ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
15 décembre 2016 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Nomenclature combinée — Classement des marchandises — Compléments alimentaires relevant de la position tarifaire 2106 — Principe actif en tant que composant essentiel — Classement éventuel dans le chapitre 30 de la nomenclature combinée — Présentation et commercialisation des produits en tant que médicaments»
Dans l’affaire C‑700/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie), par décision du 10 décembre 2015, parvenue à la Cour le 31 décembre 2015, dans la procédure
LEK farmacevtska družba d.d.
contre
Republika Slovenija,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Bobek,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
— pour LEK farmacevtska družba d.d., par M. P. Pensa, odvetnik, et Mme J. Zaplotnik, odvetnica,
— pour la Commission européenne, par M. A. Caeiros et M. M. Žebre, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la nomenclature combinée du tarif douanier commun (ci-après la « NC ») qui figure à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement (UE) no 1006/2011 de la Commission, du 27 septembre 2011 (JO 2011, L 282, p. 1) (ci-après le « règlement no 2658/87 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant LEK farmacevtska družba d.d. (ci-après « Lek ») à la Republika Slovenija au sujet des décisions de classement tarifaire des trois produits nommés « Linex », « Linex Forte » et « Linex Baby Granulat ».
Le cadre juridique
Le SH
3 Le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), a été institué par la convention portant création d’un conseil de coopération douanière, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH ») a été élaboré par l’OMD et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après la « convention sur le SH »), conclue
à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1).
4 En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la convention sur le SH, chaque partie contractante s’engage à ce que ses nomenclatures tarifaires et statistiques soient conformes au SH, à utiliser toutes les positions et les sous-positions de celui-ci, sans adjonction ni modification, ainsi que les codes y afférents, et à suivre l’ordre de numérotation dudit système. Chaque partie contractante s’engage également à appliquer les règles générales pour l’interprétation du SH ainsi que toutes les notes de
sections, de chapitres et de sous-positions du SH et à ne pas modifier la portée de ces derniers.
5 L’OMD approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la convention sur le SH, les notes explicatives et les avis de classement adoptés par le comité du SH.
6 La note explicative relative à la position 21.06 du SH est ainsi libellée :
« À condition qu’elles ne soient pas reprises dans d’autres positions de la Nomenclature, la présente position comprend :
[...]
B) Les préparations composées entièrement ou partiellement de substances alimentaires, entrant dans la préparation de boissons ou d’aliments pour la consommation humaine. Sont notamment classées ici celles consistant en mélanges de produits chimiques (acides organiques, sels de calcium, etc.) et de substances alimentaires (farines, sucres, poudre de lait, par exemple), destinées à être incorporées dans des préparations alimentaires [...]
[...]
Sont notamment classés ici :
[...]
16) Les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires, à base d’extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnées de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer. Ces préparations sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu’elles sont destinées à maintenir l’organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues (nos 30.03
ou 30.04). »
La NC
7 La NC, instaurée par le règlement no 2658/87, est fondée sur le SH et reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.
8 Le huitième considérant du règlement no 2658/87 (neuvième considérant de ce même règlement en langue slovène) énonce :
« considérant qu’il est indispensable que la [NC] et toute autre nomenclature qui la reprend en totalité ou en partie ou en y ajoutant des subdivisions soient appliquées d’une manière uniforme par tous les États membres ; que des dispositions à cet effet doivent pouvoir être adoptées sur le plan communautaire ; que, par ailleurs, les dispositions communautaires ayant pour objet d’assurer l’application uniforme de la [NC] sont applicables aux produits relevant du traité instituant la Communauté
européenne du charbon et de l’acier conformément à la décision 86/98/CECA [...] »
9 La position 2106 de la NC comprend les « Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs ».
10 Le chapitre 30 de la NC comprend les produits pharmaceutiques. La note 1, sous a), dudit chapitre est libellée comme suit :
« Le présent chapitre ne comprend pas :
a) les aliments diététiques, aliments enrichis, aliments pour diabétiques, compléments alimentaires, boissons toniques et eaux minérales, autres que les préparations nutritives administrées par voie intraveineuse (section IV) ».
11 La position 3004 de la NC se lit comme suit :
« Médicaments (à l’exclusion des produits des nos 3002, 3005 ou 3006) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses (y compris ceux destinés à être administrés par voie percutanée) ou conditionnés pour la vente au détail ».
12 La note complémentaire 1 du chapitre 30 de la NC se lit comme suit :
« Le no 3004 comprend des préparations à base de plantes et des préparations à base des substances actives suivantes : vitamines, minéraux, acides aminés essentiels et acides gras, conditionnés pour la vente au détail. Ces préparations sont à classer dans le no 3004 si l’étiquette, l’emballage ou le mode d’emploi porte les indications suivantes :
a) les maladies, affections ou leurs symptômes, contre lesquels elles doivent être employées ;
b) la concentration de la substance active ou des substances actives qu’elles contiennent ;
c) la posologie, et
d) le mode d’administration.
Cette position comprend également les préparations homéopathiques à usage médical à condition qu’elles remplissent les conditions a), c) et d) mentionnées ci-dessus.
Dans le cas des préparations à base de vitamines, minéraux, acides aminés essentiels et acides gras, le niveau d’une de ces substances par dose journalière recommandée figurant sur l’étiquette doit être significativement plus élevé que l’apport journalier recommandé nécessaire pour garder la santé en général ou le bien-être. »
Le règlement (CE) no 1264/98 et le règlement d’exécution (UE) no 727/2012
13 Le point 5 de l’annexe du règlement (CE) no 1264/98 de la Commission, du 17 juin 1998, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 1998, L 175, p. 4), classe dans la position 2106 de la NC les compléments alimentaires présentés sous forme de gélules contenant de la malto-dextrine (70 %), du stéarate de magnésium (3 %) et de l’acide ascorbique (0,5 %), additionnés de ferments lactiques (Bifidobacterium breve et B. longum, Lactobacillus acidophilus, et L.
rhamnosus environ 1 milliard par gramme).
14 L’annexe du règlement d’exécution (UE) no 727/2012 de la Commission, du 6 août 2012, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2012, L 213, p. 5), classe dans la position 2106 de la NC les cultures de micro-organismes présentées à la vente au détail sous forme de capsules de gélatine. La composition de chaque capsule (pourcentage en poids) doit être comme suit, à savoir L. rhamnosus (3,36), L. acidophilus (3,36), L. plantarum (0,84), B. lactis (0,84),
maltodextrine (50,6), cellulose microcristalline (10), amidon de maïs (30) et stéarate de magnésium (1). Lesdits produits, selon leur étiquette, doivent être présentés comme des compléments alimentaires destinés à la consommation humaine.
La directive 2001/83/CE
15 Les considérants 2 à 5 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011 (JO 2011, L 174, p. 74) (ci-après la « directive 2001/83 »), sont ainsi libellés :
« (2) Toute réglementation en matière de production, de distribution ou d’utilisation des médicaments doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique.
(3) Toutefois ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l’industrie pharmaceutique et les échanges de médicaments au sein de la Communauté.
(4) Les disparités de certaines dispositions nationales, et notamment des dispositions relatives aux médicaments, à l’exclusion des substances ou compositions qui sont des denrées alimentaires, des aliments destinés aux animaux ou des produits d’hygiène, ont pour effet d’entraver les échanges des médicaments au sein de la Communauté et elles ont de ce fait une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.
(5) Il importe par suite d’éliminer ces entraves et pour atteindre cet objectif un rapprochement des dispositions dont il s’agit est nécessaire. »
16 L’article 1er, point 2, de ladite directive énonce :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
2) médicament :
a) toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ; ou
b) toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 Lek est une société slovène fabriquant des produits pharmaceutiques. Le 4 septembre 2012, le Generalni carinski urad Carinske uprave Republike Slovenije (direction générale des douanes de l’administration douanière de la République de Slovénie) a émis trois renseignements tarifaires contraignants pour les produits ayant les dénominations commerciales « Linex », « Linex Forte » et « Linex Baby Granulat ». Les produits en cause peuvent être décrits comme suit.
18 D’abord, le produit dénommé « Linex » se présente sous la forme de capsules de gélatine solide, constituées de bactéries probiotiques spécifiques avec un produit auxiliaire, à savoir un excipient, et destinées à être utilisées contre les troubles digestifs. Chaque capsule contient au moins 1,2 x 107 unités de lactobacilles vivantes et lyophilisées de type Lactobacillus acidophilus, de l’espèce Lactobacillus gasseri, Bifidobacterium infantis et Enterococcus faecium, avec un excipient composé d’un
mélange de stéarate de magnésium, de lactose, de dextrine et de fécule de pomme de terre. Chaque capsule contient, en poids, plus de 5 % de glucose ou de fécule. Le produit est emballé sous une forme destinée à la vente au détail consistant à placer les capsules par seize dans un emballage serré constitué d’une feuille d’aluminium, puis dans une boite en carton.
19 Ensuite, le produit dénommé « Linex Forte » se présente également sous la forme de capsules dont chacune contient au moins deux milliards de lactobacilles formant des colonies, vivantes et lyophilisées, de type Lactobacillus acidophilus et Bifidobacterium animalis subsp. lactis dans la proportion de 1:1, avec un excipient composé d’un mélange de glucose, de cellulose microcristalline, de fécule de pomme de terre, d’inuline, d’oligofructose et de stéarate de magnésium. Chaque capsule contient, en
poids, plus de 5 % de glucose ou de fécule. Le produit est emballé sous une forme destinée à la vente au détail consistant à placer les capsules par seize dans un emballage serré constitué d’une feuille d’aluminium, puis dans une boite en carton.
20 Enfin, le produit dénommé « Linex Baby Granulat » se présente sous la forme d’un granulat emballé dans des sachets de 1,5 g. Chaque sachet contient au moins un milliard de bactéries formant des colonies, vivantes et lyophilisées, de type Bifidobacterium, à savoir Lactobacillus acidophilus et Bifidobacterium animalis subsp. lactis, avec un excipient composé de maltodextrine. Chaque sachet contient, en poids, plus de 5 % de glucose ou de fécule. Le produit est emballé sous une forme destinée à la
vente au détail consistant à placer les sachets par dix dans une boite en carton.
21 Il ressort des instructions d’emploi des trois produits en cause que le but de leur utilisation est la prévention et l’aide au traitement en cas de diarrhées, de ballonnements et d’autres troubles digestifs qui apparaissent à cause d’une rupture de l’équilibre de la flore intestinale, en cas d’infections virales ou bactériennes du système digestif, de traitement avec des antibiotiques à spectre large et de chimiothérapie. En outre, il ressort de ces instructions d’emploi que la prise de
probiotiques ou de lactobacilles réduit efficacement la fréquence et l’intensité de troubles faibles à modérés qui apparaissent à cause d’une destruction de la microflore normale de l’intestin. Ainsi, la Javna agencija Republike Slovenije za zdravila in medicinske pripomočke (Agence publique slovène des médicaments et des dispositifs médicaux), tout en fondant sa décision sur la loi nationale transposant la directive 2001/83, a donné une autorisation de mise sur le marché pour les trois produits
en cause en tant que médicaments.
22 L’autorité douanière nationale a classé lesdits produits dans la position 2106 90 98 de la NC. Considérant que les produits en cause doivent être classés dans la position 3002 90 50 de la NC, Lek a introduit un recours contre le classement effectué par cette autorité.
23 Par décisions des 28, 29 et 30 novembre 2012, le ministère des Finances a rejeté les recours contre le classement effectué par ladite autorité.
24 N’étant pas satisfaite des décisions du ministère des Finances, Lek a demandé à la juridiction administrative de première instance de se prononcer sur le classement tarifaire des produits en cause en soutenant que ceux-ci doivent être classés dans la position 3004 90 00 de la NC. Le 28 janvier 2014, cette juridiction a confirmé lesdites décisions.
25 Lek a introduit un recours en révision contre les arrêts de ladite juridiction devant la juridiction de renvoi.
26 Cette juridiction observe que le critère décisif du classement d’une marchandise dans le chapitre 30 de la NC est que celle-ci présente un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini, dont l’effet se concentre sur des fonctions précises de l’organisme humain, ou encore qu’elle soit susceptible d’une application dans la prévention ou le traitement d’une maladie ou d’une affection. Selon cette juridiction, les produits en cause au principal peuvent remplir ce critère dans la mesure où,
premièrement, ils soignent certains troubles digestifs, deuxièmement, leur effet se concentre sur le bon fonctionnement de l’intestin et, troisièmement, ils sont utilisés pour la prévention ou le traitement d’une affection déterminée, à savoir le déséquilibre intestinal.
27 En revanche, ladite juridiction émet des doutes quant au classement desdits produits dans le chapitre 30 de la NC dans la mesure où ceux-ci contiennent des principes actifs, à savoir des bactéries probiotiques, qui sont habituellement contenus dans les compléments alimentaires et qui sont utilisés de manière générale comme des principes actifs ayant un effet positif général sur la santé.
28 La juridiction de renvoi considère que la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si un produit qui contient les mêmes principes actifs que des compléments alimentaires relevant du chapitre 21 de la NC peut, toutefois, être classé dans le chapitre 30 de la NC en raison du fait qu’il est utilisé pour prévenir ou traiter certains troubles de la santé et qu’il est commercialisé comme un médicament. En outre, cette juridiction se penche sur les conséquences de l’adoption de la directive
2001/83. Plus particulièrement, elle considère que cette directive, ayant pour but de garantir des mécanismes dont l’objectif est d’assurer une attribution uniforme des autorisations pour la mise sur le marché des médicaments, pourrait changer les constats de la Cour figurant dans l’arrêt du 12 mars 1998, Laboratoires Sarget (C‑270/96, EU:C:1998:103), selon lesquels l’attribution d’une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament n’implique pas nécessairement qu’un produit doit être
classé dans le chapitre 30 de la NC.
29 Dans ces conditions, le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions du chapitre 30 de la NC peuvent-elles être interprétées en ce sens qu’il est impossible de classer dans ce chapitre un produit dont le composant essentiel est un principe actif (des bactéries probiotiques) qui est contenu dans des compléments alimentaires classés dans la position tarifaire 2106 90 98 de la NC ?
2) Pour classer un produit dans le chapitre 30 de la NC, suffit-il que le fabricant présente ce produit, qui contient un principe actif ayant des effets bénéfiques généraux pour la santé et se trouve souvent dans des compléments alimentaires, comme un médicament et qu’il le commercialise et le vende comme tel ?
3) Compte tenu de l’évolution du droit de l’Union en matière de réglementation du marché des médicaments, l’expression “profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini” qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, est une condition de classement dans le chapitre 30 de la NC doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle correspond à la notion de médicament au sens des dispositions de l’Union relatives aux médicaments à usage humain ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la troisième question
30 Par sa troisième question, qu’il convient d’examiner en premier, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la position 3004 de la NC doit être interprétée en ce sens que doivent automatiquement être classés dans cette position des produits qui relèvent de la notion de « médicament », au sens de la directive 2001/83.
31 À cet égard, il ressort, d’abord, des considérants 2 à 5 de la directive 2001/83 que cette dernière vise à assurer le rapprochement des législations nationales relatives aux médicaments, tout en assurant la réalisation de l’objectif essentiel qu’est la sauvegarde de la santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Abcur,C‑544/13 et C‑545/13, EU:C:2015:481, point 76).
32 Ensuite, le classement d’un produit dans un État membre en tant que médicament au sens de la directive 2001/83 n’exige pas que ce même produit soit classé, par un autre État membre, en tant que médicament au sens d’autres instruments de droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Laboratoires Lyocentre, C‑109/12, EU:C:2013:626, point 48).
33 En outre, il ressort du huitième considérant du règlement no 2658/87 que les dispositions de la NC doivent être interprétées d’une manière identique par chacun des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 1998, Laboratoires Sarget, C‑270/96, EU:C:1998:103, point 24).
34 Enfin, il découle du libellé de l’article 1er de la directive 2001/83 qu’un médicament au sens de cette directive comprend, d’une part, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines et, d’autre part, toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action
pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical.
35 Dès lors, ladite définition n’exige pas que les produits relevant de celle-ci remplissent impérativement la condition de classement dans le chapitre 30 de la NC, à savoir qu’ils présentent un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini dont l’effet se concentre sur des fonctions précises de l’organisme humain ou sont susceptibles d’une application dans la prévention ou le traitement d’une maladie ou d’une affection.
36 En effet, la directive 2001/83 poursuit des objectifs différents de ceux de la NC. Or, afin de préserver la cohérence entre l’interprétation de la NC et celle du SH, qui est établie par une convention internationale à laquelle l’Union européenne est partie contractante, la circonstance qu’un produit soit muni d’une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament au sens de la directive 2001/83 ne peut être déterminante aux fins d’apprécier si ce produit relève de la catégorie des
« médicaments », au sens de la position 3004 de la NC (voir, en ce sens, arrêts du 12 mars 1998, Laboratoires Sarget, C‑270/96, EU:C:1998:103, point 25, et du 4 mars 2015, Oliver Medical, C‑547/13, EU:C:2015:139, point 53).
37 Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question que la position 3004 de la NC doit être interprétée en ce sens que ne doivent pas automatiquement être classés dans cette position des produits qui relèvent de la notion de « médicament », au sens de la directive 2001/83.
Sur les première et deuxième questions
38 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la NC doit être interprétée en ce sens que des produits, tels que ceux en cause au principal, ayant des effets bénéfiques généraux pour la santé et dont le composant essentiel est un principe actif qui est contenu dans des compléments alimentaires classés dans la position tarifaire 2106 de la NC, bien qu’ils sont présentés par leur fabricant comme des médicaments
et qu’ils sont commercialisés et vendus comme tels, peuvent être classés dans la position 3004 de la NC ou s’ils relèvent plutôt de la position 2106 de celle-ci.
39 À titre liminaire, il est de jurisprudence constante que, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (voir arrêt du 17 février 2016, Salutas Pharma, C‑124/15, EU:C:2016:87, point 29 et jurisprudence
citée).
40 Ainsi, les notes de chapitre de la NC constituent des moyens importants pour assurer une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation. La teneur desdites notes doit dès lors être conforme aux dispositions de la NC et ne saurait en modifier la portée (voir arrêt du 17 février 2016, Salutas Pharma, C‑124/15, EU:C:2016:87, point 30 et jurisprudence citée).
41 En outre, les notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la NC, par la Commission européenne, et en ce qui concerne le SH, par l’OMD, contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires sans toutefois avoir force obligatoire de droit (voir arrêt du 17 février 2016, Salutas Pharma, C‑124/15, EU:C:2016:87, point 31 et jurisprudence citée).
42 Afin de classer les produits dans le chapitre 30 de la NC, il convient de rechercher si ces derniers présentent un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini, dont l’effet se concentre sur des fonctions précises de l’organisme humain ou encore s’ils sont susceptibles d’une application dans la prévention ou le traitement d’une maladie ou d’une affection (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2014, Nutricia, C‑267/13, EU:C:2014:277, point 20 et jurisprudence citée).
43 En outre, s’agissant de la position 3004 de la NC, il ressort du libellé de la note complémentaire 1 relative à cette position que celle-ci comprend des produits à base de plantes ou à base des substances actives énumérées de manière exhaustive, à savoir des vitamines, des minéraux, des acides aminés essentiels et des acides gras, à condition qu’ils remplissent également d’autres critères de classement dans ladite position, à savoir que leur étiquette, emballage ou mode d’emploi indiquent les
maladies, les affections ou les symptômes contre lesquels elles doivent être employées, la concentration de la substance active ou des substances actives qu’elles contiennent, la posologie, le mode d’administration et que, dans le cas des produits à base de vitamines, de minéraux, d’acides aminés essentiels et d’acides gras, la dose recommandée est significativement plus élevée que l’apport journalier recommandé.
44 Or, dans la mesure où les produits en cause au principal ont comme base des cultures de micro-organismes, ils ne relèvent pas de la position 3004 de la NC, indépendamment du fait de savoir s’ils remplissent d’autres conditions de classement figurant dans la note complémentaire 1 relative à cette position.
45 À cet égard, le fait que les produits concernés soient présentés et commercialisés comme médicaments ne remet pas en cause le constat figurant au point précédent. En effet, il est constant que ni le libellé de la position 3004 de la NC ni les notes figurant en tête du chapitre 30 de la NC ne font référence à la présentation du produit, cet élément n’ayant par conséquent pas de valeur déterminante pour son classement dans la NC (voir ordonnance du 9 janvier 2007, Juers Pharma, C‑40/06,
EU:C:2007:2, point 29 et jurisprudence citée).
46 Dans de telles conditions, il y a lieu de constater, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 39 à 41 du présent arrêt, que la note complémentaire 1 relative à la position 3004 de la NC exclut des produits tels que ceux en cause au principal du classement dans cette position.
47 En outre, dans la mesure où la note 1, sous a), du chapitre 30 de la NC exclut de ce chapitre des compléments alimentaires qui relèvent de la position 2106 de la NC, il y a lieu de vérifier si les produits en cause au principal relèvent de cette dernière position.
48 À cet égard, il convient de relever que la position 2106 de la NC comprend des « préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs » et qu’elle couvre, également, les préparations désignées souvent sous le nom de « compléments alimentaires », présentées dans des emballages indiquant qu’elles sont destinées à maintenir l’organisme en bonne santé (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2009, Swiss Caps, C‑410/08 à C‑412/08, EU:C:2009:794, point 31).
49 Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’un règlement de classement a une portée générale en tant qu’il s’applique non pas à un opérateur particulier, mais à la généralité des produits identiques à celui qui a été examiné par le comité du code des douanes. Afin de déterminer, dans le cadre de l’interprétation d’un règlement de classement, le champ d’application de celui-ci, il faut tenir compte, entre autres, de sa motivation (voir arrêt du 4 mars 2015, Oliver Medical, C‑547/13,
EU:C:2015:139, point 55 et jurisprudence citée).
50 Certes, le règlement no 1264/98 et le règlement d’exécution no 727/2012 ne sont pas directement applicables aux produits en cause au principal. En effet, ces produits ne sont pas identiques à ceux visés par ces règlements, dès lors qu’ils s’en distinguent par leurs excipients et les concentrations de micro-organismes.
51 Néanmoins, l’application par analogie d’un règlement de classement, tel que le règlement no 1264/98 et le règlement d’exécution no 727/2012, aux produits analogues à ceux visés par ces règlements favorise une interprétation cohérente de la NC ainsi que l’égalité de traitement des opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2015, Oliver Medical, C‑547/13, EU:C:2015:139, point 57 et jurisprudence citée).
52 Il ressort, d’une part, du libellé du point 5 de l’annexe du règlement no 1264/98 et, d’autre part, du libellé de l’annexe du règlement d’exécution no 727/2012 que les produits composés de différentes colonies de bactéries et d’excipients sont à classer dans la position 2106 de la NC eu égard aux règles générales d’interprétation de la NC, au libellé de la note 1, sous a), du chapitre 30 ainsi qu’aux positions 2106, 2106 90 et 2106 90 98 de la NC. Ainsi, il convient de constater que les produits
en cause au principal ont le même principe actif que les produits classés par le règlement no 1264/98 et le règlement d’exécution no 727/2012 et que la distinction entre les deux consiste uniquement en la concentration de micro-organismes et en excipients utilisés.
53 Il s’ensuit que les produits, tels que ceux en cause au principal, dont le composant essentiel est un principe actif qui est contenu dans des compléments alimentaires classés dans la position tarifaire 2106 de la NC et qui possèdent des effets bénéfiques généraux pour la santé relèvent de la position 2106 de la NC.
54 Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux première et deuxième questions que la NC doit être interprétée en ce sens que des produits, tels que ceux en cause au principal, ayant des effets bénéfiques généraux pour la santé et dont le composant essentiel est un principe actif qui est contenu dans des compléments alimentaires classés dans la position tarifaire 2106 de la NC, bien qu’ils sont présentés par leur fabricant comme des médicaments et qu’ils
sont commercialisés et vendus comme tels, relèvent de cette position.
Sur les dépens
55 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
1) La position 3004 de la nomenclature combinée du tarif douanier commun qui figure à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement (UE) no 1006/2011 de la Commission, du 27 septembre 2011, doit être interprétée en ce sens que ne doivent pas automatiquement être classés dans cette position des produits qui relèvent de la notion de « médicament », au sens de
la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011.
2) La nomenclature combinée du tarif douanier commun qui figure à l’annexe I du règlement no 2658/87, telle que modifiée par le règlement no 1006/2011, doit être interprétée en ce sens que des produits, tels que ceux en cause au principal, ayant des effets bénéfiques généraux pour la santé et dont le composant essentiel est un principe actif qui est contenu dans des compléments alimentaires classés dans la position tarifaire 2106 de cette nomenclature, bien qu’ils sont présentés par leur fabricant
comme des médicaments et qu’ils sont commercialisés et vendus comme tels, relèvent de cette position.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le slovène.