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01/02/2017 | CJUE | N°C-361/15

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Easy Sanitary Solutions BV et Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre Group Nivelles NV., 01/02/2017, C-361/15


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 1er février 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑361/15 P et C‑405/15 P

Easy Sanitary Solutions BV (C–361/15 P),

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) (C–405/15 P)

contre

Group Nivelles NV

« Pourvois – Règlement (CE) no 6/2002 – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un siphon de douche – Dessin ou modèle antérieur – Appréciation de la n

ouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté – Charge de la preuve incombant au demandeur en nullité – Exigences liées à la reproducti...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 1er février 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑361/15 P et C‑405/15 P

Easy Sanitary Solutions BV (C–361/15 P),

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) (C–405/15 P)

contre

Group Nivelles NV

« Pourvois – Règlement (CE) no 6/2002 – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un siphon de douche – Dessin ou modèle antérieur – Appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté – Charge de la preuve incombant au demandeur en nullité – Exigences liées à la reproduction du dessin ou modèle antérieur – Termes et portée de l’article 3 du règlement no 6/2002 – Compétences dévolues à l’EUIPO dans le cadre de l’administration de
la preuve – Article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 – Limites du contrôle de légalité du Tribunal – Article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 – Moyen d’ordre public »

I – Introduction

1. Les présentes affaires devraient conduire la Cour à préciser la portée de notions et de principes essentiels à l’application du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires ( 2 ).

2. En particulier, la Cour devrait être amenée à rappeler la ratio legis de ce règlement et les compétences qu’il convient ou non d’attribuer aux instances de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans le cadre de l’examen d’une demande en nullité d’un dessin ou modèle communautaire enregistré.

3. Ce contentieux trouve son origine dans la demande en nullité introduite par I-Drain BVBA devenu Group Nivelles NV ( 3 ) du dessin ou modèle enregistré, détenu par Easy Sanitary Solutions BV ( 4 ), et désignant, selon cet enregistrement, un « siphon de douche ». À l’appui de sa demande en nullité formulée devant la division d’annulation de l’EUIPO, Group Nivelles a soutenu que ce dessin ou modèle était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel, s’appuyant sur l’existence et la divulgation
au public d’un dessin ou modèle antérieur. Les difficultés ayant jonché l’examen de cette demande en nullité sont liées aux erreurs commises à la fois par le demandeur en nullité, lequel n’a pas dûment reproduit son art antérieur, mais également par la division d’annulation et la troisième chambre de recours de l’EUIPO qui n’ont pas su procéder à une comparaison correcte des dessins ou modèles en cause.

4. Dans son arrêt du 13 mai 2015, Group Nivelles/OHMI – Easy Sanitairy Solutions (Caniveau d’évacuation de douche) ( 5 ), le Tribunal a alors annulé la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2012 ( 6 ).

5. Par leurs pourvois, l’EUIPO et ESS demandent respectivement l’annulation et l’annulation partielle de cet arrêt.

6. Dans les présentes conclusions, nous proposerons, en premier lieu, à la Cour de relever d’office un moyen tiré de l’incompétence du Tribunal. En effet, nous considérons que celui-ci a outrepassé les limites du contrôle de légalité qui lui incombe en application de l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, dans le cadre de l’examen du moyen incident soulevé par ESS, de sorte que l’arrêt attaqué devrait, à notre sens, être annulé en partie.

7. En deuxième lieu, nous proposerons à la Cour de rejeter le pourvoi introduit par l’EUIPO dans l’affaire C–405/15 P.

8. Dans un premier temps, nous exposerons les raisons pour lesquelles le Tribunal a, à notre sens, effectivement commis une erreur de droit aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, en exigeant de l’EUIPO qu’il reconstitue le dessin ou modèle antérieur en combinant les différentes parties de celui-ci reproduit dans les divers extraits des catalogues joints à la demande en nullité. Nous expliquerons qu’une telle obligation, en tant qu’elle viole les termes et la portée de l’article 3 du règlement
no 6/2002, ne peut s’inscrire dans le cadre de l’appréciation du caractère nouveau d’un dessin ou modèle, au sens de l’article 5 de ce règlement, ni relever, en tant que telle, des compétences dévolues aux instances de l’EUIPO par l’article 63, paragraphe 1, dudit règlement.

9. Dans un deuxième temps, nous exposerons néanmoins les raisons pour lesquelles ce constat n’est pas de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

10. En troisième et dernier lieu, nous proposerons à la Cour de rejeter le pourvoi introduit par ESS.

II – Le cadre juridique de l’Union

A – Le règlement no 6/2002

11. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 6/2002, un « dessin ou modèle » vise l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation.

12. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire est conditionnée par la nouveauté et par le caractère individuel dudit dessin ou modèle.

13. Aux termes du paragraphe 2 de ladite disposition, un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale de ce dernier, et les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère
individuel.

14. Selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.

15. L’article 5, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise, en outre, que des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

16. Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

17. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), et de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour
la première fois, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union européenne.

18. L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, intitulé « Étendue de la protection » indique que la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente.

19. Selon l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, un dessin ou modèle communautaire peut être déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 dudit règlement.

20. Dans le cadre du titre VII, intitulé « Recours », l’article 61, paragraphe 2, dudit règlement précise que « [l]e recours [devant la Cour de justice] est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ».

21. Au titre VIII, intitulé « Procédure devant l’Office », l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, indique en outre que, « [a]u cours de la procédure, l’Office procède à l’examen d’office des faits. Toutefois, dans une action en nullité, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ».

22. Aux termes de l’article 65, paragraphe 1, de ce règlement, l’EUIPO peut, dans toute procédure, adopter des mesures d’instruction et, notamment, auditionner des parties et des témoins, demander des renseignements ainsi que la production de documents et de moyens de preuve, ou encore exiger une expertise.

B – Le règlement no 2245/2002

23. Enfin, le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 ( 7 ) dispose, à son article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), ce qui suit :

« 1.   Une demande en nullité, introduite auprès de l’Office en vertu de l’article 52 du règlement [no 6/2002], contient les renseignements suivants :

[...]

b) en ce qui concerne les motifs invoqués dans la demande :

[...]

v) lorsque les motifs de nullité sont fondés sur le fait que le dessin ou modèle communautaire enregistré ne remplit pas les conditions énoncées aux articles 5 et 6 du règlement [no 6/2002], l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré, ainsi que les documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs ;

vi) les faits, preuves et observations présentés à l’appui de la demande ;

[...] »

III – Les antécédents du litige

24. ESS est titulaire du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 000107834-0025, déposé le 28 novembre 2003 (ci-après le « dessin ou modèle contesté »).

25. Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :

Image

26. Ce dessin ou modèle désigne, selon cet enregistrement, un « siphon de douche (shower drain) ».

27. Le 3 septembre 2009, la requérante, I-Drain, a présenté devant l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle contesté fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002. Dans la demande en nullité, la requérante a fait valoir que le dessin ou modèle contesté ne satisfaisait pas aux conditions fixées aux articles 4 à 9 du règlement no 6/2002 dans la mesure où la partie de ce dessin ou modèle qui demeure visible lors d’une utilisation normale, à savoir la plaque de
couverture non perforée, était dépourvue de nouveauté et ne présentait pas de caractère individuel.

28. À l’appui de sa demande en nullité et afin de prouver l’existence et la divulgation au public d’un dessin ou modèle antérieur identique, la requérante a reproduit des extraits des catalogues de produits de l’entreprise Blücher, datés de l’année 1998 et de l’année 2000 ( 8 ) dans lesquels figurait l’illustration suivante (ci‑après le « dessin ou modèle antérieur ») :

Image

29. Par décision du 23 septembre 2010, la division d’annulation de l’EUIPO a accueilli la demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, estimant que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté au sens de l’article 5 de ce règlement.

30. La division d’annulation est partie du principe que le seul élément visible du dessin ou modèle contesté, après installation, était sa plaque de recouvrement. Elle a donc estimé que celle-ci était identique à la plaque figurant au centre de l’illustration reproduite au point 28 ci-dessus et a fait droit, sur cette seule base, à la demande en nullité.

31. Le 15 octobre 2010, ESS a formé un recours contre la décision de la division d’annulation sur le fondement des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002.

32. Lors de cette procédure, les parties ont produit de nouveaux faits et preuves à l’appui de leurs allégations, admis par la troisième chambre de recours de l’EUIPO.

33. Par une décision en date du 4 octobre 2012, celle-ci a annulé la décision de la division d’annulation (ci-après la « décision litigieuse »).

34. Contrairement à la division d’annulation, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a considéré que le dessin ou modèle contesté était composé non seulement d’une plaque de couverture de forme rectangulaire mais aussi de rainures latérales et de faces externes du siphon de douche. Elle a dès lors comparé ce dernier avec le dessin ou modèle antérieur constitué selon elle « d’un siphon de douche très simple et rectangulaire composé d’une plaque de couverture munie d’un trou» ( 9 ).

35. C’est sur cette base que la troisième chambre de recours de l’EUIPO a estimé que le dessin ou modèle contesté présentait un caractère nouveau au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002 dans la mesure où il n’était pas identique au dessin ou au modèle antérieur, ces deux dessins présentant des différences « facilement perceptibles » qui n’étaient « pas minimales ni difficiles à apprécier de manière objective» ( 10 ).

36. La troisième chambre de recours de l’EUIPO a, par conséquent, renvoyé l’affaire devant la division d’annulation.

IV – La procédure devant le Tribunal

A – Les moyens soulevés par les parties

37. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2013, Group Nivelles a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

38. À l’appui de ce recours, Group Nivelles a invoqué un moyen unique, tiré d’une erreur commise par la troisième chambre de recours de l’EUIPO lors de la comparaison du dessin ou modèle contesté avec le dessin ou modèle antérieur qu’elle avait invoqué à l’appui de sa demande en nullité. Selon elle, cette erreur aurait conduit la troisième chambre de recours de l’EUIPO à la conclusion erronée selon laquelle le dessin ou modèle contesté était nouveau au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002. À
cette fin, Group Nivelles a produit un nouveau document destiné à démontrer l’absence de nouveauté du dessin ou modèle contesté. La requérante a également demandé au Tribunal de réformer la décision litigieuse.

39. Dans le cadre de son mémoire en réponse, déposé au greffe du Tribunal le 15 juillet 2013, ESS a conclu à l’annulation de la décision litigieuse pour un motif autre que ceux invoqués par Group Nivelles dans le cadre de la requête en annulation. En effet, ESS soutenait que la troisième chambre de recours de l’EUIPO, au point 31 de la décision litigieuse, d’une part, n’avait aucunement tenu compte de ses arguments tendant à démontrer que l’usage industriel auquel est destiné le produit dans lequel
s’incorpore le dessin ou modèle antérieur distinguait ce dernier du dessin ou modèle contesté et, d’autre part, n’avait pas dûment motivé sa décision à cet égard ( 11 ). ESS faisait valoir, par conséquent, que la troisième chambre de recours de l’EUIPO n’avait pas correctement identifié le dessin ou modèle antérieur, ce qui aurait affecté l’appréciation du bien-fondé de la demande en nullité.

B – L’arrêt attaqué

40. L’arrêt attaqué se compose de trois parties.

41. Dans sa première partie, qui recouvre les points 15 à 35 de cet arrêt, le Tribunal a examiné les questions de recevabilité soulevées par ESS et l’EUIPO. Ce raisonnement n’est pas contesté dans le cadre des présents pourvois.

42. Dans la deuxième partie dudit arrêt, laquelle se compose des points 36 à 92, le Tribunal a examiné les deux chefs de conclusions soulevés par Group Nivelles dans le cadre de son recours en annulation.

43. Dans un premier temps (points 36 à 88 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a fait droit au moyen unique invoqué par Group Nivelles.

44. Tout d’abord, aux points 59 à 70 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que la troisième chambre de recours de l’EUIPO avait effectivement commis une erreur dans le cadre de son appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, en comparant toutes les caractéristiques visibles de ce dernier avec un seul élément du dessin ou modèle antérieur, ne tirant donc pas, dans la décision litigieuse, les conséquences correctes de l’erreur qu’elle avait constatée dans le chef de la division d’annulation.
Ce raisonnement n’est pas remis en cause dans le cadre des présents pourvois.

45. Le Tribunal a ensuite procédé, aux points 71 à 86 dudit arrêt, à l’examen des différents arguments soulevés par l’EUIPO et ESS afin de vérifier si ces derniers remettaient en cause cette appréciation. Celui-ci a alors rejeté l’ensemble de ces arguments et c’est à cette occasion que le Tribunal a mis à la charge de l’EUIPO une obligation nouvelle que celui-ci conteste dans le cadre de son pourvoi. À l’issue de cette analyse, le Tribunal a accueilli le moyen unique soulevé par Group Nivelles dans
le cadre de son recours et a fait droit à la demande en annulation formulée par cette dernière.

46. Dans un second temps (points 89 à 92 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a rejeté la demande de Group Nivelles visant à la réformation de la décision litigieuse, jugeant qu’il ne pouvait procéder, en lieu et place des instances de l’EUIPO, à un examen complet de la nouveauté du dessin ou modèle contesté.

47. Dans la troisième et dernière partie de cet arrêt, qui recouvre ses points 93 à 139, le Tribunal a examiné le moyen incident soulevé par ESS, fondé sur une violation de l’obligation de motivation.

48. Après avoir constaté, au point 100 dudit arrêt, que la troisième chambre de recours de l’EUIPO avait à suffisance motivé sa décision, le Tribunal a entrepris d’examiner, aux points 102 à 133 dudit arrêt, si l’identification du produit précis dans lequel est incorporé le dessin ou modèle antérieur, invoqué à l’appui de la demande en nullité, est un critère pertinent aux fins de l’appréciation du caractère nouveau ou individuel du dessin ou modèle contesté. À l’issue de cette analyse, le Tribunal
a estimé que ce critère présentait effectivement une pertinence pour l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Il a, par la suite, jugé que la troisième chambre de recours de l’EUIPO avait qualifié à tort le produit figurant au centre de la reproduction jointe à la demande en nullité de « siphon de douche », accueillant ainsi la demande en annulation d’ESS.

49. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a donc accueilli tant le moyen unique de Group Nivelles que le moyen incident d’ESS et a, par conséquent, annulé la décision litigieuse. En revanche, le Tribunal a rejeté la demande de réformation de cette décision, présentée par Group Nivelles.

V – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

50. Par son pourvoi dans l’affaire C‑405/15 P, l’EUIPO demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner Group Nivelles et ESS aux dépens auxquels il a été exposé.

51. ESS demande à la Cour d’accueillir le pourvoi en ce qui concerne les deux premiers moyens de l’EUIPO et de condamner Group Nivelles aux dépens exposés par l’EUIPO. Elle demande également à la Cour de rejeter le pourvoi en ce qui concerne le troisième moyen de l’EUIPO et de condamner l’EUIPO aux dépens exposés par ESS s’agissant de ce moyen.

52. Group Nivelles demande, quant à elle, à la Cour de rejeter ce pourvoi et de condamner l’EUIPO aux dépens auxquels elle a été exposée.

53. Le Royaume-Uni, qui a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions de l’EUIPO par décision du Président de la Cour du 20 janvier 2016, demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué étant entendu qu’il demande à supporter ses propres dépens.

54. Par son pourvoi dans l’affaire C‑361/15 P, ESS demande à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt attaqué et de condamner la partie ayant succombé aux dépens de l’instance.

55. L’EUIPO et Group Nivelles demandent à la Cour de rejeter ce pourvoi et de condamner la partie requérante aux dépens exposés par chacun d’entre eux.

56. Par décision du Président de la Cour du 8 juin 2016, les affaires C–361/15 P et C–405/15 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

VI – Observations liminaires

57. Dans le cadre des présents pourvois, nous proposons à la Cour de soulever d’office un moyen que nous jugeons d’ordre public, à savoir celui tiré de la méconnaissance par le Tribunal des limites de son contrôle de légalité, tel que défini à l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

58. En effet, pour les raisons que nous allons exposer, il nous semble que le Tribunal a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision litigieuse.

59. La violation des règles de compétence relève de la violation des formes substantielles et, en tant que telle, doit être considérée comme constituant un moyen d’ordre public qui doit être examiné d’office ( 12 ).En effet, ces règles visent à garantir une valeur fondamentale de l’ordre juridique de l’Union, à savoir l’équilibre institutionnel dont s’inspire le principe de répartition des compétences entre l’EUIPO et le Tribunal, que le législateur a traduit à l’article 61 du règlement no 6/2002.
En outre, ces règles sont à l’évidence établies dans l’intérêt de la collectivité en général.

60. La Cour, dont le rôle est d’assurer le respect du droit, est donc tenue de garantir que le Tribunal, saisi d’un recours en annulation, n’excède pas les compétences qui lui sont dévolues par le législateur dans le cadre des recours introduits contre les décisions des chambres de recours de l’EUIPO.

61. Dans sa jurisprudence, celle-ci a d’ailleurs plusieurs fois confirmé que l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union, alors même qu’aucune des parties ne lui a demandé de le faire ( 13 ).

62. En l’occurrence, nous signalons que les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur ce point.

63. Il n’y a donc aucun obstacle à notre sens à ce que la Cour examine d’office ce moyen que nous jugeons d’ordre public.

VII – Sur le moyen d’ordre public, tiré de la méconnaissance par le Tribunal des limites de son contrôle de légalité dans le cadre de l’examen du moyen incident soulevé par ESS

64. Aux termes de l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, un recours contre les décisions des chambres de recours de l’EUIPO est ouvert devant le Tribunal pour violation du traité, de ce règlement ou de toute règle de droit relative à leur application.

65. En vertu de la jurisprudence, il découle de cette disposition que le Tribunal ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs d’annulation ou de réformation énoncés à l’article 61, paragraphe 2, dudit règlement ( 14 ). Il s’ensuit que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de lui conférer le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours de l’EUIPO
et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle cette chambre n’a pas encore pris position ( 15 ).

66. Or, dans le cadre de son examen du moyen incident soulevé par ESS et, en particulier, aux points 112 à 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a entrepris d’examiner si l’usage auquel est destiné le produit dans lequel s’incorpore le dessin ou modèle antérieur, invoqué au soutien de la demande en nullité, est effectivement un facteur pertinent aux fins de l’appréciation du caractère nouveau ou individuel du dessin ou modèle contesté, point qui n’avait pas été traité par la troisième chambre de
recours de l’EUIPO dans la décision litigieuse.

67. Certes, dans la présente affaire, les parties avaient débattu de cette question devant les instances de l’EUIPO ( 16 ). La division d’annulation, au point 20 de sa décision, avait rejeté l’argument en expliquant que l’usage auquel est destiné le produit dans lequel s’incorpore le dessin ou modèle antérieur n’est pas un facteur pertinent aux fins de la comparaison des dessins ou modèles en cause, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un facteur lié à l’apparence du produit.

68. Par ailleurs, ESS avait une nouvelle fois défendu devant le Tribunal la thèse selon laquelle l’usage industriel auquel est destiné le produit dans lequel s’incorpore le dessin ou modèle antérieur affecte l’appréciation du bien-fondé de la demande en nullité ( 17 ).

69. Pour autant, ainsi que le Tribunal l’a expressément relevé au point 111 de l’arrêt attaqué, la troisième chambre de recours de l’EUIPO « n’a pas pris position, dans la décision [litigieuse], » sur cette question.

70. Par conséquent, en entreprenant d’examiner les articles 5 à 7 du règlement no 6/2002, à la lumière des arguments débattus et des éléments de preuve présentés devant la troisième chambre de recours de l’EUIPO, en lieu et place de celle-ci, le Tribunal a réformé la décision litigieuse sans avoir au préalable constaté que cette décision était entachée par l’un des motifs d’annulation énoncés à l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 et, en particulier, qu’elle était entachée d’un vice de
motivation.

71. L’appréciation du Tribunal est en cela très contradictoire.

72. En effet, ESS reprochait précisément à la troisième chambre de recours de l’EUIPO de ne pas avoir motivé sa décision et de ne pas avoir tenu compte de ses arguments quant à la pertinence, aux fins de l’appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, de l’usage auquel est destiné le produit dans lequel s’incorpore le dessin ou modèle antérieur, rendant cette décision incompréhensible ( 18 ).

73. Or, le Tribunal a fermement rejeté le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse, jugeant au point 100 de l’arrêt attaqué que la décision litigieuse « comporte une motivation suffisante à cet égard, dans la mesure où elle relève, en son point 31, qu’il s’agit d’un “siphon de douche” ».

74. Pourtant, dans les points suivants, c’est-à-dire aux points 101 à 133 de cet arrêt, le Tribunal procède non seulement à un examen minutieux de la pertinence de ce facteur à la lumière des arguments débattus et des éléments de preuve présentés par les parties au cours de la procédure, et donc, en lieu et place de la troisième chambre de recours de l’EUIPO, mais conclut également à la pertinence de celui-ci aux fins de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

75. Cette contradiction dans l’analyse du Tribunal résulte incontestablement de l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse, que le Tribunal n’a pas sanctionnée comme telle.

76. À notre sens, le Tribunal devait se contenter de constater un défaut de motivation de la décision litigieuse et ne pas préjuger de l’appréciation portée par la troisième chambre de recours de l’EUIPO quant aux arguments débattus par les parties devant elle ( 19 ).

77. Le rôle du Tribunal est en effet de s’assurer que les décisions rendues par les chambres de recours de l’EUIPO sont motivées, conformément à l’article 62 du règlement no 6/2002, l’obligation de motivation constituant une formalité substantielle, ainsi qu’il le relève très justement au point 98 de l’arrêt attaqué. La Cour, qui constitue le dernier niveau de contrôle, doit ainsi être mise en mesure de connaître le sort que la chambre de recours de l’EUIPO a réservé aux arguments soulevés par les
parties et les motifs justifiant, le cas échéant, le rejet de ces derniers.

78. Dans la présente affaire, alors que nous en sommes au troisième et dernier niveau de recours ( 20 ), force est de constater que nous ignorons encore les raisons pour lesquelles la troisième chambre de recours de l’EUIPO a écarté les arguments soulevés par les parties quant à la pertinence, aux fins de l’appréciation de la nouveauté d’un dessin ou modèle, de l’usage auquel est destiné le produit dans lequel s’incorpore le dessin ou modèle antérieur.

79. Compte tenu de l’imprécision des termes de la décision litigieuse, le Tribunal ne pouvait donc pas procéder à un tel examen sans avoir au préalable annulé cette décision pour défaut de motivation.

80. En procédant à l’analyse visée aux points 112 à 133, en lieu et place de la troisième chambre de recours de l’EUIPO, le Tribunal est donc allé, selon nous, au-delà des limites du contrôle de légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, tel qu’il est prévu à l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, outrepassant ainsi ses compétences dans le cadre de l’examen du moyen incident soulevé devant lui par ESS.

81. Nous estimons par conséquent qu’il convient d’annuler en partie l’arrêt attaqué, en tant que le Tribunal, aux points 112 à 133 de cet arrêt, a apprécié si l’identification du produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle antérieur est un facteur pertinent aux fins de l’appréciation du caractère nouveau ou individuel du dessin ou modèle contesté ( 21 ).

82. Dans ces conditions, nous proposons à la Cour de ne pas examiner le troisième moyen du pourvoi introduit par l’EUIPO (C–405/15 P) ainsi que le premier moyen du pourvoi introduit par ESS (C–361/15 P), ces derniers étant dirigés contre l’appréciation du Tribunal visée aux points 112 à 133 de l’arrêt attaqué.

VIII – Sur le pourvoi introduit par l’EUIPO dans l’affaire C-405/15 P

83. À l’appui de son pourvoi, l’EUIPO soulève trois moyens.

84. Le premier moyen est tiré de la violation par le Tribunal de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et soulève la question de la charge et de l’administration de la preuve dans le cadre d’une action en nullité d’un dessin ou modèle enregistré.

85. Le deuxième moyen est, quant à lui, tiré de la violation par le Tribunal de l’article 5 du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, l’EUIPO critiquant les appréciations portées par le Tribunal quant aux modalités de l’examen relatif à la nouveauté du dessin ou modèle contesté.

86. Bien que fondés sur des dispositions de droit différentes, les arguments développés par l’EUIPO à l’appui de ces deux moyens se recoupent et visent des points de l’arrêt attaqué qui doivent être lus et interprétés conjointement. Par conséquent, nous examinerons ensemble ces deux premiers moyens.

87. Enfin, le troisième moyen est tiré de la violation des articles 6 et 7 du règlement no 6/2002, lus en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, l’EUIPO contestant, cette fois-ci, le raisonnement adopté par le Tribunal s’agissant de la pertinence, aux fins de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, de l’identification du produit auquel un dessin ou modèle antérieur s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé.

88. Dans la mesure où ce moyen est dirigé contre des motifs que nous proposons d’annuler en raison de la violation par le Tribunal des limites de son contrôle juridictionnel, nous proposerons à la Cour de ne pas l’examiner.

A – Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et sur le deuxième moyen, tiré de la violation par le Tribunal de l’article 5 de ce règlement, relatif à la nouveauté d’un dessin ou modèle communautaire, lu en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), dudit règlement

89. Avant d’entamer notre analyse de ces moyens, il importe de relever que le contentieux dont la Cour est aujourd’hui saisie trouve son origine dans une identification incorrecte du dessin ou modèle antérieur revendiqué dans le cadre de la demande en nullité, aucune image représentant l’intégralité du dispositif d’évacuation de liquides proposé par l’entreprise Blücher n’ayant été présentée par Group Nivelles ( 22 ) devant les instances de l’EUIPO.

90. Il est donc important d’avoir à l’esprit le cadre dans lequel et la manière avec laquelle les instances de l’EUIPO ont apprécié la nouveauté du dessin ou modèle contesté.

91. Dans le cadre de sa demande en nullité, la requérante a en effet reproduit la partie du dessin ou modèle qu’elle a jugée visible au cours d’une utilisation normale, à savoir la plaque de recouvrement, représentée comme suit dans les catalogues Blücher :

Image

92. La division d’annulation a considéré que le seul élément visible du dessin ou modèle contesté, après installation, était sa plaque de recouvrement, représentée comme suit :

Image

93. Elle a estimé que celle-ci était identique à la plaque représentée dans le dessin ou modèle antérieur et a fait droit, sur cette base, à la demande en nullité introduite par I-Drain.

94. Quant à la troisième chambre de recours de l’EUIPO, elle a considéré que d’autres éléments du siphon de douche représenté par le dessin ou modèle contesté resteraient visibles après installation. Elle a donc comparé le dessin ou modèle contesté composé d’une plaque de couverture de forme rectangulaire mais aussi de rainures latérales et de faces externes du siphon avec la seule plaque de recouvrement reproduite dans le dessin ou modèle antérieur, concluant ainsi à l’absence d’identité entre ces
derniers et annulant la décision de la division d’annulation.

95. Devant le Tribunal, Group Nivelles a alors présenté, à l’annexe A.9 de sa requête introductive d’instance (numérotée p. 76 de cette annexe), un nouveau document représentant une image complète du dispositif d’évacuation de liquide tel que proposé par l’entreprise Blücher. Ce document a été, à juste titre, jugé irrecevable par le Tribunal.

96. Dans ses observations déposées devant le Tribunal, l’EUIPO a alors soutenu que Group Nivelles était restée en défaut de démontrer l’existence d’un dessin ou modèle antérieur au dessin ou au modèle contesté possédant toutes les caractéristiques de ce dernier.

97. Dans le cadre de l’examen de cet argument, le Tribunal a alors jugé ce qui suit aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué :

« 77 En tout état de cause, [...] dans l’hypothèse d’un dessin ou modèle constitué de plusieurs composants, il doit être considéré qu’il a été divulgué au public, au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lorsque tous les composants ont été divulgués au public et qu’il a été clairement indiqué que ces composants étaient destinés à être combinés entre eux pour constituer un produit déterminé, permettant, ainsi l’identification de la forme et des caractéristiques de ce dessin
ou modèle.

78 En d’autres termes, il ne saurait être admis qu’un dessin ou modèle présente un caractère nouveau, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002, lorsqu’il ne consiste qu’en une combinaison de dessins ou modèles déjà divulgués au public et à propos desquels il a déjà été indiqué qu’ils étaient destinés à être utilisés ensemble.

79 En l’espèce, cela signifie que, dans la mesure où, pour les raisons exposées [...], il ressortait clairement des catalogues Blücher que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration [...] était destinée à être combinée avec des cuves et des siphons proposés par l’entreprise Blücher et figurant également dans ces catalogues, pour constituer un dispositif d’évacuation de liquides complet, il revenait à l’[EUIPO], pour apprécier la nouveauté du dessin ou modèle contesté, de le
comparer, notamment, à une évacuation de liquides constituée de la plaque de recouvrement en question, combinée avec les autres éléments d’un dispositif d’évacuation de liquides proposés par l’entreprise Blücher, et ce quand bien même aucune image d’une telle combinaison ne figurerait dans lesdits catalogues ».

98. Au soutien de son premier moyen, l’EUIPO allègue que le Tribunal a, au point 79 de l’arrêt attaqué, violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, en particulier, les principes devant gouverner la charge et l’administration de la preuve dans le cadre d’une action en nullité d’un dessin ou modèle enregistré, en exigeant qu’il reconstitue le dessin ou modèle antérieur sur la base des différents extraits des catalogues joints à la demande en nullité.

99. Au soutien de son deuxième moyen, l’EUIPO allègue que le Tribunal a, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, violé les règles devant gouverner l’appréciation de la nouveauté d’un dessin ou modèle communautaire visées à l’article 5 du règlement no 6/2002, en créant dans son chef l’obligation de combiner les différents composants d’un dessin ou modèle, divulgués de manière séparée.

100. L’examen conjoint de ces moyens s’impose dans la mesure où ils soulèvent tous deux la question de la légalité de cette obligation au regard des dispositions de fond et de procédure du règlement no 6/2002.

101. En outre, si le premier moyen vise à remettre en cause le raisonnement adopté par le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué et si le deuxième moyen tend, quant à lui, à contester les appréciations du Tribunal figurant aux points 77 et 78 de cet arrêt, ces points doivent être examinés conjointement.

102. En effet, les points 78 et 79 de l’arrêt attaqué doivent être lus et interprétés à la lumière du principe que le Tribunal dégage au point 77 de cet arrêt. Cela ressort très clairement, d’une part, de l’expression « en d’autres termes » employée par le Tribunal en introduction du point 78 dudit arrêt et d’autre part, des termes « en l’espèce, cela signifie que », employés par celui-ci au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal tirant ainsi la conclusion, dans le cas d’espèce, du principe qu’il
dégage plus tôt.

1. Argumentation des parties

a) Sur le premier moyen

103. L’EUIPO conteste en substance la manière dont le Tribunal a administré les preuves produites par la requérante à l’appui de sa demande en nullité et les conclusions que celui-ci en a tirées, au point 79 de l’arrêt attaqué, quant aux obligations incombant à l’EUIPO dans le cadre de l’administration des preuves produites par le demandeur en nullité.

104. L’EUIPO soutient que le Tribunal a violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 en jugeant, aux points 74 et 79 de l’arrêt attaqué, que le dessin ou modèle antérieur invoqué au soutien de la demande en nullité était constitué non pas de la seule plaque de recouvrement qui faisait partie du dessin ou modèle antérieur mais de l’intégralité du dispositif d’évacuation de liquides.

105. Le Tribunal se serait ainsi substitué au demandeur en nullité en identifiant lequel des dessins ou modèles antérieurs reproduits dans les catalogues Blücher étaient pertinents aux fins de l’appréciation du bien-fondé de la demande en nullité.

106. Or, ce faisant, le Tribunal aurait méconnu, d’une part, les compétences dévolues à l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande en nullité, visées à l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, d’autre part, les obligations incombant au demandeur en nullité lorsque celui-ci tend à prouver l’existence d’un dessin ou modèle antérieur identique ou produisant une impression globale similaire, visées à l’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement d’exécution.

107. L’EUIPO soutient que, en vertu de cette dernière disposition mais également des principes retenus par la Cour au point 25 de l’arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions ( 23 ), le demandeur en nullité est tenu d’identifier précisément, au sein des pièces qu’il produit, quels sont les dessins ou modèles antérieurs pertinents aux fins de l’action en nullité engagée. Ainsi, il ne lui appartiendrait pas de se substituer au demandeur en nullité dans le cadre de l’administration de la preuve.

108. Premièrement, il ne pourrait pas fonder sa décision sur une preuve qu’aucune des parties n’aurait apportée ou sur un dessin ou modèle antérieur que le demandeur en nullité n’aurait pas explicitement invoqué, comme tel serait le cas en l’espèce.

109. Deuxièmement, il ne lui appartiendrait pas de rechercher quel dessin ou modèle antérieur pourrait être pertinent parmi tous ceux représentés dans les documents produits par le demandeur car une telle attitude reviendrait à favoriser une partie aux dépens de l’autre et à violer les droits de la défense.

110. Troisièmement, quand bien même un dessin ou modèle identique au dessin ou au modèle contesté serait reproduit dans les documents produits par le demandeur en nullité, il ne saurait fonder sa décision ex officio sur cette antériorité si le demandeur a fondé son argumentation sur d’autres dessins ou modèles.

111. En l’occurrence, il ne ressortirait ni de la demande en nullité ni des observations déposées par Group Nivelles à la fois devant la division d’annulation et la troisième chambre de recours de l’EUIPO que cette entreprise avait clairement identifié et indiqué, au sens de l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement d’exécution, l’intégralité du dispositif d’évacuation de liquides comme étant le dessin ou modèle antérieur invoqué à l’appui de sa demande en nullité. La division
d’annulation aurait ainsi limité l’examen comparatif entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur à la seule plaque de recouvrement, sans égard pour les autres caractéristiques que la troisième chambre de recours de l’EUIPO aurait, par la suite, estimé pertinentes aux fins de cette comparaison, comme la forme de la cuve et la présence de fentes latérales.

112. L’EUIPO indique que ce ne serait qu’au stade de la requête introduite devant le Tribunal, donc tardivement, que Group Nivelles aurait visé l’intégralité du dispositif d’évacuation de liquides. Par conséquent, le Tribunal aurait dû considérer que, ce faisant, la requérante modifiait l’objet du litige devant la chambre de recours de l’EUIPO, au sens de l’article 135, paragraphe 4, de son règlement de procédure.

113. Dans son mémoire en réponse, ESS se rallie aux arguments de l’EUIPO.

114. Group Nivelles estime, en revanche, que l’EUIPO procède à un examen inexact des faits pertinents et propose à la Cour de rejeter ce moyen comme étant non fondé.

b) Sur le deuxième moyen

115. L’EUIPO soulève deux griefs à l’appui de ce deuxième moyen.

116. Par le premier grief, l’EUIPO soutient que le raisonnement adopté par le Tribunal aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué est contraire à l’article 5 du règlement no 6/2002, en tant qu’il crée dans son chef l’obligation de combiner les différents composants d’un dessin ou modèle, divulgués de manière séparée, comme dans le cas d’une plaque de recouvrement et d’une cuve publiées dans des pages différentes d’un même catalogue.

117. L’EUIPO se réfère une nouvelle fois à l’arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions ( 24 ), dans lequel la Cour confirmerait, s’agissant de l’article 6 du règlement no 6/2002, relatif à l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle, qu’un dessin ou modèle ne peut pas être comparé avec « un assemblage d’éléments spécifiques ou de parties de dessins ou modèles antérieurs, mais [avec] des dessins ou modèles antérieurs individualisés et déterminés ». Une telle appréciation devrait être
appliquée par analogie à l’examen de la nouveauté d’un dessin ou modèle, au sens de l’article 5 de ce règlement.

118. La circonstance que les différents composants d’un dessin ou modèle, divulgués séparément, soient destinés à être utilisés ensemble ne modifierait pas cette conclusion. En effet, l’assemblage de ces différents composants permettrait de dégager l’apparence du dessin ou modèle, mais celle-ci serait hypothétique ou, en tout cas, sujette à d’importantes approximations. Or, aussi bien la sécurité juridique qu’est en droit d’attendre le titulaire du dessin ou modèle contesté que la notion
d’« identité » entre deux dessins ou modèles, propre à l’article 5 du règlement no 6/2002, feraient obstacle à un examen comparatif fondé sur des hypothèses ou des approximations.

119. Par le second grief, l’EUIPO soutient que l’analyse du Tribunal est, en outre, fondée sur une dénaturation des faits.

120. En effet, la comparaison des illustrations auxquelles le Tribunal fait référence, à savoir celles de la plaque de recouvrement et de la cuve divulguée dans les catalogues Blücher produites par Group Nivelles et celle du système d’écoulement représenté dans ces catalogues produite par ESS, ne permettait pas d’identifier la forme et les caractéristiques du dessin ou modèle antérieur.

121. ESS estime que ce deuxième moyen devrait être déclaré fondé.

122. Group Nivelles considère, pour sa part, que ce deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé eu égard, notamment, au fait que l’EUIPO fait une lecture et une interprétation erronées de l’arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions ( 25 ), ainsi qu’une appréciation inexacte des éléments factuels.

2. Examen

123. Pour les raisons que nous allons à présent exposer, nous considérons que le Tribunal a effectivement commis une erreur de droit aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué.

124. En effet, le Tribunal ne peut pas, à notre avis, exiger des instances de l’EUIPO qu’elles reconstituent, aux fins de leur appréciation, le dessin ou modèle antérieur sur la base des différents extraits des catalogues joints à la demande en nullité car une telle obligation est, à notre sens, contraire aux termes et à la portée de l’article 3 du règlement no 6/2002 et ne peut donc ni s’inscrire dans le cadre de l’appréciation du caractère nouveau d’un dessin ou modèle, au sens de l’article 5 de
ce règlement, ni relever, en tant que telle, des compétences dévolues aux instances de l’EUIPO par l’article 63, paragraphe 1, dudit règlement.

125. Aux termes de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, l’examen auquel les instances de l’EUIPO procèdent, dans le cadre d’une demande en nullité, est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

126. En application de cette disposition, l’EUIPO ne prend pas en considération les dessins ou modèles antérieurs autres que ceux expressément visés par le demandeur ( 26 ). Ainsi, l’EUIPO estime qu’il ne lui appartient pas de déterminer à travers des suppositions et des déductions, lequel des dessins ou modèles antérieurs, parmi ceux reproduits dans les preuves documentaires du demandeur, peut être pertinent lorsque le demandeur ne fournit pas d’autres précisions à cet égard ( 27 ).

127. Il faut garder à l’esprit que, dans le cadre d’une demande en nullité et conformément aux termes de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 ( 28 ) et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution, c’est en premier lieu à la partie qui s’oppose à l’enregistrement d’un dessin ou modèle qu’il incombe de prouver l’existence et la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur identique ou produisant une impression globale similaire.

128. Dans le cadre d’une action en nullité, le titulaire d’un dessin ou modèle antérieur doit donc démontrer, premièrement, que ce dessin ou modèle est identique ou produit une impression globale similaire au dessin ou au modèle contesté et, deuxièmement, que celui-ci a été divulgué au public.

129. La preuve est libre et reste à la discrétion du demandeur ( 29 ).

130. L’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement d’exécution exige seulement que la demande en nullité, lorsqu’elle est fondée sur l’absence de nouveauté du dessin ou modèle contesté, comporte l’indication et la reproduction du dessin ou modèle antérieur, les documents prouvant la précédente divulgation de ce dernier et enfin les faits, preuves et observations présentés à l’appui de la demande.

131. Le formulaire permettant d’introduire une demande en nullité prévoit une section spécifique à cette fin ( 30 ).

132. Aux termes de l’article 30, paragraphe 1, du règlement d’exécution, ces éléments sont exigés sous peine d’irrecevabilité, les instances de l’EUIPO ayant néanmoins la possibilité d’inviter, préalablement, le demandeur à remédier aux irrégularités constatées.

133. Le règlement d’exécution et les directives de l’EUIPO ( 31 ) n’apportent aucune autre précision quant aux preuves qui doivent être produites par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, qui est identique au dessin ou au modèle contesté ou qui produit une impression globale similaire ( 32 ).

134. Dans la présente affaire, il est constant que le demandeur en nullité n’a pas dûment identifié ni reproduit dans son intégralité le dessin ou modèle antérieur, que ce soit dans le cadre de sa demande en nullité ou au cours de la procédure devant les instances de l’EUIPO. Celui-ci a en effet reproduit la seule partie du dessin ou modèle qu’il a jugée visible au cours d’une utilisation normale, à savoir la plaque de recouvrement.

135. Dans une telle hypothèse, le Tribunal peut-il exiger de la chambre de recours de l’EUIPO qu’elle pallie cette irrégularité en reconstituant, aux fins de son appréciation, le dessin ou modèle antérieur sur la base des différents extraits des catalogues Blücher joints à la demande en nullité, « et ce quand bien même aucune image d’une telle combinaison ne [figurait] dans les [pièces produites]» ( 33 ) ?

136. Nous répondons par la négative.

137. Premièrement, une telle obligation méconnaît les termes et la portée de l’article 3 du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement d’exécution.

138. Aux termes de l’article 3 du règlement no 6/2002, le dessin ou modèle est défini comme visant « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation» ( 34 ).

139. Cette disposition traduit ainsi le principe selon lequel le droit de dessin ou de modèle est bien un droit de propriété sur « l’apparence » d’un produit qui doit être distingué du droit de brevet qui est un droit de propriété sur une invention.

140. Il faut garder à l’esprit que le dessin ou modèle a une fonction esthétique, qu’il a pour but d’ornementer l’objet auquel il s’applique, de lui donner un aspect distinct et reconnaissable, une physionomie qui lui est propre par ses lignes, ses contours, ses formes ou bien encore son graphisme particulier ( 35 ).

141. Les précisions visées dans le cadre de l’article 3 du règlement no 6/2002 renvoient donc à des éléments perceptibles à l’œil ( 36 ).

142. En exigeant à l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement d’exécution « l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs », le législateur exige du demandeur en nullité qu’il reproduise un dessin ou un modèle précis, individualisé, déterminé et identifié, pour reprendre l’expression employée au point 25 de l’arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions ( 37 ). Dans cet arrêt, relatif à l’interprétation de l’article 6 du règlement no 6/2002, la Cour a en effet
considéré que la comparaison qu’implique l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle ne peut pas reposer sur « un assemblage d’éléments spécifiques ou de parties de dessins ou modèles antérieurs, mais [sur] des dessins ou modèles antérieurs individualisés et déterminés» ( 38 ).

143. Ces exigences sont essentielles aux fins de l’appréciation du bien-fondé d’une demande en nullité.

144. En effet, la reproduction de l’art antérieur doit permettre de déterminer la portée du droit antérieur revendiqué et, de la même façon, la portée des droits auxquels le titulaire du dessin ou modèle contesté peut légitimement prétendre.

145. La portée de ces droits se détermine par référence au dessin ou au modèle reproduit dans la demande en nullité et non par la description ou la légende qui l’accompagne, facultative et dépourvue de toute valeur juridique, à la différence des revendications d’un brevet. La protection conférée au dessin ou au modèle concerne le dessin ou modèle tel que reproduit et ce qui est dit dans la légende n’est donc qu’un complément indicatif ( 39 ). La reproduction du dessin ou modèle antérieur doit donc
suffire en elle-même.

146. En outre, cette reproduction doit permettre au défendeur de déterminer avec précision quelles sont les caractéristiques ornementales ou esthétiques du dessin ou modèle antérieur qu’il aurait imitées et en conséquence de combattre au fond l’originalité de son dessin ou modèle.

147. Enfin, cette reproduction doit permettre aux instances de l’EUIPO d’identifier de manière précise et certaine le dessin ou modèle antérieur afin de procéder, conformément aux articles 5 à 7 du règlement no 6/2002, à l’appréciation du caractère nouveau et individuel du dessin ou modèle contesté et à la comparaison que celle-ci implique entre les dessins ou modèles en cause. Or, examiner si le dessin ou modèle contesté est effectivement dépourvu de nouveauté ou de caractère individuel exige
manifestement de disposer d’un dessin ou modèle antérieur précis et déterminé.

148. Pour satisfaire à ces objectifs, il est donc essentiel de disposer d’une image du dessin ou modèle antérieur car ceci résulte de la nature même de l’objet que tend à protéger le règlement no 6/2002 et de la raison pour laquelle une protection lui est assurée.

149. Cette image doit permettre de saisir l’apparence du produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé, dans un ensemble définitif et reconnaissable par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou bien encore son ornementation ou ses matériaux, tel que cela est visé à l’article 3 de ce règlement.

150. Le droit de dessin ou de modèle n’est donc pas destiné à protéger une idée, ou un dessin ou modèle qui serait proche de la réalisation ou qui serait l’œuvre d’une reconstitution, car, dans de telles hypothèses, nul ne parvient à saisir l’apparence du produit dans cet ensemble définitif et reconnaissable qui lui est propre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, aux termes de l’article 4 dudit règlement, seules les caractéristiques visibles des dessins ou modèles peuvent bénéficier d’une
protection.

151. Cela exclut, par conséquent, toute tentative de reconstitution du dessin ou modèle antérieur, qui plus est lorsqu’aucune image d’une telle combinaison ne figure dans les pièces produites.

152. En effet, une telle reconstitution contiendra des imperfections puisqu’elle impliquera nécessairement des approximations, contraires non seulement aux termes de l’article 3 du règlement no 6/2002, mais également aux exigences tenant à l’appréciation, au sens de l’article 5 de ce règlement, du caractère nouveau du dessin ou modèle.

153. Dans les présentes affaires, par exemple, il ressort des points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, non contestés par les parties, que les illustrations produites par la requérante en annexe de sa demande en nullité, représentaient différents types de plaque de recouvrement, de formes et de dimensions différentes, susceptibles d’être combinées avec des cuves et des siphons afin de constituer un dispositif complet d’évacuation de liquides.

154. Or, comment procéder à la comparaison des dessins ou modèles qu’implique l’examen du bien-fondé d’une demande en nullité si l’apparence du produit et, en particulier, les caractéristiques de ses lignes, de ses contours, de ses couleurs et de sa forme ne sont pas clairement reconnaissables et identifiables ?

155. La reconstitution à laquelle l’EUIPO devrait se prêter, selon le Tribunal, est à notre sens susceptible d’aboutir à des dessins ou modèles présentant des différences qui ne seraient pas nécessairement mineures.

156. Une telle reconstitution ne permettrait donc pas de garantir un examen adéquat du bien-fondé de la demande en nullité dans la mesure où elle ne permettrait pas de saisir l’apparence du produit au sens de l’article 3 du règlement no 6/2002 et ainsi de dûment procéder à la comparaison des dessins ou modèles en cause qu’impose l’article 5 de ce règlement.

157. Si le Tribunal a jugé, dans l’arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon) ( 40 ), que la divulgation du dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché ( 41 ), alors ce principe doit a fortiori s’appliquer à la reproduction de ce dessin.

158. À cet égard, les directives de l’EUIPO précisent que, lorsque la reproduction jointe à la demande en nullité ne permet pas de représenter le dessin ou modèle antérieur d’une manière adéquate, rendant ainsi impossible toute comparaison avec le dessin ou modèle contesté, cela ne constitue pas une divulgation au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ( 42 ).

159. Le principe que dégage le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué s’inspire en réalité davantage du droit des brevets d’invention que du droit des dessins et modèles ( 43 ) puisque son approche tend à accorder une exclusivité sur un type de système d’évacuation de liquides susceptible de revêtir des apparences diverses.

160. Or, ceci est en violation des termes et de la portée de l’article 3 du règlement no 6/2002.

161. Par conséquent, l’obligation qu’impose le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué et qui repose sur les considérations que ce dernier a adoptées aux points 77 et 78 de cet arrêt ne peut s’inscrire dans le cadre de l’examen auquel les instances de l’EUIPO doivent procéder au titre de l’article 5 et de l’article 63, paragraphe 1, dudit règlement.

162. En revanche, cela ne signifie pas que les instances de l’EUIPO soient condamnées à la passivité dans une hypothèse telle que celle en cause où le demandeur en nullité n’a reproduit que la seule partie du dessin ou modèle qu’il a jugée visible au cours d’une utilisation normale.

163. En effet, l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, qui concerne l’instruction « dans toute procédure devant l’[EUIPO]» ( 44 ) prévoit une liste non exhaustive de mesures d’instruction ( 45 ).

164. Malgré les limitations visées à l’article 63, paragraphe 1, de ce règlement, les instances de l’EUIPO peuvent donc, dans le cadre d’une demande en nullité, instruire l’affaire et ainsi auditionner des parties ou des témoins, demander des renseignements ou la production de documents et de moyens de preuve ou bien encore exiger une expertise.

165. Ainsi, dans les présentes affaires, il ressort du point 68 de l’arrêt attaqué, qui n’a pas été contesté par les parties, qu’une reproduction d’un dessin ou modèle représentant l’intégralité du dispositif d’évacuation de liquides proposé par l’entreprise Blücher avait été communiquée par ESS en annexe de ses observations devant la division d’annulation. Ce document était destiné à démontrer l’application industrielle de ce dispositif d’évacuation de liquides.

166. Les instances de l’EUIPO disposaient donc d’une reproduction du dispositif intégral d’évacuation de liquides proposé par ladite entreprise.

167. Dans le cadre de son instruction de l’affaire, et compte tenu du fait que la troisième chambre de recours de l’EUIPO :

– était parvenue à la conclusion que la division d’annulation avait procédé à tort à une comparaison de la seule plaque de recouvrement comprise dans le dessin ou modèle contesté avec la seule plaque de recouvrement reproduite par la requérante et

– avait, par conséquent, retenu aux fins de cette comparaison que le dessin ou modèle contesté se compose d’une plaque de recouvrement, mais aussi de rainures latérales et des faces externes du siphon de douche,

celle-ci pouvait, ainsi que l’a à juste titre relevé le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué, aisément comprendre, au vu des extraits des catalogues Blücher produits par Group Nivelles, que la plaque de recouvrement reproduite par celle-ci était destinée à être combinée à des cuves et des siphons de la même manière que l’est la plaque de recouvrement reproduite dans le dessin ou modèle contesté.

168. Dès lors, la troisième chambre de recours de l’EUIPO pouvait :

– soit exiger de Group Nivelles qu’elle fournisse des reproductions supplémentaires du dessin ou modèle antérieur, tel qu’incorporé dans un dispositif intégral d’évacuation de liquides. Celle-ci avait d’ailleurs proposé à la troisième chambre de recours de l’EUIPO de fournir des échantillons de produits représentés dans des pièces jointes, différentes de celles déjà produites, si la chambre devait organiser une audience. À cet égard, celle-ci a estimé qu’une procédure orale n’était pas utile,
jugeant qu’elle disposait de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision ( 46 ) ;

– soit se référer à la reproduction du dessin ou modèle représentant l’intégralité du dispositif d’évacuation de liquides proposé par l’entreprise Blücher fournie par ESS, le cas échéant, en rouvrant les débats de façon à garantir le respect des droits de la défense des parties à la procédure d’annulation et l’équité procédurale.

169. Nous ne pensons pas que ces initiatives outrepassaient les compétences qui lui sont dévolues dans le cadre de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

170. Bien au contraire, dans le cadre de la procédure en cause, la troisième chambre de recours de l’EUIPO n’a pas hésité à faire usage du pouvoir de décision qui lui est conféré par l’article 63, paragraphe 2, de ce règlement en examinant tous les faits, preuves et arguments supplémentaires fournis par les deux parties, même ceux déposés tardivement, et ce afin de compléter les faits et preuves déjà produits par celles-ci lors de la procédure de nullité ( 47 ).

171. En outre, ces mesures s’inscrivaient parfaitement dans le cadre des mesures d’instruction visées à l’article 65, paragraphe 1, dudit règlement.

172. À cet égard, il faut noter que la jurisprudence interprète les règles de compétence de l’EUIPO d’une manière très dynamique. Nous nous référons notamment à l’interprétation retenue par le Tribunal des articles 74 et 76 du règlement no 40/94. Ces deux dispositions, qui réglementent les compétences de l’EUIPO dans le cadre d’une demande d’opposition à une marque de l’Union sont rédigées en des termes identiques à celles réglementant les compétences de l’EUIPO dans le cadre d’une demande en
nullité d’un dessin ou modèle communautaire.

173. Ainsi, dans l’arrêt du 20 avril 2005, Atomic Austria/OHMI – Fabricas Agrupadas de Muñecas de Onil (ATOMIC BLITZ) ( 48 ), relatif à une procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire, le Tribunal a jugé que l’EUIPO ne saurait se dispenser d’une appréciation complète des faits et pièces présentés en faisant valoir qu’il appartient à l’opposante de lui fournir, de sa propre initiative, des informations détaillées et des preuves à l’appui de son opposition ( 49 ). La
limitation de base factuelle de l’examen opéré par l’EUIPO et le principe dispositif, selon lequel les parties ont l’initiative du procès et en déterminent le contenu, n’excluaient donc pas qu’il prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par Group Nivelles, toutes les indications fournies par les parties.

174. Au regard de ces éléments, si nous regrettons que la troisième chambre de recours de l’EUIPO n’ait pas adopté les mesures d’instruction qui s’imposaient en vue de disposer d’une reproduction du dispositif intégral d’évacuation de liquides proposé par l’entreprise Blücher, il n’en reste pas moins que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué, il ne lui appartenait pas de pallier cette irrégularité en reconstituant, aux fins de son appréciation, le dessin ou modèle
antérieur sur la base des différents extraits des catalogues Blücher joints à la demande en nullité.

175. Au vu de ces considérations, nous estimons que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué en exigeant de l’EUIPO qu’il reconstitue, aux fins de son appréciation, le dessin ou modèle antérieur sur la base des différents extraits des catalogues Blücher joints à la demande en nullité et en relativisant, dans le cadre de cette appréciation, l’importance de disposer de l’image du dessin ou modèle antérieur revendiqué.

176. Compte tenu de cette conclusion, il n’y a pas lieu à notre sens d’examiner le grief tiré de la dénaturation des faits soulevé par l’EUIPO au soutien de son deuxième moyen.

177. Pour autant, si le raisonnement du Tribunal est entaché d’une violation du droit de l’Union, nous ne pensons pas que ce constat soit de nature à entraîner l’annulation en totalité de l’arrêt attaqué.

178. En effet, la conclusion que le Tribunal tire quant à la légalité de la décision litigieuse est valablement fondée sur d’autres motifs, développés à titre principal et de manière autonome aux points 60 à 70 de l’arrêt attaqué ( 50 ).

179. Ce sont ces motifs, qui ne sont d’ailleurs pas contestés par les parties, qui fondent le dispositif de l’arrêt attaqué.

180. Ainsi, le Tribunal a jugé, à bon droit, aux points 60 et 61 de cet arrêt, que la troisième chambre de recours de l’EUIPO avait effectivement commis une erreur dans le cadre de son appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté en comparant toutes les caractéristiques visibles de ce dernier avec un seul élément du dessin ou modèle antérieur, ne tirant donc pas, dans la décision litigieuse, les conséquences correctes de l’erreur qu’elle avait constatée dans le chef de la division
d’annulation.

181. À cet égard, il est parfaitement exact, ainsi que l’a jugé le Tribunal au point 62 dudit arrêt, que « l’appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté nécessitait une comparaison entre les caractéristiques visibles, après installation, de ce dernier et les caractéristiques visibles, après installation, du dessin ou modèle antérieur, dont faisait partie la plaque de recouvrement susmentionnée ».

182. C’est également à bon droit que le Tribunal a jugé au point 62 de l’arrêt attaqué que « l’examen des éléments produits par les parties devant l’[EUIPO] ne pouvait que conduire à la conclusion que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration [jointe à la demande en nullité] était seulement une partie d’un dispositif d’évacuation de liquides» ( 51 ). L’analyse à laquelle le Tribunal a procédé aux points 63 à 69 de cet arrêt des pièces communiquées par les parties aux instances
de l’EUIPO est convaincante et nous partageons pleinement son point de vue selon lequel, au vu de ces pièces, l’EUIPO ne pouvait que constater que le demandeur en nullité ne reproduisait dans sa demande en nullité qu’une partie du dispositif d’évacuation de liquides sous examen.

183. Ces motifs permettent, à eux seuls, de soutenir la conclusion du Tribunal selon laquelle la troisième chambre de recours de l’EUIPO a effectivement commis une erreur dans le cadre de son appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, justifiant l’annulation de la décision litigieuse.

184. Ainsi que cela ressort très clairement des points 71 et 86 dudit arrêt, ces motifs sont indépendants des considérations que le Tribunal a adoptées aux points 72 à 85 de l’arrêt attaqué pour répondre aux arguments de l’EUIPO et d’ESS et, en particulier, du raisonnement que celui-ci a tenu aux points 77 à 79 dudit arrêt ( 52 ).

185. Dans ces conditions, quand bien même l’examen des deux moyens soulevés par l’EUIPO a révélé l’existence d’une erreur de droit dans le chef du Tribunal, ce constat n’est pas, à notre avis, de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

B – Sur le troisième moyen, tiré de la violation des articles 6 et 7 du règlement no 6/2002, lus en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement

186. Comme nous l’avons annoncé au point 88 des présentes conclusions, dans la mesure où le troisième moyen est dirigé contre des motifs que nous proposons d’annuler en raison de la violation par le Tribunal des limites de son contrôle juridictionnel, il n’est pas nécessaire d’examiner ce moyen.

187. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous rappelons qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté ( 53 ).

188. Nous proposons par conséquent à la Cour de rejeter le pourvoi introduit par l’EUIPO et de condamner ce dernier aux dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

IX – Sur le pourvoi introduit par ESS dans l’affaire C–361/15 P

189. À l’appui de son pourvoi, ESS soulève deux moyens.

190. Par le premier moyen, ESS critique l’analyse à laquelle le Tribunal a procédé s’agissant de la pertinence, aux fins de l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, de l’usage auquel est destiné le produit dans lequel s’incorpore le dessin ou modèle antérieur. Ce premier moyen se compose de trois branches, par lesquelles ESS conteste les considérations adoptées par le Tribunal aux points 115 à 123 et 133 de l’arrêt attaqué, sous l’angle des articles 5
et 6 ainsi que de l’article 7, paragraphe 1, et des articles 10 et 19 ainsi que de l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002.

191. Le second moyen est, quant à lui, tiré de la violation de l’article 61 de ce règlement, ESS soutenant que le Tribunal a outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel au point 137 de l’arrêt attaqué.

A – Sur le premier moyen, tiré de la violation par le Tribunal des articles 5 et 6 ainsi que de l’article 7, paragraphe 1, et des articles 10 et 19 ainsi que de l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002

192. Ce premier moyen tend à remettre en cause une appréciation du Tribunal que nous estimons en dehors des limites de son contrôle de légalité.

193. Pour les raisons que nous avons exposées aux points 64 à 82 des présentes conclusions, il n’y a donc pas lieu d’examiner ce moyen.

B – Sur le second moyen, tiré de la méconnaissance par le Tribunal des limites de son contrôle de légalité

1. Argumentation des parties

194. Par le second moyen, ESS considère que le Tribunal a outrepassé les limites du contrôle de légalité qu’il peut exercer aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002 en affirmant à la dernière phrase du point 137 de l’arrêt attaqué, que, « contrairement à ce que semble présumer l’intervenante, [le fait que les plaques de recouvrement conviennent à un usage industriel] ne signifie pas qu’[elles] ne puissent pas être utilisé[e]s également dans d’autres endroits, notamment dans une douche, où
[elles] doivent normalement supporter des charges moins importantes ».

195. En effet, selon ESS, la troisième chambre de recours de l’EUIPO ne se serait prononcée ni sur les classes de charge figurant dans les catalogues Blücher (ou leur signification) ni sur la pertinence de ces dernières pour l’appréciation de la nouveauté ou du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. ESS ajoute que la dernière phrase du point 137 de l’arrêt attaqué était inutile pour parvenir à sa conclusion.

196. Group Nivelles et l’EUIPO considèrent que le second moyen doit être déclaré non fondé du fait que le Tribunal ne s’est pas substitué à l’appréciation de la troisième chambre de recours de l’EUIPO.

2. Examen

197. Nous proposons à la Cour de rejeter d’emblée ce moyen comme étant inopérant.

198. À titre liminaire, il faut rappeler que au point 138 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que la troisième chambre de recours de l’EUIPO a qualifié à tort la plaque de recouvrement figurant au centre de l’illustration jointe à la demande en nullité de « siphon de douche » dans la mesure où « rien dans le dossier » n’indiquait que cette plaque était destinée, exclusivement ou principalement, à une utilisation comme élément d’un siphon de douche.

199. Ainsi que cela ressort clairement des termes employés au point 138 de l’arrêt attaqué, cette conclusion repose sur une appréciation des pièces transmises aux instances de l’EUIPO, qui figure aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué. La dernière phrase du point 137 de cet arrêt se distingue néanmoins, comme le montre l’emploi de l’adverbe « toutefois », dans la mesure où le Tribunal n’examine nullement le contenu des catalogues Blücher, mais procède à une appréciation superfétatoire.

200. Cette appréciation ne fonde en aucun cas la conclusion que le Tribunal tire au point 138 de l’arrêt attaqué, ce qui ressort d’ailleurs expressément de l’expression « il n’en reste pas moins que » employée à ce point, ce qu’admet d’ailleurs expressément ESS lorsqu’elle souligne que cette appréciation était « inutile» ( 54 ).

201. Ce second moyen, tiré de la méconnaissance par le Tribunal des limites de son contrôle de légalité, doit donc être rejeté.

202. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous proposons par conséquent à la Cour de rejeter le pourvoi introduit par ESS et de condamner cette dernière aux dépens en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

X – Conclusions

203. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer de la manière suivante :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 mai 2015, Group Nivelles/OHMI – Easy Sanitairy Solutions (Caniveau d’évacuation de douche) (T‑15/13, EU:T:2015:281), est annulé en partie, en tant que le Tribunal, aux points 112 à 133 de cet arrêt, a apprécié si l’identification du produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle antérieur, invoqué à l’appui de la demande en nullité, est un facteur pertinent aux fins de l’appréciation du caractère nouveau ou individuel du dessin ou modèle
contesté, statuant ainsi au-delà des limites du contrôle de légalité des décisions des chambres de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), prévu à l’article 61, paragraphe 2, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires.

2) Les pourvois sont rejetés.

3) Dans l’affaire C–361/15 P, Easy Sanitary Solutions BV est condamnée aux dépens.

4) Dans l’affaire C-405/15 P, l’EUIPO est condamnée aux dépens, le Royaume-Uni, partie intervenante dans cette affaire, supportant ses propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2002, L 3, p. 1. Ce règlement a été modifié par le règlement (CE) no 1891/2006 du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO 2006, L 386, p. 14).

( 3 ) I‑Drain a depuis été absorbée par Group Nivelles.

( 4 ) Ci-après « ESS ».

( 5 ) T‑15/13, EU:T:2015:281, ci-après l’« arrêt attaqué ».

( 6 ) Affaire R 2004/2010-3, relative à une procédure de nullité entre I‑Drain et ESS.

( 7 ) JO 2002, L 341, p. 28, ci-après le « règlement d’exécution ».

( 8 ) Ci-après les « catalogues Blücher ».

( 9 ) Point 31 de la décision litigieuse.

( 10 ) Point 32 de la décision litigieuse.

( 11 ) ESS soutient la thèse selon laquelle le dessin ou modèle antérieur invoqué par Group Nivelles, dont celui figurant dans les catalogues Blücher, ne saurait remettre en cause la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, dès lors qu’il visait des produits différents, à savoir des caniveaux d’évacuation de liquides, destinés à un usage industriel.

( 12 ) L’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué doit, selon la jurisprudence, être relevée d’office par le juge communautaire. Voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 1960, Allemagne/Haute Autorité (19/58, EU:C:1960:19, p. 488), du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil (108/81, EU:C:1982:322, point 28), du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission (C‑210/98 P, EU:C:2000:397, points 56 et 57), du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T‑79/89, T‑84/89 à T‑86/89, T‑89/89, T‑91/89, T‑92/89, T‑94/89, T‑96/89,
T‑98/89, T‑102/89 et T‑104/89, EU:T:1992:26, point 31), du 24 septembre 1996, Marx Esser et del Amo Martinez/Parlement (T‑182/94, EU:T:1996:130, point 44), du 28 janvier 2003, Laboratoires Servier/Commission (T‑147/00, EU:T:2003:17, point 45), et du 21 septembre 2005, Kadi/Conseil et Commission (T‑315/01, EU:T:2005:332, point 61).

( 13 ) Arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission (C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56 et jurisprudence citée), ainsi que ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172, point 41 et jurisprudence citée).

( 14 ) Voir, par analogie, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI (C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 71).

( 15 ) Arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI (C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

( 16 ) Voir points 104 à 111 de l’arrêt attaqué.

( 17 ) Voir points 93 à 96 et 101 de l’arrêt attaqué.

( 18 ) Voir points 93 et 96 de l’arrêt attaqué.

( 19 ) Le Tribunal a d’ailleurs adopté cette attitude lors de l’examen des conclusions en réformation de Group Nivelles (point 91 de l’arrêt attaqué).

( 20 ) La décision de la division d’annulation a fait l’objet d’un premier recours devant la troisième chambre de recours de l’EUIPO, la décision rendue par celle-ci a été contestée devant le Tribunal dont l’arrêt fait aujourd’hui l’objet d’un pourvoi.

( 21 ) Dans sa jurisprudence, la Cour a limité la portée du contrôle juridictionnel du Tribunal sur les décisions de la chambre de recours de l’EUIPO en matière de modèles ou dessins industriels, à un examen des erreurs manifestes d’appréciation lorsque celle-ci est appelée à procéder à des évaluations hautement techniques, justifiant qu’il lui soit reconnu une marge d’appréciation [arrêt du 18 octobre 2012, Neuman et Galdeano del Sel/Baena Grup (C‑101/11 P et C‑102/11 P, EU:C:2012:641, points 41
et 42 ainsi que jurisprudence citée)].

( 22 ) Ainsi qu’il ressort des points 68 et 76 de l’arrêt attaqué, non contestés par l’EUIPO, une image complète de ce dispositif a été produite par ESS dans le cadre de ses observations déposées devant la division d’annulation. C’est uniquement en annexe de sa requête introductive d’instance que Group Nivelles a communiqué au Tribunal cette image, celui-ci ayant à juste titre jugé cette pièce irrecevable (voir points 21 à 24 de l’arrêt attaqué).

( 23 ) C‑345/13, EU:C:2014:2013.

( 24 ) C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 26.

( 25 ) C‑345/13, EU:C:2014:2013. Voir, notamment, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission (C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 94 et jurisprudence citée).

( 26 ) Voir Directives relatives à l’examen sur les dessins ou modèles communautaires enregistrés – Examen des demandes en nullité de dessins ou modèles, de l’EUIPO, du 23 mars 2016, point 5.5.1.6, p. 34, cinquième paragraphe, disponibles sur le site Internet de l’EUIPO à l’adresse suivante : https://euipo.europa.eu/tunnel-web/secure/webdav/guest/document_library/contentPdfs/law_and_practice/designs_practice_manual/WP_2_2016/examination_of_design_invalidity_applications_fr.pdf, ci-après les
« directives de l’EUIPO ».

( 27 ) Ainsi, dans sa décision du 4 octobre 2006, relative à une demande en nullité d’un dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 000320809-0001 et représentant un radiateur, la division d’annulation a refusé de tenir compte de divers dessins ou modèles de radiateurs représentés dans un catalogue, le demandeur ne précisant pas, parmi les nombreux dessins ou modèles représentés, lequel devait être considéré comme étant le dessin ou modèle antérieur (point 10).

( 28 ) Conformément à cette disposition, la demande doit être motivée.

( 29 ) Voir, à cet égard, arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon) (T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 21 à 25). Le Tribunal a confirmé cette approche dans des arrêts récents, à savoir, arrêts du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant) (T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 24), du 15 octobre 2015, Promarc Technics/OHMI – PIS (Pièce de porte) (T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 31), et du 14 juillet 2016, Thun 1794/EUIPO – Adekor (Symboles
graphiques décoratifs) (T‑420/15, non publié, EU:T:2016:410, points 26 et 27). Les directives de l’EUIPO reprennent cette jurisprudence au point 5.5.1.6, p. 34, deuxième paragraphe.

( 30 ) Voir formulaire intitulé « Demande en nullité d’un dessin ou modèle communautaire enregistré », disponible sur le site Internet de l’EUIPO à l’adresse suivante : https://euipo.europa.eu/tunnel-web/secure/webdav/guest/document_library/contentPdfs/forms_filings/all_downloadable_forms/invalidity_rcd_fr.pdf ainsi que notes explicatives sur ce formulaire, en particulier les points 2.6 et 3, p. 4 et 5.

( 31 ) Voir directives de l’EUIPO, point 3.9.2, p. 12, premier et deuxième paragraphes.

( 32 ) Le Tribunal a tiré une conclusion identique dans le cadre du droit des marques dans l’arrêt du 20 avril 2005, Atomic Austria/OHMI – Fabricas Agrupadas de Muñecas de Onil (ATOMIC BLITZ) (T‑318/03, EU:T:2005:136, point 39), s’agissant de l’interprétation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement (CE) no 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) et de la règle 16, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995,
portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) dont le contenu normatif correspond en substance à celui de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution.

( 33 ) Point 79 de l’arrêt attaqué.

( 34 ) Italique ajouté par nos soins.

( 35 ) Voir Greffe, F., et Greffe, P., Traité des dessins et modèles, 9ème édition, LexisNexis, Paris, 2014, points 87 et 88, p. 40.

( 36 ) Voir Raynard, J., Py, E., et Tréfigny, P., Droit de la propriété industrielle, 5ème édition, LexisNexis, Paris, 2016, point 525, p. 304.

( 37 ) C‑345/13, EU:C:2014:2013. Audit point, la Cour a jugé que « l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle [au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002] doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement ».

( 38 ) Arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions (C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 26).

( 39 ) Voir Passa, J., Droit de la propriété industrielle, Tome 1 : Marques et autres signes distinctifs, dessins et modèles, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 2006, point 752, p. 710.

( 40 ) T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 21 à 25.

( 41 ) Voir point 24 de cet arrêt ainsi que point 5.5.1.6, p. 34, troisième paragraphe, des directives de l’EUIPO. Voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita) (T‑303/03, EU:T:2005:200, point 38 et jurisprudence citée).

( 42 ) Voir directives de l’EUIPO, point 5.5.6.1, p. 34, sixième paragraphe. À ce sujet, il est intéressant de se référer à la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 10 mars 2008, dans l’affaire R 586/2007-3, « Barbecues », et, en particulier, aux points suivants :

« 23. La deuxième objection porte sur la qualité de l’image d’un barbecue Cinders figurant (de manière identique) dans les deux magazines et dans les brochures promotionnelles de Cinders Barbecues [...].

24. Cette image représente un barbecue dont la plaque de cuisson est entièrement couverte de viande. La division d’annulation était cependant en mesure de distinguer “quatre grilles séparées”. L’image est devenue floue en raison de l’agrandissement excessif, de sorte que la configuration exacte du barbecue n’est pas aisément visible, mais la division d’annulation a observé : “des plaques d’extrémité de forme caractéristique” (sans apporter de précisions supplémentaires). La chambre de recours n’est
pas convaincue que l’image – qui est le seul élément de preuve pertinent de la divulgation – étaye ces constatations, et encore moins permette une comparaison fiable avec le dessin ou modèle contesté aux fins de l’appréciation de l’impression globale qu’ils produisent sur l’utilisateur averti.

[...]

26. Il s’ensuit que cette image, qui ne représente pas correctement le dessin ou modèle antérieur, rendant ainsi impossible toute comparaison avec le dessin ou modèle contesté, ne constitue pas une divulgation aux fins de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 » (italique ajouté par nos soins).

( 43 ) La description jointe à la demande de brevet contient notamment un exposé de l’invention telle que caractérisée dans les revendications, une description d’éventuels dessins, un exposé détaillé d’au moins un mode de réalisation de l’invention assorti d’exemples, l’indication de la manière dont l’invention est susceptible d’application industrielle.

( 44 ) Italique ajouté par nos soins.

( 45 ) À l’image, en droit des marques, de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 40/94.

( 46 ) Points 18 à 24 de la décision litigieuse.

( 47 ) Voir points 20 à 24 de la décision litigieuse.

( 48 ) T‑318/03, EU:T:2005:136.

( 49 ) Voir point 38 de cet arrêt.

( 50 ) Voir, par analogie, arrêt du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes (C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 38).

( 51 ) Italique ajouté par nos soins.

( 52 ) Voir, sur ce point, point 45 des présentes conclusions.

( 53 ) Voir, notamment, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission (C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 94 et jurisprudence citée).

( 54 ) Voir point 57 du pourvoi.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-361/15
Date de la décision : 01/02/2017
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Propriété intellectuelle – Dessins ou modèles communautaires – Règlement (CE) no 6/2002 – Article 5 – Nouveauté – Article 6 – Caractère individuel – Article 7 – Divulgation au public – Article 63 – Compétences de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans le cadre de l’administration de la preuve – Charge de la preuve incombant au demandeur en nullité – Exigences liées à la reproduction du dessin ou modèle antérieur – Dessin représentant un caniveau d’évacuation de douche – Rejet de la demande en nullité par la chambre de recours.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Dessins et modèles


Parties
Demandeurs : Easy Sanitary Solutions BV et Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)
Défendeurs : Group Nivelles NV.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:80

Source

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