ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
26 avril 2017 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Tarif douanier commun — Positions tarifaires — Classement des marchandises — Vis d’implants destinées à être introduites dans le corps humain pour le traitement de fractures ou la pose de prothèses — Nomenclature combinée — Position 9021 — Règlement d’exécution (UE) no 1212/2014 — Validité»
Dans l’affaire C‑51/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank Noord-Holland (tribunal de la province de Hollande-Septentrionale, Pays‑Bas), par décision du 25 janvier 2016, parvenue à la Cour le 28 janvier 2016, dans la procédure
Stryker EMEA Supply Chain Services BV
contre
Inspecteur van de Belastingdienst/Douane kantoor Rotterdam Rijnmond,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. M. Safjan et D. Šváby (rapporteur), juges,
avocat général : M. P. Mengozzi,
greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2017,
considérant les observations présentées :
— pour Stryker EMEA Supply Chain Services BV, par Me H. de Bie, advocaat,
— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M.K. Bulterman et M. A. M. de Ree, en qualité d’agents,
— pour la Commission européenne, par MM. A. Caeiros et S. Noë, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la position 9021 de la nomenclature combinée (ci-après la « NC ») figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 1101/2014 de la Commission, du 16 octobre 2014 (JO 2014, L 312, p. 1, ci-après le « règlement no 2658/87 »), ainsi que sur la
validité du règlement d’exécution (UE) no 1212/2014 de la Commission, du 11 novembre 2014, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2014, L 329, p. 3).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Stryker EMEA Supply Chain Services BV (ci-après « Stryker ») à l’Inspecteur van de Belastingdienst/Douane kantoor Rotterdam Rijnmond (inspecteur du service des impôts/Douane, bureau de Rotterdam Rijnmond, ci-après les « autorités douanières ») au sujet du classement tarifaire de trois modèles de vis d’implants médicaux.
Le cadre juridique
Le classement des marchandises
3 La NC a été instaurée par le règlement no 2658/87. Elle est fondée sur la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH »), conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1). La NC reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH. Seuls
les septième et huitième chiffres forment des subdivisions qui lui sont propres.
4 Le règlement no 2658/87 habilite la Commission européenne à clarifier le contenu d’une position tarifaire. L’annexe I du règlement no 2658/87 est mise à jour par la Commission une fois par an. Par le règlement d’exécution no 1101/2014, la Commission a adopté une version complète de la NC, applicable à partir du 1er janvier 2015.
5 À cet égard, la NC contient dans sa première partie, titre I, section A, un ensemble de règles générales pour l’interprétation de cette nomenclature. Cette section dispose :
« Le classement des marchandises dans la nomenclature combinée est effectué conformément aux principes ci-après.
1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres [...].
[...]
6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions [...]. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »
6 La deuxième partie de la NC, intitulée « Tableau des droits » comprend une section XV, intitulée « Métaux communs et ouvrages en ces métaux ». Les notes 2 et 3 de cette section sont libellées comme suit :
« 2. Dans la [NC], on entend par “parties et fournitures d’emploi général” :
a) les articles des nos 7307, 7312, 7315, 7317 ou 7318, ainsi que les articles similaires en autres métaux communs ;
[...]
3. Dans la [NC], on entend par “métaux communs” : [...] l’acier, [...] le titane, [...] »
7 La section XV de la NC contient un chapitre 73, intitulé « Ouvrages en fonte, fer ou acier ». Ce chapitre inclut notamment la position 7318, qui se lit comme suit :
« Vis, boulons, écrous, tire-fond, crochets à pas de vis, rivets, goupilles, chevilles, clavettes, rondelles (y compris les rondelles destinées à faire ressort) et articles similaires, en fonte, fer ou acier. »
8 Le SH comporte une note explicative relative à la position 7318, qui apporte la précision suivante :
« Tous ces articles sont normalement filetés à l’état terminé, à l’exception de certains boulons qui peuvent être fixés parfois au moyen d’une goupille, par exemple. Ils permettent d’assembler entre elles deux ou plusieurs pièces, de telle façon qu’il soit possible de les dissocier ultérieurement sans détérioration.
Les [...] vis à métaux sont de forme cylindrique et leur filetage est très serré et peu incliné ; [elles] sont soit à tête non fendue (à pans) ? leur fixation s’opère alors à l’aide d’une clef ?, soit à tête fendue ou comportant une empreinte.
Les [...] vis à métaux de tout genre sont [comprises] ici, quels que soient leur forme et leur usage, y compris [celles] de forme spéciale, tels que les boulons en U (boulons à brides), les boulons sans tête consistant en tiges cylindriques filetées à une extrémité ou sur toute la longueur, les goujons prisonniers, constitués par une tige courte filetée aux deux extrémités.
[...]
Les vis à bois se différencient [...] des vis à métaux par leur forme tronconique et par le fait qu’elles sont munies d’un filet tranchant qui doit, en tournant, frayer son passage dans la matière. De plus, les vis à bois sont munies, dans la plupart des cas, d’une tête fendue ou comportant une empreinte et sont toujours employées sans écrou.
[...] »
9 La section XV de la NC comprend également un chapitre 81, intitulé « Autres métaux communs, cermets, ouvrages en ces matières ». Incluse dans ce chapitre, la position 8108 est libellée comme suit :
« Titane et ouvrages en titane, y compris les déchets et débris
[...]
8108 90 – autres
[...]
8108 90 90 – – autres »
10 La deuxième partie de la NC comprend une section XVIII, intitulée « Instruments et appareils d’optique, de photographie ou de cinématographie, de mesure, de contrôle ou de précision ; instruments et appareils médico-chirurgicaux ; horlogerie ; instruments de musique ; parties et accessoires de ces instruments ou appareils ».
11 La section XVIII de la NC contient un chapitre 90, intitulé « Instruments et appareils d’optique, de photographie ou de cinématographie, de mesure, de contrôle ou de précision ; instruments et appareils médico-chirurgicaux ; parties et accessoires de ces instruments ou appareils ».
12 La note 1 de ce chapitre 90 dispose :
« 1. Le présent chapitre ne comprend pas :
[...]
f) les parties et fournitures d’emploi général, au sens de la note 2 de la section XV, en métaux communs (section XV) et les articles similaires en matières plastiques (chapitre 39) ;
[...] »
13 La note explicative du SH relative au chapitre 90 apporte les précisions suivantes :
« Le présent Chapitre englobe un ensemble d’instruments et d’appareils très divers, mais qui, en règle générale, se caractérisent essentiellement par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ce qui vaut à la plupart d’entre eux d’être utilisés notamment [...] à des fins médicales.
[...] »
14 La position 9021 est structurée comme suit :
« 9021 10 – articles et appareils d’orthopédie ou pour fractures.
[...]
9021 10 90 – – articles et appareils pour fractures
[...]
9021 90 – autres :
[...]
9021 90 90 – – autres »
15 La note explicative du SH relative à la position 9021 précise :
« Les articles et appareils pour fractures servent à immobiliser les parties du corps atteintes (aux fins d’extension ou de protection), ou à réduire les fractures. [...]
Parmi ces articles et appareils, certains peuvent être fixés sur le patient lui‑même (c’est le cas notamment des gouttières en fils métalliques, en zinc, en bois, etc., pour immobiliser les membres, des attelles en bandes plâtrées pour le coude par exemple, des appareils pour la cage thoracique, etc.) ou être adaptés à un lit, à une table ou à un autre support (cerceaux de protection, appareils pour fractures dits d’extension à montants tubulaires destinés à remplacer les gouttières ou attelles,
etc.).
Sous réserve des dispositions de la note 1[, sous] f), du présent chapitre, relèvent également de la présente position les plaques, broches, etc., introduites dans le corps par les chirurgiens pour tenir juxtaposées les deux parties d’un os cassé ou pour le traitement similaire des fractures. »
16 La note explicative de la NC relative à la sous‑position 9021 39 90 précise :
« Relèvent par exemple de la présente sous-position :
1. les plaques qui restent à demeure dans l’organisme (par exemple pour remplacer une partie d’os ou un os entier) ;
[...] »
Le règlement d’exécution no 1212/2014
17 Le règlement d’exécution no 1212/2014 procède au classement d’une vis d’implant médical, conformément aux données figurant à son annexe.
18 Cette vis y est ainsi décrite :
« [U]n produit résistant, de forme cylindrique, fileté, en alliage de titane extra dur de finition colorée, d’une longueur d’environ 12 mm.
Le produit comporte une tige d’un diamètre extérieur constant de 3 mm et une tête. La tige est entièrement filetée avec un filetage asymétrique. La tête est filetée (lui permettant de s’insérer dans une plaque de compression intégrée dans des systèmes de fixation) et dotée d’une empreinte en creux.
Le produit correspond à la norme ISO/TC 150 pour les vis d’implants et est destiné à être utilisé dans le domaine de la traumatologie pour réduire les fractures. Il doit être installé dans le corps au moyen d’instruments spécifiques.
Lors de l’importation, l’article est présenté dans un emballage stérilisé. Le produit est numéroté et sa traçabilité est donc assurée tout au long de la production et de la distribution. »
19 Conformément à la motivation figurant à l’annexe dudit règlement, le classement est déterminé par les règles générales pour l’interprétation de la NC 1 et 6, par la note 2, sous a), de la section XV, par la note 3 de la section XV, par la note 1, sous f), du chapitre 90 ainsi que par le libellé des positions et des sous-positions nos 8108, 8108 90 et 8108 90 90 de la NC.
20 Cette motivation se poursuit comme suit :
« En raison de ses caractéristiques objectives, le produit correspond parfaitement à une vis en métaux communs, même s’il est destiné à être utilisé en traumatologie. Indépendamment de leur utilisation effective, les vis en métaux communs sont, conformément à la note 2[, sous] a), de la section XV, des parties et fournitures d’emploi général. Le classement dans la position 9021 en tant qu’articles et appareils pour fractures est donc exclu en vertu de la note 1[, sous] f), du chapitre 90.
Il convient donc de classer le produit sous le code NC 8108 90 90 en tant qu’autre ouvrage en titane. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
21 Le litige au principal porte sur le retrait de trois renseignements tarifaires contraignants délivrés à Stryker par les autorités douanières, pour trois modèles de vis d’implants destinées à être introduites dans le corps humain pour le traitement de fractures ou la pose de prothèses. Il ressort de la décision de renvoi que ces vis présentent les caractéristiques communes suivantes :
— un diamètre de, respectivement, 6,5 mm, 6,5 mm et 4 mm ;
— une longueur de, respectivement, 25 mm, 50 mm et 16 mm ;
— un filetage développé spécialement ;
— une tête de vis dotée d’une empreinte à six pans creux ;
— un emballage, à l’unité, dans une petite boîte, avec une notice d’utilisation ;
— un état stérilisé ou non.
22 Il ressort également de la décision de renvoi que lesdites vis disposent de caractéristiques spécifiques. En effet, l’une d’elles est composée d’alliage de titane tandis que les deux autres sont composées d’acier inoxydable. En outre, les vis en acier inoxydable sont à usage unique. Enfin, la vis en alliage de titane est utilisée pour la fixation d’une articulation artificielle, tandis que les vis en acier inoxydable sont utilisées pour la fixation et la stabilisation temporaire d’os.
23 Eu égard à ces caractéristiques, sur la base des renseignements tarifaires contraignants délivrés par les autorités douanières, celles-ci avaient classé ces trois types de vis d’implants médicaux dans la position 9021 90 90 de la NC.
24 À la suite de la publication du règlement d’exécution no 1212/2014, lesdites autorités ont retiré ces renseignements tarifaires par décision du 6 janvier 2015. Ce retrait a été justifié, au motif que, au sens de ce règlement, une « vis destinée à être utilisée en chirurgie doit être classée, en raison de ses propriétés et caractéristiques objectives, en tant que partie et fourniture d’emploi général ».
25 Après une réclamation infructueuse déposée auprès des autorités douanières, Stryker a introduit un recours contre cette décision de retrait devant la juridiction de renvoi.
26 À l’appui de son recours, Stryker estime, en substance, que, compte tenu des caractéristiques et des propriétés objectives des vis d’implants, parmi lesquelles leur destination inhérente, il ne s’agit pas de vis « ordinaires » telles que visées à la position 7318 de la NC. En outre, Stryker soutient que le règlement d’exécution no 1212/2014 n’est pas valide, car le classement opéré par celui-ci a été effectué exclusivement au regard des caractéristiques extérieures des vis d’implants médicaux
concernées, sans tenir compte de la destination inhérente à ces vis, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour.
27 Les autorités douanières soutiennent que les vis en cause au principal présentent de grandes similitudes avec la vis décrite dans ledit règlement et, partant, doivent être qualifiées de « parties et fournitures d’emploi général ».
28 La juridiction de renvoi considère que, en premier lieu, en raison de leurs propriétés et de leurs caractéristiques objectives, en ce compris leur destination inhérente, les vis d’implants en cause au principal sont susceptibles d’un classement dans la position 9021 de la NC.
29 Un tel classement résulterait, d’une part, des caractéristiques et des propriétés objectives des vis d’implants médicaux en cause au principal. La juridiction de renvoi relève, à cet égard, que ces vis sont conçues, produites et vendues en tant qu’articles orthopédiques pour le traitement de fractures osseuses ou la fixation de prothèses, qu’elles sont fournies avec une notice établie pour le chirurgien, qu’elles ne peuvent être installées dans le corps qu’au moyen d’instruments médicaux
spécifiques, que le matériau employé (acier ou alliage de titane) est spécialement conçu afin de minimiser les risques de rejet, que le filetage de telles vis est plus profond que pour des vis « ordinaires », que la tête de vis est conçue de manière à réduire les risques d’inflammation, qu’elles répondent à des normes de l’Organisation internationale de normalisation garantissant la qualité des produits médicaux et, enfin, qu’elles sont traçables en cas de rappel.
30 Il ressort également de la décision de renvoi que les vis en cause au principal se présentent emballées à l’unité dans une petite boîte et qu’elles peuvent être présentées à l’état stérilisé.
31 D’autre part, la juridiction de renvoi indique que les vis d’implants en cause au principal sont exclusivement destinées à être installées dans le corps humain pour le traitement de fractures osseuses ou la fixation de prothèses.
32 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi observe que les vis en cause au principal correspondent à la vis décrite dans l’annexe du règlement d’exécution no 1212/2014, lequel exclut un classement dans la position 9021 de la NC. La juridiction de renvoi déduit de ce règlement que, s’agissant d’un produit relevant des « parties et fournitures d’emploi général » au sens de la note 2 de la section XV de la NC, la destination d’un produit ne peut pas être prise en considération aux fins du classement
tarifaire de celui-ci.
33 En troisième lieu, la juridiction de renvoi souligne l’importance accordée par la Commission, qui a adopté le règlement d’exécution no 1212/2014, à l’aspect extérieur de la vis d’implant pour le classement de celle-ci. Cette juridiction reconnaît que, à première vue, une telle vis d’implant ressemble à une vis « ordinaire ». Elle observe, néanmoins, qu’un examen plus approfondi révèle un caractère propre qui distinguerait de telles vis d’implants de vis ordinaires. Elle relève, à cet égard, que
le filetage des vis d’implants est plus profond que celui d’une vis ordinaire et que l’empreinte dans la tête de vis n’est pas destinée à un instrument universel, mais est adaptée à des instruments médicaux spécifiques.
34 Dans ces conditions, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la Commission n’a pas excédé les limites de ses compétences en limitant le champ d’application de la position 9021 de la NC à la motivation figurant à l’annexe du règlement d’exécution no 1212/2014.
35 Dans ce contexte, le Rechtbank Noord-Holland (tribunal de la province de Hollande-Septentrionale, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La position 9021 de la NC doit-elle être interprétée en ce sens que les vis d’implants telles que [celles en cause au principal], qui sont exclusivement destinées à être installées dans le corps humain pour le traitement de fractures osseuses ou la fixation de prothèses, peuvent être classées dans cette position ?
2) Le règlement d’exécution no 1212/2014 [...] est-il valide ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
36 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la NC doit être interprétée en ce sens que relèvent de la position 9021 de la NC des vis d’implant médical, telles que celles en cause au principal, qui sont exclusivement destinées à être installées dans le corps humain pour le traitement de fractures osseuses ou la fixation de prothèses.
37 Stryker soutient que, en toute hypothèse, les trois modèles de vis en cause au principal, indépendamment de leur composition physique en acier ou en titane, relèvent de la position 9021 de la NC. Ce classement serait justifié, en substance, d’une part en raison de la destination inhérente à ces vis et, d’autre part, en raison des caractéristiques objectives propres auxdites vis, caractéristiques que la Commission aurait erronément omis de considérer comme pertinentes.
38 En revanche, selon la Commission, le critère déterminant consiste en une analyse des caractéristiques objectives extérieures de ces vis. À ce titre, la Commission attache une importance décisive au fait que, selon elle, les vis en cause au principal « correspondent parfaitement » à des vis ordinaires. Ainsi, la Commission dénie toute pertinence à la destination de ces vis, à savoir leur utilisation en traumatologie. Les vis en cause au principal devraient donc être considérées comme des « parties
et fournitures d’emploi général en métaux communs » et ne pourraient pas, en application de la note 1, sous f), du chapitre 90 de la NC, être classées dans la position 9021 de celle-ci. Partant, la Commission propose de classer les vis en cause au principal en fonction de leur composition physique, à savoir dans la position 7318 de la NC pour les vis en acier et dans la position 8108 de la NC pour les vis en alliage de titane.
39 À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché d’une manière générale dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres (voir, notamment, arrêt du 18 mai 2011, Delphi Deutschland, C‑423/10,
EU:C:2011:315, point 23).
40 En outre, selon une jurisprudence également établie, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classement pour autant qu’elle est inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives de celui-ci (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2010, Premis Medical, C‑273/09, EU:C:2010:809, point 43).
41 En l’occurrence, il ressort des constatations factuelles effectuées par la juridiction de renvoi, telles que rappelées au point 29 du présent arrêt, que les vis en cause au principal disposent d’une tête de forme spécifique spécialement adaptée aux instruments médicaux de fixation, d’un filetage spécialement conçu pour s’insérer dans l’os et pour diminuer le risque d’inflammation ainsi que d’un traitement spécial visant à minimiser les risques de rejet.
42 Par ailleurs, il n’est pas contesté que lesdites vis sont développées spécialement pour être implantées dans l’organisme afin de fixer, respectivement, soit une articulation artificielle, soit des os ou des parties d’os.
43 En outre, force est de constater que des produits tels que ceux en cause au principal ne sont visés explicitement ni par le libellé des positions de la NC ni par celui des notes de sections ou de chapitres de cette dernière.
44 Il convient, néanmoins, de remarquer que le libellé de la position 9021 de la NC mentionne, notamment, les articles et les appareils pour fractures.
45 À cet égard, d’une part les notes explicatives du SH et, d’autre part, celles de la NC apportent des indications utiles pour le classement tarifaire de produits tels que ceux en cause au principal, même si de telles notes explicatives revêtent un caractère interprétatif et n’ont pas force obligatoire de droit (voir, arrêt du 27 avril 2006, Kawasaki Motors Europe, C‑15/05, EU:C:2006:259, point 37 et jurisprudence citée).
46 En premier lieu et tout d’abord, la note explicative du SH relative au chapitre 90, telle que rappelée au point 13 du présent arrêt, précise que les produits relevant de ce chapitre se caractérisent par le fini de leur fabrication et leur grande précision, de telle sorte que la plupart de ces produits sont utilisés, notamment, à des fins médicales.
47 Ainsi sont à classer dans la position 9021 de la NC des produits qui se caractérisent essentiellement par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ce qui les distinguent de produits ordinaires (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2002, Lohmann et Medi Bayreuth, C‑260/00 à C‑263/00, EU:C:2002:637, point 37).
48 Ensuite, selon le point 2 des notes explicatives du SH relatives à la position 9021, les articles ou les appareils pour fracture « servent à immobiliser les parties du corps atteintes [...] ou à réduire les fractures ». Relèvent également de cette position « les plaques, broches etc., introduites dans le corps par les chirurgiens pour tenir juxtaposées les deux parties d’un os cassé ou pour le traitement similaire des fractures ».
49 Enfin, la note explicative de la sous‑position 9021 39 90 de la NC précise que relèvent de cette position « les plaques qui restent à demeure dans l’organisme (par exemple pour remplacer une partie d’os ou un os entier) ».
50 Il découle de ce qui précède que sont à classer dans la position 9021 de la NC les produits qui se caractérisent par le fini de leur fabrication et leur grande précision et qui sont susceptibles d’être implantés dans l’organisme en vue d’immobiliser les parties du corps atteintes ou de réduire des fractures, ce qui, par voie de conséquence, les distinguent de produits ordinaires.
51 En deuxième lieu, parmi les critères susceptibles de différencier des produits simples ou ordinaires de ceux répondant à une fonction médicale figurent, notamment, le critère tenant à la méthode de fabrication du produit concerné ainsi que celui tenant à la spécificité de la fonction dudit produit (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2002, Lohmann et Medi Bayreuth, C‑260/00 à C‑263/00, EU:C:2002:637, point 39).
52 S’agissant de la méthode de fabrication du produit, il ressort des constatations factuelles opérées par la juridiction de renvoi que les vis d’implants médicaux en cause au principal sont conçues de telle sorte que, en raison de la forme spécifique de leur tête, elles ne peuvent être installées dans le corps qu’au moyen d’instruments médicaux spécifiques et non avec des instruments ordinaires. En outre, le matériau utilisé pour ces vis en acier inoxydable ou en titane est spécialement conçu pour
minimiser les risques de rejet.
53 Quant à la spécificité de la fonction du produit, il ressort également de la décision de renvoi que les vis d’implants médicaux en cause au principal ont exclusivement pour fonction de juxtaposer entre elles deux parties d’un os cassé ou de fixer une articulation artificielle.
54 Force est ainsi de constater que des produits tels que ceux en cause au principal se distinguent de produits ordinaires par le fini de leur fabrication et leur grande précision compte tenu de leur méthode de fabrication ainsi que de la spécificité de leur fonction. Il n’y a donc pas lieu, contrairement à ce que soutient la Commission, d’attacher une importance déterminante à l’aspect extérieur des vis d’implants médicaux telles que celles en cause au principal.
55 Dès lors, il résulte des caractéristiques et des propriétés objectives de vis d’implant médical telles que celles en cause au principal, que de tels produits sont susceptibles de relever de la position 9021 de la NC.
56 En troisième lieu, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 39 à 55 du présent arrêt, les vis telles que celles en cause au principal doivent, compte tenu de leurs caractéristiques et de leurs propriétés objectives, être classées dans la position 9021 de la NC en tant qu’articles pour fracture, elles ne peuvent pas être classées dans les positions 7318 et 8108 de la NC et ne relèvent pas des « parties et fournitures d’emploi général » au sens de la note 1, sous f), du chapitre 90 et de la
note 2, sous a), de la section XV de la NC.
57 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question posée que la NC doit être interprétée en ce sens que relèvent de la position 9021 de celle-ci des vis d’implants médicaux telles que celles en cause au principal, dans la mesure où ces produits présentent des caractéristiques qui les distinguent de produits ordinaires par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ainsi que par leur méthode de fabrication et la spécificité de leur
fonction. En particulier, le fait que des vis d’implants médicaux telles que celles en cause au principal ne puissent être installées dans le corps qu’au moyen d’instruments médicaux spécifiques, et non avec des instruments ordinaires, constitue une caractéristique à prendre en considération afin de distinguer ces vis d’implants médicaux de produits ordinaires.
Sur la seconde question
58 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement d’exécution no 1212/2014 est valide.
59 Il ressort de la jurisprudence, d’une part, qu’un règlement de classement est adopté par la Commission lorsque le classement dans la NC d’un produit particulier est susceptible de poser une difficulté ou de faire l’objet d’une controverse et, d’autre part, qu’un tel règlement a une portée générale dès lors qu’il s’applique non pas à un opérateur particulier, mais à la généralité des produits identiques à celui qui a fait l’objet de ce classement (voir arrêt du 19 février 2009, Kamino
International Logistics, C‑376/07, EU:C:2009:105, point 63).
60 Or, il convient de constater, à l’instar de la Commission lors de l’audience, que le produit ayant fait l’objet d’un classement par le règlement d’exécution no 1212/2014 n’est pas identique aux vis d’implant médical en cause au principal eu égard à leurs caractéristiques objectives extérieures. En effet, la vis décrite dans l’annexe de ce règlement présente, entre autres, une longueur d’environ 12 mm, une tige d’un diamètre extérieur constant de 3 mm, une tête filetée et un filetage asymétrique,
tandis que les vis en cause au principal, telles que décrites dans la décision de renvoi, disposent de longueurs plus importantes, de tiges d’un diamètre plus important, de têtes non filetées et de filetages non asymétriques.
61 Certes, selon la jurisprudence, l’application par analogie d’un règlement de classement aux produits analogues à ceux visés par ce règlement favorise une interprétation cohérente de la NC ainsi que l’égalité de traitement des opérateurs (arrêt du 4 mars 2004, Krings, C‑130/02, EU:C:2004:122, point 35).
62 Toutefois, une telle application par analogie n’est pas nécessaire ni possible lorsque la Cour, par sa réponse à une question préjudicielle, a fourni à la juridiction de renvoi tous les éléments nécessaires pour le classement d’un produit dans la position idoine de la NC.
63 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
La position 9021 de la nomenclature combinée du tarif douanier commun, figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 1101/2014 de la Commission, du 16 octobre 2014, doit être interprétée en ce sens que relèvent de celle-ci des vis d’implants médicaux telles que celles en cause au principal, dans la mesure où ces produits
présentent des caractéristiques qui les distinguent de produits ordinaires par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ainsi que par leur méthode de fabrication et la spécificité de leur fonction. En particulier, le fait que des vis d’implant médical telles que celles en cause au principal ne puissent être installées dans le corps qu’au moyen d’instruments médicaux spécifiques, et non avec des instruments ordinaires, constitue une caractéristique à prendre en considération afin de
distinguer ces vis d’implants médicaux de produits ordinaires.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.