, du règlement no 1408/71 prévoit que « [l]e fait qu’une personne ait acquis la qualité d’assujetti à la législation d’un autre État membre, conformément à l’article 13, paragraphe 2, point f), [de ce] règlement […], ne portera pas préjudice », notamment, « à l’application à cette personne par le Royaume‑Uni, en qualité d’État compétent, des dispositions relatives aux travailleurs
salariés ou aux travailleurs non salariés du titre III chapitre 1er [relatif aux prestations de maladie et de maternité] […] si cette personne garde la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non salarié à ces fins et était assuré[e] en dernier lieu à ce titre en vertu de la législation du Royaume‑Uni ».
105. Ce point indique que le Royaume‑Uni admet la possibilité de demeurer l’État compétent au sens des dispositions du titre III, chapitre 1er, du règlement no 1408/71 même lorsque la législation de cet État membre cesse de s’appliquer au travailleur au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement. Selon moi, ledit point constate donc que cette disposition ne fait pas obstacle à l’application des dispositions du titre III dudit règlement relatives au maintien des droits acquis, parmi
lesquelles figure l’article 22, paragraphe 1, sous b).
106. Enfin, la conservation du bénéfice d’une prestation de maladie en espèces perçue de la part d’un État membre même lorsque le transfert de la résidence de son bénéficiaire vers un autre État membre entraîne un changement de législation applicable correspond à la situation qui prévaut désormais sous l’empire du règlement no 883/2004. En effet, ce règlement ne comprend pas de disposition spécifique prévoyant le maintien du bénéfice des prestations de maladie analogue à l’article 22, paragraphe 1,
sous b), du règlement no 1408/71. En revanche, il contient, à son article 7, une disposition relative à la levée des clauses de résidence qui englobe toutes les prestations en espèces de sécurité sociale (et non plus uniquement celles énumérées à l’article 10 du règlement no 1408/71).
107. Par ailleurs, contrairement à ce qu’a fait valoir le gouvernement du Royaume‑Uni, l’arrêt Kuusijärvi ( 58 ) ne s’oppose pas à cette interprétation. En effet, après avoir qualifié de prestation familiale (et non de prestation de maladie) la prestation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Cour s’est prononcée quant à l’interprétation non pas de l’article 22, paragraphe 1, sous b), mais des articles 73 et 74 du règlement no 1408/71 ( 59 ). Or, ces dispositions ne concernent pas
le maintien du bénéfice d’une prestation que le travailleur a commencé à percevoir avant le transfert de sa résidence ( 60 ).
c) Interprétation téléologique
108. L’interprétation littérale sus‑décrite se trouve corroborée par une lecture téléologique de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71.
109. Antérieurement à l’introduction de l’article 13, paragraphe 2, sous f), dudit règlement par le règlement (CEE) no 2195/91 ( 61 ), la Cour avait décidé, dans l’arrêt Ten Holder ( 62 ), que, en l’absence de disposition régissant spécifiquement la législation applicable aux travailleurs qui cessent d’exercer une activité professionnelle dans un État membre et qui ne vont pas travailler dans un autre État membre, ces travailleurs restaient soumis à la législation de l’État membre de leur dernier
emploi en application de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du même règlement.
110. La Cour a subséquemment limité cette conclusion aux scénarios dans lesquels le travailleur n’a que temporairement cessé toute activité professionnelle ( 63 ). Par conséquent, la situation d’une personne ayant définitivement cessé de travailler n’était plus couverte par aucune des règles de conflit de lois énoncées sous le titre II du règlement no 1408/71 ( 64 ).
111. Par l’introduction de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, le législateur visait à combler la lacune identifiée à la suite de cette jurisprudence ( 65 ). Il a, à cet effet, opté pour l’application, à un travailleur ayant cessé – définitivement ou temporairement ( 66 ) – toute activité professionnelle, du droit de l’État membre de sa résidence.
112. Si cet État membre était considéré comme l’État compétent au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, un tel travailleur ne relèverait plus du champ d’application de cette disposition. En effet, il ne résiderait, par définition, pas dans un « État membre autre que l’État compétent» ( 67 ).
113. En premier lieu, dans la mesure où elle contreviendrait au principe du maintien des droits acquis consacré par le règlement no 1408/71 ( 68 ), je doute qu’une telle conséquence ait été recherchée par le législateur. Du reste, rien dans le libellé de ce règlement ni dans les travaux préparatoires ne suggère que ce dernier entendait, par l’introduction de l’article 13, paragraphe 2, sous f), dudit règlement, faire échec à l’application de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du même règlement à
la situation des travailleurs inactifs.
114. En deuxième lieu, si le bénéficiaire d’une prestation de maladie en espèces en était privé dès le transfert de sa résidence vers un autre État membre, il serait de facto empêché de déplacer ainsi sa résidence, sauf à interrompre son traitement médical. Une telle conséquence se heurterait, à mes yeux, à l’objectif de promotion de la mobilité des travailleurs que poursuivent le même règlement ainsi que l’article 48 TFUE ( 69 ).
115. L’interprétation que je soutiens me paraît, en troisième lieu, cohérente par rapport à d’autres dispositions du règlement no 1408/71 qui témoignent de la volonté du législateur d’éviter de faire peser les coûts de certaines prestations de maladie sur l’État membre de résidence d’une personne qui n’y a jamais travaillé. En particulier, l’article 28, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que, lorsque le titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre n’a pas
droit aux prestations de maladie au titre de la législation de l’État membre où il réside, il bénéficie néanmoins de ces prestations à charge de l’institution du premier État membre dans la mesure où il y aurait droit s’il y résidait.
d) Conclusion
116. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, j’estime que l’État compétent au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71 désigne l’État membre sous la législation duquel a été acquis le droit dont le maintien est demandé au titre de cette disposition. Ainsi, quand bien même la législation du Royaume‑Uni aurait cessé d’être applicable à Mme Tolley à la suite du transfert de sa résidence, en sorte que celle‑ci aurait été soumise à la loi espagnole en vertu de
l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, le Royaume‑Uni demeurait l’État compétent au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement pour ce qui est du maintien du bénéfice de la composante dépendance de la DLA.
5. Sur l’illégalité des conditions de résidence
117. Aux fins de répondre à la seconde partie de la troisième question, il convient, dans un second temps, de déterminer si l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71 s’oppose à une condition de résidence telle que celle prévue par la législation du Royaume‑Uni.
118. À cet égard, le gouvernement du Royaume‑Uni a fait valoir que, à supposer même que cet État membre soit désigné comme l’État compétent au sens de cette disposition, celle‑ci ne s’applique, ainsi qu’il ressort de son libellé, qu’à la condition que le travailleur satisfasse aux conditions requises par cet État pour avoir droit aux prestations. Or, le Royaume‑Uni subordonnerait ce droit à la condition de résidence dont la légalité est contestée dans le cadre du litige au principal.
119. Un tel argument ne saurait prospérer. En effet, ainsi que M. l’avocat général Jacobs l’a observé dans ses conclusions dans l’affaire Kuusijärvi, « si [le droit que confère l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71] pouvait être anéanti par une condition de résidence posée par la loi nationale, cette disposition serait entièrement privée d’objet» ( 70 ).
120. Cela étant, le droit de l’Union n’empêche, à mon avis, pas l’État compétent au sens de cette disposition de réévaluer, dans la mesure où son droit interne le prévoit, le droit à la prestation ou le montant de celle‑ci en fonction de facteurs tels que le niveau de vie dans l’État de résidence ou l’évolution des besoins de l’intéressé. Il ne saurait, en revanche, priver ce dernier d’un tel droit au seul motif qu’il réside dans un autre État membre.
6. Sur les conséquences de l’absence d’une autorisation
121. Conformément à l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, le bénéficiaire d’une prestation de maladie en espèces n’a droit au maintien de celle‑ci à la suite du transfert de sa résidence qu’à la condition qu’il ait reçu une autorisation à cet effet de la part de l’institution compétente. Or, il ressort de la décision de renvoi que Mme Tolley n’a pas sollicité, ni a fortiori obtenu, une telle autorisation de la part de l’institution compétente du Royaume‑Uni. La juridiction de
renvoi considère cependant que, si elle en avait introduit la demande, celle‑ci aurait dû lui être accordée ( 71 ). En effet, l’article 22, paragraphe 2, de ce règlement limite la possibilité d’en refuser la délivrance aux hypothèses – dont ne relèverait pas la situation de Mme Tolley – dans lesquelles « il est établi que le déplacement de l’intéressé est de nature à compromettre son état de santé ou l’application du traitement médical ».
122. Dès lors, il y a lieu, toujours dans le cadre de l’analyse de la seconde partie de la troisième question, d’évaluer, dans un troisième temps, si le défaut d’autorisation fait échec à l’application de l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement même lorsqu’une autorisation n’aurait pas pu être refusée si elle avait été demandée.
123. Le règlement no 1408/71 ne prévoit pas la sanction applicable lorsque, bien qu’aucune des circonstances permettant à l’État membre compétent de refuser la délivrance d’une autorisation ne soit réunie, l’intéressé ne dispose pas d’une autorisation sur le plan administratif.
124. À cet égard, je crois utile d’examiner de plus près les objectifs de la condition d’autorisation énoncée à l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. L’article 22, paragraphe 2, du même règlement indique, à mon sens, que cette condition vise à éviter de faire peser des charges disproportionnées sur l’État débiteur de la prestation lorsque son bénéficiaire se rend dans un autre État membre où son état de santé risque de se détériorer ou dans lequel la réalisation du traitement
pourrait être compromise, entraînant ainsi des dépenses accrues dans le chef du premier État membre ( 72 ).
125. Or, une interprétation selon laquelle, même en l’absence d’une autorisation à cet effet, le travailleur aurait droit au maintien du bénéfice d’une prestation pour autant que son déplacement ne soit pas de nature à compromettre son état de santé ou l’application du traitement médical, risquerait d’entraver la réalisation d’un tel objectif. Une telle interprétation pourrait, en effet, inciter un travailleur à transférer sa résidence sans avoir sollicité ou obtenu d’autorisation. Il pourrait alors
s’avérer, a posteriori, que ce transfert est susceptible de nuire à son état de santé ou à son traitement médical.
126. Dans ces conditions, l’article 22, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 1408/71 ne saurait obliger les États membres à accorder à un travailleur le bénéfice de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement lorsqu’une autorisation à cette fin n’a pas été obtenue préalablement au transfert de la résidence du travailleur ( 73 ).
127. Toutefois, je rappelle que le règlement no 1408/71 coordonne, sans harmoniser, les régimes nationaux de sécurité sociale ( 74 ). Dans cette optique, dès lors que ce règlement ne prévoit pas les conséquences de l’absence d’une autorisation au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de celui‑ci, il demeure loisible aux États membres de reconnaître à un travailleur, en vertu de leurs droits nationaux, le bénéfice de l’exportation des prestations prévu par cette disposition même dans une
telle situation ( 75 ). Il en va ainsi d’autant plus qu’une telle reconnaissance, en accordant aux travailleurs migrants une protection plus large que celle découlant dudit règlement, contribue à la réalisation de l’objectif de facilitation de la libre circulation des travailleurs qui le sous‑tend ( 76 ).
V – Conclusion
128. Au vu de tout ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) :
1) Une allocation telle que la composante dépendance de la Disability Living Allowance (allocation de subsistance pour handicapés) constitue une prestation de maladie au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise
à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1386/2001 du Conseil, du 5 juin 2001.
2) L’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1386/2001, doit être interprété en ce sens qu’une personne cesse d’être soumise à la législation d’un État membre lorsqu’elle cesse d’être affiliée au régime de sécurité sociale de cet État membre en vertu du droit national de celui‑ci. Il en va ainsi même si cette personne demeure assurée contre le risque de vieillesse au titre
de la législation dudit État membre, en ce sens qu’elle aurait droit de sa part à une pension de retraite pour autant qu’elle remplisse les conditions de cotisation à l’âge légal de la retraite.
Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, au regard des circonstances du litige dont elle est saisie, le moment auquel la législation du Royaume‑Uni cesse d’être applicable, au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement, conformément aux critères établis à l’annexe VI, rubrique « Royaume‑Uni », point 19, dudit règlement.
3) Une personne qui cesse d’être soumise à la législation d’un État membre, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable au titre des points a) à e) de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1386/2001, et qui est donc soumise à la législation de l’État membre où elle réside au titre du point f) de cette disposition, a néanmoins droit, en vertu de
l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et selon les modalités prévues par cette disposition, au maintien du bénéfice des prestations de maladie qu’elle a commencé à percevoir à charge de l’institution du premier État membre avant le transfert de sa résidence vers le second État membre.
4) La notion de « travailleur salarié ou non salarié », définie à l’article 1er, sous a), du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1386/2001, et figurant, notamment, à l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, inclut une personne qui a cessé toute activité salariée ou non salariée à condition que cette personne soit assurée, ne serait‑ce que contre un seul risque, au titre d’une assurance
obligatoire ou facultative auprès d’un régime général ou particulier de sécurité sociale mentionné à l’article 1er, sous a), dudit règlement, et ce indépendamment de l’existence d’une relation de travail.
5) L’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1386/2001, s’oppose à ce qu’un État membre subordonne le maintien du bénéfice d’une prestation de maladie en espèces à une condition de résidence telle que celle en cause au principal.
6) L’article 22, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 1386/2001, doit être interprété en ce sens qu’une personne qui a cessé toute activité salariée ou non salariée et qui a commencé à percevoir des prestations de maladie en espèces dans un État membre avant de transférer sa résidence vers un autre État membre conserve le droit de percevoir ces prestations de la
part de l’institution du premier État membre après ce transfert, à condition qu’elle ait obtenu une autorisation à cet effet.
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( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Règlement du Conseil du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2).
( 3 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).
( 4 ) Le litige au principal porte sur les droits de Mme Tolley à compter du 6 novembre 2002 (voir point 20 des présentes conclusions). Ce litige est donc régi par la version du règlement no 1408/71 qui était en vigueur à cette époque.
( 5 ) Règlement du Conseil du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1).
( 6 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2001 (JO 2001, L 187, p. 1).
( 7 ) [2010] EWCA Civ 291.
( 8 ) Arrêt du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil (C‑299/05, EU:C:2007:608, point 68).
( 9 ) Conformément à l’article 1er, sous j), du règlement no 1408/71, la notion de « législation » désigne, dans le contexte de ce règlement, l’ensemble des lois, des règlements, des dispositions statutaires et autres mesures d’application concernant les branches et les régimes de sécurité sociale ainsi que les prestations spéciales à caractère non contributif.
( 10 ) Les conditions d’affiliation à un régime de sécurité sociale relèvent du droit national [voir, notamment, arrêts du 12 juillet 1979, Brunori (266/78, EU:C:1979:200, points 5 et 6) ; du 7 juillet 2005, van Pommeren‑Bourgondiën (C‑227/03, EU:C:2005:431, point 33), ainsi que du 19 mars 2015, Kik (C‑266/13, EU:C:2015:188, point 51)].
( 11 ) Arrêt du 12 mai 1998 (C‑85/96, EU:C:1998:217, point 36). Voir aussi, notamment, arrêts du 7 juin 2005, Dodl et Oberhollenzer (C‑543/03, EU:C:2005:364, point 30), ainsi que du 10 mars 2011, Borger (C‑516/09, EU:C:2011:136, point 28).
( 12 ) Par exemple, la Cour a considéré, dans l’arrêt Dodl et Oberhollenzer [arrêt du 7 juin 2005 (C‑543/03, EU:C:2005:364, points 32 à 34)], que des personnes qui réclamaient le bénéfice de prestations familiales autrichiennes présentaient la qualité de travailleur pour autant que la juridiction nationale confirme leur affiliation à l’assurance maladie autrichienne.
( 13 ) Voir Secretary of State for Work and Pensions v LT (DLA) [2012] UKUT 282 (AAC) et Tolley v The Secretary of State for Work and Pensions [2013] EWCA Civ 1471.
( 14 ) Arrêt du 21 février 2013 (C‑619/11, EU:C:2013:92, points 27 à 29). Aux termes de la décision de renvoi, Mme Tolley n’aurait pu prétendre à une pension de retraite que dans la mesure où elle aurait rempli les conditions de cotisation à l’âge légal de la retraite. Ainsi, selon le gouvernement du Royaume‑Uni, le bénéfice d’une telle pension n’était que futur et hypothétique, si bien que Mme Tolley ne présentait pas la qualité d’assurée contre le risque de vieillesse. La juridiction de renvoi
considère néanmoins que cette dernière était bien assurée contre ce risque. Dès lors que la question de savoir si une personne est assurée dans le cadre d’un régime de sécurité sociale relève du droit de l’État membre concerné (voir note en bas de page 11 des présentes conclusions), il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation.
( 15 ) Arrêt du 10 mars 2011, Borger (C‑516/09, EU:C:2011:136, point 30).
( 16 ) Arrêt du 18 octobre 2007 (C‑299/05, EU:C:2007:608, point 68).
( 17 ) Arrêt du 6 octobre 1982 (283/81, EU:C:1982:335, point 21).
( 18 ) Voir, notamment, arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335, point 21), ainsi que du 1er octobre 2015, Doc Generici (C‑452/14, EU:C:2015:644, point 43 et jurisprudence citée).
( 19 ) Dans l’arrêt du 27 mars 1963, Da Costa e.a. (28/62 à 30/62, EU:C:1963:6), auquel s’est référé le gouvernement du Royaume‑Uni, la Cour, après avoir constaté qu’elle avait déjà tranché dans un arrêt antérieur une question identique à la question préjudicielle qui lui avait été déférée, n’a pas conclu à l’irrecevabilité de celle‑ci, mais a renvoyé la juridiction nationale à cet arrêt.
( 20 ) Voir arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335, point 15), ainsi que du 17 juillet 2014, Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 32).
( 21 ) Arrêt du 17 juillet 2014, Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 32 et jurisprudence citée).
( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, De Cuyper (C‑406/04, EU:C:2006:491, point 27).
( 23 ) Arrêt du 18 octobre 2007 (C‑299/05, EU:C:2007:608, points 66 à 68).
( 24 ) Arrêt du 21 juillet 2011 (C‑503/09, EU:C:2011:500, point 37).
( 25 ) Arrêt du 18 octobre 2007 (C‑299/05, EU:C:2007:608).
( 26 ) Arrêt du 21 juillet 2011 (C‑503/09, EU:C:2011:500, points 37 et 38).
( 27 ) Arrêt du 18 octobre 2007 (C‑299/05, EU:C:2007:608, point 63). Cette appréciation se rapportait à l’allocation d’invalidité suédoise qui faisait également l’objet du recours en annulation ayant donné lieu à cet arrêt.
( 28 ) Arrêt du 30 juin 2011 (C‑388/09, EU:C:2011:439, point 48).
( 29 ) Arrêt du 30 juin 2011, da Silva Martins (C‑388/09, EU:C:2011:439, point 48).
( 30 ) Arrêt du 18 octobre 2007 (C‑299/05, EU:C:2007:608).
( 31 ) Arrêt du 5 mars 1998 (C‑160/96, EU:C:1998:84).
( 32 ) Arrêt du 5 mars 1998, Molenaar (C‑160/96, EU:C:1998:84, points 22 à 25). Voir, également, arrêt du 8 juillet 2004, Gaumain‑Cerri et Barth (C‑502/01 et C‑31/02, EU:C:2004:413, points 19 et 20).
( 33 ) Arrêt du 8 mars 2001 (C‑215/99, EU:C:2001:139, point 28).
( 34 ) Arrêt du 21 février 2006 (C‑286/03, EU:C:2006:125, point 48). Voir également, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil (C‑299/05, EU:C:2007:608, point 61), ainsi que du 30 juin 2011, da Silva Martins (C‑388/09, EU:C:2011:439, points 43 à 48).
( 35 ) Voir, à cet égard, Jorens, Y., e.a., « Coordination of Long‑term Care Benefits – current situation and future prospects », Think Tank Report 2011, Training and Reporting on European Social Security, disponible sous http://www.tress‑network.org/EUROPEAN%20RESOURCES/EUROPEANREPORT/trESSIII_ThinkTankReport‑LTC_20111026FINAL_amendmentsEC‑FINAL.pdf, p. 41 et 42.
( 36 ) La décision de renvoi ne précise pas à quel titre Mme Tolley a versé des cotisations de sécurité sociale dans le passé.
( 37 ) À ma connaissance, ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2007 que le droit espagnol a initié la mise en place progressive d’un dispositif de prise en charge de la dépendance, au moyen de la loi 39/2006, du 14 décembre 2006, relative à la promotion de l’autonomie individuelle et à l’assistance aux personnes dépendantes (BOE no 299, du 15 décembre 2006, p. 44142). Cette appréciation relève cependant, en définitive, de la compétence de la juridiction de renvoi.
( 38 ) Voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 1986, Ten Holder (302/84, EU:C:1986:242, point 22), et du 10 juillet 1986, Luijten (60/85, EU:C:1986:307, point 15).
( 39 ) Chaque État membre dispose cependant de la faculté, sous certaines conditions, d’octroyer des prestations de sécurité sociale à des travailleurs qui sont affiliés au régime de sécurité sociale d’un autre État membre [voir, notamment, arrêts du 20 mai 2008, Bosmann (C‑352/06, EU:C:2008:290, point 31) ; du 12 juin 2012, Hudzinski et Wawrzyniak (C‑611/10 et C‑612/10, EU:C:2012:339, point 68), ainsi que du 11 septembre 2014, B. (C‑394/13, EU:C:2014:2199, point 28)]. En outre, le principe
d’unicité de la législation applicable ne s’oppose pas à ce qu’un travailleur, tout en étant affilié à titre obligatoire au régime de sécurité sociale de l’État membre de sa résidence, demeure affilié à titre facultatif au régime de l’État membre de son dernier emploi pour les branches auxquelles il cesse d’être affilié à titre obligatoire [arrêt du 7 juillet 2005, van Pommeren‑Bourgondiën (C‑227/03, EU:C:2005:431, points 36 à 38)].
( 40 ) Voir, notamment, arrêt du 7 juillet 2005, van Pommeren‑Bourgondiën (C‑227/03, EU:C:2005:431, point 34 et jurisprudence citée).
( 41 ) En particulier, une personne qui travaille dans un État membre (ou, successivement, dans plusieurs États membres) y acquiert typiquement des droits à la pension qu’elle conserve à la suite du transfert de sa résidence vers un autre État membre. L’article 17 bis du règlement no 1408/71 vise un tel cas de figure dans la mesure où il s’applique aux personnes qui, tout en étant soumises à la législation de l’État membre de leur résidence, sont titulaires d’une pension ou d’une rente due au titre
de la législation d’un autre État membre.
( 42 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Kuusijärvi (C‑275/96, EU:C:1997:613, point 65) et conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Stewart (C‑503/09, EU:C:2011:159, point 47).
( 43 ) Voir, en particulier, articles 12, 46 bis, 46 ter, 46 quater et 76 du règlement no 1408/71 ainsi qu’articles 7 à 10 bis du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (JO 1972, L 74, p. 1).
( 44 ) Ainsi, comme M. l’avocat général Jacobs l’a observé dans ses conclusions dans l’affaire Kuusijärvi (C‑275/96, EU:C:1997:613, point 54), « le fait que la législation de [l’État du dernier emploi d’une personne] cesse d’être applicable ne signifie pas nécessairement, ni même ordinairement, que cette personne perde simultanément son droit au maintien [d’une prestation dont elle bénéficiait de la part de cet État] ».
( 45 ) Voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2001, Commission/Belgique (C‑347/98, EU:C:2001:236, point 31).
( 46 ) La Cour s’est déjà prononcée, dans l’arrêt da Silva Martins [arrêt du 30 juin 2011 (C‑388/09, EU:C:2011:439)], quant au caractère exportable de prestations visant à couvrir le risque de dépendance, que la personne concernée avait commencé à percevoir à charge de l’institution d’un premier État membre, à la suite du transfert de sa résidence vers un second État membre. Elle a toutefois examiné cette problématique sous l’angle, non pas de l’article 19, paragraphe 1, ou de l’article 22,
paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, mais des articles 27 et 28 de ce règlement. Or, ces dernières dispositions, qui s’appliquent aux « titulaires de pensions ou de rentes », ne visent pas la situation de Mme Tolley. Celle‑ci n’était, en effet, titulaire d’une pension ou d’une rente ni au titre du droit du Royaume‑Uni ni au titre du droit espagnol.
( 47 ) Lors de l’audience, la Commission semble aussi avoir soutenu cette position (voir note en bas de page 54 des présentes conclusions).
( 48 ) Voir point 53 des présentes conclusions.
( 49 ) Arrêt du 16 juillet 2009 (C‑208/07, EU:C:2009:455, point 46).
( 50 ) Dans l’arrêt du 16 juillet 2009, von Chamier‑Glisczinski (C‑208/07, EU:C:2009:455, points 44 à 46), la Cour, sans prendre position quant à la ligne de partage entre les champs d’application respectifs de l’article 19, paragraphe 1, et de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71, a considéré que le fait que la requérante avait transféré sa résidence de l’Allemagne vers l’Autriche alors qu’elle bénéficiait déjà des prestations de maladie allemandes dont elle sollicitait
l’exportation plaidait en faveur de l’applicabilité de la seconde de ces dispositions.
( 51 ) Arrêt du 31 mai 1979 (182/78, EU:C:1979:142, point 7). La Cour n’a pas établi, à cet égard, de distinction selon que le travailleur a définitivement ou temporairement cessé toute activité professionnelle.
( 52 ) Ainsi, l’article 13, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1408/71 vise la « personne qui exerce une activité salariée » et la « personne qui exerce une activité non salariée ».
( 53 ) Selon le gouvernement du Royaume‑Uni, il en irait ainsi depuis le jour suivant celui où Mme Tolley y a établi sa résidence (voir point 74 des présentes conclusions).
( 54 ) Lors de l’audience, la Commission semble avoir défendu la même approche en alléguant que l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71 ne vise que les personnes économiquement actives, dès lors que les personnes économiquement inactives sont soumises à la législation de l’État membre de leur résidence.
( 55 ) Est également visé l’État membre où se trouve « l’institution de la part de laquelle l’intéressé a droit à prestations ou aurait droit à prestations s’il résidait […] sur le territoire de l’État membre où se trouve cette institution ».
( 56 ) L’article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1408/71 prévoit, en substance, qu’un travailleur salarié frontalier au chômage qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire « d’un État membre autre que l’État compétent » bénéficie des prestations de chômage soit à charge de l’institution compétente (s’il est au chômage partiel ou accidentel), soit à charge de l’institution du pays de sa résidence (s’il est au chômage complet).
( 57 ) Arrêt du 11 novembre 2004 (C‑372/02, EU:C:2004:705, point 29).
( 58 ) Arrêt du 11 juin 1998 (C‑275/96, EU:C:1998:279).
( 59 ) Arrêt du 11 juin 1998, Kuusijärvi (C‑275/96, EU:C:1998:279, point 71).
( 60 ) En outre, l’article 73 du règlement no 1408/71 se réfère non pas à l’« État compétent », mais à l’État membre à la législation duquel le travailleur est soumis.
( 61 ) Règlement du Conseil du 25 juin 1991, modifiant le règlement no 1408/71 et le règlement no 574/72 (JO 1991, L 206, p. 2).
( 62 ) Arrêt du 12 juin 1986 (302/84, EU:C:1986:242, point 15).
( 63 ) Voir arrêts du 21 février 1991, Noij (C‑140/88, EU:C:1991:64, points 9 et 10) ; du 21 février 1991, Daalmeijer (C‑245/88, EU:C:1991:66, points 12 et 13), ainsi que du 10 mars 1992, Twomey (C‑215/90, EU:C:1992:117, point 10).
( 64 ) Dans ces conditions, les dispositions des titres II et III du règlement no 1408/71 ne s’opposaient pas à ce qu’une personne se trouvant dans une telle situation soit soumise au droit de l’État membre où elle réside [voir arrêt du 21 février 1991, Noij (C‑140/88, EU:C:1991:64, point 15)].
( 65 ) Voir troisième considérant du règlement no 2195/91.
( 66 ) Voir arrêt du 11 juin 1998, Kuusijärvi (C‑275/96, EU:C:1998:279, point 40).
( 67 ) De la même manière, un travailleur victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle dans un État membre perdrait, à la suite de la cessation de son activité professionnelle et du transfert de sa résidence vers un autre État membre, le bénéfice des prestations en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles de la part du premier État membre au titre de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71. En effet, cette disposition vise, à l’instar
de l’article 22, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, le travailleur « qui, après avoir été admis au bénéfice des prestations à charge de l’institution compétente, est autorisé par cette institution à retourner sur le territoire de l’État membre où il réside, ou à transférer sa résidence sur le territoire d’un autre État membre ».
( 68 ) Voir sixième considérant du règlement no 1408/71.
( 69 ) Voir premier et deuxième considérants du règlement no 1408/71.
( 70 ) Conclusions dans l’affaire Kuusijärvi (C‑275/96, EU:C:1997:613, point 65). Contrairement à ce qu’a fait valoir le gouvernement du Royaume‑Uni, la Cour n’a pas rejeté une telle approche (voir point 107 des présentes conclusions). Voir également, par analogie, arrêt du 30 juin 1966, Vaassen‑Göbbels (61/65, EU:C:1966:39, p. 399), et conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Newton (C‑356/89, EU:C:1991:98, point 23).
( 71 ) Je constate que, sur cette base, l’Upper tribunal (tribunal supérieur) a considéré que Mme Tolley avait le droit d’exporter la composante dépendance de la DLA à la suite du transfert de sa résidence, bien qu’elle n’ait pas disposé d’une autorisation à cet effet [Secretary of State for Work and Pensions v LT (DLA) [2012] UKUT 282 (AAC), points 88 et 89].
( 72 ) Cette considération apparaît particulièrement pertinente lorsque l’État débiteur de la prestation en cause [qui est l’État compétent au sens de l’article 22, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1408/71] est également l’État compétent en vertu des règles de conflit énoncées à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement, en sorte qu’il sera tenu, de façon générale, de supporter les dépenses d’assurance maladie relatives à la détérioration de l’état de santé de l’intéressé. Elle vaut
néanmoins également lorsque l’État débiteur de cette prestation n’est plus l’État compétent en vertu de ces règles de conflit. En effet, dans un tel scénario, l’État débiteur de ladite prestation restera, le cas échéant, tenu de continuer à verser celle‑ci pour une durée plus longue en application de l’article 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
( 73 ) Voir par analogie, s’agissant de la condition d’autorisation préalable énoncée à l’article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1408/71, arrêt du 23 octobre 2003, Inizan (C‑56/01, EU:C:2003:578, point 24).
( 74 ) Voir, notamment, arrêt du 14 octobre 2010, van Delft e.a. (C‑345/09, EU:C:2010:610, point 99 et jurisprudence citée).
( 75 ) Voir, par analogie, arrêt du 20 mai 2008, Bosmann (C‑352/06, EU:C:2008:290, points 27 à 31).
( 76 ) Voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2012, Hudzinski et Wawrzyniak (C‑611/10 et C‑612/10, EU:C:2012:339, point 57).